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Platon, Théétète

Socrate, l'accoucheur d'âmes.

 

 


 

Σωκράτης

Τῇ δέ γ' ἐμῇ τέχνῃ τῆς μαιεύσεως τὰ μὲν ἄλλα ὑπάρχει ὅσα ἐκείναις, διαφέρει δὲ τῷ τε ἄνδρας ἀλλὰ μὴ γυναῖκας μαιεύεσθαι καὶ τῷ τὰς ψυχὰς αὐτῶν τικτούσας ἐπισκοπεῖν ἀλλὰ μὴ τὰ σώματα. Μέγιστον δὲ τοῦτ' ἔνι  πρόσεστι γυναιξὶν ἐνίοτε μὲν [150c] τῇ ἡμετέρᾳ τέχνῃ, βασανίζειν δυνατὸν εἶναι παντὶ τρόπῳ πότερον εἴδωλον καὶ ψεῦδος ἀποτίκτει τοῦ νέου ἡ διάνοια ἢ γόνιμόν τε καὶ ἀληθές. Ἐπεὶ τόδε γε καὶ ἐμοὶ ὑπάρχει ὅπερ ταῖς μαίαις· ἄγονός εἰμι σοφίας, καὶ ὅπερ ἤδη πολλοί μοι ὠνείδισαν, ὡς τοὺς μὲν ἄλλους ἐρωτῶ, αὐτὸς δὲ οὐδὲν ἀποφαίνομαι περὶ οὐδενὸς διὰ τὸ μηδὲν ἔχειν σοφόν, ἀληθὲς ὀνειδίζουσιν. Τὸ δὲ αἴτιον τούτου τόδε· μαιεύεσθαί με ὁ θεὸς ἀναγκάζει, γεννᾶν δὲ ἀπεκώλυσεν. Εἰμὶ δὴ οὖν αὐτὸς [150d] μὲν οὐ πάνυ τι σοφός, οὐδέ τί μοι ἔστιν εὕρημα τοιοῦτον γεγονὸς τῆς ἐμῆς ψυχῆς ἔκγονον· οἱ δ' ἐμοὶ συγγιγνόμενοι τὸ μὲν πρῶτον φαίνονται ἔνιοι μὲν καὶ πάνυ ἀμαθεῖς, πάντες δὲ προϊούσης τῆς συνουσίας, οἷσπερ ἂν ὁ θεὸς παρείκῃ, θαυμαστὸν ὅσον ἐπιδιδόντες, ὡς αὑτοῖς τε καὶ τοῖς ἄλλοις δοκοῦσι· καὶ τοῦτο ἐναργὲς ὅτι παρ' ἐμοῦ οὐδὲν πώποτε μαθόντες, ἀλλ' αὐτοὶ παρ' αὑτῶν πολλὰ καὶ καλὰ εὑρόντες τε καὶ τεκόντες. Τῆς μέντοι μαιείας ὁ θεός τε καὶ ἐγὼ [150e] αἴτιος. Ὧδε δὲ δῆλον· πολλοὶ ἤδη τοῦτο ἀγνοήσαντες καὶ ἑαυτοὺς αἰτιασάμενοι, ἐμοῦ δὲ καταφρονήσαντες, ἢ αὐτοὶ ἢ ὑπ' ἄλλων πεισθέντες ἀπῆλθον πρῳαίτερον τοῦ δέοντος, ἀπελθόντες δὲ τά τε λοιπὰ ἐξήμβλωσαν διὰ πονηρὰν συνουσίαν καὶ τὰ ὑπ' ἐμοῦ μαιευθέντα κακῶς τρέφοντες ἀπώλεσαν, ψευδῆ καὶ εἴδωλα περὶ πλείονος ποιησάμενοι τοῦ ἀληθοῦς, τελευτῶντες δ' αὑτοῖς τε καὶ τοῖς ἄλλοις [151a]  ἔδοξαν ἀμαθεῖς εἶναι. Ὧν εἷς γέγονεν Ἀριστείδης ὁ Λυσιμάχου καὶ ἄλλοι πάνυ πολλοί· οὕς, ὅταν πάλιν ἔλθωσι δεόμενοι τῆς ἐμῆς συνουσίας καὶ θαυμαστὰ δρῶντες, ἐνίοις μὲν τὸ γιγνόμενόν μοι δαιμόνιον ἀποκωλύει συνεῖναι, ἐνίοις δὲ ἐᾷ, καὶ πάλιν οὗτοι ἐπιδιδόασι. Πάσχουσι δὲ δὴ οἱ ἐμοὶ συγγιγνόμενοι καὶ τοῦτο ταὐτὸν ταῖς τικτούσαις· ὠδίνουσι γὰρ καὶ ἀπορίας ἐμπίμπλανται νύκτας τε καὶ ἡμέρας πολὺ μᾶλλον ἢ 'κεῖναι· ταύτην δὲ τὴν ὠδῖνα ἐγείρειν τε καὶ [151b] ἀποπαύειν ἡ ἐμὴ τέχνη δύναται. Καὶ οὗτοι μὲν δὴ οὕτως. Ἐνίοις δέ, ὦ Θεαίτητε, οἳ ἄν μοι μὴ δόξωσί πως ἐγκύμονες εἶναι, γνοὺς ὅτι οὐδὲν ἐμοῦ δέονται, πάνυ εὐμενῶς προμνῶμαι καί, σὺν θεῷ εἰπεῖν, πάνυ ἱκανῶς τοπάζω οἷς ἂν συγγενόμενοι ὄναιντο· ὧν πολλοὺς μὲν δὴ ἐξέδωκα προδίκῳ, πολλοὺς δὲ ἄλλοις σοφοῖς τε καὶ θεσπεσίοις ἀνδράσι. Ταῦτα δή σοι, ὦ ἄριστε, ἕνεκα τοῦδε ἐμήκυνα· ὑποπτεύω σε, ὥσπερ καὶ αὐτὸς οἴει, ὠδίνειν τι κυοῦντα ἔνδον. Προσφέρου οὖν [151c] πρός με ὡς πρὸς μαίας ὑὸν καὶ αὐτὸν μαιευτικόν, καὶ ἃ ἂν ἐρωτῶ προθυμοῦ ὅπως οἷός τ' εἶ οὕτως ἀποκρίνασθαι· καὶ ἐὰν ἄρα σκοπούμενός τι ὧν ἂν λέγῃς ἡγήσωμαι εἴδωλον καὶ μὴ ἀληθές, εἶτα ὑπεξαιρῶμαι καὶ ἀποβάλλω, μὴ ἀγρίαινε ὥσπερ αἱ πρωτοτόκοι περὶ τὰ παιδίαα. Πολλοὶ γὰρ ἤδη, ὦ θαυμάσιε, πρός με οὕτω διετέθησαν, ὥστε ἀτεχνῶς δάκνειν ἕτοιμοι εἶναι, ἐπειδάν τινα λῆρον αὐτῶν ἀφαιρῶμαι, καὶ οὐκ οἴονταί με εὐνοίᾳ τοῦτο ποιεῖν, πόρρω ὄντες τοῦ εἰδέναι ὅτι [151d] οὐδεὶς θεὸς δύσνους ἀνθρώποις, οὐδ' ἐγὼ δυσνοίᾳ τοιοῦτον οὐδὲν δρῶ, ἀλλά μοι ψεῦδός τε συγχωρῆσαι καὶ ἀληθὲς ἀφανίσαι οὐδαμῶς θέμις. Πάλιν δὴ οὖν ἐξ ἀρχῆς, ὦ Θεαίτητε, ὅτι ποτ' ἐστὶν ἐπιστήμη, πειρῶ λέγειν· ὡς δ' οὐχ οἷός τ' εἶ, μηδέποτ' εἴπῃς. Ἐὰν γὰρ θεὸς ἐθέλῃ καὶ ἀνδρίζῃ, οἷός τ' ἔσῃ.

SOCRATE

VII. — Mon art d’accoucheur comprend donc toutes les fonctions que remplissent les sages-femmes ; mais il diffère du leur en ce qu’il délivre des hommes et non des femmes et qu’il surveille leurs âmes en travail et non leurs corps. Mais le principal avantage de mon art, [150c] c’est qu’il rend capable de discerner à coup sûr si l’esprit du jeune homme enfante une chimère et une fausseté, ou un fruit réel et vrai. J’ai d’ailleurs cela de commun avec les sages-femmes que je suis stérile en matière de sagesse, et le reproche qu’on m’a fait souvent d’interroger les autres sans jamais me déclarer sur aucune chose, parce que je n’ai en moi aucune sagesse, est un reproche qui ne manque pas de vérité. Et la raison, la voici ; c’est que le dieu me contraint d’accoucher les autres, mais ne m’a pas permis d’engendrer. Je ne suis donc [150d] pas du tout sage moi-même et je ne puis présenter aucune trouvaille de sagesse à laquelle mon âme ait donné le jour. Mais ceux qui s’attachent à moi, bien que certains d’entre eux paraissent au début complètement ignorants, font tous, au cours de leur commerce avec moi, si le dieu le leur permet, des progrès merveilleux non seulement à leur jugement, mais à celui des autres. Et il est clair comme le jour qu’ils n’ont jamais rien appris de moi, et qu’ils ont eux-mêmes trouvé en eux et enfanté beaucoup de belles choses. Mais s’ils en ont accouché, c’est grâce au dieu et à moi [150e] .

Et voici qui le prouve. Plusieurs déjà, méconnaissant mon assistance et s’attribuant à eux-mêmes leurs progrès sans tenir aucun compte de moi, m’ont, soit d’eux-mêmes, soit à l’instigation d’autrui, quitté plus tôt qu’il ne fallait. Loin de moi, sous l’influence de mauvais maîtres, ils ont avorté de tous les germes qu’ils portaient, et ceux dont je les avais accouchés, ils les ont mal nourris et les ont laissés périr, parce qu’ils faisaient plus de cas de mensonges et de vaines apparences que de la vérité, et ils ont fini par paraître ignorants à leurs propres yeux comme aux yeux des autres [151a] . Aristide, fils de Lysimaque, a été un de ceux-là, et il y en a bien d’autres. Quand ils reviennent et me prient avec des instances extraordinaires de les recevoir en ma compagnie, le génie divin qui me parle m’interdit de renouer commerce avec certains d’entre eux, il me le permet avec d’autres, et ceux-ci profitent comme la première fois. Ceux qui s’attachent à moi ressemblent encore en ce point aux femmes en mal d’enfant : ils sont en proie aux douleurs et sont nuit et jour remplis d’inquiétudes plus vives que celles des femmes. Or ces douleurs, mon art est capable [151b] et de les éveiller et de les faire cesser. Voilà ce que je fais pour ceux qui me fréquentent. Mais il s’en trouve, Théétète, dont l’âme ne me paraît pas grosse. Quand j’ai reconnu qu’ils n’ont aucunement besoin de moi, je m’entremets pour eux en toute bienveillance et, grâce à Dieu, je conjecture fort heureusement quelle compagnie leur sera profitable. J’en ai ainsi accouplé plusieurs à Prodicos, et plusieurs à d’autres hommes sages et divins.

Si je me suis ainsi étendu là-dessus, excellent Théétète, c’est que je soupçonne, comme tu t’en doutes toi-même, que ton âme est grosse et que tu es en travail d’enfantement. Confie-toi  [151c] donc à moi comme au fils d’une accoucheuse qui est accoucheur lui aussi, et quand je te poserai des questions, applique-toi à y répondre de ton mieux. Et si, en examinant telle ou telle des choses que tu diras, je juge que ce n’est qu’un fantôme sans réalité et qu’alors je te l’arrache et la rejette, ne te chagrine pas comme le font au sujet de leurs enfants les femmes qui sont mères pour la première fois. J’en ai vu plusieurs, mon admirable ami, tellement fâchés contre moi qu’ils étaient véritablement prêts à me mordre, pour leur avoir ôté quelque opinion extravagante. Ils ne croient pas que c’est par bienveillance que je le fais. Ils sont loin de savoir  [151d] qu’aucune divinité ne veut du mal aux hommes et que, moi non plus, ce n’est point par malveillance que j’agis comme je le fais, mais qu’il ne m’est permis en aucune manière ni d’acquiescer à ce qui est faux ni de cacher ce qui est vrai

VIII. — Reprends donc la question au début et essaie de dire ce que peut être la science Garde-toi de dire jamais que tu n’en es pas capable ; car, si Dieu le veut et t’en donne le courage, tu en seras capable.