Eschyle traduit par Alexis Pierron

ESCHYLE

THEATRE.

LES SEPT CONTRE THÈBES. Αἰσχύλου Ἑπτὰ ἐπὶ Θήβας

Traduction française : M. PIERRON - Texte Grec : ed. Herbert Weir Smyth, Cambridge 1926.

Les Perses - Agamemnon

 

Attention : les répliques peuvent être attribuées à un personnage dans le texte grec et à un autre dans la traduction française. (Philippe Remacle)

 

 

LES SEPT CONTRE THEBES

 

TRAGÉDIE.

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ARGUMENT.

 

C'est le sujet plusieurs fois mis au théâtre sous des titres différents, et, par Racine, sons le titre des Frères ennemis. Seulement, dans Eschyle, le premier personnage, celui qui anime toute la tragédie, celui sur qui porte tout l'intérêt, c'est la ville de Thèbes. On ne voit Polynice que mort ; et Étéocle ne songe pas un instant à lui-même : pilote assis au timon, comme il le dit au commencement de la pièce, il répond de tous ceux qui sont sur le navire. Aucun des sept chefs coalisés ne paraît, si ce n'est dans le récit, qui vaut, du reste, une action. Les préparatifs d'un combat, une lamentation funèbre sur deux frères qui se sont percés l'un l'autre, voilà tous les événements de la tragédie. Mais ce qui la remplit d'un bout à l'autre, c'est la terreur et la pitié, ainsi que parlaient les anciens critiques ; c'est le destin de cette ville, que menacent l'incendie et le pillage; c'est surtout la vie, le souffle belliqueux. Eschyle s'en vante, et à bon droit, dans les Grenouilles d'Aristophane :

EURIPIDE.

Et comment donc faisais-tu des héros?

BACCHUS.

Parle, Eschyle, modère un peu ton orgueil farouche.

ESCHYLE.

Avec une tragédie toute remplie de l'esprit de Mars.

BACCHUS.

Laquelle?

ESCHYLE.

Les Sept contre Thèbes. Tous les spectateurs en sortaient avec la fureur de la guerre.

Il y a, dans le catalogue des pièces d'Eschyle, plusieurs titres qui prouvent que les Sept contre Thèbes n'étaient pas l'unique emprunt 106 fait par le poète à la légende de de la famille des Labdacides. De là on concluait naturellement que les Sept contre Thèbes avaient dû faire partie d'une trilogie tragique. On sait aujourd'hui d'une façon certaine qu'il en était ainsi.

L'argument de la pièce, dans le Mediceus, se termine en effet par les lignes suivantes : « Cette tragédie a été représentée sous l'Achontat de Théagénidès, dans la soixante-dix-huitième olympiade. Eschyle fut vainqueur, avec Laïus, Oedipe, les Sept contre Thèbes, le Sphinx, drame satyrique. Aristias fut le second, avec Persée, Tantale..., les Lutteurs, drame satyrique de Pratinas son père. Polyphradmon fut le troisième, avec la Lycurgie, tétralogie. » On trouvera cette didascalie alexandrine dans l'Eschyle de Weil ou dans celui de Dindorf. Ellle a été publiée pour la première fois par Franz, il y a une vingtaine d'années, et a mis fin à toutes les discussions dont la trilogie thébaine était l'objet entre les critiques. Je remarque en passant que pas un critique n'était parvenu à déterminer exactement quelles pièces faisaient partie de la trilogie, ni quelle place occupaient dans cet ensemble les Sept contre Thèbes. Je remarque aussi que le drame satyrique qui complétait la tétralogie n'était pas la continuation des événements retracés dans les Sept, et qu'il faisait rétrograder l'action jusqu'aux temps intermédiaires entre les deux premières tragédies. On verra quoique chose d'analogue, pour la tétralogie argienne, dont nous possédons la trilogie tragique l'Oréstie.

L'archontat de Théagénidès répond à l'an 407 avant notre ère. Eschyle, quand il remportait la victoire au théâtre avec la tétralogie thébaine, était âgé de cinquante-huit ans.

 

 

107 LES SEPT CONTRE THÈBES (01).

 

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PERSONNAGES.

ÉTÉOCLE, roi de Thèbes.

Soldats thébains.

UN ÉCLAIREUR.

CHŒUR de femmes et de filles thébaines

UN ENVOYÉ.

ISMÈNE, sœur d'Étéocle.

ANTIGONE, sœur d'Étéocle.

UN HÉRAUT.

La scène est dans la citadelle de Thèbes.

 

 

 

 Ἐτεοκλής

Κάδμου πολῖται, χρὴ λέγειν τὰ καίρια
ὅστις φυλάσσει πρᾶγος ἐν πρύμνῃ πόλεως
οἴακα νωμῶν, βλέφαρα μὴ κοιμῶν ὕπνῳ.
Εἰ μὲν γὰρ εὖ πράξαιμεν, αἰτία θεοῦ·
εἰ δ᾽ αὖθ᾽, ὃ μὴ γένοιτο, συμφορὰ τύχοι, 5
Ἐτεοκλέης ἂν εἷς πολὺς κατὰ πτόλιν
ὑμνοῖθ᾽ ὑπ᾽ ἀστῶν φροιμίοις πολυρρόθοις
οἰμώγμασίν θ᾽, ὧν Ζεὺς ἀλεξητήριος
ἐπώνυμος γένοιτο Καδμείων πόλει.
Ὑμᾶς δὲ χρὴ νῦν, καὶ τὸν ἐλλείποντ᾽ ἔτι 10
ἥβης ἀκμαίας καὶ τὸν ἔξηβον χρόνῳ,
βλαστημὸν ἀλδαίνοντα σώματος πολύν,
ὥραν τ᾽ ἔχονθ᾽ ἕκαστον ὥστε συμπρεπές,
πόλει τ᾽ ἀρήγειν καὶ θεῶν ἐγχωρίων
βωμοῖσι, τιμὰς μὴ ᾽ξαλειφθῆναί ποτε· 15
τέκνοις τε, Γῇ τε μητρί, φιλτάτῃ τροφῷ·
ἡ γὰρ νέους ἕρποντας εὐμενεῖ πέδῳ,
ἅπαντα πανδοκοῦσα παιδείας ὄτλον,
ἐθρέψατ᾽ οἰκητῆρας ἀσπιδηφόρους
πιστοὺς ὅπως γένοισθε πρὸς χρέος τόδε. 20
Καὶ νῦν μὲν ἐς τόδ᾽ ἦμαρ εὖ ῥέπει θεός·
χρόνον γὰρ ἤδη τόνδε πυργηρουμένοις
καλῶς τὰ πλείω πόλεμος ἐκ θεῶν κυρεῖ.
Νῦν δ᾽ ὡς ὁ μάντις φησίν, οἰωνῶν βοτήρ,
ἐν ὠσὶ νωμῶν καὶ φρεσίν, πυρὸς δίχα, 25
χρηστηρίους ὄρνιθας ἀψευδεῖ τέχνῃ·
οὗτος τοιῶνδε δεσπότης μαντευμάτων
λέγει μεγίστην προσβολὴν Ἀχαιίδα
νυκτηγορεῖσθαι κἀπιβουλεύσειν πόλει.
Ἀλλ᾽ ἔς τ᾽ ἐπάλξεις καὶ πύλας πυργωμάτων 30
ὁρμᾶσθε πάντες, σοῦσθε σὺν παντευχίᾳ,
πληροῦτε θωρακεῖα, κἀπὶ σέλμασιν
πύργων στάθητε, καὶ πυλῶν ἐπ᾽ ἐξόδοις
μίμνοντες εὖ θαρσεῖτε, μηδ᾽ ἐπηλύδων
ταρβεῖτ᾽ ἄγαν ὅμιλον· εὖ τελεῖ θεός. 35
Σκοποὺς δὲ κἀγὼ καὶ κατοπτῆρας στρατοῦ
ἔπεμψα, τοὺς πέποιθα μὴ ματᾶν ὁδῷ·
καὶ τῶνδ᾽ ἀκούσας οὔ τι μὴ ληφθῶ δόλῳ.

Ἄγγελος

Ἐτεόκλεες, φέριστε Καδμείων ἄναξ,
ἥκω σαφῆ τἀκεῖθεν ἐκ στρατοῦ φέρων, 40
αὐτὸς κατόπτης δ᾽ εἴμ᾽ ἐγὼ τῶν πραγμάτων·
ἄνδρες γὰρ ἑπτά, θούριοι λοχαγέται,
ταυροσφαγοῦντες ἐς μελάνδετον σάκος
καὶ θιγγάνοντες χερσὶ ταυρείου φόνου,
Ἄρη τ᾽, Ἐνυώ, καὶ φιλαίματον Φόβον 45
ὡρκωμότησαν ἢ πόλει κατασκαφὰς
θέντες λαπάξειν ἄστυ Καδμείων βίᾳ,
ἢ γῆν θανόντες τήνδε φυράσειν φόνῳ·
μνημεῖά θ᾽ αὑτῶν τοῖς τεκοῦσιν ἐς δόμους
πρὸς ἅρμ᾽ Ἀδράστου χερσὶν ἔστεφον, δάκρυ 50
λείβοντες· οἶκτος δ᾽ οὔτις ἦν διὰ στόμα.
Σιδηρόφρων γὰρ θυμὸς ἀνδρείᾳ φλέγων
ἔπνει, λεόντων ὡς Ἄρη δεδορκότων.
Καὶ τῶνδε πύστις οὐκ ὄκνῳ χρονίζεται·
κληρουμένους δ᾽ ἔλειπον, ὡς πάλῳ λαχὼν 55
ἕκαστος αὐτῶν πρὸς πύλας ἄγοι λόχον.
Πρὸς ταῦτ᾽ ἀρίστους ἄνδρας ἐκκρίτους πόλεως
πυλῶν ἐπ᾽ ἐξόδοισι τάγευσαι τάχος·
ἐγγὺς γὰρ ἤδη πάνοπλος Ἀργείων στρατὸς
χωρεῖ, κονίει, πεδία δ᾽ ἀργηστὴς ἀφρὸς 60
χραίνει σταλαγμοῖς ἱππικῶν ἐκ πλευμόνων.
Σὺ δ᾽ ὥστε ναὸς κεδνὸς οἰακοστρόφος
φράξαι πόλισμα, πρὶν καταιγίσαι πνοὰς
Ἄρεως· βοᾷ γὰρ κῦμα χερσαῖον στρατοῦ·
καὶ τῶνδε καιρὸν ὅστις ὤκιστος λαβέ· 65
κἀγὼ τὰ λοιπὰ πιστὸν ἡμεροσκόπον
ὀφθαλμὸν ἕξω, καὶ σαφηνείᾳ λόγου
εἰδὼς τὰ τῶν θύραθεν ἀβλαβὴς ἔσῃ.

Ἐτεοκλής

Ὦ Ζεῦ τε καὶ Γῆ καὶ πολισσοῦχοι θεοί,
Ἀρά τ᾽ Ἐρινὺς πατρὸς ἡ μεγασθενής, 70
μή μοι πόλιν γε πρυμνόθεν πανώλεθρον
ἐκθαμνίσητε δῃάλωτον, Ἑλλάδος
φθόγγον χέουσαν, καὶ δόμους ἐφεστίους·
ἐλευθέραν δὲ γῆν τε καὶ Κάδμου πόλιν
ζυγοῖσι δουλίοισι μήποτε σχεθεῖν· 75
γένεσθε δ᾽ ἀλκή· ξυνὰ δ᾽ ἐλπίζω λέγειν·
πόλις γὰρ εὖ πράσσουσα δαίμονας τίει.

ÉTÉOCLE.

Peuple de Cadmus (02), un prudent langage sied à l'homme qui veille sur la chose publique, assis à la poupe de l'État, la main sur le gouvernail, les yeux en garde contre le sommeil. Si nos armes sont heureuses, les dieux, direz-vous, ont tout conduit ; si nous sommes vaincus, et loin de nous ce malheur! Étéocle seul, dans la ville, sera en butte au blâme des citoyens, subira mille accusations retentissantes, mille tristes murmures. Puisse donc Jupiter préservateur être eu effet pour la 108 cité des Cadméens ce que présage un tel nom ! — Et vous, adolescents qui n'avez point encore atteint la jeunesse; et vous, hommes qui l'avez dépassée, et que l'âge a mûris déjà ; et vous dont le corps est en pleine sève, la vigueur en parfait épanouissement (03) : voici l'instant pour chacun de vous de faire son devoir, de déployer toute sa vaillance (04). Nous avons à défendre, à sauver la cité, les autels des dieux de la patrie et leurs honneurs menacés, et nos enfants, et cette terre, notre mère, notre tendre nourrice, celle qui porta tout le fardeau de notre enfance (5), depuis que, naissant à peine, nous rampions sur son sol favorable, et qui nous éleva pour être des habitants fidèles, de belliqueux défenseurs au jour de la nécessité. Jusqu'à présent le ciel penche pour nous. Depuis si longtemps assiégés, les dieux nous ont, le plus souvent, donné la victoire. Mais aujourd'hui, le devin a parlé: il dit, ce pâtre des oiseaux, lui dont l'oreille écoute, dont l'esprit comprend les augures prophétiques (6); lui qui n'a pas besoin du secours de la flamme (7), et que son art ne trompa jamais; lui enfin, ce maître du royaume des présages, il annonce que les Achéens ont résolu, la nuit dernière, l'assaut décisif, et que la ville a tout à craindre. Vous tous, courez aux 109 créneaux, aux portes des remparts ; prenez vos armes, revêtez vos cuirasses ; allez, et, fermes sur les plates- formes des tours, fermes aux avenues des portes, ne perdez rien de votre audace, ne tremblez pas en face de la multitude des assaillants : le ciel est pour nous! Quant à ce qui est de moi, j'ai dépêché des espions, des éclaireurs, vers l'armée des ennemis. Leur voyage, je l'espère, n'aura pas été inutile ; instruit par leurs rapports, je serai prêt contre toute surprise.

UN ÉCLAIREUR.

Étéocle, roi puissant des Cadméens, je viens t'apporter de sûres nouvelles : moi-même j'ai vu l'armée des ennemis, j'ai été témoin de leurs dispositions. Sept chefs, guerriers fougueux, immolent un taureau; le sang de la victime est reçu dans un noir bouclier ; tous y plongent la main, tous ils jurent par le dieu Mars, par Bellone, par la Terreur, amie du carnage, ou de renverser Thèbes, de saccager la ville des Cadméens, ou de périr, d'arroser cette terre de leur sang (8). Puis ils ont préparé les gages de souvenir qui, dans la patrie, les rappelleront à leurs pères, à leurs mères (9) : le char d'Adraste (10) en a été couvert par leurs mains. Alors ils versèrent des larmes, mais nulle pitié n'était dans leur bouche. Ces âmes de fer, ces cœurs enflammés par la rage, ne respiraient que la guerre : on eût dit des lions s'animant au combat. Je n'ai point perdu de temps ; je suis venu te donner un renseignement certain (11). Je les 110 ai laissés qui consultaient le sort, et qui déterminaient par cette loi vers quelle porte chacun d'eux ferait marcher ses guerriers. Choisis donc les soldats les plus braves; poste-les aux avenues de la ville. Hâte-toi, car déjà l'armée des Achéens ébranle sa masse entière : la poudre s'élève ; une blanche écume dégoutte de la bouche des coursiers et colore la plaine. Sois pour nous un prévoyant pilote ; mets la ville à l'abri avant que Mars ne souffle ses tempêtes ; déjà mugit, au pied de nos murailles, la terrestre vague de l'armée assaillante. Saisis promptement l'instant favorable pour la défense. Moi, pendant le reste du jour, je tiendrai fidèlement l'œil ouvert sur l'ennemi. Tu sauras, par d'exacts rapports, leurs mouvements dans la plaine, et tu seras à l'abri du danger.

ÉTÉOCLE.

Ô Jupiter, ô Terre, ô dieux qui protégez Thèbes, et toi, imprécation de mon père (12), Furie terrible ! épargnez, épargnez une ville qui parle la langue de Grèce ! Qu'ils ne s'écroulent pas sous les coups de l'ennemi vainqueur, ébranlés jusque dans leurs fondements, dispersés jusqu'à la dernière pierre, ces foyers domestiques qui vous sont consacrés! Que, libres à jamais, la terre et la ville de Cadmus ne subissent pas le joug de l'esclavage ! Soyez notre défense : nos intérêts, j'ose le croire, sont les vôtres; car c'est au jour de la prospérité qu'une ville honore les dieux.

  Χορός

Θρέομαι φοβερὰ μεγάλ᾽ ἄχη·
μεθεῖται στρατός· στρατόπεδον λιπὼν
ῥεῖ πολὺς ὅδε λεὼς πρόδρομος ἱππότας· 80
αἰθερία κόνις με πείθει φανεῖσ᾽,
ἄναυδος σαφὴς ἔτυμος ἄγγελος.
Ἔτι δὲ <γᾶς> ἐμᾶς πεδί᾽ ὁπλόκτυπ᾽ ὠ-
τὶ χρίμπτει βοάν· ποτᾶται, βρέμει δ᾽
ἀμαχέτου δίκαν ὕδατος ὀροτύπου. 85
Ἰὼ ἰὼ
ἰὼ θεοὶ θεαί τ᾽ ὀρόμενον κακὸν
βοᾷ τειχέων ὕπερ ἀλεύσατε.
Ὁ λεύκασπις ὄρνυται λαὸς εὐ-
τρεπὴς ἐπὶ πόλιν διώκων [πόδα]. 90
Τίς ἄρα ῥύσεται, τίς ἄρ᾽ ἐπαρκέσει
θεῶν ἢ θεᾶν;
πότερα δῆτ᾽ ἐγὼ <πάτρια> ποτιπέσω
βρέτη δαιμόνων; 95
ἰὼ μάκαρες εὔεδροι,
ἀκμάζει βρετέων ἔχεσθαι· τί μέλ-
λομεν ἀγάστονοι;
ἀκούετ᾽ ἢ οὐκ ἀκούετ᾽ ἀσπίδων κτύπον; 100
πέπλων καὶ στεφέων πότ᾽ εἰ μὴ νῦν ἀμ-
φὶ λιτάν᾽ ἕξομεν;
κτύπον δέδορκα· πάταγος οὐχ ἑνὸς δορός.
Τί ῥέξεις; προδώσεις, παλαίχθων
Ἄρης, τὰν τεάν; 105
ἰὼ χρυσοπήληξ δαῖμον ἔπιδ᾽ ἔπι-
δε πόλιν ἅν ποτ᾽ εὐφιλήταν ἔθου.
Θεοὶ πολιάοχοι πάντες ἴτε χθονὸς·
ἴδετε παρθένων 110
ἱκέσιον λόχον δουλοσύνας ὕπερ.
Κῦμα [γὰρ] περὶ πτόλιν δοχμολόφων ἀνδρῶν
καχλάζει πνοαῖς Ἄρεος ὀρόμενον. 115
Ἀλλ᾽, ὦ Ζεῦ <> πάτερ παντελές,
πάντως ἄρηξον δαΐων ἅλωσιν.
Ἀργέιοι δὲ πόλισμα Κάδμου 120
κυκλοῦνται· φόβος δ᾽ ἀρῄων ὅπλων
[δονεῖ], διὰ δέ τοι γενύων ἱππίων
κινύρονται φόνον χαλινοί.
Ἑπτὰ δ᾽ ἀγάνορες πρέποντες στρατοῦ
δορυσσοῖς σαγαῖς πύλαις ἑβδόμαις 125
*
προσίστανται πάλῳ λαχόντες. 127
Σύ τ᾽, ὦ Διογενὲς φιλόμαχον κράτος,
ῥυσίπολις γενοῦ,
Παλλάς, ὅ θ᾽ ἵππιος ποντομέδων ἄναξ 130
ἰχθυβόλῳ Ποσειδάων μαχανᾷ,
ἐπίλυσιν φόβων, ἐπίλυσιν δίδου.
Σύ τ᾽, Ἄρης, φεῦ, φεῦ, πόλιν ἐπώνυμον 135
Κάδμου φύλαξον κήδεσαί τ᾽ ἐναργῶς.
Καὶ Κύπρις, ἅτ᾽ εἶ γένους προμάτωρ, 140
ἄλευσον· σέθεν γὰρ ἐξ αἵματος
γεγόναμεν· λιταῖσί σε θεοκλύτοις
ἀυτοῦσαι πελαζόμεσθα.
Καὶ σύ, Λύκει᾽ ἄναξ, Λύκειος γενοῦ 145
στρατῷ δαΐῳ στόνων ἀντίτας.
Σύ τ᾽, ὦ Λατογένει-
α κούρα, τόξον εὐτυκάζου [Ἄρτεμι φίλα].
Ἒ ἒ ἒ ἔ,
ὄτοβον ἁρμάτων ἀμφὶ πόλιν κλύω· 150
ὦ πότνι᾽ Ἥρα.
Ἔλακον ἀξόνων βριθομένων χνόαι.
Ἄρτεμι φίλα, ἒ ἒ ἒ ἔ,
δοριτίνακτος αἰθὴρ δ᾽ ἐπιμαίνεται. 155
Τί πόλις ἄμμι πάσχει, τί γενήσεται;
ποῖ δ᾽ ἔτι τέλος ἐπάγει θεός;
Ἒ ἒ ἒ ἔ,
ἀκροβόλων δ᾽ ἐπάλξεων λιθὰς ἔρχεται· 158b
ὦ φίλ᾽ Ἄπολλον·
κόναβος ἐν πύλαις χαλκοδέτων σακέων, 160
παῖ Διός, ὅθεν
πολεμόκραντον ἁγνὸν τέλος ἐν μάχᾳ.
Σύ τε, μάκαιρ᾽ ἄνασσ᾽ Ὄγκα, πρὸ πόλεως
ἑπτάπυλον ἕδος ἐπιρρύου. 165
Ἰὼ παναρκεῖς θεοί,
ἰὼ τέλειοι τέλειαί τε γᾶς
τᾶσδε πυργοφύλακες,
πόλιν δορίπονον μὴ προδῶθ᾽
ἑτεροφώνῳ στρατῷ. 170
Κλύετε παρθένων κλύετε πανδίκως
χειροτόνους λιτάς.
Ἰὼ φίλοι δαίμονες,
λυτήριοί <τ᾽> ἀμφιβάντες πόλιν, 175
δείξαθ᾽ ὡς φιλοπόλεις,
μέλεσθέ θ᾽ ἱερῶν δημίων,
μελόμενοι δ᾽ ἀρήξατε·
φιλοθύτων δέ τοι πόλεος ὀργίων
μνήστορες ἐστέ μοι. 180

LE CHŒUR, seul (13).

Quelles angoisses funestes, inexprimables, me font 111 pousser le cri des douleurs! L'armée ennemie a quitté son camp, elle s'approche : voilà les cavaliers, escadron innombrable, qui s'élancent en avant. Je le devine à cette poussière qui s'élève, muette, mais visible, mais fidèle messagère. Le retentissement du pas des chevaux ébranle la plaine ; tout s'éveille au loin ; j'entends le bruit affreux qui marche vers nous, qui vole : c'est le mugissement du torrent indomptable tombant avec fracas du sommet des monts. Hélas ! hélas ! ô dieux ! ô déesses ! écartez ce pressant malheur. Préparés pour l'assaut des murailles, couverts de leurs blancs boucliers, la menace à la bouche, les soldats s'élancent en bon ordre, poussant droit à la ville. Oh ! qui nous sauvera ? Quel dieu, quelle déesse viendra nous secourir? Devant quelles images saintes me prosterner (14) ! O divinités immortelles ! ô divinités adorées dans Thèbes ! — L'instant presse : embrassons les statues des dieux. Que tardons- nous, troupe éplorée ? Entendez-vous, entendez-vous le choc retentissant des boucliers? C'est aujourd'hui qu'il faut des voiles sacrés, des couronnes, des prières ; aujourd'hui, ou jamais. Je l'entends, ce bruit : ah ! le cliquetis de mille lances ! — Que feras-tu, ô Mars! ô notre antique espoir ? trahiras-tu le pays qui t'est sacré ? Dieu au casque d'or, jette, ah ! jette les yeux sur ta ville, qui te fut si chère autrefois ! —Et vous, dieux protecteurs de la contrée, accourez, accourez tous ! contemplez des vierges, foule suppliante, et détournez d'elles l'esclavage! Autour de la ville bouillonne la vague des guerriers au panache ondoyant, soulevée par le souffle de Mars. — Ô Jupiter, père tout-puissant ! sauve-nous des mains de l'ennemi ! car les Argiens ont enveloppé la ville de Cad- 112 mus : les armes des guerriers reluisent épouvantables; les freins qui enchaînent la bouche des chevaux résonnent d'un bruit de mort! Les sept chefs de l'armée apparaissent, la lance à la main, le bouclier en avant, debout en face des sept portes, chacun au lieu fixé par le sort. — Et toi, fille de Jupiter, reine des combats, deviens, ô Pallas ! deviens la sauvegarde de notre ville. — Et toi qui fis naître le coursier, Neptune, souverain des mers, agite pour nous ce trident redouté des poissons ; viens, ah! viens calmer nos terreurs. — Et toi, Mars, — hélas ! hélas! — veille sur la ville qui porte le nom de Cadmus ; montre-toi pour elle un dévoué protecteur. — Et toi, la première mère de notre race, Cypris (15), viens à notre aide : nous sommes nées de ton sang ; nous sommes à tes pieds ; nos voix crient vers toi, en religieuses et ferventes prières. — Et toi, dieu puissant, dieu destructeur des loups (16), sois le destructeur de l'ennemi : exauce mes vœux plaintifs! — Et toi, fille de Latone, prépare ton arc pour bien frapper, ô favorable Diane ! — Ah ! ah ! j'entends, autour de la ville, le roulement retentissant des chars. Auguste Junon ! — Pressé par le poids de sa charge, l'essieu grince dans le moyeu de la roue. Ô favorable Diane! —Ah! ah! l'air frémit agité par les lances ! Ô ma patrie ! que vas- tu souffrir? que deviendras-tu? quel sort te réservent les dieux ? — Ah ! ah ! une grêle de pierres fond sur nos créneaux (17), assaillis par les frondeurs ! Ô favorable 113 Apollon ! — Le choc des boucliers d'airain retentit aux portes; Jupiter (18) a donné le signal sacré du combat! —  Ô toi dont la demeure est hors des murs, Oncée (19), reine des batailles, défends la ville aux sept portes!

Ô divinités toutes-puissantes , ô dieux, ô déesses, qui protégez les tours de ma patrie ! ne livrez point à cette armée, qui parle une autre langue (20), Thèbes abattue sous l'effort des guerriers. Exaucez-nous, nos vœux sont justes ! exaucez des vierges suppliantes.

Ô divinités amies! défendez, sauvez notre ville; montrez que vous aimez Thèbes. Veillez sur vos autels thébains ; veillez sur eux, défendez-les ; soutenez-vous des fêtes pompeuses que la ville célèbre par tant de sacrifices.

  Ἐτεοκλής

Ὑμᾶς ἐρωτῶ, θρέμματ᾽ οὐκ ἀνασχετά,
ἦ ταῦτ᾽ ἄριστα καὶ πόλει σωτήρια,
στρατῷ τε θάρσος τῷδε πυργηρουμένῳ,
βρέτη πεσούσας πρὸς πολισσούχων θεῶν 185
αὔειν, λακάζειν, σωφρόνων μισήματα;
μήτ᾽ ἐν κακοῖσι μήτ᾽ ἐν εὐεστοῖ φίλῃ
ξύνοικος εἴην τῷ γυναικείῳ γένει.
Κρατοῦσα μὲν γὰρ οὐχ ὁμιλητὸν θράσος,
δείσασα δ᾽ οἴκῳ καὶ πόλει πλέον κακόν. 190
Καὶ νῦν πολίταις τάσδε διαδρόμους φυγὰς
θεῖσαι διερροθήσατ᾽ ἄψυχον κάκην·
τὰ τῶν θύραθεν δ᾽ ὡς ἄριστ᾽ ὀφέλλεται,
αὐτοὶ δ᾽ ὑπ᾽ αὐτῶν ἔνδοθεν πορθούμεθα.
Τοιαῦτά τἂν γυναιξὶ συνναίων ἔχοις. 195
Κεἰ μή τις ἀρχῆς τῆς ἐμῆς ἀκούσεται,
ἀνὴρ γυνή τε χὤ τι τῶν μεταίχμιον,
ψῆφος κατ᾽ αὐτῶν ὀλεθρία βουλεύσεται,
λευστῆρα δήμου δ᾽ οὔ τι μὴ φύγῃ μόρον.
Μέλει γὰρ ἀνδρί, μὴ γυνὴ βουλευέτω, 200
τἄξωθεν· ἔνδον δ᾽ οὖσα μὴ βλάβην τίθει.
Ἤκουσας ἢ οὐκ ἤκουσας, ἢ κωφῇ λέγω;

Χορός

Ὦ φίλον Οἰδίπου τέκος, ἔδεισ᾽ ἀκού-
σασα τὸν ἁρματόκτυπον ὄτοβον ὄτοβον,
ὅτε τε σύριγγες ἔκλαγξαν ἑλίτροχοι, 205
ἱππικῶν τ᾽ ἀπύαν πηδαλίων διὰ στόμα
πυριγενετᾶν χαλινῶν.

Ἐτεοκλής

Τί οὖν; Ὁ ναύτης ἆρα μὴ ᾽ς πρῷραν φυγὼν
πρύμνηθεν ηὗρε μηχανὴν σωτηρίας,
νεὼς καμούσης ποντίῳ πρὸς κύματι ; 210

Χορός

Ἀλλ᾽ ἐπὶ δαιμόνων πρόδρομος ἦλθον ἀρ-
χαῖα βρέτη, θεοῖσι πίσυνος, νιφάδος
ὅτ᾽ ὀλοᾶς νειφομένας βρόμος ἐν πύλαις·
δὴ τότ᾽ ἤρθην φόβῳ πρὸς μακάρων λιτάς, πόλεως
ἵν᾽ ὑπερέχοιεν ἀλκάν. 215

Ἐτεοκλής

Πύργον στέγειν εὔχεσθε πολέμιον δόρυ.
οὐκοῦν τάδ᾽ ἔσται πρὸς θεῶν· ἀλλ᾽ οὖν θεοὺς
τοὺς τῆς ἁλούσης πόλεος ἐκλείπειν λόγος.

Χορός

Μήποτ᾽ ἐμὸν κατ᾽ αἰῶνα λίποι θεῶν
ἅδε πανάγυρις, μηδ᾽ ἐπίδοιμι τάνδ᾽ 220
ἀστυδρομουμέναν πόλιν καὶ στράτευμ᾽
ἁπτόμενον πυρὶ δαΐῳ.

Ἐτεοκλής

Μή μοι θεοὺς καλοῦσα βουλεύου κακῶς·
πειθαρχία γάρ ἐστι τῆς εὐπραξίας
μήτηρ, γυνὴ σωτῆρος· ὧδ᾽ ἔχει λόγος. 225

Χορός

Ἔστι· θεοῦ δ᾽ ἔτ᾽ ἰσχὺς καθυπερτέρα·
πολλάκι δ᾽ ἐν κακοῖσι τὸν ἀμάχανον
κἀκ χαλεπᾶς δύας ὕπερθ᾽ ὀμμάτων
κρημναμενᾶν νεφελᾶν ὀρθοῖ.

Ἐτεοκλής

Ἀνδρῶν τάδ᾽ ἐστί, σφάγια καὶ χρηστήρια 230
θεοῖσιν ἕρδειν πολεμίων πειρωμένους ·
σὸν δ᾽ αὖ τὸ σιγᾶν καὶ μένειν εἴσω δόμων.

Χορός

Διὰ θεῶν πόλιν νεμόμεθ᾽ ἀδάματον,
δυσμενέων δ᾽ ὄχλον πύργος ἀποστέγει.
τίς τάδε νέμεσις στυγεῖ; 235

Ἐτεοκλής

Οὔτοι φθονῶ σοι δαιμόνων τιμᾶν γένος·
ἀλλ᾽ ὡς πολίτας μὴ κακοσπλάγχνους τιθῇς,
εὔκηλος ἴσθι μηδ᾽ ἄγαν ὑπερφοβοῦ.

Χορός

Ποτίφατον κλύουσα πάταγον ἀνάμιγα
ταρβοσύνῳ φόβῳ τάνδ᾽ ἐς ἀκρόπτολιν, 240
τίμιον ἕδος, ἱκόμαν.

Ἐτεοκλής

Μή νυν, ἐὰν θνῄσκοντας ἢ τετρωμένους
πύθησθε, κωκυτοῖσιν ἁρπαλίζετε.
Τούτῳ γὰρ Ἄρης βόσκεται, φόνῳ βροτῶν.

Χορός

Καὶ μὴν ἀκούω γ᾽ ἱππικῶν φρυαγμάτων. 245

Ἐτεοκλής

Μή νυν ἀκούουσ᾽ ἐμφανῶς ἄκου᾽ ἄγαν.

Χορός

Στένει πόλισμα γῆθεν, ὡς κυκλουμένων.

Ἐτεοκλής

Οὐκοῦν ἔμ᾽ ἀρκεῖ τῶνδε βουλεύειν πέρι.

Χορός

Δέδοικ᾽, ἀραγμὸς δ᾽ ἐν πύλαις ὀφέλλεται.

Ἐτεοκλής

Οὐ σῖγα μηδὲν τῶνδ᾽ ἐρεῖς κατὰ πτόλιν; 250

Χορός

Ὦ ξυντέλεια, μὴ προδῷς πυργώματα.

Ἐτεοκλής

Οὐκ ἐς φθόρον σιγῶσ᾽ ἀνασχήσῃ τάδε;

Χορός

Θεοὶ πολῖται, μή με δουλείας τυχεῖν.

Ἐτεοκλής

Αὐτὴ σὺ δουλοῖς κἀμὲ καὶ πᾶσαν πόλιν.

Χορός

Ὦ παγκρατὲς Ζεῦ, τρέψον εἰς ἐχθροὺς βέλος. 255

Ἐτεοκλής

Ὦ Ζεῦ, γυναικῶν οἷον ὤπασας γένος.

Χορός

Μοχθηρόν, ὥσπερ ἄνδρας ὧν ἁλῷ πόλις.

Ἐτεοκλής

Παλινστομεῖς αὖ θιγγάνουσ᾽ ἀγαλμάτων;

Χορός

Ἀψυχίᾳ γὰρ γλῶσσαν ἁρπάζει φόβος.

Ἐτεοκλής

Αἰτουμένῳ μοι κοῦφον εἰ δοίης τέλος. 260

Χορός

Λέγοις ἂν ὡς τάχιστα, καὶ τάχ᾽ εἴσομαι.

Ἐτεοκλής

Σίγησον, ὦ τάλαινα, μὴ φίλους φόβει.

Χορός

Σιγῶ· σὺν ἄλλοις πείσομαι τὸ μόρσιμον.

ÉTÉOCLE.

Je vous le demande, insupportable bétail, est-ce là le moyen de bien servir, de sauver Thèbes, de donner plus de confiance à nos soldats assiégés ? Quoi ! tomber devant les images de nos dieux tutélaires, pousser des cris, des plaintes tumultueuses! Sexe détesté du sage! Oh ! que jamais, ni dans mon infortune ni au jour de ma prospérité, femme n'habite sous mon toit. Intolérable par son orgueil après la victoire, la femme, quand elle craint encore, est une peste fatale et à sa famille et à son pays. Cette agitation, ce désordre, en un pareil moment, c'en est assez pour ôter au cœur des citoyens 114 toute vie, tout courage. Vous servez à merveille les intérêts de nos ennemis ! C'est nous-mêmes qui, dans ces murs, travaillons à notre ruine ; et voilà ce qu'on gagne à vivre près des femmes (21) ! Le premier qui n'obéira pas à mes ordres, homme ou femme, quel qu'il soit enfin (22), l'arrêt de mort sera porté contre lui : il sera lapidé par le peuple ; rien ne le saurait garantir contre son destin. L'homme doit garder que la femme ne se mêle des choses du dehors : elle, sa place est près du foyer ; là, elle ne peut nuire. Entends-tu mes paroles? les entends- tu ? Es-tu sourde, dis-moi ?

LE CHŒUR.

Ô cher enfant d'Oedipe ! j'ai été saisie d'effroi en entendant ce fracas, le fracas des chars qui roulent, ces moyeux qui tournent et crient, et ces chaînes de frein forgées au feu, qui pendent, secouées sans cesse, de la bouche des coursiers..

ÉTÉOCLE.

Quoi donc ! est-ce en fuyant de la poupe à la proue que le nocher trouve moyen de sauver sa vie, alors que le vaisseau est battu par la tempête des mers ?

LE CHŒUR.

J'ai couru me jeter au pied de ces antiques statues des immortels, pleine de confiance que j'étais dans les 115 dieux. Aux portes retentissait le funeste bruissement des traits, pressés comme les flocons de la neige qui tombe : alors la terreur m'a entraînée, j'ai adressé aux immortels mes humbles prières, j'ai imploré pour Thèbes le secours de leur bras.

ÉTÉOCLE.

Vous priez les dieux de protéger ces murs contre la lance des ennemis !

LE CHŒUR.

Oui ; n'est - ce pas des dieux que dépend notre salut?

ÉTÉOCLE.

Mais on dit aussi qu'une ville prise, ses dieux l'abandonnent.

LE CHŒUR.

Ah ! puissent les dieux dont les images m'environnent ne jamais nous quitter, moi vivante ! Puissé-je ne voir jamais Thèbes livrée à l'assaut, et l'ennemi s'élancer sur elle la flamme dévorante à la main (23).

ÉTÉOCLE.

Pour invoquer les dieux, ne va pas nous perdre. Femme ! l'obéissance aux ordres du chef est la mère du succès qui sauve. Tel est le proverbe (24).

LE CHŒUR.

Oui ; mais la puissance des dieux est plus efficace encore : souvent elle guérit des maux sans ressource; 116 souvent elle dissipe le nuage de larmes amères qui charge les yeux de l'infortuné.

ÉTÉOCLE.

Immoler des victimes aux dieux, interroger leurs oracles, à l'attaque des ennemis, c'est l'affaire des hommes : ton devoir à toi, c'est de te taire et de rester à ton foyer.

LE CHŒUR.

Notre ville est demeurée invaincue, et nos tours résistent à l'effort des ennemis ; nous le devons à l'appui des dieux : peut-on blâmer notre reconnaissance ?

ÉTÉOCLE.

Honore, j'y consens, la race des immortels ; mais ne jette pas le découragement dans le cœur des soldats : reste donc en repos, et calme des frayeurs exagérées.

LE CHŒUR.

Un soudain tumulte avait retenti: craintive, tremblante, je suis accourue dans cette acropole, auguste enceinte où siègent les dieux (25).

ÉTÉOCLE.

N'allez pas maintenant, si l'on vous dit qu'il y a des morts, des blessés, n'allez pas vous mettre à pousser des lamentations : ce carnage (26), c'est la pâture de Mars.

LE CHŒUR.

J'entends le hennissement des chevaux.

ÉTÉOCLE.

Tu l'entends ? eh bien, ferme l'oreille:

117 LE CHŒUR.

Les remparts gémissent jusque dans leurs fondements; l'ennemi enveloppe la ville.

ÉTÉOCLE.

Que t'importe ? c'est à moi d'y pourvoir.

LE CHŒUR.

Je tremble ; le bruit redouble aux portes.

ÉTÉOCLE.

Tais-toi ! que pas un cri de détresse ne retentisse dans Thèbes !

LE CHŒUR.

Ô suprême conseil des dieux (27) n'abandonnez point ces remparts !

ÉTÉOCLE.

Malheureuse! ne peux-tu souffrir sans parler?

LE CHŒUR.

Dieux de mon pays, préservez-moi de l'esclavage !

ÉTÉOCLE.

Tu nous y plonges, dans l'esclavage, et toi-même, et la ville entière (28).

LE CHŒUR.

Ô tout-puissant Jupiter, tourne tes traits contre les ennemis !

ÉTÉOCLE.

Ô Jupiter, le triste présent que tu nous as fait ! Les femmes, quelle engeance !

LE CHŒUR.

A plaindre, comme les hommes, quand la ville est prise.

118 ÉTÉOCLE.

Tu murmures encore, les mains pourtant collées à ces statues ?

LE CHŒUR.

Tremblante, demi-morte, le trouble égare ma langue.

ÉTÉOCLE.

Accorde-moi donc, je te prie, une grâce légère.

LE CHŒUR.

Quelle grâce? dis vite, et je saurai vite.

ÉTÉOCLE.

Eh bien, garde le silence, ô infortunée ! n'effraye pas tes défenseurs.

LE CHŒUR.

Je me tais. Je subirai avec Thèbes l'arrêt du Destin.

 Ἐτεοκλής

Τοῦτ᾽ ἀντ᾽ ἐκείνων τοὔπος αἱροῦμαι σέθεν.
Καὶ πρός γε τούτοις, ἐκτὸς οὖσ᾽ ἀγαλμάτων, 265
εὔχου τὰ κρείσσω, ξυμμάχους εἶναι θεούς·
κἀμῶν ἀκούσασ᾽ εὐγμάτων, ἔπειτα σὺ
ὀλολυγμὸν ἱερὸν εὐμενῆ παιώνισον,
Ἑλληνικὸν νόμισμα θυστάδος βοῆς,
θάρσος φίλοις, λύουσα πολέμιον φόβον. 270
Ἐγὼ δὲ χώρας τοῖς πολισσούχοις θεοῖς,
πεδιονόμοις τε κἀγορᾶς ἐπισκόποις,
Δίρκης τε πηγαῖς, ὕδατί τ᾽ Ἰσμηνοῦ λέγω
εὖ ξυντυχόντων καὶ πόλεως σεσωμένης,
μήλοισιν αἱμάσσοντας ἑστίας θεῶν, 275
[ταυροκτονοῦντας θεοῖσιν, ὧδ᾽ ἐπεύχομαι]
θύσειν τροπαῖα, δαΐων δ᾽ ἐσθήματα,
στέψω λάφυρα δουρίπληχθ᾽ ἁγνοῖς δόμοις.
[Στέψω πρὸ ναῶν, πολεμίων δ᾽ ἐσθήματα.]
Τοιαῦτ᾽ ἐπεύχου μὴ φιλοστόνως θεοῖς, 280
μηδ᾽ ἐν ματαίοις κἀγρίοις ποιφύγμασιν·
οὐ γάρ τι μᾶλλον μὴ φύγῃς τὸ μόρσιμον.
Ἐγὼ δέ γ᾽ ἄνδρας ἓξ ἐμοὶ σὺν ἑβδόμῳ
ἀντηρέτας ἐχθροῖσι τὸν μέγαν τρόπον
εἰς ἑπτατειχεῖς ἐξόδους τάξω μολών, 285
πρὶν ἀγγέλους σπερχνούς τε καὶ ταχυρρόθους
λόγους ἱκέσθαι καὶ φλέγειν χρείας ὕπο.

Χορός

Μέλει, φόβῳ δ᾽ οὐχ ὑπνώσσει κέαρ·
γείτονες δὲ καρδίας
μέριμναι ζωπυροῦσι τάρβος 290
τὸν ἀμφιτειχῆ λεών,
δράκοντας ὥς τις τέκνων
ὑπερδέδοικεν λεχαίων δυσευνάτορας
πάντρομος πελειάς.
Τοὶ μὲν γὰρ ποτὶ πύργους 295
πανδαμεὶ πανομιλεὶ
στείχουσιν. Τί γένωμαι;
τοὶ δ᾽ ἐπ᾽ ἀμφιβόλοισιν
ἰάπτουσι πολίταις
χερμάδ᾽ ὀκριόεσσαν. 300
Παντὶ τρόπῳ, Διογενεῖς
θεοί, πόλιν καὶ στρατὸν
Καδμογενῆ ῥύεσθε.

Ποῖον δ᾽ ἀμείψεσθε γαίας πέδον
τᾶσδ᾽ ἄρειον, ἐχθροῖς 305
ἀφέντες τὰν βαθύχθον᾽ αἶαν,
ὕδωρ τε Διρκαῖον, εὐ-
τραφέστατον πωμάτων
ὅσων ἵησιν Ποσει-
δᾶν ὁ γαιάοχος 310
Τηθύος τε παῖδες.
Πρὸς τάδ᾽, ὦ πολιοῦχοι
θεοί, τοῖσι μὲν ἔξω
πύργων ἀνδρολέτειραν
κῆρα, ῥίψοπλον ἄταν, 315
ἐμβαλόντες ἄροισθε
κῦδος τοῖσδε πολίταις.
Καὶ πόλεως ῥύτορες <ἔστ᾽>
εὔεδροί τε στάθητ᾽
ὀξυγόοις λιταῖσιν. 320


Οἰκτρὸν γὰρ πόλιν ὧδ᾽ ὠγυγίαν
Ἀίδᾳ προϊάψαι, δορὸς ἄγραν
δουλίαν ψαφαρᾷ σποδῷ
ὑπ᾽ ἀνδρὸς Ἀχαιοῦ θεόθεν
περθομέναν ἀτίμως, 325
τὰς δὲ κεχειρωμένας ἄγεσθαι,
ἒ ἔ, νέας τε καὶ παλαιὰς
ἱππηδὸν πλοκάμων, περιρ-
ρηγνυμένων φαρέων. βοᾷ
Δ᾽ ἐκκενουμένα πόλις, 330
λαΐδος ὀλλυμένας μιξοθρόου·
βαρείας τοι τύχας προταρβῶ.
Κλαυτὸν δ᾽ ἀρτιτρόποις ὠμοδρόποις
νομίμων προπάροιθεν διαμεῖψαι
δωμάτων στυγερὰν ὁδόν· 335
τί; Τὸν φθίμενον γὰρ προλέγω
βέλτερα τῶνδε πράσσειν·
πολλὰ γάρ, εὖτε πτόλις δαμασθῇ,
ἒ ἔ, δυστυχῆ τε πράσσει.
Ἄλλος δ᾽ ἄλλον ἄγει, φονεύ- 340
ει, τὰ δὲ πυρφορεῖ· καπνῷ
[δὲ] χραίνεται πόλισμ᾽ ἅπαν·
μαινόμενος δ᾽ ἐπιπνεῖ λαοδάμας
μιαίνων εὐσέβειαν Ἄρης.
Κορκορυγαὶ δ᾽ ἀν᾽ ἄστυ, προτὶ [πτόλιν] 345
δ᾽ ὁρκάνα
πυργῶτις· πρὸς ἀνδρὸς δ᾽ ἀνὴρ
<ἀμφὶ> δορὶ κλίνεται·
βλαχαὶ δ᾽ αἱματόεσσαι
τῶν ἐπιμαστιδίων
ἀρτιτρεφεῖς βρέμονται. 350
Ἁρπαγαὶ δὲ διαδρομᾶν ὁμαίμονες·
ξυμβολεῖ φέρων φέροντι,
καὶ κενὸς κενὸν καλεῖ,
ξύννομον θέλων ἔχειν,
οὔτε μεῖον οὔτ᾽ ἴσον λελιμμένοι. 355
Τἀκ τῶνδ᾽ εἰκάσαι λόγος πάρα.


Παντοδαπὸς δὲ καρπὸς χαμάδις πεσὼν
ἀλγύνει κυρήσας· πικρὸν δ᾽
ὄμμα θαλαμηπόλων·
πολλὰ δ᾽ ἀκριτόφυρτος 360
γᾶς δόσις οὐτιδανοῖς
ἐν ῥοθίοις φορεῖται.
Δμωίδες δὲ καινοπήμονες νέαι·
τλάμον᾽ εὐνὰν αἰχμάλωτον
ἀνδρὸς εὐτυχοῦντος ὣς 365
δυσμενοῦς ὑπερτέρου
ἐλπίς ἐστι νύκτερον τέλος μολεῖν,
παγκλαύτων ἀλγέων ἐπίρροθον.

ÉTÉOCLE.

Je préfère ce langage à tes paroles d'il y a un instant. Arrache-toi donc aussi de ces statues ; cesse tes lamentations ; ne demande aux dieux que leur assistance (29). Écoute les vœux que je vais faire : réponds-y par un chant sacré, mais plein d'espérance, de présages heureux; par ce chant qui, chez les Grecs, accompagne toujours les sacrifices, et qui ranime le soldat, et qui fait fuir la peur de l'ennemi. — Je vous jure, dieux protecteurs de mon pays, et vous qui veillez sur nos plaines, et vous gardiens de Thèbes, vous aussi sources de Dircé (30), et vous sources de l'Isménus (31) ; je jure, si nos armes sont 119 heureuses, si Thèbes est sauvée, d'arroser vos foyers du sang des brebis, d'immoler pour vous une hécatombe; je jure de dresser des trophées, de consacrer dans vos demeures saintes les armes de l'ennemi, les dépouilles conquises par la victoire, d'en décorer vos parvis (32).—Tels sont les vœux que tu peux aussi former dans tes prières aux dieux; mais point de gémissements, point de lamentations vaines et sauvages. Tu n'y gagnerais rien : la destinée est inévitable. Cependant, moi septième, avec six guerriers valeureux adversaires des ennemis, je cours défendre les sept portes de nos remparts : n'attendons pas l'arrivée des messagers empressés, l'assaut bruyant des on-dit; n'attendons pas que le danger nous presse, que le tumulte soit dans tout son feu.

LE CHŒUR seul.

J'obéis; mais la terreur ne s'endort pas dans mon âme. L'anxiété habite mon sein et rend ma frayeur plus vive : je frémis à l'idée de cet ennemi qui enveloppe nos murs. Ainsi la colombe nourricière s'inquiète dans son nid, saisie de crainte pour sa couvée, à l'aspect du dragon. Je les vois qui marchent droit à nos tours ; bataillons innombrables, serrés en masse compacte : oh ! que vais-je devenir? Une grêle de pierres fond de toutes parts sur nos soldats, et les frappe de coups meurtriers! Accourez, dieux fils de Jupiter ! par tout moyen sauvez la ville, sauvez le peuple de Cadmus !

Quelle contrée iriez-vous habiter, plus belle que notre contrée? Ah! n'abandonnez pas à des ennemis cette terre aux moissons fécondes, et l'eau de Dircé, la plus bienfaisante des sources qu'épanchent et Neptune, le dieu dont l'empire enveloppe la terre, et les enfants de 120 Téthys (33). A ceux qui assiègent nos remparts, ô dieux tutélaires, envoyez l'effroi, l'effroi mortel pour le guerrier, l'effroi qui fait jeter les armes! Donnez la victoire aux Thébains (34), soyez les sauveurs de Thèbes! Restez à jamais parmi nous! exaucez mes plaintives prières!

Ô désespoir ! Thèbes, l'antique (35) cité, serait effacée du monde! Jouet d'un vainqueur, livrée en proie à la lance, ignominieusement saccagée, les hommes d'Achaïe n'y laisseraient pas pierre sur pierre (36)! ils en feraient un monceau de cendres ! Et nous, les mains enchaînées, les cheveux épars, les vêtements déchirés, — ces vierges, ces mères, grands dieux! —on nous emmènerait comme un troupeau de cavales, et dans la ville dépeuplée retentiraient les cris, les lamentations des mourantes captives! Ah! quelle affreuse destinée! A cette image, je me sens saisie d'horreur.

De jeunes vierges, déplorable misère ! avant d'avoir cueilli les chastes plaisirs de l'hymen, quitter le toit paternel, commencer l'odieux voyage de l'exil! Ah ! la mort est moins cruelle qu'une telle calamité. Hélas! hélas! c'est mille supplices qu'elle endure, une ville qu'on vient d'emporter d'assaut. Partout la violence, le carnage, l'incendie; partout des tourbillons de fumée 121 obscurcissant le jour. Mars furieux souffle la destruction; rien n'est sacré pour sa main cruelle.

La ville résonne d'affreux rugissements; un mur hérissé, impénétrable, enveloppe les vaincus. Le guerrier tombe, égorgé par le fer du guerrier. On entend retentir les vagissements des enfants nouveau-nés, tués sur la mamelle sanglante. Puis, c'est le pillage, frère du massacre. Des soldats se heurtent dans les rues, pliant sous le faix; ceux qui n'ont rien encore s'excitent l'un l'autre : chacun veut sa part au butin ; nul ne prétend rien céder; tous brûlent d'avoir la portion la plus grande. Ce qui se passe alors, comment le dépeindre?

Des fruits de toute espèce jonchent le sol, affligeant spectacle! et l'œil des ménagères se remplit de cuisantes larmes. Confondus au hasard, tous les dons de la terre roulent entraînés dans la fange des ruisseaux. Des jeunes filles qui n'avaient jamais connu la souffrance iront, esclaves infortunées, obéissantes, partager la couche d'un soldat heureux, d'un ennemi triomphant. Pour elles il n'est plus qu'une espérance, la mort, qui doit les engloutir dans sa nuit; la mort, qui mettra fin à leurs lamentables douleurs (37)!

  Ἡμιχόριον Α

Ὅ τοι κατόπτης, ὡς ἐμοὶ δοκεῖ, στρατοῦ
πευθώ τιν᾽ ἡμῖν, ὦ φίλαι, νέαν φέρει, 370
σπουδῇ διώκων πομπίμους χνόας ποδῶν.

Ἡμιχόριον Β

Καὶ μὴν ἄναξ ὅδ᾽ αὐτὸς Οἰδίπου τόκος
εἰς ἀρτίκολλον ἀγγέλου λόγον μαθεῖν·
σπουδὴ δὲ καὶ τοῦδ᾽ οὐκ ἀπαρτίζει πόδα.

Ἄγγελος

Λέγοιμ᾽ ἂν εἰδὼς εὖ τὰ τῶν ἐναντίων, 375
ὥς τ᾽ ἐν πύλαις ἕκαστος εἴληχεν πάλον.
Τυδεὺς μὲν ἤδη πρὸς πύλαισι Προιτίσιν
βρέμει, πόρον δ᾽ Ἰσμηνὸν οὐκ ἐᾷ περᾶν
ὁ μάντις· οὐ γὰρ σφάγια γίγνεται καλά.
Τυδεὺς δὲ μαργῶν καὶ μάχης λελιμμένος 380
μεσημβριναῖς κλαγγαῖσιν ὡς δράκων βοᾷ·
θείνει δ᾽ ὀνείδει μάντιν Οἰκλείδην σοφόν,
σαίνειν μόρον τε καὶ μάχην ἀψυχίᾳ.
Τοιαῦτ᾽ ἀυτῶν τρεῖς κατασκίους λόφους
σείει, κράνους χαίτωμ᾽, ὑπ᾽ ἀσπίδος δ᾽ ἔσω 385
χαλκήλατοι κλάζουσι κώδωνες φόβον·
ἔχει δ᾽ ὑπέρφρον σῆμ᾽ ἐπ᾽ ἀσπίδος τόδε,
φλέγονθ᾽ ὑπ᾽ ἄστροις οὐρανὸν τετυγμένον·
λαμπρὰ δὲ πανσέληνος ἐν μέσῳ σάκει,
πρέσβιστον ἄστρων, νυκτὸς ὀφθαλμός, πρέπει. 390
Τοιαῦτ᾽ ἀλύων ταῖς ὑπερκόμποις σαγαῖς
βοᾷ παρ᾽ ὄχθαις ποταμίαις, μάχης ἐρῶν,
ἵππος χαλινῶν ὣς κατασθμαίνων μένει,
ὅστις βοὴν σάλπιγγος ὁρμαίνει μένων.
Τίν᾽ ἀντιτάξεις τῷδε; τίς Προίτου πυλῶν 395
κλῄθρων λυθέντων προστατεῖν φερέγγυος;

Ἐτεοκλής

Κόσμον μὲν ἀνδρὸς οὔτιν᾽ ἂν τρέσαιμ᾽ ἐγώ,
οὐδ᾽ ἑλκοποιὰ γίγνεται τὰ σήματα·
λόφοι δὲ κώδων τ᾽ οὐ δάκνουσ᾽ ἄνευ δορός.
Καὶ νύκτα ταύτην ἣν λέγεις ἐπ᾽ ἀσπίδος 400
ἄστροισι μαρμαίρουσαν οὐρανοῦ κυρεῖν,
τάχ᾽ ἂν γένοιτο μάντις ἡ ἀνοία τινί.
Εἰ γὰρ θανόντι νὺξ ἐπ᾽ ὀφθαλμοῖς πέσοι,
τῷ τοι φέροντι σῆμ᾽ ὑπέρκομπον τόδε
γένοιτ᾽ ἂν ὀρθῶς ἐνδίκως τ᾽ ἐπώνυμον, 405
καὐτὸς καθ᾽ αὑτοῦ τήνδ᾽ ὕβριν μαντεύσεται.
Ἐγὼ δὲ Τυδεῖ κεδνὸν Ἀστακοῦ τόκον
τῶνδ᾽ ἀντιτάξω προστάτην πυλωμάτων,
μάλ᾽ εὐγενῆ τε καὶ τὸν Αἰσχύνης θρόνον
τιμῶντα καὶ στυγοῦνθ᾽ ὑπέρφρονας λόγους. 410
Αἰσχρῶν γὰρ ἀργός, μὴ κακὸς δ᾽ εἶναι φιλεῖ.
Σπαρτῶν δ᾽ ἀπ᾽ ἀνδρῶν, ὧν Ἄρης ἐφείσατο,
ῥίζωμ᾽ ἀνεῖται, κάρτα δ᾽ ἔστ᾽ ἐγχώριος,
Μελάνιππος· ἔργον δ᾽ ἐν κύβοις Ἄρης κρινεῖ·
Δίκη δ᾽ ὁμαίμων κάρτα νιν προστέλλεται 415
εἴργειν τεκούσῃ μητρὶ πολέμιον δόρυ.

Χορός

Τὸν ἁμόν νυν ἀντίπαλον εὐτυχεῖν
θεοὶ δοῖεν, ὡς δικαίως πόλεως
πρόμαχος ὄρνυται· τρέμω δ᾽ αἱματη-
φόρους μόρους ὑπὲρ φίλων 420
ὀλομένων ἰδέσθαι.

Ἄγγελος

Τούτῳ μὲν οὕτως εὐτυχεῖν δοῖεν θεοί·
Καπανεὺς δ᾽ ἐπ᾽ Ἠλέκτραισιν εἴληχεν πύλαις,
γίγας ὅδ᾽ ἄλλος τοῦ πάρος λελεγμένου
μείζων, ὁ κόμπος δ᾽ οὐ κατ᾽ ἄνθρωπον φρονεῖ, 425
πύργοις δ᾽ ἀπειλεῖ δείν᾽, ἃ μὴ κραίνοι τύχη·
θεοῦ τε γὰρ θέλοντος ἐκπέρσειν πόλιν
καὶ μὴ θέλοντός φησιν, οὐδὲ τὴν Διὸς
ἔριν πέδοι σκήψασαν ἐμποδὼν σχεθεῖν.
Τὰς δ᾽ ἀστραπάς τε καὶ κεραυνίους βολὰς 430
μεσημβρινοῖσι θάλπεσιν προσῄκασεν·
ἔχει δὲ σῆμα γυμνὸν ἄνδρα πυρφόρον,
φλέγει δὲ λαμπὰς διὰ χερῶν ὡπλισμένη·
χρυσοῖς δὲ φωνεῖ γράμμασιν "πρήσω πόλιν."
τοιῷδε φωτὶ πέμπε--τίς ξυστήσεται, 435
τίς ἄνδρα κομπάζοντα μὴ τρέσας μενεῖ;

Ἐτεοκλής

Καὶ τῷδε κέρδει κέρδος ἄλλο τίκτεται.
Τῶν τοι ματαίων ἀνδράσιν φρονημάτων
ἡ γλῶσσ᾽ ἀληθὴς γίγνεται κατήγορος·
Καπανεὺς δ᾽ ἀπειλεῖ, δρᾶν παρεσκευασμένος, 440
θεοὺς ἀτίζων, κἀπογυμνάζων στόμα
χαρᾷ ματαίᾳ θνητὸς ὢν εἰς οὐρανὸν
πέμπει γεγωνὰ Ζηνὶ κυμαίνοντ᾽ ἔπη·
πέποιθα δ᾽ αὐτῷ ξὺν δίκῃ τὸν πυρφόρον
ἥξειν κεραυνόν, οὐδὲν ἐξῃκασμένον 445
μεσημβρινοῖσι θάλπεσιν τοῖς ἡλίου.
Ἀνὴρ δ᾽ ἐπ᾽ αὐτῷ, κεἰ στόμαργός ἐστ᾽ ἄγαν,
αἴθων τέτακται λῆμα, Πολυφόντου βία,
φερέγγυον φρούρημα, προστατηρίας
Ἀρτέμιδος εὐνοίαισι σύν τ᾽ ἄλλοις θεοῖς. 450
Λέγ᾽ ἄλλον ἄλλαις ἐν πύλαις εἰληχότα.

Χορός

Ὄλοιθ᾽ ὃς πόλει μεγάλ᾽ ἐπεύχεται,
κεραυνοῦ δέ νιν βέλος ἐπισχέθοι,
πρὶν ἐμὸν ἐσθορεῖν δόμον, πωλικῶν
θ᾽ ἑδωλίων ὑπερκόπῳ 455
δορί ποτ᾽ ἐκλαπάξαι.

Ἄγγελος

Καὶ μὴν τὸν ἐντεῦθεν λαχόντα πρὸς πύλαις
λέξω· τρίτῳ γὰρ Ἐτεόκλῳ τρίτος πάλος
ἐξ ὑπτίου ᾽πήδησεν εὐχάλκου κράνους,
πύλαισι Νηίστῃσι προσβαλεῖν λόχον. 460
Ἵππους δ᾽ ἐν ἀμπυκτῆρσιν ἐμβριμωμένας
δινεῖ, θελούσας πρὸς πύλαις πεπτωκέναι.
Φιμοὶ δὲ συρίζουσι βάρβαρον τρόπον,
μυκτηροκόμποις πνεύμασιν πληρούμενοι.
Ἐσχημάτισται δ᾽ ἀσπὶς οὐ σμικρὸν τρόπον· 465
ἀνὴρ [δ᾽·] ὁπλίτης κλίμακος προσαμβάσεις
στείχει πρὸς ἐχθρῶν πύργον, ἐκπέρσαι θέλων.
Βοᾷ δὲ χοὖτος γραμμάτων ἐν ξυλλαβαῖς,
ὡς οὐδ᾽ ἂν Ἄρης σφ᾽ ἐκβάλοι πυργωμάτων.
Καὶ τῷδε φωτὶ πέμπε τὸν φερέγγυον 470
πόλεως ἀπείργειν τῆσδε δούλιον ζυγόν.

Ἐτεοκλής

Πέμποιμ᾽ ἂν ἤδη τόνδε, σὺν τύχῃ δέ τῳ·
καὶ δὴ πέπεμπται κόμπον ἐν χεροῖν ἔχων,
Μεγαρεύς, Κρέοντος σπέρμα τοῦ σπαρτῶν γένους,
ὃς οὔτι μάργων ἱππικῶν φρυαγμάτων 475
βρόμον φοβηθεὶς ἐκ πυλῶν χωρήσεται,
ἀλλ᾽ ἢ θανὼν τροφεῖα πληρώσει χθονί,
ἢ καὶ δύ᾽ ἄνδρε καὶ πόλισμ᾽ ἐπ᾽ ἀσπίδος
ἑλὼν λαφύροις δῶμα κοσμήσει πατρός.
Κόμπαζ᾽ ἐπ᾽ ἄλλῳ, μηδέ μοι φθόνει λέγων. 480

Χορός

Ἐπεύχομαι τῷδε μὲν εὐτυχεῖν, ἰὼ
πρόμαχ᾽ ἐμῶν δόμων, τοῖσι δὲ δυστυχεῖν.
Ὡς δ᾽ ὑπέραυχα βάζουσιν ἐπὶ πτόλει
μαινομένᾳ φρενί, τώς νιν
Ζεὺς νεμέτωρ ἐπίδοι κοταίνων. 485

UNE CHOREUTE.

Amies! voici l'éclaireur, si je ne me trompe. Il nous apporte quelque nouvelle de l'armée. Il se hâte; il s'avance à pas précipités.

UNE AUTRE CHOREUTE.

Voilà aussi le roi, le fils d'Oedipe en personne, tout à point pour entendre le rapport, qui ne pouvait mieux 122 arriver (38). Son empressement est grand aussi; car, comme l'éclaireur, il précipite sa marche.

L'ÉCLAIREUR.

J'ai tout examiné, et je puis dire exactement quelles sont les dispositions des ennemis, et ce que le sort a décidé entre eux pour l'attaque des portes. — Tydée (39) menace déjà la porte Prœtide (40). Il frémit de rage; mais le devin ne permet pas qu'il traverse les flots de l'Ismémis, car les entrailles des victimes ne sont pas favorables. Tydée, furieux, brûle de combattre : comme un dragon qui siffle à l'ardeur de midi, il accable de ses clameurs, de ses injures, le savant devin fils d'Oïclée (41); il l'accuse d'éviter en lâche et la mort et le combat. Le guerrier secoue, tout en criant ainsi, trois aigrettes épaisses, crinière de son casque; et les sonnettes d'airain qui pendent à son bouclier sonnent l'épouvante. Sur le bouclier il porte un fastueux emblème : c'est l'image du ciel, avec ses astres resplendissants ; au milieu brille la pleine lune, la reine des astres, l'œil de la nuit. C'est ainsi que Tydée, follement fier de sa magnifique armure, debout sur les rives du fleuve, appelle à grands cris le combat. Tel un cheval fougueux s'irrite contre le frein et se cabre, impatient de s'élancer dès qu'il entend la trompette (42). — Quel guerrier lui oppo- 123 seras-tu? Si les barrières de la porte de Prœtus cèdent à ses efforts, qui se flatte de pouvoir l'arrêter?

ÉTÉOCLE.

La magnificence d'une armure n'a rien qui m'effraye; des emblèmes ne font point de blessures; des panaches, des sonnettes, ne tuent point sans la lance : cette nuit dont tu parles, ce ciel qui, sur son bouclier, étincelle du feu des astres, c'est peut-être le présage du destin d'un insensé. S'il meurt, si la nuit s'appesantit sur ses yeux, ce fastueux emblème aura eu sa signification juste et précise ; le guerrier qui le porte aura lui-même présagé sa défaite. Mais à Tydée j'opposerai, pour la défense de la porte dont tu parles (43), le vertueux fils d'Astacus. C'est un guerrier de noble race, un homme fidèle à la loi du devoir, et qui déteste une jactance impudente : la honte lui fait peur, et jamais on ne vit en lui un lâche. Mélanip- pus est le rejeton de ces guerriers nés des dents semées du monstre (44), qui survécurent à leur premier combat; plus que nul autre, Mélanippus est Thébain. Les dés de Mars décideront le succès; mais c'est Mélanippus avant tous, que les droits du sang appellent à défendre, contre le fer des ennemis, la mère qui l'a enfanté (45).

LE CHŒUR.

Puissent donc les dieux favoriser notre champion ! C'est la justice, c'est l'amour de la patrie qui arme son bras. Mais je tremble de voir le sanglant trépas de ceux qui exposent leur vie pour nous sauver (46).

124 L'ÉCLAIREUR.

Paissent les dieux exaucer vos vœux pour lui ! La porte d'Electre (47) est échue à Capanée (48), un autre géant, plus formidable encore que le premier (49). Son audace superbe n'est pas d'un mortel. Il fait à nos murs d'affreuses menaces : Fortune, garde-nous de leurs effets! Que le ciel y consente, que le ciel s'y oppose, il renversera Thèbes, dit-il; le courroux même de Jupiter tomberait sur lui, il ne s'arrêterait pas (50). Les éclairs, les traits de la foudre, ne sont pour Capanée que les chaleurs de midi. Son emblème, c'est un homme nu, la main armée d'un flambeau allumé; et cette figure crie, en lettres d'or: Je Brulerai La Ville.— Contre un pareil guerrier envoie... Qui osera lui tenir tête? qui soutiendra sans frayeur les arrogantes menaces de Capanée?

ÉTÉOCLE.

A notre premier avantage (51) cette jactance ajoute un second avantage. Quand les hommes se livrent à des pensées présomptueuses, c'est dans leurs propres discours qu'ils trouvent d'incorruptibles accusateurs. Capanée profère des menaces, il se prépare à les accomplir; plein de mépris pour les dieux, enflammé d'une folle 125 joie, il déchaîne sa langue; mortel, il vomit contre le ciel une tempête d'injures : Jupiter entendra ses clameurs (52). Bientôt, j'en ai la ferme espérance, tombera sur lui la foudre vengeresse, la foudre qui brûle et qui ne ressemble pas aux chaleurs d'un soleil de midi. A cet homme dont la bouche est pleine d'insolents discours, j'oppose un brave guerrier, un cœur enflammé de courage, l'impétueux Polyphonte : défense qui suffira au poste, avec l'aide de la tutélaire Diane (53) et des autres dieux. — Dis-moi chacun des autres chefs que le sort a destinés à chacune des autres portes.

LE CHŒUR.

Périsse celui qui lance contre Thèbes ces terribles menaces! Qu'il tombe arrêté dans son élan par le trait de la foudre, avant qu'il envahisse mes foyers ! avant que sa lance orgueilleuse me chasse de mes retraites virginales!

L'ÉCLAIREUR.

Celui que le sort a désigné ensuite pour l'attaque des portes, c'est Étéoclus (54) : son nom le troisième s'est élancé du fond du casque d'airain. C'est contre la porte Néitide (55) qu'il poussera sa troupe d'assaillants. Il ramène sur elles- mêmes ses cavales qui frémissent sous le joug, impatientes de voler vers nos portes. A travers les muselières, siffle avec un bruit étrange le souffle de leurs naseaux. 126 Son bouclier est orné d'un emblème qui n'est pas sans audace. C'est un soldat en armes, qui monte les degrés d'une échelle appliquée à une tour ennemie, qu'il veut emporter d'assaut. Lui aussi, le soldat du bouclier, vocifère des mots écrits : Mars MÊme Ne Me Renverserait Pas De Dessus Les Remparts. A ce chef il faut envoyer encore un digne adversaire, un guerrier qui détourne de cette ville le joug de l'esclavage.

ÉTÉOCLE.

Je vais en envoyer un; et mon choix ne sera point désavoué par la Fortune (56). Déjà même il a son ordre, il part, mais non pas le bras chargé d'un orgueilleux emblème. Mégarée, le fils de Créon (57), le descendant des hommes nés d'un sillon ensemencé (58), ne s'effrayera point d'un hennissement de cavales fougueuses : il restera inébranlable à son poste. Ou, par sa mort, il s'acquittera de sa dette envers son pays; ou, vainqueur des deux guerriers, Étéoclus et l'image, et maître de la ville qui brille sur le bouclier, il ornera de cette riche dépouille la maison de son père. — Aux fanfaronnades d'un autre; conte-moi tout, n'épargne aucun détail.

LE CHŒUR.

Ah! combien je souhaite que ses armes te donnent la victoire (59), ô défenseur de mes foyers! et qu'elles infli- 127 gent à nos ennemis la défaite. Ils lancent contre Thèbes d'insolentes menaces; leur âme est pleine d'une rage insensée -. puisse Jupiter vengeur porter sur eux-mêmes un regard de courroux (60)

 Ἄγγελος

Τέταρτος ἄλλος, γείτονας πύλας ἔχων
Ὄγκας Ἀθάνας, ξὺν βοῇ παρίσταται,
Ἱππομέδοντος σχῆμα καὶ μέγας τύπος·
ἅλω δὲ πολλήν, ἀσπίδος κύκλον λέγω,
ἔφριξα δινήσαντος· οὐκ ἄλλως ἐρῶ. 490
Ὁ σηματουργὸς δ᾽ οὔ τις εὐτελὴς ἄρ᾽ ἦν
ὅστις τόδ᾽ ἔργον ὤπασεν πρὸς ἀσπίδι,
Τυφῶν᾽ ἱέντα πύρπνοον διὰ στόμα
λιγνὺν μέλαιναν, αἰόλην πυρὸς κάσιν·
ὄφεων δὲ πλεκτάναισι περίδρομον κύτος 495
προσηδάφισται κοιλογάστορος κύκλου.
Αὐτὸς δ᾽ ἐπηλάλαξεν, ἔνθεος δ᾽ Ἄρει
βακχᾷ πρὸς ἀλκὴν Θυιὰς ὣς φόβον βλέπων.
Τοιοῦδε φωτὸς πεῖραν εὖ φυλακτέον·
Φόβος γὰρ ἤδη πρὸς πύλαις κομπάζεται. 500

Ἐτεοκλής

Πρῶτον μὲν Ὄγκα Παλλάς, ἥτ᾽ ἀγχίπτολις,
πύλαισι γείτων, ἀνδρὸς ἐχθαίρουσ᾽ ὕβριν,
εἴρξει νεοσσῶν ὣς δράκοντα δύσχιμον·
Ὑπέρβιος δέ, κεδνὸς Οἴνοπος τόκος,
ἀνὴρ κατ᾽ ἄνδρα τοῦτον ᾑρέθη, θέλων 505
ἐξιστορῆσαι μοῖραν ἐν χρείᾳ τύχης,
οὔτ᾽ εἶδος οὔτε θυμὸν οὐδ᾽ ὅπλων σχέσιν
μωμητός, Ἑρμῆς δ᾽ εὐλόγως ξυνήγαγεν.
Ἐχθρὸς γὰρ ἁνὴρ ἀνδρὶ τῷ ξυστήσεται,
ξυνοίσετον δὲ πολεμίους ἐπ᾽ ἀσπίδων 510
θεούς· ὁ μὲν γὰρ πύρπνοον Τυφῶν᾽ ἔχει,
Ὑπερβίῳ δὲ Ζεὺς πατὴρ ἐπ᾽ ἀσπίδος
σταδαῖος ἧσται, διὰ χερὸς βέλος φλέγων·
κοὔπω τις εἶδε Ζῆνά που νικώμενον.
Τοιάδε μέντοι προσφίλεια δαιμόνων· 515
πρὸς τῶν κρατούντων δ᾽ ἐσμέν, οἱ δ᾽ ἡσσωμένων,
εἰ Ζεύς γε Τυφῶ καρτερώτερος μάχῃ·
εἰκὸς δὲ πράξειν ἄνδρας ὧδ᾽ ἀντιστάτας, 519
Ὑπερβίῳ τε πρὸς λόγον τοῦ σήματος 518
σωτὴρ γένοιτ᾽ ἂν Ζεὺς ἐπ᾽ ἀσπίδος τυχών. 520

Χορός

Πέποιθα <δὴ> τὸν Διὸς ἀντίτυπον ἔχοντ᾽
ἄφιλον ἐν σάκει τοῦ χθονίου δέμας
δαίμονος, ἐχθρὸν εἴκασμα βροτοῖς τε καὶ
δαροβίοισι θεοῖσιν,
πρόσθε πυλᾶν κεφαλὰν ἰάψειν. 525
 

L'ÉCLAIREUR.

Le quatrième, celui qui s'avance à grands cris pour assaillir la porte de Minerve Oncée, c'est Hippomédon1, une gigantesque figure. A voir tourner entre ses mains, comme une roue, l'aire immense, l'orbe de son bouclier, j'ai frissonné, j'en conviens. Ce n'était pas un artisan vulgaire, celui qui cisela ce bouclier. On y voit Typhon (61) : une fumée noire, cette sœur agile du feu, sort de sa bouche enflammée. Des serpents enlacés courent, incrustés sur le bord saillant qui embrasse le cercle du bouclier. Et lui, il pousse d'affreuses clameurs; et, tout plein du dieu Mars, furieux comme une bacchante, la rage des combats transporte son âme, et ses regards lancent la terreur. Aux efforts d'un tel guerrier il faut une vigoureuse résistance : déjà ses bravades ont répandu la terreur à nos portes (62).

ÉTÉOCLE.

D'abord, Pallas Oncée a les yeux sur nous : voisine de la porte menacée, son courroux châtiera l'insolence d'Hippomédon; elle nous défendra, comme la femelle ses petits, contre le dragon formidable. Et l'homme que j'ai choisi pour opposer à cet homme, c'est Hyperbius, c'est le vaillant fils d'Oenops, qui brûle, en cette décisive con- 128 joncture, de connaître son destin. Sa taille, sa bravoure, l'appareil même de ses armes, rien chez lui ne prête au reproche. Mercure m'a bien inspiré ; Hippomédon aura un digne adversaire. Ennemi contre ennemi d'abord; puis, sur les deux boucliers, des dieux ennemis : Hippomédon porte l'image de Typhon vomissant la flamme; sur le bouclier d'Hyperbius, on voit Jupiter assis, tenant en main son trait enflammé; et nul encore n'a vu Jupiter subir un vainqueur (63). Heureux partage de la bienveillance des dieux ! nous sommes avec les vainqueurs, eux avec les vaincus : Jupiter, dans le combat, a triomphé de Typhon. Tel sera, sans nul doute, le sort des deux adversaires : Hyperbius, comme le présage l'emblème, sera protégé par Jupiter, dont il porte l'image sur son bouclier.

LE CHŒUR.

Oui, j'en ai l'espoir assuré, celui qui porte sur son bouclier la figure de l'ennemi de Jupiter, ce corps d'un dieu que la terre a englouti, cette image odieuse et aux humains et aux dieux immortels; oui, la tête de cet impie se brisera contre nos portes.

  Ἄγγελος

Οὕτως γένοιτο. Τὸν δὲ πέμπτον αὖ λέγω,
πέμπταισι προσταχθέντα Βορραίαις πύλαις,
τύμβον κατ᾽ αὐτὸν Διογενοῦς Ἀμφίονος·
ὄμνυσι δ᾽ αἰχμὴν ἣν ἔχει μᾶλλον θεοῦ
σέβειν πεποιθὼς ὀμμάτων θ᾽ ὑπέρτερον, 530
ἦ μὴν λαπάξειν ἄστυ Καδμείων βίᾳ
Διός· τόδ᾽ αὐδᾷ μητρὸς ἐξ ὀρεσκόου
βλάστημα καλλίπρῳρον, ἀνδρόπαις ἀνήρ·
στείχει δ᾽ ἴουλος ἄρτι διὰ παρηίδων,
ὥρας φυούσης, ταρφὺς ἀντέλλουσα θρίξ. 535
Ὁ δ᾽ ὠμόν, οὔτι παρθένων ἐπώνυμον,
φρόνημα, γοργὸν δ᾽ ὄμμ᾽ ἔχων, προσίσταται.
Οὐ μὴν ἀκόμπαστός γ᾽ ἐφίσταται πύλαις·
τὸ γὰρ πόλεως ὄνειδος ἐν χαλκηλάτῳ
σάκει, κυκλωτῷ σώματος προβλήματι, 540
Σφίγγ᾽ ὠμόσιτον προσμεμηχανημένην
γόμφοις ἐνώμα, λαμπρὸν ἔκκρουστον δέμας,
φέρει δ᾽ ὑφ᾽ αὑτῇ φῶτα Καδμείων ἕνα,
ὡς πλεῖστ᾽ ἐπ᾽ ἀνδρὶ τῷδ᾽ ἰάπτεσθαι βέλη.
Ἐλθὼν δ᾽ ἔοικεν οὐ καπηλεύσειν μάχην, 545
μακρᾶς κελεύθου δ᾽ οὐ καταισχυνεῖν πόρον,
Παρθενοπαῖος Ἀρκάς· ὁ δὲ τοιόσδ᾽ ἀνὴρ
μέτοικος, Ἄργει δ᾽ ἐκτίνων καλὰς τροφάς,
πύργοις ἀπειλεῖ τοῖσδ᾽ ἃ μὴ κραίνοι θεός.

Ἐτεοκλής

Εἰ γὰρ τύχοιεν ὧν φρονοῦσι πρὸς θεῶν, 550
αὐτοῖς ἐκείνοις ἀνοσίοις κομπάσμασιν·
ἦ τἂν πανώλεις παγκάκως τ᾽ ὀλοίατο.
Ἔστιν δὲ καὶ τῷδ᾽, ὃν λέγεις τὸν Ἀρκάδα,
ἀνὴρ ἄκομπος, χεὶρ δ᾽ ὁρᾷ τὸ δράσιμον,
Ἄκτωρ ἀδελφὸς τοῦ πάρος λελεγμένου· 555
ὃς οὐκ ἐάσει γλῶσσαν ἐργμάτων ἄτερ
ἔσω πυλῶν ῥέουσαν ἀλδαίνειν κακά,
οὐδ᾽ εἰσαμεῖψαι θηρὸς ἐχθίστου δάκους
εἰκὼ φέροντα πολεμίας ἐπ᾽ ἀσπίδος·
ἣ ᾽ξωθεν εἴσω τῷ φέροντι μέμψεται, 560
πυκνοῦ κροτησμοῦ τυγχάνουσ᾽ ὑπὸ πτόλιν.
Θεῶν θελόντων τἂν ἀληθεύσαιμ᾽ ἐγώ.

Χορός

Ἱκνεῖται λόγος διὰ στηθέων,
τριχὸς δ᾽ ὀρθίας πλόκαμος ἵσταται,
μεγάλα μεγαληγόρων κλυούσᾳ 565
ἀνοσίων ἀνδρῶν. Εἴθε γὰρ
θεοὶ τοῦδ᾽ ὀλέσειαν ἐν γᾷ.
 

L'ÉCLAIREUR.

Puisse votre souhait s'accomplir! Mais parlons du cinquième chef. Il doit attaquer la porte de Borée (64); il est posté non loin du tombeau d'Amphion, fils de Jupiter (65). Il en jure par la lance qu'il tient, par cette lance pour lui plus sacrée qu'un dieu, et qui lui est plus chère que ses yeux mêmes, il saccagera la ville de Cadmus, en dépit de Jupiter! Le guerrier qui pousse ces cris audacieux, 129 c'est le rejeton d'une chasseresse des montagnes (66); c'est un bel enfant encore, plutôt qu'un homme : à peine ses joues s'ombragent de leur premier duvet, de ce poil naissant, abondante végétation de la puberté. Il n'a rien des vierges que dans son nom (67) : farouche est son cœur, terrible son regard. Lui aussi, cet ennemi qui menace nos portes, il connaît la morgue des emblèmes. Sur son bouclier d'airain, sur ce champ circulaire qui protège son corps, il porte, fixée par des clous, l'image de cet être qui fut l'opprobre de notre ville, le Sphinx dévorant : le monstre brille à la lumière, relevé en bosse; sous lui on voit abattu un des Cadméens, image destinée sans doute à recevoir la plupart de nos traits. Il n'est point venu, certes, pour marchander le combat; ce n'est point pour se déshonorer que Parthénopée l'Arcadien est arrivé des contrées lointaines. Étranger, Parthénopée a été élevé dans Argos ; et c'est pour payer sa nourrice des soins qu'a reçus son enfance qu'il est là, lançant contre nos tours d'effroyables menaces : puissent les dieux ne les pas accomplir (68) !

ÉTÉOCLE (69).

Oui, si les dieux leur accordaient ce qu'ils rêvent dans 130 leurs espérances impies, oui, sans doute, nos remparts périraient, rasés, bouleversés de fond en comble. Mais à ce guerrier aussi, à cet Arcadien dont tu parles, je puis opposer un guerrier. Celui-là ne connaît pas la jactance, mais son bras sait agir : c'est Actor, le frère du dernier que j'ai nommé; Actor, qui ne permettra pas qu'une langue intempérante verse jamais l'insulte au sein de nos murs mêmes, affreux surcroît de malheur! ni qu'un homme pénètre jamais dans Thèbes, qui, sur son bouclier ennemi, porte l'image de l'animal féroce, du plus détesté des monstres. Exposée aux coups, percée de mille traits au pied de nos remparts, les gémissements plaintifs de l'image retentiront dans le cœur du guerrier qui s'en est couvert. Daignent les dieux vérifier mes prévisions!

LE CHŒUR.

Tes paroles pénètrent mon âme ; mais mes cheveux s'étaient hérissés d'horreur aux arrogantes menaces de ces blasphémateurs impies. Puissent-ils, dans cette contrée, expirer frappés par la main des dieux !

Ἄγγελος

Ἕκτον λέγοιμ᾽ ἂν ἄνδρα σωφρονέστατον,
ἀλκήν τ᾽ ἄριστον μάντιν, Ἀμφιάρεω βίαν·
Ὁμολωίσιν δὲ πρὸς πύλαις τεταγμένος 570
κακοῖσι βάζει πολλὰ Τυδέως βίαν·
τὸν ἀνδροφόντην, τὸν πόλεως ταράκτορα,
μέγιστον Ἄργει τῶν κακῶν διδάσκαλον,
Ἐρινύος κλητῆρα, πρόσπολον φόνου,
κακῶν τ᾽ Ἀδράστῳ τῶνδε βουλευτήριον. 575
Καὶ τὸν σὸν αὖθις προσθροῶν ὁμόσπορον,
ἐξυπτιάζων ὄμμα, Πολυνείκους βίαν,
δίς τ᾽ ἐν τελευτῇ τοὔνομ᾽ ἐνδατούμενος,
καλεῖ. Λέγει δὲ τοῦτ᾽ ἔπος διὰ στόμα·
"ἦ τοῖον ἔργον καὶ θεοῖσι προσφιλές, 580
καλόν τ᾽ ἀκοῦσαι καὶ λέγειν μεθυστέροις,
πόλιν πατρῴαν καὶ θεοὺς τοὺς ἐγγενεῖς
πορθεῖν, στράτευμ᾽ ἐπακτὸν ἐμβεβληκότα;
μητρός τε πηγὴν τίς κατασβέσει δίκη;
πατρίς τε γαῖα σῆς ὑπὸ σπουδῆς δορὶ 585
ἁλοῦσα πῶς σοι ξύμμαχος γενήσεται;
ἔγωγε μὲν δὴ τήνδε πιανῶ χθόνα,
μάντις κεκευθὼς πολεμίας ὑπὸ χθονός.
Μαχώμεθ᾽, οὐκ ἄτιμον ἐλπίζω μόρον."
Τοιαῦθ᾽ ὁ μάντις ἀσπίδ᾽ εὐκήλως ἔχων 590
πάγχαλκον ηὔδα· σῆμα δ᾽ οὐκ ἐπῆν κύκλῳ.
Οὐ γὰρ δοκεῖν ἄριστος, ἀλλ᾽ εἶναι θέλει,
βαθεῖαν ἄλοκα διὰ φρενὸς καρπούμενος,
ἐξ ἧς τὰ κεδνὰ βλαστάνει βουλεύματα.
Τούτῳ σοφούς τε κἀγαθοὺς ἀντηρέτας 595
πέμπειν ἐπαινῶ. Δεινὸς ὃς θεοὺς σέβει.

Ἐτεοκλής

Φεῦ τοῦ ξυναλλάσσοντος ὄρνιθος βροτοῖς
δίκαιον ἄνδρα τοῖσι δυσσεβεστέροις.
Ἐν παντὶ πράγει δ᾽ ἔσθ᾽ ὁμιλίας κακῆς
κάκιον οὐδέν, καρπὸς οὐ κομιστέος· 600
ἄτης ἄρουρα θάνατον ἐκκαρπίζεται.
Ἢ γὰρ ξυνεισβὰς πλοῖον εὐσεβὴς ἀνὴρ
ναύταισι θερμοῖς καὶ πανουργίᾳ τινὶ
ὄλωλεν ἀνδρῶν σὺν θεοπτύστῳ γένει,
ἢ ξὺν πολίταις ἀνδράσιν δίκαιος ὢν 605
ἐχθροξένοις τε καὶ θεῶν ἀμνήμοσιν,
ταὐτοῦ κυρήσας ἐκδίκως ἀγρεύματος,
πληγεὶς θεοῦ μάστιγι παγκοίνῳ ᾽δάμη.
Οὕτως δ᾽ ὁ μάντις, υἱὸν Οἰκλέους λέγω,
σώφρων δίκαιος ἀγαθὸς εὐσεβὴς ἀνήρ, 610
μέγας προφήτης, ἀνοσίοισι συμμιγεὶς
θρασυστόμοισιν ἀνδράσιν βίᾳ φρενῶν,
τείνουσι πομπὴν τὴν μακρὰν πάλιν μολεῖν,
Διὸς θέλοντος ξυγκαθελκυσθήσεται.
Δοκῶ μὲν οὖν σφε μηδὲ προσβαλεῖν πύλαις 615
οὐχ ὡς ἄθυμος οὐδὲ λήματος κάκῇ,
ἀλλ᾽ οἶδεν ὥς σφε χρὴ τελευτῆσαι μάχῃ,
εἰ καρπὸς ἔσται θεσφάτοισι Λοξίου·
φιλεῖ δὲ σιγᾶν ἢ λέγειν τὰ καίρια.
Ὅμως δ᾽ ἐπ᾽ αὐτῷ φῶτα, Λασθένους βίαν, 620
ἐχθρόξενον πυλωρὸν ἀντιτάξομεν,
γέροντα τὸν νοῦν, σάρκα δ᾽ ἡβῶσαν φύει,
ποδῶκες ὄμμα, χεῖρα δ᾽ οὐ βραδύνεται
παρ᾽ ἀσπίδος γυμνωθὲν ἁρπάσαι δόρυ.
Θεοῦ δὲ δῶρόν ἐστιν εὐτυχεῖν βροτούς. 625

Χορός

Κλύοντες θεοὶ δικαίας λιτὰς
ἁμετέρας τελεῖθ᾽, ὡς πόλις εὐτυχῇ,
δορίπονα κάκ᾽ ἐκτρέποντες <ἐς> γᾶς
ἐπιμόλους· πύργων δ᾽ ἔκτοθεν
βαλὼν Ζεύς σφε κάνοι κεραυνῷ. 630
 

 L'ÉCLAIREUR.

Le sixième guerrier, c'est le plus sage des hommes, c'est ce devin si brave dans les combats, Amharaüs (70) : il doit attaquer la porte d'Homoloïs (71). Tantôt c'est Tydée 131 qu'il maudit, l'homicide Tydée, qui a porté la désolation dans Argos, l'auteur de tous les maux des Argiens, l'évocateur des Furies, le ministre du carnage, le séducteur qui a entraîné Adraste dans l'abîme. Tantôt, l'œil hagard de courroux, il s'adresse à ton exécrable frère : Polynice ! s'écrie-t-il ; et ce nom qu'il démembre, ce nom dont il prononce séparément les deux moitiés, c'est déjà un reproche  (72). « Certes, dit-il encore, cette œuvre est bien digne de plaire aux dieux ; elle sera célèbre dans la bouche des hommes, et mémorable à jamais : ruiner la ville de tes pères, les temples des dieux de ton pays, lancer contre Thèbes une armée étrangère! Quelle expiation te lavera du sang de ta mère versé à grands flots (73)? Comment ta patrie, livrée au fer par ton ambition, combattrait-elle jamais sous tes lois ? Moi, je le sais, j'engraisserai cette terre, je resterai enseveli dans les plaines ennemies. Combattons ; j'espère une mort qui ne sera pas sans gloire. » — Ainsi parle le devin. Ce guerrier 132 porte à son bras un bouclier d'airain, ouvrage d'une main habile ; mais nul emblème n'apparaît dans le cercle. Il vent non point paraître brave, mais l'être. Son âme est un sol fécond où germent les prudents conseils (74). N'oppose à un tel homme, crois-moi, que de sages et vaillants adversaires. Il est redoutable, l'homme qui respecte les dieux.

ÉTÉOCLE.

Fortune ! Fortune ! devais-tu associer cet homme juste aux plus scélérats des mortels ! En toute affaire, il n'est rien de plus funeste que la société des méchants : le fruit en est amer; c'est un champ de misères où l'on moissonne la mort (75). Embarquez-vous, hommes pieux, avec des nautoniers impies, avec une troupe criminelle, et vous périrez ainsi que cette race détestée des dieux. Qu'un homme juste vive au milieu d'un peuple inhospitalier, insouciant des devoirs à rendre aux immortels: enveloppé, malgré son innocence, dans le filet qui enlace ses concitoyens, frappé comme eux de la verge du ciel, il périra. Tel ce devin, ce fils d'Oïclée, cet homme sage, juste, brave, pieux, ce grand prophète, s'est mêlé à des mortels impies, pleins d'une morgue audacieuse. On a fait violence à son cœur, je le crois; mais, quand ces hommes essayeront de retourner par la longue route qui les a amenés d'Argos, Amphiaraüs sera entraîné dans leur défaite et dans leur fuite : ainsi le veut Jupiter. Je pense même qu'il ne donnera point l'assaut à nos portes. Non qu'il manque de courage, et que son âme connaisse 133 la lâcheté ; mais il sait qu'il périra dans le combat, si les oracles de Loxias se vérifient. Or Loxias se tait, ou il dit ce qui s'accomplira (76)! Toutefois, au devin j'oppose Lasthène : ce guerrier, terrible à l'ennemi, défendra la porte d'Homoloïs. La prudence du vieillard s'unit, dans Lasthène, à la vigueur du jeune homme ; son coup d'œil est rapide, sa main prompte, et sa lance s'adresse à l'endroit que ne couvre point le bouclier. Mais c'est le ciel qui décide du succès des mortels !

LE CHŒUR.

Exaucez, grands dieux, nos justes prières; faites que Thèbes triomphe ; détournez de ce pays les maux de la guerre: qu'ils retombent sur les assaillants! que l'ennemi périsse, écrasé au pied de nos tours, par la foudre de Jupiter.

Ἄγγελος

Τὸν ἕβδομον δὴ τόνδ᾽ ἐφ᾽ ἑβδόμαις πύλαις
λέξω, τὸν αὐτοῦ σοῦ κασίγνητον, πόλει
οἵας ἀρᾶται καὶ κατεύχεται τύχας·
πύργοις ἐπεμβὰς κἀπικηρυχθεὶς χθονί,
ἁλώσιμον παιᾶν᾽ ἐπεξιακχάσας, 635
σοὶ ξυμφέρεσθαι καὶ κτανὼν θανεῖν πέλας,
ἢ ζῶντ᾽ ἀτιμαστῆρα τὼς ἀνδρηλάτην
φυγῇ τὸν αὐτὸν τόνδε τείσασθαι τρόπον.
Τοιαῦτ᾽ ἀυτεῖ καὶ θεοὺς γενεθλίους
καλεῖ πατρῴας γῆς ἐποπτῆρας λιτῶν 640
τῶν ὧν γενέσθαι πάγχυ Πολυνείκους βία.
Ἔχει δὲ καινοπηγὲς εὔκυκλον σάκος
διπλοῦν τε σῆμα προσμεμηχανημένον.
Χρυσήλατον γὰρ ἄνδρα τευχηστὴν ἰδεῖν
ἄγει γυνή τις σωφρόνως ἡγουμένη. 645
Δίκη δ᾽ ἄρ᾽ εἶναί φησιν, ὡς τὰ γράμματα
λέγει "κατάξω δ᾽ ἄνδρα τόνδε καὶ πόλιν
ἕξει πατρῴων δωμάτων τ᾽ ἐπιστροφάς."
Τοιαῦτ᾽ ἐκείνων ἐστὶ τἀξευρήματα.
[Σὺ δ᾽ αὐτὸς ἤδη γνῶθι τίνα πέμπειν δοκεῖ·] 650
ὡς οὔποτ᾽ ἀνδρὶ τῷδε κηρυκευμάτων
μέμψῃ, σὺ δ᾽ αὐτὸς γνῶθι ναυκληρεῖν πόλιν.

Ἐτεοκλής

Ὦ θεομανές τε καὶ θεῶν μέγα στύγος,
ὦ πανδάκρυτον ἁμὸν Οἰδίπου γένος· 655
ὤμοι, πατρὸς δὴ νῦν ἀραὶ τελεσφόροι.
Ἀλλ᾽ οὔτε κλαίειν οὔτ᾽ ὀδύρεσθαι πρέπει,
μὴ καὶ τεκνωθῇ δυσφορώτερος γόος.
Ἐπωνύμῳ δὲ κάρτα, Πολυνείκει λέγω,
τάχ᾽ εἰσόμεσθα τοὐπίσημ᾽ ὅποι τελεῖ,
εἴ νιν κατάξει χρυσότευκτα γράμματα 660
ἐπ᾽ ἀσπίδος φλύοντα σὺν φοίτῳ φρενῶν.
Εἰ δ᾽ ἡ Διὸς παῖς παρθένος Δίκη παρῆν
ἔργοις ἐκείνου καὶ φρεσίν, τάχ᾽ ἂν τόδ᾽ ἦν·
ἀλλ᾽ οὔτε νιν φυγόντα μητρόθεν σκότον,
οὔτ᾽ ἐν τροφαῖσιν, οὔτ᾽ ἐφηβήσαντά πω, 665
οὔτ᾽ ἐν γενείου ξυλλογῇ τριχώματος,
Δίκη προσεῖδε καὶ κατηξιώσατο·
οὐδ᾽ ἐν πατρῴας μὴν χθονὸς κακουχίᾳ
οἶμαί νιν αὐτῷ νῦν παραστατεῖν πέλας.
Ἦ δῆτ᾽ ἂν εἴη πανδίκως ψευδώνυμος 670
Δίκη, ξυνοῦσα φωτὶ παντόλμῳ φρένας.
Τούτοις πεποιθὼς εἶμι καὶ ξυστήσομαι
αὐτός· τίς ἄλλος μᾶλλον ἐνδικώτερος;
ἄρχοντί τ᾽ ἄρχων καὶ κασιγνήτῳ κάσις,
ἐχθρὸς σὺν ἐχθρῷ στήσομαι. Φέρ᾽ ὡς τάχος 675
κνημῖδας, αἰχμῆς καὶ πέτρων προβλήματα.

Χορός

Μή, φίλτατ᾽ ἀνδρῶν, Οἰδίπου τέκος, γένῃ
ὀργὴν ὁμοῖος τῷ κάκιστ᾽ αὐδωμένῳ·
ἀλλ᾽ ἄνδρας Ἀργείοισι Καδμείους ἅλις
ἐς χεῖρας ἐλθεῖν· αἷμα γὰρ καθάρσιον. 680
Ἀνδροῖν δ᾽ ὁμαίμοιν θάνατος ὧδ᾽ αὐτοκτόνος,
οὐκ ἔστι γῆρας τοῦδε τοῦ μιάσματος.
 

L'ÉCLAIREUR.

Le septième enfin, celui qui marche à la septième porte (77), je dois le nommer : c'est ton frère. Quelles imprécations il lance contre cette ville ! quel sort funeste il lui prépare dans ses vœux ! Monter sur les tours, se proclamer roi parla voix du héraut, entonner le chant qui célébrera notre ruine, te joindre, te donner la mort s'il périt, ou, si vous vivez, se venger sur toi d'un bannissement honteux par un exil qui te couvre de honte: voilà les menaces que nous fait Polynice; et il invoque les dieux protecteurs du pays de ses pères, il les conjure de prêter l'oreille à ses vœux ! Son bouclier, d'un beau 134 travail, sort à peine des mains de l'artisan. Sur ce bouclier apparaissent deux figures : un guerrier couvert d'une armure d'or, une femme qui s'avance d'un pas majestueux et qui conduit le guerrier par la main. Je suis La Justice, disent les lettres de l'inscription, Je RaMÈnerai CET HOMME, JE LUI RENDRAI SA PATRIE ET L'HÉRITAGE De Ses PÈres. Tels sont les emblèmes imaginés par ces chefs. C'est à toi de décider quel sera l'adversaire de Polynice. Mon rapport a été fidèle, comme toujours ; vois maintenant, pilote de l'État, à gouverner le navire( 78).

ÉTÉOCLE.

Ô race frappée de démence par le ciel; race objet d'horreur pour les dieux ; race d'Oedipe, ô mon déplorable sang ! Ah ! c'est aujourd'hui que s'accomplissent les imprécations de mon père. — Mais non : point de larmes, point de gémissements ; n'engendrons pas des lamentations plus insupportables encore. — Polynice, mortel bien digne de ton nom (79), c'est tout à l'heure qu'on saura à quoi servent les emblèmes ; qu'on verra si, pour rentrer dans ta patrie, il te suffit de ces lettres d'or gravées sur un bouclier, indiscret témoignage du délire de ton âme ! Oui, si la Justice, si cette vierge fille de Jupiter dirigeait ton cœur et ton bras, oui, tu pourrais espérer. Mais, ni à l'instant où tu quittas le flanc ténébreux de ta mère, ni dans tes premiers ans, ni au jour de l'adolescence, ni depuis que la barbe couvre ton menton, jamais la Justice n'a eu pour toi une parole (80), jamais elle ne t'a trouvé digne de ses soins; et 135 ce n'est pas, certes, quand tu prépares la ruine de ta patrie, qu'elle viendra combattre à tes côtés. Alliée à un mortel dont l'âme est capable de tous les crimes, son nom de Justice serait le plus menteur des noms. Voilà ce qui fait ma confiance. C'est moi-même qui joindrai Polynice : quel autre a plus de titres à cet honneur? Oui, nous nous verrons face à face, roi contre roi, frère contre frère, ennemi contre ennemi (81). — Courez vite, apportez mes cnémides, ma lance, mon bouclier (82).

LE CHŒUR.

Ô toi qui m'es si cher, ô fils d'Oedipe ! n'imite pas la rage de cet affreux blasphémateur (83). Que les enfants de Cadmus luttent contre les Argiens, c'est assez: ce sang, on peut l'expier encore; mais un mutuel fratricide! les années passent sur un tel forfait sans l'effacer.

  Ἐτεοκλής

Εἴπερ κακὸν φέροι τις, αἰσχύνης ἄτερ
ἔστω· μόνον γὰρ κέρδος ἐν τεθνηκόσι·
κακῶν δὲ κᾀσχρῶν οὔτιν᾽ εὐκλείαν ἐρεῖς. 685

Χορός

Τί μέμονας, τέκνον; Μή τί σε θυμοπλη-
θὴς δορίμαργος ἄτα φερέτω· κακοῦ δ᾽
ἔκβαλ᾽ ἔρωτος ἀρχάν.

Ἐτεοκλής

Ἐπεὶ τὸ πρᾶγμα κάρτ᾽ ἐπισπέρχει θεός,
ἴτω κατ᾽ οὖρον κῦμα Κωκυτοῦ λαχὸν 690
Φοίβῳ στυγηθὲν πᾶν τὸ Λαΐου γένος.

Χορός

Ὠμοδακής σ᾽ ἄγαν ἵμερος ἐξοτρύ-
νει πικρόκαρπον ἀνδροκτασίαν τελεῖν
αἵματος οὐ θεμιστοῦ.

Ἐτεοκλής

Φίλου γὰρ ἐχθρά μοι πατρὸς τάλαιν᾽ ἀρὰ 695
ξηροῖς ἀκλαύτοις ὄμμασιν προσιζάνει,
λέγουσα κέρδος πρότερον ὑστέρου μόρου.

Χορός

Ἀλλὰ σὺ μὴ ᾽ποτρύνου· κακὸς οὐ κεκλή-
σῃ βίον εὖ κυρήσας· μελάναιγις [δ᾽·] οὐκ
εἶσι δόμων Ἐρινύς, ὅταν ἐκ χερῶν 700
θεοὶ θυσίαν δέχωνται;

Ἐτεοκλής

Θεοῖς μὲν ἤδη πως παρημελήμεθα,
χάρις δ᾽ ἀφ᾽ ἡμῶν ὀλομένων θαυμάζεται·
τί οὖν ἔτ᾽ ἂν σαίνοιμεν ὀλέθριον μόρον;

Χορός

Νῦν ὅτε σοι παρέστακεν· ἐπεὶ δαίμων 705
λήματος ἐν τροπαίᾳ χρονίᾳ μεταλ-
λακτὸς ἴσως ἂν ἔλθοι θελεμωτέρῳ
πνεύματι· νῦν δ᾽ ἔτι ζεῖ.

Ἐτεοκλής

Ἐξέζεσεν γὰρ Οἰδίπου κατεύγματα·
ἄγαν δ᾽ ἀληθεῖς ἐνυπνίων φαντασμάτων 710
ὄψεις, πατρῴων χρημάτων δατήριοι.

Χορός

Πιθοῦ γυναιξί, καίπερ οὐ στέργων ὅμως.

Ἐτεοκλής

Λέγοιτ᾽ ἂν ὧν ἄνη τις· οὐδὲ χρὴ μακράν.

Χορός

Μὴ ᾽λθῃς ὁδοὺς σὺ τάσδ᾽ ἐφ᾽ ἑβδόμαις πύλαις.

Ἐτεοκλής

Τεθηγμένον τοί μ᾽ οὐκ ἀπαμβλυνεῖς λόγῳ. 715

Χορός

Νίκην γε μέντοι καὶ κακὴν τιμᾷ θεός.

Ἐτεοκλής

Οὐκ ἄνδρ᾽ ὁπλίτην τοῦτο χρὴ στέργειν ἔπος.

Χορός

Ἀλλ᾽ αὐτάδελφον αἷμα δρέψασθαι θέλεις;

Ἐτεοκλής

Θεῶν διδόντων οὐκ ἂν ἐκφύγοις κακά.

ÉTÉOCLE.

Qu'on supporte un malheur où il n'y a nulle honte, je le comprends (84) ; mais n'y a-t-il rien qui déshonore, dans 136 la honte unie au malheur, alors qu'il n'est plus qu'un bien désirable, la mort ?

LE CHŒUR.

Encore ! ô mon fils! La rage des combats remplit ton âme : résiste au mal funeste ; réprime un criminel entraînement.

ÉTÉOCLE.

Le ciel hâte l'événement ; le vent souffle : eh bien donc, vogue au gré des vents, lancée sur les flots du Cocyte, toute la race de Laïus, objet de la haine d'Apollon !

LE CHŒUR.

Un affreux désir dévore ton âme ; cet homicide que tu brûles de commettre, il aura pour fruits d'amers remords ; ce sang est sacré pour toi.

ÉTÉOCLE.

L'imprécation de mon père, la terrible imprécation vent s'accomplir; Furie impitoyable, à l'œil toujours sec, elle est à mes côtés, elle me crie : « La victoire d'abord, la mort après (85) ! »

LE CHŒUR.

Pourquoi précipiter ton destin ? tu peux, sans être nommé lâche, conserver ta vie. La noire Érinys n'entre pas dans la demeure (86) de l'homme dont les mains offrent des sacrifices agréables aux dieux.

ÉTÉOCLE.

Les dieux ! depuis longtemps ils nous ont rejetés : la seule offrande qui puisse leur plaire, c'est notre mort. Le 137 Destin veut nous perdre; pourquoi donc essayer sur lui les lâches complaisances (87) ?

LE CHŒUR.

Sans doute le sort aujourd'hui te presse ; mais vienne un subit changement de la Fortune, et peut-être des vents plus doux enfleront tes voiles : aujourd'hui la tempête bouillonne encore.

ÉTÉOCLE.

Oui, cette tempête qui bouillonne, ce sont les imprécations d'Oedipe. Des fantômes me sont apparus, aux heures du sommeil : ce n'était que trop la vérité, ce partage qu'ils faisaient de l'héritage paternel

LE CHŒUR.

Les femmes te sont odieuses : pourtant, écoute un avis de femmes.

ÉTÉOCLE.

Demandez ce qui peut s'accorder; et pas de longs discours.

LE CHŒUR.

Ne prends pas ce chemin fatal, ne va pas à la septième porte.

ÉTÉOCLE.

La pointe est aiguisée ; tes paroles n'émousseront pas ma résolution.

LE CHŒUR.

Le ciel applaudit à la victoire, même lâchement acquise (88).

138 ÉTÉOCLE.

Ce n'est pas là la maxime qui doit flatter un soldat en armes.

LE CHŒUR.

Tu veux donc te baigner dans le sang de ton propre frère?

ÉTÉOCLE.

Si les dieux me secondent, il n'évitera pas la mort.

  Χορός

Πέφρικα τὰν ὠλεσίοικον 720
θεόν, οὐ θεοῖς ὁμοίαν,
παναλαθῆ κακόμαντιν
πατρὸς εὐκταίαν Ἐρινὺν
τελέσαι τὰς περιθύμους
κατάρας Οἰδιπόδα βλαψίφρονος· 725
παιδολέτωρ δ᾽ ἔρις ἅδ᾽ ὀτρύνει.
Ξένος δὲ κλήρους ἐπινωμᾷ,
Χάλυβος Σκυθᾶν ἄποικος,
κτεάνων χρηματοδαίτας
πικρός, ὠμόφρων σίδαρος, 730
χθόνα ναίειν διαπήλας,
ὁπόσαν καὶ φθιμένοισιν κατέχειν,
τῶν μεγάλων πεδίων ἀμοίρους.
Ἐπεὶ δ᾽ ἂν αὐτοκτόνως
αὐτοδάικτοι θάνωσι, 735
καὶ γαΐα κόνις πίῃ
μελαμπαγὲς αἷμα φοίνιον,
τίς ἂν καθαρμοὺς πόροι,
τίς ἄν σφε λούσειεν; ὦ
πόνοι δόμων νέοι παλαι- 740
οῖσι συμμιγεῖς κακοῖς.
Παλαιγενῆ γὰρ λέγω
παρβασίαν ὠκύποινον·
αἰῶνα δ᾽ ἐς τρίτον μένει·
Ἀπόλλωνος εὖτε Λάιος 745
βίᾳ, τρὶς εἰπόντος ἐν
μεσομφάλοις Πυθικοῖς
χρηστηρίοις θνᾴσκοντα γέν-
νας ἄτερ σῴζειν πόλιν,
κρατηθεὶς δ᾽ ἐκ φίλων ἀβουλιᾶν 750
ἐγείνατο μὲν μόρον αὑτῷ,
πατροκτόνον Οἰδιπόδαν,
ὅστε ματρὸς ἁγνὰν
σπείρας ἄρουραν, ἵν᾽ ἐτράφη,
ῥίζαν αἱματόεσσαν 755
ἔτλα· παράνοια συνᾶγε
νυμφίους φρενώλεις.
Κακῶν δ᾽ ὥσπερ θάλασσα κῦμ᾽ ἄγει·
τὸ μὲν πίτνον, ἄλλο δ᾽ ἀείρει
τρίχαλον, ὃ καὶ περὶ πρύμ- 760
ναν πόλεως καχλάζει.
Μεταξὺ δ᾽ ἀλκὰ δι᾽ ὀλίγου
τείνει, πύργος ἐν εὔρει.
Δέδοικα δὲ σὺν βασιλεῦσι
μὴ πόλις δαμασθῇ. 765
Τελειᾶν γὰρ παλαιφάτων ἀρᾶν
βαρεῖαι καταλλαγαί· τὰ δ᾽ ὀλοὰ
πελόμεν᾽ οὐ παρέρχεται.
Πρόπρυμνα δ᾽ ἐκβολὰν φέρει
ἀνδρῶν ἀλφηστᾶν 770
ὄλβος ἄγαν παχυνθείς.
Τίν᾽ ἀνδρῶν γὰρ τοσόνδ᾽ ἐθαύμασαν
θεοὶ καὶ ξυνέστιοι πόλεος ὁ
πολύβατός τ᾽ ἀγὼν βροτῶν,
ὅσον τότ᾽ Οἰδίπουν τίον, 775
τὰν ἁρπαξάνδραν
κῆρ᾽ ἀφελόντα χώρας;
ἐπεὶ δ᾽ ἀρτίφρων
ἐγένετο μέλεος ἀθλίων
γάμων, ἐπ᾽ ἄλγει δυσφορῶν 780
μαινομένᾳ κραδίᾳ
δίδυμα κάκ᾽ ἐτέλεσεν·
πατροφόνῳ χερὶ τῶν
κρεισσοτέκνων ὀμμάτων ἐπλάγχθη·
τέκνοις δ᾽ ἀγρίας 785
ἐφῆκεν ἐπικότους τροφᾶς,
αἰαῖ, πικρογλώσσους ἀράς,
καί σφε σιδαρονόμῳ
διὰ χερί ποτε λαχεῖν
κτήματα· νῦν δὲ τρέω 790
μὴ τελέσῃ καμψίπους Ἐρινύς.

LE CHŒUR seul.

Je frémis. La déesse de destruction, cet être qui n'a rien des autres dieux, a fait entendre sa voix. C'est la Furie aux arrêts infaillibles, aux sinistres prédictions, c'est Érinys invoquée par un père, qui vient accomplir les imprécations vengeresses qu'Oedipe lança dans son délire : elle presse le fatal ouvrage; les fils d'Œdipe courent à la mort.

Le fer sera l'arbitre de leur destinée, le fer, cet hôte destructeur, né dans la Scythie, au pays des Chalybes ; c'est lui qui leur fera le partage des biens paternels ; c'est le fer cruel, impitoyable, qui leur assignera la mesure de terre que peuvent occuper des morts : ils n'auront rien de leur opulent patrimoine!

Quand ils auront péri, percés d'un coup mutuel ; quand la poudre terrestre aura bu le noir sang du meurtre, quelle main offrira l'expiation? quelle main lavera leurs corps ? O famille infortunée ! des malheurs nouveaux vont se mêler à tes antiques calamités.

Car il y a bien longtemps de cette faute de Laïus, dont lui-même il porta sitôt la peine, et que paye encore sa troisième génération. Trois fois, dans ce lieu qui est le centre du monde, l'oracle pythique avait dit à Laïus qu'il devait, pour sauver Thèbes, mourir sans postérité ; mais la voix d'Apollon ne fut point entendue.

139 Laïus céda aux vœux d'amis imprudents: il donna une vie qui était sa mort. Œdipe naquit, Œdipe, l'assassin de son père, le fils incestueux qui féconda le chaste sein où il avait été conçu, le père d'une race sanglante! Laïus, Jocaste, époux insensés ! quelle fureur vous conviait à ces embrassements (89) ?

Une mer d'infortunes nous bat de ses flots : une vague est tombée ; trois fois plus terrible, une autre vague se soulève et mugit contre la poupe de l'État. Il n'est entre nous et l'abîme que l'épaisseur d'un rempart (90) : je tremble, Thèbes va tomber avec ses rois !

L'antique imprécation s'accomplit ; plus d'accord que par le fer : la tempête est déchaînée, elle ne s'apaisera pas. Quand la charge du bonheur a dépassé la mesure, vos trésors, mortels opulents, on les précipite du haut de la proue.

Eh ! qui jamais obtint et des dieux (91), et des citoyens de Thèbes, et de l'innombrable génération des mortels, plus d'admiration, plus de respect qu'Œdipe, alors qu'il délivra ce pays du fléau meurtrier (92)?

Infortuné! il reconnaît qu'il a formé un détestable hymen; la douleur, le désespoir s'emparent de son âme: à tant de maux il ajoute un double malheur. De sa main parricide il s'arrache les yeux ; il se condamne à errer privé du plus doux des biens (93).

140 Et, dans son délire, il lance contre ses fils, hélas! hélas ! d'amères imprécations : il maudit leur naissance, il souhaite que leur bras s'arme du fer pour régler la possession de son héritage. Ah! je tremble aujourd'hui qu'Érinys, la vengeresse Érinys (94), ne vienne accomplir les vœux d'Œdipe !

  Ἄγγελος

θαρσεῖτε, παῖδες μητέρων τεθραμμέναι.
πόλις πέφευγεν ἥδε δούλιον ζυγόν·
πέπτωκεν ἀνδρῶν ὀβρίμων κομπάσματα·
πόλις δ᾽ ἐν εὐδίᾳ τε καὶ κλυδωνίου 795
πολλαῖσι πληγαῖς ἄντλον οὐκ ἐδέξατο.
στέγει δὲ πύργος, καὶ πύλας φερεγγύοις
ἐφραξάμεσθα μονομάχοισι προστάταις·
καλῶς ἔχει τὰ πλεῖστ᾽, ἐν ἓξ πυλώμασι·
τὰς δ᾽ ἑβδόμας ὁ σεμνὸς ἑβδομαγέτης 800
ἄναξ Ἀπόλλων εἵλετ᾽, Οἰδίπου γένει
κραίνων παλαιὰς Λαΐου δυσβουλίας.

Χορός

τί δ᾽ ἔστι πρᾶγμα νεόκοτον πόλει πλέον;

Ἄγγελος

πόλις σέσωσται· βασιλέες δ᾽ ὁμόσποροι--

Χορός

τίνες; τί δ᾽ εἶπας; παραφρονῶ φόβῳ λόγου. 805

Ἄγγελος

φρονοῦσα νῦν ἄκουσον· Οἰδίπου τόκοι --

Χορός

οἲ ᾽γὼ τάλαινα, μάντις εἰμὶ τῶν κακῶν.

Ἄγγελος

οὐδ᾽ ἀμφιλέκτως μὴν κατεσποδημένοι--

Χορός

ἐκεῖθι κεῖσθον ; βαρέα δ᾽ οὖν ὅμως φράσον.

Ἄγγελος

ἅνδρες τεθνᾶσιν ἐκ χερῶν αὐτοκτόνων. 810

 Χορός

οὕτως ἀδελφαῖς χερσὶν ἠναίρονθ᾽ ἅμα ;

Ἄγγελος

οὕτως ὁ δαίμων κοινὸς ἦν ἀμφοῖν ἄγαν.
αὐτὸς δ᾽ ἀναλοῖ δῆτα δύσποτμον γένος.
τοιαῦτα χαίρειν καὶ δακρύεσθαι πάρα·
πόλιν μὲν εὖ πράσσουσαν, οἱ δ᾽ ἐπιστάται, 815
δισσὼ στρατηγώ, διέλαχον σφυρηλάτῳ
Σκύθῃ σιδήρῳ κτημάτων παμπησίαν.
ἕξουσι δ᾽ ἣν λάβωσιν ἐν ταφῇ χθονός,
πατρὸς κατ᾽ εὐχὰς δυσπότμως φορούμενοι.
[πόλις σέσωσται· βασιλέοιν δ᾽ ὁμοσπόροιν 820
πέπωκεν αἷμά γαῖ᾽ ὑπ᾽ ἀλλήλων φόνῳ.]

UN ENVOYÉ.

Calmez votre effroi, jeunes filles. Thèbes a échappé au joug des esclaves. Les folles menaces de ces hommes superbes sont tombées : Thèbes est dans un plein calme; et le flanc du navire, tant battu des flots, n'a point cédé à la tempête. Nos tours nous abritent encore ; nous avions armé nos portes de guerriers dignes de les défendre. Aux six premières, nous sommes vainqueurs; mais, à la septième, l'auguste guide des sept chefs (95) a triomphé : Apollon vient de punir sur la race d'Œdipe l'antique imprudence de Laïus (96).

LE CHŒUR.

Quel nouveau malheur est donc tombé sur la cité?

141 L'ENVOYÉ.

Thèbes est sauvée; mais les deux rois, les deux frères, ont péri frappés d'une mort mutuelle (97).

LE CHŒUR.

Quels rois? que dis-tu? Tes paroles me remplissent de trouble et de crainte.

L'ENVOYÉ.

Calme tes sens ; écoute-moi. Les fils d'Œdipe...

LE CHŒUR.

Ah ! malheureuse, je devine toute leur infortune.

L'ENVOYÉ.

C'en est fait ; ils ont mordu la poussière.

LE CHŒUR.

C'en est donc fait! O crime épouvantable! Pourtant, achève.

L'ENVOYÉ.

Oui, les mains fraternelles ont frappé : ils ne sont plus.

LE CHŒUR.

Ainsi le Destin réservait le même sort aux deux frères.

L'ENVOYÉ.

Oui, le Destin renverse une race infortunée. Sujet d'allégresse et de larmes tout ensemble ! Thèbes triomphe ; mais les deux rois, les deux chefs des guerriers, ont pris en main le fer de Scythie, le fer forgé sous le marteau, et décidé de la possession de l'héritage : ils en posséderont toute la terre que couvrira leur tombeau ! Ainsi seront accomplis les funestes vœux d'un père. Thèbes est sauvée ; mais les deux rois conçus dans le 142 même sein se sont mutuellement donné la mort, et la terre a bu leur sang (98).

Χορός

Ὦ μεγάλε Ζεῦ καὶ πολιοῦχοι
δαίμονες, οἳ δὴ Κάδμου πύργους
τούσδε ῥύεσθε,
πότερον χαίρω κἀπολολύξω 825
πόλεως ἀσινεῖ < > σωτῆρι . .,
Ἢ τοὺς μογεροὺς καὶ δυσδαίμονας
ἀτέκνους κλαύσω πολεμάρχους; 830
οἳ δῆτ᾽ ὀρθῶς κατ᾽ ἐπωνυμίαν
καὶ πολυνεικεῖς
ὤλοντ᾽ ἀσεβεῖ διανοίᾳ. 832b

(στροφὴ α')

Ὦ μέλαινα καὶ τελεία
γένεος Οἰδίπου τ᾽ ἀρά, 833b
κακόν με καρδίαν τι περιπίτνει κρύος.
Ἔτευξα τύμβῳ μέλος 835
Θυιὰς αἱματοσταγεῖς
νεκροὺς κλύουσα δυσμόρως
θανόντας· ἦ δύσορνις ἅ-
δε ξυναυλία δορός.

(ἀντιστροφὴ α')

Ἐζέπραξεν, οὐδ᾽ ἀπεῖπεν 840
πατρόθεν εὐκταία φάτις·
βουλαὶ δ᾽ ἄπιστοι Λαΐου διήρκεσαν.
Μέριμνα δ᾽ ἀμφὶ πτόλιν·
θέσφατ᾽ οὐκ ἀμβλύνεται.
Ἰὼ πολύστονοι, τόδ᾽ ἠρ- 845
γάσασθ᾽ ἄπιστον· ἦλθε δ᾽ αἰ-
ακτὰ πήματ᾽ οὐ λόγῳ.

(στροφὴ β')

Τάδ᾽ αὐτόδηλα, προῦπτος ἀγγέλου λόγος·
διπλαῖ μέριμναι, <> διδυμάνορα
κάκ᾽ αὐτοφόνα, δίμοιρα τέ- 850
λεια τάδε πάθη. τί φῶ;
Τί δ᾽ ἄλλο γ᾽ ἢ πόνοι πόνων
δόμων ἐφέστιοι;
ἀλλὰ γόων, ὦ φίλαι, κατ᾽ οὖρον

(ἀντιστροφὴ β')

ἐρέσσετ᾽ ἀμφὶ κρατὶ πόμπιμον χεροῖν 855
πίτυλον, ὃς αἰὲν δι᾽ Ἀχέροντ᾽ ἀμείβεται
τὰν ἄστολον μελάγκροκον [ναύστολον] θεωρίδα,
τὰν ἀστιβῆ Ἀπόλλωνι, τὰν ἀνάλιον
πάνδοκον εἰς ἀφανῆ τε χέρσον. 860

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Ἀλλὰ γὰρ ἥκουσ᾽ αἵδ᾽ ἐπὶ πρᾶγος
πικρὸν Ἀντιγόνη τ᾽ ἠδ᾽ Ἰσμήνη,
θρῆνον ἀδελφοῖν· οὐκ ἀμφιβόλως
οἶμαί σφ᾽ ἐρατῶν ἐκ βαθυκόλπων
στηθέων ἥσειν ἄλγος ἐπάξιον. 865
Ἡμᾶς δὲ δίκη πρότερον φήμης
τὸν δυσκέλαδόν θ᾽ ὕμνον Ἐρινύος
ἰαχεῖν Ἀίδα τ᾽
ἐχθρὸν παιᾶν᾽ ἐπιμέλπειν. 870
Ἰώ, δυσαδελφόταται πασῶν ὁπόσαι
στρόφον ἐσθῆσιν περιβάλλονται,
κλαίω, στένομαι, καὶ δόλος οὐδεὶς
μὴ ᾽κ φρενὸς ὀρθῶς με λιγαίνειν.

(στροφὴ α')

[Ἀντιγόνη]

Ἰὼ ἰὼ δύσφρονες, 875
φίλων ἄπιστοι καὶ κακῶν ἀτρύμονες,
δόμους πατρῴους ἑλόν-
τες μέλεοι σὺν αἰχμᾷ.

[Χόρος]

Μέλεοι δῆθ᾽ οἳ μελέους θανάτους
εὕροντο δόμων ἐπὶ λύμῃ. 880

(ἀντιστροφὴ α')

[Ἰσμήνη]

Ἰὼ ἰὼ δωμάτων
ἐρειψίτοιχοι καὶ πικρὰς μοναρχίας
ἰδόντες, ἤδη διήλ-
λαχθε σὺν σιδάρῳ. 885
Κάρτα δ᾽ ἀληθῆ πατρὸς Οἰδιπόδα
πότνι᾽ Ἐρινὺς ἐπέκρανεν.

(στροφὴ β']

[Ἀντιγόνη]

Δι᾽ εὐωνύμων τετυμμένοι,
τετυμμένοι δῆθ᾽,
ὁμοσπλάγχνων τε πλευρωμάτων 890
*

αἰαῖ δαιμόνιοι, 892
αἰαῖ δ᾽ ἀντιφόνων
θανάτων ἀραί.

[Χόρος]

Διανταίαν λέγεις [πλαγὰν] δόμοισι καὶ 895
σώμασιν πεπλαγμένους, [ἐννέπω]
ἀναυδάτῳ μένει
ἀραίῳ τ᾽ ἐκ πατρὸς
<οὐ> διχόφρονι πότμῳ.

(ἀντιστροφὴ β')

(Ἰσμήνη]

Διήκει δὲ καὶ πόλιν στόνος, 900
στένουσι πύργοι,
στένει πέδον φίλανδρον· μένει
κτέανα δ᾽ ἐπιγόνοις,
δι᾽ ὧν αἰνομόροις,
δι᾽ ὧν νεῖκος ἔβα 905
[καὶ] θανάτου τέλος.

Χόρος

Ἐμοιράσαντο δ᾽ ὀξυκάρδιοι
κτήμαθ᾽, ὥστ᾽ ἴσον λαχεῖν.
Διαλλακτῆρι δ᾽ οὐκ
ἀμεμφεία φίλοις,
οὐδ᾽ ἐπίχαρις Ἄρης. 910

(στροφὴ γ']

[Ἀντιγόνη]

[Σιδαρόπλακτοι μὲν ὧδ᾽ ἔχουσιν,
σιδαρόπλακτοι δὲ τοὺς μένουσι,
τάχ᾽ ἄν τις εἴποι, τίνες;
τάφων πατρῴων λαχαί.

[Χόρος]

Ὅδ᾽ ἁμῶν μάλ᾽ ἀχέτας τοὺς 915
προπέμπει δαϊκτὴρ γόος αὐ-
τόστονος, αὐτοπήμων,
δαϊόφρων [δ᾽·], οὐ φιλογαθής, ἐτύμως
δακρυχέων ἐκ φρενός, ἃ
κλαιομένας μου μινύθει 920
τοῖνδε δυοῖν ἀνάκτοιν.

(Ἀντιστροφὴ γ')

[Ἰσμήνη]

Πάρεστι δ᾽ εἰπεῖν ἐπ᾽ ἀθλίοισιν
ὡς ἐρξάτην πολλὰ μὲν πολίτας,
ξένων τε πάντων στίχας
πολυφθόρους ἐν δαΐ. 925

[Χορός]

Δυσδαίμων σφιν ἁ τεκοῦσα
πρὸ πασᾶν γυναικῶν ὁπόσαι
τεκνογόνοι κέκληνται.
Παῖδα τὸν αὑτᾶς πόσιν αὑτᾷ θεμένα
τούσδ᾽ ἔτεχ᾽, οἱ δ᾽ ὧδ᾽ ἐτελεύ- 930
τασαν ὑπ᾽ ἀλλαλοφόνοις
χερσὶν ὁμοσπόροισιν.

(στροφὴ δ')

[Ἰσμήνη]

Ὁμόσποροι δῆτα καὶ πανώλεθροι,
διατομαῖς οὐ φίλοις,
ἔριδι μαινομένᾳ, 935
νείκεος ἐν τελευτᾷ.

 [Χορός]

Πέπαυται δ᾽ ἔχθος, ἐν δὲ γαίᾳ
ζόα φονορύτῳ
μέμεικται· κάρτα δ᾽ εἴσ᾽ ὅμαιμοι.
 

[Χορός]

Πικρὸς λυτὴρ νεικέων ὁ πόντιος 940
ξεῖνος ἐκ πυρὸς συθεὶς
θακτὸς σίδαρος· πικρὸς δὲ χρημάτων
κακὸς δατητὰς Ἄρης ἀρὰν πατρῴ-
αν τιθεὶς ἀλαθῆ.

(ἀντιστροφὴ δ')

[Ἰσμήνη] ou [Ἀντιγόνη]

Ἔχουσι μοῖραν λαχόντες οἱ μέλεοι 945
διοδότων ἀχθέων·
ὑπὸ δὲ σώματι γᾶς
πλοῦτος ἄβυσσος ἔσται.

[Ἰσμήνη] ou [Χόρος]

Ἰὼ πολλοῖς ἐπανθίσαντες
πόνοισι γενεάν· 950
τελευταῖαι δ᾽ ἐπηλάλαξαν
Ἀραὶ τὸν ὀξὺν νόμον, τετραμμένου
παντρόπῳ φυγᾷ γένους.
Έστακε δ᾽ Ἄτας τροπαῖον ἐν πύλαις,
ἐν αἷς ἐθείνοντο, καὶ δυοῖν κρατή- 955
σας ἔληξε δαίμων.

LE CHŒUR, seul.

O grand Jupiter! et vous dieux tutélaires, vous qui protégez ces nobles tours de Cadmus! dois-je me livrer à la joie? dois-je chanter l'hymne de reconnaissance au sauveur qui a préservé la ville de tout dommage ? Dois-je pleurer le sort affreux de mes princes, morts sans postérité ! Dignes d'un nom fatal, vrais Polynices (99), leur impiété les a perdus !

O noire imprécation d'Oedipe contre sa race ! La voilà donc accomplie ! Un froid mortel glace mon cœur. Préparons des accords funèbres, chantons le chant des thyades. Les infortunés I ainsi ils ne sont plus ; ainsi leurs cadavres sont baignés dans le sang ! Ah ! c'est sous un auspice de mort qu'ils se sont rencontrés le fer à la main.

Ils ont eu leur effet, ils n'ont point été vains, les vœux formés par la bouche d'un père. L'imprudence indocile de Laïus a porté tous ses fruits. Rien n'a trompé mon attente : ni mes larmes sur le sort de Thèbes n'étaient vaines, ni les oracles des dieux. Hélas ! hélas ! vous l'avez donc commis, princes déplorables, cet incroyable forfait ! (On apporte les cadavres d'Étéocle et de Polynice.)

Mais ce n'est plus un récit ; ces maux lamentables, les voilà, ils sont sous nos yeux ; le rapport était fidèle. Double objet de douleur ! double victime d'un mutuel homicide ! double malheur qui comble tant de malheurs ! Que dirai-je? un seul mot encore: l'infortune, au foyer de cette famille, succéda sans cesse à l'infortune. — Mais le vent des lamentations s'élève, ô mes amies ! Que 143 les deux mains frappent la tête; cadencé comme le battement des rames, que le bruit propitiatoire se fasse entendre ; bruit qui fait voguer sur l'Achéron la barque des gémissements, théoride (100) aux noires voiles, et qui la pousse vers l'invisible terre où ne pénétrèrent jamais ni Apollon ni le jour ; vers cette terre où tous les mortels trouvent leur place. — Aussi bien , voici Antigone et Ismène. Elles vont remplir le triste devoir ; elles vont pleurer leurs frères. Du fond de leurs poitrines, ces vierges, dignes de tant d'amour, laisseront sans doute s'exhaler de trop justes douleurs. Prévenons leurs ordres, chantons l'hymne d'Érinys, l'hymne aux tristes accents , et que Pluton entende aussi retentir son péan funèbre. (Le chœur se partage en deux moitiés (101).)

PREMIER DEMI-CHŒUR.

Ô de tout le sexe qui entoure ses vêtements d'une ceinture, ô vous les plus malheureuses par vos frères ! je pleure, je gémis ; et mes cris, je vous le jure, partent du fond de mon âme.

DEUXIÈME DEMI-CHŒUR.

Hélas ! hélas ! insensés ! indociles à la voix de vos amis, infatigables artisans de maux, vous avez disputé par la force des armes l'héritage paternel. Malheureux !

PREMIER DEMI-CHŒUR.

Oui, malheureux ! ils ont trouvé le plus malheureux trépas ; avec eux leur maison a péri !

DEUXIÈME DEMI-CHŒUR.

Hélas! hélas ! destructeurs de vos foyers! ambitieux d'un trône funeste, vous avez pris le fer pour arbitre : ce n'est pas l'amitié, c'est la mort qui a tranché la que- 144 relle (102). La redoutable Érinys a bien exaucé les vœux d'Oedipe, les vœux d'un père !

PREMIER DEMI-CHŒUR.

Percés au cœur...

DEUXIÈME DEMI-CHŒUR.

Oui, percés au cœur; et ces deux hommes étaient frères !

PREMIER DEMI-CHŒUR.

Hélas! hélas! haine du Destin ! Hélas! hélas! malédiction qui les vouait au mutuel fratricide !

DEUXIÈME DEMI-CHŒUR.

Le coup a pénétré de part en part.

PREMIER DEMI-CHŒUR.

Coup mortel pour eux, pour leur race !

DEUXIÈME DEMI-CHŒUR.

Fureur inouïe ! fatale Discorde invoquée par un père !

PREMIER DEMI-CHŒUR.

Tout gémit sur leur sort, et cette ville, et ces tours, et cette terre qui les aimait. D'autres hériteront de leurs biens (103), de ces biens cause de tant d'infortunes, de ces biens cause de leur querelle et de leur mort! La rage était dans leur cœur ; ils ont partagé leurs richesses, ils ont pris chacun une part égale ; mais l'arbitre du procès n'a pas contenté leurs amis : ce combat n'a pas fait ma joie !

DEUXIÈME DEMI-CHŒUR.

Les voilà, percés d'un fer meurtrier !

145 PREMIER DEMI-CHŒUR.

Percés d'un fer meurtrier, ils vont avoir leur partage; oui, une place chacun au tombeau de leurs pères !

DEUXIÈME DEMI-CHŒUR.

Le cri déchirant de la douleur fait retentir les échos du palais: lamentations sur eux, sur moi-même, sur mes propres maux ! trait qui perce mon âme ! Plus de joie pour moi ; je pleure, et mon cœur ne dément point mes yeux ! et mon cœur se consume, flétri sous le poids des peines. Infortunés ! osons le dire, tous les malheurs de Thèbes sont votre ouvrage ; et c'est par vous que les bataillons des envahisseurs étrangers (104) ont presque tous péri dans le combat.

PREMIER DEMI-CHŒUR.

Malheureuse celle qui les a mis au monde ; malheureuse entre toutes les femmes qui ont été appelées du nom de mère! Épouse de son propre fils, voilà ceux qu'elle a enfantés ! ils ont péri mutuellement, immolés par des mains fraternelles (105).

ISMÈNE.

Oui, les deux frères, crime affreux (106)! Ils se sont frappés en ennemis; une lutte furieuse a terminé leurs débats. Leur haine a cessé ; sur la terre inondée de leur sang, leurs vies se sont confondues. Ah! c'est bien aujourd'hui qu'ils sont du même sang.

146 LE CHOEUR.

C'est un cruel pacificateur des querelles, cet hôte venu d'au delà des mers (107), ce fer aiguisé qui est sorti de la fournaise ; c'est un cruel, un fatal arbitre du partage des richesses, ce Mars qui vient d'accomplir les imprécations de leur père I

ANTIGONE.

Infortunés! des maux infligés par les dieux le sort a fait à chacun une portion égale : sous leurs corps (108), pour domaine, la terre sans fond !

ISMÈNE.

Ô maison féconde en calamités ! Tout est fini ; les Furies ont fait retentir le cri perçant de la victoire : la race entière de Laïus a disparu devant elles. Le trophée d'Até (109) est dressé à la porte où se sont heurtés les deux frères: le Destin les a vaincus tous deux, le Destin est content.

 

  Ἀντιγόνη

Παισθεὶς ἔπαισας.

Ἰσμήνη

Σὺ δ᾽ ἔθανες κατακτανών.

Ἀντιγόνη

Δορὶ δ᾽ ἔκανες--

Ἰσμήνη

Δορὶ δ᾽ ἔθανες--

Ἀντιγόνη

Μελεοπόνος. 960

Ἰσμήνη

Μελεοπαθής.

Ἀντιγόνη

Ἴτω γόος.

Ἰσμήνη

Ἴτω δάκρυ.

Ἀντιγόνη

Πρόκεισαι --

Ἰσμήνη

Κατακτάς. 965

Ἀντιγόνη

Ἠέ.

Ἰσμήνη

Ἠέ.

Ἀντιγόνη

Μαίνεται γόοισι φρήν.

Ἰσμήνη

Ἐντὸς δὲ καρδία στένει.

Ἀντιγόνη

Ἰὼ ἰὼ πάνδυρτε σύ.

Ἰσμήνη

Σὺ δ᾽ αὖτε καὶ πανάθλιε. 970

Ἀντιγόνη

Πρὸς φίλου [γ᾽·] ἔφθισο.

Ἰσμήνη

Καὶ φίλον ἔκτανες.

Ἀντιγόνη

Διπλᾶ λέγειν--

Ἰσμήνη

Διπλᾶ δ᾽ ὁρᾶν--

Ἀντιγόνη

Ἄχθεα τῶνδε τάδ᾽ ἐγγύθεν. 975

Ἰσμήνη

Πέλας ἀδελφέ᾽ ἀδελφεῶν.

Χορός

Ἰὼ Μοῖρα βαρυδότειρα μογερά,
πότνιά τ᾽ Οἰδίπου σκιά,
μέλαιν᾽ Ἐρινύς, ἦ μεγασθενής τις εἶ.

Ἀντιγόνη

Ἠέ. 980

Ἰσμήνη

Ἠέ.

Ἀντιγόνη

Δυσθέατα πήματα --

Ἰσμήνη

Ἔδειξεν ἐκ φυγᾶς ἐμοί.

Ἀντιγόνη

Οὐδ᾽ ἵκεθ᾽ ὡς κατέκτανεν.

Ἰσμήνη

Σωθεὶς δὲ πνεῦμ᾽ ἀπώλεσεν.

Ἀντιγόνη

Ὤλεσε δῆτ᾽ <ἄγαν>. 985

Ἰσμήνη

Καὶ τὸν ἐνόσφισεν.

Ἀντιγόνη

Τάλαν γένος.

Ἰσμήνη

Τάλαν πάθος.

Ἀντιγόνη

Δύστονα κήδε᾽ ὁμαίμονα.

Ἰσμήνη

Δίυγρα τριπάλτων πημάτων. 990

 

ANTIGONE. Elle s'adresse au corps de Polynice.

Frappé du coup mortel, tu as frappé à ton tour.

ISMÈNE. Elle s'adresse au corps d'Étéocle.

Tu as donné la mort, et tu as reçu la mort.

ANTIGONE.

Tu as tué par l'épée.

ISMÈNE.

Tu as péri par l'épée.

ANTIGONE.

Odieuse attaque !

147 ISMÈNE.

Défaite odieuse !

ANTIGONE.

Coulez, mes pleurs.

ISMÈNE.

Éclatez, mes plaintes.

ANTIGONE.

Le vainqueur ne se relèvera plus. Hélas ! hélas ! la douleur trouble mon âme.

ISMÈNE.

Mon cœur sanglote dans ma poitrine.

ANTIGONE.

Hélas! hélas! frère à jamais déplorable!

ISMÈNE..

Ô frère, entre tous infortuné !

ANTIGONE.

Ton frère t'a donné la mort.

ISMÈNE.

Tu as donné la mort à ton frère.

ANTIGONE.

Double malheur affreux à dire !

ISMÈNE.

Double malheur affreux à voir !

ANTIGONE.

Et pour nous doublement déplorable !

ISMÈNE.

Tristes sœurs, voilà nos frères !

LE CHOEUR.

Ô Parque terrible, dispensatrice des douleurs ! ombre sacrée, ombre ténébreuse d'OEdipe, es-tu donc l'inévitable Furie des vengeances?

ANTIGONE.

Hélas !

148 ISMÈNE.

Hélas!

ANTIGONE, regardant Polynice.

Quel spectacle il vient m'offrir au retour de l'exil!

ISMÈNE.

La mort d'un rival n'a pas été son triomphe.

ANTIGONE.

Vainqueur, il a perdu la vie.

ISMÈNE.

Oui, perdu la vie !

ANTIGONE.

Et il l'a ôtée à son frère.

ISMÈNE.

Race infortunée !

ANTIGONE.

Race accablée d'infortunes non moins déplorables qu'elle (110)!

ISMÈNE.

Malheurs sur malheurs à pleurer !

ANTIGONE.

Récit effroyable !

ISMÈNE.

Effroyable spectacle!

  Χορός

Ἰὼ Μοῖρα βαρυδότειρα μογερά,
πότνιά τ᾽ Οἰδίπου σκιά,
μέλαιν᾽ Ἐρινύς, ἦ μεγασθενής τις εἶ.

Ἀντιγόνη

Σὺ τοί νιν οἶσθα διαπερῶν--

Ἰσμήνη

Σὺ δ᾽ οὐδὲν ὕστερος μαθών-- 995

Ἀντιγόνη

Ἐπεὶ κατῆλθες ἐς πόλιν,

Ἰσμήνη

Δορός γε τῷδ᾽ ἀντηρέτας.

Ἀντιγόνη

Ὀλοὰ λέγειν.

Ἰσμήνη

Ὀλοὰ δ᾽ ὁρᾶν.

Ἀντιγόνη

Ἰὼ πόνος-- 1000

Ἰσμήνη

Ἰὼ κακά--

Ἀντιγόνη

Δώμασι καὶ χθονί.

Ἰσμήνη

Πρὸ πάντων δ᾽ ἐμοί.

Ἀντιγόνη

Καὶ τὸ πρόσω γ᾽ ἐμοί.

Ἰσμήνη

Ἰὼ ἰὼ δυστόνων κακῶν, ἄναξ. 1005

Ἀντιγόνη

Ἰὼ πάντων πολυστονώτατοι.

Ἰσμήνη

Ἰὼ ἰὼ δαιμονῶντες ἄτᾳ.

Ἀντιγόνη

Ἰὼ ἰώ, ποῦ σφε θήσομεν χθονός;

Ἰσμήνη

Ἰώ, ὅπου <᾽στι> τιμιώτατον.

Ἀντιγόνη

Ἰὼ ἰώ, πῆμα πατρὶ πάρευνον. 1010

LE CHŒUR.

O parque terrible, dispensatrice des douleurs! ombre sacrée, ombre ténébreuse d'Œdipe, es-tu donc l'inévitable Furie des vengeances (111) !

149 ANTIGONE, à Polynice.

Tu le sais, hélas ! car tu l'as éprouvé.

ISMÈNE, à Étéocle.

Et toi, tu n'as pas tardé non plus à le reconnaître.

ANTIGONE.

Alors que tu es rentré dans ta patrie.

ISMÈNE

Quand tu luttais la lance en main contre lui.

ANTIGONE.

Récit effroyable !

ISMÈNE.

Effroyable spectacle !

ANTIGONE.

Ô douleur !

ISMÈNE.

Ô malheur !

ANTIGONE.

Malheur pour ma maison, malheur pour mon pays, malheur surtout pour moi !

ISMÈNE

Hélas! hélas! et pour moi bien plus encore!

ANTIGONE.

Étéocle ! Étéocle ! ó le premier auteur des maux dont nous gémissons !

ISMÈNE

Ô les plus déplorables de tous les mortels !

ANTIGONE.

Plongés, hélas! dans le crime par la main de la destinée.

ISMÈNE.

150 Hélas ! hélas ! où leur dresser un tombeau?

ANTIGONE.

A l'endroit, hélas ! qui leur fera le plus d'honneur.

ISMÈNE.

Hélas! hélas! qu'on les couche, les infortunés, auprès de leur père (112).

  Κῆρυξ

Δοκοῦντα καὶ δόξαντ᾽ ἀπαγγέλλειν με χρὴ
δήμου προβούλοις τῆσδε Καδμείας πόλεως·
Ἐτεοκλέα μὲν τόνδ᾽ ἐπ᾽ εὐνοίᾳ χθονὸς
θάπτειν ἔδοξε γῆς φίλαις κατασκαφαῖς·
στυγῶν γὰρ ἐχθροὺς θάνατον εἵλετ᾽ ἐν πόλει 1015
ἱερῶν πατρῴων δ᾽ ὅσιος ὢν μομφῆς ἄτερ
τέθνηκεν οὗπερ τοῖς νέοις θνῄσκειν καλόν.
Οὕτω μὲν ἀμφὶ τοῦδ᾽ ἐπέσταλται λέγειν·
τούτου δ᾽ ἀδελφὸν τόνδε Πολυνείκους νεκρὸν
ἔξω βαλεῖν ἄθαπτον, ἁρπαγὴν κυσίν, 1020
ὡς ὄντ᾽ ἀναστατῆρα Καδμείων χθονός,
εἰ μὴ θεῶν τις ἐμποδὼν ἔστη δορὶ
τῷ τοῦδ᾽·. Ἄγος δὲ καὶ θανὼν κεκτήσεται
θεῶν πατρῴων, οὓς ἀτιμάσας ὅδε
στράτευμ᾽ ἐπακτὸν ἐμβαλὼν ᾕρει πόλιν. 1025
Οὕτω πετηνῶν τόνδ᾽ ὑπ᾽ οἰωνῶν δοκεῖ
ταφέντ᾽ ἀτίμως τοὐπιτίμιον λαβεῖν,
καὶ μήθ᾽ ὁμαρτεῖν τυμβοχόα χειρώματα
μήτ᾽ ὀξυμόλποις προσσέβειν οἰμώγμασιν,
ἄτιμον εἶναι δ᾽ ἐκφορᾶς φίλων ὕπο. 1030
Τοιαῦτ᾽ ἔδοξε τῷδε Καδμείων τέλει.

Ἀντιγόνη

Ἐγὼ δὲ Καδμείων γε προστάταις λέγω·
ἢν μή τις ἄλλος τόνδε συνθάπτειν θέλῃ,
ἐγώ σφε θάψω κἀνὰ κίνδυνον βαλῶ
θάψασ᾽ ἀδελφὸν τὸν ἐμόν, οὐδ᾽ αἰσχύνομαι 1035
ἔχουσ᾽ ἄπιστον τήνδ᾽ ἀναρχίαν πόλει.
Δεινὸν τὸ κοινὸν σπλάγχνον, οὗ πεφύκαμεν,
μητρὸς ταλαίνης κἀπὸ δυστήνου πατρός.
Τοιγὰρ θέλουσ᾽ ἄκοντι κοινώνει κακῶν
ψυχή, θανόντι ζῶσα συγγόνῳ φρενί. 1040
Τούτου δὲ σάρκας οὐδὲ κοιλογάστορες
λύκοι σπάσονται· μὴ δοκησάτω τινί.
Τάφον γὰρ αὐτῷ καὶ κατασκαφὰς ἐγώ,
γυνή περ οὖσα, τῷδε μηχανήσομαι,
κόλπῳ φέρουσα βυσσίνου πεπλώματος. 1045
Καὐτὴ καλύψω, μηδέ τῳ δόξῃ πάλιν·
θάρσει, παρέσται μηχανὴ δραστήριος.

Κῆρυξ

Αὐδῶ πόλιν σε μὴ βιάζεσθαι τάδε.

Ἀντιγόνη

Αὐδῶ σὲ μὴ περισσὰ κηρύσσειν ἐμοί.

Κῆρυξ

Τραχύς γε μέντοι δῆμος ἐκφυγὼν κακά. 1050

Ἀντιγόνη

Τράχυν᾽· ἄθαπτος δ᾽ οὗτος οὐ γενήσεται.

Κῆρυξ

Ἀλλ᾽ ὃν πόλις στυγεῖ, σὺ τιμήσεις τάφῳ,;

Ἀντιγόνη

Ἤδη τὰ τοῦδε διατετίμηται θεοῖς.

Κῆρυξ

Οὔ, πρίν γε χώραν τήνδε κινδύνῳ βαλεῖν.

Ἀντιγόνη

Παθὼν κακῶς κακοῖσιν ἀντημείβετο. 1055

Κῆρυξ

Ἀλλ᾽ εἰς ἅπαντας ἀνθ᾽ ἑνὸς τόδ᾽ ἔργον ἦν.

Ἀντιγόνη

Ἔρις περαίνει μῦθον ὑστάτη θεῶν.
ἐγὼ δὲ θάψω τόνδε· μὴ μακρηγόρει.

Κῆρυξ

Ἀλλ᾽ αὐτόβουλος ἴσθ᾽, ἀπεννέπω δ᾽ ἐγώ.

Χορός

Φεῦ φεῦ.
ὦ μεγάλαυχοι καὶ φθερσιγενεῖς 1060
Κῆρες Ἐρινύες, αἵτ᾽ Οἰδιπόδα
γένος ὠλέσατε πρυμνόθεν οὕτως,
τί πάθω; τί δὲ δρῶ ; τί δὲ μήσωμαι;
πῶς τολμήσω μήτε σὲ κλαίειν
μήτε προπέμπειν ἐπὶ τύμβον · 1065
ἀλλὰ φοβοῦμαι κἀποτρέπομαι
δεῖμα πολιτῶν.
Σύ γε μὴν πολλῶν πενθητήρων
τεύξει· κεῖνος δ᾽ ὁ τάλας ἄγοος
μονόκλαυτον ἔχων θρῆνον ἀδελφῆς 1070
εἶσιν· τίς ἂν οὖν τὰ πίθοιτο ;

Ἡμιχόριον Α

Δράτω <τι> πόλις καὶ μὴ δράτω
τοὺς κλαίοντας Πολυνείκη.
Ἡμεῖς μὲν ἴμεν καὶ συνθάψομεν
αἵδε προπομποί. Καὶ γὰρ γενεᾷ 1075
κοινὸν τόδ᾽ ἄχος, καὶ πόλις ἄλλως
ἄλλοτ᾽ ἐπαινεῖ τὰ δίκαια.

Ἡμιχόριον Β

Ἡμεῖς δ᾽ ἅμα τῷδ᾽, ὥσπερ τε πόλις
καὶ τὸ δίκαιον ξυνεπαινεῖ.
Μετὰ γὰρ μάκαρας καὶ Διὸς ἰσχὺν 1080
ὅδε Καδμείων ἤρυξε πόλιν
μὴ ᾽νατραπῆναι μηδ᾽ ἀλλοδαπῷ
κύματι φωτῶν
κατακλυσθῆναι τὰ μάλιστα.

To

UN HÉRAUT.

Apprenez ce qu'a ordonné, ce qu'ordonne le sénat de la ville de Cadmus. Celui-là, Étéocle, aimait sa patrie : il sera enseveli avec honneur. C'est en repoussant les ennemis qu'il .a péri sur nos remparts. Les dieux paternels l'ont trouvé pur et sans reproche ; il est mort là où la mort est belle pour un jeune héros. — Voilà ce que j'ai à vous dire au sujet d'Étéocle. — Mais son frère Polynice, mais ce cadavre, il sera jeté à la voirie, il deviendra la proie des chiens; car il allait renverser la ville de Cadmus, si un dieu n'eût arrêté l'effort de sa lance. Sa mort même n'expie pas le sacrilège qu'il a commis envers les dieux paternels. Quel mépris pour eux ! jeter sur sa patrie une armée d'envahisseurs, en essayer la conquête (113) ! Donc, livré aux oiseaux du ciel, dans leur sein Polynice trouvera une sépulture digne de lui (114). Aucune main ne versera des libations sur son tom- 151 beau ; nul honneur pour lui, nulles larmes, nul gémissement funèbre : défense à ses proches de mener le deuil des funérailles. Telle est la volonté des magistrats de la ville de Cadmus.

ANTIGONE.

Et moi pourtant, je le déclare au sénat des Cadméens : si personne ne veut m'aider à l'ensevelir, je l'ensevelirai moi seule ; j'en courrai le danger. Pour donner la sépulture à un frère, je ne rougis point de désobéir aux ordres de la cité. Elles ont une voix puissante, ces entrailles où nous avons pris la vie, enfants d'une mère infortunée, d'un père malheureux. Partage volontairement, ô mon âme ! son malheur involontaire ; vivante, gardons pour le mort des sentiments fraternels. Non, des loups au ventre affamé ne se repaîtront point de ses chairs; non, n'en croyez rien! Moi-même, faible femme, je creuserai la fosse, j'élèverai le tombeau ; moi-même, dans les plis de ma robe de lin, je porterai la terre, j'en couvrirai le cadavre (115). Que nul ne s'oppose à mon dessein : la ruse, l'activité, seconderont au besoin mon audace (116).

152 LE HÉRAUT.

Écoute, ne viole pas la défense portée par les Thébains.

ANTIGONE.

Écoute, ne me donne pas d'avis inutiles.

LE HÉRAUT.

Il est intraitable, un peuple qui vient d'échapper au danger.

ANTIGONE.

Intraitable, soit; mais mon frère ne restera point sans sépulture.

LE HÉRAUT.

L'ennemi de Thèbes, tu veux l'honorer d'un tombeau !

ANTIGONE.

Les dieux n'ont point encore jugé sa conduite (117).

LE HÉRAUT.

Non, ils ne l'avaient pas jugée, avant le péril où il a jeté son pays.

ANTIGONE.

Il n'a fait que rendre mal pour mal.

LE HÉRAUT.

Oui; mais c'était venger sur tous le crime d'un seul.

ANTIGONE.

La déesse Discorde a toujours le dernier mot. Abrégeons : j'ensevelirai mon frère.

LE HÉRAUT.

Consulte-toi ; pour moi, je le défends.

153 LE CHŒUR.

Hélas ! hélas ! ô Furies menaçantes ! fléaux destructeurs des familles! c'est vous qui avez détruit, jusque dans ses fondements, la race d'Œdipe. Que devenir? que faire? à quoi me résoudre? (à Polynice.) Comment te refuser des pleurs? comment ne point t'accompagner jusqu'à la tombe ? Les menaces des Thébains sont terribles ; je tremble, je frémis. (à Étéocle) Tu seras donc honoré du deuil de tout un peuple; et lui, l'infortuné, nul ne gémirait sur son corps : il n'aurait pour le pleurer que les larmes de sa sœur ! Comment obéir à un tel ordre ? (Le chœur se sépare en deux moitiés.)

PREMIER DEMI-CHŒUR.

Que Thèbes châtie, qu'elle épargne ceux qui pleureront Polynice, nous suivrons Antigone : avec elle nous conduirons les funérailles. Polynice est né Thébain ; les Thébains sont frappés dans son malheur (118) ; et plus d'une fois le peuple s'est contredit dans ses décrets.

DEUXIÈME DEMI-CHŒUR.

Nous, accompagnons Etéocle : Thèbes le veut, la justice l'ordonne. Après les immortels, après le puissant Jupiter, c'est lui surtout qui a préservé du ravage la ville de Cadmus ; c'est lui qui a repoussé le flot d'étrangers prêt à l'engloutir (119).

 

NOTES

 

(01) Le titre de la tragédie, dans plusieurs manuscrits et chez divers auteurs anciens, est ἑπτὰ ἐπὶ Θήβαις, les Sept devant Thèbes ; et c'est ainsi que les éditeurs d'Eschyle l'ont d'abord donné. Mais la didascalie alexandrine, le Mediceus, le manuscrit de Leipzig, Aristote, Diodore, etc., justifient les nouveaux éditeurs, qui lisent unanimement ἑπτὰ ἐπὶ Θήβαις, les Sept contre Thèbes, titre d'ailleurs plus précis et plus exact, puisqu'il s'agit de l'assaut décisif, des scènes finales du siège.

(02) La ville de Thèbes en Béotie rapportait sa fondation à Cadmus, fils d'Agénor roi de Phénicie; la citadelle de Thèbes portait même le nom de Cadmée.

(03) Βλάστημά τ' ἀλδαίνοντα σώματος πολύ, correction de Henri Estienne. au lieu de βλάστημον ἀλδαίνοντα σώματος πολύν. Weil : « Haec refer ad juvenes, qui, quum adsint, etiam commemorari debent, et vocem ἀλδαίνοντα expone alentem. »

(04) "Ὥραν... Ce vers est mis entre crochets par Dindorf. On ne s'accorde pas sur l'interprétation, et il pourrait disparaître du texte sans beaucoup d'inconvénient.

(5) C'est l'explication des scholies. Weil n'admet point l'équivalence de πανδοκοῦσα et de ὑποδεχομένη. Il pense qu'à la suite du mot πανδοκοῦσα il y a une lacune, et que les mots qui manquent se rapportaient au vrai sens de ce participe : omnia in sinum suum recipiens. Voyez les Choéphores, vers 127-128.

(6) Tirésias, le devin dont il s'agit ici, était aveugle.

(7) Au lieu de πυρός, quelques-uns lisent φάους;. Etéocle dit, avec cette leçon, qu'il importe peu à Tiréras d'être privé de la lumière.

(8)  Ce passage, remarquable dans le texte par la sauvage énergie des expressions, a été cité par Longin comme un exemple de style sublime, et Boileau l'a traduit en assez beaux vers.

(9) C'étaient des agrafes, des boucles de cheveux, etc., que les guerriers déposaient avant le combat pour être envoyées à leurs parents, s'ils périssaient.

(10) C'est Adraste roi d'Argos, le beau-père de Polynice, qui avait engagé les chefs grecs dans la querelle de Polynice contre son frère.

(11) Πίστις, vulgo πύστις. En effet, c'est plus qu'une simple nouvelle, c'est un rapport de témoin oculaire.

(12) Oedipe, banni de Thèbes par ses deux fils Étéocle et Polynice, les avait maudits, et leur avait prédit qu'ils périraient par la main l'un de l'autre. D'après la croyance antique, une telle malédiction restait, comme une Furie vengeresse, attachée à ceux qui l'avaient encourue, et finissait toujours par produire d'épouvantables calamités.

(13) Le chœur qu'on va lire ne présente pas de très-grandes difficultés de sens; mais les leçons du texte sont bien loin d'être partout fixées, et l'on dispute encore sur la manière dont il faut couper les diverses parties du chant.

(14)  Les statues des dieux protecteurs de Thèbes entourent la scène.

(15) Harmonie, femme de Cadmus, était fille de Vénus et de Mars.

(16)  Apollon. C'était le surnom que lui avaient donné les Sicyoniens, après la destruction des loups dont leur pays était infesté. Le dieu, suivant le scholiaste, leur aurait indiqué une certaine écorce d'arbre, au moyen de laquelle ils se seraient débarrassés de ce fléau. Quant au jeu de mots qui est dans le texte, Λύκει ἄναξ, Λύκειος γενοῦ, on en a déjà vu d'analogues dans Eschyle, et on en verra d'autres encore.

(17) Le génitif ἐπάλξεων équivaut à εἰς ἐπάλξεις. Heimsœth propose de lire ἐπάλξει. Mais cette correction est inutile, car les pierres dont le chœur s'épouvante sont certainement lancées par les ennemis. Ceux qui prennent ἔρχεται dans le sens de ἐξέρχεται prêtent à Eschyle une absurdité.

(18) Suivant Dindorf et d'autres, il manque plusieurs mots après Διόθεν, et la phrase est une prière à Jupiter. Weil ajoute )ῶ, et rapporte tout à Oncée. De cette façon, c'est elle qui donne, par l'ordre de Jupiter, le signal du combat.

(19)  Oncée était le nom de Minerve chez les Phéniciens. Cadmuslui , avait élevé un temple sous ce nom, à l'une des portes de Thèbes.

(20) Il n'y avait, en réalité, qu'une différence de dialecte entre les Argiens et les Thébains.

(21) Τοιαῦτα γ' ἂν γυναίξι συνναίων ἔχοις;. Ce vers n'est point dans le Mediceus,et les derniers éditeurs le regardent comme interpolo. Dindon pense qu'il y avait primitivement, à sa place, un vers pour commander le calme et le silence, et qui était à peu près ainsi conçu : τοιγὰρ προφωνῶ πᾶσιν ἡσύχως ἔχειν. Sans cela, en effet, on ne comprend pas bien que le vers 196 commence par καὶ μή τις, et si quelqu'un, tour que je n'ai pas dû reproduire, sous peine de faire une absurde liaison de phrases. Le lecteur peut du moins tolérer une menace ex abrupto.

(22) Χὤ τι τῶν μεταίχμιον. Étéocle esttellement irrité, qu'il suppose un être impossible, qui ne serait ni homme ni femme et qui tiendrait des deux. Le scholiaste du Mediceus : ἀκύρως δὲ ἡ λέξις τὸ μεταίχμιον, καὶ δηλοῖ τὸν ἀληθῶς ὀργιζόμενον

(23)  Le texte dit : στράτευμ' ἀπτόμενον πυρὶ δαίῳ. Quelques-uns veulent que cela signifie : notre armée (c'est-à-dire notre peuple, c'est-à-dire notre ville) brûlée par le feu de l'ennemi. L'autre sens, qui est conforme à l'usage le plus fréquent du verbe ἅπτομαι, m'a paru aussi plus simple et plus naturel, sinon plus grammatical. Ahrens traduit littéralement, mais obscurément : populumque igne hostili ardentem. Peut-être faut-il lire : στρατοῦ δαπτομέναν πυρὶ δαίῳ.

(24) La leçon du vers 225 est encore controversée. Je lis  γύναι et je prends ὧδ' ἔχει λόγος dans son sens ordinaire.

(25) Τίμιον ἔδος est précisé.par tout ce qui procède. Peut-être cependant Eschyle avait-il écrit, comme le pense Weil, le mot θεῶν devant τίμιον.

(26) Quelques éditeurs lisent φόβῳ, au lieu de φόνῳ. Mais la leçon φόνῳ est à la fois plus énergique et mieux d'accord avec les autres paroles d'Etéocle.

(27) Ὦ ξυντέλεια. Scholies : τὸ κοινὸν ἄθροισμα τῶν θεῶν. C'est par erreur que Hermann croit qu'il s'agit ici de l'armée thébaine. Weil : « Per totum enim hunc locum chorus deos, quorum simulacra amplectitur, nunquam milites absentes alloquitur.

(28) Je lis, avec les derniers éditeurs, καὶ σὲ καὶ πᾶσαν πόλιν.

(29) Weil met le vers 260 entre crochets. Il y voit une contradiction avec ce qui précède. Mais on peut entendre εὔχου de l'espèce particulière de prière que va définir Étéocle, et qu'il distingue si nettement, vers 279-280, des intempérantes éjaculations de tout à l'heure.

(30) La fontaine de Dircé était, à Thèbes, l'objet d'un culte particulier. C'était, d'après la tradition antique, la femme de Lycus, roi de Thèbes, qu'Amphion et Zéthus avaient mise à mort avec son époux, et que les dieux, par pitié, avaient transformée ainsi.

(31)  L'Isménus, rivière qui coulait près de Thèbes, recevait, comme la fontaine de Dircé, les honneurs divins.

(32)  La prière d'Étëocle est donnée dans les manuscrits avec beaucoup de variantes, et Dindorf en met quatre vers entre crochets. Heimsœth discute longuement ce passage, et donne le fac-simile des deux principaux manuscrits.

(33) Téthys était la femme de l'Océan, la fille d'Uranus et de Vesta, la sœur de Saturne, la mère des nymphes et des fleuves. Il ne faut pas la confondre avec Thétis, fille de Nérée et mère d'Achille. Lre deux noms, en grec, ne se ressemblent point du tout.

(34) Je lis, avec Blomfield, Dindorf, Weil, etc., τοῖσδε, et τοῖς δέ. La vulgate introduit une idée étrangère à l'unique préoccupation du chœur. Il ne s'agit que du salut du peuple et de la ville, et κῦδος; est dans le sens qu'il a si souvent chez Homère.

(35) Le mot ὠγυγίαν est une simple épithète, comme l'indique le modiflcatif ὧδε. Une ville n'est pas plus ou moins la ville d'Ogygès; d'ailleurs il n'y a point eu d'Ogygès à Thèbes.

(36)  Au lieu de θεόθεν, je lis πεδόθεν, correction de Heimsœth. Le chœur cherche à apitoyer les dieux, et les suppose favorables.

(37) Ahrens a changé le texte de tout ce passage, qui semble pourtant si clair et si poétique; et, dans sa traduction, du reste parfaitement barbare et amphigourique, la dernière et la plus belle partie de cet admirable tableau a entièrement disparu : « Ancillae vero recenti calamitate affectae novae sunt, quas miserum captivum felicis viri, ut hostis, insolentioris nocturnum officium cujusvis generis gemitibus perstrepens adire manet. »

(38) Weil : « Verba ἀρτίκολλον λόγον nescio quo jure interpretentur recenten nuncium, potius quam apte congruentem cum regis adventu, opportune allatum. »

(39) Fils d'OEnéus, roi de Calydon. Il était, comme Polynice, gendre d'Adraste, et il eut pour fils unique Diomède.

(40) Ainsi appelée de Prœtus d'Argos, qui, chassé par Acrisius son pèro, s'était réfugié en Béotie.

(41) Amphiaraüs, un des sept chefs ligués contre Étéocle.

(42) La vulgate μένων n'est pas d'accord avec l'explication du scholiaste : ἀκούων. Aussi lit-on généralement κλύων. Quelques-uns changent les deux derniers mots du vers. Heimsœth : ὀρθίαν κλύει. Weil : ἀκταίνει κλύων. Avant le son de la trompette, le cheval est plus calme qu'après.

(43) Τῶνδε, se rapportant à πυλωμάτων, vulgo τόνδε, se rapportant à Mélanippus. Mais Mélanippus n'est point sur la scène.

(44)   A l'époque où Cadmus fonda Thébes. Suivant la tradition mythologique, ils s'étaient tous entre-tués, à l'exception de cinq.

(45) Quelques-uns transposent les vers 415- 416 avant le vers 412. Ce changement donne plus d'éclat à la conclusion du discours; mais c'est exagérer que d'accuser d'incohérence le texte traditionnel. Les idées se suivent très-convenablement.

(46)  J'explique : ὀλομένων ὑπὲρ φίλων. Weil :«Hoc quum ad constructionem simplicius, tum ad sententiam pulchrius est. »

(47)  Ainsi nommée, suivant Pausanias, d'Électre, sœur de Cadmus.

(48) Capanée, fils d'Hipponoüs, avait épousé la fille d'Iphis, lequel régnait dans Argos avec Adraste.

(49) D'après la tradition homérique, Tydée était de petite taille; mais Eschyle n'emploie évidemment le mot γίγας; que dans un sens figuré. Les assaillants sont, pour l'éclairour, des Titans,des puissances formidables de destruction.

(50)  Le texte des vers 428-429 n'est pas très-bien fixé. Au lieu de νιν, quelques-uns écrivent  τήν, ou τάν. Heimsœth remplace ἔριν par νέμεσιν, et Meinecke propose ὀργήν. On lit ἐμποδών et ἐκποδών. Meinecke, qui n'admet point viv au vers 428, en rétablit la valeur au vers 429 en écrivant σφ' ἔχειν et non σχεθεῖν. De toute façon, le sens reste le même.

(51) Celui qu'Étéocle présage sur l'impie Tydée. Quelques-uns remplacent κέρδει par κόμπῳ, idée sous-entendue avec la vulgate.

(52) Eschyle se sert de l'adjectif γεγωνά. C'est un de ces mots que lui seul a employés ; mais on en connaît la signification, par analogie avec un verbe poétique qui veut dire crier, se faire entendre à haute voix. Ahrens traduit γεγωνά par superba, interprétation tout arbitraire. Hésychius : γεγωνόν· τὸ ἐξακουστὸν, μεγαλόφρων.

(53)  On suppose ou que Polyphonte était prêtre de Diane, ou que la porte d'Electre était consacrée à Diane.

(54) Ce chef n'est pas connu d'ailleurs.

(55)  Pausanias conte que c'est en bâtissant cette porte qu'Amphion ajouta ä la lyre la corde appelée nété ; de là le nom du Néitide. D'autres font venir ce nom de Nais, ou Néis, fille d'Amphion ou de Zéthus.

(56)  Il manque six vers dans le texte après le vers 472, si l'on admet la loi de symétrie ; car le discours de l'éclaireur a quinze vers, et la réponse d'Étéocle devrait en avoir autant. Ce qui est certain ,c'est qu'il y a une lacune. La prétendue phrase formée par la juxtaposition des vers 472 et 473 ne donne aucun sens raisonnable. Même en isolant les deux vers l'un de l'autre, il faut aider à la lettre, pour deviner ce qu'ils veulent dire.

(57)  Créon était le frère de Jocaste.et c'est lui qui régna dans Thèbes après la mort de ses deux neveux, Étéocle et Polynice.

(58)  Σπέρμα τοῦ σπαρτῶν γένους, comme plus haut, vers 412-413, σπαρτῶν ἀπ' ἄνδρων ῥίζωμα.

(59) Hermann et Dindorf lisent : τῷδε μὲν εὐτυχεῖν. Avec la leçon de Weil, τάδε μέν σε τυχεῖν, on a l'avantage de savoir exactement à qui se rapporte ἰώ πρόμας, ἐμῶν δόμων

(60) Ce chef, comme Étéoclus, n'est guère connu que de nom.

(61) On a vu, dans le Prométhée, la tradition poétique relative à ce géant.

(62) Le discours de l'éclaireur semble incomplet. Il n'a que quinze vers, tandis que la réponse d'Étéocle en a vingt. Il y manque, selon Weil, deux vers pour l'armure, un vers pour la place de Typhon au centre du bouclier, deux vers pour l'attelage : après 488, 494, 496. Dindorf retranche le dernier vers, et n'admet point de lacune. Il rétablit la symétrie en retranchant six des vers dits par Étéocle, 515-520.

(63)  Weil porte le vers 514 un peu plus bas. Hermann met entre crochets ce vers et les quatre derniers (516-520). De cette façon, les deux tirades ont chacune quinze vers.

(64)  La porte du nord. Euripide la nomme Ὕψισται, la plus haute.

(65)  Amphion, qui fut comme le second fondateur de Thèbes, puisqu'il en bâtit les murailles, passait pour le fils de Jupiter et d'Antiope, femme de Lycus.

(66) Cette chasseresse était la fameuse Atalante, qui porta le premier coup au sanglier de Calydon, et qui en reçut la hure des mains de Méléagre, son amant.

(67). Le nom de ce chef était Parthénopée, qui vient de παρθένος, vierge, et de ὤψ, visage.

(68)  Dindorf retranche les quatre derniers vers de la tirade; mais il en introduit un entre 526 et 527, emprunté en partie au vers 547, et où se trouve le nom du guerrier : Παρθενοπαῖον Ἀρκάδ', Ἀταλάντης γόνον. Weil fait quelques changements dans l'ordre des vers, met entre crochets le vers 547, et suppose une lacune d'un vers après 528, pour le nom de Parthénopée. Il y a aussi, selon lui, deux autres lacunes : l'une entre 544 et 545, l'autre après 549, c'est-à-dire à la fin de la tirade; enfin il porte à 28 le nombre des vers de la tirade dans son intégrité. Hermann donne le passage tel quel, sauf corrections de détail.

(69) Le commencement du discours d'Étéocle paraît altéré. Dindorf  supprime les vers 550 et 552, et suppose une lacune de dix vers. Weil n'efface rien et suppose deux lacunes : l'une avant 550, l'autre après; en tout 15 vers, pour la symétrie.

(70)  Le devin Amphiaraüs était beau-frère d'Adraste. Il s'était caché, suivant la tradition, pour ne pas aller au siège de Thèbes, où il savait qu'il devait périr. Sa femme Ériphyle, séduite par le don d'un collier de diamants, révéla sa retraite. Il fit promettre, en partant, à son fils Alcméon de venger sa mort sur Ériphyle, et il fut englouti, dit-on, dans la terre, au moment de la déroute des sept chefs. Il reçut chez les Grecs les honneurs divins.

(71)  Ainsi appelée, suivant les uns, d'Homoloïs, fille de Niobé. Suivant Pausanias, un parti de Thébains, vaincus par les Argiens, n'ayant pu rentrer dans Thèbes, allèrent chercher un asile sur le mont Homole en Thessalie ; rappelés depuis par Thersandre, fils de Polynice, ils rentrèrent dans Thèbes par cette porte, qui prit alors le nom d'Homoloïde. Eschyle, dans ce dernier cas, aurait fait un anachronisme; mais la chronologie n'était pas pour lui chose sacrée.

(72)  Le mot Polynice est composé,de deux mots, dont l'un signifie beaucoup, πολύ, et l'autre, querelle, dispute, νεῖκος. Scholies : εἰς δύὸ διαιρῶν τὰ ὄνομα τοῦ Πολυκείνους, τὸ πολὺ καὶ τὸ νεῖκος. Quelque obscures que soient les expressions dont s'est servi Eschyle, quelque étrange que puisse paraître le jeu de mots, il est difficile d'entendre autrement ce passage, à moins de changer arbitrairement les termes. Je lis, au vers 577, ὄμμα, et non plus ὄνομα. Ce changement a l'avantage d'éviter la répétition ὄνομα et τοὔνομα ; mais il m'a été absolument impossible de comprendre l'expression oculum resupinans, par laquelle Ahrens, dans sa traduction, rend ἐξυπιάζων ὄμμα. Weil, du moins, donne un sens intelligible : erecto supercilio. Il explique ἐξυπτιάζων ὄμμα par ἀνατείνων τὰς ὀφρῦς. Sa correction ἀντὶ λύμης au lieu de ἐν τελεύτῃ, paraît fort plausible. Même en ne l'admettant point, on est forcé de sous-entendre, dans la phrase, l'idée de reproche.

(73)  Le texte dit seulement μητρὸς πηγήν, expression vague, qu'un traducteur est bien forcé d'interpréter. La correction πληγήν précise la pensée dans un sens analogue à celui qu'on donne à πηγήν. Dindorf retranche le vers 584 et les deux suivants.

(74) Ce passage est célèbre. Le peuple d'Athènes en fit, au théâtre, l'application au vertueux Aristide, et Platon s'en est servi dans sa peinture du vrai juste. Il faut dire que le mot ἄριστος; du texte, signifiant à la fois brave et homme de bien, n'a pu être qu'imparfaitement traduit en français.

(75) Dindorf supprime le vers 601, et d'autres l'avaient condamné avant lui. Rien de plus mal fondé que cette sentence. C'est mutiler et obscurcir la pensée.

(76) Ce vers, selon Weil, ne s'entend pas bien d'Apollon, qui n'y est point nommé, et s'entend moins bien encore d'Amphiaraüs. Le savant éditeur l'applique à Lasthène, en le transportant un peu plus bas. Alors τὰ καίρια est dit dans son sens propre : opportunus,, ce qui est à propos.

(77)  Cette porte, qu'Eschyle ne nomme pas parce que, les six autres étant nommées, elle se trouvait connue par là même, était appelée Dircéenne ou Crénéide (de la source), à cause de la fontaine de Dircé, qui en était voisine.

(78) L'éclaireur dit vingt-deux vers seulement, tandis qu'Étéocle en dira vingt-quatre. Weil rétablit la symétrie en supposant qu'il manque un vers entre 636 et 637, et un autre entre 650 et 651. Dindorf réduit 649 et 650 à un seul vers, et ne compte que vingt et un vers dans la tirade; il réduit à vingt et un vers aussi le discours d'Étéocle, par la suppression des trois derniers vers de ce discours, 674-676.

(79) Voyez plus haut.

(80) Au lieu de προσεῖπε, quelques-uns lisent προσεῖδε. Meinecke  propose de ramener le vers à une idée unique : AΔίκη προσειπεῖν νιν κατηξιώσατο

(81) Euripide, qui a traité dans ses Phéniciennes le même sujet que celui des Sept, critique en passant l'étendue démesurée des détails épiques où Eschyle vient de se complaire. Étéocle dit dans la pièce d'Euripide : «Je vais faire le tour des remparts, et placer à chacune de nos sept portes un commandant égal en valeur au chef qui doit l'attaquer. Les nommer ici, tandis que l'ennemi est sous nos murs, ce serait perdre un temps précieux. »

(82)  Πετρῶν προβλήματα, littéralement: un rempart contre les pierres, ou, avec πτερῶν, comme d'autres lisent : contre les traits. Quelques- uns, mais à tort certainement, font de προπβήματα une apposition à αἰχμήν, en changeant αἰχμήν en αἰχμῆς;.

(83) J'entends αὐδωμένῳ dans le sens actif. Quelques-uns prennent κάκιστ' αὐδωμένῳ pour une allusion à la signification du nom de Polynice. Weil rejette ces deux explications, et traduit la phrase : «Noli imitari eum in quem merito invectus es. »

(84 Weil change ἔστω en ἐκ τοῦ. Mais alors ἔστω est toujours sous-entendu.

(85) C'est le sens qui m'a toujours paru sortir même du mot à mot de ce vers : λέγουσα κέρδος πρότερον ὑστέρου μόρου. Ahrens semble avoir adopté un sens analogue, si toutefois j'ai deviné sa phraso sibylline : vindictae lucrum prœstantius sequenti morte denuncians.

(86) Au lieu de οὐκ εἶσι δόμους;. Weil écrit, ἐξείσι δόμων. Mais l'idée générale semble préférable. Erinys n'est point chez l'homme vertueux. Il n'y a qu'à l'empêcher de venir. Le chœur ne doit pas admettre la réalité des sombres visions d'ÉtéocIe.

(87) L'expression grecque est σαίνειν, qu'Eschyle a déjà employée pour peindre les reproches de Tydée à Amphiarails : elle signifie, littéralement, flatter de la queue à la manière des chiens.

(88)   Weil attribue ces paroles à Étéocle, en réponse à un vers prononcé par le chœur et aujourd'hui perdu. Il suppose que le chœur disait ensuite à Étéocle : « Mieux vaut la défaite, mieux vaut éviter le combat. » Il est certain que la suite des idées n'est pas très-nettement marquée dans le texte traditionnel. Hermann a essayé, par une correction, de rendre moins brutale la pensée du chœur : νίκῃ γε μέντοι καὶ κακὸν τιμᾷ θεός;. C'est comme si le chœur disait à Étéocle : « La brave même n'est jamais sûr de vaincre. » Mais la vulgate, sauf le blasphème, se réduit à cette maxime.

(89) Le texte, beaucoup plus concis, dit seulement : « Un délire unit les époux insensés; » phrase dont l'obscurité n'eût pas été supportable en français. Suivant quelques-uns, il s'agit de l'inceste d'Oedipe et de Jocaste ; mais cette opinion est peu soutenable. L'inceste est une conséquence fatale, et non une cause. Il s'agit de la cause.

(90) On explique πύργος ἐν εὔρει comme équivalent de πύργου εὖρος;. Hermann et d'autres ont proposé diverses corrections ; mais aucune ne paraît fort heureuse, et c'est encore la leçon vulgaire qui exprime le mieux ce que le chœur veut dire.

(91) Weil change θεοὶ καί en θεράπναι dans son texte, et par δόμοι dans ses Addenda. Au vers suivant, il met ἀγών au lieu de αἴων.

(92) Il s'agit du Sphinx.

(93) L'épithète κρεισσοτέκνων doit être prise, ici, dans un sens général. Œdipe, qui vient de maudire ses fils, n'estime pas à très-haut prix le bonheur d''être père.

(94) Le texte dit καμψίπους Ἐρινύς;, littéralement : Érinys qui plie les pieds, c'est-à-dire Erinys agile, qui sait atteindre lee coupables. Quelques-uns entendent : courbant ies pieds des criminels, ne les laissant pas fuir; mais cette interprétation semble forcée, et d'ailleurs elle revient au même sens que la première.

(95) Ὁ σεμνὸς ἑβδομαγέτας;, c'est-à-dire: Apollon qui a dirigé contre Thèbes les sept chefs alliés. Wellauer, que j'avais suivi d'abord, traduit le mot ἑβδομαγέτας; par Septimus dux; interprétation erronée, ou du moins insuffisante. Ahrens donne septimanus, qui ne signine rien ici.

(96)  Weil attribue au chœur les vers 797-798. C'est alors une interrogation : « Nos tours nous abritent-elles encore? etc. » Le même . éditeur marque une lacune d'un vers, entre 792 et 793. Le pléonasme παῖδες μητέρων τεθραμμέναι a choqué Hermann, qui écrit τεθρυμμέναι (delicatae), correction pour le moins bizarre.

(97) Dindorf ôte d'ici le premier des deux vers de l'envoyé, pour rétablir la stichomythie. Hermann et Weil reportent le second entre 810 et 811, et ils introduisent dans la stichomythie le vers 821. Les trois éditeurs ont fait aussi diverses corrections de mots.

(98) Dindorf met entre crochets les quatre derniers vers de l'envoyé, dans lesquels il a placé le vers 804. J'ai déjà remarqué que d'autres ont transporté 821, le dernier vers de l'Envoyé, dans la stichomythie.

(99)  Voyez plus haut tes paroles d'Amphiaraüs.

(100)  On appelait θεωρίς le navire qui conduisait à Délos les théories, ou députations publiques des Athéniens. Eschyle applique poétiquement ce nom à la barque des enfers.

(101). Weil distribue le chant qui suit entre le chœur et les deux sœurs d'Étéocle et Polynice.

(102) Beaucoup d'éditeurs retranchent ce n'est pas l'amitié, etc., comme une glose de scholiaste, qu'ils trouvent inutile pour le sens, et nuisible à la symétrie du chœur.

(103)  Eschyle se sert du mot ἐπιγόνοις dans le sens générai d'héritiers. Il n'y a ici aucune allusion aux Épigones, ou fils des chefs morts sous les murs de Thèbes, qui firent, dix ans plus tard, le second siége de cotte ville. C'est Créon et sa famille qui furent les héritiers. Les Épigones n'ont été que des dévastateurs.

(104) Au lieu de ξένων τε πάντων, je lis ξένων τ' ἐπακτῶν, excellente correction de Meinecke. Voyez le vers 583.

(105) J'ai fait très-peu de changements dans la traduction du chant qui précède, parce que les innombrables corrections proposées par les derniers éditeurs tiennent à des remaniements métriques sur lesquels ils ne sont point d'accord.

(106) Au lieu de πανόλεθροι, Weil lit συνόλεθροι, morts ensemble. Dans ses Addenda, il approuve la correction proposée par Meinecke, le datif au lieu du nominatif. Avec le datif, il s'agirait des mains des deux frères et des œuvres de ces mains, χερσίν, nommées dans le vers précédent.

(107) Quelques-uns écrivent Πόντιος; par une majuscule : venu du Pont-Euxin. Même avec l'épithète générale, il s'agit de la Scythie.

(108) Quelques-uns remplacent ici le mot σώματι par χώματι, un tertre; mais cotte correction est plus ingénieuse que nécessaire. L'idée reste toujours la même, bien que l'image soit différente. Ce qui est sons leurs corps, c'est aussi, du moins en grande partie, ce qui est sous l'amas de terre de leur tombe.

(109) Até était la personnification du mal et de la fatalité.

(110) J'avais d'abord entendu ὁμώνυμα comme un rappel du nom de Polynice, au funeste sens duquel il est fait si souvent allusion dans la pièce. Mais l'interprétation littérale est plutôt : race ayant souffert des maux de même nom quelle; et j'ai modifié ma traduction d'après cette idée. Ahrens, qui a bouleversé tout le morceau, et qui partage la phrase entre les deux sœurs, donne encore un sens différent : « Bifariam gemendus luctus propinquorum ejusdem sanguinis (id est propinqui ejusdem nominis duo lugendi sunt). »

(111) Ici et plus haut, j'ai attribué ces paroles au chœur comme l'ont fait avant mol Dindorf et Weil. Par suite de cette attribution, les noms d'Antigone et d'Ismène, entre les deux refrains, ont dû changer mutuellement de place et se substituer partout l'un à l'autre. Dans ce qui suit, j'ai rendu à Ismène le dernier mot, comme le font tous les éditeurs depuis Hermann.

(112) Weil donne un complément et une conclusion à ce chant, au moyen des vers 1054-1056, qu'il a transportés ici. Mais rien ne prouve que le chant soit incomplet, et qu'Eschyle ait fait chanter par le chœur une sorte de final ou d'épiphonème, et surtout que ce final se trouve là où le savant éditeur est allé le reprendre.

(113)  Weil regarde le vers 1019 comme interpolé. Il le trouve faible, et n'y voit qu'un souvenir du vers 583. Cette condamnation est plus que sévère.

(114) Ce passage rappelle les vaut ours, tombeaux vivants, expression d'Hérodote critiquée on ne sait pourquoi par Longin, et ce vers d'Ennius sur un vautour dévorant un cadavre :

Heu ! quam crudeli condebat membra sepulcro I

et cet autre de Lucrèce sur les premiers humains, dans leurs luttes contre les bêtes sauvages :

Viva videns vivo sepeliri viscera busto.

(115)  On voit que la sépulture, chez les Grecs, était fort simple. Il s'agissait seulement de recouvrir le corps de terre ou de poussière, et de verser des libations en prononçant les prières funèbres. Mais on estimait comme le plus grand de tous les malheurs d'être abandonné sans sépulture; et c'est ce qui explique l'importance qu'Eschyle attache au sort définitif du cadavre de Polynice. La question de sépulture joue, en général, un grand rôle dans la tragédie antique; et même l'Antigone de Sophocle roule tout entière sur le fait qui fournit ici une belle scène à Eschyle.

(116) Antigone ne parle pas des oiseaux de proie, et elle ne dit pas, en grec, ce qu'elle portera dans sa robe pour ensevelir Polynice. Mais on supplée facilement ces sous-entendus. Weil pense qu'il manque la valeur d'un vers, entre σάρκας; et οὔδέ, vers 1035, pour les oiseaux de proie, et qu'il était question de poussière, entre 1038 et 1039, dans un vers conçu à peu près comme il suit : κεἱ τἄλλα μὴ παρεστιν, ἀλλ' ὅμως κόνιν.

(117) En effet, les dieux ont traité les deux frères de la même façon, et l'événement n'a point décidé contre Polynice. C'est ce que Weil voudrait faire sentir dans le texte même, en remplaçant διατετίμητα par δίχα τετίμηται. Hermann écrit δυστετίμηται, mot de son invention. Mais ces corrections sont inutiles. Au lieu de ἥδη τὰ τοῦδ', Ahrens lit ἦ δὴ τὰ τοῦδ', et il traduit: «Profecto hujus sors apud deos honoris non expers est; » et cette énigme signifie, suivant lui, qu'Antigone doit rendre à Polynice les derniers devoirs: id est sancta officia Polynici a sorore prœstanda sunt, quœ dii respiciunt.

(118) Il y a, dans le texte, seulement le mot γενεᾷ. Mais le sens de ce mot, à cette place, ne saurait être douteux. Ahrens croit même qu'il itait expliqué par un autre mot, Καδμείων ou Καδμογενεῖ, qu'un accident quelconque aura fait disparaître du texte.

(119) J'ai suivi, pour ce dernier chœur, la division adoptée par presque tous les éditeurs contemporains, comme la plus simple et la plus naturelle.