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ALLER A LA TABLE DES MATIERES DE L'ALCHIMIE

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 
 

 

 

 


 

p127 V. — FIGURES D’APPAREILS ET AUTRES OBJETS

Les manuscrits alchimiques renferment un certain nombre de figures d’appareils et autres objets, destinés à faire comprendre les descriptions du texte. Ces figures offrent un grand intérêt. Quelques-unes ont varié d’ailleurs dans la suite des temps; sans doute parce que les expérimentateurs qui se servaient de ces traités en ont modifié les figures, suivant leurs pratiques actuelles. Le tout forme, avec les figures de fourneaux et appareils d’une époque plus récente, tels qu’ils sont reproduits dans la Bibliotheca Chemica de Manget, un ensemble très important pour l’histoire de la Chimie. Je me bornerai à étudier les plus vieux de ces appareils; car ce serait sortir du sujet de la présente publication que d’en discuter la suite et la filiation jusqu’aux temps modernes; il serait d’ailleurs nécessaire, de rechercher les intermédiaires chez les Arabes et les auteurs latins du moyen âge.

Les figures symboliques mériteraient à cet égard une attention particulière, par leur corrélation avec certains textes de Zosime, dans son traité sur la vertu, etc. Je citerai, par exemple, de très beaux dessins coloriés, contenus dans le manuscrit latin 7147 de la Bibliothèque nationale de Paris, représentant les métaux et les divers corps, sous l’image d’hommes et de rois, renfermés au sein des fioles où se passent les opérations (fol. 80, 81 et suivants). Dans la Bibl. Chemica de Manget, on voit aussi des figures du même genre (t. I, p. 938, pl. 2, 8, 11, 13, etc.; Genève, 1702). Il y a là une tradition mystique, qui remonte très haut et sans doute jusqu’au symbolisme des vieilles divinités planétaires.

Mais ce côté du sujet est moins intéressant pour notre science chimique que la connaissance positive des appareils eux-moines. En ce qui touche ceux-ci, je ne veux pas sortir aujourd’hui de l’étude des alchimistes grecs. J’ai relevé tous les dessins qui se trouvent dans le manuscrit de Saint Marc (xie siècle), dans le manuscrit 2325 de la Bibliothèque nationale (xiiie siècle), p128 et dans le manuscrit 2327 (xve siècle), ainsi que dans les manuscrits 2249, 2250 à 2252, 2275, 2329, enfin dans les deux manuscrits alchimiques grecs de Leide et dans le manuscrit grec principal du Vatican. J’ai fait exécuter des photogravures de ceux de Paris et de celui de Venise, afin d’éviter toute incertitude d’interprétation. Ce sont ces figures qui vont être transcrites ici : on y renverra dans l’occasion, lors de l’impression des textes correspondants.

Figures du manuscrit de Saint Marc.

Je donnerai d’abord les figures les plus anciennes, celles du manuscrit de Saint Marc, savoir :

La Chrysopée de Cléopâtre, formée de plusieurs parties corrélatives les unes des autres, les unes d’ordre pratique et les autres d’ordre mystique ou magiques : c’est la figure 11.

La figure 12 en est l’imitation grossière (partielle), tirée du manuscrit 2325, et la figure 13, tirée du manuscrit 2327, dérive du même type, avec des variantes considérables et caractéristiques.

Les figures 14 et 14 bis reproduisent l’alambic à deux récipients (dibicos), déjà dessiné dans les précédentes, mais avec diverses variantes.

La figure 15 est celle de l’alambic à trois récipients (tribicos).

La figure 16 représente un appareil distillatoire, sans dôme ou condensateur supérieur, et muni d’un seul récipient.

La figure 17 est celle du tribicos, d’après le manuscrit 2325.

La figure 18 a l’apparence d’une chaudière distillatoire.

La figure 19, à peine ébauchée, semble le chapiteau d’un appareil analogue.

Les figures 20 et 21 sont des appareils à digestion, en forme de cylindres.

La figure 22 est un bain-marie à kérotakis (palette pour amollir les métaux).

La figure 23 en est la reproduction, d’après le manuscrit 2325.

La figure 24 est un autre bain-marie à kérotakis.

p129 Les figures 25, 26, 27 reproduisent des variantes et détails des appareils précédents.

Le manuscrit de Saint Marc ne renferme pas seulement des figures d’appareils, mais aussi divers dessins mystiques ou magiques, comme la Chrysopée de Cléopâtre en a déjà fourni l’exemple: je les ai fait également reproduire.

Ce sont:

Fig. 28: la formule de l’écrevisse (ou du scorpion), qui semble résumer une transmutation.

Fig. 29: deux alphabets magiques ou cryptographiques.

Fig. 30: le Labyrinthe de Salomon, d’une écriture plus moderne.

Fig. 31 : un symbole en forme de cœur renversé, contenant le signe de l’or, du mercure, etc.

La plupart de ces figures du manuscrit de Saint Marc ont été recopiées dans le manuscrit 2249 de la Bibliothèque Nationale de Paris; dans le Voss, de Leide, dans le principal manuscrit du Vatican et dans divers autres; quelques-unes ont été imitées d’après les manuscrits 2249 et autres, dans l’histoire de la Chimie de Hœfer et dans les Beiträge de H. Kopp. Il m’a paru intéressant d’en donner les types originaux et complets, tels qu’ils ont été dessinés à la fin du xe ou au commencement du xie siècle, sans nul doute d’après une tradition beaucoup plus vieille; car ils répondent exactement aux descriptions de Zosime, de Synésius et d’Olympiodore l’alchimiste. Je les rassemblerai donc tous ici bien que certains d’entre eux s’appliquent à des traités qui paraîtront seulement dans les livraisons suivantes: remarque applicable aussi aux figures tirées des manuscrits 2325 et 2327, dont il va être question.

Le manuscrit 2327, en effet, a été écrit en 1478, quatre ou cinq siècles après le manuscrit de Saint Marc; les figures des mimes appareils y reparaissent, mais profondément modifiées; elles ne répondent plus exactement au texte, mais sans doute à des pratiques postérieures.

Le manuscrit 2325 (xiiie siècle) reproduit au contraire les formes des appareils du manuscrit de Saint Marc, quoique avec des variantes importantes.

p130 Figures du manuscrit 2327.

Dans le manuscrit 2327, on trouve, outre la figure 13 déjà présentée, deux grandes figures du serpent Ouroboros, variantes développées de celle de la Chrysope de Cléopâtre. Il suffira d’en donner une seule: c’est la figure 34.

La figure 35 reproduit le signe d’Hermès, grossièrement dessiné, d’après le même manuscrit.

La figure 36 est celle de quatre Images géométriques, d’après les manuscrits 2325 et 2327.

La figure 32 est un dessin mystique, tiré du manuscrit 2327.

La figure 33, tirée du manuscrit 2325, reproduit le même dessin. Ce dessin singulier semble une variante du symbole cordiforme de la figure 31.

Les figures qui suivent représentent des appareils; elles sont tirées des manuscrits 2325 et 2327, mais dessinées d’une façon bien plus grossière que dans le manuscrit de Saint Marc.

Ainsi la figure 37 comprend l’alambic à trois récipients (tribicos de la fig. 17); plus un alambic à un seul récipient, et des vases à digestion.

La figure 38 reproduit quelques variantes de la précédente.

La figure 39 est tirée du manuscrit Ru. 6 de Leide : c’est un vase à digestion et à sublimation, correspondant à l’un de ceux des figures 37 et 38.

La figure 40, tirée de la Bibliotheca Chemica de Manget, est l’aludel décrit dans Geber; instrument qui répond de très près aux figures 38 et 39 et en donne l’interprétation.

La figure 41 représente un petit alambic, tiré du manuscrit 2327.

La figure 42, l’alambic de Synésius, d’après le même manuscrit.

La figure 43, le mime alambic de Synésius, d’après le manuscrit 232S.

La figure est une simple fiole (2327).

La figure 45, un alambic avec appendice à 6 pointes (2327).

p131 Figures du manuscrit 2325

Enumérons spécialement les figures du manuscrit 2325, figures dont plusieurs viennent d’être transcrites. On y trouve :

L’alambic de Synésius, qui forme la figure 43.

Le dessin mystique de la 3e leçon de Stephanus (fol. 46, verso; représenté figure 33);

On y voit aussi les quatre dessins géométriques (fol. 3) de la figure 36;

Ainsi que (fol. 83) la formule de l’Écrevisse de la figure 28.

Puis vient un alambic à une pointe, avec deux petits appareils à fixation (01), dessinés dans la figure 12, qui répond à la figure i z de Saint Marc.

Citons aussi le tribicos, dont nous avons reproduit les variantes (fig. 17, 37 et 38): le tout répond à la figure 13;

Quant à l’appareil distillatoire de la figure 16, qui se trouve aussi dans le manuscrit 2325, il nous a paru Inutile de le reproduire.

Nous avons donné, toujours d’après le manuscrit 2325, un appareil à digestion, sphérique et à kérotakis (fig. 23); qui répond à la figure 22, tirée de Saint Marc.

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Telle est l’énumération des figures différentes qui sont dessinées dans les manuscrits fondamentaux. J’ai cru devoir les reproduire toutes, afin de fournir un fondement solide à la double étude technique et historique des appareils et des opérations décrits dans les textes.

Je vais transcrire maintenant ces figures, en accompagnant chacune d’elles de commentaires et de renseignements spéciaux.

Figure 11. —Elle est reproduite en photogravure, d’après le manuscrit de Saint Marc (fol. z88, verso), avec une réduction d’un cinquième environ. Elle porte le titre de Chrysopée de Cléopâtre, Κλεοπάτρης Χρυσοποιία. p132

Figure 11. — Chrysopée de Cléopâtre.

p133 Commentons les diverses portions de cette grande figure:

1° Au-dessous du titre se trouve un premier dessin, formé de trois cercles concentriques. Au centre des cercles, les signes de l’or, de l’argent (avec un petit appendice) et du mercure.

Dans l’anneau intérieur: Εἰς ἐστιν ὁ )όφις ὁ ἔχων τὸν ἰὸν μετὰ δύο συνθέματα : « le serpent est un, celui qui a le venin, après les deux emblèmes. »

Dans l’anneau extérieur: Ἓν τὸ πᾶν καὶ δι' αὐτοῦ τὸ πᾶν καὶ εἰς αὐτὸ τὸ πᾶν καὶ εἰ μὴ ἒχοι τὸ πᾶν οὐδέν ἐστιν τὸ πᾶν (02).

« Un est le tout et par lui le tout et vers lui le tout; et si le tout ne contient pas le tout, le tout n’est rien. »

A droite, le cercle extérieur se prolonge par une sorte de queue, qui montre que ce système est la figuration du serpent mystique.

2° Puis viennent divers appendices et signes d’apparence magique, situés à droite, dont la signification est inconnue. Cependant je serais porté à rapprocher Le double cercle incomplet, muni de huit appendices supérieurs, du signe de l’Écrevisse à huit pattes antérieures, dessiné figure 28; lequel est traduit par les mots: molybdochalque (alliage de plomb et de cuivre) brûlé, et argyrochalque (alliage de cuivre et d’argent) brûlé. Ces signes seraient alors les symboles chimiques d’une opération de transmutation du plomb en argent, de même que ceux de la figure 28.

Au-dessous des grands cercles sont des signes répondant à des opérations chimiques, exécutées dans certains appareils que je vais énumérer.

3° Tel est le petit dessin central, représentant un appareil pour fixer les métaux. Il est posé sur un bain-marie, muni de deux pieds recourbés et placé lui-même au-dessus d’un fourneau. Cet appareil est pourvu d’un tube central qui le surmonte, tube destiné sans doute au départ des gaz ou des vapeurs. Ce dessin est reproduit d’une façon plus précise, avec le mot phxiV sur le folio 220 du manuscrit 2327 (v. fig. 13, à droite).

4° Le petit dessin, situé à gauche du précédent, représente un appareil analogue, avec un ballon supérieur, destiné à recevoir les vapeurs dégagées par la pointe du tube. Le tout répond à l’alambic de gauche de la figure 13.

5° Les deux petits cercles, situés à droite et munis de trois appendices p134 rectilignes, semblent représenter des appareils avec leurs trépieds posés sur le feu; tels que celui de gauche des figures 13 et 38. On pourrait en rapprocher aussi. le symbole du botarion (fig. 5, l. 4 et fig. 7, l. 27), représentant un vase à digestion sur son fourneau, analogue au dessin situé gauche et en bas de la figure 37 et au dessus situé à droite de la fig. 38.

6° Le cercle intérieur, muni d’un point central, symbolise l’œuf philosophique (?), ou le cinabre (Voir fig. 4, Pl. II, l. 13, et la note de la page 122).

7° Vers le bas à gauche, est figuré le serpent Ouroboros, avec l’axiome central: Ἓν τὸ πᾶν, le tout est un.

8° Sur le côté droit du serpent, un grand alambic à deux pointes (dibicos), posé sur son fourneau, lequel porte le met φῶτα, feux. Le récipient inférieur, ou chaudière, s’appelle λωπάς, matras. Le récipient supérieur, dôme ou chapiteau, est la φιάλη, mot qui signifiait autrefois tasse ou coupe mais qui a ici le sens plus moderne de fiole ou ballon renversé.

Voici l’usage de cet alambic. La vapeur monte du matras, par un large tube, dans l’ouverture plus étroite du chapiteau ou ballon renversé; elle s’y condense et s’échappe goutte à goutte, par deux tubes coniques et inclinés. A côté du tube gauche, se trouvent, les mots ἀνίχειρος σολήν (sic) tube du pouce, ou plutôt contre-tube ; attendu que le rôle de ce tube descendant est inverse du rôle du tube ascendant, qui joint le matras su chapiteau.

La figure de la Chrysopée de Cléopâtre existe, sous le même titre et avec ses diverses portions essentielles, dans les manuscrits copiés directement sur celui de Saint Marc; elle en caractérise la filiation.

Dans les manuscrits 2325, 2327 et dans leurs dérivés, le titre a disparu; mais la figure subsiste encore, moins belle et moins nette, avec les axiomes mystiques qui la caractérisent. Les annexes : alambic à une ou deux pointes, vases à fixation et trépied, y ont été aussi modifiés dans leur forme. Cependant le tout existe à la même place du texte, c’est-è-dire en tête des ouvrages de Zosime sur les instruments (2327, fol. 220; 2325, fol. 82).

Figure 12. — Je donne ici le décalque des appareils représentés dans le manuscrit 2325 (fin du xiiie siècle) : ces dessins sont bien plus grossiers.

Je n’ai pas cru utile de reproduire la figure même des trois cercles concentriques, qui sont à peu près pareils à ceux de la figure 11; mais je vais en indiquer les inscriptions, à cause des variantes.

p135 L’anneau extérieur porte la même inscription, à demi-effacée et avec des suppressions : ἓ τὸ πᾶν δι' αὐτὸ πᾶν (καὶ δι' οὗ τὸ πᾶν) πᾶν καὶ ἐν αὐτῷ τὸ πᾶν

Dans l’anneau intérieur, on lit : εἷς ἐστὶν ὁ ὄφις ὁ ἔχων τὰ δύο συνθέματα καὶ τὸν ἰόν.

Au centre de droite à gauche, on voit les signes de l’or, de l’argent, du mercure, du plomb. Au-dessus, le cinabre (ou l’œuf philosophique), qui se trouvait en dehors des cercles dans la figure du manuscrit de St Marc (6.). Venons maintenant à la portion du dessin du manuscrit 2325 que j’ai reproduite dans la figure 12:

Figure 12. — Alambic de vase à fixation (Décalque du Ms. 2325.)

A gauche des cercles, on voit l’image grossière d’un alambic à une pointe, avec condensateur supérieur et matras inférieur, le tout de la même forme générale que la portion 8° de la figure du manuscrit de St Marc. A côté, deux appareils à fixation, à pointe tournée vers le haut, lesquels sont évidemment imités des portions 3° et 4° de la fig. 11. Il en est de même d’un dernier reste du petit cercle à 3 appendices ou trépied, coupé dans le manuscrit 2325 par le relieur, mais qui se retrouve intact dans le manuscrit 2275, lequel a toute cette figure.

En effet, le manuscrit 2275 (daté de 1465) reproduit les cercles concentriques, l’alambic à une pointe, les 2 vases, et le petit trépied, pris avec des formes qui semblent fidèlement copiées sur le 2325, lequel est d’ailleurs beaucoup plus ancien.

p136 Figure 13. — Elle reproduit les dessins analogues du manuscrit 2327, fol. 220 (xve siècle). Les inscriptions des cercles concentriques sont identiques à celles du manuscrit 2325, sauf l’absence des symboles centraux.

Par contre, au folio 80 du 2327, au début d’une autre copie du même ouvrage de Zosime, les cercles concentriques ont été supprimés, probablement faute de place, par le copiste; mais il a transcrit à l’encre rouge les axiomes mystiques, suivis des signes du plomb, de l’argent, du mercure et de l’or, surmontés par celui du cinabre (ou de l’œuf), exactement comme dans le manuscrit 2325.

Au verso du fol. 80 (2327) existent les dessins de l’alambic à une pointe, avec condensateur supérieur, φιάλη, et matras, λωπάς, conformes à la figure 11 et à la figure 13 mais mutilés par le relieur. Sur la même page, on voit encore un appareil à fixation métallique, semblable à celui de la figure 13.

Il y a des inscriptions sur les divers appareils du folio 80, telles que πῆξις sur l’appareil à fixation; (καμ) ήνιον, sur son fourneau et sur celui de l’alambic; λωπάς, sur le matras de ce dernier; (φι) άλη deux fois répétés, sur son chapiteau.

 

Figure 13. — Cercle concentrique, Alambic et Vase à fixation (Ms. 2327).

La forme même des appareils dans les manuscrits 2325 et 2327 offre des variantes intéressantes pour l’histoire de la Science et sur lesquelles je reviendrai bientôt; mais ici je veux seulement montrer la filiation des p137 figures. En tout cas, la copie 2325 répond à une tradition postérieure à celle du prototype de Saint Marc, puisque le nom de la Chrysopée de Cléopâtre a disparu.

On remarque que presque toutes les portions de la Chrysopée de Cléopâtre: cercles mystiques, serpent Ouroboros, alambics, appareils à fixation, trépieds, cinabre, se retrouvent, parfois même agrandis, dans les figures des manuscrits postérieurs. Une seule partie manque, ce sont les signes magiques. Peut-être doit-on en voir la transformation dans la formule de l’Écrevisse, qui se trouve à la fin du même traité de Zosime et qui présente avec les signes magiques certaines analogies singulières. J’y reviendrai tout à l’heure.

En tout cas, la Chrysopée peut être regardée comme le prototype, sans doute fort ancien, des dessins des appareils alchimiques. C’était un type antérieur à Zosime, dessiné sans doute dans les ouvrages perdus de Cléopâtre, cette femme savante (03), à laquelle nous devons aussi un traité des poids et mesures gréco-égyptiens venu jusqu’à nous. Ces ouvrages auraient été ensuite fondus dans ceux de ses continuateurs, tels que Zosime. Peut-être même la Chrysopée avait-elle constitué, à une époque plus ancienne encore, un tableau symbolique, complet en soi, et que l’on développait par des explications purement orales; à peu près comme une page d’aujourd’hui remplie par les symboles des réactions chimiques et des appareils correspondants. Si cette conjecture est fondée, nous aurions ici la trace de divers états successifs de la science.

Figures 14 et 14 bis. — Ce sont celles d’un alambic à deux pointes. Elles sont tirées du manuscrit de Saint Marc, folio 193, verso. La forme générale est pareille à celle du même instrument dans la figure 11, sauf les variantes suivantes. Le tube qui joint le matras ou chapiteau est élargi en entonnoir à la partie supérieure; l’ajustement même des deux tubes coniques, par rapport à cet entonnoir, n’est pas clairement indiqué. Sous la pointe de chacun d’eux se trouve un petit ballon, pour recevoir les liquides distillés.

Le matras inférieur s’appelle toujours λωπάς, avec addition des mots θείου ἀπύρου, matras du soufre apyre. Ces deux mots manquent dans la figure 11; p138

Figures 14 et 14 bis, — Alambic à deux récipients (dibicos). Réduction aux 2/3.

p139 à moins qu’ils n’y soient représentés par deux signes inconnus, située au-dessous de λωπάς. En tout cas, ils concordent avec la description du texte, dans lequel il est dit que l’on mettait du soufre dans le matras.

Le tube ascendant porte les mots σωλὴν ὀστράκινος : tube de terre cuite. Le chapiteau ne s’appelle pas φιάλη mais βῆκος, pour βίκος: amphore. Les deux petits ballons destinés à recevoir les liquides distillés s’appellent également βιλίον et tous deux portent la légende : κείμενον ἐπάνω πλίνθου εἰς ὃ ἀπορρεῖ τὸ ὕδωρ τοῦ θείου, c’est-à-dire « le ballon placé au-dessus de la tablette rectangulaire, dans lequel s’écoule l’eau du soufre. »

Ceci, joint à l’inscription de la λωπάς, montre que cet alambic est destiné à la préparation de l’« eau de soufre ».

Cette figure est répétée deux fois dans le manuscrit de Saint Marc, sauf que les mots βικίον κείμενον sont remplacés par le pluriel βικία κείμενα, et le mot φῦτα par le mot καύστρα : fourneau à combustion ; les mots τοῦ θείου manquent la seconde fois.

Figure 15 (manuscrit de Saint Marc, fol. 194, verso). — Cette figure est p140 un alambic à trois récipients (βικία), ou tribicos. Le fourneau porte ici les deux mots superposés καύστρα: (lieu de la combustion) et φῶτα (lieu de la flamme). Le matras s’appelle de même : λωπὰς θείου ἀπύρου.

Enfin on distingue le tube ascendant, ou tube index, λιχανὸς σωλήν c’est-à-dire tube direct du tube, descendant ou tube du pouce, ἀντίχειρος σωλήν, c’est-à-dire tube inverse (par sa direction).

 

Figure 15. — Alambic à trois récipients (tribicos). Réduction aux 2/3.

Cette figure se retrouve dans les manuscrits 2325 et 2327 dans le dernier avec modifications considérables : je les signalerai tout à l’heure.

Figure 16. —Cette figure (manuscrit de Saint Marc, fol. 194 verso, au- dessous de la précédente), est un alambic à col de cuivre, χαλκίον, avec un seul tube, σωλήν, gros et fort, coudé à angle droit à sa partie supérieure et conduisant la vapeur, de la λωπάς au petit ballon.

Figure 16. — Appareil distillatoire. Réduction aux 2/3.

Figure 17. — Les deux figures précédentes sont reproduites dans la mime forme générale par le manuscrit 2325 (fol. 84), sauf quelques variantes; je donne seulement le tribicos. Il existe aussi dans le manuscrit 2275  p141 (fol. 57 verso). Les mêmes figures sont dessinées dans le manuscrit 2327; mais la forme en a été profondément modifiée et s’est rapprochée de celle des alambics de verre du siècle dernier, que l’on emploie encore quelquefois aujourd’hui. Je transcrirai ces reproductions un peu plus loin (fig. 37 et 38).

Figure 17. — Tribicos. (Ms 2325) Décalque.

Figure 18. — Elle se trouve au folio 10 du manuscrit de Saint Marc, entre la première et la deuxième leçon de Stephanus ; elle est dessinée à l’encre rouge et contemporaine du texte. La signification en est difficile à préciser p142 avec certitude. Cependant il semble qu’il s’agisse d’une chaudière à tête élargie en forme de

 

Figure 18. — Chaudière distillatoire.

chapiteau, et destinée à distiller des liquides qui tombent dans un bassin hémisphérique appelé πόντος : la mer. Ce bassin est porté sur une sorte de fourneau, bain de sable, ou bain-marie. A côté se trouve un instrument inconnu; à moins qu’il ne s’agisse d’une forme un peu différente de bain de sable. Le texte même de Stephanus, soit à la fin de la première leçon, laquelle est purement déclamatoire et enthousiaste, soit au début de la deuxième leçon, lequel est relatif aux propriétés mystiques de l’Unité numérique; ce texte, dis-je, ne m’a paru fournir aucune lumière pour l’intelligence de cette figure.

Figure 19. — Cette figure (manuscrit de Saint Marc, fol. 106 verso), est une ébauche à l’encre rouge, d’une écriture plus moderne; elle est en marge d’un article sur l’œuf philosophique, à côté des mots : to de (ici un mot gratté ὠοῦ ?), τούτο ὠμὸν λέγουσιν. Il semble que ce soit le chapiteau d’un alambic. On donne cette figure pour ne rien omettre.

Figure 19 — Ébauche d’alambic. Décalque.

Les alambics et appareils distillatoires, que nous venons d’étudier, se rattachent à la tradition de la Chrysopée de Cléopâtre, laquelle en contient les plus vieilles figures. Mais il est un autre ordre d’appareils, destinés ceux-ci au traitement des métaux par le mercure, le soufre, les sulfures d’arsenic appareils qui avaient été décrits spécialement par une autre femme, Marie l’Alchimiste, de préférence aux appareils distillatoires (manuscrit de Saint Marc, fol. 186, avant-dernière ligne). Ce sont les appareils à kérotakis, c’est-à-dire à palette, avec leurs fourneaux. Ces appareils n’existent pas dans la Chrysopée et semblent plus modernes; ils ont joué un rôle fort important dans le développement historique des pratiques alchimiques. Le passage rappelé plus haut montre que le traité de Zosime sur les instruments et fourneaux, dont nous possédons .des débris, embrassait, ainsi qu’il p143 arrive d’ordinaire dans les matières techniques, les traités antérieurs sur la même question, tels que ceux de Cléopâtre sur les alambics (v. p. 137) et ceux de Marie sur les appareils à kérotakis et leurs fourneaux.

Voici les, figures de ces derniers :

Figures 20 et 21. —Ces figures (manuscrit de Saint Marc, folio 196 verso), représentent des vases à digestion cylindrique, en terre cuite (ἄγγος ᾿πστράκινον, vase de terre), placés sur le feu (φῶτα).

Figure 20. — Vases à digestion cylindriques. — Réduction aux 2/3.

 Au-dessus du vase était posée une lame ou feuille métallique, κηροτακὶς, sur p144 laquelle on faisait fondre matières fusibles. La forme en était tantôt en parallélogramme et aplatie (fig. 22), avec les extrémités arrondies; tantôt triangulaire (fig. 24 bis). La κηροτακίς paraît n’être autre que la palette des peintres anciens,[1] qui y faisaient le mélange des couleurs, entre elles et avec la cire ; ils maintenaient la palette à une douce chaleur, afin d’opérer le mélange, et aussi au moment de s’en servir.

J’ai déjà insisté sur les analogies que l’on établissait alors[2] entre la teinture des métaux et celle des étoffes. Les quatre couleurs des peintres grecs, d’après Pline (H. N. XXXV, 31), étaient le blanc, le noir, le jaune, le rouge. Ce sont précisément les quatre couleurs des premiers alchimistes, de Zosime par exemple.[3] Ils cherchaient à en imprégner les métaux, en ramollissant ceux-ci.

Le mot ceratio (ἐγκήρωσις), employé par les traducteurs latins de Geber et qui a eu cours pendant tout le moyen âge, exprime cette dernière opération, imitée à la fois des pratiques des peintres anciens et de la fabrication de certains médicaments (cérats). Elle s’effectuait à laide du mercure, du soufre et de l’arsenic (sulfuré), par une digestion lente et une chaleur modérée.[4]

Aux débuts on opérait sur la palette des peintres (kérotakis) ; mais il fallut bientôt la pourvoir de deux appareils accessoires: l’un destiné à réchauffer les mixtures (bains-marie, bains de sable, de cendre ou analogues); l’autre, à condenser les vapeurs que l’on voulait retenir. C’était d’abord une coupe ou tasse (φιάλη) renversée, servant de couvercle (ἐπίτωμος), et dont la forme, modifiée graduellement est devenue le ballon ou fiole actuelle : le mot grec lui-même a pris peu à peu ce sens nouveau, dans les textes alchimiques. D’après certaines descriptions, il semble que la lame métallique n’ait pas seulement servi de support aux produits que l’on faisait réagir entre eux et sur les vapeurs sublimées d’en bas; mais cette lame éprouvait dans sa propre matière, la transformation produite par les fondants et par les vapeurs.

Pendant l’emploi d’un appareil disposé comme il vient d’être dit, une p145 nouvelle circonstance se présenta nécessairement. La kérotakis n’obturait pas l’orifice du récipient inférieur. Elle avait même parfois une forme triangulaire, à en juger d’après le dessin reproduit par la figure 24 bis. Dans ces conditions, les matières fusibles déposées sur la kérotakis coulaient à côté et tombaient au-dessous: on fut amené ainsi à placer un récipient (ἄγγος ὀστράκινον) pour les recevoir et les empêcher d’arriver jusqu’au foyer:

Il semble même que l’on ait cherché à ce moment à opérer une certaine séparation entre les matières solides, telles que métaux non ramollis, fragments divers, etc., et les matières liquéfiées; on y parvenait, soit à l’aide d’un ballon percé de trous (fig. 21), soit à l’aide d’un crible (fig. 20).

Les produits liquéfiés qui tombaient ainsi au fond se rapprochaient sans cesse du foyer (φῶτα). La même chose pouvait arriver au mercure liquide, condensé à la partie supérieure et retombant ensuite par son poids, voire même au soufre et aux sulfures d’arsenic fondus et coulant sur les parois, si la chaleur était suffisante. Mais ces dernières substances, aussi bien que les corps qui déterminaient la liquéfaction des métaux (mercure, soufre, sulfures d’arsenic et autres), en atteignant le fond, éprouvaient un nouveau changement. En effet, les matières sublimables contenues parmi ces corps et substances, lorsqu’elles arrivaient vers le fond de l’appareil, se trouvaient portées à une température élevée; elles se vaporisaient alors et remontaient vers les parties supérieures.

Le caractère rétrograde de cette opération, qui permettait aux vapeurs d’attaquer de nouveau le métal ou la substance placée sur la kérotakis, paraît avoir frappé les opérateurs: de là sans doute le nom de καρκίνος (écrevisse), c’est-à-dire appareil fonctionnant en sens rétrograde, donné à certains de ces appareils. De là aussi, ce semble, le signe de l’Écrevisse dans la formule de la figure 27, signe surmonté des mots : alliage de plomb et de cuivre brûlé; alliage d’argent et de cuivre brûlé. L’emploi de ces sublimations réitérées, pour blanchir le cuivre et pour amollir les métaux, c’est-à-dire per rem cerandam, est indiqué par les alchimistes du moyen-âge.

Supprimons la kérotakis dans de semblables appareils et nous aurons l’aludel, instrument de digestion et de sublimation décrit dans les œuvres de Geber et figuré dans La Bibliotheca Chemica de Manget (t. I, planche p146 répondant à la page 540). Les figures qui se trouvent dans ce dernier ouvrage tome I, au bas de la planche 5, p. 938, en haut de la planche 6 à gauche, ainsi qu’au milieu de la planche 14, paraissent avoir une destination analogue. Je citerai encore les dessins qui se trouvent aux folios 179 verso, 180, 181, du vieux et beau manuscrit latin 7156, sur parchemin, de la Bibliothèque nationale de Paris. Dans le manuscrit latin de la même Bibliothèque 7162, folio 64, on voit la figure d’un bain de sable (arena). Dans le manuscrit latin 7161 (fol. 58 et fol. 113 verso) existe la figure d’un appareil à digestion, sur son fourneau. Tous ces appareils correspondent à la suite d’une même tradition technique.

Observons ici que les appareils cylindriques pourvus de la kérotakis n’ont été employés que par les plus anciens alchimistes. Ils sont figurés seulement dans le manuscrit de Saint Marc et dans les copies qui en dérivent; mais ils n’existent ni dans le manuscrit 2325, ni dans le manuscrit 2275, ni dans le manuscrit 2327.

Figure 22. — Cette figure (manuscrit de Saint Marc, fol. 195 verso) est aussi un appareil à digestion, appareil sphérique et porté sur trois pieds. Au-dessous de la kérotakis et des vases à condensation supérieurs, il y

Figure 22. — Bain-marie kérotakis. — Réduit aux 2/3.

p147 existe un digesteur, distinct du foyer, et intermédiaire; le tout fut désigné sous le nom de fourneau de Marie l’alchimiste,[5] prototype de notre bain-marie.

Le digesteur dessiné sur cette même figure 22 est long dune palme, comme l’indiquent les mots παλαιστιαῖον καμίνιον. Il semble criblé de trous ; à moins qu’il ne s’agisse d’une ornementation superficielle. C’était là d’abord un bain de cendres, ou un bain de sable. Dans l’une des formules de dorure du Papyrus X de Leide, il est question aussi de l’emploi des cendres (formule 57, ce volume, p. 40).

La palette des préparations, φαρμακον κηροτακης (sic), offre ici de grandes dimensions. Elle est chauffée seulement au milieu.

Deux coupes inférieures, placées immédiatement sous la kérotakis, l’une grande et surmontant une coupe plus petite, reçoivent les matières fusibles.

Les produits sublimés sont récoltés dans deux condensateurs supérieurs, concentriques et successifs. L’un est appelé φιάλη (coupe); l’autre κυμβάνη (tasse).

Figure 23. — Cette figure, imitation de la précédente avec de légères p148 variantes, est reproduite d’après le

Figure 23. — Bain-marie à kérotakis (Ms. 2325). D’après Décalque.

manuscrit 2325, folio 84 recto. Elle existe aussi dans le manuscrit 2275, folio 57 verso.

Figure 24. —Cette figure (manuscrit de Saint Marc, fol. 196), est encore un appareil analogue aux précédents, sauf quelques variantes plus importantes.

Figure 24. — Autre bain-marie. — Réduction aux 2/3.

La palette porte deux coupes inférieures vers ses extrémités. Dans la coupe supérieure (jialh), on lit le mot baqoV (cavité).

Figure 24 bis. — Au-dessous, se trouve la kérotakis, ou palette triangulaire.

Figure 24 bis. — Kérotakis. — Réduction aux 2/3.

C’est une seconde forme de cet instrument, distincte de celles qui sont représentées figures 22 et 25.

Figure 25. — Cette figure (manuscrit de Saint Marc, fol. 112 en marge) représente une disposition différente de l’appareil à digestion sphérique.

Figure 25. —Vase à kérotakis. — Décalque.
Les inscriptions sont reproduites ici en caractères actuels,
mais avec l’orthographe du manuscrit. — Réduction aux 2/3.

p149 Ce dessin et les deux suivants se trouvent à la fin de l’article: Τοῦ χριστιανοῦ περὶ εὐσταθεάς τοῦ χρυσοῦ, en marge; ils sont d’une écriture postérieure au texte courant et presque effacée. Ils paraissent répondre à une description d’appareils, qui forme le dernier paragraphe de cet article.

A côté de la figure 25 se trouve le mot κάμινος; au-dessous on lit, en caractères du xvie siècle, une inscription devenue presque illisible, mais dont les lettres restées distinctes répondent sans nulle incertitude au texte suivant : καρκίνις δ' ἐπὶ λευκώσεως· κεῖται δ' ὁ λόγος ἔμπροσθεν c’est-à-dire « écrevisse pour le blanchiment; l’explication se trouve au-dessus du texte précédent[6] ».

p150 Ce texte précis est tiré du manuscrit 1174 du Vatican, où il accompagne deux dessins à peu près identiques aux figures 25 et 27 ; sa comparaison avec les lettres non effacées du manuscrit de Saint Marc ne laisse aucun doute sur le sens des mots formés par ces dernières.

Le même appareil est grossièrement dessiné dans le manuscrit 2275, folio 57 verso, avec une inscription similaire. Il existe également dans le manuscrit 2325 (fol. 84), avec la même inscription, laquelle se reconnaît encore, quoique effacée aux trois quarts. Enfin il existe dans un manuscrit grec de Leide. (Voss. In 4°, n° 47, fol. 55 verso).

Le texte que je viens de transcrire semble indiquer un appareil destiné à une opération rétrograde, c’est-à-dire telle que les produits tombés au fond par fusion remontent par volatilisation à la partie supérieure. Il est probable qu’il s’agit de la sublimation du mercure, ou de l’arsenic, destinés à blanchir le cuivre, en s’alliant à lui (p. 145).

La légende intérieure de la figure 25 est plus lisible que l’inscription placée à côté; l’écriture semble également répondre au xvie siècle, avec un iotacisme poussé à l’extrême: φιλάϊ remplaçant φιάλη, κυροτακίς remplaçant κηροτακίς, etc.

Remarquons que ce dessin ressemble aux figures 22, 23 et 24, sauf quelques variantes plus compliquées. Le système repose de même sur un vase à digestion. L’une des coupes supérieures est en terre : (ἄγγος) ὀστράκινον; c’est une grande coupe, désignée à l’intérieur sous le nom de ὀξιβάφιον (saucière).

Figure 26. — Les deux condensateurs supérieurs des figures 25 et 27 sont dessinés à côté séparément, avec

Figure 26. — Récipients supérieurs des figures 25 et 27.
Décalque. — Réduction aux 2/3. — Caractères actuels.

le mot λωπάς pour le plus grand, et un nom abrégé pour le plus petit, situé au-dessous. Ce mot semble être p151 iou abréviation avec iotacisme, remplaçant couvercle percé de trous.

Figure 27. — Dans ce dessin il n’y a pas de vase à digestion et l’action du foyer s’exerce directement. Le mot κυροτακίς est inscrit sur la portion verticale du dessin, au-dessus du feu; mais il est probable que c’est faute de place pour l’inscrire sur la partie horizontale et supérieure. Cet appareil doit être rapproché des figures 20 et 21, c’est-à-dire des aludels, plutôt que des bains-marie des figures 22, 23, 24 et 25.

Figure 27. — Autre vase kérotakis.
Décalque — Réduction aux 2/3.

Les Inscriptions sont reproduites en caractères actuels.

Les appareils 25, 26 et 27 n’existaient pas sur le manuscrit initial de Saint Marc; ils ont été ajoutés plus tard, vers le xvie siècle, sans doute, d’après un autre manuscrit comparable au 2325 (xiiie siècle), mais qui n’existe plus.

Les dessins multipliés de ces appareils à κηροτακίς, dans les divers manuscrits, montrent que ces appareils ont été d’un usage étendu et prolongé. Ils représentent les premiers essais de bains-marie, bains de sable, et surtout bains de cendre, employés même aujourd’hui dans nos laboratoires pour les digestions. Mais c’étaient à l’origine des appareils beaucoup plus compliqués et où s’opéraient à la fois certaines séparations de substances, par fusion et sublimation, et certaines réactions lentes des produits fondus ou sublimés, entre eux, ou sur d’autres matières placées dans les appareils.— Il est probable qu’il serait possible de retrouver d’autres traces de ces appareils p152 dans les pharmacopées du moyen âge; peut-être même existent-ils encore quelque part en Orient. Cependant il est digne de remarque qu’ils ont disparu dans le manuscrit 2327, pour faire place à des digesteurs d’une toute autre forme, sans doute inventés postérieurement, et que nous examinerons tout à l’heure.

Nous avons donné toutes les figures relatives aux appareils du manuscrit de Saint Marc ; joignons-en quelques autres, d’un caractère différent.

Figure 28. — Il s’agit d’abord de la formule de l’Écrevisse, ou du Scorpion, formule mystérieuse, qui était

Figure 28. — Formule de l’Ecrevisse. — Réduction aux 2/3.

réputée contenir le secret de la transmutation. Elle se trouve[7] à la fin des Mémoires de Zosime (manuscrit de Saint Marc, fol. 193). Son interprétation est donnée, en même temps que sa répétition, sur la première page de garde du manuscrit de Saint Marc, dans un texte dune autre écriture, plus moderne (xive siècle) que le reste. Le tout se trouve aussi dans le manuscrit de Leide, Voss., in 4°, n° 47, fol. 70.

La première page de Saint Marc débute par la description du traitement des scories, lequel paraît se rapporter au changement d’une scorie noire et métallique, telle que celle du plomb, en un composé blanc (carbonate ou sulfate), sous l’influence prolongée de l’eau et de l’air. La description, écrite dans un grec barbare, se termine par ces mots: « Ainsi a été accomplie avec le secours de Dieu, la pratique de Justinien. » (Texte grec, II, iv bis, appendice I). Puis viennent le nom de la tutie, ou oxyde de zinc impur, suivi par des mots magiques, analogues à ceux qui figurent dans les Papyrus de Leide, dans Jamblique et dans le manuscrit 2419.

p153 Les voici:

Τουτία μαραζὴ· ασενκὴρ. αζὴ. νανπράτετ. μηρηχανῆτ. χαντήτ. μουχάναρ. πουμὰν. ναιμαρὶχ. τεχμηριζοχρὰ. ροσουχ. ταρὴτ. χηλσὶ. χηρσί. τζιάλπησιν. παρά. κολπαχσρί.

Il semble que ce soient là des formules que l’on récitait au moment du traitement de la tutie, minerai de zinc (mêlé de plomb et de cuivre) employé dans l’opération de la diplosis, c’est-à-dire de la transmutation. En effet, à la suite, se trouve la formule de l’Ecrevisse, surmontée de mots qui en interprètent chacun des signes.[8] J’ai numéroté les signes dans la figure, pour donner plus de clarté aux explications.

Le premier signe (n° 1) se traduit (fig. 8, Pl. VI, l. 24) par σημεῖον ou σημείωσαι = notez : c’est un signe employé fréquemment à la marge des manuscrits, pour désigner un passage important. Au-dessus, ce signe.est ici répété, avec le mot παῖ ; c’est-à-dire : Attention! initié.

Le second signe (n° 2) est traduit au-dessus par τὸ πᾶν ce qui veut dire la composition ou le mélange complet. Ce mot signifie aussi le molybdochalque (plomb et cuivre, sans doute associés au zinc), d’après un passage de Zosime. Cet alliage métallique résultait en effet de la réduction de la cadmie ou de la tutie impure, substance dérivée du grillage de certains sulfures métalliques et qui semble avoir été désignée parfois, en extension d’une dénomination appliquée à ces sulfures eux-mêmes, par le nom de magnésie. On peut le conclure avec probabilité, d’après un passage de Geber sur les esprits ou matières volatiles, et d’après quelques textes des alchimistes grecs.

Le troisième signe 3 est celui du cuivre. Il est traduit au-dessus par χαλκοῦ ἰὸς : la rouille du cuivre. On introduisait sans doute cette rouille dans le mélange contenant de la tutie, avec l’intention d’y augmenter la dose du cuivre : ce qui rapprochait la teinte de l’alliage de la couleur de l’or.

p154 Le quatrième signe (n° 4) répond à celui du cuivre, deux fois répété et assemblé par le signe du plomb ; ainsi que le montre la traduction superposée : μολιβόχαλκος κεκαυμένος, molybdochalque (cuivre-plomb) brûlé.

Le cinquième signe (n° 5) est celui de l’Écrevisse, ou du Scorpion, pourvu de huit pattes antérieures. Dans certains manuscrits (Saint Marc), la queue se termine par un dard, à la façon du Scorpion; dans d’autres (2325 et 2327 par exemple), par un demi-cercle, formant une sorte de pince. Ce signe porte au-dessus les mots: ἀργυρόχαλκος κεκαυμένος καὶ πεγηγμένος. Mais le dernier mot correspond au sixième signe. Le tout veut dire argyrochalque (cuivre-argent) brûlé et fixé.

Le signe de l’Écrevisse se rapporte probablement à l’opération par laquelle on préparait un semblable alliage, formé avec le cuivre uni au plomb que l’on prétendait changer en argent, sans doute en le blanchissant de façon à lui donner la couleur de l’argent. Si cette interprétation était acceptée, il s’agirait d’un blanchiment par le mercure ou par l’arsenic, blanchiment opéré per sublimation et opération rétrograde dans l’appareil appelé καρκίνος, lequel est représenté par la figure 25. On justifierait ainsi le signe de l’Écrevisse, appliqué à la fabrication de l’alliage actuel.

Le septième signe (n° 7) est traduit par ἐμέριτος (divisé en parties ?), — mot dont le sens est incertain.

Le huitième signe (n° 8) par δραγμαὶ : dragme (poids).

Le neuvième signe (n° 9) signifie 14, et s’applique probablement au poids dont l’unité vient d’être indiquée : soit 14 dragmes.

Le dixième signe (n° 10) est une abréviation, traduite par τιτανος χαλκὸς τὸ πᾶν ὄστρακον : chaux-cuivre (peut-être en un seul mot), toute la coquille (de l’œuf philosophique).

Le onzième signe (n° 11) est traduit par τὸ πᾶν ὄστρακον, qui répète les derniers mots du signe précédent.

Le douzième signe (n° 12) est traduit par τίτανος et est suivi par

Le treizième (n° 13) χαλκοῦ : de cuivre : mot à mot, chaux de cuivre.

Puis viennent en caractères ordinaires, les mots à ὁ νοήσας μακάριος : celui qui aura compris sera heureux.

Dans cette formule, il s’agit de divers alliages et oxydes métalliques, ainsi p155 que de l’œuf philosophique. Mais elle ne présente pas par elle-même un sens défini. C’était sans doute un mémento hiéroglyphique, destiné à être complété par des explications orales. Elle figure dans un traité de Zosime, et semble le dernier débris d’un ancien symbolisme, antérieur aux écrits alchimiques explicites que nous possédons, et qui représenterait le mode le plus ancien de la transmission traditionnelle de la science (v. p. 137). Le sens a dû s’en conserver longtemps par tradition orale, comme le prouve le fait même de sa transcription sur la première feuille de garde du manuscrit, avec des formules magiques, que l’on prononçait sans doute pendant certaines des opérations. Une partie de ces dernières est même indiquée par le texte qui précède, lequel semble relatif au traitement des scories de plomb; puis viennent les mots magiques et la formule.

Au-dessous, toujours sur la même page de garde, se trouve reproduit un passage correspondant d’Olympiodore sur les scories : « Sachez que les scories dont on parle ci-dessus sont tout le mystère, etc. ». Ce passage est imprimé dans le Traité d’Olympiodore (Texte grec, II, iv) et on adonné en appendice (Texte grec, II, iv bis) le texte même qui le précède.

Voici le moment de rappeler les signes magiques de la Chrysopée de Cléopâtre (figure 11), placée précisément en tête du traité de Zosime, à la fin duquel figure la formule de l’Écrevisse. Ces signes, en effet, comparés à la formule, donnent lieu à quelques rapprochements utiles à noter. On y remarque, par exemple, un grand croissant pourvu de huit appendices linéaires, qui rappellent étrangement le signe de l’Écrevisse. La signification de ce double croissant semblerait dès lors la même; c’est-à-dire qu’il représenterait la transformation (fixation) du cuivre amalgamé ou arsenié en argent, au sein d’un appareil à marche rétrograde. Le signe même de l’argent, ou plutôt celui du mercure, serait alors exprimé par le croissant régulier et sans appendice, situé à côté. Doit-on voir aussi dans les signes de la Chrysopée placés à côté du serpent, les symboles (3) et (4) du cuivre et du molybdochalque de la formule de l’Ecrevisse? Quoi qu’il en soit, il y a là un rapprochement singulier et digne d’intérêt, au point de vue de la filiation historique des symboles alchimiques.

Figure 29. — Cette figure (manuscrit de Saint Marc. fol. 193) reproduit deux alphabets magiques ou cryptographiques, à demi effacés, avec leur tra p156 duction (telle qu’elle est donnée dans le manuscrit). Au-dessus du premier se trouve le mot : ἑλινηκὰ, c’est-à-dire (lettres) helléniques, écrit avec l’alphabet correspondant. Au-dessus du second: ἱερογλυφικά, c’est-à-dire (lettres) hiéroglyphiques, écrit de même. A côté, en marge, le mot ἀλγάβητος, écrit avec les lettres du premier alphabet.

Figure 29. — Alphabets magiques. — Réduction à 1/2. — D’après décalque.

En réalité, aucun de ces alphabets n’a rien de commun avec les hiéroglyphes. Ce sont simplement deux alphabets cryptographiques, formés avec des lettres grecques plus ou moins défigurées, mais sans modification dans leur nombre ou leur valeur.

Il existait un grand nombre d’alphabets analogues au moyen âge. On trouve notamment une page entière d’alphabets de ce genre dans le manuscrit 2419, folio 279 Le premier alphabet de ce folio ressemble beaucoup au premier du manuscrit de Saint Marc, donné plus haut; le sixième du manuscrit 2419 ressemble aussi, quoique d’un peu plus loin, au second du manuscrit de Saint Marc. Les alphabets du manuscrit 2419 semblent, d’après leur traduction superposée en lettres rouges presque effacées, répondre à l’alphabet latin de préférence à l’alphabet grec.

C’étaient là en réalité des jeux d’esprit individuels, plutôt que des alphabets usuels. En tout cas, il m’a paru intéressant de reproduire les spécimens ci-dessus, surtout le premier, qui se retrouve à peu près pareil dans deux manuscrits dissemblables de composition et d’origine.

Figure 30. Cette figure (manuscrit de Saint Marc, folio 102 verso) représente le Labyrinthe de Salomon, avec un commentaire en vers p157 le tout d’une encre et d’une denture plus modernes, probablement du xive siècle.

FIGURE 30. — Labyrinthe de Salomon. — Réduction 1/2.

On donnera ailleurs (Texte grec, I, xx) ce commentaire.

Figure 31. — Cette figure (manuscrit de Saint Marc, fol. 5) est un symbole cordiforme, avec les signes de

Figure 31. — Symbole cordiforme. — Décalque.

 

l’or, de l’argent, et peut-être d’autres métaux (04) p158 il se trouve à côté de la première ligne de Stéphanus, écrit à l’encre rouge; il est contemporain du texte. Il semble que ce soit là un symbole de l’art de fabriquer l’or et l’argent. On croit utile d’en rapprocher la figure suivante.

Figures 32 et 33. — C’est un dessin mystique, formé par l’assemblage de divers signes destinés à représenter

                                                                                        

Figure 32. — Dessin mystique (2327). Décalque.                         Figure 33. — Dessin mystique (2325). Décalque.

une opération chimique; on dirait une sorte d’équation chimique, analogue aux équations atomiques et renfermant comme les nôtres les symboles des corps intervenants. Elle se trouve au folio verso, du manuscrit 2327, vers la fin de la troisième leçon de Stephanus, vis-à-vis des mots: οὗτος ἐστὶν ὁ ἐτήσιος ὁ πάρεσμος ὁ πολύχωμος.

« C’est la pierre étésienne, le support polychrome (des teintures ?). » Puis vient tout un développement mystique sur la pierre philosophale.

Le relieur du manuscrit, au xvie siècle, a coupé une partie de la branche gauche du dessin. Mais il n’y avait là rien de particulier, comme le montre le manuscrit 2325 qui contient la manie figure (fol. 46, verso). On a reproduit cette dernière à côté (fig. 33).

Telles sont les figures fournies par le manuscrit de Saint Marc et les dessins congénères de ces figures, reconnus dans les autres manuscrits.

Figures du manuscrit 2327.

Étudions maintenant les figures propres du manuscrit 2327, en commençant par les figures mystiques.

Figure 34. — Cette figure (manuscrit 2327, fol. 196) est celle du serpent p159 Ouroboros(05) en tête d’un article reproduit dans le Texte grec (I, v). Il est formé de trois cercles concentriques, comme la figure supérieure de

Figure 34. — Serpent Ouroboros. — D’après décalque.

la Chrysopée de Cléopâtre; mais de plus il a ici trois oreilles et quatre pattes. La tête, les oreilles et l’anneau extérieur sont peints en rouge vif (r r r) ; le blanc de l’œil est blanc, la pupille noire; le premier anneau est écailleux. Le second anneau (moyen) est écailleux et jaune (j j j). L’anneau intérieur est d’un vert continu (n n), ainsi que les pattes. Ces couleurs d’ailleurs ne répondent pas exactement une description de Stéphanus (Lettre à Théodore), d’après laquelle l’origine de la queue est blanche comme du lait; le ventre et le dos, couleur de safran, la tête noir verdâtre. Il devait y avoir bien des variantes.

Au folio 279 du même manuscrit se trouve une seconde figure du serpent, avec un texte un peu différent: celui-ci n’a que deux anneaux ou cercles; ses écailles sont mieux marquées.

p160 Figure 35. — Cette figure (manuscrit 2327, fol. 297 verso) représente le signe d’Hermès, assez informe; le folio a été remonté sur une bande blanche.

                                                                                      

Figure 35. Signe d’Hermès. Décalque.                                       Figure 36. Images géométriques. Décalque.

Figure 36. — Cette figure renferme quatre images géométriques, destinées à commenter le texte du folio 106 recto (manuscrit 2327). Elles existent aussi au manuscrit 2325 (fol. 111), au manuscrit 2275 (fol. 78 verso), etc.

Les figures qui suivent concernent des appareils nouveaux, dont il convient de comparer soigneusement les formes avec celles des figures correspondantes du manuscrit de Saint Marc.

Figure 37. — Cette figure (manuscrit 2327, folio 81 verso) contient deux alambics et deux vases à digestion.

1° A gauche, on voit l’alambic à trois pointes (tribicos), dont la forme générale (sauf le nombre de becs) s’est rapprochée de celle des alambics modernes en verre, usités au siècle dernier, et dont on fabrique encore aujourd’hui quelques échantillons.

Le matras ou chaudière porte d’ailleurs la même inscription que la figure 15 (λωπὰς θείου ἀπύρου: matras contenant le soufre apyre); il est posé de même sur le feu (φῶτα).

Le chapiteau est surmonté du mot χαλκίον (vase de cuivre), et les trois tubulures sont figurées cylindriques l’un des trois récipients a été coupé par le relieur.

2° A côté se trouve un alambic à un seul bec, posé sur un fourneau (καμήνιον, sic); la forme générale en est la même. On doit le regarder comme p161 équivalent à celui de la figure 16; à cela près que le tube de ce dernier (σωλήν) est remplacé par un chapiteau (χαλκίον).

On donnera tout à l’heure une figure similaire (fig. 38), d’après le manuscrit 2327 (fol. 221); laquelle n’est pas identique à la précédente et se rapproche de celle de Saint Marc, plutôt que de nos alambics actuels.

Figure 37. — Alambic et Vase à digestion.

Par contre, la forme de l’alambic est devenue à peu près identique à celle de nos vieux instruments (en verre), dans la figure, unique d’ailleurs et mal faite, du manuscrit 2252, copié au xviie siècle. Dans ce manuscrit, au-dessous des trois cercles concentriques et au début des Mémoires authentiques (γνήσια ὑπομνήματα) de Zosime, on aperçoit un alambic (βύκος ὑέλινος) sur un foyer (καύστρα), et un récipient condensateur à col étroit, λοπὰς ἢ ἄγγος στενόστομον (sic). On voit qu’il y a de légères variantes dans les inscriptions.

3° A gauche et en bas, dans la figure 37 du manuscrit 2327, se trouve un p162 appareil à digestion ou à cuisson, formé d’une fiole sur un bain de sable, chauffé par un fourneau (πῦρ).

La fiole est désignée par un mot coupé en deux par le relieur, et terminé par les syllabes τησις, tel que ὄπτησις (cuisson). L’inscription qui désigne le fourneau est également coupée en deux; mais on lit sur les trois lignes superposées les syllabes finales λαι — αῖον — μίνιον. Il est facile de reconnaître ici l’inscription de la figure 22 : (πα) λαι (στι) αῖον (λα) μίνιον

Il paraît donc que c’est là l’équivalent du bain de cendres, destiné à chauffer la palette ou κηροτακίς. Mais la palette est tombée en désuétude et les opérations effectuées à l’origine avec son concours ont été simplifiées dans le cours des temps, et réduites à de simples digestions ; celles-ci sont opérées également sur un bain de sable ou de cendres. La matière même, au lieu d’être placée sur une palette métallique, est déposée soit sur une pièce plate (fig. 38) ou conique (fig. 37), au-dessous du bouchon, soit même au fond de la fiole. Dans ces conditions, l’emploi de la palette constituait une complication inutile.

4° C’est ce que confirment le dessin et l’inscription placés à droite de la figure 37. Nous avons ici une fiole, le mot jualh (sic) ayant passé du sens ancien coupe au sens moderne fiole.

Cette fiole est surmontée d’un bouchon ou tête, assez compliqué, au- dessous duquel il semble qu’il reste quelque indice de la kérotakis, sous l’apparence d’une pièce conique peu distincte. Le tout est enfermé dans une enceinte, formée d’un cylindre inférieur, posé sur le fourneau, καμήνιον (sic), et d’une coupe hémisphérique renversée, qui constitue le haut du cylindre.

Il serait difficile de reconnaître à première vue que cet appareil a remplacé celui de la figure 25, ou plutôt ceux des figures 20 et 21; car la kérotakis a disparu. Mais la filiation des appareils résulte des inscriptions qui les accompagnent. En effet, on lit au-dessus du dessin (40) de la figure 37, les mots : καρκινοειδὲς κεῖται δὲ ὁ λόγος ἔμπροσθεν c’est-à-dire la même inscription que sur la figure 25. Ce serait donc là encore un appareil à digestion et distillation rétrograde, dans lequel les produits sublimés retombent sur la matière inférieure qui les a fournis: ainsi qu’il arriverait dans un appareil disposé pour blanchir le cuivre par la sublimation réitérée du mercure ou de l’arsenic (p. 145).

p163 Ajoutons qu’on lit au-dessous de l’ensemble de ces appareils la formule mystiques des opérations qui s’y accomplissaient: « en haut les choses célestes, en bas les terrestres; par le mâle et la femelle l’œuvre est accomplie » (manuscrit 2327, fol. 81 verso) : ἄνω τὰ οὐράνια, κάτω τὰ ἐπιγηία δι' ἄρενος καὶ θήλεος πληρούμενον τὸ ἔργον.

Figure 38. — Cette figure (manuscrit 2327, fol. 221 verso) reproduit le dessin de la figure 37, sauf variantes.

Figure 38. — Alambic et Vase à digestion.

1° Le dessin à gauche et en haut (tribicos) est à peu près le même.

2° Le dessin de l’alambic à un seul bec offre une variante, qui le rapproche de la figure t 6. Cette forme existe aussi, grossièrement dessinée, dans le manuscrit 2275 (fol. 57 verso).

3° Le dessin de la fiole à digestion, reporté ici tout-à-fait à gauche, est à peu près le même que dans la figure 37.

4° Mais le dessin voisin est un peu différent. Le bouchon de la fiole offre des traits dissemblables, et peut-être un dernier reste de lame horizontale, répondant à la kérotakis. Il porte d’ailleurs la même inscription, caractéristique d’un appareil à opération rétrograde, que la figure 37; sauf la substitution du mot ἀλλαχοῦ (ailleurs) au mot ἔμπροσθεν.

p164 5° A gauche, en bas, un vase à digestion (aludel mal fait ?) sur un grand trépied, avec l’inscription : ἥγουν τὸ παρὸν καμίνον ἐστὶν καρκινοειδὲς ὁ λόγος κεῖται. « Le présent fourneau est rétrograde; la description est ici ». (V. p. 134.)

Figure 39. — Cette figure (manuscrit 2327, fol. 289 verso), répétée deux fois, est un alambic à tubulure unique.

Figure 39.                Figure 40.                            Figure 41

Petit alambic.     Alambic de Synésius                       Alambic de Synésius

Décalque.                               Décalque.                                               Décalque.

Figure 40. — Cette figure (manuscrit 2327, fol. 33 verso), fait partie de l’ouvrage de Synésius et répond exactement au texte de l’auteur: c’est l’une des plus intéressantes, en raison de la date de cet ouvrage (ive siècle). Elle représente un alambic, sur une marmite servant de bain-marie (λέβης), portée elle-même sur un trépied. Elle rappelle tout à fait la disposition de nos appareils modernes.

A côté se trouvent les mots caractéristiques: συναρμόζεται τῷ βοταρίῳ ὑάλινον ὄργανον ἔχων μαστάριον. « On ajuste au matras inférieur (βοτάριον) un instrument de verre, en forme de mamelle (μαστάριον). » Cet instrument est muni d’une gorge, ou rainure circulaire, destinée k récolter les liquides condensés dans le chapiteau et à les conduire dans la tubulure qui aboutit au récipient. C’est un appareil qui est encore en usage aujourd’hui. Le sens jusqu’ici obscur des mots βοτάριον et μαστάριον se trouve précisé par ce texte et cette figure.

La figure manque d’ailleurs dans le manuscrit de Saint Marc, quoique le texte soit le même; mais elle existe dans le manuscrit 2325 (xiiie siècle). Le manuscrit 2275 la reproduit (fol. 16).

p165 Figure 41. — Elle reproduit le dessin fort élémentaire du même alambic, d’après le manuscrit 2325.

Tout ceci est fort important pour l’histoire de la distillation. A l’origine, on distilla le mercure, en le condensant simplement dans un chapitre au posé sur un pot (Dioscoride, Pline). Ce n’est que plus tard que l’on adapta une gorge à la partie inférieure, pour empêcher les liquides condensés de retomber dans le pot; puis cette gorge fut pourvue d’une tubulure, destinée à conduire au dehors le liquide condensé. On voit par le texte et par la figure conforme de Synésius que ces progrès étaient réalisés dès la fin du ive siècle de notre ère. Rappelons que Synésius, dans une lettre à Hypatie, publiée parmi ses œuvres connues, a décrit aussi l’aréomètre, œuvre d’une science déjà avancée.

Figure 42. — Cette figure (manuscrit 2327, fol. 112 verso), répétée deux fois, est une simple fiole.

                                                         

Figure. 45. — Fiole. Décalque.              Figure 43. Alambic avec six appendices. Décalque.

Figure 43. — Cette figure (manuscrit 2327, fol. 184 verso), malheureusement coupée par le relieur, se trouve vers la fin du poème de Théophraste. On y discerne un alambic, mais avec un appendice supérieur, fort singulier dont la position rappelle la κρόταλις. Il est muni de six lignes verticales répondant au texte suivant : φέροντας τάς ἓξ ζώνας ὡς τίφμα (sic) φάγαι. Portant six ceintures (enveloppes) pour absorber la matière fondue.)

p166 Figures du manuscrit 2325

Les figures du manuscrit 2325 sont très intéressantes parce qu’elles répondent à une époque intermédiaire (xiiie siècle) entre celui de Saint Marc et le n°2317 de Paris. Elles sont en général conformes à celles du manuscrit de Saint Marc, bien que le manuscrit 2325 n’en dérive certainement pas directement, comme je le montrerai. Il résulte de cette double circonstance que la date des dessins du 2325 est antérieure, à la copie actuelle du manuscrit de Saint Marc, et même à la date de ses prototypes immédiats; cependant ils doivent dériver tous les deux de quelque source commune et plus ancienne. Quant au détail, le nombre, la forme et la dimension des parties des appareils sont assez différents, pour quelques-uns du moins. Le manuscrit 2325 contient en plus l’alambic de Synésius, figure 41, et le dessin (fig. 33) mystique de la 3e leçon de Stéphanus. Par contre, les appareils à digestion y sont moins multipliés.

Nous avons donné les figures essentielles de ce manuscrit, telles que : la figure 41 (fol. 23 verso) représentant l’alambic de Synésius, avec la chaudière (λέβης), et le feu (πῦρ).

La figure 17 (tribicos), est analogue à celle du manuscrit de Saint Marc (fig. 15). Toutefois les dimensions relatives du matras à soufre (λωπὰς θείου ἀπύρου), du tube vertical, du condensateur supérieur et des ballons qui recueillent le produit distillé sont différentes; le dessin de l’un de ces ballons a même disparu. — En outre, le mot pur (feu) a remplacé καύστρα (foyer). La figure du tribicos, de même que toutes celles du manuscrit 2325, est beaucoup plus grossière que celles du manuscrit de Saint Marc.

A côté se trouve également, très grossièrement dessiné, l’appareil distillatoire à large tube de cuivre (χαλκίον), de la figure x6; mais j’ai jugé inutile de reproduire ce dessin du manuscrit 2325.

Au-dessous du tribicos, on voit la figure 23 donnée plus haut: c’est celle d’un appareil à kérotakis, analogue à celui de la figure 22. Mais le fourneau (παλαιστιαῖον καμίνιον) est plus petit et les condensateurs supérieurs (φιάλη), sur l’extérieur, sont plus gros. Les ponctuations, indicatrices de trous sur p167 le bain-marie, couvrent un espace bien moindre. Le mot de kérotakis n’y figure pas.

Enfin, au-dessous du σωλὴν et du χαλκίον, on voit un autre appareil à kérotakis, reproduisant le καρκίνος de la figure 25, avec des variantes trop légères pour que j’aie cru utile de le donner.

On remarquera que les figures sont moins nombreuses dans le manuscrit 2325 que dans le manuscrit de Saint Marc; elles sont d’ailleurs concentrées en tète du mémoire de Zosime, dans le manuscrit 2325 aussi bien que dans le manuscrit 2327. Ce mode de distribution est évidemment plus moderne que celui du manuscrit de Saint Marc.

Figures des  manuscrits de Leide.

L’histoire des appareils alchimiques tire une nouvelle lumière de l’examen des manuscrits alchimiques grecs de Leide. L’un d’eux (Codex Vossianus, in 4°, n° 47), fort mal écrit d’ailleurs, reproduit presque toutes les figures du manuscrit de Saint Marc, entre autres

Nos trois planches 1, II, III (fig. 3, 4, 5), sauf quelques inversions;

La Chrysopée de Cléopâtre de la figure 11 (fol. 49 verso);

La double figure 14 et 14 bis du dibicos (fol. 50 verso);

La figure 15 du tribicos (fol. 51 verso);

La figure 16 de l’appareil distillatoire (fol. 51 verso)

La figure 18 de la chaudière distillatoire (fol. 58 recto);

Les deux appareils cylindriques de nos figures 20 et 21 (fol. 53 verso);

Les kérotakis de nos figures 22 et 24 (fol. 52 verso);

La palette de la figure 24 bis (fol. 53 recto);

La figure 25 du vase à kérotakis, portant à côté le mot καρκινοειδὲς; (fol. 55 verso);

Les récipients de la figure 26 (fol. 55 verso);

Le vase à kérotakis cylindrique de la figure 27 (fol. 55 verso);

La figure 31 cordiforme (fol. 51 recto);

La formule magique de l’Écrevisse (fig. 28), avec son explication (fol. 70 recto), fidèlement copiée.

p168 Il est clair qu’il s’agit dans tout ceci d’une simple copie, directe ou indirecte, des figures du manuscrit de Saint Marc.

L’autre manuscrit de Leide est noté xxiii. Ru. 6 (ayant appartenu à Ruhnkenius); il a été écrit au xviie siècle et est fort analogue par sa table, laquelle forme une grande partie de son contenu, à notre manuscrit 2327. Il en reproduit textuellement tout le tableau des signes, c’est-à-dire les cinq pages qui forment nos figures 6 à 10, planches IV à VIII.

Aux folios 21 et 22, il renferme diverses figures pareilles, avec des variantes dans les inscriptions et dans les dessins, dont quelques-unes fort importantes. Je vais les signaler :

Folio 21 alambic de Synésius, conforme à la figure 40 ci-dessus; mais il porte quatre mots, au lieu du seul mot λέβης inscrit au manuscrit 2327, mot qui se retrouve d’ailleurs aussi sur la marmite, dans le manuscrit Ru. On y lit en outre λωπὰς sur le matras, φιάλη sur le chapiteau, δοχεῖον sur le récipient.

Au-dessous on voit 5 dessins intéressants, savoir, de gauche à droite

1° Un alambic à une pointe, correspondant à celui des figures 13 et 37. Il porte les mots καμίνιον sur le fourneau, λωπάς sur le matras. La forme du chapiteau indique très nettement que c’est une fiole renversée, dont le col entoure celui du matras, les lignes des deux cols n’étant pas confondues. — Cette différence ne m’a pas paru assez grande pour exiger la reproduction du dessin.

2° Un alambic, sans chapiteau, mais à large tube, répondant à celui des figures 16 et 38. On y lit les mots καμίνιον sur le fourneau, φιάλη sur le matras, χαλκείον (sic) sur le gros tube; le récipient n’a pas de nom. Ces mots ne coïncident pas exactement avec ceux des figures z6 et 38; ce qui montre que le manuscrit Ru. n’a pas été copié directement, sur les nôtres.

3° Au-dessous de ce dessin, un matras à digestion (φιάλη) sur un bain de sable, chauffé sur un fourneau (παλαιστιαῖον καμίνιον), avec l’indication ὄπτησις comme dans la figure 37.

4° Une fiole à digestion, recouverte d’une sorte de cloche, reproduisant à peu près identiquement la fiole de la figure 38, avec les mêmes appendices à la partie supérieure; appendices dérivés, comme je l’ai établi, de la kérotakis (fig. 22 et 25). La seule inscription qui existe dans ce dessin est placée sur le p169 fourneau : καμίνιον παλαιστιαῖον. Ces mots confirment l’opinion qu’il s’agît d’une transformation de l’appareil des figures 22 à 25.

5° Enfin, à la droite on voit le petit trépied de la Chrysopée de Cléopâtre (fig. ii). Au-dessous sont les mots ἐν βολβίτοις (dans le fumier). Ces mots sont caractéristiques. En effet, ils montrent qu’il s’agit d’un appareil destiné à être maintenu en digestion à une douce chaleur, au milieu du fumier en fermentation. Cet appareil est posé sur un trépied et paraît identique à celui qui est dessiné à gauche, au-dessous du tribicos, dans la figure 38;

En somme, ces cinq dessins sont les mêmes que ceux des figures 37 et 38; ils répondent à ceux des figures 12 et 13, lesquels sont eux-mêmes des dérivés faciles à reconnaître des dessins de la figure II (Chrysopée de Cléopâtre). Toute la filiation des figures apparaît ainsi, de plus en plus clairement, grâce au détail des dessins et des inscriptions.

L’étude des dessins de la feuille 22 du manuscrit XXIII Ru. 6 de Leide permet de pousser plus loin et d’établir d’une façon directe la relation entre les appareils des alchimistes grecs et ceux des Arabes, tels qu’ils figurent dans les ouvrages de Geber. Ces dessins sont une sorte de doublets de ceux de la feuille i; précisément comme dans le manuscrit 2327, les dessins de la figure 38 (fol. 22E verso) sont les doublets de ceux de la figure 37 (fol. 8i verso). Cette répétition du même système d’appareils, qui semblerait à première vue due à une inadvertance du copiste spécial du manuscrit 2327, doit en réalité résulter d’une répétition plus ancienne, puisqu’elle se retrouve dans un manuscrit en somme assez différent, quoique de même famille. Décrivons ces dessins du manuscrit Ru. de Leide.

On y voit:

1° Un tribicos, avec son matras (λωπὰς θείου ἀπύρου), son chapiteau (χαλκείον), ses trois tubulures et récipients, et son fourneau (καμίνιον). La jonction du chapiteau au matras indique très clairement, comme plus haut, l’emboîtement de deux vases tout à fait distincts.

2° A droite, le dessin d’un alambic à une seule tubulure, reproduction du numéro 1° de la série précédente, c’est-à-dire des figures 13, 37, 38, portant notamment les trois inscriptions du dessin central de la figure 37.

3° Au-dessous, à gauche, le matras (λωπὰς) à digestion (ὄπτησις), posé sur le παλαιστιαῖον καμίνιον.

p170 4° Les deux dernières figures sont si caractéristiques, gue je vais les reproduire.

Figure 44. —Vase à digestion.

Figure 44. — Vase à digestion. — D’après un dessin.

La figure de droite reproduit l’appareil à digestion des figures 37 et 38, placé de même sous une enveloppe générale en forme de cloche. Pour plus de précision, je remarquerai que mon dessinateur a raccourci les petites oreilles, situées à droite et à gauche de la lettre b. Dans le manuscrit, ces oreilles s’étendent jusqu’à l’enveloppe et la touchent, de façon à marquer la division de cette enveloppe en deux portions superposées, telles qu’elles sont dessinées en effet dans les figures 37 et 38. Cette enveloppe générale semble avoir été symbolisée par la dénomination de l’œuf philosophique. D’autre part, les trois portions intérieures de cet appareil à digestion sont dessinées à côté, séparées et superposées, de façon à en montrer nettement tout l’ajustement.

p171 Avant d’en discuter la signification, donnons les inscriptions correspondantes. Elles sont d’une grécité de très basse époque. Sur le dessin de droite, la panse du matras y porte les mots : ὅμοιον ἔνε τοῦτο μετὰ τρία κομάτια (sic), c’est-à-dire : ceci reproduit les trois segments séparés du dessin qui est à côté. )

Sur le fourneau, on lit : ἐν βολβίτοις καμίνιον, c’est-à-dire: « fourneau entouré de fumier. »

Au-dessous de l’ensemble de ce dessin : καρκινοειδὲς κεῖται δὲ ὁ λόγος ἔμπροσθεν : « appareil rétrograde; la description est au-dessus ». — Rappelons que ces mots caractéristiques se trouvent à côté du matras analogue des figures 37 et 38 et de l’appareil à kérotakis de la figure 25.

Sur le côté, on lit, inscrits verticalement, les mots : ἐναταλωνάσι φιλίαζη κατὰ τὰ τρία κομάτια, c’est-à-dire : « dans les trois segments, on ramollit et on combine (les matières) ».

Venons au dessin de gauche, qui représente les trois segments séparés, avec lettres correspondantes. On lit à côté, inscrits verticalement, les mots: τοῦτ' ἐμπνέης τὸ ἅλον καὶ τὸ ἅλον ἐντάλῳ ἡ πρῶτος, δεύτερον, τρίτον (sic) c’est-à-dire: « voici l’un des vases où l’on évapore, et l’autre où l’on ramollit; c’est-à-dire le jr le 2’, le 3’ (segment). »

Ces inscriptions confirment exactement les opinions émises plus haut, relativement à l’usage de cet appareil. D’après lesdites inscriptions en effet il répond aux figures 22, 24, 25, c’est-à-dire aux appareils à kérotakis. Il suffit d’imaginer que les appareils placés au sommet des figures 22 et 25 ont été enveloppés par la sphère de la partie inférieure, pour comprendre les figures 38 et 37 : c’est toujours là l’appareil rétrograde, destiné au blanchiment du cuivre par le mercure ou par l’arsenic sublimé. Ajoutons que, les trois segments intérieurs ne sont autre chose que les trois parties des figures 20 et 21 du manuscrit de Venise, représentant des vases à digestion cylindriques. — De même la figure 27, qui en exprime une forme un peu différente, donnant en quelque sorte la transition entre la figure 20 et les figures 22, 24 et 25.

Mais la figure nous permet d’aller plus loin et d’établir que ces appareils correspondent à l’aludel de Geber et des alchimistes arabes. Il suffit, pour s’en assurer, de jeter un coup d’œil sur les dessins des aludels, figure 45.

p172 Nous avons ici les trois segments à digestion des alchimistes grecs; avec cette différence pourtant que les deux segments inférieurs sont réunis en un seul morceau dans les dessins des aludels. Le couvercle s’ajustait à frottement doux sur la paroi de la région moyenne : et cela dans une portion considérable de sa hauteur. Les deux morceaux extrêmes sont terminés chacun par une couronne ou bague extérieure, l’une se

Figure 45. — Aludel des Arabes.

superposant à l’autre, de façon à compléter la jonction. Tout ceci est décrit en détail dans l’ouvrage de Geber.

Le couvercle offre deux formes différentes: l’une hémisphérique, l’autre conique. Ces aludels étaient en verre.

Cette figure est tirée de la Bibliotheca Chemica de Manget (t. I, p. 540, fig. 2 — Genève, 1702).

Dans la même planche de l’ouvrage précédent, sont représentés (fig. 1) le fourneau, au centre duquel l’on plaçait l’aludel (fig. 3), ainsi qu’ut; autre type d’aludel, changé en alambic par l’adaptation d’un tube à son chapiteau, le tout chauffé à la partie inférieure à l’aide d’un fourneau, etc.

La description de ces appareils existe, en traduction latine, dans le second livre de l’ouvrage de Geber, intitulé : De principiis magisterii et perfectione. Ce livre peut servir sur quelques points de commentaire aux traités de Zosime sur les fourneaux et instruments ; il continue et développe la tradition des alchimistes grecs; non sans y ajouter d’ailleurs bien des choses nouvelles. Mais cette comparaison nous mènerait trop loin.

Quoi qu’il en soit, on voit que ces diverses figures jettent un grand jour p173 sur les pratiques et appareils des anciens alchimistes, sur les changements que ces appareils ont éprouvé dans le cours des temps, ainsi que sur la filiation des manuscrits.

 

 


 

(04) Le cercle droit d’en bas renferme dans le manuscrit quatre signes mal définis, dont un c, lequel a disparu dans la figure actuelle, par suite d’un accident de gravure.

(05) Origines de l’Alchimie, p. 259 et 56.


 

[1] Du Cange. Glossarium mediœ et infimœ graecitatis.

[2] Origines de l’Alchimie, p.242 à 246.

[3] Même ouvrage, p. 35, 182, 242.

[4] Bibliotheca chemica de Manget, t. I, p. 540, dans le traité de Geber.

[5] Origines de l’Alchimie, p. 171.

[6] Voir plus loin la formule de voir l’Écrevisse. — Sur le sens de ce mot appliqué à un appareil chimique, p. 145.

[7] Voir aussi manuscrits 2249, folio 100 — 2325, folio 83 — 2327, folio 80 et répétition au verso; folio 220 verso. — Leide, Voss., n°47, fol. 70.

[8] J’ai déjà donné cette interprétation: Origines de l’Alchimie, p. 348. — Mais la lecture actuelle est plus correcte.

 

 


 

(01) Opération qui avait pour but de durcir les métaux mous, de solidifier les métaux liquides, de rendre fixes les métaux volatils; enfin de communiquer aux métaux imparfaits une teinture stable (fixe) d’or ou d’argent.

(02) Cf. Olympiodore, texte grec, p. 84, lig. 13.

(03) Origines de l’Alchimie. p. T73.