Euripide traduit par M. Artaud

EURIPIDE, TRAGÉDIES

 

ORESTE.

 

Traduction française : M. ARTAUD.
 

 

 

 

 

 

 

NOTICE SUR ORESTE.

Oreste, après avoir tué sa mère, est en proie aux Furies vengeresses. Électre veille sur lui. Les citoyens d'Argos s'assemblent pour les juger tous deux. Ménélas, trahissant les intérêts des enfants de son frère, les laisse condamner à mort. Pylade n'abandonne point son ami ; il s'unit à Électre pour tirer vengeance de Ménélas en faisant périr Hélène. Mais Hélène est enlevée par les dieux, qui la changent en constellation. Hermione, fille de Ménélas, reste en otage entre les mains d'Oreste. Au moment où celui-ci menace de l'immoler sous les yeux de son père, Apollon intervient pour terminer le différend. Il promet la vie à Oreste, et engage Ménélas à lui accorder sa fille en mariage.

On retrouve dans cet ouvrage les qualités et les défauts d'Euripide : l'art d'émouvoir, une profusion de pensées brillantes, et quelquefois aussi l'abus de la rhétorique. Le poète a peint avec prédilection la tendresse fraternelle et le charme de l'amitié; c'est par là qu'il a relevé le caractère d'Oreste, et surtout par ses remords, dont les Furies sont l'éclatante personnification. On sait que le caractère de Ménélas, tel qu'il est présenté ici, a été critiqué dans la Poétique d'Aristote. Le rôle de l'esclave phrygien risque de tomber dans la bouffonnerie. La question qui se trouve posée dans la pièce même, en termes exprès, est celle-ci : « Faut-il qu'Oreste vive ou meure après avoir tué sa mère ? » Le jugement public auquel il est soumis, et dont les formes sont décrites avec complaisance, donne lieu à quelques allusions politiques, et à quelques détails empruntés aux mœurs démocratiques; par exemple, le portrait d'un orateur populaire, que l'on croit être le démagogue Cléophon : à ce démagogue est opposé le portrait de l'homme de bien, sous les traits duquel on croit que le poète a voulu peindre Socrate. On rencontre çà et là les traces de dogmes assez subtils, empruntés à la philosophie d'Anaxagore.

Le dénouement, c'est-à-dire l'intervention d'Apollon, et le double mariage d'Oreste avec Hermione, et de Pylade avec Électre, est de ceux qui ont donné lieu à des critiques fondées sur le peu de peine qu'Euripide se donne pour dénouer l'action, et sur les mœurs bourgeoises et quelque peu triviales qu'il prête aux personnages des temps héroïques.

Cette pièce a été donnée dans la XCIIe olympiade, sous l'archonte Dioclès, vers l'an 412 avant J.-C. Euripide avait alors environ soixante-huit ans.

 

 

 

 

 

 

 

 

ORESTE.

PERSONNAGES.

ORESTE.

ÉLECTRE, sœur d'Oreste.

PYLADE.

MÉNÉLAS, oncle d'Oreste.

HÉLÈNE, femme de Ménélas.

HERMIONE, fille d'Hélène et de Ménélas.

TYNDARE, père d'Hélène.

Un Esclave phrygien.

Un Messager.

APOLLON.

LE CHOEUR, composé de jeunes Argiennes.

La scène est dans Argos, devant le palais.

Ἠλέκτρα

Οὐκ ἔστιν οὐδὲν δεινὸν ὧδ' εἰπεῖν ἔπος
οὐδὲ πάθος οὐδὲ ξυμφορὰ θεήλατος,
ἧς οὐκ ἂν ἄραιτ' ἄχθος ἀνθρώπου φύσις.
Ὁ γὰρ μακάριος κοὐκ ὀνειδίζω τύχας
[5] Διὸς πεφυκώς, ὡς λέγουσι, Τάνταλος
κορυφῆς ὑπερτέλλοντα δειμαίνων πέτρον
ἀέρι ποτᾶται· καὶ τίνει ταύτην δίκην,
ὡς μὲν λέγουσιν, ὅτι θεοῖς ἄνθρωπος ὢν
κοινῆς τραπέζης ἀξίωμ' ἔχων ἴσον,
[10] ἀκόλαστον ἔσχε γλῶσσαν, αἰσχίστην νόσον.
Οὗτος φυτεύει Πέλοπα, τοῦ δ' Ἀτρεὺς ἔφυ,
ᾧ στέμματα ξήνασ' ἐπέκλωσεν θεὰ
ἔριν, Θυέστῃ πόλεμον ὄντι συγγόνῳ
θέσθαι. Τί τἄρρητ' ἀναμετρήσασθαί με δεῖ;
[15] Ἔδαισε δ' οὖν νιν τέκν' ἀποκτείνας Ἀτρεύς.
Ἀτρέως δέ· τὰς γὰρ ἐν μέσῳ σιγῶ τύχας·
Ὁ κλεινός, εἰ δὴ κλεινός, Ἀγαμέμνων ἔφυ
Μενέλεώς τε Κρήσσης μητρὸς Ἀερόπης ἄπο.
Γαμεῖ δ' ὃ μὲν δὴ τὴν θεοῖς στυγουμένην
[20] Μενέλαος Ἑλένην, ὃ δὲ Κλυταιμήστρας λέχος
ἐπίσημον εἰς Ἕλληνας Ἀγαμέμνων ἄναξ·
ᾧ παρθένοι μὲν τρεῖς ἔφυμεν ἐκ μιᾶς,
Χρυσόθεμις Ἰφιγένειά τ' Ἠλέκτρα τ' ἐγώ,
ἄρσην δ' Ὀρέστης, μητρὸς ἀνοσιωτάτης,
[25] ἣ πόσιν ἀπείρῳ περιβαλοῦσ' ὑφάσματι
ἔκτεινεν· ὧν δ' ἕκατι, παρθένῳ λέγειν
οὐ καλόν· ἐῶ τοῦτ' ἀσαφὲς ἐν κοινῷ σκοπεῖν.
Φοίβου δ' ἀδικίαν μὲν τί δεῖ κατηγορεῖν;
Πείθει δ' Ὀρέστην μητέρ' ἥ σφ' ἐγείνατο
[30] κτεῖναι, πρὸς οὐχ ἅπαντας εὔκλειαν φέρον.
[31] Ὅμως δ' ἀπέκτειν' οὐκ ἀπειθήσας θεῷ·
Κἀγὼ μετέσχον, οἷα δὴ γυνή, φόνου.
Πυλάδης θ', ὃς ἡμῖν συγκατείργασται τάδε.
Ἐντεῦθεν ἀγρίᾳ συντακεὶς νόσῳ νοσεῖ
[35] τλήμων Ὀρέστης ὅδε πεσὼν ἐν δεμνίοις
κεῖται, τὸ μητρὸς δ' αἷμά νιν τροχηλατεῖ
μανίαισιν· ὀνομάζειν γὰρ αἰδοῦμαι θεὰς
εὐμενίδας, αἳ τόνδ' ἐξαμιλλῶνται φόβῳ.
[39] Ἕκτον δὲ δὴ τόδ' ἦμαρ ἐξ ὅτου σφαγαῖς
[40] θανοῦσα μήτηρ πυρὶ καθήγνισται δέμας,
ὧν οὔτε σῖτα διὰ δέρης ἐδέξατο,
οὐ λούτρ' ἔδωκε χρωτί· χλανιδίων δ' ἔσω
κρυφθείς, ὅταν μὲν σῶμα κουφισθῇ νόσου,
ἔμφρων δακρύει, ποτὲ δὲ δεμνίων ἄπο
[45] πηδᾷ δρομαῖος, πῶλος ὣς ὑπὸ ζυγοῦ.
Ἔδοξε δ' Ἄργει τῷδε μήθ' ἡμᾶς στέγαις,
μὴ πυρὶ δέχεσθαι, μήτε προσφωνεῖν τινα
μητροκτονοῦντας· κυρία δ' ἥδ' ἡμέρα,
ἐν ᾗ διοίσει ψῆφον Ἀργείων πόλις,
[50] εἰ χρὴ θανεῖν νὼ λευσίμῳ πετρώματι.
Ἢ φάσγανον θήξαντ' ἐπ' αὐχένος βαλεῖν.
[52] Ἐλπίδα δὲ δή τιν' ἔχομεν ὥστε μὴ θανεῖν·
ἥκει γὰρ ἐς γῆν Μενέλεως Τροίας ἄπο,
λιμένα δὲ Ναυπλίειον ἐκπληρῶν πλάτῃ
[55] ἀκταῖσιν ὁρμεῖ, δαρὸν ἐκ Τροίας χρόνον
ἄλαισι πλαγχθείς· τὴν δὲ δὴ πολύστονον
Ἑλένην, φυλάξας νύκτα, μή τις εἰσιδὼν
μεθ' ἡμέραν στείχουσαν, ὧν ὑπ' Ἰλίῳ
παῖδες τεθνᾶσιν, ἐς πέτρων ἔλθῃ βολάς,
[60] προύπεμψεν ἐς δῶμ' ἡμέτερον· ἔστιν δ' ἔσω
κλαίουσ' ἀδελφὴν συμφοράν τε δωμάτων.
Ἔχει δὲ δή τιν' ἀλγέων παραψυχήν·
ἣν γὰρ κατ' οἴκους ἔλιφ', ὅτ' ἐς Τροίαν ἔπλει,
παρθένον ἐμῇ τε μητρὶ παρέδωκεν τρέφειν
[65] Μενέλαος ἀγαγὼν Ἑρμιόνην Σπάρτης ἄπο,
ταύτῃ γέγηθε κἀπιλήθεται κακῶν.
Βλέπω δὲ πᾶσαν εἰς ὁδόν, πότ' ὄψομαι
Μενέλαον ἥκονθ'· ὡς τά γ' ἄλλ' ἐπ' ἀσθενοῦς
ῥώμης ὀχούμεθ', ἤν τι μὴ κείνου πάρα
[70] σωθῶμεν. Ἄπορον χρῆμα δυστυχῶν δόμος.

ÉLECTRE.

Il n'est rien de funeste, il n'est point de souffrance, il n'est point de malheur envoyé parles dieux, dont la nature humaine ne supporte le fardeau (01). L'heureux Tantale, fils de Jupiter (je n'insulte point à son infortune), tremblant à la vue du rocher prêt à tomber sur sa tête, demeure suspendu dans les airs : supplice qu'il subit, dit-on, parce que, simple mortel admis à la table des dieux, il ne sut point mettre un frein à sa langue : indigne faiblesse ! Tantale eut pour fils Pélops, duquel naquit Atrée, auquel la Parque, en filant la trame de ses jours, réserva la discorde et la guerre contre Thyeste, son frère. Mais qu'est-il besoin de rappeler ces horreurs? Atrée massacre les enfants de Thyeste, et les lui fait servir dans un festin. D'Atrée (car je passe les autres événements sous silence) naquit l'illustre... dois-je dire l'illustre Agamemnon et Ménélas, tous deux fils d'une mère crétoise, d'Érope. [20] Ménélas épousa Hélène, objet de la haine des dieux ; le roi Agamemnon s'unit à Clytemnestre, hymen célèbre chez les Grecs ; il en eut trois filles, Chrysothémis, Iphigénie, et moi Électre, et un fils, Oreste, enfants d'une mère criminelle qui égorgea son époux, après l'avoir enveloppé d'un voile inextricable. La cause de ce crime, il ne sied pas à une vierge de la dire ; je laisse à d'autres le soin d'éclaircir ce mystère. Mais pourquoi faut-il que j'accuse Phébus d'injustice? Il ordonne à Oreste de tuer sa mère, celle qui lui a donné le jour, action qui ne l'honore pas à tous les yeux : [31] cependant il l'a tuée pour obéir au dieu ; et moi aussi, j'ai pris part au meurtre, autant que le peut une femme, ainsi que Pylade, qui a été notre complice. Depuis ce moment, le malheureux Oreste languit consumé par un mal dévorant ; il reste étendu sur ce lit de douleur ; mais le sang de sa mère l'agite par de sombres fureurs, car je crains de nommer les déesses Euménides qui le troublent et l'épouvantent. [39] Voici le sixième jour, depuis que ma mère a reçu le coup mortel et que son cadavre a été purifié par le feu : pendant tout ce temps mon frère n'a pris aucune nourriture; il n'a point lavé son corps dans le bain; mais, enveloppé dans son manteau, lorsque le mal laisse quelque relâche à son corps, alors, rendu à la raison, il pleure, ou bien il s'élance à la hâte hors du lit, comme un coursier qui se dérobe au joug. La ville d'Argos défend à ses citoyens de nous donner asile sous leur toit ou à leur foyer, ou d'adresser la parole aux parricides ; et voici le jour fatal qui décidera si nous devons périr lapidés, ou si l'on doit aiguiser le fer pour trancher nos têtes. [52] Cependant nous avons encore quelque espoir de ne pas mourir : Ménélas revient de Troie ; son vaisseau, déjà entré dans le port de Nauplie (02), aborde sur le rivage, après avoir erré longtemps sur les mers. Pour Hélène, cause de tant de larmes, Ménélas a profité de la nuit pour l'envoyer dans ce palais, craignant que ceux dont les enfants sont morts sous Ilion, la voyant reparaître pendant le jour, ne voulussent la lapider. Elle est là, à pleurer sa sœur et les malheurs de sa maison : elle a cependant une consolation à ses douleurs : sa fille Hermione, que Ménélas, à son départ pour Troie, mena de Sparte en ces lieux, et qu'il confia à ma mère pour l'élever, Hermione fait sa joie et efface le souvenir de ses maux. Je porte mes regards sur le chemin qui conduit au palais, pour voir si Ménélas arrive ; car nous n'avons qu'un faible secours à attendre des autres, si nous ne sommes sauvés par lui : il n'est plus de ressources pour une maison dans l'infortune.

 

Ἑλένη

[71] Ὦ παῖ Κλυταιμήστρας τε καὶ Ἀγαμέμνονος,
παρθένε μακρὸν δὴ μῆκος Ἠλέκτρα χρόνου,
πῶς, ὦ τάλαινα, σύ τε κασίγνητός τε σὸς
τλήμων Ὀρέστης μητρὸς ὅδε φονεὺς ἔχει;
[75] Προσφθέγμασιν γὰρ οὐ μιαίνομαι σέθεν,
ἐς Φοῖβον ἀναφέρουσα τὴν ἁμαρτίαν.
Καίτοι στένω γε τὸν Κλυταιμήστρας μόρον,
ἐμῆς ἀδελφῆς, ἥν, ἐπεὶ πρὸς Ἴλιον
ἔπλευσ' ὅπως ἔπλευσα θεομανεῖ πότμῳ,
[80] οὐκ εἶδον, ἀπολειφθεῖσα δ' αἰάζω τύχας.

Ἠλέκτρα

[81] Ἑλένη, τί σοι λέγοιμ' ἂν ἅ γε παροῦσ' ὁρᾷς;
Ἐν συμφοραῖσι τὸν Ἀγαμέμνονος δόμον
ἐγὼ μὲν ἄυπνος πάρεδρος ἀθλίῳ νεκρῷ
νεκρὸς γὰρ οὗτος οὕνεκα σμικρᾶς πνοῆς
[85] θάσσω· τὰ τούτου δ' οὐκ ὀνειδίζω κακά.
σὺ δ' εἶ μακαρία μακάριός θ' ὁ σὸς πόσις.
ἥκετον ἐφ' ἡμᾶς ἀθλίως πεπραγότας

Ἑλένη

Πόσον χρόνον δ' ἐν δεμνίοις πέπτωχ' ὅδε;

Ἠλέκτρα

Ἐξ οὗπερ αἷμα γενέθλιον κατήνυσεν.

Ἑλένη

[90] Ὢ μέλεος· ἡ τεκοῦσά θ', ὡς διώλετο.

Ἠλέκτρα

Οὕτως ἔχει τάδ', ὥστ' ἀπείρηκεν κακοῖς.

Ἑλένη

Πρὸς θεῶν, πίθοι' ἂν δῆτά μοί τι, παρθένε;

Ἠλέκτρα

Ὡς ἄσχολός γε συγγόνου προσεδρίᾳ.

Ἑλένη

Βούλῃ τάφον μοι πρὸς κασιγνήτης μολεῖν;

Ἠλέκτρα

[95] Μητρὸς κελεύεις τῆς ἐμῆς; Τίνος χάριν;

Ἑλένη

Κόμης ἀπαρχὰς καὶ χοὰς φέρουσ' ἐμάς.

Ἠλέκτρα

Σοὶ δ' οὐχὶ θεμιτὸν πρὸς φίλων στείχειν τάφον;

Ἑλένη

Δεῖξαι γὰρ Ἀργείοισι σῶμ' αἰσχύνομαι.

Ἠλέκτρα

Ὀψέ γε φρονεῖς εὖ, τότε λιποῦσ' αἰσχρῶς δόμους.

Ἑλένη

[100] Ὀρθῶς ἔλεξας, οὐ φίλως δ' ἐμοὶ λέγεις.

Ἠλέκτρα

Αἰδὼς δὲ δὴ τίς σ' ἐς Μυκηναίους ἔχει;

Ἑλένη

Δέδοικα πατέρας τῶν ὑπ' Ἰλίῳ νεκρῶν.

Ἠλέκτρα

Δεινὸν γάρ· Ἄργει τ' ἀναβοᾷ διὰ στόμα.

Ἑλένη

Σύ νυν χάριν μοι τὸν φόβον λύσασα δός.

Ἠλέκτρα

[105] Οὐκ ἂν δυναίμην μητρὸς ἐσβλέψαι τάφον.

Ἑλένη

Αἰσχρόν γε μέντοι προσπόλους φέρειν τάδε.

Ἠλέκτρα

Τί δ' οὐχὶ θυγατρὸς Ἑρμιόνης πέμπεις δέμας;

Ἑλένη

Ἐς ὄχλον ἕρπειν παρθένοισιν οὐ καλόν.

Ἠλέκτρα

Καὶ μὴν τίνοι γ' ἂν τῇ τεθνηκυίᾳ τροφάς.

Ἑλένη

[110] Ὀρθῶς ἔλεξας, πείθομαί τέ σοι, κόρη.
Καὶ πέμψομέν γε θυγατέρ'· εὖ γάρ τοι λέγεις.
Ὦ τέκνον, ἔξελθ', Ἑρμιόνη, δόμων πάρος
καὶ λαβὲ χοὰς τάσδ' ἐν χεροῖν κόμας τ' ἐμάς·
Ἐλθοῦσα δ' ἀμφὶ τὸν Κλυταιμήστρας τάφον
[115] μελίκρατ' ἄφες γάλακτος οἰνωπόν τ' ἄχνην,
καὶ στᾶσ' ἐπ' ἄκρου χώματος λέξον τάδε·
Ἑλένη σ' ἀδελφὴ ταῖσδε δωρεῖται χοαῖς,
φόβῳ προσελθεῖν μνῆμα σόν, ταρβοῦσά τε
Ἀργεῖον ὄχλον. Πρευμενῆ δ' ἄνωγέ νιν
[120] ἐμοί τε καὶ σοὶ καὶ πόσει γνώμην ἔχειν
τοῖν τ' ἀθλίοιν τοῖνδ', οὓς ἀπώλεσεν θεός.
Ἃ δ' εἰς ἀδελφὴν καιρὸς ἐκπονεῖν ἐμέ,
ἅπανθ' ὑπισχνοῦ νερτέρων δωρήματα.
Ἴθ', ὦ τέκνον μοι, σπεῦδε καὶ χοὰς τάφῳ
[125] δοῦσ' ὡς τάχιστα τῆς πάλιν μέμνησ' ὁδοῦ.

HÉLÈNE.

[71] Fille d'Agamemnon et de Clytemnestre, Électre, dont les jours s'écoulent dans un long célibat, en quel état es-tu, infortunée, toi et ton frère, le malheureux Oreste, meurtrier de sa mère? Je ne redoute point de souillure en t'adressant la parole; c'est sur Phébus que je rejette le crime : cependant je déplore le sort de Clytemnestre, ma sœur. Depuis mon départ pour Troie, où me porta je ne sais quel aveugle destin, je ne l'ai point revue, et dans l'abandon je pleure mon infortune.

ÉLECTRE.

[81] Hélène, que pourrais-je te dire? Tu as sous les yeux les malheurs de la race d'Agamemnon. Pour moi, privée de sommeil, je veille sur ce mort; car il est mort, à en juger au faible souffle qui lui reste. Je n'insulte point à son malheur ; mais toi, heureuse Hélène, et ton heureux époux, vous venez à nous dans notre misère.

HÉLÈNE.

Depuis combien de temps ton frère est-il étendu sur ce lit de douleur?

ÉLECTRE.

Depuis qu'il,a versé le sang dont il est né.

HÉLÈNE.

Ô malheureux ! et sa mère, quelle fin funeste !

ÉLECTRE.

Tel est notre sort : tant de malheurs m'ont réduite au désespoir.

HÉLÈNE.

Au nom des dieux, veux-tu m'accorder une grâce ?

ÉLECTRE.

Tu me vois occupée à veiller sur mon frère.

HÉLÈNE.

Veux-tu aller pour moi au tombeau de ma sœur?

ÉLECTRE.

Au tombeau de ma mère ! et dans quel but?

HÉLÈNE.

Pour y porter mes cheveux en offrande, et y faire des libations en mon nom.

ÉLECTRE.

Ne peux-tu visiter toi-même la tombe de ceux que tu aimes?

HÉLÈNE.

Je n'ose me montrer aux Argiens.

ÉLECTRE.

Il est tard pour être sage, après avoir honteusement abandonné ta maison.

HÉLÈNE.

[100] Tes reproches sont justes, mais peu bienveillants pour moi.

ÉLECTRE.

Quelle est donc cette honte qui te retient à l'égard des Mycéniens(03)?

HÉLÈNE.

Je crains les pères de ceux qui sont morts sous les murs d'Ilion.

ÉLECTRE.

Juste sujet de crainte : Argos, en effet, t'accuse hautement.

HÉLÈNE.

Délivre-moi donc de cette frayeur, et rends-moi ce service.

ÉLECTRE.

Je ne pourrais soutenir la vue du tombeau de ma mère.

HÉLÈNE.

Mais il serait honteux de faire porter les offrandes par des esclaves.

ÉLECTRE.

Que n'envoies-tu ta fille Hermione?

HÉLÈNE.

Il n'est pas bienséant à une jeune fille de paraître aux yeux de la foule.

ÉLECTRE.

Elle témoignerait sa reconnaissance à celle qui prit soin de l'élever.

HÉLÈNE.

[110] Tu as raison ; je suivrai tes avis, et j'enverrai ma fille. Hermione, mon enfant, sors de ce palais, prends dans tes mains ces offrandes et ma chevelure que j'ai coupée, va sur le tombeau de Clytemnestre, et répands-y ce mélange de lait et de miel, avec ce vin écumeux ; puis monte sur le sommet du monument, et prononce ces paroles : « Hélène, ta sœur te fait ces libations ; elle n'ose venir elle-même sur ta tombe, par crainte du peuple d'Argos. » Conjure-la ensuite de se montrer propice à moi, à toi, à mon époux, et à ces deux infortunés qu'un dieu a perdus. Promets-lui aussi tous les dons funéraires que je dois à une sœur. Va, ma fille, hâte-toi ; et après avoir déposé ces offrandes sur le tombeau, reviens au plus vite.

Ἠλέκτρα

[126] Ὦ φύσις, ἐν ἀνθρώποισιν ὡς μέγ' εἶ κακόν,
σωτήριόν τε τοῖς καλῶς κεκτημένοις.
Εἴδετε παρ' ἄκρας ὡς ἀπέθρισεν τρίχας,
σῴζουσα κάλλος; Ἔστι δ' ἡ πάλαι γυνή.
[130] Θεοί σε μισήσειαν, ὥς μ' ἀπώλεσας
καὶ τόνδε πᾶσάν θ' Ἑλλάδα. Ὦ τάλαιν' ἐγώ·
αἵδ' αὖ πάρεισι τοῖς ἐμοῖς θρηνήμασι
φίλαι ξυνῳδοί· τάχα μεταστήσουσ' ὕπνου
τόνδ' ἡσυχάζοντ', ὄμμα δ' ἐκτήξουσ' ἐμὸν
[135] δακρύοις, ἀδελφὸν ὅταν ὁρῶ μεμηνότα.

Ὦ φίλταται γυναῖκες, ἡσύχῳ ποδὶ
χωρεῖτε, μὴ ψοφεῖτε, μηδ' ἔστω κτύπος.
Φιλία γὰρ ἡ σὴ πρευμενὴς μέν, ἀλλ' ἐμοὶ
τόνδ' ἐξεγεῖραι συμφορὰ γενήσεται.

Χορός

[140] σῖγα σῖγα, λεπτὸν ἴχνος ἀρβύλης
τίθετε, μὴ κτυπεῖτ'.

Ἠλέκτρα

ἀποπρὸ βᾶτ' ἐκεῖσ', ἀποπρό μοι κοίτας.

Χορός

Ἰδού, πείθομαι.

Ἠλέκτρα

[145] Ἆ ἆ σύριγγος ὅπως πνοὰ
λεπτοῦ δόνακος, ὦ φίλα, φώνει μοι.

Χορός

Ἴδ', ἀτρεμαῖον ὡς ὑπόροφον φέρω
βοάν.

Ἠλέκτρα

Ναί, οὕτως·

Κάταγε κάταγε, πρόσιθ' ἀτρέμας, ἀτρέμας ἴθι·
[150] λόγον ἀπόδος ἐφ' ὅ τι χρέος ἐμόλετέ ποτε.
Χρόνια γὰρ πεσὼν ὅδ' εὐνάζεται.

Χορός

Πῶς ἔχει; Λόγου μετάδος, ὦ φίλα·
τίνα τύχαν εἴπω; Τίνα δὲ συμφοράν;

Ἠλέκτρα

[155] Ἔτι μὲν ἐμπνέει, βραχὺ δ' ἀναστένει.

Χορός

Τί φῄς; ὦ τάλας.

Ἠλέκτρα

[158] Ὀλεῖς, εἰ βλέφαρα κινήσεις
ὕπνου γλυκυτάταν φερομένῳ χάριν.

Χορός

[160] Μέλεος ἐχθίστων θεόθεν ἐργμάτων,
τάλας.

Ἠλέκτρα

[162] Φεῦ μόχθων.
Ἄδικος ἄδικα τότ' ἄρ' ἔλακεν ἔλακεν, ἀπό-
φονον ὅτ' ἐπὶ τρίποδι Θέμιδος ἄρ' ἐδίκασε
[165] φόνον ὁ Λοξίας ἐμᾶς ματέρος.

Χορός

Ὁρᾷς; Ἐν πέπλοισι κινεῖ δέμας.

Ἠλέκτρα

Σὺ γάρ νιν, ὦ τάλαινα,
θωύ̈ξασ' ἔβαλες ἐξ ὕπνου.

Χορός

Εὕδειν μὲν οὖν ἔδοξα.

Ἠλέκτρα

[170] Οὐκ ἀφ' ἡμῶν, οὐκ ἀπ' οἴκων
πάλιν ἀνὰ πόδα σὸν εἱλίξεις
μεθεμένα κτύπου;

Χορός

Ὑπνώσσει.

Ἠλέκτρα

[173] Λέγεις εὖ.
πότνια, πότνια νύξ,
[175] ὑπνοδότειρα τῶν πολυπόνων βροτῶν,
[178] ἐρεβόθεν ἴθι, μόλε μόλε κατάπτερος
τὸν Ἀγαμεμνόνιον ἐπὶ δόμον.
[180] Ὑπὸ γὰρ ἀλγέων ὑπό τε συμφορᾶς
διοιχόμεθ', οἰχόμεθα. Κτύπον ἠγάγετ'· οὐχὶ σῖγα
σῖγα φυλασσομένα στόματος
[185] ἄνα κέλαδον ἀπὸ λέχεος ἥ-
συχον ὕπνου χάριν παρέξεις, φίλα;

Χορός

Θρόει τίς κακῶν τελευτὰ μένει.

Ἠλέκτρα

Θανεῖν <θανεῖν>, τί δ' ἄλλο;
Οὐδὲ γὰρ πόθον ἔχει βορᾶς.

Χορός

[190] Πρόδηλος ἆρ' ὁ πότμος.

Ἠλέκτρα

Ἐξέθυσ' ὁ Φοῖβος ἡμᾶς
μέλεον ἀπόφονον αἷμα δοὺς
πατροφόνου ματρός.

Χορός

Δίκᾳ μέν.

Ἠλέκτρα

Καλῶς δ' οὔ.
[195] Ἔκανες ἔθανες, ὦ
τεκομένα με μᾶτερ, ἀπὸ δ' ὤλεσας
πατέρα τέκνα τε τάδε σέθεν ἀφ' αἵματος·
[200] Ὀλόμεθ' ἰσονέκυες, ὀλόμεθα.
Σύ τε γὰρ ἐν νεκροῖς, τό τ' ἐμὸν οἴχεται
[204] βίου τὸ πλέον μέρος ἐν στοναχαῖσί τε καὶ γόοισι
[205] δάκρυσί τ' ἐννυχίοις, ἄγαμος
ἐπὶ δ' ἄτεκνος ἅτε βίοτον ἁ
μέλεος ἐς τὸν αἰὲν ἕλκω χρόνον.

 Χορός

Ὅρα παροῦσα, παρθέν' Ἠλέκτρα, πέλας,
μὴ κατθανών σε σύγγονος λέληθ' ὅδε·
[210] οὐ γάρ μ' ἀρέσκει τῷ λίαν παρειμένῳ.

ÉLECTRE seule.

[126] Ô dons de la nature ! beauté funeste aux mortels, et cependant précieuse aussi à ceux qui la possèdent ! Voyez avec quel artifice cette femme vient de couper l'extrémité de ses cheveux, sans nuire à sa beauté. Elle est toujours la femme d'autrefois ! Que la haine des dieux s'appesantisse sur toi qui m'as perdue, moi, mon frère et la Grèce entière !.... Ah ! malheureuse que je suis ! — Mais voici des amies qui viennent unir leurs voix à mes accents plaintifs. Peut-être vont-elles éveiller mon frère qui repose, et faire couler de nouveau mes larmes, quand je verrai ses fureurs.

ÉLECTRE.

Ô chères amies, marchez doucement et d'un pas léger ; ne faites point de bruit, point d'éclat. Votre amitié m'est bien précieuse; mais éveiller cet infortuné serait pour moi une vive douleur.

LE CHOEUR.

Silence! silence! que vos pas ne laissent qu'une trace, légère : ne faites point de bruit, point d'éclat.

ÉLECTRE.

Éloignez-vous, éloignez-vous de ce lit.

LE CHOEUR.

J'obéis.

ÉLECTRE.

[145] Ah! chère amie! ta voix retentit à mon oreille, comme le son aigu du chalumeau formé de roseaux légers (04).

LE CHOEUR.

Tiens, je ne fais plus entendre que des accents adoucis, comme les soupirs de la flûte.

ÉLECTRE.

Fort bien. Baisse la voix, baisse la voix. Avance doucement, bien doucement, et dis-moi le sujet qui vous mène. Voilà longtemps qu'Oreste est plongé dans ce profond sommeil.

LE CHOEUR.

En quel état est-il? Réponds-nous, parle, chère amie.

ÉLECTRE.

Que vous dire de sa destinée ? que vous dire de son malheur? Il respire encore ; bientôt il gémira.

LE CHOEUR.

Que dis-tu? infortunée !

ÉLECTRE.

Vous lui donnez la mort si vous écartez de ses paupières le doux sommeil qu'il goûte à présent.

LE CHOEUR.

Malheureux ! forfait horrible, ouvrage des dieux ! Infortuné, que de souffrances !

ÉLECTRE.

[162] L'injuste Loxias (05) proféra donc des ordres injustes, quand, sur le trépied de Thémis, il commanda le meurtre abominable de ma mère !

LE CHOEUR.

Vois-tu? son corps se meut sous ces voiles qui le couvrent.

ÉLECTRE.

C'est toi, malheureuse, qui l'as éveillé par tes cris.

LE CHOEUR.

Je crois qu'il dort encore.

ÉLECTRE.

Loin d'ici, loin du palais ! Retire-toi donc sans faire aucun bruit.

LE CHOEUR.

Il dort.

ÉLECTRE.

[173] Il est vrai.

LE CHOEUR.

Ô nuit! nuit vénérable, qui dispenses le sommeil aux mortels fatigués, sors de l'Érèbe, viens sur tes ailes rapides vers le palais d'Agamemnon ; car sous le poids des douleurs, sous le poids des calamités, nous succombons, nous succombons.

ÉLECTRE.

Vous faites du bruit. Ne voulez-vous pas faire silence et vous garder d'élever la voix prés de sa couche, afin de le laisser jouir d'un paisible sommeil ?

LE CHOEUR.

Quel sera, dis-nous, le terme de ses maux?

ÉLECTRE.

La mort. Quel autre pourrais-je attendre ? Il n'éprouve aucun besoin de nourriture.

LE CHOEUR.

Sa mort est donc inévitable.

ÉLECTRE.

Apollon nous a perdus, en nous donnant la mission sacrilège de verser le sang d'une mère parricide.

LE CHOEUR.

Action juste, mais condamnable!

ÉLECTRE.

[195]Tu as donné la mort et tu l'as reçue, ô toi à qui je dois la vie, ô ma mère ! tu as fait périr à la fois le père et les enfants nés de ton sang ; nous sommes perdus, nous sommes la proie de la mort ; car toi (06), tu es déjà parmi les morts, et la plus grande partie de ma vie se perd dans les gémissements, dans les sanglots et les larmes nocturnes. Sans époux, sans enfants, je traîne une vie à jamais misérable.

LE CHOEUR.

Approche-toi de ton frère, Électre ; prends garde que la vie ne lui échappe à ton insu. Un sommeil si profond m'inquiète.

 

Ὀρέστης

[211] Ὦ φίλον ὕπνου θέλγητρον, ἐπίκουρον νόσου,
ὡς ἡδύ μοι προσῆλθες ἐν δέοντί γε.
Ὦ πότνια Λήθη τῶν κακῶν, ὡς εἶ σοφὴ
καὶ τοῖσι δυστυχοῦσιν εὐκταία θεός.
[215]πόθεν ποτ' ἦλθον δεῦρο; Πῶς δ' ἀφικόμην;
Ἀμνημονῶ γάρ, τῶν πρὶν ἀπολειφθεὶς φρενῶν.

Ἠλέκτρα

Ὦ φίλταθ', ὥς μ' ηὔφρανας εἰς ὕπνον πεσών.
Βούλῃ θίγω σου κἀνακουφίσω δέμας;

Ὀρέστης

Λαβοῦ λαβοῦ δῆτ', ἐκ δ' ὄμορξον ἀθλίου
[220] στόματος ἀφρώδη πέλανον ὀμμάτων τ' ἐμῶν.

Ἠλέκτρα

Ἰδού· τὸ δούλευμ' ἡδύ, κοὐκ ἀναίνομαι
ἀδέλφ' ἀδελφῇ χειρὶ θεραπεύειν μέλη.

Ὀρέστης

Ὑπόβαλε πλευροῖς πλευρά, καὐχμώδη κόμην
ἄφελε προσώπου· λεπτὰ γὰρ λεύσσω κόραις.

Ἠλέκτρα

[225] Ὦ βοστρύχων πινῶδες ἄθλιον κάρα,
ὡς ἠγρίωσαι διὰ μακρᾶς ἀλουσίας.

Ὀρέστης

Κλῖνόν μ' ἐς εὐνὴν αὖθις· ὅταν ἀνῇ νόσος
μανίας, ἄναρθρός εἰμι κἀσθενῶ μέλη.

Ἠλέκτρα

Ἰδού. φίλον τοι τῷ νοσοῦντι δέμνιον,
[230] ἀνιαρὸν ὂν τὸ κτῆμ', ἀναγκαῖον δ' ὅμως.

Ὀρέστης

Αὖθίς μ' ἐς ὀρθὸν στῆσον, ἀνακύκλει δέμας·
Δυσάρεστον οἱ νοσοῦντες ἀπορίας ὕπο.

Ἠλέκτρα

Ἦ κἀπὶ γαίας ἁρμόσαι πόδας θέλεις,
χρόνιον ἴχνος θείς; Μεταβολὴ πάντων γλυκύ.

Ὀρέστης

[235] Μάλιστα· δόξαν γὰρ τόδ' ὑγιείας ἔχει.
Κρεῖσσον δὲ τὸ δοκεῖν, κἂν ἀληθείας ἀπῇ.

Ἠλέκτρα

Ἄκουε δὴ νῦν, ὦ κασίγνητον κάρα,
ἕως ἐῶσιν εὖ φρονεῖν Ἐρινύες.

Ὀρέστης

Λέξεις τι καινόν· κεἰ μὲν εὖ, χάριν φέρεις·
[240] Εἰ δ' ἐς βλάβην τιν', ἅλις ἔχω τὸ δυστυχεῖν.

Ἠλέκτρα

[241] Μενέλαος ἥκει, σοῦ κασίγνητος πατρός,
ἐν Ναυπλίᾳ δὲ σέλμαθ' ὥρμισται νεῶν.

Ὀρέστης

Πῶς εἶπας; Ἥκει φῶς ἐμοῖς καὶ σοῖς κακοῖς
ἀνὴρ ὁμογενὴς καὶ χάριτας ἔχων πατρός;

Ἠλέκτρα

[245] Ἥκει τὸ πιστὸν τόδε λόγων ἐμῶν δέχου
Ἑλένην ἀγόμενος Τρωικῶν ἐκ τειχέων.

Ὀρέστης

Εἰ μόνος ἐσώθη, μᾶλλον ἂν ζηλωτὸς ἦν·
εἰ δ' ἄλοχον ἄγεται, κακὸν ἔχων ἥκει μέγα.

Ἠλέκτρα

Ἐπίσημον ἔτεκε Τυνδάρεως ἐς τὸν ψόγον
[250] γένος θυγατέρων δυσκλεές τ' ἀν' Ἑλλάδα.

Ὀρέστης

Σύ νυν διάφερε τῶν κακῶν· ἔξεστι γάρ·
καὶ μὴ μόνον λέγ', ἀλλὰ καὶ φρόνει τάδε.

Ἠλέκτρα

Οἴμοι, κασίγνητ', ὄμμα σὸν ταράσσεται,
ταχὺς δὲ μετέθου λύσσαν, ἄρτι σωφρονῶν.

Ὀρέστης

[255] Ὦ μῆτερ, ἱκετεύω σε, μὴ 'πίσειέ μοι
τὰς αἱματωποὺς καὶ δρακοντώδεις κόρας.
Αὗται γὰρ αὗται πλησίον θρῴσκουσί μου.

Ἠλέκτρα

Μέν', ὦ ταλαίπωρ', ἀτρέμα σοῖς ἐν δεμνίοις·
Ὁρᾷς γὰρ οὐδὲν ὧν δοκεῖς σάφ' εἰδέναι.

Ὀρέστης

[260] Ὦ Φοῖβ', ἀποκτενοῦσί μ' αἱ κυνώπιδες
γοργῶπες, ἐνέρων ἱέρεαι, δειναὶ θεαί.

Ἠλέκτρα

Οὔτοι μεθήσω· χεῖρα δ' ἐμπλέξασ' ἐμὴν
σχήσω σε πηδᾶν δυστυχῆ πηδήματα.

Ὀρέστης

Μέθες· μί' οὖσα τῶν ἐμῶν Ἐρινύων
[265] μέσον μ' ὀχμάζεις, ὡς βάλῃς ἐς Τάρταρον.

Ἠλέκτρα

Οἲ 'γὼ τάλαινα, τίν' ἐπικουρίαν λάβω,
ἐπεὶ τὸ θεῖον δυσμενὲς κεκτήμεθα;

Ὀρέστης

[268] Δὸς τόξα μοι κερουλκά, δῶρα Λοξίου,
Οἷς μ' εἶπ' Ἀπόλλων ἐξαμύνασθαι θεάς,
[270] εἴ μ' ἐκφοβοῖεν μανιάσιν λυσσήμασιν.
Βεβλήσεταί τις θεῶν βροτησίᾳ χερί,
εἰ μὴ 'ξαμείψει χωρὶς ὀμμάτων ἐμῶν.
Οὐκ εἰσακούετ'; Οὐχ ὁρᾶθ' ἑκηβόλων
τόξων πτερωτὰς γλυφίδας ἐξορμωμένας;
[274β] Ἆ ἆ·
[275] τί δῆτα μέλλετ'; Ἐξακρίζετ' αἰθέρα
πτεροῖς· τὰ Φοίβου δ' αἰτιᾶσθε θέσφατα.
[276β] Ἔα·
τί χρῆμ' ἀλύω, πνεῦμ' ἀνεὶς ἐκ πλευμόνων;
Ποῖ ποῖ ποθ' ἡλάμεσθα δεμνίων ἄπο;
Ἐκ κυμάτων γὰρ αὖθις αὖ γαλήν' ὁρῶ.
[280] Σύγγονε, τί κλαίεις κρᾶτα θεῖσ' ἔσω πέπλων;
Αἰσχύνομαί σε, μεταδιδοὺς πόνων ἐμῶν
ὄχλον τε παρέχων παρθένῳ νόσοις ἐμαῖς.
Μὴ τῶν ἐμῶν ἕκατι συντήκου κακῶν·
σὺ μὲν γὰρ ἐπένευσας τάδ', εἴργασται δ' ἐμοὶ
[285] μητρῷον αἷμα· Λοξίᾳ δὲ μέμφομαι,
ὅστις μ' ἐπάρας ἔργον ἀνοσιώτατον,
τοῖς μὲν λόγοις ηὔφρανε, τοῖς δ' ἔργοισιν οὔ.
Οἶμαι δὲ πατέρα τὸν ἐμόν, εἰ κατ' ὄμματα
ἐξιστόρουν νιν, μητέρ' εἰ κτεῖναι χρεών,
[290] πολλὰς γενείου τοῦδ' ἂν ἐκτεῖναι λιτὰς
μήποτε τεκούσης ἐς σφαγὰς ὦσαι ξίφος,
εἰ μήτ' ἐκεῖνος ἀναλαβεῖν ἔμελλε φῶς,
ἐγώ θ' ὁ τλήμων τοιάδ' ἐκπλήσειν κακά.
[294] Καὶ νῦν ἀνακάλυπτ', ὦ κασιγνήτη, κάρα,
[295] ἐκ δακρύων τ' ἄπελθε, κεἰ μάλ' ἀθλίως
ἔχομεν. Ὅταν δὲ τἄμ' ἀθυμήσαντ' ἴδῃς,
σύ μου τὸ δεινὸν καὶ διαφθαρὲν φρενῶν
ἴσχναινε παραμυθοῦ θ'· ὅταν δὲ σὺ στένῃς,
ἡμᾶς παρόντας χρή σε νουθετεῖν φίλα·
[300] ἐπικουρίαι γὰρ αἵδε τοῖς φίλοις καλαί.
Ἀλλ', ὦ τάλαινα, βᾶσα δωμάτων ἔσω
ὕπνῳ τ' ἄυπνον βλέφαρον ἐκταθεῖσα δός,
σίτων τ' ὄρεξαι λουτρά τ' ἐπιβαλοῦ χροί̈.
Εἰ γὰρ προλείψεις ἢ προσεδρείᾳ νόσον
[305] κτήσῃ τιν', οἰχόμεσθα· σὲ γὰρ ἔχω μόνην
ἐπίκουρον, ἄλλων, ὡς ὁρᾷς, ἔρημος ὤν.

Ἠλέκτρα

[307] Οὐκ ἔστι· σὺν σοὶ καὶ θανεῖν αἱρήσομαι
καὶ ζῆν· ἔχει γὰρ ταὐτόν· ἢν σὺ κατθάνῃς,
γυνὴ τί δράσω; Πῶς μόνη σωθήσομαι,
[310] ἀνάδελφος ἀπάτωρ ἄφιλος; Εἰ δὲ σοὶ δοκεῖ,
δρᾶν χρὴ τάδ'. Ἀλλὰ κλῖνον εἰς εὐνὴν δέμας,
καὶ μὴ τὸ ταρβοῦν κἀκφοβοῦν σ' ἐκ δεμνίων
ἄγαν ἀποδέχου, μένε δ' ἐπὶ στρωτοῦ λέχους.
Κἂν μὴ νοσῇς γάρ, ἀλλὰ δοξάζῃς νοσεῖν,
[315] κάματος βροτοῖσιν ἀπορία τε γίγνεται.
 

ORESTE, se réveillant.

[211] Ô doux charme du sommeil (07) ! remède salutaire, quel baume tu as répandu sur mes douleurs ! Oubli des maux, sommeil bienfaisant! quelle est ta puissance, divinité secourable à ceux qui souffrent ! Mais d'où suis-je venu en ces lieux? comment y suis-je arrivé ? car j'ai perdu le souvenir de tout ce que j'ai fait dans mon égarement.

ÉLECTRE.

Frère chéri, que ton sommeil m'a causé de joie! Veux-tu que je t'aide à soulever ton corps languissant?

ORESTE.

Oui, oui, aide-moi, et essuie ces restes d'écume attachés autour de ma bouche et de mes yeux.

ÉLECTRE.

Emploi qui m'est cher! ma main fraternelle ne refuse pas de prendre soin d'un frère.

ORESTE.

Approche ta poitrine contre la mienne, et écarte de mon visage ma chevelure souillée, car elle voile mes regards.

ÉLECTRE.

[225] Tête souffrante, que l'eau n'a pas rafraîchie depuis longtemps, combien ces cheveux incultes et hérissés te défigurent!

ORESTE.

Couche-moi de nouveau sur ce lit : quand l'accès de ma fureur s'apaise, je reste sans force et le corps brisé.

ÉLECTRE.

J'obéis : le lit plaît au malade ; son repos est fatigant, et cependant nécessaire.

ORESTE.

Remets-moi sur mon séant, et redresse mon corps. Les malades ne sont jamais contents : le malaise les rend inquiets.

ÉLECTRE.

Veux-tu aussi mettre les pieds par terre, et faire quelques pas avec précaution ? Tout changement est agréable.

ORESTE.

Oui, c'est au moins l'apparence de la santé ; et l'apparence est quelque chose, quand la réalité manque.

ÉLECTRE.

Écoute-moi, mon frère, pendant que les Furies te laissent maître de ta raison.

ORESTE.

As-tu quelque chose de nouveau à m'apprendre ? Si c'est une heureuse nouvelle, j'en serai reconnaissant ; mais si c'est quelque affliction, j'ai assez de malheurs.

ÉLECTRE.

[241] Ménélas arrive ; Ménélas, le frère de ton père ; son vaisseau est abordé dans le port de Nauplie.

ORESTE.

Que dis-tu? Il vient luire comme un astre bienfaisant (08) sur tes maux et les miens? Un homme de notre sang, et qui a reçu des bienfaits de mon père!

ÉLECTRE.

Il vient, et, pour preuve de mes paroles, il ramène Hélène des murs de Troie.

ORESTE.

S'il eût échappé seul, il serait plus digne d'envie ; mais s'il ramène son épouse, il a avec lui un fléau funeste.

ÉLECTRE.

Tyndare a donné le jour à des filles célèbres par leurs crimes, et déshonorées dans toute la Grèce.

ORESTE.

Toi donc, fuis l'exemple de ces femmes coupables ; tu le peux : et reste pure, non seulement en paroles, mais aussi par tes sentiments.

ÉLECTRE.

Ô mon frère, ton œil se trouble; tout à coup te voilà rendu à tes fureurs, toi qui tout à l'heure étais dans ton bon sens.

ORESTE.

[255] Ô ma mère, je t'en conjure, n'excite pas contre moi ces filles sanglantes, à la tête hérissée de serpents. Les voilà, les voilà qui fondent sur moi!

ÉLECTRE.

Infortuné, demeure tranquille sur ta couche ; tu ne vois rien de ce que tu crois voir.

ORESTE.

Ô Phébus ! elles vont m'immoler, ces prêtresses des enfers, ces déesses redoutables, aux visages de chien et aux regards terribles.

ÉLECTRE.

Non, je ne te lâcherai point, je te serrerai dans mes bras, je contiendrai tes élans furieux.

ORESTE.

Lâche-moi, Furie impitoyable qui me saisis par le milieu du corps pour me précipiter dans le Tartare !

ÉLECTRE.

Ah ! malheureuse ! quel secours espérer quand nous avons les dieux contre nous?

ORESTE.

[268] Donne-moi cet arc de corne, présent d'Apollon, avec lequel il m'a dit de repousser les déesses, si elles m'épouvantaient par leurs transports frénétiques.

ÉLECTRE.

Une divinité peut-elle être atteinte par une main mortelle?

ORESTE.

Oui, si elle ne se dérobe à ma vue N'entendez-vous pas, ne voyez-vous pas la flèche ailée qui s'échappe de l'arc inévitable?.... Eh bien! qu'attendez-vous donc? élancez-vous dans les airs sur vos ailes, et accusez les oracles de Phébus.

Hélas! d'où vient le trouble qui m'agite? pourquoi suis-je hors d'haleine? où me suis-je élancé hors de mon lit? — Mais enfin après la tempête je vois renaître le calme (09). — Pourquoi pleures-tu, ma sœur? pourquoi caches-tu ta tête sous ton voile ? J'ai honte de te faire partager mes maux, et de l'embarras que mes souffrances causent à une jeune fille. Ah ! que mes douleurs ne flétrissent point ta vie ! Tu n'as fait qu'approuver l'action ; mais c'est moi qui ai versé le sang d'une mère. Mais c'est Apollon que j'accuse, lui qui, après m'avoir poussé à cette action impie, m'a abusé par des promesses qui ne se réalisent pas. Je pense que mon père, si j'avais pu l'interroger en face et lui demander si je devais immoler ma mère, m'aurait conjuré, les mains étendues vers moi (10), de ne point plonger le fer dans le sein de celle qui m'a donné le jour, puisqu'il n'en recouvrerait pas plus la lumière, et que moi-même j'en devais recueillir tant de maux.

[294] Maintenant, ma sœur, découvre ton visage et retiens tes larmes, malgré la douleur qui nous presse. Quand tu me vois abattu par le découragement, c'est toi qui soutiens et consoles mon âme désespérée ; et lorsque tu gémis, c'est à mon amitié à calmer tes douleurs. Ces secours mutuels honorent ceux qui s'aiment. Cependant, infortunée, rentre dans le palais, livre au sommeil tes paupières fatiguées par une si longue veille, prends quelque nourriture, et plonge ton corps dans une eau salutaire : car si tu viens à me manquer, ou si ton assiduité auprès de moi te rend malade, nous sommes perdus : je n'ai que toi seule pour appui; tu le vois, tous les autres m'abandonnent.

ÉLECTRE.

[307] Non, mon frère, avec toi je veux (11) vivre et mourir : tout est commun entre nous. Si tu meurs, que ferai-je? Simple femme, isolée, quel espoir de salut, sans frère, sans père, sans amis (12) ? — Mais si tu le veux, je dois y consentir. Cependant étends-toi sur ta couche, et ne te laisse pas aller à ce trouble et à ces terreurs subites, qui t'arrachent du lit. Reste en repos ; car, même en bonne santé, se croire malade est un tourment qui réduit à l'impuissance.

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Χορός

[316] Αἰαῖ,
δρομάδες ὦ πτεροφόροι
ποτνιάδες θεαί,
ἀβάκχευτον αἳ θίασον ἐλάχετ' ἐν
[320] δάκρυσι καὶ γόοις,
μελάγχρωτες εὐμενίδες, αἵτε τὸν
ταναὸν αἰθέρ' ἀμπάλλεσθ', αἵματος
τινύμεναι δίκαν, τινύμεναι φόνον,
καθικετεύομαι καθικετεύομαι,
[325] τὸν Ἀγαμέμνονος
γόνον ἐάσατ' ἐκλαθέσθαι λύσσας
μανιάδος φοιταλέου. Φεῦ μόχθων,
οἵων, ὦ τάλας, ὀρεχθεὶς ἔρρεις,
τρίποδος ἄπο φάτιν, ἃν ὁ Φοῖβος ἔλακε, δε-
[330] ξάμενος ἀνὰ δάπεδον,
ἵνα μεσόμφαλοι λέγονται μυχοί.

[332] Ἰὼ Ζεῦ,
τίς ἔλεος, τίς ὅδ' ἀγὼν
φόνιος ἔρχεται,
[335] θοάζων σε τὸν μέλεον, ᾧ δάκρυα
δάκρυσι συμβάλλει
πορεύων τις ἐς δόμον ἀλαστόρων
ματέρος αἷμα σᾶς, ὅ σ' ἀναβακχεύει;
[340] Ὁ μέγας ὄλβος οὐ μόνιμος ἐν βροτοῖς·
[339] κατολοφύρομαι κατολοφύρομαι.
[341] Ἀνὰ δὲ λαῖφος ὥς
τις ἀκάτου θοᾶς τινάξας δαίμων
κατέκλυσεν δεινῶν πόνων ὡς πόντου
λάβροις ὀλεθρίοισιν ἐν κύμασιν.
[345] Τίνα γὰρ ἔτι πάρος οἶκον ἕτερον ἢ τὸν ἀπὸ
θεογόνων γάμων,
τὸν ἀπὸ Ταντάλου, σέβεσθαί με χρή;

[348] Καὶ μὴν βασιλεὺς ὅδε δὴ στείχει,
Μενέλαος ἄναξ, πολλῇ ἁβροσύνῃ
[350] δῆλος ὁρᾶσθαι
τῶν Τανταλιδῶν ἐξ αἵματος ὤν.
Ὦ χιλιόναυν στρατὸν ὁρμήσας
ἐς γῆν Ἀσίαν,
χαῖρ', εὐτυχίᾳ δ' αὐτὸς ὁμιλεῖς,
[355] θεόθεν πράξας ἅπερ ηὔχου.

Μενέλαος

[356] Ὦ δῶμα, τῇ μέν σ' ἡδέως προσδέρκομαι
Τροίαθεν ἐλθών, τῇ δ' ἰδὼν καταστένω·
κύκλῳ γὰρ εἱλιχθεῖσαν ἀθλίως κακοῖς
οὐπώποτ' ἄλλην μᾶλλον εἶδον ἑστίαν.
[360] Ἀγαμέμνονος μὲν γὰρ τύχας ἠπιστάμην
καὶ θάνατον, οἵῳ πρὸς δάμαρτος ὤλετο,
Μαλέᾳ προσίσχων πρῷραν· ἐκ δὲ κυμάτων
ὁ ναυτίλοισι μάντις ἐξήγγειλέ μοι
Νηρέως προφήτης Γλαῦκος, ἀψευδὴς θεός,
[365] ὅς μοι τόδ' εἶπεν ἐμφανῶς κατασταθείς·
Μενέλαε, κεῖται σὸς κασίγνητος θανών,
λουτροῖσιν ἀλόχου περιπεσὼν πανυστάτοις.
Δακρύων δ' ἔπλησεν ἐμέ τε καὶ ναύτας ἐμοὺς
πολλῶν. Ἐπεὶ δὲ Ναυπλίας ψαύω χθονός,
[370] ἤδη δάμαρτος ἐνθάδ' ἐξορμωμένης,
δοκῶν Ὀρέστην παῖδα τὸν Ἀγαμέμνονος
φίλαισι χερσὶ περιβαλεῖν καὶ μητέρα,
ὡς εὐτυχοῦντας, ἔκλυον ἁλιτύπων τινὸς
τῆς Τυνδαρείας παιδὸς ἀνόσιον φόνον.
[375] Καὶ νῦν ὅπου 'στὶν εἴπατ', ὦ νεάνιδες,
Ἀγαμέμνονος παῖς, ὃς τὰ δείν' ἔτλη κακά.
Βρέφος γὰρ ἦν τότ' ἐν Κλυταιμήστρας χεροῖν,
ὅτ' ἐξέλειπον μέλαθρον ἐς Τροίαν ἰών,
ὥστ' οὐκ ἂν αὐτὸν γνωρίσαιμ' ἂν εἰσιδών.

 

LE CHOEUR, seul.

[316] Ô déesses rapides, ailées, redoutables, qui célébrez dans les larmes et les gémissements des fêtes bien différentes de celles de Bacchus ; noires Euménides, qui volez à travers l'espace, vengeresses du sang, vengeresses du meurtre, je vous en supplie, je vous en supplie, laissez le fils d'Agamemnon oublier les transports de sa fureur terrible. Oh ! quelles calamités tu as attirées sur toi-même, en obéissant à l'oracle émané du trépied sacré, et prononcé par Apollon, dans le sanctuaire caché, dit-on, au centre de la terre (13).

[332] Ô Jupiter! où trouver de la pitié? Quelle est cette lutte sanglante qui te poursuit, infortuné, qu'un mauvais génie abreuve sans cesse de larmes nouvelles, en faisant apparaître à tes yeux le sang de ta mère, qui renouvelle ton délire ? O désolation, désolation ! Une haute fortune ne peut subsister parmi les mortels : comme un frêle vaisseau dont la tempête a déchiré les voiles, les dieux l'engloutissent dans un abîme de malheurs, aussi dévorant que les flots de la mer orageuse. En effet, quelle autre famille eut jusqu'ici plus de droits à nos hommages que celle de Tantale, issue d'une union divine (14) ?

[348] Mais voici le roi Ménélas qui s'avance. A l'appareil qui l'environne, il est aisé de reconnaître le sang des fils de Tantale.

Ô toi qui conduisis contre la terre de l'Asie une armée de mille vaisseaux, salut : pour toi, la fortune te seconde; avec l'aide des dieux, tu as obtenu l'objet de tes vœux.

MÉNÉLAS.

[356] Ô palais, qu'avec plaisir je le revois à mon retour de Troie ! Et cependant ta vue m'arrache des larmes ; car jamais je ne vis aucune autre maison en proie à des calamités plus funestes. En passant devant le promontoire de Malée (15), j'ai appris le destin d'Agamemnon et la mort qu'il a reçue de la main de son épouse. Du sein des flots m'apparut l'oracle des nautoniers, le prophète de Nérée, Glaucus, dieu véridique, qui m'annonça cette nouvelle et me fit entendre ces paroles : « Ménélas, ton frère est mort ; il a succombé dans le bain fatal préparé par son épouse. » Ces mots firent couler mes larmes et celles de mes matelots. Lorsqu'enfin j'aborde à Nauplie (16), et que déjà mon épouse se dirigeait vers Argos, au moment où je croyais presser dans mes bras Oreste, le fils d'Agamemnon, et sa mère, tous deux dans la prospérité, j'apprends d'un pêcheur le meurtre impie de la fille de Tyndare. Et maintenant, jeunes filles, apprenez-moi où est le fils d'Agamemnon, qui a osé commettre un tel forfait? C'était un faible enfant porté sur les bras de Clytemnestre, lorsque je quittai ce palais pour aller à Troie : je ne pourrais donc le reconnaître, si je le voyais.

 

Ὀρέστης

[380] Ὃδ' εἴμ' Ὀρέστης, Μενέλεως, ὃν ἱστορεῖς.
Ἑκὼν ἐγώ σοι τἀμὰ μηνύσω κακά.
Τῶν σῶν δὲ γονάτων πρωτόλεια θιγγάνω
ἱκέτης, ἀφύλλου στόματος ἐξάπτων λιτάς·
σῷσόν μ'· ἀφῖξαι δ' αὐτὸς ἐς καιρὸν κακῶν.

Μενέλαος

[385] Ὦ θεοί, τί λεύσσω; Τίνα δέδορκα νερτέρων;

Ὀρέστης

Εὖ γ' εἶπας· οὐ γὰρ ζῶ κακοῖς, φάος δ' ὁρῶ.

Μενέλαος

Ὡς ἠγρίωσαι πλόκαμον αὐχμηρόν, τάλας.

Ὀρέστης

Οὐχ ἡ πρόσοψίς μ', ἀλλὰ τἄργ' αἰκίζεται.

Μενέλαος

Δεινὸν δὲ λεύσσεις ὀμμάτων ξηραῖς κόραις.

Ὀρέστης

[390] Τὸ σῶμα φροῦδον· τὸ δ' ὄνομ' οὐ λέλοιπέ μοι.

Μενέλαος

Ὦ παρὰ λόγον μοι σὴ φανεῖσ' ἀμορφία.

Ὀρέστης

Ὅδ' εἰμὶ μητρὸς τῆς ταλαιπώρου φονεύς.

Μενέλαος

Ἤκουσα, φείδου δ'· ὀλιγάκις λέγειν κακά.

Ὀρέστης

Φειδόμεθ'· ὁ δαίμων δ' ἐς ἐμὲ πλούσιος κακῶν.

Μενέλαος

[395] Τί χρῆμα πάσχεις; Τίς σ' ἀπόλλυσιν νόσος;

Ὀρέστης

Ἡ σύνεσις, ὅτι σύνοιδα δείν' εἰργασμένος.

Μενέλαος

Πῶς φῄς; Σοφόν τοι τὸ σαφές, οὐ τὸ μὴ σαφές.

Ὀρέστης

Λύπη μάλιστά γ' ἡ διαφθείρουσά με

Μενέλαος

Δεινὴ γὰρ ἡ θεός, ἀλλ' ὅμως ἰάσιμος.

Ὀρέστης

[400] Μανίαι τε, μητρὸς αἵματος τιμωρίαι.

Μενέλαος

Ἤρξω δὲ λύσσης πότε; Τίς ἡμέρα τότ' ἦν;

Ὀρέστης

Ἐν ᾗ τάλαιναν μητέρ' ἐξώγκουν τάφῳ.

Μενέλαος

Πότερα κατ' οἴκους ἢ προσεδρεύων πυρᾷ;

Ὀρέστης

Νυκτὸς φυλάσσων ὀστέων ἀναίρεσιν.

Μενέλαος

[405] Παρῆν τις ἄλλος, ὃς σὸν ὤρθευεν δέμας;

Ὀρέστης

Πυλάδης, ὁ συνδρῶν αἷμα καὶ μητρὸς φόνον.

Μενέλαος

Ἐκ φασμάτων δὲ τάδε νοσεῖς· ποίων ὕπο;

Ὀρέστης

Ἔδοξ' ἰδεῖν τρεῖς νυκτὶ προσφερεῖς κόρας.

Μενέλαος

Οἶδ' ἃς ἔλεξας, ὀνομάσαι δ' οὐ βούλομαι.

Ὀρέστης

[410] Σεμναὶ γάρ· εὐπαίδευτα δ' ἀπετρέπου λέγειν.

Μενέλαος

Αὗταί σε βακχεύουσι συγγενῆ φόνον;

Ὀρέστης

Οἴμοι διωγμῶν, οἷς ἐλαύνομαι τάλας.

Μενέλαος

Οὐ δεινὰ πάσχειν δεινὰ τοὺς εἰργασμένους.

Ὀρέστης

Ἀλλ' ἔστιν ἡμῖν ἀναφορὰ τῆς συμφορᾶς.

Μενέλαος

[415] Μὴ θάνατον εἴπῃς· τοῦτο μὲν γὰρ οὐ σοφόν.

Ὀρέστης

Φοῖβος, κελεύσας μητρὸς ἐκπρᾶξαι φόνον.

Μενέλαος

Ἀμαθέστερός γ' ὢν τοῦ καλοῦ καὶ τῆς δίκης.

Ὀρέστης

Δουλεύομεν θεοῖς, ὅ τι ποτ' εἰσὶν οἱ θεοί.

Μενέλαος

Κᾆτ' οὐκ ἀμύνει Λοξίας τοῖς σοῖς κακοῖς;

Ὀρέστης

[420] Μέλλει· τὸ θεῖον δ' ἐστὶ τοιοῦτον φύσει.

Μενέλαος

Πόσον χρόνον δὲ μητρὸς οἴχονται πνοαί;

Ὀρέστης

Ἕκτον τόδ' ἦμαρ· ἔτι πυρὰ θερμὴ τάφου.

Μενέλαος

Ὡς ταχὺ μετῆλθόν σ' αἷμα μητέρος θεαί.

Ὀρέστης

Οὐ σοφός, ἀληθὴς δ' ἐς φίλους <ἔφυν φίλος.>

Μενέλαος

[425] Πατρὸς δὲ δή τι σ' ὠφελεῖ τιμωρία;

Ὀρέστης

Οὔπω· τὸ μέλλον δ' ἴσον ἀπραξίᾳ λέγω.

Μενέλαος

Τὰ πρὸς πόλιν δὲ πῶς ἔχεις δράσας τάδε;

Ὀρέστης

Μισούμεθ' οὕτως ὥστε μὴ προσεννέπειν.

Μενέλαος

Οὐδ' ἥγνισαι σὸν αἷμα κατὰ νόμον χεροῖν;

Ὀρέστης

[430] Ἐκκλῄομαι γὰρ δωμάτων ὅποι μόλω.

Μενέλαος

Τίνες πολιτῶν ἐξαμιλλῶνταί σε γῆς;

Ὀρέστης

Οἴαξ, τὸ Τροίας μῖσος ἀναφέρων πατρί.

Μενέλαος

Συνῆκα· Παλαμήδους σε τιμωρεῖ φόνου.

Ὀρέστης

Οὗ γ' οὐ μετῆν μοι· διὰ τριῶν δ' ἀπόλλυμαι.

Μενέλαος

[435] Τίς δ' ἄλλος; Ἦ που τῶν ἀπ' Αἰγίσθου φίλων;

Ὀρέστης

Οὗτοί μ' ὑβρίζουσ', ὧν πόλις τὰ νῦν κλύει.

Μενέλαος

Ἀγαμέμνονος δὲ σκῆπτρ' ἐᾷ σ' ἔχειν πόλις;

Ὀρέστης

Πῶς, οἵτινες ζῆν οὐκ ἐῶσ' ἡμᾶς ἔτι;

Μενέλαος

Τί δρῶντες ὅ τι καὶ σαφὲς ἔχεις εἰπεῖν ἐμοί;

Ὀρέστης

[440] Ψῆφος καθ' ἡμῶν οἴσεται τῇδ' ἡμέρᾳ.

Μενέλαος

Φεύγειν πόλιν τήνδ'; Ἢ θανεῖν ἢ μὴ θανεῖν;

Ὀρέστης

Θανεῖν ὑπ' ἀστῶν λευσίμῳ πετρώματι.

Μενέλαος

Κᾆτ' οὐχὶ φεύγεις γῆς ὑπερβαλὼν ὅρους;

Ὀρέστης

Κύκλῳ γὰρ εἱλισσόμεθα παγχάλκοις ὅπλοις.

Μενέλαος

[445] Ἰδίᾳ πρὸς ἐχθρῶν ἢ πρὸς Ἀργείας χερός;

Ὀρέστης

Πάντων πρὸς ἀστῶν, ὡς θάνω· βραχὺς λόγος.

Μενέλαος

Ὦ μέλεος, ἥκεις συμφορᾶς ἐς τοὔσχατον.

Ὀρέστης

[448] Ἐς σὲ ἐλπὶς ἡμὴ καταφυγὰς ἔχει κακῶν.
Ἀλλ' ἀθλίως πράσσουσιν εὐτυχὴς μολὼν
[450] μετάδος φίλοισι σοῖσι σῆς εὐπραξίας,
καὶ μὴ μόνος τὸ χρηστὸν ἀπολαβὼν ἔχε,
ἀλλ' ἀντιλάζου καὶ πόνων ἐν τῷ μέρει,
χάριτας πατρῴας ἐκτίνων ἐς οὕς σε δεῖ.
Ὄνομα γάρ, ἔργον δ' οὐκ ἔχουσιν οἱ φίλοι
[455] οἱ μὴ 'πὶ ταῖσι συμφοραῖς ὄντες φίλοι.

Χορός

Καὶ μὴν γέροντι δεῦρ' ἁμιλλᾶται ποδὶ
ὁ Σπαρτιάτης Τυνδάρεως, μελάμπεπλος
κουρᾷ τε θυγατρὸς πενθίμῳ κεκαρμένος.

Ὀρέστης

[459] Ἀπωλόμην, Μενέλαε· Τυνδάρεως ὅδε
[460] στείχει πρὸς ἡμᾶς, οὗ μάλιστ' αἰδώς μ' ἔχει
ἐς ὄμματ' ἐλθεῖν τοῖσιν ἐξειργασμένοις.
Καὶ γάρ μ' ἔθρεψε σμικρὸν ὄντα, πολλὰ δὲ
φιλήματ' ἐξέπλησε, τὸν Ἀγαμέμνονος
παῖδ' ἀγκάλαισι περιφέρων, Λήδα θ' ἅμα,
[465] τιμῶντέ μ' οὐδὲν ἧσσον ἢ Διοσκόρω·
οἷς, ὦ τάλαινα καρδία ψυχή τ' ἐμή,
ἀπέδωκ' ἀμοιβὰς οὐ καλάς. Τίνα σκότον
λάβω προσώπῳ; Ποῖον ἐπίπροσθεν νέφος
θῶμαι, γέροντος ὀμμάτων φεύγων κόρας;

ORESTE.

[380] Ménélas, je suis cet Oreste que tu cherches : je te raconterai volontiers mes malheurs; mais avant tout, j'embrasse tes genoux en suppliant, et t'adresse mes prières, quoique dépourvu de rameaux (17). Sauve-moi ; tu arrives au moment le plus critique de mes malheurs.

MÉNÉLAS.

O dieux ! que vois-je ? Quel est le mort qui s'offre à ma vue?

ORESTE.

Hélas ! tu dis vrai : je ne vis plus, parmi tant de maux, quoique je voie encore la lumière.

MÉNÉLAS.

Quel aspect sauvage ! quelle chevelure hérissée ! Malheureux !

ORESTE.

Ce n'est pas mon aspect, ce sont mes actions qui causent mon supplice.

MÉNÉLAS.

Quels regards farouches s'échappent de tes paupières desséchées !

ORESTE.

Mon corps n'est plus ; mais le nom qui s'attache à moi me reste.

MÉNÉLAS.

Ô combien je suis saisi de te voir si étrangement défiguré !

ORESTE.

Oui, je suis l'assassin de ma malheureuse mère.

MÉNÉLAS.

Je le sais ; épargne-toi ce cruel récit.

ORESTE.

Je me l'épargnerai ; mais la Divinité est envers moi prodigue de maux.

MÉNÉLAS.

[395] Qu'éprouves-tu? quel mal te consume?

ORESTE.

La conscience... la conscience qui me reproche mes forfaits.

MÉNÉLAS.

Que dis-tu? Ce qui est clair est sage, ce qui est obscur ne l'est pas (18).

ORESTE.

La sombre tristesse surtout me consume...

MÉNÉLAS.

Déesse redoutable ! Mais on peut l'apaiser.

ORESTE.

Et les fureurs vengeresses du sang de ma mère.

MÉNÉLAS

Quand cette fureur t'a-t-elle saisi? quel jour?

ORESTE.

Le jour où j'ai mis ma malheureuse mère dans le tombeau.

MÉNÉLAS.

Étais-tu alors dans le palais, ou devant le bûcher?

ORESTE.

Il était nuit; j'attendais le moment de recueillir ses ossements.

MÉNÉLAS.

[405] Y avait-il là quelqu'un pour soutenir ton corps?

ORESTE.

Pylade, le complice du meurtre de ma mère.

MÉNÉLAS.

Et quels sont les fantômes qui troublent ainsi ton repos ?

ORESTE.

Je crois voir trois filles semblables à la nuit.

MÉNÉLAS.

Je sais qui tu veux dire, mais je ne veux pas prononcer leur nom.

ORESTE.

Elles sont redoutables ; mais tu fais sagement d'éviter de les nommer.

MÉNÉLAS.

Ce sont elles qui te poursuivent pour ton parricide.

ORESTE.

Persécutions terribles, dont je suis la triste victime !

MÉNÉLAS.

Quoi d'étrange, que d'horribles supplices punissent d'horribles forfaits?

ORESTE.

Mais j'ai une excuse au fatal événement (19).

MÉNÉLAS.

[415] N'allègue point la mort (20) ; ce serait une vaine raison.

ORESTE.

Apollon m'a ordonné de consommer le meurtre de ma mère.

MÉNÉLAS.

Il ignore donc ce qui est juste et honnête?

ORESTE.

J'obéis aux dieux, quels que soient ces dieux.

MÉNÉLAS.

Et Apollon ne te secourt point dans ton malheur?

ORESTE.

Il attend ; telle est la nature des dieux.

MÉNÉLAS.

Combien de temps s'est écoulé depuis que ta mère a expiré ?

ORESTE.

Voici le sixième jour, et la cendre de son bûcher est encore chaude.

MÉNÉLAS.

Que les déesses sont promptes à te réclamer le sang de ta mère !

ORESTE.

Tu es peu mesuré, mais véridique, en maltraitant tes amis(21).

MÉNÉLAS.

Quel fruit te revient-il d'avoir vengé ton père?

ORESTE.

Aucun encore ; et je compte l'avenir pour rien.

MÉNÉLAS.

Quelles sont les dispositions des citoyens envers toi, depuis ce meurtre ?

ORESTE.

Ils m'ont en horreur, au point qu'aucun ne m'adresse la parole.

MÉNÉLAS.

Tu n'as pas, selon les lois, purifié tes mains du sang qu'elles ont versé?

ORESTE.

[430] On me repousse des maisons où je veux entrer (22).

MÉNÉLAS.

Quels sont les citoyens qui veulent te bannir du pays?

ORESTE.

Oeax, qui impute à mon père le crime commis devant Troie (23).

MÉNÉLAS.

Je comprends : on venge sur toi la mort de Palamède.

ORESTE.

Je n'en fus pourtant pas complice (24)...

MÉNÉLAS.

[435] Quel autre ennemi te poursuit? Les amis d'Égisthe?

ORESTE.

Ils m'outragent, eux qui maintenant commandent dans la ville.

MÉNÉLAS.

Les citoyens te laissent-ils maître du sceptre d'Agamemnon?

ORESTE.

Eh quoi! ils ne veulent pas même me laisser vivre.

MÉNÉLAS.

Que font-ils? Peux-tu me le dire clairement?

ORESTE.

Aujourd'hui même, une sentence doit être portée contre moi.

MÉNÉLAS.

Est-ce l'exil, ou la mort, ou la vie?

ORESTE.

La mort; je dois être lapidé par les citoyens.

MÉNÉLAS.

Que ne fuis-tu au delà des frontières de cet état ?

ORESTE.

Des gardes armés nous enveloppent de toutes parts.

MÉNÉLAS.

Est-ce une précaution dettes ennemis, ou la force publique d'Argos?

ORESTE.

Ce sont tous les citoyens : en un mot, on veut ma mort.

MÉNÉLAS.

Ah ! malheureux ! tu es au dernier degré de l'infortune.

ORESTE.

[448] En toi est mon espoir et mon refuge. Toi qui, dans la prospérité, visites notre misère, fais part de ton bonheur à tes amis, et ne garde pas pour toi seul les biens dont tu jouis ; charge-toi, à ton tour, d'une partie de nos maux, et rends les bienfaits que tu as reçus de mon père à ses enfants. Ceux-là n'ont d'amis que le nom et point la réalité (25), dont l'amitié ne résiste pas au malheur.

LE CHOEUR.

Vers ces lieux s'avance, aussi vite que lui permet son grand âge, le Spartiate Tyndare, vêtu d'habits lugubres, et rasé en signe de deuil, pour la mort de sa fille.

ORESTE.

[459] Je suis perdu, Ménélas; voici Tyndare qui vient à nous, lui dont je n'ose soutenir les regards, après l'action que j'ai commise. Il a élevé mon enfance, il me couvrait de ses baisers, et aimait à porter dans ses bras le fils d'Agamemnon ; Léda en faisait autant, et tous deux me chérissaient comme les Dioscures (26). Ô mon âme ! ô angoisses de mon cœur! de quel retour ai-je payé leur tendresse? De quelles ténèbres voilerai-je mon visage? Quel nuage pourra me dérober aux yeux du vieillard?

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Τυνδάρεως

[470] Ποῦ ποῦ θυγατρὸς τῆς ἐμῆς ἴδω πόσιν,
Μενέλαον; Ἐπὶ γὰρ τῷ Κλυταιμήστρας τάφῳ
χοὰς χεόμενος ἔκλυον ὡς ἐς Ναυπλίαν
ἥκοι σὺν ἀλόχῳ πολυετὴς σεσῳσμένος.
Ἄγετέ με· πρὸς γὰρ δεξιὰν αὐτοῦ θέλω
[475] στὰς ἀσπάσασθαι, χρόνιος εἰσιδὼν φίλον.

Μενέλαος

Ὦ πρέσβυ, χαῖρε, Ζηνὸς ὁμόλεκτρον κάρα.

Τυνδάρεως

Ὦ χαῖρε καὶ σύ, Μενέλεως, κήδευμ' ἐμόν.
ἔα· τὸ μέλλον ὡς κακὸν τὸ μὴ εἰδέναι.
Ὁ μητροφόντης ὅδε πρὸ δωμάτων δράκων
[480] στίλβει νοσώδεις ἀστραπάς, στύγημ' ἐμόν.
Μενέλαε, προσφθέγγῃ νιν, ἀνόσιον κάρα;

Μενέλαος

Τί γάρ; Φίλου μοι πατρός ἐστιν ἔκγονος.

Τυνδάρεως

Κείνου γὰρ ὅδε πέφυκε, τοιοῦτος γεγώς;

Μενέλαος

Πέφυκεν· εἰ δὲ δυστυχεῖ, τιμητέος.

Τυνδάρεως

[485] Βεβαρβάρωσαι, χρόνιος ὢν ἐν βαρβάροις.

Μενέλαος

Ἑλληνικόν τοι τὸν ὁμόθεν τιμᾶν ἀεί.

Τυνδάρεως

Καὶ τῶν νόμων γε μὴ πρότερον εἶναι θέλειν.

Μενέλαος

Πᾶν τοὐξ ἀνάγκης δοῦλόν ἐστ' ἐν τοῖς σοφοῖς.

Τυνδάρεως

Κέκτησό νυν σὺ τοῦτ', ἐγὼ δ' οὐ κτήσομαι.

Μενέλαος

[490] Ὀργὴ γὰρ ἅμα σου καὶ τὸ γῆρας οὐ σοφόν.

Τυνδάρεως

[491] Πρὸς τόνδ' ἀγὼν τίς ἀσοφίας ἥκει πέρι;
Εἰ τὰ καλὰ πᾶσι φανερὰ καὶ τὰ μὴ καλά,
τούτου τίς ἀνδρῶν ἐγένετ' ἀσυνετώτερος,
ὅστις τὸ μὲν δίκαιον οὐκ ἐσκέψατο
[495] οὐδ' ἦλθεν ἐπὶ τὸν κοινὸν Ἑλλήνων νόμον;
Ἐπεὶ γὰρ ἐξέπνευσεν Ἀγαμέμνων βίον
πληγεὶς θυγατρὸς τῆς ἐμῆς ὑπὲρ κάρα ,
[499] αἴσχιστον ἔργον οὐ γὰρ αἰνέσω ποτέ
[500] χρῆν αὐτὸν ἐπιθεῖναι μὲν αἵματος δίκην,
ὁσίαν διώκοντ', ἐκβαλεῖν τε δωμάτων
μητέρα· τὸ σῶφρόν τ' ἔλαβεν ἀντὶ συμφορᾶς
καὶ τοῦ νόμου τ' ἂν εἴχετ' εὐσεβής τ' ἂν ἦν.
Νῦν δ' ἐς τὸν αὐτὸν δαίμον' ἦλθε μητέρι.
[505] Κακὴν γὰρ αὐτὴν ἐνδίκως ἡγούμενος,
αὐτὸς κακίων μητέρ' ἐγένετο κτανών.
Ἐρήσομαι δέ, Μενέλεως, τοσόνδε σε·
εἰ τόνδ' ἀποκτείνειεν ὁμόλεκτρος γυνή,
χὡ τοῦδε παῖς αὖ μητέρ' ἀνταποκτενεῖ,
[510] κἄπειθ' ὁ κείνου γενόμενος φόνῳ φόνον
λύσει, πέρας δὴ ποῖ κακῶν προβήσεται;
Καλῶς ἔθεντο ταῦτα πατέρες οἱ πάλαι·
ἐς ὀμμάτων μὲν ὄψιν οὐκ εἴων περᾶν
οὐδ' εἰς ἀπάντημ', ὅστις αἷμ' ἔχων κυροῖ,
[515] φυγαῖσι δ' ὁσιοῦν, ἀνταποκτείνειν δὲ μή.
Αἰεὶ γὰρ εἷς ἔμελλ' ἐνέξεσθαι φόνῳ,
τὸ λοίσθιον μίασμα λαμβάνων χεροῖν.
Ἐγὼ δὲ μισῶ μὲν γυναῖκας ἀνοσίους,
πρώτην δὲ θυγατέρ', ἣ πόσιν κατέκτανεν·
[520] Ἑλένην τε, τὴν σὴν ἄλοχον, οὔποτ' αἰνέσω
οὐδ' ἂν προσείποιμ'· οὐδὲ σὲ ζηλῶ, κακῆς
γυναικὸς ἐλθόνθ' οὕνεκ' ἐς Τροίας πέδον.
Ἀμυνῶ δ', ὅσονπερ δυνατός εἰμι, τῷ νόμῳ,
τὸ θηριῶδες τοῦτο καὶ μιαιφόνον
[525] παύων, ὃ καὶ γῆν καὶ πόλεις ὄλλυσ' ἀεί.
Ἐπεὶ τίν' εἶχες, ὦ τάλας, ψυχὴν τότε,
ὅτ' ἐξέβαλλε μαστὸν ἱκετεύουσά σε
μήτηρ; Ἐγὼ μὲν οὐκ ἰδὼν τἀκεῖ κακά,
δακρύοις γέροντ' ὀφθαλμὸν ἐκτήκω τάλας.
[530] Ἓν <δ'> οὖν λόγοισι τοῖς ἐμοῖς ὁμορροθεῖ·
μισῇ γε πρὸς θεῶν καὶ τίνεις μητρὸς δίκας,
μανίαις ἀλαίνων καὶ φόβοις. Τί μαρτύρων
ἄλλων ἀκούειν δεῖ μ', ἅ γ' εἰσορᾶν πάρα;
Ὡς οὖν ἂν εἰδῇς, Μενέλεως, τοῖσιν θεοῖς
[535] μὴ πρᾶσσ' ἐναντί', ὠφελεῖν τοῦτον θέλων,
ἔα δ' ὑπ' ἀστῶν καταφονευθῆναι πέτροις,
ἢ μὴ 'πίβαινε Σπαρτιάτιδος χθονός.
Θυγάτηρ δ' ἐμὴ θανοῦσ' ἔπραξεν ἔνδικα·
ἀλλ' οὐχὶ πρὸς τοῦτ' εἰκὸς ἦν αὐτὴν θανεῖν.
[540] Ἐγὼ δὲ τἄλλα μακάριος πέφυκ' ἀνήρ,
πλὴν ἐς θυγατέρας· τοῦτο δ' οὐκ εὐδαιμονῶ.

Χορός

Ζηλωτὸς ὅστις εὐτύχησεν ἐς τέκνα
καὶ μὴ 'πισήμους συμφορὰς ἐκτήσατο.

TYNDARE.

[470] Où est l'époux de ma fille? où est Ménélas? J'étais à faire des libations sur le tombeau de Clytemnestre, quand j'ai appris qu'il est arrivé heureusement à Nauplie avec son épouse, après une si longue absence, Conduisez-moi vers lui ; je veux être à ses côtés (27), je veux embrasser un ancien ami que je n'ai pas vu depuis si longtemps.

MÉNÉLAS.

Salut, vieillard, dont Jupiter a honoré la couche.

TYNDARE.

Salut aussi, Ménélas, qui m'es uni par une étroite alliance (28). Hélas ! quel malheur de ne point connaître l'avenir ! Ce dragon parricide, objet de ma haine, lance devant le palais ses éclairs pestilentiels ! Ménélas, peux-tu adresser la parole à ce monstre impie?

MÉNÉLAS.

Pourquoi non ? c'est le fils d'un frère que je chérissais.

TYNDARE.

Est-il son fils, avec un naturel si pervers?

MÉNÉLAS.

Il est son fils; et s'il est malheureux, il faut le respecter.

TYNDARE.

[485] Tu es devenu barbare, depuis le temps que tu vis parmi les barbares.

MÉNÉLAS.

Il est digne des Grecs d'avoir toujours des égards pour ses proches.

TYNDARE.

Et de ne pas vouloir se mettre au-dessus des lois.

MÉNÉLAS.

Toute contrainte (29) est regardée par les sages comme une servitude.

TYNDARE.

Garde cette opinion, ce ne sera jamais la mienne.

MÉNÉLAS.

La colère et la vieillesse égarent ton bon sens.

TYNDARE.

[491] Est-ce une question de bon sens que nous avons à débattre avec ce coupable? Si ce qui est bien et ce qui est mal est évident à tous les yeux, quel homme est plus dépourvu de sens que lui, qui n'a pas respecté la justice et qui n'a pas observé la loi commune des Grecs? Lorsque Agamemnon eut exhalé sa vie sous les coups que lui porta ma fille (action détestable et que je ne justifierai jamais), Oreste devait poursuivre le meurtre, et, par une vengeance légitime, chasser sa mère de la maison paternelle. Il aurait ainsi gardé la modération dans un tel malheur, il eût respecté la loi, et observé les devoirs de la piété. Mais maintenant il est tombé dans le même tort que sa mère ; car, tout en ayant droit de la juger coupable, il s'est rendu lui-même plus coupable en immolant sa mère. Je te ferai seulement cette question, Ménélas : Que la femme qui partagera la couche d'Oreste le tue, qu'à son tour le fils tue sa mère, et qu'ensuite celui qui naîtra de lui venge le meurtre par le meurtre, où s'arrêtera le terme de ces crimes ? Nos pères établirent de sages lois à cet égard : ils ne permirent pas à l'homme souillé de sang de paraître en public ou de s'exposer à la rencontre des citoyens ; ils lui imposèrent l'exil pour expiation, et défendirent de se venger par sa mort : autrement il en resterait toujours un exposé au meurtre, pour avoir, le dernier, souillé ses mains dans le sang. Pour moi, je hais les femmes perfides, et ma fille la première, elle qui a égorgé son époux, Je ne justifierai jamais Hélène, ton épouse ; je ne lui adresserai pas même la parole, et je ne t:envie pas l'honneur d'avoir été à Troie reprendre une femme infidèle ; mais je défends la loi de tout mon pouvoir, et je combats ces mœurs sauvages et sanguinaires qui sont la perte des villes et des états. Dis-moi, malheureux, quels sentiments agitaient ton cœur, lorsque ta mère te découvrit son sein, en te suppliant? Moi qui n'ai point vu ce cruel spectacle, je sens fondre en larmes mes yeux desséchés par la vieillesse. Enfin, un fait terrible appuie mes paroles : tu es haï des dieux, et ta mère est vengée par les fureurs et l'épouvante auxquelles tu es en proie. Qu'ai-je besoin d'autres témoins, pour les faits que je vois par moi-même? Sache-le donc, Ménélas : n'agis point contre les dieux, en voulant secourir ce coupable ; laisse-le mourir lapidé par le peuple, ou n'entre point sur la terre de Sparte (30). Ma fille en mourant a subi un châtiment mérité ; mais il ne convenait pas qu'elle reçût la mort de la main d'un fils. J'ai été heureux en toutes choses, excepté dans mes filles ; de ce côté la fortune m'a abandonné.

LE CHOEUR.

Celui-là est digne d'envie qui est heureux dans ses enfants, et qui n'a point éprouvé par eux d'éclatantes calamités.

 

Ὀρέστης

[544] Ὦ γέρον, ἐγώ τοι πρὸς σὲ δειμαίνω λέγειν,
[545] ὅπου σὲ μέλλω σήν τε λυπήσειν φρένα.
Ἐγᾦδ', ἀνόσιός εἰμι μητέρα κτανών,
ὅσιος δέ γ' ἕτερον ὄνομα, τιμωρῶν πατρί.
Ἀπελθέτω δὴ τοῖς λόγοισιν ἐκποδὼν
τὸ γῆρας ἡμῖν τὸ σόν, ὅ μ' ἐκπλήσσει λόγου,
[550] καὶ καθ' ὁδὸν εἶμι· νῦν δὲ σὴν ταρβῶ τρίχα.
Τί χρῆν με δρᾶσαι; Δύο γὰρ ἀντίθες δυοῖν·
πατὴρ μὲν ἐφύτευσέν με, σὴ δ' ἔτικτε παῖς,
τὸ σπέρμ' ἄρουρα παραλαβοῦσ' ἄλλου πάρα·
ἄνευ δὲ πατρὸς τέκνον οὐκ εἴη ποτ' ἄν.
[555] Ἐλογισάμην οὖν τῷ γένους ἀρχηγέτῃ
μᾶλλόν με φῦναι τῆς ὑποστάσης τροφάς.
Ἡ σὴ δὲ θυγάτηρ μητέρ' αἰδοῦμαι λέγειν
ἰδίοισιν ὑμεναίοισι κοὐχὶ σώφροσιν
ἐς ἀνδρὸς ᾔει λέκτρ'· ἐμαυτόν, ἢν λέγω
[560] κακῶς ἐκείνην, ἐξερῶ· λέξω δ' ὅμως.
Αἴγισθος ἦν ὁ κρυπτὸς ἐν δόμοις πόσις.
Τοῦτον κατέκτειν', ἐπὶ δ' ἔθυσα μητέρα,
ἀνόσια μὲν δρῶν, ἀλλὰ τιμωρῶν πατρί.
Ἐφ' οἷς δ' ἀπειλεῖς ὡς πετρωθῆναί με χρή,
[565] ἄκουσον ὡς ἅπασαν Ἑλλάδ' ὠφελῶ.
Εἰ γὰρ γυναῖκες ἐς τόδ' ἥξουσιν θράσους,
ἄνδρας φονεύειν, καταφυγὰς ποιούμεναι
ἐς τέκνα, μαστοῖς τὸν ἔλεον θηρώμεναι,
παρ' οὐδὲν αὐταῖς ἦν ἂν ὀλλύναι πόσεις
[570] ἐπίκλημ' ἐχούσαις ὅ τι τύχοι. Δράσας δ' ἐγὼ
δείν', ὡς σὺ κομπεῖς, τόνδ' ἔπαυσα τὸν νόμον.
Μισῶν δὲ μητέρ' ἐνδίκως ἀπώλεσα,
ἥτις μεθ' ὅπλων ἄνδρ' ἀπόντ' ἐκ δωμάτων
πάσης ὑπὲρ γῆς Ἑλλάδος στρατηλάτην
[575] προύδωκε κοὐκ ἔσῳσ' ἀκήρατον λέχος·
Ἐπεὶ δ' ἁμαρτοῦσ' ᾔσθετ', οὐχ αὑτῇ δίκην
ἐπέθηκεν, ἀλλ', ὡς μὴ δίκην δοίη πόσει,
ἐζημίωσε πατέρα κἀπέκτειν' ἐμόν.
Πρὸς θεῶν ἐν οὐ καλῷ μὲν ἐμνήσθην θεῶν,
[580] φόνον δικάζων· εἰ δὲ δὴ τὰ μητέρος
σιγῶν ἐπῄνουν, τί μ' ἂν ἔδρασ' ὁ κατθανών;
Οὐκ ἄν με μισῶν ἀνεχόρευ' Ἐρινύσιν;
Ἢ μητρὶ μὲν πάρεισι σύμμαχοι θεαί,
τῷ δ' οὐ πάρεισι, μᾶλλον ἠδικημένῳ;
[585] Σύ τοι φυτεύσας θυγατέρ', ὦ γέρον, κακὴν
ἀπώλεσάς με· διὰ τὸ γὰρ κείνης θράσος
πατρὸς στερηθεὶς ἐγενόμην μητροκτόνος.
Ὁρᾷς, Ὀδυσσέως ἄλοχον οὐ κατέκτανε
Τηλέμαχος· οὐ γὰρ ἐπεγάμει πόσει πόσιν,
[590] μένει δ' ἐν οἴκοις ὑγιὲς εὐνατήριον.
Ὁρᾷς δ' Ἀπόλλων', ὃς μεσομφάλους ἕδρας
ναίων βροτοῖσι στόμα νέμει σαφέστατον,
ᾧ πειθόμεσθα πάνθ' ὅσ' ἂν κεῖνος λέγῃ·
τούτῳ πιθόμενος τὴν τεκοῦσαν ἔκτανον.
[595] Ἐκεῖνον ἡγεῖσθ' ἀνόσιον καὶ κτείνετε·
ἐκεῖνος ἥμαρτ', οὐκ ἐγώ. Τί χρῆν με δρᾶν;
Ἢ οὐκ ἀξιόχρεως ὁ θεὸς ἀναφέροντί μοι
μίασμα λῦσαι; Ποῖ τις οὖν ἔτ' ἂν φύγοι,
εἰ μὴ ὁ κελεύσας ῥύσεταί με μὴ θανεῖν;
[600] Ἀλλ' ὡς μὲν οὐκ εὖ μὴ λέγ' εἴργασται τάδε,
ἡμῖν δὲ τοῖς δράσασιν οὐκ εὐδαιμόνως.
Γάμοι δ' ὅσοις μὲν εὖ καθεστᾶσιν βροτῶν,
μακάριος αἰών· οἷς δὲ μὴ πίπτουσιν εὖ,
τά τ' ἔνδον εἰσὶ τά τε θύραζε δυστυχεῖς.

Χορός

[605] Αἰεὶ γυναῖκες ἐμποδὼν ταῖς συμφοραῖς
ἔφυσαν ἀνδρῶν πρὸς τὸ δυστυχέστερον.

Τυνδάρεως

Ἐπεὶ θρασύνῃ κοὐχ ὑποστέλλῃ λόγῳ,
οὕτω δ' ἀμείβῃ μ' ὥστε μ' ἀλγῆσαι φρένα,
μᾶλλόν μ' ἀνάξεις ἐπὶ σὸν ἐξελθεῖν φόνον·
[610] καλὸν πάρεργον δ' αὐτὸ θήσομαι πόνων
ὧν εἵνεκ' ἦλθον θυγατρὶ κοσμήσων τάφον.
Μολὼν γὰρ εἰς ἔκκλητον Ἀργείων ὄχλον
ἑκοῦσαν οὐχ ἑκοῦσαν ἐπισείσω πόλιν
σοὶ σῇ τ' ἀδελφῇ, λεύσιμον δοῦναι δίκην.
[615] Μᾶλλον δ' ἐκείνη σοῦ θανεῖν ἐστ' ἀξία,
ἣ τῇ τεκούσῃ σ' ἠγρίωσ', ἐς οὖς ἀεὶ
πέμπουσα μύθους ἐπὶ τὸ δυσμενέστερον,
ὀνείρατ' ἀγγέλλουσα τὰ Ἀγαμέμνονος,
καὶ τοῦθ' ὃ μισήσειαν Αἰγίσθου λέχος
[620] οἱ νέρτεροι θεοί· καὶ γὰρ ἐνθάδ' ἦν πικρόν·
ἕως ὑφῆψε δῶμ' ἀνηφαίστῳ πυρί.
Μενέλαε, σοὶ δὲ τάδε λέγω δράσω τε πρός·
εἰ τοὐμὸν ἔχθος ἐναριθμῇ κῆδός τ' ἐμόν,
μὴ τῷδ' ἀμύνειν φόνον ἐναντίον θεοῖς·
[625] ἔα δ' ὑπ' ἀστῶν καταφονευθῆναι πέτροις,
ἢ μὴ 'πίβαινε Σπαρτιάτιδος χθονός.
Τοσαῦτ' ἀκούσας ἴσθι, μηδὲ δυσσεβεῖς
ἕλῃ, παρώσας εὐσεβεστέρους φίλους·
ἡμᾶς δ' ἀπ' οἴκων ἄγετε τῶνδε, πρόσπολοι.

Ὀρέστης

[630] Στεῖχ', ὡς ἀθορύβως οὑπιὼν ἡμῖν λόγος
πρὸς τόνδ' ἵκηται, γῆρας ἀποφυγὼν τὸ σόν.
Μενέλαε, ποῖ σὸν πόδ' ἐπὶ συννοίᾳ κυκλεῖς,
διπλῆς μερίμνης διπτύχους ἰὼν ὁδούς;

Μενέλαος

Ἔασον· ἐν ἐμαυτῷ τι συννοούμενος
[635] ὅποι τράπωμαι τῆς τύχης ἀμηχανῶ.

Ὀρέστης

Μή νυν πέραινε τὴν δόκησιν, ἀλλ' ἐμοὺς
λόγους ἀκούσας πρόσθε, βουλεύου τότε.

Μενέλαος

Λέγ'· εὖ γὰρ εἶπας· ἔστι δ' οὗ σιγὴ λόγου
κρείσσων γένοιτ' ἄν. Ἔστι δ' οὗ σιγῆς λόγος.

 

ORESTE.

[544] Ô vieillard, je crains de te répondre, quand mes paroles doivent porter la tristesse dans ton âme. Je suis souillé pour avoir tué ma mère ; mais je suis pur à un autre titre pour avoir vengé mon père. L'aspect de ta vieillesse trouble mes paroles; qu'elle laisse le champ libre à mes discours, et je ne divaguerai point : mais la vue de tes cheveux blancs me frappe de respect. Que devais-je faire ? Suis cette comparaison : mon père m'a engendré et ta fille m'a mis au jour, comme une terre reçoit la semence qu'un autre lui confie; mais sans père il n'y aurait point d'enfant (31). J'ai donc conclu que je devais défendre l'auteur de ma naissance, plutôt que celle qui m'a nourri. Ta fille cependant (je n'ose l'appeler ma mère), par un hymen clandestin et illégitime, entra dans le lit d'un étranger. C'est moi-même que je déshonore en l'accusant ; cependant je ne puis me taire. Égisthe était son époux secret dans le palais; je l'ai tué, ensuite j'ai immolé ma mère, par une action impie, il est vrai, mais en vengeant mon père. Quant à tes menaces et à la lapidation que tu appelles sur moi, écoute quel service j'ai rendu à la Grèce entière. Si les femmes en venaient à ce comble d'audace de massacrer leurs époux, dans l'espoir de trouver un asile auprès de leurs enfants, et de surprendre leur pitié par la vue du sein qui les a nourris, le meurtre d'un mari ne serait plus un crime pour elles, dès qu'elles auraient le moindre prétexte à alléguer. Par cette action atroce, comme tu l'appelles, j'ai mis fin à cette funeste coutume. Animé d'une juste haine contre ma mère, je l'ai fait périr, elle qui a trahi un époux absent et à la tête des armées de la Grèce pour laquelle il combattait; elle qui n'a pas craint de souiller son lit, et qui se sentant coupable, ne s'est point punie elle-même; mais qui, pour échapper à la juste vengeance de son époux, l'a frappé du coup mortel, et m'a ravi mon père. Au nom des dieux ! (j'invoque mal à propos les dieux dans une cause de meurtre,) si j'eusse approuvé ma mère en silence, qu'avais-je lieu d'attendre des mânes de mon père ? Sa haine n'aurait-elle pas déchaîné contre moi les Furies? Si les terribles déesses préparent la vengeance de ma mère, ne vengeront-elles pas celui qui fut bien plus cruellement outragé? [585] C'est toi, vieillard, qui, en donnant le jour à une fille perfide, as causé ma perte : c'est son forfait qui, en me ravissant mon père, m'a rendu meurtrier de ma mère. Vois la femme d'Ulysse ; Télémaque ne l'a point immolée ; mais elle n'a pas volé des bras d'un époux dans ceux d'un autre, et sa couche reste chaste et sans souillure. Vois-tu Apollon, qui, de son temple placé au centre de la terre, rend aux mortels des oracles infaillibles, et à qui nous obéissons, quelque ordre qu'il nous donne? c'est pour lui obéir que j'ai tué celle qui m'a donné le jour. Dites qu'Apollon est impie, mettez-le à mort ; c'est lui qui a commis le crime, et non pas moi. Que devais-je faire? Un dieu n'est-il pas une caution suffisante pour m'absoudre d'un crime que je rejette sur lui? Qui échappera désormais, si le dieu qui a donné l'ordre ne me dérobe pas à la mort? Ne dis donc pas que cette action est mauvaise, dis plutôt qu'elle est malheureuse. L'hymen, pour les mortels bien assortis, fait le bonheur de la vie ; mais pour ceux qu'enchaîne un indigne lien, soit dans les foyers domestiques, soit au dehors, il n'y a que malheur.

LE CHOEUR.

[605] Toujours les femmes sont mêlées dans les malheurs des hommes, et ne font que les accroître.

TYNDARE.

Puisque tu redoubles d'audace, au lieu de céder à mes discours, et que ta réponse ne tend qu'à me navrer de douleur, tu enflammes en moi l'ardeur de te perdre : je joindrai cette riche offrande à celles que je suis venu déposer sur le tombeau de ma fille. Je cours de ce pas à l'assemblée des habitants d'Argos ; j'exciterai la ville, déjà assez irritée, à te condamner toi et ta sœur à être lapidés. Ta sœur, encore plus que toi, mérite la mort, elle qui t'animait contre ta mère et te rapportait sans cesse des discours propres à t'aigrir, te racontant des songes envoyés par Agamemnon, et cette union adultère avec Égisthe, détestée des dieux infernaux (car c'était là sa plainte la plus amère), jusqu'à ce qu'elle eût embrasé cette maison d'un feu plus funeste que celui de Vulcain. Enfin, Ménélas, écoute ce que j'ai à te dire et ce que je suis résolu à faire. Si tu comptes pour quelque chose ma haine ou mon affection, ne le dérobe pas à la mort contre la volonté des dieux ; laisse les citoyens le lapider, ou ne mets plus les pieds sur la terre de Sparte (32). Tu m'as entendu ; ne quitte pas des amis pieux pour t'unir à des impies. Vous, esclaves, guidez mes pas loin de ce palais.

ORESTE.

[630] Pars, et que ta vieillesse chagrine nous laisse continuer sans trouble notre entretien. Ménélas, où portes-tu tes pas, plongé dans une réflexion profonde, et l'esprit partagé entre deux sentiments opposés ?

MÉNÉLAS.

Laisse-moi ; dans les réflexions qui m'occupent, je ne sais à quel parti m'arrêter.

ORESTE.

Ne prends pas encore ta résolution, mais écoute mes paroles avant de te décider.

MÉNÉLAS.

Parle ; tu as raison : il est des cas où il vaut mieux se taire que de parler; d'autres, où il vaut mieux parler que de se taire.

 

Ὀρέστης

[640] Λέγοιμ' ἂν ἤδη. Τὰ μακρὰ τῶν σμικρῶν λόγων
ἐπίπροσθέν ἐστι καὶ σαφῆ μᾶλλον κλύειν.
Ἐμοὶ σὺ τῶν σῶν, Μενέλεως, μηδὲν δίδου,
ἃ δ' ἔλαβες ἀπόδος πατρὸς ἐμοῦ λαβὼν πάρα.
Οὐ χρήματ' εἶπον· χρήματ', ἢν ψυχὴν ἐμὴν
[645] σῴσῃς, ἅπερ μοι φίλτατ' ἐστὶ τῶν ἐμῶν.
Ἀδικῶ· λαβεῖν χρή μ' ἀντὶ τοῦδε τοῦ κακοῦ
ἄδικόν τι παρὰ σοῦ· καὶ γὰρ Ἀγαμέμνων πατὴρ
ἀδίκως ἀθροίσας Ἑλλάδ' ἦλθ' ὑπ' Ἴλιον,
οὐκ ἐξαμαρτὼν αὐτός, ἀλλ' ἁμαρτίαν
[650] τῆς σῆς γυναικὸς ἀδικίαν τ' ἰώμενος.
Ἓν μὲν τόδ' ἡμῖν ἀνθ' ἑνὸς δοῦναί σε χρή.
Ἀπέδοτο δ', ὡς χρὴ τοῖς φίλοισι τοὺς φίλους,
τὸ σῶμ' ἀληθῶς, σοὶ παρ' ἀσπίδ' ἐκπονῶν,
ὅπως σὺ τὴν σὴν ἀπολάβοις ξυνάορον.
[655] Ἀπότεισον οὖν μοι ταὐτὸ τοῦτ' ἐκεῖ λαβών,
μίαν πονήσας ἡμέραν, ἡμῶν ὕπερ
σωτήριος στάς, μὴ δέκ' ἐκπλήσας ἔτη.
Ἃ δ' Αὐλὶς ἔλαβε σφάγι' ἐμῆς ὁμοσπόρου,
ἐῶ σ' ἔχειν ταῦθ'· Ἑρμιόνην μὴ κτεῖνε σύ.
[660] Δεῖ γὰρ σ' ἐμοῦ πράσσοντος ὡς πράσσω τὰ νῦν
πλέον φέρεσθαι, κἀμὲ συγγνώμην ἔχειν.
Ψυχὴν δ' ἐμὴν δὸς τῷ ταλαιπώρῳ πατρὶ
κἀμῆς ἀδελφῆς, παρθένου μακρὸν χρόνον·
θανὼν γὰρ οἶκον ὀρφανὸν λείψω πατρός.
[665] Ἐρεῖς· ἀδύνατον. Αὐτὸ τοῦτο· τοὺς φίλους
ἐν τοῖς κακοῖς χρὴ τοῖς φίλοισιν ὠφελεῖν·
ὅταν δ' ὁ δαίμων εὖ διδῷ, τί δεῖ φίλων;
Ἀρκεῖ γὰρ αὐτὸς ὁ θεὸς ὠφελεῖν θέλων.
Φιλεῖν δάμαρτα πᾶσιν Ἕλλησιν δοκεῖς·
[670] κοὐχ ὑποτρέχων σε τοῦτο θωπείᾳ λέγω·
ταύτης ἱκνοῦμαί σ' ὦ μέλεος ἐμῶν κακῶν,
ἐς οἷον ἥκω. Τί δέ; Ταλαιπωρεῖν με δεῖ·
ὑπὲρ γὰρ οἴκου παντὸς ἱκετεύω τάδε.
Ὦ πατρὸς ὅμαιμε θεῖε, τὸν κατὰ χθονὸς
[675] θανόντ' ἀκούειν τάδε δόκει, ποτωμένην
ψυχὴν ὑπὲρ σοῦ, καὶ λέγειν ἃ ἐγὼ λέγω,
ταὔτ' ἔς τε δάκρυα καὶ γόους καὶ συμφοράς.
Εἴρηκα κἀπῄτηκα τὴν σωτηρίαν,
θηρῶν ὃ πάντες κοὐκ ἐγὼ ζητῶ μόνος.

Χορός

[680] Κἀγώ σ' ἱκνοῦμαι καὶ γυνή περ οὖσ' ὅμως
τοῖς δεομένοισιν ὠφελεῖν· οἷός τε δ' εἶ.

Μενέλαος

[682] Ὀρέστ', ἐγώ τοι σὸν καταιδοῦμαι κάρα
καὶ ξυμπονῆσαι σοῖς κακοῖσι βούλομαι·
καὶ χρὴ γὰρ οὕτω τῶν ὁμαιμόνων κακὰ
[685] ξυνεκκομίζειν, δύναμιν ἢν διδῷ θεός,
θνῄσκοντα καὶ κτείνοντα τοὺς ἐναντίους·
τὸ δ' αὖ δύνασθαι πρὸς θεῶν χρῄζω τυχεῖν.
Ἥκω γὰρ ἀνδρῶν συμμάχων κενὸν δόρυ
ἔχων, πόνοισι μυρίοις ἀλώμενος,
[690] σμικρᾷ σὺν ἀλκῇ τῶν λελειμμένων φίλων.
Μάχῃ μὲν οὖν ἂν οὐχ ὑπερβαλοίμεθα
Πελασγὸν Ἄργος· εἰ δὲ μαλθακοῖς λόγοις
δυναίμεθ', ἐνταῦθ' ἐλπίδος προσήκομεν.
Σμικροῖσι μὲν γὰρ μεγάλα πῶς ἕλοι τις ἄν;
[695] Πόνοισιν; Ἀμαθὲς καὶ τὸ βούλεσθαι τάδε.
Ὅταν γὰρ ἡβᾷ δῆμος εἰς ὀργὴν πεσών,
ὅμοιον ὥστε πῦρ κατασβέσαι λάβρον·
Εἰ δ' ἡσύχως τις αὑτὸν ἐντείνοντι μὲν
χαλῶν ὑπείκοι καιρὸν εὐλαβούμενος,
[700] ἴσως ἂν ἐκπνεύσειεν· ἢν δ' ἀνῇ πνοάς,
τύχοις ἂν αὐτοῦ ῥᾳδίως ὅσον θέλεις.
Ἔνεστι δ' οἶκτος, ἔνι δὲ καὶ θυμὸς μέγας,
καραδοκοῦντι κτῆμα τιμιώτατον.
Ἐλθὼν δὲ Τυνδάρεών τέ σοι πειράσομαι
[705] πόλιν τε πεῖσαι τῷ λίαν χρῆσθαι καλῶς.
Καὶ ναῦς γὰρ ἐνταθεῖσα πρὸς βίαν ποδὶ
ἔβαψεν, ἔστη δ' αὖθις, ἢν χαλᾷ πόδα.
Μισεῖ γὰρ ὁ θεὸς τὰς ἄγαν προθυμίας,
μισοῦσι δ' ἀστοί· δεῖ δέ μ' οὐκ ἄλλως λέγω
[710] σῴζειν σε σοφίᾳ, μὴ βίᾳ τῶν κρεισσόνων.
Ἀλκῇ δέ σ' οὐκ ἄν, ᾗ σὺ δοξάζεις ἴσως,
σῴσαιμ' ἄν· οὐ γὰρ ῥᾴδιον λόγχῃ μιᾷ
στῆσαι τροπαῖα τῶν κακῶν ἅ σοι πάρα.
Οὐ γάρ ποτ' Ἄργους γαῖαν ἐς τὸ μαλθακὸν
[715] προσηγόμεσθα· νῦν δ' ἀναγκαίως ἔχει.
Δούλοισιν εἶναι τοῖς σοφοῖσι τῆς τύχης

Ὀρέστης

[718] Ὦ πλὴν γυναικὸς οὕνεκα στρατηλατεῖν
τἄλλ' οὐδέν, ὦ κάκιστε τιμωρεῖν φίλοις,
[720] φεύγεις ἀποστραφείς με, τὰ δ' Ἀγαμέμνονος
φροῦδ'; Ἄφιλος ἦσθ' ἄρ', ὦ πάτερ, πράσσων κακῶς.
Οἴμοι, προδέδομαι, κοὐκέτ' εἰσὶν ἐλπίδες,
ὅποι τραπόμενος θάνατον Ἀργείων φύγω·
οὗτος γὰρ ἦν μοι καταφυγὴ σωτηρίας.
[725] Ἀλλ' εἰσορῶ γὰρ τόνδε φίλτατον βροτῶν
Πυλάδην δρόμῳ στείχοντα Φωκέων ἄπο,
ἡδεῖαν ὄψιν· πιστὸς ἐν κακοῖς ἀνὴρ
κρείσσων γαλήνης ναυτίλοισιν εἰσορᾶν.

Πυλάδης

[729] Θᾶσσον ᾗ με χρῆν προβαίνων ἱκόμην δι' ἄστεως,
[730] σύλλογον πόλεως ἀκούσας, τὸν δ' ἰδὼν αὐτὸς σαφῶς,
ἐπὶ σὲ σύγγονόν τε τὴν σήν, ὡς κτενοῦντας αὐτίκα.
Τί τάδε; Πῶς ἔχεις; Τί πράσσεις, φίλταθ' ἡλίκων ἐμοὶ
καὶ φίλων καὶ συγγενείας; Πάντα γὰρ τάδ' εἶ σύ μοι.

ORESTE

[640] Eh bien! je vais parler : les longs discours valent mieux que les courts, et sont plus clairs (33). Ménélas, ne me donne rien de ce qui est à toi, mais rends-moi ce que tu as reçu de mon père : je ne parle pas des richesses ; ma richesse sera ma vie, si tu la sauves ; c'est ce que j'ai de plus précieux au monde. Ma cause est-elle injuste ? Mais en échange de tant de maux, j'ai droit d'attendre de toi, même une injustice. En effet, c'est injustement que mon père, Agamemnon, rassembla la Grèce et marcha contre Ilion, sans avoir commis lui-même aucune faute, mais pour réparer la faute et l'injustice de ton épouse. C'est un service que tu dois me rendre, en échange d'un autre service. Il a réellement exposé sa vie pour toi, comme un ami doit le faire pour ses amis, affrontant les hasards des combats, afin de te faire rendre ton épouse. Rends-moi donc ce que tu as reçu de lui ; affronte un seul jour de peine pour me sauver, et non dix ans de fatigues. Quant au sacrifice de ma sœur en Aulide (34), je ne t'en parle pas; n'immole point Hermione ; car, dans l'état misérable où je suis réduit, tu dois prétendre plus que moi, et je dois me montrer moins exigeant : mais accorde à mon malheureux père ma vie et celle de ma sœur, dont les jours se passent dans un long célibat. En mourant, je laisserai la maison de mon père sans postérité. Diras-tu que ce que je demande est impossible ? C'est précisément dans l'adversité que les amis doivent secourir leurs amis. Quand les dieux nous sont favorables, qu'est-il besoin d'amis? La Divinité suffit, lorsqu'elle veut nous protéger. Tu passes aux yeux des Grecs pour chérir ton épouse : ce n'est pas par une basse flatterie que je te parle ainsi ; c'est en son nom que je te conjure... Ah ! malheureux! à quoi suis-je réduit? Mais quoi! il faut me résigner à souffrir (35); car c'est pour ma famille entière que je fais ces supplications. Frère de mon père, oncle chéri, songe que du fond des enfers celui qui n'est plus nous écoute ; son ombre vole autour de toi, et parle par ma bouche. Voilà ce que j'avais à te dire, au milieu des larmes, des sanglots et des calamités; je demande la vie, ce que tous les êtres cherchent ainsi que moi.

LE CHOEUR.

Moi aussi, quoique je sois une femme, je te supplie de secourir ceux qui sont dans la détresse ; car tu le peux.

MÉNÉLAS.

[682] Oreste, je respecte ta personne, et je veux t'aider dans ton infortune. Il convient, en effet, si les dieux nous en donnent la force, de partager les souffrances de nos proches, même au péril de notre vie, et en faisant périr leurs ennemis ; mais le pouvoir de Ie faire, c'est aux dieux que je le demande; car j'arrive sans escorte, n'ayant que ma lance, après avoir péniblement erré sur les mers, et avec une faible troupe d'amis échappés aux dangers. Nous ne pourrions donc triompher des Argiens les armes à la main ; mais que nous le puissions par la persuasion, c'est là tout mon espoir. Comment, avec de faibles moyens, vaincre une grande puissance? C'est folie même de le vouloir. Quand le peuple s'émeut et s'abandonne à la colère, c'est un feu véhément qu'en vain l'on s'efforce d'éteindre ; mais si l'on cède à son ardeur avec complaisance, en attendant l'occasion, peut-être tout son feu tombera ; et, lorsqu'il se sera calmé, vous pourrez en obtenir aisément tout ce que vous voudrez, car il est susceptible de pitié comme de colère, précieuse ressource pour qui sait attendre le moment. Je vais m'efforcer de persuader à Tyndare et aux citoyens de modérer l'excès de leur courroux. Le vaisseau qui tend violemment la voile (36) fait naufrage ; il résiste à la tempête, s'il replie la voile à propos. La Divinité ainsi que les citoyens haïssent l'audace présomptueuse : je le répète, c'est par la prudence que je dois te sauver, et non en faisant violence aux plus puissants que nous. Par la force, je ne pourrais te sauver, comme tu le supposes peut-être ; car il n'est pas facile, avec une seule lance, d'ériger des trophées sur les maux qui t'entourent. Jamais autrement nous ne serions descendus à d'humbles supplications devant les Argiens ; mais la nécessité contraint les sages d'être esclaves de la fortune. (Il sort.)

ORESTE.

[718] Lâche, qui n'es bon qu'à combattre pour une femme, impuissant à venger tes amis! Tu fuis, tu m'évites : les services d'Agamemnon sont oubliés. Ô mon père ! tu n'as donc pas trouvé d'amis dans ton infortune! Hélas ! je suis trahi, il n'est plus d'espoir, plus de refuge pour éviter la mort que les Argiens me préparent : celui-là était mon seul asile. — Mais je vois le plus chéri des mortels, Pylade, qui revient en hâte de la Phocide. Vue qui réjouit mon cœur! Un ami fidèle, dans l'adversité, est plus doux à voir qu'un ciel pur aux matelots.

PYLADE.

[729] J'ai traversé la ville d'un pas plus rapide qu'il ne convenait ; mais j'ai entendu annoncer l'assemblée du peuple, je l'ai vue de mes yeux ; c'est contre toi et contre ta sœur, et ils paraissent vouloir vous mettre à mort à l'instant. Qu'est-il donc arrivé? Où on es-tu, que fais-tu, ô le plus cher de mes amis, de mes parents, de mes compagnons? car tu es tout pour moi.

 

Ὀρέστης

Οἰχόμεσθ', ὡς ἐν βραχεῖ σοι τἀμὰ δηλώσω κακά.

Πυλάδης

[735] Συγκατασκάπτοις ἂν ἡμᾶς· κοινὰ γὰρ τὰ τῶν φίλων.

Ὀρέστης

Μενέλεως κάκιστος ἐς ἐμὲ καὶ κασιγνήτην ἐμήν.

Πυλάδης

Εἰκότως, κακῆς γυναικὸς ἄνδρα γίγνεσθαι κακόν.

Ὀρέστης

Ὥσπερ οὐκ ἐλθὼν ἔμοιγε ταὐτὸν ἀπέδωκεν μολών.

Πυλάδης

Ἦ γάρ ἐστιν ὡς ἀληθῶς τήνδ' ἀφιγμένος χθόνα;

Ὀρέστης

[740] Χρόνιος· ἀλλ' ὅμως τάχιστα κακὸς ἐφωράθη φίλοις.

Πυλάδης

Καὶ δάμαρτα τὴν κακίστην ναυστολῶν ἐλήλυθεν;

Ὀρέστης

Οὐκ ἐκεῖνος, ἀλλ' ἐκείνη κεῖνον ἐνθάδ' ἤγαγεν.

Πυλάδης

[743] Ποῦ 'στιν ἣ πλείστους Ἀχαιῶν ὤλεσεν γυνὴ μία;

Ὀρέστης

Ἐν δόμοις ἐμοῖσιν, εἰ δὴ τούσδ' ἐμοὺς καλεῖν χρεών.

Πυλάδης

[745] Σὺ δὲ τίνας λόγους ἔλεξας σοῦ κασιγνήτῳ πατρός;

Ὀρέστης

Μή μ' ἰδεῖν θανόνθ' ὑπ' ἀστῶν καὶ κασιγνήτην ἐμήν.

Πυλάδης

Πρὸς θεῶν, τί πρὸς τάδ' εἶπε; Τόδε γὰρ εἰδέναι θέλω.

Ὀρέστης

Εὐλαβεῖθ', ὃ τοῖς φίλοισι δρῶσιν οἱ κακοὶ φίλοι.

Πυλάδης

Σκῆψιν ἐς ποίαν προβαίνων; Τοῦτο πάντ' ἔχω μαθών.

Ὀρέστης

[750] Οὗτος ἦλθ', ὁ τὰς ἀρίστας θυγατέρας σπείρας πατήρ.

Πυλάδης

Τυνδάρεων λέγεις· ἴσως σοι θυγατέρος θυμούμενος;

Ὀρέστης

Αἰσθάνῃ. τὸ τοῦδε κῆδος μᾶλλον εἵλετ' ἢ πατρός.

Πυλάδης

Κοὐκ ἐτόλμησεν πόνων σῶν ἀντιλάζυσθαι παρών;

Ὀρέστης

Οὐ γὰρ αἰχμητὴς πέφυκεν, ἐν γυναιξὶ δ' ἄλκιμος.

Πυλάδης

[755] Ἐν κακοῖς ἄρ' εἶ μεγίστοις· καί σ' ἀναγκαῖον θανεῖν;

Ὀρέστης

Ψῆφον ἀμφ' ἡμῶν πολίτας ἐπὶ φόνῳ θέσθαι χρεών.

Πυλάδης

Ἣ κρινεῖ τί χρῆμα; Λέξον· διὰ φόβου γὰρ ἔρχομαι.

Ὀρέστης

Ἢ θανεῖν ἢ ζῆν· ὁ μῦθος οὐ μακρὸς μακρῶν πέρι.

Πυλάδης

Φεῦγέ νυν λιπὼν μέλαθρα σὺν κασιγνήτῃ σέθεν.

Ὀρέστης

[760] Οὐχ ὁρᾷς; Φυλασσόμεσθα φρουρίοισι πανταχῇ.

Πυλάδης

Εἶδον ἄστεως ἀγυιὰς τεύχεσιν πεφραγμένας.

Ὀρέστης

Ὡσπερεὶ πόλις πρὸς ἐχθρῶν σῶμα πυργηρούμεθα.

Πυλάδης

Κἀμὲ νῦν ἐροῦ τί πάσχω· καὶ γὰρ αὐτὸς οἴχομαι.

Ὀρέστης

Πρὸς τίνος; Τοῦτ' ἂν προσείη τοῖς ἐμοῖς κακοῖς κακόν.

Πυλάδης

[765] Στρόφιος ἤλασέν μ' ἀπ' οἴκων φυγάδα θυμωθεὶς πατήρ.

Ὀρέστης

Ἴδιον ἢ κοινὸν πολίταις ἐπιφέρων ἔγκλημά τι;

Πυλάδης

Ὅτι συνηράμην φόνον σοι μητρός, ἀνόσιον λέγων.

Ὀρέστης

Ὦ τάλας, ἔοικε καὶ σὲ τἀμὰ λυπήσειν κακά.

Πυλάδης

Οὐχὶ Μενέλεω τρόποισι χρώμεθ'· οἰστέον τάδε.

Ὀρέστης

[770] Οὐ φοβῇ μή σ' Ἄργος ὥσπερ κἄμ' ἀποκτεῖναι θέλῃ;

Πυλάδης

Οὐ προσήκομεν κολάζειν τοῖσδε, Φωκέων δὲ γῇ.

Ὀρέστης

Δεινὸν οἱ πολλοί, κακούργους ὅταν ἔχωσι προστάτας.

Πυλάδης

Ἀλλ' ὅταν χρηστοὺς λάβωσι, χρηστὰ βουλεύουσ' ἀεί.

Ὀρέστης

Εἶἑν. ἐς κοινὸν λέγειν χρή.

Πυλάδης

Τίνος ἀναγκαίου πέρι;

Ὀρέστης

[775] Εἰ λέγοιμ' ἀστοῖσιν ἐλθὼν

Πυλάδης

Ὡς ἔδρασας ἔνδικα;

Ὀρέστης

Πατρὶ τιμωρῶν ἐμαυτοῦ;

Πυλάδης

Μὴ λάβωσί σ' ἄσμενοι.

Ὀρέστης

Ἀλλ' ὑποπτήξας σιωπῇ κατθάνω;

Πυλάδης

Δειλὸν τόδε.

Ὀρέστης

Πῶς ἂν οὖν δρῴην;

Πυλάδης

Ἔχεις τιν', ἢν μένῃς, σωτηρίαν;

Ὀρέστης

Οὐκ ἔχω.

Πυλάδης

Μολόντι δ' ἐλπίς ἐστι σωθῆναι κακῶν;

Ὀρέστης

[780] Εἰ τύχοι, γένοιτ' ἄν.

Πυλάδης

Οὐκοῦν τοῦτο κρεῖσσον ἢ μένειν.

Ὀρέστης

Ἀλλὰ δῆτ' ἔλθω.

Πυλάδης

Θανὼν γοῦν ὧδε κάλλιον θανῇ.

Ὀρέστης

[783] Εὖ λέγεις· φεύγω τὸ δειλὸν τῇδε.

Πυλάδης

Μᾶλλον ἢ μένων.

Ὀρέστης

[782] Καὶ τὸ πρᾶγμά γ' ἔνδικόν μοι.

Πυλάδης

Τῷ Δοκεῖν εὔχου μόνον.

Ὀρέστης

[784] Καί τις ἄν γέ μ' οἰκτίσειε . . .

Πυλάδης

Μέγα γὰρ ἡ εὐγένειά σου.

Ὀρέστης

[785] Θάνατον ἀσχάλλων πατρῷον.

Πυλάδης

Πάντα ταῦτ' ἐν ὄμμασιν.

Ὀρέστης

Ἰτέον, ὡς ἄνανδρον ἀκλεῶς κατθανεῖν.

Πυλάδης

Αἰνῶ τάδε.

Ὀρέστης

Ἦ λέγωμεν οὖν ἀδελφῇ ταῦτ' ἐμῇ;

Πυλάδης

Μὴ πρὸς θεῶν.

Ὀρέστης

Δάκρυα γοῦν γένοιτ' ἄν.

Πυλάδης

Οὐκοῦν οὗτος οἰωνὸς μέγας.

Ὀρέστης

Δηλαδὴ σιγᾶν ἄμεινον.

Πυλάδης

Τῷ χρόνῳ δὲ κερδανεῖς.

Ὀρέστης

[790] Κεῖνό μοι μόνον πρόσαντες.

Πυλάδης

Τί τόδε καινὸν αὖ λέγεις;

Ὀρέστης

Μὴ θεαί μ' οἴστρῳ κατάσχωσι.

Πυλάδης

Ἀλλὰ κηδεύσω σ' ἐγώ.

Ὀρέστης

Δυσχερὲς ψαύειν νοσοῦντος ἀνδρός.

Πυλάδης

Οὐκ ἔμοιγε σοῦ.

Ὀρέστης

Εὐλαβοῦ λύσσης μετασχεῖν τῆς ἐμῆς.

Πυλάδης

Τόδ' οὖν ἴτω.

Ὀρέστης

Οὐκ ἄρ' ὀκνήσεις;

Πυλάδης

Ὄκνος γὰρ τοῖς φίλοις κακὸν μέγα.

Ὀρέστης

[795] Ἕρπε νυν οἴαξ ποδός μοι.

Πυλάδης

Φίλα γ' ἔχων κηδεύματα.

Ὀρέστης

Καί με πρὸς τύμβον πόρευσον πατρός.

Πυλάδης

Ὡς τί δὴ τόδε;

Ὀρέστης

Ὥς νιν ἱκετεύσω με σῶσαι.

Πυλάδης

Τό γε δίκαιον ὧδ' ἔχει.

Ὀρέστης

Μητέρος δὲ μηδ' ἴδοιμι μνῆμα.

Πυλάδης

[788] Πολεμία γὰρ ἦν.
Ἀλλ' ἔπειγ', ὡς μή σε πρόσθε ψῆφος Ἀργείων ἕλῃ,
[800] περιβαλὼν πλευροῖς ἐμοῖσι πλευρὰ νωχελῆ νόσῳ·
ὡς ἐγὼ δι' ἄστεώς σε, σμικρὰ φροντίζων ὄχλου,
οὐδὲν αἰσχυνθεὶς ὀχήσω. Ποῦ γὰρ ὢν δείξω φίλος,
εἴ σε μὴ 'ν δειναῖσιν ὄντα συμφοραῖς ἐπαρκέσω;

Ὀρέστης

Τοῦτ' ἐκεῖνο, <κτᾶσθ' ἑταίρους, μὴ τὸ συγγενὲς μόνον>·
[805] ὡς ἀνὴρ ὅστις τρόποισι συντακῇ, θυραῖος ὢν
μυρίων κρείσσων ὁμαίμων ἀνδρὶ κεκτῆσθαι φίλος.

ORESTE.

Nous sommes perdus, pour te dire en un mot tous mes malheurs.

PYLADE.

Ah ! tu m'entraîneras avec toi dans ta ruine ; car entre amis tout est commun.

ORESTE.

Ménélas s'est montré perfide envers moi et envers ma sœur.

PYLADE.

Il est naturel que l'époux d'une femme perverse devienne lui-même pervers.

ORESTE.

Sa présence m'a été tout aussi utile que s'il n'était pas venu.

PYLADE.

Il est donc venu en effet dans cette contrée ?

ORESTE.

Il s'est fait attendre; mais il n'a pas tardé à trahir ses amis.

PYLADE.

Et ramène-t-il avec lui son infidèle épouse?

ORESTE.

Ce n'est pas lui, c'est elle qui le ramène.

PYLADE.

[743] Où est-elle cette femme, qui seule a fait périr tant de Grecs?

ORESTE.

Dans mon palais, si je puis encore l'appeler mon palais.

PYLADE.

Et toi, qu'as-tu dit au frère de ton père ?

ORESTE.

Je l'ai conjuré de ne pas nous laisser, ma sœur et moi, mettre à mort par nos concitoyens.

PYLADE.

Au nom des dieux, qu'a-t-il répondu? je désire le savoir.

ORESTE.

Il s'est montré circonspect, comme sont les mauvais amis.

PYLADE.

Et quel prétexte alléguait-il? c'est là ce qu'il m'importe d'apprendre.

ORESTE.

Le père de ces vertueuses filles (37) est venu troubler notre entretien.

PYLADE.

Tyndare, dis-tu, furieux peut-être du meurtre de sa fille?

ORESTE.

Tu devines ; il a préféré l'alliance de Tyndare au sang de mon père.

PYLADE.

Et il n'a pas osé prendre ta défense ?

ORESTE.

Il est peu belliqueux, il n'est vaillant qu'avec les femmes.

PYLADE.

Tu es donc au comble du malheur, et ta mort est inévitable.

ORESTE.

Il faut que les citoyens portent leur sentence sur le meurtre dont je suis accusé.

PYLADE.

Et cette sentence, que doit-elle prononcer? parle ; je suis saisi de frayeur.

ORESTE.

La vie ou la mort : un mot suffit pour décider des plus grands intérêts.

PYLADE.

Fuis avec ta sœur, et quitte au plus tôt ce palais.

ORESTE.

Ne vois-tu pas que les gardes nous environnent de toutes parts?

PYLADE.

J'ai vu les places publiques entourées d'hommes armés.

ORESTE.

Nous sommes investis comme dans une ville assiégée.

PYLADE.

A ton tour informe-toi de mon sort : moi aussi, je suis perdu.

ORESTE.

Qui t'a perdu? à mes maux faut-il ajouter encore ce nouveau malheur?

PYLADE.

[765] Strophius, mon père, irrité contre moi, me bannit de sa présence.

ORESTE.

Est-ce d'une faute privée, ou d'un crime public, qu'il t'accuse?

PYLADE.

Il me traite d'impie, pour la part que j'ai prise au meurtre de ta mère.

ORESTE.

Ah ! malheureux, il faut donc que mes maux retombent aussi sur toi!

PYLADE.

Je ne suis pas un Ménélas ; il faut supporter notre mauvaise fortune.

ORESTE.

Ne crains-tu pas qu'Argos ne te fasse périr avec moi ?

PYLADE.

Ce n'est point d'Argos que dépend mon châtiment, mais de la Phocide.

ORESTE.

La multitude est redoutable, lorsqu'elle a des chefs pervers.

PYLADE.

Mais lorsqu'elle en a de bons, elle veut toujours le bien.

ORESTE.

C'est possible. Examinons ensemble.

PYLADE.

Quel plan?

ORESTE.

[775] Si j'allais dire au peuple....

PYLADE.

Que tu as fait une action juste?

ORESTE.

En vengeant mon père.

PYLADE.

Crains qu'il ne s'empresse de te saisir.

ORESTE.

Faut-il donc céder à la crainte, et mourir en silence ?

 PYLADE.

Ce serait une lâcheté.

ORESTE.

Que faire donc ?

PYLADE.

As-tu quelque moyen de salut, si tu restes?

ORESTE.

Je n'en ai point.

PYLADE.

Et, en paraissant devant l'assemblée, as-tu quelque espoir d'échapper?

ORESTE.

Si le hasard nous seconde, c'est possible.

PYLADE.

Ce parti vaut donc mieux que de rester ici.

ORESTE.

Irai-je donc?

PYLADE.

Si tu meurs, du moins ta mort sera plus glorieuse.

ORESTE.

Tu as raison; j'évite ainsi l'accusation de lâcheté.

PYLADE.

Bien mieux qu'en restant.

ORESTE.

[782] Ma cause est juste.

PYLADE.

Souhaite seulement qu'elle le paraisse (38).

ORESTE.

Peut-être aura-t-on pitié de moi...

PYLADE.

Ta naissance est beaucoup.

ORESTE.

Et donnera-t-on des larmes à la mort de mon père.

PYLADE.

Tout cela est manifeste.

ORESTE.

Marchons ; il est indigne d'un homme de mourir sans gloire.

PYLADE.

J'approuve cette résolution.

ORESTE.

Instruirons-nous ma sœur de notre dessein ?

PYLADE.

Au nom des dieux, n'en fais rien.

ORESTE.

Nos pleurs couleraient ensemble.

PYLADE.

Les pleurs sont d'un mauvais augure.

ORESTE.

Il vaut donc mieux se taire ?

PYLADE.

Par là tu gagnes du temps.

ORESTE.

[790] Une seule chose est à craindre.

PYLADE.

Quel est ce nouvel obstacle?

ORESTE.

C'est que les déesses ne m'agitent de leurs fureurs.

PYLADE.

J'aurai soin de toi.

ORESTE.

C'est une tâche pénible de soutenir un homme que le mal accable.

PYLADE.

Elle ne le sera point pour moi.

ORESTE.

Crains de participer à ma fureur.

PYLADE.

J'en courrai la chance.

ORESTE.

Tu ne le crains pas?

PYLADE.

La crainte est le fléau de l'amitié.

ORESTE.

Pars donc ; je te suis comme mon pilote fidèle (40).

PYLADE.

Mon amitié veillera sur toi.

ORESTE.

Conduis-moi vers le tombeau de mon père.

PYLADE.

Dans quelle intention?

ORESTE.

Pour le prier de conserver mes jours.

PYLADE.

Ceci est juste.

ORESTE.

Mais que je ne voie pas le tombeau de ma mère !

PYLADE.

[788] Elle était ton ennemie. — Mais hâte-toi, de peur que la sentence des Argiens ne te prévienne. Appuie sur moi ton corps affaibli par la maladie. Je te porterai à travers la ville, sans m'inquiéter de la multitude, et sans rougir. Car en quel cas montrerais-je mon amitié, si je ne t'aidais dans la terrible extrémité où tu es réduit?

ORESTE.

C'est bien là le cas de dire : Ayez des amis, et non pas seulement des proches. Un ami dont le cœur sympathise avec le nôtre, fût-il étranger, vaut mieux que mille parents.

Χορός

[807] Ὁ μέγας ὄλβος ἅ τ' ἀρετὰ
μέγα φρονοῦσ' ἀν' Ἑλλάδα καὶ
παρὰ Σιμουντίοις ὀχετοῖς
[810] πάλιν ἀνῆλθ' ἐξ εὐτυχίας Ἀτρείδαις
πάλαι παλαιᾶς ἀπὸ συμφορᾶς δόμων,
ὁπότε χρυσείας ἔρις ἀρνὸς
ἤλυθε Τανταλίδαις,
οἰκτρότατα θοινάματα καὶ
[815] σφάγια γενναίων τεκέων·
ὅθεν φόνῳ φόνος ἐξαμεί-
βων δι' αἵματος οὐ προλεί-
πει δισσοῖσιν Ἀτρείδαις.

Τὸ καλὸν οὐ καλόν, τοκέων
[820] πυριγενεῖ τεμεῖν παλάμᾳ
χρόα μελάνδετον δὲ φόνῳ
ξίφος ἐς αὐγὰς ἀελίοιο δεῖξαι·
τὸ δ' εὖ κακουργεῖν ἀσέβεια ποικίλα
κακοφρόνων τ' ἀνδρῶν παράνοια.
[825] θανάτου γὰρ ἀμφὶ φόβῳ
Τυνδαρὶς ἰάχησε τάλαι-
να· Τέκνον, οὐ τολμᾷς ὅσια
κτείνων σὰν ματέρα· μὴ πατρῴ-
αν τιμῶν χάριν ἐξανά-
[830] ψῃ δύσκλειαν ἐς αἰεί.

[831] Τίς νόσος ἢ τίνα δάκρυα καὶ
τίς ἔλεος μείζων κατὰ γᾶν
ἢ ματροκτόνον αἷμα χειρὶ θέσθαι;
Οἷον ἔργον τελέσας
[835] βεβάκχευται μανίαις,
Εὐμενίσι θήραμα, φόνον
δρομάσι δινεύων βλεφάροις,
Ἀγαμεμνόνιος παῖς.
Ὦ μέλεος, ματρὸς ὅτε
[840] χρυσεοπηνήτων φαρέων
μαστὸν ὑπερτέλλοντ' ἐσιδὼν
σφάγιον ἔθετο ματέρα, πατρῴ-
ων παθέων ἀμοιβάν.

 

LE CHOEUR, seul.

[807] Cette puissance fastueuse, cette valeur qui s'étalait avec orgueil par toute la Grèce et sur les bords du Simoïs, sont évanouies pour les Atrides, victimes des antiques calamités de leur famille : la querelle de la toison d'or fit naître parmi la race de Tantale ces lamentables festins, et ces massacres de nobles enfants ; et le meurtre, succédant au meurtre de génération en génération, n'a pas épargné les deux Atrides. Ce noble fait n'est point noble à mes yeux, de percer d'une main barbare les flancs qui nous ont donné le jour, et d'offrir à la lumière du soleil le fer teint de sang (41) : mais redoubler l'action coupable, c'est une grande impiété, c'est un délire criminel. Dans les angoisses de la mort, la malheureuse fille de Tyndare s'écria : « Mon fils, c'est un forfait impie, de tuer ta mère ; prends garde, en vengeant ton père, de te couvrir d'une infamie éternelle. »

[831] Est-il sur la terre des maux plus cruels, est-il un plus juste sujet de larmes et de pitié, que le sang d'une mère versé par la main de son fils? Voilà, voilà le crime qui livre en proie aux Furies vengeresses le fils d'Agamemnon, agité d'horribles transports, et roulant des yeux égarés. Malheur à lui, le jour où voyant le sein maternel s'échapper de la robe tissue d'or, il y plongea un fer parricide, pour venger le trépas d'un père !

 

Ἠλέκτρα

Γυναῖκες, ἦ που τῶνδ' ἀφώρμηται δόμων
[845] τλήμων Ὀρέστης θεομανεῖ λύσσῃ δαμείς;

Χορός

Ἥκιστα· πρὸς δ' Ἀργεῖον οἴχεται λεών,
ψυχῆς ἀγῶνα τὸν προκείμενον πέρι
δώσων, ἐν ᾧ ζῆν ἢ θανεῖν ὑμᾶς χρεών.

Ἠλέκτρα

Οἴμοι· τί χρῆμ' ἔδρασε; Τίς δ' ἔπεισέ νιν;

Χορός

[850] Πυλάδης· ἔοικε δ' οὐ μακρὰν ὅδ' ἄγγελος
λέξειν τὰ κεῖθεν σοῦ κασιγνήτου πέρι.

Ἄγγελος

Ὦ τλῆμον, ὦ δύστηνε τοῦ στρατηλάτου
Ἀγαμέμνονος παῖ, πότνι' Ἠλέκτρα, λόγους
ἄκουσον οὕς σοι δυστυχεῖς ἥκω φέρων.

Ἠλέκτρα

[855] Αἰαῖ, διοιχόμεσθα· δῆλος εἶ λόγῳ.
Κακῶν γὰρ ἥκεις, ὡς ἔοικεν, ἄγγελος.

Ἄγγελος

[857] Ψήφῳ Πελασγῶν σὸν κασίγνητον θανεῖν
καὶ σέ, ὦ τάλαιν', ἔδοξε τῇδ' ἐν ἡμέρᾳ.

Ἠλέκτρα

Οἴμοι· προσῆλθεν ἐλπίς, ἣν φοβουμένη
[860] πάλαι τὸ μέλλον ἐξετηκόμην γόοις.
Ἀτὰρ τίς ἁγών, τίνες ἐν Ἀργείοις λόγοι
καθεῖλον ἡμᾶς κἀπεκύρωσαν θανεῖν;
Λέγ', ὦ γεραιέ· πότερα λευσίμῳ χερὶ
ἢ διὰ σιδήρου πνεῦμ' ἀπορρῆξαί με δεῖ,
[865] κοινὰς ἀδελφῷ συμφορὰς κεκτημένην;

Ἄγγελος

[866] Ἐτύγχανον μὲν ἀγρόθεν πυλῶν ἔσω
βαίνων, πυθέσθαι δεόμενος τά τ' ἀμφὶ σοῦ
τά τ' ἀμφ' Ὀρέστου· σῷ γὰρ εὔνοιαν πατρὶ
ἀεί ποτ' εἶχον, καί μ' ἔφερβε σὸς δόμος
[870] πένητα μέν, χρῆσθαι δὲ γενναῖον φίλοις.
Ὁρῶ δ' ὄχλον στείχοντα καὶ θάσσοντ' ἄκραν,
οὗ φασι πρῶτον Δαναὸν Αἰγύπτῳ δίκας
διδόντ' ἀθροῖσαι λαὸν ἐς κοινὰς ἕδρας.
Ἀστῶν δὲ δή τιν' ἠρόμην ἄθροισμ' ἰδών·
[875] Τί καινὸν Ἄργει; Μῶν τι πολεμίων πάρα
ἄγγελμ' ἀνεπτέρωκε Δαναϊδῶν πόλιν;
Ὃ δ' εἶπ'· Ὀρέστην κεῖνον οὐχ ὁρᾷς πέλας
στείχοντ', ἀγῶνα θανάσιμον δραμούμενον;
Ὁρῶ δ' ἄελπτον φάσμ', ὃ μήποτ' ὤφελον,
[880] Πυλάδην τε καὶ σὸν σύγγονον στείχονθ' ὁμοῦ,
τὸν μὲν κατηφῆ καὶ παρειμένον νόσῳ,
τὸν δ' ὥστ' ἀδελφὸν ἴσα φίλῳ λυπούμενον,
νόσημα κηδεύοντα παιδαγωγίᾳ.
[884] Ἐπεὶ δὲ πλήρης ἐγένετ' Ἀργείων ὄχλος,
[885] κῆρυξ ἀναστὰς εἶπε· Τίς χρῄζει λέγειν,
πότερον Ὀρέστην κατθανεῖν ἢ μὴ χρεών,
μητροκτονοῦντα; Κἀπὶ τῷδ' ἀνίσταται
Ταλθύβιος, ὃς σῷ πατρὶ συνεπόρθει Φρύγας.
Ἔλεξε δ', ὑπὸ τοῖς δυναμένοισιν ὢν ἀεί,
[890] διχόμυθα, πατέρα μὲν σὸν ἐκπαγλούμενος,
σὸν δ' οὐκ ἐπαινῶν σύγγονον, καλοὺς κακοὺς
λόγους ἑλίσσων, ὅτι καθισταίη νόμους
ἐς τοὺς τεκόντας οὐ καλούς· τὸ δ' ὄμμ' ἀεὶ
φαιδρωπὸν ἐδίδου τοῖσιν Αἰγίσθου φίλοις.
[895] Τὸ γὰρ γένος τοιοῦτον· ἐπὶ τὸν εὐτυχῆ
πηδῶσ' ἀεὶ κήρυκες· ὅδε δ' αὐτοῖς φίλος,
ὃς ἂν δύνηται πόλεος ἔν τ' ἀρχαῖσιν ᾖ.
Ἐπὶ τῷδε δ' ἠγόρευε Διομήδης ἄναξ.
Οὗτος κτανεῖν μὲν οὔτε σὲ οὔτε σύγγονον
[900] εἴα, φυγῇ δὲ ζημιοῦντας εὐσεβεῖν.
Ἐπερρόθησαν δ' οἳ μὲν ὡς καλῶς λέγοι,
οἳ δ' οὐκ ἐπῄνουν. Κἀπὶ τῷδ' ἀνίσταται
ἀνήρ τις ἀθυρόγλωσσος, ἰσχύων θράσει,
Ἀργεῖος οὐκ Ἀργεῖος, ἠναγκασμένος,
[905] θορύβῳ τε πίσυνος κἀμαθεῖ παρρησίᾳ,
πιθανὸς ἔτ' αὐτοὺς περιβαλεῖν κακῷ τινι·
ὅταν γὰρ ἡδύς τις λόγοις φρονῶν κακῶς
πείθῃ τὸ πλῆθος, τῇ πόλει κακὸν μέγα·
ὅσοι δὲ σὺν νῷ χρηστὰ βουλεύουσ' ἀεί,
[910] κἂν μὴ παραυτίκ', αὖθίς εἰσι χρήσιμοι
πόλει. Θεᾶσθαι δ' ὧδε χρὴ τὸν προστάτην
ἰδόνθ'· ὅμοιον γὰρ τὸ χρῆμα γίγνεται
τῷ τοὺς λόγους λέγοντι καὶ τιμωμένῳ.
Ὃς εἶπ' Ὀρέστην καὶ σὲ ἀποκτεῖναι πέτροις
[915] βάλλοντας· ὑπὸ δ' ἔτεινε Τυνδάρεως λόγους
τῷ σφὼ κατακτείνοντι τοιούτους λέγειν.
Ἄλλος δ' ἀναστὰς ἔλεγε τῷδ' ἐναντία,
μορφῇ μὲν οὐκ εὐωπός, ἀνδρεῖος δ' ἀνήρ,
ὀλιγάκις ἄστυ κἀγορᾶς χραίνων κύκλον,
[920] αὐτουργός οἵπερ καὶ μόνοι σῴζουσι γῆν
ξυνετὸς δέ, χωρεῖν ὁμόσε τοῖς λόγοις θέλων,
ἀκέραιος, ἀνεπίπληκτον ἠσκηκὼς βίον·
ὃς εἶπ' Ὀρέστην παῖδα τὸν Ἀγαμέμνονος
στεφανοῦν, ὃς ἠθέλησε τιμωρεῖν πατρί,
[925] κακὴν γυναῖκα κἄθεον κατακτανών,
ἣ κεῖν' ἀφῄρει, μήθ' ὁπλίζεσθαι χέρα
μήτε στρατεύειν ἐκλιπόντα δώματα,
εἰ τἄνδον οἰκουρήμαθ' οἱ λελειμμένοι
φθείρουσιν, ἀνδρῶν εὔνιδας λωβώμενοι.
[930] Καὶ τοῖς γε χρηστοῖς εὖ λέγειν ἐφαίνετο.
[931] Κοὐδεὶς ἔτ' εἶπε. Σὸς δ' ἐπῆλθε σύγγονος,
ἔλεξε δ'· ὦ γῆν Ἰνάχου κεκτημένοι,
πάλαι Πελασγοί, Δαναί̈δαι δεύτερον,
ὑμῖν ἀμύνων οὐδὲν ἧσσον ἢ πατρὶ
[935] ἔκτεινα μητέρ'. Εἰ γὰρ ἀρσένων φόνος
ἔσται γυναιξὶν ὅσιος, οὐ φθάνοιτ' ἔτ' ἂν
θνῄσκοντες, ἢ γυναιξὶ δουλεύειν χρεών·
τοὐναντίον δὲ δράσετ' ἢ δρᾶσαι χρεών.
Νῦν μὲν γὰρ ἡ προδοῦσα λέκτρ' ἐμοῦ πατρὸς
[940] τέθνηκεν· εἰ δὲ δὴ κατακτενεῖτ' ἐμέ,
ὁ νόμος ἀνεῖται, κοὐ φθάνοι θνῄσκων τις ἄν·
ὡς τῆς γε τόλμης οὐ σπάνις γενήσεται.
Ἀλλ' οὐκ ἔπειθ' ὅμιλον, εὖ δοκῶν λέγειν.
Νικᾷ δ' ἐκεῖνος ὁ κακὸς ἐν πλήθει λέγων,
[945] ὃς ἠγόρευσε σύγγονον σέ τε κτανεῖν.
Μόλις δ' ἔπεισε μὴ πετρουμένους θανεῖν
τλήμων Ὀρέστης· αὐτόχειρι δὲ σφαγῇ
ὑπέσχετ' ἐν τῇδ' ἡμέρᾳ λείψειν βίον
σὺν σοί. Πορεύει δ' αὐτὸν ἐκκλήτων ἄπο
[950] Πυλάδης δακρύων· σὺν δ' ὁμαρτοῦσιν φίλοι
κλαίοντες, οἰκτίροντες· ἔρχεται δέ σοι
πικρὸν θέαμα καὶ πρόσοψις ἀθλία.
Ἀλλ' εὐτρέπιζε φάσγαν' ἢ βρόχον δέρῃ·
ὡς δεῖ λιπεῖν σε φέγγος· ἡ εὐγένεια δὲ
[955] οὐδέν σ' ἐπωφέλησεν, οὐδ' ὁ Πύθιος
τρίποδα καθίζων Φοῖβος, ἀλλ' ἀπώλεσεν.

ÉLECTRE.

Femmes, le malheureux Oreste s'est-il éloigné de ce palais, dans un accès de la fureur que lui infligent les dieux ?

LE CHŒUR.

Non ; il est allé à l'assemblée des Argiens, pour soutenir la lutte engagée contre lui, et où il s'agit pour vous de la vie ou de la mort.

ÉLECTRE.

Hélas ! qu'a-t-il fait? qui lui a donné ce conseil?

LE CHOEUR.

C'est Pylade. - Mais voici un messager, qui sans doute ne tardera pas à nous dire ce qui s'est passé touchant ton frère.

LE MESSAGER.

Ô malheureuse, ô infortunée fille d'Agamemnon, chef des Grecs, noble Électre, écoute les tristes nouvelles que je t'apporte.

ÉLECTRE

Ah! nous sommes perdus, tes paroles mε l'annoncent ; tu viens, je le vois, en messager de malheurs.

LE MESSAGER.

[857] Infortunée, une sentence des Argiens (42) condamne aujourd'hui ton frère et toi à mourir.

ÉLECTRE.

Hélas! il est arrivé ce moment, dont l'attente longtemps redoutée flétrissait mes jours dans les larmes. Mais quel a été le débat? quels discours parmi les Argiens ont amené notre condamnation et notre sentence de mort ? Parle, ô vieillard ! dois-je être lapidée? ou est-ce par le fer que je dois terminer ma vie, avec mon frère, dont je partage la destinée?

LE MESSAGER.

[866] Je venais des champs, et j'entrais dans la ville, voulant m'informer de ton sort et de celui d'Oreste ; car je fus toujours dévoué à ton père, et ta famille, qui m'a nourri, a en moi un serviteur pauvre, mais qui sait servir ses amis avec courage. Je vois la foule accourir, et prendre place sur la colline où l'on dit que Danaüs, puni du crime qu'il avait commis envers Égyptus, réunit le premier le peuple en assemblée publique. [884] A la vue de cette réunion, je demande à un citoyen ce qu'il y a de nouveau dans Argos (43), si quelque entreprise des ennemis amis en émoi la ville de Danaüs? — «Ne vois-tu pas, me répond-il, Oreste qui s'avance, pour soutenir le combat qui doit décider de sa vie? » Je vois en effet ce spectacle inattendu, et puissé-je ne l'avoir jamais vu, Pylade et ton frère marchant ensemble, l'un triste et abattu par la maladie, l'autre rumine un frère partageant les maux de son ami, et les adoucissant par des soins paternels. Lorsque l'assemblée des Argiens fut complète, le héraut se leva et dit : «Qui veut parler? il s'agit de décider si Oreste doit mourir, pour avoir tué sa mère.  » — Là-dessus, s'est levé Talthybius qui accompagna jadis ton père, lorsqu'il ravagea la Phrygie : toujours soumis à la puissance, il a prononcé un discours équivoque ; plein d'admiration pour ton père, mais blâmant ton frère et enveloppant avec beaucoup d'art un langage perfide, il l'accusait d'établir contre les parents des principes funestes, et il montrait toujours un air gracieux aux amis d'Égisthe. Telle est cette espèce d'homme : les hérauts vont toujours au-devant de la fortune; leur ami, c'est quiconque est puissant et dans les hauts emplois. Après lui, a parlé le roi Diomède : son avis a été qu'il ne fallait pas vous faire mourir, ni toi ni ton frère ; mais que la peine de l'exil satisferait à la piété. Aussitôt un bruit confus s'élève dans l'assemblée ; les uns applaudissent à son discours, les autres le désapprouvent. Après lui se lève un homme à la langue infatigable (44), fort de son audace, Argien sans être d'Argos, citoyen intrus, qui triomphe dans le tumulte par l'aplomb de l'ignorance, et capable d'entraîner les citoyens dans de funestes résolutions. Car lorsqu'un orateur éloquent, mais anime d'un mauvais esprit, dirige la multitude, c'est un grand malheur pour l'état : mais ceux qui donnent, toujours des avis sages et prudents, s'ils échouent momentanément, n'en sont pas moins utiles plus tard. Telles sont les vues qui doivent guider le chef du peuple : car la position est tout à fait semblable et pour l'orateur, et pour celui qui gouverne. Son avis a été de te lapider ainsi qu'Oreste: Tyndare suggérait ces raisonnements à celui qui demandait votre mort. Un autre s'est levé pour combattre son avis : son extérieur n'a rien d'agréable, mais c'est un homme de cœur, fréquentant rarement la ville et l'assemblée ; il cultive son champ de ses propres mains (voilà ceux qui sauvent la patrie) ; plein de sens, et allant droit au but dans ses discours, de mœurs pures, irréprochable dans sa vie (45). Il a dit que le fils d'Agamemnon méritait une couronne pour avoir osé venger son père, et tuer une femme coupable et impie, dont le crime empêcherait désormais de prendre les armes, et de quitter ses foyers pour aller combattre, si ceux qui restent corrompent la vertu des femmes et souillent la couche des époux. Tous les gens de bien applaudirent à ce discours, et personne ne parla après lui. Mais ton frère survient, et dit : [931] « Ô vous, habitants de la terre d'Inachus, autrefois Pélasges, puis enfants de Danaüs, c'est pour vous venger, aussi bien que mon père, que j'ai tué ma mère. Car si on permet aux femmes le meurtre de leurs maris, une mort précoce vous frappera, ou il vous faudra être esclaves de vos femmes ; et vous ferez le contraire de ce qu'il faut faire. Maintenant celle qui a trahi la foi qu'elle devait à mon père est morte (46) : si vous me faites mourir, la loi n'a plus de force, et nul n'échappera à la mort. On verra se multiplier les attentats de ce genre (47).  » — Mais il ne persuada pas l'assemblée, malgré l'éloquence de ses paroles ; et la victoire resta au méchant orateur qui avait ouvert l'avis de vous condamner à mort, toi et ton frère. A peine le malheureux Oreste a-t-il obtenu qu'on vous épargnât le supplice de la lapidation ; il a promis de s'ôter la vie de sa propre main ce jour même, et que tu en ferais autant. Pylade en pleurs l'a reconduit au sortir de l'assemblée ; ses amis l'accompagnent en fondant en larmes, et en déplorant son sort. Tu vas voir un spectacle bien triste, et bien digne de pitié. Prépare le glaive ou le lacet fatal qui doit terminer tes jours. Rien n'a pu te sauver, ni ta noble naissance; ni même Apollon Pythien, assis sur son trépied; c'est lui qui t'a perdu.

 

Χορός

Ὦ δυστάλαινα παρθέν', ὡς ξυνηρεφὲς
πρόσωπον εἰς γῆν σὸν βαλοῦσ' ἄφθογγος εἶ,
ὡς εἰς στεναγμοὺς καὶ γόους δραμουμένη.

Ἠλέκτρα

[960] Κατάρχομαι στεναγμόν, ὦ Πελασγία,
τιθεῖσα λευκὸν ὄνυχα διὰ παρηίδων,
αἱματηρὸν ἄταν,
κτύπον τε κρατός, ὃν ἔλαχ' ἁ κατὰ χθονὸς
νερτέρων Περσέφασσα καλλίπαις θεά.
[965] Ἰαχείτω δὲ γᾶ Κυκλωπία,
σίδαρον ἐπὶ κάρα τιθεῖσα κούριμον,
πήματ' οἴκων.
Ἔλεος ἔλεος ὅδ' ἔρχεται
τῶν θανουμένων ὕπερ,
[970] στρατηλατᾶν Ἑλλάδος ποτ' ὄντων.

[971] Βέβακε γὰρ βέβακεν, οἴχεται τέκνων
πρόπασα γέννα Πέλοπος ὅ τ' ἐπὶ μακαρίοις
ζῆλος ὤν ποτ' οἴκοις·
Φθόνος νιν εἷλε θεόθεν, ἅ τε δυσμενὴς
[975] φοινία ψῆφος ἐν πολίταις.
Ἰὼ ἰώ, πανδάκρυτ' ἐφαμέρων
ἔθνη πολύπονα, λεύσσεθ', ὡς παρ' ἐλπίδας
μοῖρα βαίνει.
Ἕτερα δ' ἕτερος ἀμείβεται
[980] πήματ' ἐν χρόνῳ μακρῷ·
βροτῶν δ' ὁ πᾶς ἀστάθμητος αἰών.

[982] Μόλοιμι τὰν οὐρανοῦ
μέσον χθονός <τε> τεταμέναν
αἰωρήμασι πέτραν,
ἁλύσεσιν χρυσέαισι φερομέναν δίναισι,
βῶλον ἐξ Ὀλύμπου,
ἵν' ἐν θρήνοισιν ἀναβοάσω
[985] γέροντι πατρὶ Ταντάλῳ
ὃς ἔτεκεν ἔτεκε γενέτορας ἐμέθεν δόμων,
οἳ κατεῖδον ἄτας,
ποτανὸν μὲν δίωγμα πώλων
τεθριπποβάμονι στόλῳ Πέλοψ ὅτε
[990] πελάγεσι διεδίφρευσε, Μυρτίλου φόνον
δικὼν ἐς οἶδμα πόντου,
λευκοκύμοσιν
πρὸς Γεραιστίαις
ποντίων σάλων
ᾐόσιν ἁρματεύσας.
[995] Ὅθεν δόμοισι τοῖς ἐμοῖς
ἦλθ' ἀρὰ πολύστονος,
λόχευμα ποιμνίοισι Μαιάδος τόκου,
τὸ χρυσόμαλλον ἀρνὸς ὁπότ'
ἐγένετο τέρας ὀλοὸν ὀλοὸν
[1000] Ἀτρέος ἱπποβώτα·
ὅθεν Ἔρις τό τε πτερωτὸν
ἁλίου μετέβαλεν ἅρμα,
τὰν πρὸς ἑσπέραν κέλευθον
οὐρανοῦ προσαρμόσα-
σα μονόπωλον ἐς Ἀῶ,
[1005] ἑπταπόρου τε δράμημα Πελειάδος
εἰς ὁδὸν ἄλλαν Ζεὺς μεταβάλλει,
τῶνδέ τ' ἀμείβει . . . θανάτους θανά-
των τά τ' ἐπώνυμα δεῖπνα Θυέστου
λέκτρα τε Κρήσσας Ἀερόπας δολί-
[1010] ας δολίοισι γάμοις· τὰ πανύστατα δ'
εἰς ἐμὲ καὶ γενέταν ἐμὸν ἤλυθε
δόμων πολυπόνοις ἀνάγκαις.

Χορός

Καὶ μὴν ὅδε σὸς σύγγονος ἕρπει
ψήφῳ θανάτου κατακυρωθείς,
ὅ τε πιστότατος πάντων Πυλάδης,
[1015] ἰσάδελφος ἀνήρ, ἰθύνων
νοσερὸν κῶλον Ὀρέστου,
ποδὶ κηδοσύνῳ παράσειρος.

 

LE CHOEUR.

Vierge infortunée, l'air sombre, et les yeux baissés vers la terre, tu restes muette, pour éclater tout à l'heure en sanglots et en gémissements!

ÉLECTRE.

[960] Terre des Pélasges, je commence mes lamentations, en déchirant de mes mains mon visage ensanglanté, en meurtrissant ma tête de coups redoublés, hommage bien connu de la jeune et belle déesse qui règne aux enfers sur les morts (48). Que la terre des Cyclopes (49) pousse des hurlements, que le fer rase votre chevelure, pour déplorer les malheurs de la maison des Atrides. Cette pitié, oui cette pitié vous convient pour l'extinction de la famille qui commanda jadis les armées de la Grèce.

[971] Elle n'est plus, elle a péri, toute la race de Pélops, cette famille dont la prospérité fut un objet d'envie. Elle succombe sous la haine jalouse des dieux, et sous la sentence odieuse et homicide des citoyens. Ô race déplorable des mortels, condamnée à la souffrance, voyez comme la destinée fond sur nous à l'improviste. Les malheurs succèdent sans relâche aux malheurs : la vie des mortels n'est qu'instabilité.

[982] Que ne puis-je m'élancer sur ce rocher détaché de l'Olympe, qui, suspendu à des chaînes d'or, entre le ciel et la terre, vole emporté par un rapide tourbillon (50) ! que ne puis-je y faire éclater mes plaintes auprès du vieux Tantale, le père de mes aïeux, l'auteur de ma famille, en proie à tant de calamités, depuis le jour fatal où Pélops, dirigeant la course rapide des chevaux attelés à son quadrige, renversa Myrtile de son char, et le précipita dans les flots, près de Géreste (51) blanchie par l'écume, le long du rivage battu par la mer! De là vint la malédiction lamentable lancée sur notre maison, le prodige funeste envoyé par le fils de Maïa, cet agneau à toison d'or, né dans les troupeaux d'Atrée, riche en haras : de là la Discorde qui détourna le char ailé du Soleil, et Ie força de quitter la route de l'occident pour reculer vers l'aurore ; Jupiter dirige la course des sept Pléiades dans une autre voie ; puis il fait succéder les meurtres aux meurtres, et prépare l'horrible festin auquel s'attache le nom de Thyeste ; puis l'alliance d'une Crétoise, de la trompeuse Érope, liée par un hymen trompeur : et pour derniers malheurs, les miens et ceux de mon père, conséquence de la nécessité cruelle qui pèse sur ma famille.

LE CHOEUR.

Voici ton frère qui s'avance, frappé de la sentence mortelle Le plus fidèle des hommes, Pylade, qui lui tient lieu de frère, dirige d'un pas complaisant sa marche mal assurée (52).

 

Ἠλέκτρα

[1018] Οἲ ἐγώ· πρὸ τύμβου γάρ σ' ὁρῶσ' ἀναστένω,
ἀδελφέ, καὶ πάροιθε νερτέρου πυρᾶς.
[1020] Οἲ ἐγὼ μάλ' αὖθις· ὥς σ' ἰδοῦσ' ἐν ὄμμασιν
πανυστάτην πρόσοψιν ἐξέστην φρενῶν.

Ὀρέστης

Οὐ σῖγ' ἀφεῖσα τοὺς γυναικείους γόους
στέρξεις τὰ κρανθέντ'; Οἰκτρὰ μὲν τάδ', ἀλλ' ὅμως
φέρειν σ' ἀνάγκη τὰς παρεστώσας τύχας.

Ἠλέκτρα

[1025] Καὶ πῶς σιωπῶ; Φέγγος εἰσορᾶν θεοῦ
τόδ' οὐκέθ' ἡμῖν τοῖς ταλαιπώροις μέτα.

Ὀρέστης

Σὺ μή μ' ἀπόκτειν'· ἅλις ὑπ' Ἀργείας χερὸς
τέθνηχ' ὁ τλήμων· τὰ δὲ παρόντ' ἔα κακά.

Ἠλέκτρα

Ὦ μέλεος ἥβης σῆς, Ὀρέστα, καὶ πότμου
[1030] θανάτου τ' ἀώρου. ζῆν ἐχρῆν σ', ὅτ' οὐκέτ' εἶ.

Ὀρέστης

Μὴ πρὸς θεῶν μοι περιβάλῃς ἀνανδρίαν,
ἐς δάκρυα πορθμεύουσ' ὑπομνήσει κακῶν.

Ἠλέκτρα

Θανούμεθ'· οὐχ οἷόν τε μὴ στένειν κακά.
Πᾶσιν γὰρ οἰκτρὸν ἡ φίλη ψυχὴ βροτοῖς.

Ὀρέστης

[1035] Τόδ' ἦμαρ ἡμῖν κύριον· δεῖ δ' ἢ βρόχους
ἅπτειν κρεμαστοὺς ἢ ξίφος θήγειν χερί.

Ἠλέκτρα

Σύ νύν μ', ἀδελφέ, μή τις Ἀργείων κτάνῃ
ὕβρισμα θέμενος τὸν Ἀγαμέμνονος γόνον.

Ὀρέστης

Ἅλις τὸ μητρὸς αἷμ' ἔχω· σὲ δ' οὐ κτενῶ,
[1040] ἀλλ' αὐτόχειρι θνῇσχ' ὅτῳ βούλῃ τρόπῳ.

Ἠλέκτρα

Ἔσται τάδ'· οὐδὲν σοῦ ξίφους λελείψομαι.
ἀλλ' ἀμφιθεῖναι σῇ δέρῃ θέλω χέρας.

Ὀρέστης

Τέρπου κενὴν ὄνησιν, εἰ τερπνὸν τόδε
θανάτου πέλας βεβῶσι, περιβαλεῖν χέρας.

Ἠλέκτρα

[1045] Ὦ φίλτατ', ὦ ποθεινὸν ἥδιστόν τ' ἔχων
τῆς σῆς ἀδελφῆς ὄνομα καὶ ψυχὴν μίαν.

Ὀρέστης

[1047] Ἔκ τοί με τήξεις· καί σ' ἀμείψασθαι θέλω
φιλότητι χειρῶν. Τί γὰρ ἔτ' αἰδοῦμαι τάλας;
Ὦ στέρν' ἀδελφῆς, ὦ φίλον πρόσπτυγμ' ἐμόν,
[1050] τάδ' ἀντὶ παίδων καὶ γαμηλίου λέχους
προσφθέγματ' ἀμφοῖν τοῖς ταλαιπώροις πάρα.

Ἠλέκτρα

Φεῦ·
πῶς ἂν ξίφος νὼ ταὐτόν, εἰ θέμις, κτάνοι
καὶ μνῆμα δέξαιθ' ἕν, κέδρου τεχνάσματα;

Ὀρέστης

Ἥδιστ' ἂν εἴη ταῦθ'· ὁρᾷς δὲ δὴ φίλων
[1055] ὡς ἐσπανίσμεθ', ὥστε κοινωνεῖν τάφου.

Ἠλέκτρα

Οὐδ' εἶφ' ὑπὲρ σοῦ, μὴ θανεῖν σπουδὴν ἔχων,
Μενέλαος ὁ κακός, ὁ προδότης τοὐμοῦ πατρός;

Ὀρέστης

[1058] Οὐδ' ὄμμ' ἔδειξεν, ἀλλ' ἐπὶ σκήπτροις ἔχων
τὴν ἐλπίδ', εὐλαβεῖτο μὴ σῴζειν φίλους.
[1060] Ἀλλ' εἶ' ὅπως γενναῖα καὶ Ἀγαμέμνονος
δράσαντε κατθανούμεθ' ἀξιώτατα.
Κἀγὼ μὲν εὐγένειαν ἀποδείξω πόλει,
παίσας πρὸς ἧπαρ φασγάνῳ· σὲ δ' αὖ χρεὼν
ὅμοια πράσσειν τοῖς ἐμοῖς τολμήμασιν.
[1065] Πυλάδη, σὺ δ' ἡμῖν τοῦ φόνου γενοῦ βραβεύς,
καὶ κατθανόντοιν εὖ περίστειλον δέμας
θάψον τε κοινῇ πρὸς πατρὸς τύμβον φέρων.
Καὶ χαῖρ'· ἐπ' ἔργον δ', ὡς ὁρᾷς, πορεύομαι.

ÉLECTRE.

[1018] Malheureuse que je suis! Ô mon frère, je gémis en te voyant sur le bord de la tombe, au pied du bûcher funéraire. Oui, malheureuse ! en te voyant pour la dernière fois, ma raison m'abandonne.

ORESTE.

Contiens ces lamentations de femme, et soumets-toi en silence aux ordres du destin. Ils sont cruels, mais il faut supporter notre fortune présente.

ÉLECTRE.

Eh ! comment contenir mes plaintes, quand il ne nous est plus permis de voir la clarté du soleil?

ORESTE.

Ne m'arrache pas la vie; c'est assez de mourir de la main des Argiens ; cesse de rappeler nos malheurs.

ÉLECTRE.

Malheureux Oreste, comment ne pas déplorer ta jeunesse, ton destin, ta mort prématurée? tu quittes la vie au moment d'en jouir!

ORESTE.

Au nom des dieux, ne m'inspire point de faiblesse; ne fais point couler mes larmes par le souvenir de nos infortunes!

ÉLECTRE.

Il nous faut mourir : est- il possible de ne pas gémir sur notre sort? car la vie est un objet de regrets pour tous les mortels.

ORESTE.

[1035] Ce jour est le dernier pour nous : il faut suspendre le lacet fatal, ou aiguiser le glaive de notre main.

ÉLECTRE.

Mon frère, donne-moi toi-même le coup mortel, pour qu'aucun Argien ne fasse cet outrage à la fille d'Agamemnon.

ORESTE.

C'est assez du sang d'une mère ; je ne te donnerai point la mort. Meurs de ta propre main, et choisis toi-même ton supplice.

ÉLECTRE.

Je le ferai ; le glaive qui te frappera ne me manquera point : mais du moins que je puisse te serrer dans mes bras!

ORESTE.

Jouis de ce vain plaisir, si c'est un plaisir de serrer dans ses bras ceux qui marchent à la mort.

ÉLECTRE.

O mon tendre frère, toi à qui le nom de ta sœur fut toujours si cher et si doux, toi qui n'es qu'une âme avec elle !

ORESTE.

[1047] Tu me feras fondre en larmes. Oui, je veux répondre à ta tendresse par la mienne : et pourquoi en rougirais-je? Ô sein chéri d'une saur! ô doux embrassements! Ah ! ces derniers adieux doivent, dans notre malheur, nous tenir lieu d'enfants et d'hyménée.

ÉLECTRE.

Ah ! que du moins, s'il est possible, le même fer nous frappe, et qu'un même tombeau (53) nous reçoive !

ORESTE.

Ce sort me serait bien doux ; mais tu vois comme les amis nous manquent, pour nous unir dans le tombeau.

ÉLECTRE.

Il n'a donc pas parlé pour toi, il n'a pas cherché à te dérober à la mort, le perfide Ménélas, traître à mon père ?

ORESTE.

[1058] Il n'a pas même paru  (54) ; mais, dans l'espoir du sceptre, il a craint de sauver ses amis. Mais ne songeons plus qu'à mourir avec courage, et d'une manière digne d'Agamemnon. Pour moi, je montrerai ma noblesse aux citoyens, en me perçant le coeur de mon épée : c'est à toi d'imiter ma fermeté. Toi, Pylade, préside à ce combat funèbre ; après notre mort, arrange nos corps avec les cérémonies accoutumées, et ensevelis-les ensemble auprès du tombeau de mon père. Adieu ; tu le vois, je vais accomplir ma résolution.

 

Πυλάδης

Ἐπίσχες. ἓν μὲν πρῶτά σοι μομφὴν ἔχω,
[1070] εἰ ζῆν με χρῄζειν σοῦ θανόντος ἤλπισας.

Ὀρέστης

Τί γὰρ προσήκει κατθανεῖν σ' ἐμοῦ μέτα;

Πυλάδης

Ἤρου; Τί δὲ ζῆν σῆς ἑταιρίας ἄτερ;

Ὀρέστης

Οὐκ ἔκτανες σὴν μητέρ', ὡς ἐγὼ τάλας.

Πυλάδης

Σὺν σοί γε κοινῇ· ταὐτὰ καὶ πάσχειν με δεῖ.

Ὀρέστης

[1075] Ἀπόδος τὸ σῶμα πατρί, μὴ σύνθνῃσκέ μοι.
Σοὶ μὲν γὰρ ἔστι πόλις, ἐμοὶ δ' οὐκ ἔστι δή,
καὶ δῶμα πατρὸς καὶ μέγας πλούτου λιμήν.
Γάμων δὲ τῆς μὲν δυσπότμου τῆσδ' ἐσφάλης,
ἥν σοι κατηγγύησ' ἑταιρίαν σέβων·
[1080] σὺ δ' ἄλλο λέκτρον παιδοποίησαι λαβών,
κῆδος δὲ τοὐμὸν καὶ σὸν οὐκέτ' ἔστι δή.
Ἀλλ', ὦ ποθεινὸν ὄμμ' ὁμιλίας ἐμῆς,
χαῖρ'· οὐ γὰρ ἡμῖν ἔστι τοῦτο, σοί γε μήν·
οἱ γὰρ θανόντες χαρμάτων τητώμεθα.

Πυλάδης

[1085] Ἦ πολὺ λέλειψαι τῶν ἐμῶν βουλευμάτων.
Μήθ' αἷμά μου δέξαιτο κάρπιμον πέδον,
μὴ λαμπρὸς αἰθήρ, εἴ σ' ἐγὼ προδούς ποτε
ἐλευθερώσας τοὐμὸν ἀπολίποιμι σέ.
Καὶ συγκατέκτανον γάρ, οὐκ ἀρνήσομαι,
[1090] καὶ πάντ' ἐβούλευσ' ὧν σὺ νῦν τίνεις δίκας·
καὶ ξυνθανεῖν οὖν δεῖ με σοὶ καὶ τῇδ' ὁμοῦ.
Ἐμὴν γὰρ αὐτήν, ἧς <γε> λέχος ἐπῄνεσα,
κρίνω δάμαρτα· τί γὰρ ἐρῶ κἀγώ ποτε
γῆν Δελφίδ' ἐλθὼν Φωκέων ἀκρόπτολιν,
[1095] ὃς πρὶν μὲν ὑμᾶς δυστυχεῖν φίλος παρῆ,
νῦν δ' οὐκέτ' εἰμὶ δυστυχοῦντί σοι φίλος;
Οὐκ ἔστιν. Ἀλλὰ ταῦτα μὲν κἀμοὶ μέλει·
ἐπεὶ δὲ κατθανούμεθ', ἐς κοινοὺς λόγους
ἔλθωμεν, ὡς ἂν Μενέλεως συνδυστυχῇ.

Ὀρέστης

[1100] Ὦ φίλτατ', εἰ γὰρ τοῦτο κατθάνοιμ' ἰδών.

Πυλάδης

Πιθοῦ νυν, ἄμμεινόν τε φασγάνου τομάς.

Ὀρέστης

Μενῶ, τὸν ἐχθρὸν εἴ τι τιμωρήσομαι.

Πυλάδης

Σίγα νυν· ὡς γυναιξὶ πιστεύω βραχύ.

Ὀρέστης

Μηδὲν τρέσῃς τάσδ'· ὡς πάρεισ' ἡμῖν φίλαι.

Πυλάδης

[1105] Ἑλένην κτάνωμεν, Μενέλεῳ λύπην πικράν.

Ὀρέστης

Πῶς; Τὸ γὰρ ἕτοιμον ἔστιν, εἴ γ' ἔσται καλῶς.

Πυλάδης

Σφάξαντες. ἐν δόμοις δὲ κρύπτεται σέθεν.

Ὀρέστης

Μάλιστα· καὶ δὴ πάντ' ἀποσφραγίζεται.

Πυλάδης

Ἀλλ' οὐκέθ', Ἅιδην νυμφίον κεκτημένη.

Ὀρέστης

[1110] Καὶ πῶς; Ἔχει γὰρ βαρβάρους ὀπάονας.

Πυλάδης

Τίνας; Φρυγῶν γὰρ οὐδέν' ἂν τρέσαιμ' ἐγώ.

Ὀρέστης

Οἵους ἐνόπτρων καὶ μύρων ἐπιστάτας.

Πυλάδης

Τρυφὰς γὰρ ἥκει δεῦρ' ἔχουσα Τρωικάς;

Ὀρέστης

Ὥσθ' Ἑλλὰς αὐτῇ σμικρὸν οἰκητήριον.

Πυλάδης

[1115] Οὐδὲν τὸ δοῦλον πρὸς τὸ μὴ δοῦλον γένος.

Ὀρέστης

Καὶ μὴν τόδ' ἔρξας δὶς θανεῖν οὐχ ἅζομαι.

Πυλάδης

Ἀλλ' οὐδ' ἐγὼ μήν, σοί γε τιμωρούμενος.

Ὀρέστης

Τὸ πρᾶγμα δήλου καὶ πέραιν', ὅπως λέγεις.

Πυλάδης

Ἔσιμεν ἐς οἴκους δῆθεν ὡς θανούμενοι.

Ὀρέστης

[1120] Ἔχω τοσοῦτον, τἀπίλοιπα δ' οὐκ ἔχω.

Πυλάδης

Γόους πρὸς αὐτὴν θησόμεσθ' ἃ πάσχομεν.

Ὀρέστης

Ὥστ' ἐκδακρῦσαί γ' ἔνδοθεν κεχαρμένην.

Πυλάδης

Καὶ νῷν παρέσται ταῦθ' ἅπερ κείνῃ τότε.

Ὀρέστης

Ἔπειτ' ἀγῶνα πῶς ἀγωνιούμεθα;

Πυλάδης

[1125] Κρύπτ' ἐν πέπλοισι τοισίδ' ἕξομεν ξίφη.

Ὀρέστης

Πρόσθεν δ' ὀπαδῶν τίς ὄλεθρος γενήσεται;

Πυλάδης

Ἐκκλῄσομεν σφᾶς ἄλλον ἄλλοσε στέγης.

Ὀρέστης

Καὶ τόν γε μὴ σιγῶντ' ἀποκτείνειν χρεών.

Πυλάδης

Εἶτ' αὐτὸ δηλοῖ τοὔργον οἷ τείνειν χρεών.

Ὀρέστης

[1130] Ἑλένην φονεύειν· μανθάνω τὸ σύμβολον.

PYLADE

Arrête : voici le premier reproche que j'ai à te faire, si tu as cru que je voudrais vivre après toi.

ORESTE.

Pourquoi faut-il que tu meures avec moi ?

PYLADE.

Tu le demandes? mais à quoi bon vivre sans ton amitié?

ORESTE.

Tu n'as pas tué ta mère, comme moi, malheureux !

PYLADE.

Avec toi, du moins : je dois donc partager ton sort.

ORESTE.

[1075] Conserve-toi pour ton père, ne meurs pas avec moi. Tu as une patrie, et moi je n'en ai point; tu as la maison paternelle, comme un port qui t'offre le bien-être. Il faut renoncer à l'alliance de cette infortunée, que je te fiançai jadis en honneur de notre amitié : contracte d'autres liens, et deviens père d'une nombreuse postérité ; il n'y a plus désormais d'alliance possible entre nous. Ô toi dont l'amitié me fut si chère, sois heureux (55) ! ce vœu, qui t'est permis encore, ne nous l'est plus; il n'est point de bonheur pour les morts.

PYLADE.

[1085] Ah ! que tu méconnais mes sentiments ! Que ni la terre fertile, ni le brillant éther, ne reçoivent mon sang (56), si jamais je te trahis, si je t'abandonne pour échapper moi- même au péril. J'ai été complice du meurtre, je ne le nierai point ; j'ai conseillé tous les actes dont tu portes à présent la peine : il faut donc que je meure avec toi et avec ta sœur. Elle, dont la main me fut promise, je la regarde comme mon épouse. Et que pourrais-je dire d'honorable, à mon retour à Delphes, dans la ville des Phocéens, moi qui, avant votre infortune, étais votre ami, et qui ne le serais plus dans votre infortune ? Cela ne se peut, je dois partager ton sort. Mais, puisque nous devons mourir, cherchons entre nous les moyens d'entraîner Ménélas dans notre perte.

ORESTE.

[1100] Ô mon ami, que ne puis-je mourir en voyant ce spectacle!

PYLADE.

Crois-moi donc, et suspends le coup mortel.

ORESTE.

Oui, je le suspendrai, si je ne puis me venger d'un ennemi.

PYLADE, bas.

Silence ! je me fie peu aux femmes.

ORESTE.

Ne crains point celles-ci ; elles sont nos amies.

PYLADE.

Faisons périr Hélène. Quelle amère douleur pour Ménélas !

ORESTE.

Par quel moyen ? J'y suis prêt, si la chose est possible.

PYLADE.

En l'égorgeant; elle est cachée dans ton palais.

ORESTE.

Oui, elle y prend d'avance possession de son héritage (57).

PYLADE.

Mais elle n'en jouira plus ; c'est Pluton qu'elle aura désormais pour époux.

ORESTE.

Comment est-ce possible? elle a autour d'elle un cortège de barbares.

PYLADE.

Lesquels? il n'est point de Phrygien que je puisse craindre.

ORESTE.

Ils sont bien faits pour veiller sur des miroirs et des parfums.

PYLADE.

Elle rapporte donc ici le luxe voluptueux de Troie ?

ORESTE.

La Grèce est pour elle une demeure trop étroite.

PYLADE.

[1115] L'esclave n'est rien, devant celui qui n'est point esclave.

ORESTE.

Si l'entreprise réussit, je ne refuse point de mourir deux fois.

PYLADE.

Ni moi, si je puis te venger.

ORESTE.

Achève de m'expliquer ton projet.

PYLADE.

Entrons dans le palais, comme pour nous préparer à mourir.

ORESTE.

Bien pour ceci ; mais je ne comprends pas le reste.

PYLADE.

Nous nous lamenterons devant elle sur notre sort.

ORESTE.

Au point de la faire pleurer, tout en se réjouissant au fond de son cœur.

PYLADE.

Et nous aussi à notre tour nous éprouverons les mêmes sentiments qu'elle.

ORESTE.

Comment enfin terminerons-nous le combat ?

PYLADE.

Nous porterons nos épées cachées sous nos vêtements.

ORESTE.

Mais comment la frapper en présence de ses serviteurs ?

PYLADE.

Nous les ferons sortir, et nous les disperserons çà et là dans le palais.

ORESTE.

Celui qui refuserait de se taire, il faut le tuer.

PYLADE.

Ensuite, les circonstances mêmes nous apprendront ce qu'il faut faire.

ORESTE.

Mort à Hélène ! voilà le mot de ralliement.

 

Πυλάδης

[1131] Ἔγνως· ἄκουσον δ' ὡς καλῶς βουλεύομαι.
Εἰ μὲν γὰρ ἐς γυναῖκα σωφρονεστέραν
ξίφος μεθεῖμεν, δυσκλεὴς ἂν ἦν φόνος·
νῦν δ' ὑπὲρ ἁπάσης Ἑλλάδος δώσει δίκην,
[1135] ὧν πατέρας ἔκτειν', ὧν δ' ἀπώλεσεν τέκνα,
νύμφας τ' ἔθηκεν ὀρφανὰς ξυναόρων.
Ὀλολυγμὸς ἔσται, πῦρ τ' ἀνάψουσιν θεοῖς,
σοὶ πολλὰ κἀμοὶ κέδν' ἀρώμενοι τυχεῖν,
κακῆς γυναικὸς οὕνεχ' αἷμ' ἐπράξαμεν.
[1140] Ὁ μητροφόντης δ' οὐ καλῇ ταύτην κτανών,
ἀλλ' ἀπολιπὼν τοῦτ' ἐπὶ τὸ βέλτιον πεσῇ,
Ἑλένης λεγόμενος τῆς πολυκτόνου φονεύς.
Οὐ δεῖ ποτ', οὐ δεῖ, Μενέλεων μὲν εὐτυχεῖν,
τὸν σὸν δὲ πατέρα καὶ σὲ κἀδελφὴν θανεῖν,
[1145] μητέρα τε ἐῶ τοῦτ'· οὐ γὰρ εὐπρεπὲς λέγειν
δόμους δ' ἔχειν σοὺς δι' Ἀγαμέμνονος δόρυ
λαβόντα νύμφην· μὴ γὰρ οὖν ζῴην ἔτι,
ἢν μὴ 'π' ἐκείνῃ φάσγανον σπασώμεθα.
Ἢν δ' οὖν τὸν Ἑλένης μὴ κατάσχωμεν φόνον,
[1150] πρήσαντες οἴκους τούσδε κατθανούμεθα.
Ἑνὸς γὰρ οὐ σφαλέντες ἕξομεν κλέος,
καλῶς θανόντες ἢ καλῶς σεσῳσμένοι.

Χορός

Πάσαις γυναιξὶν ἀξία στυγεῖν ἔφυ
ἡ Τυνδαρὶς παῖς, ἣ κατῄσχυνεν γένος.

Ὀρέστης

[1155] Φεῦ·
οὐκ ἔστιν οὐδὲν κρεῖσσον ἢ φίλος σαφής,
οὐ πλοῦτος, οὐ τυραννίς· ἀλόγιστον δέ τι
τὸ πλῆθος ἀντάλλαγμα γενναίου φίλου.
Σὺ γὰρ τά τ' εἰς Αἴγισθον ἐξηῦρες κακὰ
καὶ πλησίον παρῆσθα κινδύνων ἐμοί,
[1160] νῦν τ' αὖ δίδως μοι πολεμίων τιμωρίαν
κοὐκ ἐκποδὼν εἶ παύσομαί σ' αἰνῶν, ἐπεὶ
βάρος τι κἀν τῷδ' ἐστίν, αἰνεῖσθαι λίαν.
Ἐγὼ δὲ πάντως ἐκπνέων ψυχὴν ἐμὴν
δράσας τι χρῄζω τοὺς ἐμοὺς ἐχθροὺς θανεῖν,
[1165] ἵν' ἀνταναλώσω μὲν οἵ με προύδοσαν,
στένωσι δ' οἵπερ κἄμ' ἔθηκαν ἄθλιον.
Ἀγαμέμνονός τοι παῖς πέφυχ', ὃς Ἑλλάδος
ἦρξ' ἀξιωθείς, οὐ τύραννος, ἀλλ' ὅμως
ῥώμην θεοῦ τιν' ἔσχε· ὃν οὐ καταισχυνῶ
[1170] δοῦλον παρασχὼν θάνατον, ἀλλ' ἐλευθέρως
ψυχὴν ἀφήσω, Μενέλεων δὲ τείσομαι.
Ἑνὸς γὰρ εἰ λαβοίμεθ', εὐτυχοῖμεν ἄν,
εἴ ποθεν ἄελπτος παραπέσοι σωτηρία
κτανοῦσι μὴ θανοῦσιν· εὔχομαι τάδε.
[1175] Ὃ βούλομαι γάρ, ἡδὺ καὶ διὰ στόμα
πτηνοῖσι μύθοις ἀδαπάνως τέρψαι φρένα.

Ἠλέκτρα

[1177] Ἐγώ, κασίγνητ', αὐτὸ τοῦτ' ἔχειν δοκῶ,
σωτηρίαν σοὶ τῷδέ τ' ἐκ τρίτων τ' ἐμοί.

Ὀρέστης

Θεοῦ λέγεις πρόνοιαν. ἀλλὰ ποῦ τόδε;
[1180] Ἐπεὶ τὸ συνετόν γ' οἶδα σῇ ψυχῇ παρόν.

Ἠλέκτρα

Ἄκουε δή νυν· καὶ σὺ δεῦρο νοῦν ἔχε.

Ὀρέστης

Λέγ'· ὡς τὸ μέλλειν ἀγάθ' ἔχει τιν' ἡδονήν.

Ἠλέκτρα

Ἑλένης κάτοισθα θυγατέρ'; Εἰδότ' ἠρόμην.

Ὀρέστης

Οἶδ', ἣν ἔθρεψεν Ἑρμιόνην μήτηρ ἐμή.

Ἠλέκτρα

[1185] Αὕτη βέβηκε πρὸς Κλυταιμήστρας τάφον.

Ὀρέστης

Τί χρῆμα δράσουσ'; Ὑποτίθης τίν' ἐλπίδα;

Ἠλέκτρα

Χοὰς κατασπείσουσ' ὑπὲρ μητρὸς τάφῳ.

Ὀρέστης

Καὶ δὴ τί μοι τοῦτ' εἶπας ἐς σωτηρίαν;

Ἠλέκτρα

Ξυλλάβεθ' ὅμηρον τήνδ', ὅταν στείχῃ πάλιν.

Ὀρέστης

[1190] Τίνος τόδ' εἶπας φάρμακον τρισσοῖς φίλοις;

PYLADE.

[1131] Tu l'as dit : maintenant écoute combien mon conseil est sage. Sans doute, si nous tournions ce fer contre une femme vertueuse, ce serait un meurtre infâme ; mais nous vengeons ici la Grèce entière. Ceux dont Hélène a fait périr les pères, ceux qu'elle a privés de leurs enfants, les épouses auxquelles elle a arraché leurs époux, feront retentir des cris d'allégresse ; ils feront brûler l'encens sur les autels des dieux, en les priant de nous combler de biens pour avoir versé le sang d'une femme perfide. On ne t'appellera plus parricide, dès que tu l'auras immolée ; tu laisseras ce nom odieux pour en prendre un meilleur, celui de meurtrier d'Hélène, qui fut fatale à tant de guerriers. Non, il ne faut pas que Ménélas prospère, et que ton père, toi, ta sœur, vous périssiez, et que ta mère... Mais je n'en parlerai pas, ce souvenir ne doit pas se rappeler. Il ne faut pas qu'il possède ton palais, ni l'épouse qu'il doit à la valeur d'Agamemnon. Que je cesse de vivre, si je ne la perce de ce fer ! ou, si nous ne parvenons à frapper Hélène, embrasons ce palais et ensevelissons-nous sous ses ruines ; l'un de ces deux honneurs ne nous manquera pas, ou une glorieuse mort, ou un salut glorieux (58).

LE CHOEUR.

La fille de Tyndare a mérité la haine de toutes les femmes, pour avoir déshonoré son sexe.

ORESTE.

[1155] Non, ni la richesse, ni la royauté, rien ne vaut un ami fidèle : c'est un choix insensé, de préférer la multitude à un ami généreux. C'est toi qui inventas le piège où est tombé Égisthe : tu étais près de moi dans le danger, et maintenant encore c'est toi qui m'enseignes à me venger de mes ennemis; tu ne m'abandonnes pas. Mais je m abstiens de te louer, car on se fatigue aussi de louanges trop répétées. Pour moi, dussé-je rendre le dernier soupir, je veux tout faire pour voir périr mes ennemis, pour perdre à mon tour ceux qui m'ont trahi, et pour faire gémir les auteurs de mon infortune. Je suis le fils d'Agamemnon qui fut jugé digne de commander à la Grèce; sans exercer le pouvoir absolu, il eut presque la puissance d'un dieu. Non, je ne déshonorerai point sa mémoire, en mourant de la mort d'un esclave ; je perdrai la vie en homme libre, et je me vengerai de Ménélas. Si seul il tombait sous nos coups, ce serait déjà un bonheur pour nous : mais s'il survenait un salut inespéré, si nous donnions la mort sans la recevoir!... Tels sont mes vœux ; et ce désir, il m'est doux de l'exprimer par des paroles fugitives (59), et d'en réjouir mon cœur sans qu'il m'en coûte.

ÉLECTRE.

[1177] Ce que tu désires, mon frère, je crois le tenir; je veux dire ta délivrance, celle de Pylade et la mienne.

ORESTE.

La providence divine parle par ta bouche. Mais quel est ce moyen de salut? car je connais ta prudence.

ÉLECTRE.

Écoute-moi donc, et toi, Pylade, prête-moi ton attention.

ORESTE.

Parle : la seule attente d'un bien est un plaisir.

ÉLECTRE.

Tu connais la fille d'Hélène? c'est te demander ce que tu sais.

ORESTE.

Je la connais; c'est Hermione, que ma mère a élevée.

ÉLECTRE.

Elle est allée au tombeau de Clytemnestre.

ORESTE.

Qu'y va-t-elle faire? quel espoir fondes-tu là-dessus?

ÉLECTRE.

Elle y va faire des libations au nom de sa mère.

ORESTE.

En quoi cela peut-il servir à notre délivrance?

ÉLECTRE.

Prenez-la pour otage, lorsqu'elle reviendra.

ORESTE.

Quels secours cela peut-il nous apporter à nous trois ?

 

Ἠλέκτρα

[1191] Ἑλένης θανούσης, ἤν τι Μενέλεώς σε δρᾷ
ἢ τόνδε κἀμέ πᾶν γὰρ ἓν φίλον τόδε
λέγ' ὡς φονεύσεις Ἑρμιόνην· ξίφος δὲ χρὴ
δέρῃ πρὸς αὐτῇ παρθένου σπάσαντ' ἔχειν.
[1195] Κἂν μέν σε σῴζῃ μὴ θανεῖν χρῄζων κόρην
Ἑλένης Μενέλεως πτῶμ' ἰδὼν ἐν αἵματι,
μέθες πεπᾶσθαι πατρὶ παρθένου δέμας·
ἢν δ' ὀξυθύμου μὴ κρατῶν φρονήματος
κτείνῃ σε, καὶ σὺ σφάζε παρθένου δέρην.
[1200] Καί νιν δοκῶ, τὸ πρῶτον ἢν πολὺς παρῇ,
χρόνῳ μαλάξειν σπλάγχνον· οὔτε γὰρ θρασὺς
οὔτ' ἄλκιμος πέφυκε. Τήνδ' ἡμῖν ἔχω
σωτηρίας ἔπαλξιν. Εἴρηται λόγος.

Ὀρέστης

[1204] Ὦ τὰς φρένας μὲν ἄρσενας κεκτημένη,
[1205] τὸ σῶμα δ' ἐν γυναιξὶ θηλείαις πρέπον,
ὡς ἀξία ζῆν μᾶλλον ἢ θανεῖν ἔφυς.
Πυλάδη, τοιαύτης ἆρ' ἁμαρτήσῃ τάλας
γυναικὸς ἢ ζῶν μακάριον κτήσῃ λέχος.

Πυλάδης

Εἰ γὰρ γένοιτο, Φωκέων δ' ἔλθοι πόλιν
[1210] καλοῖσιν ὑμεναίοισιν ἀξιουμένη.

Ὀρέστης

Ἥξει δ' ἐς οἴκους Ἑρμιόνη τίνος χρόνου;
Ὡς τἄλλα γ' εἶπας, εἴπερ εὐτυχήσομεν,
κάλλισθ', ἑλόντες σκύμνον ἀνοσίου πατρός.

Ἠλέκτρα

Καὶ δὴ πέλας νιν δωμάτων εἶναι δοκῶ·
[1215] τοῦ γὰρ χρόνου τὸ μῆκος αὐτὸ συντρέχει.

Ὀρέστης

[1216] Καλῶς· σὺ μέν νυν, σύγγον' Ἠλέκτρα, δόμων
πάρος μένουσα παρθένου δέχου πόδα,
φύλασσε δ' ἤν τις, πρὶν τελευτηθῇ φόνος,
ἢ ξύμμαχός τις ἢ κασίγνητος πατρός,
[1220] ἐλθὼν ἐς οἴκους φθῇ, γέγωνέ τ' ἐς δόμους,
ἢ σανίδα παίσασ' ἢ λόγους πέμψασ' ἔσω·
ἡμεῖς δ' ἔσω στείχοντες ἐπὶ τὸν ἔσχατον
ἀγῶν' ὁπλιζώμεσθα φασγάνῳ χέρας,
Πυλάδη· σὺ γὰρ δὴ συμπονεῖς ἐμοὶ πόνους.
[1225] Ὦ δῶμα ναίων νυκτὸς ὀρφναίας πάτερ,
καλεῖ σ' Ὀρέστης παῖς σὸς ἐπίκουρον μολεῖν
τοῖς δεομένοισι. διὰ σὲ γὰρ πάσχω τάλας
ἀδίκως· προδέδομαι δ' ὑπὸ κασιγνήτου σέθεν,
δίκαια πράξας· οὗ θέλω δάμαρθ' ἑλὼν
[1230] κτεῖναι· σὺ δ' ἡμῖν τοῦδε συλλήπτωρ γενοῦ.

Ἠλέκτρα

[1231] Ὦ πάτερ, ἱκοῦ δῆτ', εἰ κλύεις ἔσω χθονὸς
τέκνων καλούντων, οἳ σέθεν θνῄσκουσ' ὕπερ.

Πυλάδης

Ὦ συγγένεια πατρὸς ἐμοῦ, κἀμὰς λιτάς,
Ἀγάμεμνον, εἰσάκουσον· ἔκσῳσον τέκνα.

Ὀρέστης

[1235] Ἔκτεινα μητέρα

Ἠλέκτρα

Ἡψάμην δ' ἐγὼ ξίφους

Πυλάδης

Ἐγὼ δ' ἐπεβούλευσα κἀπέλυσ' ὄκνου

Ὀρέστης

Σοί, πάτερ, ἀρήγων.

Ἠλέκτρα

Οὐδ' ἐγὼ προύδωκά σε.

Πυλάδης

Οὔκουν ὀνείδη τάδε κλύων ῥύσῃ τέκνα;

Ὀρέστης

Δακρύοις κατασπένδω σε.

Ἠλέκτρα

Ἐγὼ δ' οἴκτοισί γε.

Πυλάδης

[1240] Παύσασθε, καὶ πρὸς ἔργον ἐξορμώμεθα.
Εἴπερ γὰρ εἴσω γῆς ἀκοντίζουσ' ἀραί,
κλύει. Σὺ δ', ὦ Ζεῦ πρόγονε καὶ Δίκης σέβας,
δότ' εὐτυχῆσαι τῷδ' ἐμοί τε τῇδέ τε·
τρισσοῖς φίλοις γὰρ εἷς ἀγών, δίκη μία,
[1245] ἢ ζῆν ἅπασιν ἢ θανεῖν ὀφείλεται.

Ἠλέκτρα

Μυκηνίδες ὦ φίλαι,
τὰ πρῶτα κατὰ Πελασγὸν ἕδος Ἀργείων.

Χορός

[1249] Τίνα θροεῖς αὐδάν, πότνια; Παραμένει
[1250] γὰρ ἔτι σοι τόδ' ἐν Δαναϊδῶν πόλει.

Ἠλέκτρα

Στῆθ' αἳ μὲν ὑμῶν τόνδ' ἁμαξήρη τρίβον,
αἳ δ' ἐνθάδ' ἄλλον οἶμον ἐς φρουρὰν δόμων.

Χορός

Τί δέ με τόδε χρέος ἀπύεις;
Ἔνεπέ μοι, φίλα.

ÉLECTRE.

[1191] Après le meurtre d'Hélène, si Ménélas veut se venger sur toi, sur Pylade ou sur moi (car de nous trois l'amitié ne fait qu'un), menace-le d'immoler Hermione; et, en même temps, tiens le glaive nu suspendu sur la tête de la jeune fille. Si Ménélas, à la vue d'Hélène baignée dans son sang, te sauve la vie, pour prévenir la mort de sa fille, accorde à un père la vie de son enfant. Mais si, incapable de maîtriser sa colère, il veut te faire périr, égorge toi-même Hermione. Mais je crois, quel que soit d'abord son courroux, qu'il ne tardera pas à s'amollir ; car il n'est ni hardi, ni vaillant. Tel est mon espoir de salut; voilà ce que j'avais à dire.

ORESTE.

[1204] O toi, qui portes un cœur viril avec toutes les grâces d'une femme, que tu es digne de vivre, et non pas de mourir ! Pylade, faut-il que tu perdes une telle épouse, qui promettait à ta vie un si heureux hymen?

PYLADE.

Puissent nos vœux s'accomplir! puisse-t-elle entrer dans la ville des Phocéens, au bruit des chants joyeux de l'hymen !

ORESTE.

Quand Hermione reviendra-t-elle dans le palais? Que tu as eu une heureuse idée, si nous réussissons à nous emparer de la fille d'un père impie !

ÉLECTRE.

Je crois qu'elle doit être près du palais ; son absence a déjà duré assez longtemps.

ORESTE.

[1216] Tout va bien. Toi, ma sœur, reste ici devant le palais, pour attendre Hermione. Jusqu'à ce que le meurtre soit accompli, observe si quelque secours ou si le frère de notre père arrive pour prévenir notre dessein ; pousse des cris, heurte à la porte; que ta voix parvienne jusqu'à nous. Pour nous, Pylade, cher compagnon de tous mes travaux, entrons; armons nos bras pour ce dernier combat. Ô mon père, toi qui habites le palais de la nuit ténébreuse, ton fils Oreste t'appelle, viens à son aide : c'est pour toi que je souffre des maux si peu mérités. Et je suis trahi par ton frère, quand je sers la justice : je veux immoler son épouse ; sois notre auxiliaire dans cette entreprise.

ÉLECTRE.

[1231] O mon père, viens à notre secours, si du fond des enfers tu entends la voix de tes enfants qui meurent pour toi.

PYLADE.

Ô toi que les nœuds du sang unissent à mon père. Agamemnon (60), écoute aussi ma prière, sauve tes enfants !

ORESTE.

J'ai tué ma mère...

PYLADE.

C'est moi qui ai conduit son épée.

ÉLECTRE.

Et moi je l'ai encouragé, et j'ai dissipé sa crainte.

ORESTE.

C'était pour te venger, mon père !

ÉLECTRE.

Je ne t'ai point trahi non plus.

PYLADE.

Entends ces plaintes, et délivre tes enfants !

ORESTE.

Je te fais une libation de mes larmes.

ÉLECTRE.

Et moi, de mes soupirs.

PYLADE.

[1240] C'est assez ; hâtons-nous d'agir. Si les supplications peuvent pénétrer dans les entrailles de la terre, il nous entend. Et toi, Jupiter, auteur de ma race (61), et toi, Justice auguste, accordez un heureux succès à Oreste, à Électre, et à moi ; un même combat, une même vengeance attend les trois amis; ils vivront ou mourront ensemble.

ÉLECTRE.

Jeunes filles de Mycènes, qui tenez le premier rang dans Argos, ville des Pélasges!

LE CHOEUR.

Pourquoi m'appelles-tu, auguste princesse? car ce titre te reste encore dans la ville de Danaüs.

ÉLECTRE.

Restez là, vous, vers ce grand chemin ; et vous, vers cet autre sentier, pour garder le palais.

LE CHOEUR.

Pourquoi me donnes-tu cet ordre? Parle, chère Électre.

 

Ἠλέκτρα

[1255] Φόβος ἔχει με μή τις ἐπὶ δώμασι
σταθεὶς ἐπὶ φοίνιον αἷμα
πήματα πήμασιν ἐξεύρῃ.

Ἡμίχορος

Χωρεῖτ', ἐπειγώμεσθ'· ἐγὼ μὲν οὖν τρίβον
τόνδ' ἐκφυλάξω, τὸν πρὸς ἡλίου βολάς.

Ἡμίχορος

[1260] Καὶ μὴν ἐγὼ τόνδ', ὃς πρὸς ἑσπέραν φέρει.

Ἠλέκτρα

Δόχμιά νυν κόρας διάφερ' ὀμμάτων.

Χορός

Ἐκεῖθεν ἐνθάδ', εἶτα παλινσκοπιὰν
[1265] ἔχομεν, ὡς θροεῖς.

Ἠλέκτρα

Ἑλίσσετέ νυν βλέφαρα,
κόραισι δίδοτε πάντα διὰ βοστρύχων.

Ἡμίχορος

[1269] Ὅδε τις ἐν τρίβῳ προσέρχεται. Τίς ὅδ' ἄρ' ἀμ-
[1270] φὶ μέλαθρον πολεῖ σὸν ἀγρότας ἀνήρ;

Ἠλέκτρα

Ἀπωλόμεσθ' ἄρ', ὦ φίλαι· κεκρυμμένους
θῆρας ξιφήρεις αὐτίκ' ἐχθροῖσιν φανεῖ.

Ἡμίχορος

Ἄφοβος ἔχε· κενός, ὦ φίλα,
στίβος ὃν οὐ δοκεῖς.

Ἠλέκτρα

[1275] Τί δέ; Τὸ σὸν βέβαιον ἔτι μοι μένει;
Δὸς ἀγγελίαν ἀγαθάν τιν',
εἰ τάδ' ἔρημα τὰ πρόσθ' αὐλᾶς.

Ἡμίχορος

Καλῶς τά γ' ἐνθένδ'. Ἀλλὰ τἀπὶ σοῦ σκόπει·
ὡς οὔτις ἡμῖν Δαναϊδῶν πελάζεται.

Ἡμίχορος

[1280] Ἐς ταὐτὸν ἥκεις· καὶ γὰρ οὐδὲ τῇδ' ὄχλος.

Ἠλέκτρα

Φέρε νυν ἐν πύλαισιν ἀκοὰν βάλω.

Χορός

[1284] Τί μέλλεθ' οἱ κατ' οἶκον ἐν ἡσυχίᾳ
[1285] σφάγια φοινίσσειν;

Ἠλέκτρα

[1286] Οὐκ εἰσακούουσ'· ὦ τάλαιν' ἐγὼ κακῶν.
Ἆρ' ἐς τὸ κάλλος ἐκκεκώφηται ξίφη;
Τάχα τις Ἀργείων ἔνοπλος ὁρμήσας
[1290] ποδὶ βοηδρόμῳ μέλαθρα προσμείξει.
Σκέψασθέ νυν ἄμεινον· οὐχ ἕδρας ἀγών·
ἀλλ' αἳ μὲν ἐνθάδ', αἳ δ' ἐκεῖσ' ἑλίσσετε.

Χορός

[1295] Ἀμείβω κέλευθον σκοποῦσα πάντῃ.

Ἑλένη

Ἰὼ Πελασγὸν Ἄργος, ὄλλυμαι κακῶς.

Χορός

Ἠκούσαθ'; Ἄνδρες χεῖρ' ἔχουσιν ἐν φόνῳ.
Ἑλένης τὸ κώκυμ' ἐστίν, ὡς ἀπεικάσαι.

Ἠλέκτρα

Ὦ Διός, ὦ Διὸς ἀέναον κράτος,
[1300] ἔλθ' ἐπίκουρος ἐμοῖς φίλοισι πάντως.

Ἑλένη

[1301] Μενέλαε, θνῄσκω· σὺ δὲ παρών μ' οὐκ ὠφελεῖς.

Ἠλέκτρα

Φονεύετε, καίνετε,
ὄλλυτε, δίπτυχα δίστομα φάσγανα
ἐκ χερὸς ἱέμενοι
[1305] τὰν λιποπάτορα λιπόγαμον, ἃ
πλείστους ἔκανεν Ἑλλάνων
δορὶ παρὰ ποταμὸν ὀλομένους,
ὅθι δάκρυα δάκρυσιν ἔπεσεν
σιδαρέοισι βέλεσιν ἀμ-
[1310] φὶ τὰς Σκαμάνδρου δίνας.

Χορός

Σιγᾶτε σιγᾶτ'· ᾐσθόμην κτύπου τινὸς
κέλευθον ἐσπεσόντος ἀμφὶ δώματα.

Ἠλέκτρα

[1313] Ὦ φίλταται γυναῖκες, ἐς μέσον φόνον
ἥδ' Ἑρμιόνη πάρεστι· παύσωμεν βοήν.
[1315] Στείχει γὰρ ἐσπεσοῦσα δικτύων βρόχους.
Καλὸν τὸ θήραμ', ἢν ἁλῷ, γενήσεται.
Πάλιν κατάστηθ' ἡσύχῳ μὲν ὄμματι,
χρόᾳ δ' ἀδήλῳ τῶν δεδραμένων πέρι·
κἀγὼ σκυθρωποὺς ὀμμάτων ἕξω κόρας,
[1320] ὡς δῆθεν οὐκ εἰδυῖα τἀξειργασμένα.
Ὦ παρθέν', ἥκεις τὸν Κλυταιμήστρας τάφον
στέψασα καὶ σπείσασα νερτέροις χοάς;

Ἑρμιονη

[1323] Ἥκω, λαβοῦσα πρευμένειαν. ἀλλά μοι
φόβος τις εἰσελήλυθ', ἥντιν' ἐν δόμοις
[1325] τηλουρὸς οὖσα δωμάτων κλύω βοήν.

Ἠλέκτρα

Τί δ'; Ἄξι' ἡμῖν τυγχάνει στεναγμάτων.

Ἑρμιονη

Εὔφημος ἴσθι· τί δὲ νεώτερον λέγεις;

Ἠλέκτρα

Θανεῖν Ὀρέστην κἄμ' ἔδοξε τῇδε γῇ.

Ἑρμιονη

Μὴ δῆτ', ἐμοῦ γε συγγενεῖς πεφυκότας.

Ἠλέκτρα

[1330] Ἄραρ'· ἀνάγκης δ' ἐς ζυγὸν καθέσταμεν.

Ἑρμιονη

Ἦ τοῦδ' ἕκατι καὶ βοὴ κατὰ στέγας;

Ἠλέκτρα

Ἱκέτης γὰρ Ἑλένης γόνασι προσπεσὼν βοᾷ

Ἑρμιονη

Τίς; Οὐδὲν οἶδα μᾶλλον, ἢν σὺ μὴ λέγῃς.

Ἠλέκτρα

Τλήμων Ὀρέστης· μὴ θανεῖν, ἐμοῦ θ' ὕπερ.

Ἑρμιονη

[1335] Ἐπ' ἀξίοισί τἄρ' ἀνευφημεῖ δόμος.

Ἠλέκτρα

[1336] Περὶ τοῦ γὰρ ἄλλου μᾶλλον ἂν φθέγξαιτό τις;
Ἀλλ' ἐλθὲ καὶ μετάσχες ἱκεσίας φίλοις,
σῇ μητρὶ προσπεσοῦσα τῇ μέγ' ὀλβίᾳ,
Μενέλαον ἡμᾶς μὴ θανόντας εἰσιδεῖν.
[1340] Ἀλλ', ὦ τραφεῖσα μητρὸς ἐν χεροῖν ἐμῆς,
οἴκτιρον ἡμᾶς κἀπικούφισον κακῶν.
Ἴθ' εἰς ἀγῶνα δεῦρ', ἐγὼ δ' ἡγήσομαι·
σωτηρίας γὰρ τέρμ' ἔχεις ἡμῖν μόνη.

Ἑρμιονη

Δδού, διώκω τὸν ἐμὸν ἐς δόμους πόδα.
[1345] σώθηθ' ὅσον γε τοὐπ' ἐμέ.

Ἠλέκτρα

Ὦ κατὰ στέγας
φίλοι ξιφήρεις, οὐχὶ συλλήψεσθ' ἄγραν;

Ἑρμιονη

Οἲ ἐγώ· τίνας τούσδ' εἰσορῶ;

Ὀρέστης

Σιγᾶν χρεών·
ἡμῖν γὰρ ἥκεις, οὐχὶ σοί, σωτηρία.

Ἠλέκτρα

[1349] Ἔχεσθ' ἔχεσθε· φάσγανον δὲ πρὸς δέρῃ
[1350] βάλλοντες ἡσυχάζεθ', ὡς εἰδῇ τόδε
Μενέλαος, οὕνεκ' ἄνδρας, οὐ Φρύγας κακούς,
εὑρὼν ἔπραξεν οἷα χρὴ πράσσειν κακούς.

Χορός

Ἰὼ ἰὼ φίλαι,
κτύπον ἐγείρετε, κτύπον καὶ βοὰν
πρὸ μελάθρων, ὅπως ὁ πραχθεὶς φόνος
[1355] μὴ δεινὸν Ἀργείοισιν ἐμβάλῃ φόβον,
βοηδρομῆσαι πρὸς δόμους τυραννικούς,
πρὶν ἐτύμως ἴδω τὸν Ἑλένας φόνον
καθαιμακτὸν ἐν δόμοις κείμενον,
ἢ καὶ λόγον του προσπόλων πυθώμεθα·
[1360] τὰ μὲν γὰρ οἶδα συμφορᾶς, τὰ δ' οὐ σαφῶς.
 

ÉLECTRE.

[1255] Je crains que quelqu'un ne s'approche du palais dans un dessein homicide, et ne découvre de nouveaux malheurs.

PREMIER DEMI-CHOEUR.

Courez; hâtons-nous : pour moi, je vais garder ce sentier du côté du soleil levant.

DEUXIÈME DEMI-CHOEUR.

Et moi, celui qui est vers le couchant.

ÉLECTRE.

Portez vos regards inquiets de ce côté, puis de cet autre, et enfin vers cette hauteur.

LE CHOEUR.

Nous faisons ce que tu nous ordonnes.

ÉLECTRE.

Portez les yeux de tous côtés, jetez vos regards à travers les tresses flottantes de vos cheveux.

PREMIER DEMI-CHOEUR.

Voici quelqu'un qui parait sur le chemin. Quel est cet homme de la campagne qui tourne autour du palais?

ÉLECTRE.

Nous sommes perdues, mes amies, s'il va découvrir à nos ennemis ces lions cachés (62) qui attendent leur proie.

PREMIER DEMI-CHOEUR.

Sois sans crainte; le sentier qui t'inquiétait est désert.

ÉLECTRE, au DEUXIÈME DEMI-CHOEUR.

Et de votre côté tout est-il en sûreté ? Rassurez-moi par votre réponse. N'y a-t-il personne au-devant du palais?

DEUXIÈME DEMI-CHOEUR.

Par ici tout va bien. Vous autres, observez bien votre poste, pour qu'aucun Argien ne s'approche de nous.

PREMIER DEMI-CHOEUR.

Par ici non plus il n'y a aucun mouvement.

ÉLECTRE.

[1286] Eh bien! je vais faire entendre ma voix à la porte. Vous, qui êtes dans le palais, que tardez-vous à immoler la victime, pendant que personne ne vous trouble? Ils ne m'entendent pas.... Malheureuse que je suis! L'aspect de la beauté a-t-il émoussé leurs glaives? Peut-être quelque Argien accourt-il vers le palais les armes à la main, pour la secourir.... Redoublez d'attention; ce n'est pas le moment de rester en repos. Portez vos regards chacune de votre côté.

LE CHOEUR.

Nous changeons de poste, et observons tout à l'entour.

HÉLÈNE, du fond du palais.

Ô Argos ! on m'égorge indignement.

ÉLECTRE.

Entendez-vous? leurs mains se baignent dans son sang. Ces cris douloureux sont sans doute ceux d'Hélène.

DEMI-CHOEUR.

Ô puissance éternelle de Jupiter ! viens secourir nos amis.

HÉLÈNE, du fond du paIais.

[1301] Ô Ménélas, je meurs, et tu ne viens pas à mon aide!

ÉLECTRE.

Tuez, massacrez, égorgez, enfoncez vos fers acérés dans le sein d'une perfide qui a abandonné son père, qui a abandonné son mari, qui a fait périr des milliers de Grecs sur les rives du Scamandre, où les traits et le fer ont fait couler tant de larmes.

LE CHOEUR.

Silence! faites silence! J'ai entendu le bruit de quelqu'un qui accourt vers le palais.

ÉLECTRE.

[1313] Ô chères compagnes, voici Hermione qui arrive au milieu du carnage : cessons nos cris. Elle vient tomber d'elle-même dans nos filets : c'est une riche proie, si nous pouvons la prendre. Demeurez tranquilles; que ni votre air ni vos yeux ne puissent rien trahir de ce qui se passe. Pour moi, je vais prendre un visage sombre, comme si j'ignorais tout ce qui s'est fait. (À Hermione.) Jeune fille, tu viens de couronner de fleurs la tombe de Clytemnestre, et d'y répandre des libations funéraires?

HERMIONE.

[1323] Je viens d'achever une cérémonie expiatoire. Mais j'ai été saisie d'une terreur subite, aux cris que j'ai entendus dans le palais, malgré mon éloignement.

ÉLECTRE.

Ah! tout ce qui nous arrive est bien fait pour exciter nos gémissements.

HERMIONE.

Écarte ces sinistres présages. De quel nouveau malheur me parles-tu?

ÉLECTRE.

La ville a résolu sa mort et la mienne.

HERMIONE.

Que les dieux épargnent ces maux à ceux qui me sont unis par le sang !

ÉLECTRE.

L'arrêt est porté : nous sommes sous le joug de la nécessité.

HERMIONE.

C'est donc là la cause des cris qui retentissent dans le palais ?

ÉLECTRE.

Prosterné aux pieds d'Hélène, il pousse des cris suppliants.

HERMIONE.

Qui ? Si tu ne t'expliques, je ne puis te comprendre.

ÉLECTRE.

Le malheureux Oreste : il demande la vie pour lui et pour moi.

HERMIONE.

Ce n'est donc pas sans raison que le palais retentit de cris plaintifs.

ÉLECTRE.

[1336] Et quelle autre plus juste en pourrait-on avoir? Mais va joindre tes prières à celles de tes amis, tombe aux pieds de ton heureuse mère, pour que Ménélas ne consente pas à notre mort. O toi, qui fus élevée par les soins de ma mère, prends pitié de nous et soulage nos maux. Cours à ce glorieux combat, je t'y précéderai : en toi est notre seul espoir de salut.

HERMIONE.

De ce pas j'entre dans le palais; vous vivrez, autant qu'il dépendra de moi.

ÉLECTRE.

Amis, vous qui êtes en armes dans ce palais, ne saisirez-vous pas votre proie?

HERMIONE.

O dieux ! qui sont ces hommes?

ORESTE.

Silence ! C'est notre salut que tu apportes, et non le tien.

ÉLECTRE.

[1349] Saisissez-la, saisissez-la ! Suspendez le glaive sur sa tête, et demeurez tranquilles; que Ménélas sache qu'il a affaire à des hommes et non à de lâches Phrygiens, et qu'il reçoive le traitement dû à sa perfidie. Mes amies, faites du bruit ; que vos cris retentissent aux portes du palais, de peur que le meurtre n'épouvante les habitants d'Argos, et ne les amène au secours des habitants du palais, avant que je n'aie vu de mes yeux le cadavre d'Hélène baigné dans son sang, ou avant d'avoir entendu le récit de quelqu'un de ses serviteurs; car, si je sais une partie des faits, tout ne m'est pas également connu. (Elle entre dans le palais.)

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Χορός

Διὰ δίκας ἔβα θεῶν
νέμεσις ἐς Ἑλέναν.
Δακρύοισι γὰρ Ἑλλάδ' ἅπασαν ἔπλησε,
διὰ τὸν ὀλόμενον ὀλόμενον Ἰδαῖον
[1365] Πάριν, ὃς ἄγαγ' Ἑλλάδ' εἰς Ἴλιον.
Ἀλλὰ κτυπεῖ γὰρ κλῇθρα βασιλείων δόμων,
σιγήσατ'· ἔξω γάρ τις ἐκβαίνει Φρυγῶν,
οὗ πευσόμεσθα τἀν δόμοις ὅπως ἔχει.

Φρύξ

[1369] Ἀργέϊον ξίφος ἐκ θανάτου πέφευγα
[1370] βαρβάροις ἐν εὐμάρι-
σιν, κεδρωτὰ παστάδων ὑπὲρ τέραμνα
Δωρικάς τε τριγλύφους,
φροῦδα φροῦδα, γᾶ γᾶ,
βαρβάροισι δρασμοῖς.
[1375] Αἰαῖ·
πᾷ φύγω, ξέναι, πολιὸν αἰθέρ' ἀμ-
πτάμενος ἢ πόντον, Ὠκεανὸς ὃν
ταυρόκρανος ἀγκάλαις
ἑλίσσων κυκλοῖ χθόνα;

Χορός

[1380] Τί δ' ἔστιν, Ἑλένης πρόσπολ'. Ἰδαῖον κάρα;

Φρύξ

Ἴλιον Ἴλιον, ὤμοι μοι,
Φρύγιον ἄστυ καὶ καλλίβωλον Ἴ-
δας ὄρος ἱερόν, ὥς σ' ὀλόμενον στένω
ἁρμάτειον ἁρμάτειον μέλος
[1385] βαρβάρῳ βοᾷ δι' ὀρνιθόγονον
ὄμμα κυκνοπτέρου καλλοσύνας, Λήδας
σκύμνου, δυσελένας
δυσελένας,
ξεστῶν περγάμων Ἀπολλωνίων
ἐρινύν· ὀττοτοῖ·
[1390] ἰαλέμων ἰαλέμων
Δαρδανία τλᾶμον Γανυμήδεος
ἱπποσύνᾳ, Διὸς εὐνέτα.

Χορός

Σαφῶς λέγ' ἡμῖν αὔθ' ἕκαστα τἀν δόμοις.
Τὰ γὰρ πρὶν οὐκ εὔγνωστα συμβαλοῦσ' ἔχω.

Φρύξ

[1395] Αἴλινον αἴλινον ἀρχὰν θανάτου
βάρβαροι λέγουσιν, αἰαῖ,
Ἀσιάδι φωνᾷ, βασιλέων
ὅταν αἷμα χυθῇ κατὰ γᾶν ξίφεσιν
σιδαρέοισιν Ἅιδα.
[1400] Ἦλθον ἐς δόμους, ἵν' αὔθ' ἕ-
καστά σοι λέγω, λέοντες
Ἕλλανες δύο διδύμω·
τῷ μὲν ὁ στρατηλάτας πατὴρ ἐκλῄζεθ',
ὃ δὲ παῖς Στροφίου, κακόμητις ἀνήρ,
οἷος Ὀδυσσεύς, σιγᾷ δόλιος,
[1405] πιστὸς δὲ φίλοις, θρασὺς εἰς ἀλκάν,
ξυνετὸς πολέμου, φόνιός τε δράκων.
Ἔρροι τᾶς ἡσύχου
προνοίας κακοῦργος ὤν.
Οἳ δὲ πρὸς θρόνους ἔσω
μολόντες ἇς ἔγημ' ὁ τοξότας Πάρις
[1410] γυναικός, ὄμμα δακρύοις
πεφυρμένοι, ταπεινοὶ
ἕζονθ', ὃ μὲν τὸ κεῖθεν, ὃ δὲ
τὸ κεῖθεν, ἄλλος ἄλλοθεν πεφραγμένοι.
Περὶ δὲ γόνυ χέρας ἱκεσίους ἔβαλον ἔβαλον
[1415] Ἑλένας ἄμφω.
Ἀνὰ δὲ δρομάδες ἔθορον ἔθορον
ἀμφίπολοι Φρύγες·
προσεῖπε δ' ἄλλος ἄλλον ἐν φόβῳ πεσών,
μή τις εἴη δόλος.
[1420] Κἀδόκει τοῖς μὲν οὔ,
τοῖς δ' ἐς ἀρκυστάταν
μηχανὰν ἐμπλέκειν
παῖδα τὰν Τυνδαρίδ' ὁ
μητροφόντας δράκων.

Χορός

[1425] Σὺ δ' ἦσθα ποῦ τότ'; Ἢ πάλαι φεύγεις φόβῳ,

Φρύξ

[1426] Φρυγίοις ἔτυχον Φρυγίοισι νόμοις
παρὰ βόστρυχον αὔραν αὔραν
Ἑλένας Ἑλένας εὐπαγεῖ
κύκλῳ πτερίνῳ πρὸ παρηίδος
[1430] ἀίσσων βαρβάροις νόμοισιν.
Ἃ δὲ λίνον ἠλακάτᾳ
δακτύλοις ἕλισσεν,
νῆμα δ' ἵετο πέδῳ,
σκύλων Φρυγίων ἐπὶ τύμβον ἀγάλ-
[1435] ματα συστολίσαι χρῄζουσα λίνῳ,
φάρεα πορφύρεα, δῶρα Κλυταιμήστρᾳ.
Προσεῖπεν δ' Ὀρέστας
Λάκαιναν κόραν· ὦ
Διὸς παῖ, θὲς ἴχνος
[1440] πέδῳ δεῦρ' ἀποστᾶσα κλισμοῦ,
Πέλοπος ἐπὶ προπάτορος ἕδραν
παλαιᾶς ἑστίας,
ἵν' εἰδῇς λόγους ἐμούς.
Ἄγει δ' ἄγει νιν· ἃ δ' ἐφείπετ',
[1445] οὐ πρόμαντις ὧν ἔμελλεν·
ὁ δὲ συνεργὸς ἄλλ' ἔπρασσ'
ἰὼν κακὸς Φωκεύς·
οὐκ ἐκποδὼν ἴτ'; Ἀλλ' ἀεὶ κακοὶ Φρύγες.
Ἔκλῃσε δ' ἄλλον ἄλλοσ' ἐν
στέγαισι· τοὺς μὲν ἐν σταθμοῖ-
σιν ἱππικοῖσι, τοὺς δ' ἐν ἐξ-
[1450] έδραισι, τοὺς δ' ἐκεῖσ' ἐκεῖθεν ἄλλον ἄλ-
λοσε διαρμόσας ἀποπρὸ δεσποίνας.

Χορός

`Τί τοὐπὶ τῷδε συμφορᾶς ἐγίγνετο;

LE CHOEUR.

C'est avec justice que la vengeance des dieux a fondu sur Hélène ; car elle avait rempli toute la Grèce de larmes, pour le funeste berger de l'Ida, ce Pâris qui entraîna la Grèce vers Ilion. Mais faites silence ; j'entends du bruit à la porte du palais : voici un des Phrygiens qui sort; il pourra nous apprendre ce qui se passe au dedans.

LE PHRYGIEN (64).

[1369] J'ai échappé au fer argien et à la mort, et je fuis avec la chaussure phrygienne, au delà des lambris de cèdre et des simples ornements de l'architecture dorique. Sur cette terre inconnue, où chercher un asile? Hélas! où fuir, ô étrangères? M'envolerai-je à travers les airs ou sur la mer, dont l'Océan à la tête de taureau roule les flots, enveloppant la terre de ses bras immenses?

LE CHOEUR.

Qu'y a-t-il donc, Troyen, serviteur d'Hélène ?

LE PHRYGIEN.

Ah ! Ilion, Ilion, capitale de la fertile Phrygie, mont sacré de l'Ida, combien je pleure ta ruine ! Je fais retentir des chants funèbres d'une voix étrangère, déplorant la beauté fatale de la fille de Léda, née d'un œuf de cygne, de cette funeste Hélène, et qui est devenue l'Erinnys des murs de Pergame. Hélas ! ô douleurs, ô gémissements ! Malheureuse Dardanie, victime de l'enlèvement de Ganymède, favori de Jupiter (65) !

LE CHOEUR.

Dis-nous en détail ce qui s'est passé dans le palais ; car ce qui précède, sans le savoir à fond, je puis du moins le conjecturer.

LE PHRYGIEN.

[1395] C'est le chant funèbre, signal de mort, que les Barbares font entendre ; ce sont les voix asiatiques, lorsque le sang des rois est répandu sur la terre, par le glaive de fer de Pluton. Pour te dire les détails que tu demandes, deux lions grecs et jumeaux sont entrés dans le palais. L'un eut pour père le général de la Grèce ; l'autre est le fils de Strophius, artisan de perfidies, semblable à Ulysse, ourdissant ses ruses en silence, mais fidèle à ses amis ; audacieux dans le combat, habile dans l'art du la guerre, et tel qu'un dragon altéré de sang. Périsse le traître, et sa froide prévoyance ! Tous deux s'approchent du trône où siège l'épouse de l'archer Pâris, et, les yeux baignés de larmes, dans une humble attitude, ils se tiennent l'un d'un côté, l'autre de l'autre, et sous les armes. De leurs mains suppliantes tous deux embrassent les genoux d'Hélène. Les serviteurs phrygiens accourent en foule, et se demandant l'un à l'autre, dans leur effroi, s'il n'y avait point là quelque piège caché. Les uns n'en supposaient pas, les autres voyaient la fille de Tyndare enveloppée dans les filets du serpent parricide.

LE CHOEUR.

Où étais-tu alors? La peur t'avait-elle déjà fait fuir?

LE PHRYGIEN.

[1426] Suivant l'usage des Phrygiens et des Barbares, j'excitais un air frais et léger près du visage d'Hélène et de sa chevelure bouclée, par le mouvement répété d'un éventail de plumes élégamment arrondi : elle roulait entre ses doigts le lin de son fuseau, en laissant tomber les bouts à terre ; elle voulait des dépouilles de la Phrygie former des ornements de lin, pour les offrir à Clytemnestre, des tissus de pourpre pour décorer son tombeau. Oreste s'adressant à Hélène (66) : « Fille de Jupiter, dit-il, quitte ce siège, et avance vers l'antique foyer de  Pélops, mon aïeul (67), pour entendre mes paroles. » En même temps il l'emmène ; et elle suit, sans prévoir ce qu'il lui réserve. Mais son complice, le perfide Phocéen, faisait autre chose : « Allons, s'écrie-t-il, loin d'ici, Phrygiens toujours lâches! » Et, nous poussant de tous les côtés, il enferme les uns dans les écuries, les autres dans les chambres extérieures ; il nous disperse tous çà et là, et nous écarte de notre maîtresse.

LE CHOEUR.

Eh bien ! qu'est-il arrivé ensuite de fâcheux ?

 

Φρύξ

[1453] Ἰδαία μᾶτερ
μᾶτερ ὀβρίμα ὀβρίμα,
[1455] αἰαὶ φονίων παθέων ἀνόμων
τε κακῶν ἅπερ ἔδρακον ἔδρακον
ἐν δόμοις τυράννων.
Ἀμφιπορφυρέων πέπλων
ὑπὸ σκότου ξίφη σπάσα-
ντες ἄλλος ἄλλοσ' ἐν χεροῖν
δίνασεν ὄμμα, μή τις παρὼν τύχοι.
[1460] Ὡς κάπροι δ' ὀρέστεροι γυ-
ναικὸς ἀντίοι σταθέντες
ἐννέπουσι· Κατθανῇ
κατθανῇ,
κακός σ' ἀποκτείνει πόσις,
κασιγνήτου προδοὺς
ἐν Ἄργει θανεῖν γόνον.
[1465] Ἃ δ' ἀνίαχεν ἴ-
αχεν· Ὤμοι μοι.
Λευκὸν δ' ἐμβαλοῦσα πῆχυν στέρνοις
κτύπησε κρᾶτα μέλεον πλαγᾷ·
φυγᾷ δὲ ποδὶ τὸ χρυσεοσάνδαλον
ἴχνος ἔφερεν ἔφερεν· ἐς
κόμας δὲ δακτύλους δικὼν Ὀρέστας,
[1470] Μυκηνίδ' ἀρβύλαν προβάς,
ὤμοις ἀριστεροῖσιν ἀνακλάσας δέρην,
παίειν λαιμῶν ἔμελ-
[1472β] λεν εἴσω μέλαν ξίφος.

Χορός

Ποῦ δ' ἦτ' ἀμύνειν οἱ κατὰ στέγας Φρύγες;

 Φρύξ

[1473] Ἰαχᾷ
δόμων θύρετρα καὶ σταθμοὺς
μοχλοῖσιν ἐκβαλόντες, ἔνθ' ἐμίμνομεν,
[1475] βοηδρομοῦμεν ἄλλος ἄλλοθεν στέγης,
ὃ μὲν πέτρους, ὃ δ' ἀγκύλας,
ὃ δὲ ξίφος πρόκωπον ἐν χεροῖν ἔχων.
Ἔναντα δ' ἦλθε Πυλάδης
ἀλίαστος, οἷος οἷος Ἕκ-
[1480] τωρ ὁ Φρύγιος ἢ τρικόρυθος Αἴας,
ὃν εἶδον εἶδον ἐν πύλαις
Πριαμίσι· φασγάνων δ' ἀκμὰς
συνήψαμεν.
Δὴ τότε διαπρεπεῖς τότ' ἐγένοντο Φρύγες,
ὅσον Ἄρεως ἀλκὰν
[1485] ἥσσονες Ἑλλάδος ἐγενόμεθ' αἰχμᾶς,
ὃ μὲν οἰχόμενος φυγάς, ὃ δὲ νέκυς ὤν,
ὃ δὲ τραῦμα φέρων, ὃ δὲ λισσόμενος,
θανάτου προβολάν·
ὑπὸ σκότον δ' ἐφεύγομεν·
νεκροὶ δ' ἔπιπτον, οἳ δ' ἔμελλον, οἳ δ' ἔκειντ'.
[1490] Ἔμολε δ' ἁ τάλαιν' Ἑρμιόνα δόμους
ἐπὶ φόνῳ χαμαιπετεῖ ματρός, ἅ
νιν ἔτεκεν τλάμων.
Ἄθυρσοι δ'
οἷά νιν δραμόντε Βάκχαι
σκύμνον ἐν χεροῖν ὀρείαν
ξυνήρπασαν· πάλιν δὲ τὰν Διὸς κόραν
ἐπὶ σφαγὰν ἔτεινον· ἃ δ'
ἐκ θαλάμων
[1495] ἐγένετο διαπρὸ δωμάτων
ἄφαντος, ὦ Ζεῦ καὶ γᾶ
καὶ φῶς καὶ νύξ,
ἤτοι φαρμάκοισιν ἢ
μάγων τέχναις ἢ θεῶν κλοπαῖς.
Τὰ δ' ὕστερ' οὐκέτ' οἶδα· δρα-
πέτην γὰρ ἐξέκλεπτον ἐκ δόμων πόδα.
[1500] Πολύπονα δὲ πολύπονα πάθεα
Μενέλεως ἀνασχόμενος ἀνόνητον ἀ-
πὸ Τροίας ἔλαβε τὸν Ἑλένας γάμον.

LE PHRYGIEN.

[1453] Ô déesse de l'Ida, puissante mère des dieux, hélas ! hélas! ô sanglante catastrophe, détestables attentats que j'ai vu commettre dans la demeure des rois ! Ils saisissent leurs épées cachées sous leurs robes de pourpre ; chacun d'eux promène ses regards çà et là, pour s'assurer que personne ne les voit. Puis, tels que deux sangliers furieux, ils se tournent contre cette femme, en lui disant : « Meurs ! meurs ! c'est ton perfide époux qui te fait périr, en trahissant le fils de son frère, et l'abandonnant au supplice. » Elle s'écrie : « Hélas ! malheur à moi ! » De ses beaux bras elle frappe sa poitrine et sa tête de coups douloureux, et elle se met à courir en fuyant avec ses sandales d'or. Mais Oreste, avançant son pied couvert de la chaussure de Mycènes, saisit Hélène par la chevelure; et, renversant sa tête sur l'épaule gauche, il allait plonger dans sa gorge le glaive homicide.

LE CHOEUR.

Où donc étaient les Phrygiens de l'intérieur du palais, pour la défendre ?

LE PHRYGIEN.

[1473] A ses cris, nous enfonçons avec des leviers les portes et les clôtures qui nous renfermaient, et nous accourons de toutes parts à son secours, les uns armés de pierres, les autres de javelots, les autres d'épées. Pylade s'avance contre nous avec impétuosité, tel qu'Hector le héros de la Phrygie, ou tel qu'Ajax au casque orné d'une triple aigrette, que je vis jadis aux portes du palais de Priam. La mêlée des glaives s'engage : alors les Phrygiens ont montré d'une manière éclatante combien dans les combats de Mars ils sont inférieurs à la lance des Grecs. L'un prend la fuite, l'autre expire ; celui-ci est couvert de blessures, celui-là supplie pour se soustraire à la mort. Enfin, nous échappons à la faveur des ténèbres. Plusieurs restent morts ou mourants sur la place. Sur ces entrefaites, arrive la malheureuse Hermione, au moment où sa mère infortunée allait tomber expirante. Aussitôt les meurtriers, tels que deux bacchantes sans thyrses, s'élancent sur elle, comme sur le faon des montagnes ; et en même temps ils portaient encore le coup mortel à la fille de Jupiter. Mais... ô Jupiter ! ô terre ! ô lumière du soleil ! ô ténèbres de la nuit ! subitement elle a disparu, soit par quelque enchantement, ou par l'art des mages, ou dérobée par la main des dieux. Ce qui s'est passé depuis, je l'ignore, car j'ai porté loin du palais mes pas fugitifs ; mais c'est en vain que Ménélas a subi tant de fatigues et de souffrances, pour aller à Troie reconquérir son épouse Hélène.

 

Χορός

[1503] Καὶ μὴν ἀμείβει καινὸν ἐκ καινῶν τόδε·
ξιφηφόρον γὰρ εἰσορῶ πρὸ δωμάτων
[1505] βαίνοντ' Ὀρέστην ἐπτοημένῳ ποδί.

Ὀρέστης

Ποῦ 'στιν οὗτος ὃς πέφευγεν ἐκ δόμων τοὐμὸν ξίφος;

Φρύξ

Προσκυνῶ σ', ἄναξ, νόμοισι βαρβάροισι προσπίτνων.

Ὀρέστης

Οὐκ ἐν Ἰλίῳ τάδ' ἐστίν, ἀλλ' ἐν Ἀργείᾳ χθονί.

Φρύξ

Πανταχοῦ ζῆν ἡδὺ μᾶλλον ἢ θανεῖν τοῖς σώφροσιν.

Ὀρέστης

[1510] Οὔτι που κραυγὴν ἔθηκας Μενέλεῳ βοηδρομεῖν;

Φρύξ

Σοὶ μὲν οὖν ἔγωγ' ἀμύνειν· ἀξιώτερος γὰρ εἶ.

Ὀρέστης

Ἐνδίκως ἡ Τυνδάρειος ἆρα παῖς διώλετο;

Φρύξ

Ἐνδικώτατ', εἴ γε λαιμοὺς εἶχε τριπτύχους θανεῖν.

Ὀρέστης

Δειλίᾳ γλώσσῃ χαρίζῃ, τἄνδον οὐχ οὕτω φρονῶν.

Φρύξ

[1515] Οὐ γάρ, ἥτις Ἑλλάδ' αὐτοῖς Φρυξὶ διελυμήνατο;

Ὀρέστης

Ὄμοσον εἰ δὲ μή, κτενῶ σε μὴ λέγειν ἐμὴν χάριν.

Φρύξ

Τὴν ἐμὴν ψυχὴν κατώμοσ', ἣν ἂν εὐορκοῖμ' ἐγώ.

Ὀρέστης

Ὧδε κἀν Τροίᾳ σίδηρος πᾶσι Φρυξὶν ἦν φόβος;

Φρύξ

Ἄπεχε φάσγανον· πέλας γὰρ δεινὸν ἀνταυγεῖ φόνον.

Ὀρέστης

[1520] Μὴ πέτρος γένῃ δέδοικας ὥστε Γοργόν' εἰσιδών;

Φρύξ

Μὴ μὲν οὖν νεκρός· τὸ Γοργοῦς δ' οὐ κάτοιδ' ἐγὼ κάρα.

Ὀρέστης

Δοῦλος ὢν φοβῇ τὸν Ἅιδην, ὅς σ' ἀπαλλάξει κακῶν;

Φρύξ

Πᾶς ἀνήρ, κἂν δοῦλος ᾖ τις, ἥδεται τὸ φῶς ὁρῶν.

Ὀρέστης

Εὖ λέγεις· σῴζει σε σύνεσις. Ἀλλὰ βαῖν' ἔσω δόμων.

Φρύξ

[1525] Οὐκ ἄρα κτενεῖς με;

Ὀρέστης

Ἀφεῖσαι.

Φρύξ

Καλὸν ἔπος λέγεις τόδε.

Ὀρέστης

Ἀλλὰ μεταβουλευσόμεσθα.

Φρύξ

Τοῦτο δ' οὐ καλῶς λέγεις.

LE CHOEUR.

[1503] A ces événements déjà succède un événement nouveau : car je vois aux portes du palais Oreste, le glaive en main, accourir d'un pas empressé.

ORESTE.

Où est-il cet esclave qui s'est dérobé à mon glaive, en fuyant du palais?

LE PHRYGIEN.

Prince, je t'adore prosterné à tes pieds, à la manière des Barbares.

ORESTE.

Nous ne sommes pas ici à Troie, mais sur la terre d'Argos.

LE PHRYGIEN.

En tous lieux, le sage préfère la vie à la mort.

ORESTE.

N'as-tu pas poussé des cris pour qu'on vînt au secours de Ménélas?

LE PHRYGIEN.

C'était pour te défendre toi-même ; car tu le mérites mieux que lui.

ORESTE.

C'est donc justement que la fille de Tyndare a reçu la mort?

LE PHRYGIEN.

Très justement, eût-elle même pu la subir trois fois ((68) !

ORESTE.

C'est par peur que ta langue me flatte ; mais en toi-même tu ne penses pas ainsi.

LE PHRYGIEN.

[1515] Pourquoi non ? n'est-ce pas elle qui a fait périr également les Grecs et les Phrygiens ?

ORESTE.

Jure-moi donc, ou sinon je te tue, que tu ne parles pas ainsi pour me flatter.

LE PHRYGIEN.

Je le jure sur ma vie, et je ne voudrais pas me parjurer.

ORESTE.

C'est ainsi qu'à Troie le fer imprimait la terreur à tous les Phrygiens.

LE PHRYGIEN.

Écarte cette épée, car de près elle lance de terribles éclairs de mort.

ORESTE.

Crains-tu d'être pétrifié, comme si tu voyais la Gorgone ?

LE PHRYGIEN.

Je crains plutôt de mourir ; je ne connais pas la tête de la Gorgone.

ORESTE.

Tu es esclave, et tu crains la mort qui te délivrera de tes maux?

LE PHRYGIEN.

Tout homme, fût-il esclave, aime à voir la lumière du jour.

ORESTE.

Tu as raison ; ton bon sens te sauve. Mais rentre dans le palais.

LE PHRYGIEN.

Tu ne me feras donc pas mourir ?

ORESTE.

Je te fais grâce.

LE PHRYGIEN.

Tu viens de dire une noble parole !

ORESTE.

Mais je pourrai changer d'avis.

LE PHRYGIEN.

Cette parole n'est plus si noble. (Il rentre.)

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Ὀρέστης

[1527] Μῶρος, εἰ δοκεῖς με τλῆναι σὴν καθαιμάξαι δέρην·
οὔτε γὰρ γυνὴ πέφυκας οὔτ' ἐν ἀνδράσιν σύ γ' εἶ.
Τοῦ δὲ μὴ στῆσαί σε κραυγὴν οὕνεκ' ἐξῆλθον δόμων·
[1530] ὀξὺ γὰρ βοῆς ἀκοῦσαν Ἄργος ἐξεγείρεται.
Μενέλεων δ' οὐ τάρβος ἡμῖν ἀναλαβεῖν ἔσω ξίφους·
ἀλλ' ἴτω ξανθοῖς ἐπ' ὤμων βοστρύχοις γαυρούμενος·
εἰ γὰρ Ἀργείους ἐπάξει τοῖσδε δώμασιν λαβών,
τὸν Ἑλένης φόνον διώκων, κἀμὲ μὴ σῴζειν θέλει
[1535] σύγγονόν τ' ἐμὴν Πυλάδην τε τὸν τάδε ξυνδρῶντά μοι,
παρθένον τε καὶ δάμαρτα δύο νεκρὼ κατόψεται.

Χορός

[1537] Ἰὼ ἰὼ τύχα,
ἕτερον εἰς ἀγῶν', ἕτερον αὖ δόμος
φοβερὸν ἀμφὶ τοὺς Ἀτρείδας πίτνει.
Τί δρῶμεν; Ἀγγέλλωμεν ἐς πόλιν τάδε;
[1540] Ἢ σῖγ' ἔχωμεν; Ἀσφαλέστερον, φίλαι.
Ἴδε πρὸ δωμάτων ἴδε προκηρύσσει
θοάζων ὅδ' αἰθέρος ἄνω καπνός.
Ἅπτουσι πεύκας, ὡς πυρώσοντες δόμους
τοὺς Τανταλείους, οὐδ' ἀφίστανται φόνου.
[1545] Τέλος ἔχει δαίμων βροτοῖς,
[1545β] τέλος ὅπᾳ θέλῃ.
Μεγάλα δέ τις ἁ δύναμις δι' ἀλαστόρων
ἔπεσ' ἔπεσε μέλαθρα τάδε δι' αἱμάτων
διὰ τὸ Μυρτίλου πέσημ' ἐκ δίφρου.

Χορός

Ἀλλὰ μὴν καὶ τόνδε λεύσσω Μενέλεων δόμων πέλας
[1550] ὀξύπουν, ᾐσθημένον που τὴν τύχην ἣ νῦν πάρα.
Οὐκέτ' ἂν φθάνοιτε κλῇθρα συμπεραίνοντες μοχλοῖς,
ὦ κατὰ στέγας Ἀτρεῖδαι. Δεινὸν εὐτυχῶν ἀνὴρ
πρὸς κακῶς πράσσοντας, ὡς σὺ νῦν, Ὀρέστα, δυστυχεῖς.

Μενέλαος

[1554] Ἥκω κλύων τὰ δεινὰ καὶ δραστήρια
[1555] δισσοῖν λεόντοιν· οὐ γὰρ ἄνδρ' αὐτὼ καλῶ.
Ἤκουσα γὰρ δὴ τὴν ἐμὴν ξυνάορον
ὡς οὐ τέθνηκεν, ἀλλ' ἄφαντος οἴχεται
κενὴν ἀκούσας βάξιν, ἣν φόβῳ σφαλεὶς
ἤγγειλέ μοί τις. Ἀλλὰ τοῦ μητροκτόνου
[1560] τεχνάσματ' ἐστὶ ταῦτα καὶ πολὺς γέλως.
Ἀνοιγέτω τις δῶμα· προσπόλοις λέγω
ὠθεῖν πύλας τάσδ', ὡς ἂν ἀλλὰ παῖδ' ἐμὴν
ῥυσώμεθ' ἀνδρῶν ἐκ χερῶν μιαιφόνων,
καὶ τὴν τάλαιναν ἀθλίαν δάμαρτ' ἐμὴν
[1565] λάβωμεν, ᾗ δεῖ ξυνθανεῖν ἐμῇ χερὶ
τοὺς διολέσαντας τὴν ἐμὴν ξυνάορον.

Ὀρέστης

Οὗτος σύ, κλῄθρων τῶνδε μὴ ψαύσῃς χερί·
Μενέλαον εἶπον, ὃς πεπύργωσαι θράσει·
ἢ τῷδε θριγκῷ κρᾶτα συνθραύσω σέθεν,
[1570] ῥήξας παλαιὰ γεῖσα, τεκτόνων πόνον.
Μοχλοῖς δ' ἄραρε κλῇθρα, σῆς βοηδρόμου
σπουδῆς ἅ σ' εἴρξει, μὴ δόμων ἔσω περᾶν.

Μενέλαος

[1573] Ἔα, τί χρῆμα; Λαμπάδων ὁρῶ σέλας,
δόμων δ' ἐπ' ἄκρων τούσδε πυργηρουμένους,
[1575] ξίφος δ' ἐμῆς θυγατρὸς ἐπίφρουρον δέρῃ.

ORESTE.

[1527] Insensé, si tu crois que je voulusse me souiller de ton sang, toi qui n'es ni femme ni homme ! — Au Chœur. C'est pour vous empêcher de trop élever la voix, que je suis sorti du palais ; car si la ville entend vos cris, elle sera aussitôt en émoi. Quant à Ménélas, je ne le crains pas à la portée de l'épée ; qu'il vienne avec ses blonds cheveux épars sur ses épaules, dont il est si vain. S'il amène avec lui une troupe d'Argiens pour venger le meurtre d'Hélène, s'il refuse de me sauver, ainsi que ma sœur et Pylade, qui a partagé mes périls, il verra sa fille et son épouse, toutes deux privées de vie. (Il rentre dans le palais.)

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LE CHOEUR.

[1537] Ô fortune, une lutte nouvelle, un nouveau danger menace encore la maison des Atrides !

PREMIER DEMI-CHOEUR.

Que faire? Annoncerons-nous ces nouvelles dans la ville, ou garderons-nous le silence ?

DEUXIÈME DEMI-CHOEUR.

Ce dernier parti est le plus sûr.

PREMIER DEMI-CHOEUR.

Tiens, vois devant le palais cette fumée qui s'élève dans les airs ; elle annonce assez ce qui se passe.

DEUXIÈME DEMI-CHOEUR.

Ils allument les torches, comme pour embraser le palais de Tantale, et ils ne cessent pas le carnage.

PREMIER DEMI-CHOEUR.

Le sort dirige la destinée des mortels, il la gouverne à son gré. C'est une puissance redoutable. Un génie funeste à fait crouler ce palais dans des flots de sang, pour venger la mort de Myrtile précipité de son char.

LE CHOEUR.

Mais je vois Ménélas qui s'avance à grands pas vers le palais ; il est peut-être informé des événements qui se passent. Hâtez-vous de fermer les portes, Atrides, qui êtes dans le palais ! L'homme qui prospère est bien redoutable à ceux qui comme toi, Oreste, sont poursuivis par la mauvaise fortune.

MÉNÉLAS.

[1554] J'accours à la nouvelle des cruels attentats de deux lions furieux, car je ne saurais les appeler des hommes. On m'a rapporté de mon épouse qu'elle n'est point morte, mais qu'elle a disparu : vaine rumeur qu'un homme aveuglé par la peur est venu m'annoncer. Mais ce sont là des inventions du parricide ; c'est une odieuse dérision. Qu'on ouvre le palais; esclaves, brisez les portes, pour que du moins je délivre ma fille des mains de ces scélérats, et que nous enlevions le corps de ma malheureuse épouse ; et je veux que ses meurtriers, frappés de ma main, partagent sa mort.

ORESTE, du haut du palais.

Holà ! que tes mains ne touchent point Ies verrous qui ferment ces portes! Ménélas, c'est à toi que je parle, toi dont l'orgueil s'exalte comme une tour ; sinon, du haut de ces créneaux, je te briserai la tête avec quelques fragments de ce vieux toit (69). Les portes sont closes par de forts verrous, qui résisteront à tes attaques et t'empêcheront de pénétrer dans le palais.

MÉNÉLAS.

[1573] Ô dieux ! que vois-je? des torches allumées, mes ennemis en armes aux étages supérieurs du palais, et le glaive levé sur le sein de ma fille !

 

Ὀρέστης

Πότερον ἐρωτᾶν ἢ κλύειν ἐμοῦ θέλεις;

Μενέλαος

Οὐδέτερ'· ἀνάγκη δ', ὡς ἔοικε, σου κλύειν.

Ὀρέστης

Μέλλω κτενεῖν σου θυγατέρ', εἰ βούλῃ μαθεῖν.

Μενέλαος

Ἑλένην φονεύσας ἐπὶ φόνῳ πράσσεις φόνον;

Ὀρέστης

[1580] Εἰ γὰρ κατέσχον μὴ θεῶν κλεφθεὶς ὕπο.

Μενέλαος

Ἀρνῇ κατακτὰς κἀφ' ὕβρει λέγεις τάδε;

Ὀρέστης

Λυπράν γε τὴν ἄρνησιν· εἰ γὰρ ὤφελον

Μενέλαος

Τί χρῆμα δρᾶσαι; παρακαλεῖς γὰρ ἐς φόβον.

Ὀρέστης

Τὴν Ἑλλάδος μιάστορ' εἰς Ἅιδου βαλεῖν.

Μενέλαος

[1585] Ἀπόδος δάμαρτος νέκυν, ὅπως χώσω τάφῳ.

Ὀρέστης

Θοὺς ἀπαίτει. παῖδα δὲ κτενῶ σέθεν.

Μενέλαος

Ὁ μητροφόντης ἐπὶ φόνῳ πράσσει φόνον;

Ὀρέστης

Ὁ πατρὸς ἀμύντωρ, ὃν σὺ προύδωκας θανεῖν.

Μενέλαος

Οὐκ ἤρκεσέν σοι τὸ παρὸν αἷμα μητέρος;

Ὀρέστης

[1590] Οὐκ ἂν κάμοιμι τὰς κακὰς κτείνων ἀεί.

Μενέλαος

Ἦ καὶ σύ, Πυλάδη, τοῦδε κοινωνεῖς φόνου;

Ὀρέστης

Φησὶν σιωπῶν· ἀρκέσω δ' ἐγὼ λέγων.

Μενέλαος

Ἀλλ' οὔτι χαίρων, ἤν γε μὴ φύγῃς πτεροῖς.

Ὀρέστης

Οὐ φευξόμεσθα· πυρὶ δ' ἀνάψομεν δόμους.

Μενέλαος

[1595] Ἦ γὰρ πατρῷον δῶμα πορθήσεις τόδε;

Ὀρέστης

Ὡς μή γ' ἔχῃς σύ, τήνδ' ἐπισφάξας πυρί.

Μενέλαος

Κτεῖν'· ὡς κτανών γε τῶνδέ μοι δώσεις δίκην.

Ὀρέστης

Ἔσται τάδε.

Μενέλαος

Ἆ ἆ, μηδαμῶς δράσῃς τάδε.

Ὀρέστης

Σίγα νυν, ἀνέχου δ' ἐνδίκως πράσσων κακῶς.

Μενέλαος

[1600] Ἦ γὰρ δίκαιον ζῆν σε;

Ὀρέστης

Καὶ κρατεῖν γε γῆς.

Μενέλαος

Ποίας;

Ὀρέστης

Ἐν Ἄργει τῷδε τῷ Πελασγικῷ.

Μενέλαος

Εὖ γοῦν θίγοις ἂν χερνίβων

Ὀρέστης

Τί δὴ γὰρ οὔ;

Μενέλαος

Καὶ σφάγια πρὸ δορὸς καταβάλοις.

Ὀρέστης

Σὺ δ' ἂν καλῶς;

Μενέλαος

Ἁγνὸς γάρ εἰμι χεῖρας.

Ὀρέστης

Ἀλλ' οὐ τὰς φρένας.

Μενέλαος

[1605] Τίς δ' ἂν προσείποι σέ;

Ὀρέστης

Ὅστις ἐστὶ φιλοπάτωρ.

Μενέλαος

Ὅστις δὲ τιμᾷ μητέρα;

Ὀρέστης

Εὐδαίμων ἔφυ.

Μενέλαος

Οὔκουν σύ γε.

Ὀρέστης

Οὐ γὰρ ἁνδάνουσιν αἱ κακαί.

Μενέλαος

Ἄπαιρε θυγατρὸς φάσγανον.

Ὀρέστης

Ψευδὴς ἔφυς.

Μενέλαος

Ἀλλὰ κτενεῖς μου θυγατέρα;

Ὀρέστης

Οὐ ψευδὴς ἔτ' εἶ.

Μενέλαος

[1610] Οἴμοι, τί δράσω;

Ὀρέστης

Πεῖθ' ἐς Ἀργείους μολὼν

Μενέλαος

Πειθὼ τίνα;

Ὀρέστης

Ἡμᾶς μὴ θανεῖν· αἰτοῦ πόλιν.

Μενέλαος

Ἢ παῖδά μου φονεύσετε;

Ὀρέστης

Ὧδ' ἔχει τάδε.

Μενέλαος

Ὦ τλῆμον Ἑλένη

Ὀρέστης

Τἀμὰ δ' οὐχὶ τλήμονα;

Μενέλαος

Σὲ σφάγιον ἐκόμισ' ἐκ Φρυγῶν

Ὀρέστης

Εἰ γὰρ τόδ' ἦν.

Μενέλαος

[1615] Πόνους πονήσας μυρίους.

Ὀρέστης

Πλήν γ' εἰς ἐμέ.

Μενέλαος

Πέπονθα δεινά.

Ὀρέστης

Τότε γὰρ ἦσθ' ἀνωφελής.

Μενέλαος

Ἔχεις με.

Ὀρέστης

Σαυτὸν σύ γ' ἔλαβες κακὸς γεγώς.
Ἀλλ' εἶ', ὕφαπτε δώματ', Ἠλέκτρα, τάδε·
σύ τ', ὦ φίλων μοι τῶν ἐμῶν σαφέστατε,
[1620] Πυλάδη, κάταιθε γεῖσα τειχέων τάδε.

Μενέλαος

Ὦ γαῖα Δαναῶν ἱππίου τ' Ἄργους κτίται,
οὐκ εἶ' ἐνόπλῳ ποδὶ βοηδρομήσετε;
Πᾶσαν γὰρ ὑμῶν ὅδε βιάζεται πόλιν
ζῆν, αἷμα μητρὸς μυσαρὸν ἐξειργασμένος.

ORESTE.

Veux-tu m'interroger, ou m'entendre ?

MÉNÉLAS.

Ni l'un ni l'autre; mais la nécessité me contraint à t'écouter.

ORESTE.

Sache donc que je vais égorger ta fille.

MÉNÉLAS.

Assassin d'Hélène, tu ajoutes meurtre sur meurtre.

ORESTE.

[1580] Que n'ai-je eu ce pouvoir ! et pourquoi les dieux me l'ont-ils dérobée?

MÉNÉLAS.

Tu nies le meurtre; ce que tu dis est pour m'outrager.

ORESTE.

C'est à regret que je le nie. Ah ! que n'ai-je pu...

MÉNÉLAS.

Quoi faire?... Tu m'effrayes.

ORESTE.

Précipiter dans les enfers la furie de la Grèce!

MÉNÉLAS.

Rends-moi le corps de mon épouse, que je l'enferme dans la tombe.

ORESTE.

Redemande-la aux dieux. Mais je vais immoler ta fille.

MÉNÉLAS.

Le parricide ajoute meurtre sur meurtre.

ORESTE.

Je suis le vengeur d'un père ; tu m'as trahi et livré à la mort.

MÉNÉLAS.

Ce n'est donc pas assez pour toi du sang d'une mère ?

ORESTE.

Je ne me lasserai pas de faire périr des femmes perfides.

MÉNÉLAS.

Et toi, Pylade, es-tu complice de ce meurtre?

ORESTE.

Son silence te le dit ; il suffit que je te le répète.

MÉNÉLAS.

Ce ne sera pas impunément, à moins que tu ne trouves des ailes pour fuir.

ORESTE.

Nous ne fuirons point, mais nous embraserons le palais.

MÉNÉLAS.

[1595] Quoi! tu ravageras le palais de tes pères?

ORESTE.

Pour qu'il ne tombe pas en ton pouvoir; et j'égorgerai ta fille au milieu des flammes.

MÉNÉLAS.

Eh bien! frappe ; je te punirai de ce crime.

ORESTE.

Oui, je le ferai.

MÉNÉLAS.

Ah! non; n'achève pas!

ORESTE.

Garde donc le silence, et supporte un malheur mérité.

MÉNÉLAS.

Est-il donc juste que tu vives?

ORESTE.

Et que je règne sur ce pays.

MÉNÉLAS.

Lequel ?

ORESTE.

Argos, la ville des Pélasges.

MÉNÉLAS.

Tu oserais toucher les vases d'eau lustrale (70) ?

ORESTE.

Pourquoi non ?

MÉNÉLAS.

Tu immolerais les victimes avant le combat?

ORESTE.

Et toi, t'en crois-tu digne?

MÉNÉLAS.

Mes mains sont pures.

ORESTE.

Mais non pas ton cœur.

MÉNÉLAS.

[1605] Qui t'adresserait la parole?

ORESTE.

Quiconque aime son père.

MÉNÉLAS.

Et quiconque honore sa mère ?

ORESTE.

Celui-là est heureux !

MÉNÉLAS.

Tu ne l'es donc pas?

ORESTE.

Je n'aime pas les femmes perfides.

MÉNÉLAS.

Écarte cette épée du sein de ma fille.

ORESTE.

Tu t'abuses (71).

MÉNÉLAS.

Veux-tu donc la tuer?

ORESTE.

Tu l'as dit.

MÉNÉLAS.

Hélas! que faire? 

ORESTE.

Va persuader aux Argiens...

 MÉNÉLAS.

Quoi?

ORESTE.

De ne pas nous faire mourir.

MÉNÉLAS.

Sinon vous égorgerez ma fille?

ORESTE.

Il en sera ainsi.

MÉNÉLAS.

Ô malheureuse Hélène !

ORESTE.

Et moi, ne suis-je pas malheureux ?

MÉNÉLAS.

Je ne l'ai donc ramenée de Phrygie que pour être ta victime !

ORESTE.

Plut aux dieux !

MÉNÉLAS.

[1615] Après tant de fatigues !

ORESTE.

Qui ne furent pas dans mon intérêt.

MÉNÉLAS.

Cruelle destinée !

ORESTE.

Tu m'as tantôt refusé ton secours.

MÉNÉLAS.

Tu triomphes de moi.

ORESTE.

Tu t'es pris toi-même dans tes perfidies. Mais, allons, Électre, mets le feu à ce palais ; et toi, le plus fidèle de mes amis, Pylade, embrase l'entablement de ces murs.

MÉNÉLAS.

Ô terre de Danaüs! citoyens d'Argos aux nobles coursiers, accourez en armes à mon secours! Cet infâme parricide, tout souillé du sang de sa mère, veut vivre en dépit de vos lois.

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 Ἀπόλλων

[1625] Μενέλαε, παῦσαι λῆμ' ἔχων τεθηγμένον·
Φοῖβός σ' ὁ Λητοῦς παῖς ὅδ' ἐγγὺς ὢν καλῶ·
σύ θ' ὃς ξιφήρης τῇδ' ἐφεδρεύεις κόρῃ,
Ὀρέσθ', ἵν' εἰδῇς οὓς φέρων ἥκω λόγους.
Ἑλένην μὲν ἣν σὺ διολέσαι πρόθυμος ὢν
[1630] ἥμαρτες, ὀργὴν Μενέλεῳ ποιούμενος,
ἥδ' ἐστίν, ἣν ὁρᾶτ' ἐν αἰθέρος πτυχαῖς,
σεσῳσμένη τε κοὐ θανοῦσα πρὸς σέθεν.
Ἐγώ νιν ἐξέσῳσα κἀπὸ φασγάνου
τοῦ σοῦ κελευσθεὶς ἥρπασ' ἐκ Διὸς πατρός.
[1635] Ζηνὸς γὰρ οὖσαν ζῆν νιν ἄφθιτον χρεών,
Κάστορί τε Πολυδεύκει τ' ἐν αἰθέρος πτυχαῖς
σύνθακος ἔσται, ναυτίλοις σωτήριος.
Ἄλλην δὲ νύμφην ἐς δόμους κτῆσαι λαβών,
ἐπεὶ θεοὶ τῷ τῆσδε καλλιστεύματι
[1640] Ἕλληνας εἰς ἓν καὶ Φρύγας συνήγαγον,
θανάτους τ' ἔθηκαν, ὡς ἀπαντλοῖεν χθονὸς
ὕβρισμα θνητῶν ἀφθόνου πληρώματος.
Τὰ μὲν καθ' Ἑλένην ὧδ' ἔχει· σὲ δ' αὖ χρεών,
Ὀρέστα, γαίας τῆσδ' ὑπερβαλόνθ' ὅρους
[1645] Παρράσιον οἰκεῖν δάπεδον ἐνιαυτοῦ κύκλον.
Κεκλήσεται δὲ σῆς φυγῆς ἐπώνυμον
Ἀζᾶσιν Ἀρκάσιν τ' Ὀρέστειον καλεῖν.
Ἐνθένδε δ' ἐλθὼν τὴν Ἀθηναίων πόλιν
δίκην ὑπόσχες αἵματος μητροκτόνου
[1650] Εὐμενίσι τρισσαῖς· θεοὶ δέ σοι δίκης βραβῆς
πάγοισιν ἐν Ἀρείοισιν εὐσεβεστάτην
ψῆφον διοίσουσ', ἔνθα νικῆσαί σε χρή.
Ἐφ' ἧς δ' ἔχεις, Ὀρέστα, φάσγανον δέρῃ,
γῆμαι πέπρωταί σ' Ἑρμιόνην· ὃς δ' οἴεται
[1655] Νεοπτόλεμος γαμεῖν νιν, οὐ γαμεῖ ποτε.
Θανεῖν γὰρ αὐτῷ μοῖρα Δελφικῷ ξίφει,
δίκας Ἀχιλλέως πατρὸς ἐξαιτοῦντά με.
Πυλάδῃ δ' ἀδελφῆς λέκτρον, ὥς ποτ' ᾔνεσας,
δός· ὁ δ' ἐπιών νιν βίοτος εὐδαίμων μένει.
[1660] Ἄργους δ' Ὀρέστην, Μενέλεως, ἔα κρατεῖν,
ἐλθὼν δ' ἄνασσε Σπαρτιάτιδος χθονός,
φερνὰς ἔχων δάμαρτος, ἥ σε μυρίοις
πόνοις διδοῦσα δεῦρ' ἀεὶ διήνυσεν.
Τὰ πρὸς πόλιν δὲ τῷδ' ἐγὼ θήσω καλῶς,
[1665] ὅς νιν φονεῦσαι μητέρ' ἐξηνάγκασα.

Ὀρέστης

[1666] Ὦ Λοξία μαντεῖε, σῶν θεσπισμάτων.
Οὐ ψευδόμαντις ἦσθ' ἄρ', ἀλλ' ἐτήτυμος.
Καίτοι μ' ἐσῄει δεῖμα, μή τινος κλύων
ἀλαστόρων δόξαιμι σὴν κλύειν ὄπα.
[1670] Ἀλλ' εὖ τελεῖται, πείσομαι δὲ σοῖς λόγοις.
Ἰδού, μεθίημ' Ἑρμιόνην ἀπὸ σφαγῆς,
καὶ λέκτρ' ἐπῄνεσ', ἡνίκ' ἂν διδῷ πατήρ.

Μενέλαος

[1673] Ὦ Ζηνὸς Ἑλένη χαῖρε παῖ· ζηλῶ δέ σε
θεῶν κατοικήσασαν ὄλβιον δόμον.
[1675] Ὀρέστα, σοὶ δὲ παῖδ' ἐγὼ κατεγγυῶ,
Φοίβου λέγοντος· εὐγενὴς δ' ἀπ' εὐγενοῦς
γήμας ὄναιο καὶ σὺ χὡ διδοὺς ἐγώ.

Ἀπόλλων

Χωρεῖτέ νυν ἕκαστος οἷ προστάσσομεν,
νείκας τε διαλύεσθε.

Μενέλαος

Πείθεσθαι χρεών.

Ὀρέστης

[1680] Κἀγὼ τοιοῦτος· σπένδομαι δὲ συμφοραῖς,
Μενέλαε, καὶ σοῖς, Λοξία, θεσπίσμασιν.

Ἀπόλλων

[1682] Ἴτε νυν καθ' ὁδόν, τὴν καλλίστην
θεῶν Εἰρήνην τιμῶντες· ἐγὼ δ'
Ἑλένην Δίοις μελάθροις πελάσω,
[1685] λαμπρῶν ἄστρων πόλον ἐξανύσας,
ἔνθα παρ' Ἥρᾳ τῇ θ' Ἡρακλέους
Ἥβῃ πάρεδρος θεὸς ἀνθρώποις
ἔσται σπονδαῖς ἔντιμος ἀεί,
σὺν Τυνδαρίδαις, τοῖς Διὸς υἱοῖς,
[1690] ναύταις μεδέουσα θαλάσσης.

Χορός

Ὦ μέγα σεμνὴ Νίκη, τὸν ἐμὸν
βίοτον κατέχοις
καὶ μὴ λήγοις στεφανοῦσα.

APOLLON.

[1625] Ménélas, calme ta colère; Phébus, le fils de Latone, est devant toi ; c'est lui qui t'appelle. Et toi aussi, Oreste, qui tiens le glaive suspendu sur le sein de cette jeune fille, écoute ce que je viens te dire. Hélène, que tu voulais faire périr pour te venger de Ménélas, et qui t'a échappé, est cet astre que vous voyez dans les profondeurs de l'éther; elle vit encore, et n'a point succombé sous vos coups ; c'est moi qui l'ai sauvée et qui l'ai dérobée à ton glaive, par l'ordre de Jupiter, mon père et le sien. Fille de Jupiter, elle doit vivre immortelle. Assise dans les profondeurs du ciel, auprès de Castor et de Pollux, elle luira propice aux nautoniers. Prends une autre épouse, Ménélas, puisque les dieux se servirent de la beauté d'Hélène pour exciter entre les Grecs et les Phrygiens cette guerre meurtrière, qui a dépeuplé  la terre de cette foule de mortels orgueilleux qui la surchargent (72). Voilà pour ce qui concerne Hélène. Pour toi, Oreste, il faut que tu sortes des frontières de ce pays, pour habiter Parrhasie (73) pendant la révolution d'une année; elle empruntera son nom à ton exil; les Arcades et les Azaniens l'appelleront Orestie. De là tu iras dans la ville d'Athènes, où tu auras à rendre compte de ton parricide aux trois Euménides, tes accusatrices. Les dieux seront juges du procès, et rendront leur sentence sacrée dans l'Aréopage (74), où tu dois triompher. Cette même Hermione, sur laquelle tu tiens le glaive suspendu, est l'épouse que les dieux te réservent. Néoptolème, qui prétend à sa main, ne l'obtiendra jamais. Son destin est de périr sous un fer meurtrier à Delphes, où il viendra me demander vengeance pour son père Achille. Quant à Pylade, donne-lui pour épouse ta sœur, que tu lui as promise. Le bonheur attend le reste de leurs jours. Et toi, Ménélas, laisse Oreste commander dans Argos ; retourne régner sur la terre de Sparte ; jouis de la dot d'une épouse pour qui tu as subi des travaux sans cesse renaissants. Quant à la ville, c'est à moi de te justifier à ses yeux, moi qui ai commandé le parricide.

ORESTE.

[1666] Ô Apollon, Dieu prophète, tes oracles n'étaient donc pas trompeurs, ils étaient véridiques. J'ai craint, je l'avoue, d'avoir pris la voix de quelque divinité trompeuse pour la tienne. Mais tout a une heureuse issue, et j'obéirai à tes ordres : dès ce moment je délivre Hermione de la mort, et je la prendrai pour épouse, si son père me la donne.

MÉNÉLAS.

[1673] Hélène, fille de Jupiter, salut! je te félicite d'habiter les demeures fortunées des dieux. Oreste, je t'accorde ma fille en mariage, d'après l'ordre d'Apollon. Noble époux d'une noble épouse, puisse-t-elle te rendre heureux, ainsi que moi qui te la donne !

APOLLON.

Que chacun de vous se rende où nos ordres l'envoient, et mettez fin à vos querelles.

MÉNÉLAS.

Je dois obéir.

ORESTE.

Et moi de même. Je me réconcilie avec la fortune, Ménélas, et avec tes oracles, ô Apollon !

APOLLON.

[1682] Allez, et honorez la Paix, la plus belle des déesses. Pour moi, traversant la région des astres lumineux, je vais conduire Hélène au palais de Jupiter. Là, placée auprès de Junon et d'Hébé, la compagne d'Hercule, elle recevra, comme une déesse, les libations des mortels ; et avec les Tyndarides (75), fils de Jupiter, elle veillera sur la mer au salut des nautoniers.

LE CHOEUR.

O victoire glorieuse, préside à ma vie, et ne cesse pas de me couronner !

FIN D'ORESTE.

 

 (01) Cicéron, TuscuI., IV, 29, a donné, de ces trois vers, une traduction qui n'est pas irréprochable :

Neque tam terribilis ulla fando oratio est,
Néc fors, neque ira coelitum invectum malum,
Ouod non natum humana patienjo ferat.

(02) Port de l'Argolide.

(03) On confondait souvent Argos et Mycènes, villes très rapprochées l'une de l'autre.

(04) J'adopte la correction de M. Boissonade, qui propose φώνει, troisième personne de l'indicatif, au lieu de φώνει, seconde personne de l'impératif, donné par les autres éditeurs. Pour la complète intelligence de ce passage, il ne faut pas oublier que σύριγξ, le chalumeau, ou pipeau, était l'instrument composé de plusieurs roseaux, λέπτου δόνακος, de grandeurs inégales, et que les Romains appelaient fistula, comme dans ce passage de Tibulle, II, 3, 51 :

Fistula, cui semper decrescit arundinis ordo ;
Nec calamus cera jungitur neque minor.

Ou encore dans Claudien, XXXI, 53 :

— Inœquales cera texebat avenas.
Maenaliosque modos, et pastoralia labris,
Murmura tentabat retiens, orisque recursu
Dissimilem tenui variabat arundine ventum.

Tandis que la flûte, ὅροφος, était le roseau unique, percé de plusieurs trous dans sa longueur, et dont le son, loin d'être aigu, était beaucoup plus grave et plus doux : c'est ce que les Latins appelaient tibia. Ainsi Ovide. Fast., VI, 697 :

Prima terebrato  per rara foramina buxo,
Ut daret, effeci, tibia longa, sonos.. ..
Inventum Satyrus primum miratur, ;at ausum
Nescit, et inflatam sentit habere sonum.
El modo dimittit digitia, modo concipit auras.

La flûte devint par la suite un instrument plus compliqué, formé d'os d'animaux et de parties de cuivre ou de laiton.

(05) Nom d'Apollon, qui lui fut donné, dit-on, à cause du sens obscur de ses oracles ; de λοξὸς, oblique.

(06) Oreste.

(07) Somne, quies rerum, placidissime somne deorum !
Pax anîmi, quem cura fugit, qui corpora duris
Fessa ministeriis mulces, reparasque labori.

Ovid., Metam., XI. 623-5.

(08) Voyez Médée, v. 480 : ἀνέσχον σοὶ φάος σωτήριον.

(09) L'acteur Hégélochus, qui jouait le rôle d'Oreste, en prononçant γαλήν' ὁρῶ, je vois le calme, au lieu d'élever la voix sur la syllabe accentuée du premier mot, l'haleine lui manquant, prononça : γαλῶν ὁρῶ, je rois Ie chat, ce qui prêta beaucoup à rire ; et les poètes comiques ne manquèrent pas de railler Euripide à ce sujet. Aristophane a cité ce vers dans ses Grenouilles, v. 306. Voyez page 424 de notre seconde édition d'Aristophane.

(10) Littéralement ; « Par mon menton. » c'était un usage consacré, de toucher le visage de ceux qu'on suppliait.

(11) Tecum vivere amem, tecum obeam libens.

HORACE, III, od. 9.

(12) On suppose qu'Oreste donne ici des signes d'impatience.

(13) On sait que Delphes passait, chez les Grecs, pour le centre de la terre.

(14) La liaison de celle dernière phrase avec ce qui précède est assez manifeste. L'instabilité de la fortune est suffisamment prouvée, si une famille divine, comme celle de Tantale, n'a pu se maintenir. Tel est le sens du γὰρ dans le texte. — Quant à l'origine divine, Tantale était fils de Jupiter et d'une nymphe.

(15) Promontoire à la pointe méridionale de la Laconie.

(16) Nauplie, petit port voisin d'Argos, an fond du golfe Argolique.

(17) Les suppliants se présentaient d'ordinaire avec des rameaux à la main. Cet usage se retrouve à chaque pas dans les tragiques grecs. Voyez la première scène de l'Oedipe roi. — Ici, le texte présente cette locution très hardie : les prières d'une bouche sans rameaux.

(18) Le Scholiaste, pour motiver cette réponse, qui elle-même n'est pas très claire, suppose que Ménélas n'a entendu que le premier mot d'Oreste, ξύνεσις, qui veut dire aussi la connaissance, la raison. Paul-Louis Courier, dans ses notes manuscrites, traduit : « Pour parler sagement, il faut parler clairement. »

(19) Double sens d'ἀναφορὰ : Oreste veut dire qu'il a sur qui rejeter son crime, et Ménélas entend qu'il regarde la mort comme une ressource assurée. (Note inédite de Paul-Louis Courier.)

(20) De son père.

(21) Le texte de ce vers est très altéré.

(22) Sous-entendu : « Pour me purifier.. ! »

(23) Il s'agit de la condamnation de Palamède, mis à mort sur une fausse accusation de trahison. Voyez le IIe livre de l'Énéide. Oeax était frère de Palamède.

(24) Le texte ajoute : διὰ τριῶν δ' ἀπόλλυμαι, mais je succombe par trois.... On n'est point d'accord sur le mot à suppléer pour compléter le sens. Brunck pense que cela veut dire, je succombe dans trois combats, métaphore tirée de la gymnastique, pour dire que son mal est sans remède. Le Scholiaste propose les trois Furies, ou les trois ennemis de Palamède, savoir : Agamemnon, Ulysse, et Diomède. Musgrave, ne pouvant tirer du texte aucun sens plausible, propose de lire : διὰ θρόων, par des rumeurs, de vains bruits.

(25) Rien n'est plus commun que ce nom,
Rien n'est plus rare que la chose.
LA FONTAINE, liv. IV, fable 17.

(26) Les deux fils de Jupiter, Castor et Pollux.

(27) Littéralement: « A sa main droite.  »

(28) Le grec dit en un mot, mon allié.

(29) Même celle des lois : telle est l'idée à suppléer.

(30) Tyndare était roi de Sparte: c'est à ce titre qu'il interdit l'entrée de ses états à Ménélas.

(31) « Et sans mère, infâme Euripide?   » s'écria,dit-on, une voix, à la représentation de cette tragédie. Cependant une idée semblable avait déjà été exprimée par Eschyle dans les Euménides, vers 681. On ne peut nier qu'il n'y ait dans ce discours des subtilités qui sentent trop l'école et la rhétorique, ces idées se rattachent d'ailleurs à certains points de la philosophie d'Anaxagore, dont on sait qu'Euripide avait été le disciple.

(32) Ces deux vers sont répétés du précédent discours de Tyndare dans cette même scène : peut-être sont-ils interpolés.

(33) Le Scholiaste prétend qu'il y a ici un contraste avec Ménélas, qui, en sa qualité de Lacédémonien, doit avoir un langage concis et sentencieux.

(34) Aulis, petite ville de Béotie, où l'on sait que le calme retint la flotte des Grecs, avant son départ pour Troie.

(35) J'adopte la manière dont M. Boissonade a ponctué ce vers.

(36) Sur ποδὶ et πόδα, signifiant la corde de la voile, voyez l'Antigone de Sophocle, vers 713 ; les Chevaliers. d'Aristophane, vers 456, etc.

(37) Ce mot est dit ironiquement.

(38) J'ai adopté la transposition proposée par M. Boissonade, d'après King.

(40) Littéralement : « gouvernail de mon pied.  »

(41) Selon le Scholiaste, c'était l'usage, après un meurtre dont l'auteur croyait avoir eu des motifs légitimes, de brandir au soleil le fer sanglant, comme pour le prendre à témoin de la justice de cette action.

(42) Grec : « Des Pélasges. »

(43) On connaît le le beau passage de Démosthène (Première Philippique)  où il dit : « Voulez-vous donc toujours flâner sur les places publiques ci et vous demander : Qu'y a-t-il de nouveau? »

(44) Il paraît qu'Euripide désigne dans ce passage Cléophon, démagogue et général athénien, que les poètes comiques, Aristophane et Platon, accusèrent d'être étranger. Il s'était opposé récemment à un traité d'Athènes avec les Lacédémoniens. Voyez les Grenouilles, vers 678-685 page 456 de ma seconde édition d'Aristophane.

(45) On a vu dans ces cinq derniers vers le portrait de Socrate. A la vérité, plusieurs traits peuvent lui appartenir; mais il en est d'autres qui lui conviennent moins.

(46) Littéralement :  «  Celle qui a trahi le lit de mon père.  »

(47) Littéralement : « De tels attentats ne seront plus rares ». On sait que la tournure négative a souvent beaucoup de force en grec.

(48) Les signes de désespoir étaient usités dans les cérémonies religieuses « où l'on célébrait l'enlèvement de Proserpine.

(49) Mycènes, fondée par les Cyclopes, peuplade de Thrace. Voyez le Scholiaste.

(50) Ceci a trait aux opinions d'Anaxagore, qui regardai! le soleil connue une masse incandescente, telle que le fer ronge. Diogéne Laërce, liv. Il « Anaxagore tirait que le soleil est une masse de feu plus grande que le Péloponnèse; d'autres attribuent cela à Tantale. »

(51) Géreste, promontoire de l'Eubée.

(52) Le texte ajoute : παράσειρος, qui se dit du cheval attaché à côté du timonier, et qu'on appelle cheval de volée.

(53) Le texte ajoute : « Fabriqué en cèdre. »

(54) Littéralement : « Il n'a pas hème montré son oeil. »

(55) Il joue ici sur le mut χαῖρε, qui signifie a la fois adieu, et réjouis-toi.

(56) Allusion à certaines opinions des anciens, qui, d'une part, regardaient le sang comme le foyer de la vie et même de l'âme, et qui, de l'autre, croyaient que les parties du corps humain, après la mort, retournaient au sein des éléments. Voyez le Scholiaste de Pindare, p. 36.

(57) Le texte dit : « Elle scelle tout de son cachet.  » C'est là un de ces détails familiers de la vie usuelle, qu'Aristophane aime à reprocher à Euripide. Voyez les Grenouilles, vers 1002-1019.

(58) Voyez la même idée dans l'Électre de Sophocle, vers 1328, page 123 de ma seconde édition.

(59) En grec : « Ailées. »

(60) Selon le Scholiaste, Strophius, père de Pylade, avait épousé une soeur d'Agamemnon.

(61) Pylade descendait de Jupiter par Éaque.

(62) Oreste et Pylade. Le texte dit : « Ces bêtes sauvages cachées et armées. »

(64) Sous le personnage de ce Phrygien lâche et peureux, le poète a voulu représenter les peuples barbares, et particulièrement les Perses, ennemis de la Grèce. C'est ce qu'il a fait également dans d'autres pièces, Andromaque, v. 174; le Cyclope, v. 182. La chaussure asiatique, qu'il n'a pas pris le temps de quitter dans sa fuite, est nommée ici, dans l'intention de ridiculiser celui qui la porte. Un des Scholiastes a prétendu que le Phrygien sautait du haut des toits, ce qui vient d'une interprétation fausse de la préposition ὑπὸ. Mais ce que le chœur vient de dire ne laisse aucun lieu de douter que le Phrygien ne soit sorti par la porte.

(65) Le texte dit : « Dardanie, malheureuse à cause de la cavalcade de Ganymède, qui partage la couche de Jupiter. » On sait que l'enlèvement de Ganymède fut aussi une des causes qui animèrent Junon à la perte de Troie.

(66) Littéralement : « A la jeune fille lacédémonienne.  »

(67) Littéralement : « Vers le siège de mon bisaïeul Pélops. »

(68) Littéralement : « Si elle eût eu trois gorges pour mourir. »

(69) Le texte ajoute : « Ouvrage des architectes.  » C'est ici la corniche.

(70) Les rois accomplissaient eux-mêmes les cérémonies des sacrifices.

(71) Littéralement : « ORESTE. Tu es menteur. — MÉNÉLAS. Tu veux tuer ma fille ? — ORESTE. Tu ne mens plus. »

(72) La même pensée se retrouve dans l'HéIène d'Euripide, v. 38.

(73) Ville d'Arcadie.

(74) La colline d'Arès, ou de Mars.

(75) Castor el Pollux.