Pindare

PINDARE

DISCOURS PRÉLIMINAIRE.

NOTRE JUGEMENT SUR PINDARE.

Oeuvres composées par Pindare... - Olympiques

Traduction française : FAUSTIN COLIN.

 

 

 

 

DISCOURS PRÉLIMINAIRE.
 

 

DISCOURS PRÉLIMINAIRE.

 

NOTRE JUGEMENT SUR PINDARE.

I.

Avant de juger un poète lyrique, il faut non seulement le connaître en philologue, mais avoir étudié sa vie dans ses ouvrages, ses ouvrages dans sa vie, le rapport qui les lie à l'époque où ils ont paru: ensuite seulement il est permis de prononcer avec impartialité un arrêt qui approuve, absout ou condamne. Et les bases de cet arrêt, où les chercher encore, si ce n'est dans l'ensemble des beautés naturelles que l'ode doit renfermer? Là se trouve la mesure fixe, le terme invariable de comparaison. Une fois qu'il est déterminé, la critique peut juger le poète, et sous un point de vue absolu, en le comparant au type parfait du genre, et relativement, en le rapprochant de ses rivaux. On conçoit ainsi une classification possible de tous les lyriques, d'après leur plus ou moins de ressemblance avec l'idéal. Ces principes ne sont guère contestés, mais il est plus facile de les proclamer que d'y être fidèle.

Placés merveilleusement pour comprendre une œuvre, les contemporains sont trop près pour la juger sans passion. Élevée dans une région plus calme, la postérité pourrait faire retentir d'en haut la voix éclatante de la justice, mais elle est souvent trop loin pour entendre le débat; souvent plusieurs pièces importantes du procès ont disparu sans retour, et, d'ailleurs, elle n'est pas elle-même étrangère aux erreurs systématiques (1). Voulez-vous grouper ensemble les opinions de tous ? vous n'obtiendrez pour résultat qu'un amas confus d'avis incohérents ; vous fiez-vous à un seul homme? Son regard embrasse difficilement toutes les faces d'une œuvre vaste et féconde. L'un possède à un degré éminent la faculté de sentir avec promptitude toutes les belles pensées; mais il n'entend rien aux procédés de l'art; l'autre, doué d'un discernement sûr et fin, suit l'écrivain dans toutes les routes qu'il s'est tracées, et décompose pièce à pièce le mécanisme de son talent; mais il est de glace devant les images les plus vives et les scènes les plus pathétiques. Chacun, ce semble, ne voit qu'un point dans, un site à mille tableaux, n'entend qu'une note dans un concert de mille voix. On s'enferme presque toujours dans le relatif, on obéit à des impulsions instinctives. Ceux-ci se croient le droit de juger Pindare, parce qu'ils en ont à grand'peine déchiffré quelques cents vers. Ceux-là ont le courage d'approfondir ce que nous possédons de ses poèmes ; mais, dans leur critique téméraire, ils enveloppent les ouvrages même qu'ils n'ont pu lire, et qui nous ont été ravis par les siècles. D'autres, engoués des jugements de l'antiquité, veulent inscrire sur d'admirables débris, de pompeux éloges qui ne convenaient qu'autrefois à une série de palais encore debout avec toute leur, majesté. D'autres choisissent Pindare comme un thème à faire du style sur l'enthousiasme, sur les jeux olympiques, sur les cordes de la lyre.

Les derniers venus sont moins exposés à l'erreur. Avertis par les chutes de leurs devanciers, éclairés par leurs découvertes, s'ils savent faire un choix au milieu des jugements portés sur le poète; s'ils*se passionnent avec mesure pour la restauration possible de ruines qui sont encore imposantes; s'ils ne cherchent point à fermer avec du sable, faute de roches cyclopéennes, de larges brèches, couvertes d'un manteau de verdure éternelle; si, pour s'instruire, au lieu de consulter des récits,tronqués, des peintures grossières, ils gravissent péniblement la montagne pour voir de leurs yeux, pour toucher de leurs mains, les reliques de l'antique édifice; s'ils les interrogent en tous sens avec une infatigable patience; s'ils les mesurent avec une précision scientifique; s'ils chassent même le silence funèbre de ces enceintes inhabitées en suspendant des harpes éoliennes aux arceaux croulants; alors de poétiques inspirations s'Uniront dans leur âme à la netteté des vues, et le cœur, l'esprit et l'imagination apprécieront de concert l'œuvre du génie.

C'est ainsi peut-être qu'il faut entendre la critique d'un grand poète, qu'il convient de juger Pindare. Car le monument de ses poésies, tout mutilé qu'il est par le temps, est encore assez inconnu pour provoquer les recherches, pour intéresser l'âme, assez haut pour que l'aigle y plane encore au-dessus de l'abîme.

II.

Mais, il faut le dire, un sentiment profond de tristesse poursuit au milieu de ses efforts l'esprit qui tente de comprendre Pindare. Sur sa route se rencontrent plus de manœuvres que d'artistes, plus de grammairiens que de philologues, plus de littérateurs dévoués au culte du Style pour le style, que de critiques empressés à révéler le beau éternel: plus déjuges légers, superficiels, passionnés, que d'observateurs graves qui vont chercher la pensée sous le vêtement, et le Dieu sous le symbole.

S'agit-il de changer dans le texte de notre poète un accent, un esprit, une consonne, une voyelle, une syllabe, un mot? Les commentaires pleuvent. De fixer le commencement et la fin de chaque vers? Les systèmes les plus audacieux abondent. D'interpréter chaque expression, d'expliquer chaque hellénisme? Les conseils ne manquent pas. D'indiquer le sujet d'une ode, d'en passer en revue les images, les tours, les idées accessoires, les pensées principales, les transitions, le plan? Nous avons de grandes ressources. Et tous ces travaux, nous le répétons, sont estimables.

Mais, comment tant d'hommes d'esprit, ardents, patients, éclairés, peuvent-ils consumer leurs forces à réunir des moyens sans jamais toucher au but? oublier l'art pour la mécanique, le génie créateur pour des citations, la pensée pour le style; les doctrines philosophiques, politiques, religieuses, sociales, pour des mythes inconnus et des généalogies incertaines? Sacrifier le poêle au versificateur et l'homme à l'écrivain ? On ne saurait protester avec trop d'énergie contre cette sorte de matérialisme littéraire qui répand un froid glacial sur les commentaires les plus érudits. Soyons, sans doute, grammairiens et philologues pour pénétrer Pindare, appliquons les règles du genre à l'analyse de ses odes; mais n'oublions pas la plus utile, la plus noble des poésies, celle du cœur: étudions la forme pour nous élever au sentiment du beau, et passer de là dans la région du bon, du juste, du saint, dans la haute sphère de toutes les idées sublimes.

Les critiques de Pindare n'ont point suivi cette route. L'illustre commentateur d'Homère, l'évêque de Thessalonique (2), Eustathe, dans la longue préface de ses extraits de Pindare (3), s'en est écarté plus que personne. Fort sobre d'éloges, il exagère tous les défauts qu'on reproche au poète. A ses yeux, le chantre thébain n'est plus simplement obscur; il veut l'être, il prépare les voies à Lycophron. Eustathe énumère complaisamment tous les moyens dont Pindare a usé pour n'être pas compris. Non seulement chaque ode a été composée en échange d'un salaire, mais ce salaire plus ou moins considérable en a réglé l'étendue. Quelques digressions avaient paru démesurées. Pour Eustathe, les hymnes où elles se rencontrent sont de maigres corps surmontés d'un énorme abdomen. L'auteur, il est vrai, était,fort jeune Ion composa cette préface; elle sent le .diacre: style, guindé et lourd,assertions hasardées, érudition sèche et banale, études de formes, peu de littérature, point d'élévation, de goût, de réserve. Ce travail est néanmoins le plus étendu, le moins incomplet que nous possédions sur la matière.

III.

Il y a du Dieu dans les grands hommes; en s'approchant d'eux, l'âme,doit éprouver une crainte sacrée; elle ne touche à leurs œuvres qu'avec réserve; une critique impitoyable peut seule poursuivre une vieille gloire jusque dans le monument que les siècles lui ont élevé, et ouvrir une tombe pour la fouiller, pour en peser les ossements et la poussière. Ce serait une profanation que de prétendre aujourd'hui apprécier avec rigueur le mérite de Pindare, enlevé à Ja terre depuis plus de deux mille ans, que de traîner au grand jour cette renommée consacrée par les âges, que de la soumettre à un jugement solennel d'après des témoignages incomplets, des pièces mutilées et incohérentes. Non, nous n'aurons pas ce courage impie. Mais nous essayerons d'expliquer l'admiration des anciens pour le chantre d'Hiéron aux intelligences patientes et curieuses ; de remplacer en elles la foi souvent aveugle par des doutes raisonnes et quelquefois par la certitude scientifique. En ce moment, recueillis devant le souvenir de Pindare de sa vie, de ses poésies, comme devant un tombeau vénéré, nous ne pouvons que gémir, que déplorer des pertes immenses. Quelle puissance au monde nous ferait connaître aujourd'hui la sainteté des prosodies (4), des hymnes, des péans, des dithyrambes; la chasteté gracieuse des parthénies, la vivacité des hyporchèmes, la gravité mélancolique des thrènes, la gaîté enjouée des scolies et des éloges? Où chercher autour de nous la magnificence extérieure des chants de victoire qui seuls ont survécu aux coups du temps? L'intérêt même que les Grecs attachaient aux luttes mémorables de Delphes, de l'Isthme, de Némée et d'Olympie, a péri presque entièrement pour nous. Les couronnes d'ache (5), de pin (6), de pommier (7) et. d'olivier sauvage (8) éveilleraient de nos jours peu d'ambition : malgré toutes les descriptions des savants, le lecteur est moins ému au récit pompeux des fêtes, des Hellènes, que ne l'est un paysan de la Haute-Vienne à l'annonce d'une course de chevaux dans un hippodrome limousin. Le temps creuse des abîmes entre les sympathies d'un peuple et celles d'un autre. Il est difficile de s'arracher à l'influence des lieux où l'on vit. Et cependant n'est-il pas impossible de comprendre Pindare, si l'on ne se transporte en imagination sur les rives de l'Αlphée, près de l'antre du lion, à Delphes, et dans l'isthme consacré à Neptune.

Dès l'âge d'or, Saturne avait un temple à Olympie; dans Olympie, Jupiter lui disputa l'empire du monde et vainquit les Titans. Les jeux olympiques ont été institués par le plus grand (9) des dieux ou du moins par un demi-dieu (10). Interrompus à plusieurs reprises, ils ont été rétablis par des héros (11). Les rois ne dédaignaient point de descendre dans la lice. Non seulement les athlètes aspiraient à y remporter le prix du saut, du disque, du javelot, du ceste, de la lutte, du pugilat, du pancrace (12), du pentathle (13), de la course à pied, de la course avec des chevaux de main, de la course des chars; mais la présence seule d'une immense population favorisait toutes les relations de commerce; mais les beaux-arts et les sciences y étalaient leurs prestiges et leurs doctrines : la danse, le chant, la musique, la poésie, l'éloquence, la philosophie, y comptaient d'illustres représentants; un Hérodote y venait lire les livres de son histoire, et les larmes d'un de ses plus jeunes auditeurs promettaient Thucydide.

Les jeux Pythiens furent célébrés à Delphes en mémoire de la victoire d'Apollon sur. le serpent Python. On croit que ce dieu les établit. La première fois qu'ils eurent lieu, Castor, Pollux, Hercule, se trouvaient, dit-on, parmi les combattants.

Les sept chefs argiens honorèrent les mânes d'Archémore, fils du roi Lycurgue, en lui consacrant les jeux Néméens (14); Sisyphe fonda ceux de l'Isthme pour rendre hommage à Mélicerte (15).

Le retour de ces solennités suspendait les guerres; elles s'inauguraient et se terminaient par des sacrifices offerts aux grandes divinités. Le concours du peuple était si empressé que les principaux membres des villes pouvaient seuls y être placés; l'époque où elles étaient fixées, si profondément gravée dans l'âme des Grecs, qu'elle formait une ère pour eut', comme pour d'autres, l'élévation ou la destruction d'un empire. Chaque cité retrouvait là le souvenir de ses dieux, de ses demi-dieux, de ses héros, de ses plus illustres citoyens; au sein de la paix elle contemplait l'image des combats; tous les exercices du corps, toutes les merveilles de l'intelligence, frappaient les yeux et les esprits. Avant l'épreuve publique et décisive, quels efforts, que de dépenses, que de veilles, que de glorieux travaux, que d'espérances, que de craintes! Pendant les luttes quel déploiement énergique de toutes les forces individuelles ! quelle curiosité générale! quelle vivacité d'intérêt! quelle anxiété parmi les parents, les amis, les concitoyens des concurrents!

La victoire remportée, on proclamait le nom du vainqueur, celui de sa famille, de sa patrie: c'était des applaudissements universels, des acclamations unanimes; les palmes de verdure, les couronnes de fleurs couvraient l'heureux mortel; tous les arts le célébraient; l'enthousiasme public l'élevait au rang des dieux souverains du monde. Quelquefois, au comble de l'allégresse qu'il ne pouvait contenir, les ressorts de l'âme se brisaient, et le char du triomphateur n'était plus qu'un char funèbre. D'ordinaire, le héros retournait dans la ville de ses pères au milieu d'ovations sans nombre; les populations se levaient sur son passage; les cités l'accueillaient par des fêtes; au terme du voyage, les manifestations de l'esprit national éclataient plus vives, plus bruyantes, plus cordiales; les processions solennelles, les sacrifices pompeux, les festins splendides se succédaient; le temps affaiblissait tous ces transports sans les détruire; des anniversaires réguliers (16) rappelaient le triomphe dans la suite des âges : la gloire des pères était un saint héritage pour les enfants: la joie renaissait de la joie, l'honneur de l'honneur.

IV.

Rien de grand que ce qui est populaire. Et le peuple, c'est tous : gouvernants, gouvernés, rois, prêtres, aristocrates, sujets, citoyens. Le rôle du poète, c'est de parler à tous, d'être compris de tous, de faire rayonner sa pensée dans tous les sens, d'éclairer toutes les intelligences, d'émouvoir tous les cœurs, d'exalter toutes les imaginations, de montrer, à tous le soleil resplendissant, le ciel bleu, les nuées tonnantes, la mer immense, la marche des astres, l'éternelle jeunesse de la nature au milieu de bouleversements passagers et d'un mouvement perpétuel ; puis l'âme humaine agitée comme tout ce qui l'entoure, passionnée ardente, altérée de science, d'amour, de bonheur, souvent égarée et coupable; mais toujours heureuse quand elle se tempère, quand elle revient à Dieu, dont un rayon caché luit sans cesse pour la guider; lorsqu'elle peut le contempler face à face, ou le sentir dans ses œuvres; dans le regard d'une vierge, dans la coupe où pétille le nectar versé par une main amie, dans le doux commerce de la vie civile, dans les grandes institutions qui régissent les peuples.

La popularité est le premier, le plus beau caractère de (17) l'ode de Pindare. Il célèbre les fêtes les plus solennelles des Grecs; il glorifie leurs enfants, leurs familles, leurs cités, leurs dieux. Il chante ce qui partout et toujours, remue, soumet, éblouit les masses; la. force, vertu du  corps, la vertu, force de l'âme; le bonheur qui manifeste ces avantages tant de fois inconnus et inutiles; ia gloire qui les récompense quand ils frappent les regards de la foule.

Et la carrière que parcourt son char poétique est tellement celle de l'ode, que les maîtres de l'art ont défini ce genre littéraire, en prenant pour type les œuvres du poète thébain.

Musa dedit fidibus divos puerosque deorum ,
Et pugilem victorem et equum certamine primum,
Et juvenum curas et libéra vina referre, (18).

L'ode avec plus d'éclat et non moins d'énergie.
Élevant jusqu'au ciel son vol ambitieux,
Entretient dans ses vers commerce avec les dieux.
Aux Athlètes dans Pise elle ouvre la barrière,
Vante un vainqueur poudreux au bout de la carrière,
Mène Achille sanglant aux bords du Simoïs... (19).

Mais ces images brillantes ne sont ici qu'une partie de la vérité. Si les victoires célébrées par Pindare convenaient aux chants de la lyre, c'est qu'elles excitaient l'ivresse de la joie dans le coeur du héros; de l'admiration parmi les spectateurs, de la reconnaissance près des autels des dieux; e'est que les sacrifices offerts aux immortels étaient suivis de banquets où régnait l'allégresse; c'est que souvent le vainqueur, paré des grâces de la jeunesse, avait aussi à fêter les amours complices de son triomphe : c'est que l'exaltation de l'amour-propre individuel, au milieu de tant d'éclat et de magnificence, prêtait aux plus sublimes conseils de la philosophie. Aussi, matière lyrique ne fut jamais plus abondante, plus variée; elle embrassait à la fois les diverses nuances d'idées et de sentiments, dont on a fait depuis autant d'espèces dans le genre : l'ode tendre et gracieuse, bachique, populaire, morale, héroïque, sacrée.

V.

Heureux l'homme né dans une époque de foi vive, de passion, de dévouement, d'héroïsme ! plus heureux le poète doué d'une imagination brûlante, d'une exquise sensibilité, qui se croit appelé par une nature privilégiée à perpétuer le souvenir des émotions populaires, à les fixer, pour ainsi dire, dans le cours rapide des ans, à les éterniser, à renvoyer à tous les nobles joies de tous, ennoblies par les arts, épurées par la religion et la morale! chaque œuvre du génie est alors une bonne action, elles beaux vers ne sont qu'une manière ingénieuse d'être vertueux. Telle a été la tâche que Pindare s'est imposée et qu'il a remplie. Il n'est point inspiré, parce qu'on le paye: combien d'autres Grecs l'eussent été à ce prix! on le paye parce qu'il est inspiré; que lui seul peut élever à la mémoire des vainqueurs la colonne de bronze indestructible.

Le génie sent, imagine, conçoit et veut créer; l'art conseille, le talent exécute. Une ode excellente a toujours été très rare. Rien de moins vulgaire qu'un objet propre à exciter un enthousiasme extrême, qu'une âme douée d'une sensibilité ardente, et cependant assez forte pour dominer son délire et le soumettre à la raison ; qu'un esprit assez hardi pour entreprendre de reproduire un divin modèle, assez patient pour rechercher tous les moyens de succès, assez habile, assez heureux pour les découvrir! Les conditions vitales de l'ode dérivent de l'enthousiasme qui en est l'essence. L'homme profondément ému a recours naturellement à des locutions insolites ; il prête aux expressions des sens inconnus; il invente dès signes, il renverse l'ordre régulier de la nature; il anime la matière et matérialise l'esprit; cette transformation audacieuse, c'est de la poésie. Alors aussi les intonations, communes de la voix ne seraient plus en harmonie avec l'agitation du cœur; par un mouvement instinctif, il accentue plus vivement les mots, il varie les sons, il enrichit de notes nouvelles la gamme du langage; il chante.

Les paroles poétiques unies au chant donnent forcément naissance à la versification.

L'allure du corps doit répondre aux émotions de l'âme. Excitée par une exaltation divine, il cherche des attitudes, des poses conformes à cette exaltation : la danse est inventée. :

Dans la nature, des mélodies nombreuses frappent délicieusement notre oreille; le soupir des vents dans les bois, le bruit des flots sur le rivage, l'écho des montagnes, le chant des oiseaux. Pour renouveler de douces sensations, nous tentons de reproduire sans fatiguer l'organe de la voix, les sons qui s'allient avec nos émotions et nos souvenirs. Le hasard favorise les recherches ; le choc accidentel des métaux donne l'idée des instruments de percussion ; un enfant souffle dans un roseau, la flûte est inventée; quelques fils de lin tendus résonnent sous les doigts, nous imaginons les instruments à corde. Mais pour perfectionner la musique instrumentale, il faut choisir et grouper des sons, y distinguer des coupes, des repos, des mesures, des mouvements successifs, tantôt plus lents, tantôt plus pressés, comme le cours du liquide qui gonfle nos veines, comme les battements du cœur. Cette étude fait remarquer des lois de symétrie qui conviennent à la fois au vers, au chant et à la danse; l'exactitude rigoureuse de la musique instrumentale la fait appeler à leur aide, elle les soutient et les dirige.

Enfin l'homme que domine une impression vive de joie, d'amour, de reconnaissance, d'orgueil naïf, d'admiration spontanée, l'éprouve rarement seul, ou la fait partager promptement, car des sympathies irrésistibles rapprochent les âmes, une agréable contagion répand dans la foule les mêmes affections, les mêmes besoins, les mêmes désirs. On aime à s'entendre pour doubler ou compléter ses plaisirs en les associant. Le choeur lyrique se forme par entraînement et par nécessité. La danse, le chant, la musique, le vers, la poésie, se marient pour exprimer une émotion commune. Cet ensemble est si naturel, que, loin des cités, on le rencontre plus oit moins informe, jusqu'aux extrémités des contrées les plus sauvages, dans de pauvres hameaux, assis au bord des torrents ou sur la crête de monts inaccessibles.

Le poète, le danseur, Je chantre, le versificateur, le musicien, obéissent d'abord à un mouvement instinctif qui les pousse à demander la traduction de ce qu'ils éprouvent à un style passionné, à la cadence des pas, aux modulations de la voix humaine, à la mesure du vers, à la phrase musicale; mais ils ne réussissent pas aussitôt; ils multiplient les essais, ils comparent leur émotion aux signes qui doivent l'exprimer, et leurs recherches, leurs efforts ne s'arrêtent qu'au moment où chacun d'eux s'écrie avec transport : « Je l'ai trouvé l »

A l'origine de l'ode se rattachent non seulement ses caractères essentiels, mais les lois qui la régissent L'enthousiasme est cet état de l'âme accidentel, passager, pendant lequel nous sommes maîtrisés, pour ainsi dire, par la présence d'un Dieu. Mais l'enthousiasme n'est pas toujours parfait et sans mélange. Souvent il se confond dans le poète avec des affections grossières et terrestres; dans le peuple qui l'éprouve aussi avec de honteux penchants, dans l'objet célébré avec de nombreuses imperfections. Avant de le traduire, il faut le dégager de tout élément impur; il faut le compléter, ajouter, retrancher. Cette œuvre qui consiste à élever jusqu'à la perfection idéale la pensée lyrique, doit être placée au premier rang et n'appartient qu'au génie. C'est dans ce sens qu'il est créateur. D'ailleurs, par son essence même, l'enthousiasme, le sentiment du divin, tend à s'unira tout ce qui lui ressemble; à se séparer de tout ce qui n'est pas lui : la raison ne fait que seconder ce mouvement naturel.

Une fois que le sujet est devenu un type parfait, il réunit un nombre déterminé de conditions absolues: le vrai qui saisit l'intelligence, mais seul nous laisserait froids; le beau qui saisit l'imagination, mais répand moins de chaleur que de lumière; le bon qui seul passionne et enflamme. La variété éclate dans un tout que forment des parties distinctes. L'unité et la nouveauté sont les attributs inséparables de ce qui produit une impression forte. L'intérêt est l'effet nécessaire de ce qui étonne, charme l'imagination, l'intelligence, le cœur.

Ces conditions abstraites, vagues, ce semble, et applicables à tous les genres d'ouvrages, sont marquées dans l'ode d'un caractère spécial. Ici l'enthousiasme qui inspire les pensées les plus belles, les plus vraies, est porté au plus haut degré et presque sur les confins du délire et de l'extase; la variété doit tenir du désordre; l'unité est celle d'un être animé, indépendant, qui jouit de sa liberté jusqu'à la licence. La nouveauté exige que la poésie, dans toute la force de sa primitive essence, y soit une puissante création; l'intérêt fera plus que de toucher, il exaltera. Lorsque le sujet brille de toutes les beautés qui naissent de l'enthousiasme le plus pur, le plus complet; lorsqu'une fureur divine remplit et échauffe notre âme ; que mille idées nous dominent et nous emportent vers un point unique, vers un but fixe qui nous attire par une puissance irrésistible, le moment est venu de se modérer en demandant plus spécialement le concoure du jugement et de recourir à l'art. Un signe produit-il infailliblement tel effet que nous avons cherché longtemps et que désormais nom pouvons obtenir à volonté? la connaissance de cet effet et du moyen qui l'a produit est l'origine de l'art essentiellement théorique. Comme le type primitif  il doit être noble, saint ; il se fonde sur cette maxime unique :

Trouver les règles qui nous enseignent à maintenir une entière harmonie entre le signe et la chose à signifier, la traduction et le modèle, la copie et l'original.

On comprend dès lors pourquoi la diction de l'ode est rapide et hardie jusqu'à la témérité; l'expression neuve, le tour extraordinaire, la marche irrégulière, audacieuse, inégale. Les mêmes facultés qui nous communiquent une émotion profonde et vraie à la vue des objets dignes d'admiration peuvent apprécier les moyens de la manifester.

C'est au talent qu'il appartient de réaliser la pensée lyrique avec le concours de la poésie, du chœur, du chant, de la versification, de la musique instrumentale : le talent est essentiellement pratique, il réside dans la mise en œuvre.

Conçue, réglée, exécutée d'après ces principes, l'ode est élevée à la perfection qu'elle comporte; son origine, ses moyens la distinguent de toutes tes, autres compostions littéraires.

VI.

Populaires par le sujet, les œuvres de Pindare le sont encore par la mise en scène, le cérémonial et le concoure des talents qui, en s'adressant aux yeux et aux oreilles, séduisent l'ignorance même. On ne sait pas s'il fut un beau danseur, comme avaient été avant lui Orphée et Linus (20); mais il possédait à un haut degré toutes les autres qualités dont l'ode réclame l'appui ; imagination vive, sentiment profond de la mélodie, voix harmonieuse (21), maniement facile du vers et de la lyre.

Dans ses œuvres où la nature est sans cesse vantée avec emphase aux dépens de l'art et de l'étude; l'étude et l'art sont portés au comble. Sans les exercices les plus assidue, sans la connaissance et l'emploi des plus subtile procédés, qui ne sont pas le génie, mais lui servent d'auxiliaires, comment régler la vie de cet être multiple qui, sous le nom d'ode, voit, danse, entend, chante, joue de plusieurs instruments, versifie la gloire du vainqueur» les caprices du poète et l'allégresse publique? Comment accorder la syllabe avec la note, celle-ci avec le pas; le mètre avec le rythme, avec l'accent, avec l'air, avec le mode? Et tous ces éléments avec les évolutions du chœur; avec le sujet de l'hymne et les écarts les plus inattendus de la pensée? Aujourd'hui les chants de victoire existent à peine pour nous dans leur partie musicale et pittoresque; mais le succès immense qu'ils ont obtenu à la représentation est incontestable; nous ne pouvons pas récuser sur ce point le témoignage de l'histoire; et, d'ailleurs, d'imposants débris justifient l'admiration.

Un sujet semé de récits héroïques, de pensées graves et religieuses, et plein des sentiments qu'inspirent les joies du triomphe, pouvait-il être traité dans un dialecte mieux choisi, plus heureux que celui où les formes diverses de l'épopée se trouvent assorties et mêlées à la dignité dorique, à la légèreté éolienne? Le mode adapté à chaque hymne ou seulement à une division de l'hymne, n'est-il pas toujours ou sévère, ou plaintif, ou tendre, selon la nature des idées? Dans les mètres, dans les vers, ne remarque-t-on pas une richesse inouïe des plus savantes combinaisons? Partout la mesure, la cadence, les rejets, les suspensions, les sons imitatifs ne se succèdent-ils pas en se pliant avec une inexprimable souplesse aux mille nuances de la matière? Dans les strophes, jusque-là (22) timides, écourtées, peu nombreuses, et depuis prodiguées sans fin, désordonnées et prolixes; quelle ampleur intelligente! quelle sobriété de magnificence ! Nous n'en pouvons douter: la danse, le chant, les flûtes, les lyres, la pompe, jouaient aussi un rôle éclatant dans la représentation d'une ode de Pindare. Les soli succédaient aux chœurs proprement dits, et ceux-ci aux récitatifs; les allures, les gestes, les physionomies des figurants se réglaient sur les différents sens de l'hymne et le mouvement de la phrase. Si le poète fait preuve d'un art infini dans ce que nous pouvons encore juger, pourquoi le goût l'aurait-il abandonné dans ce que nous ne possédons plus?

On peut comparer les éléments divers qui composaient le chœur lyrique à autant de langages particuliers; chacun d'eux traduisait une partie de la pensée poétique; la plus vive se rendait par les gestes et les mouvements du corps; la plus vague, par la musique; la plus morale, la plus austère, la plus nette, la plus solide, par les mots symétriques et le style. Ce luxe de ressources pour manifester une même émotion n'a pas été sans influence sur la diction de Pindare. Elle lui doit peut-être ses caractères les plus frappants; la gravité, la plénitude, le nerf, la rapidité. Il est possible aussi d'excuser par là plusieurs défauts prétendus de l'auteur. Tel passage aujourd'hui obscur ne l'était point lorsqu'une sorte d'éloquence extérieure lui servait de commentaire vivant. Elle suppléait aussi à l'absence ou à là brusquerie apparente des transitions. Elle remédiait même à l'uniformité du sujet fréquemment reprochée au poète. Chaque ode était composée et jouée sur un air nouveau pour un vainqueur nouveau; tous les détails de la représentation changeaient avec les lieux, les temps, les hommes, l'espèce de victoire.

Dans les formes littéraires, même variété: elles sont nombreuses comme les transports d'une âme violemment remuée. Tantôt Pindare parle seul, tantôt le coryphée, tantôt le chœur, tantôt une partie du chœur. Mais la première forme de toutes, celle qui doit l'être, la plus fréquente, la plus vive, celle que les autres ne font jamais disparaître entièrement, c'est la forme personnelle ou lyrique. Pindare ne s'efface pas dans ses odes, il les marque de son sceau, il est heureux de nous entretenir de lui-même; il le fait souvent en termes très directs : «Je veux chanter d'une voix forte.... pour moi, je loue hautement.... il faut que je chante la victoire.... j'ai des merveilles à dire.... je suis venu ici pour célébrer....»

Le moi revient sans cesse: nous apprenons du poète l'époque où il est né, la ville qui lui a donné le jour, les vœux inconstants qu'il forme, tantôt avide de gloire et de richesses, tantôt vantant la médiocrité et ce petit coin de terre où il ne connaît ni les chagrins ni la discorde (23). Il exalte sur tout son génie poétique; les vainqueurs l'implorent, les Heures le pressent, les cités l'appellent, les dieux lui commandent de chanter. Il s'excite lui-même, il s'aigulllone: « Courage I mon âme! » il adresse la parole à son luth, à ses hymnes, à sa langue, à sa muse, a toutes les muses, aux grâces, au chœur, au vainqueur, au coryphée, aux villes, aux contrées; à Neptune, & Jupiter, aux déesses, à tous les dieux de l'Olympe. Mais cette orgueilleuse et naïve assurance n'est pas inébranlable; il y a de l'homme dans celui qui s'appelle pontife et prophète; ce cœur si fier n'est pas à l'abri des alarmes; Pindare aime la gloire, il tremble de ne la point conquérir, il s'inquiète, il ne dit plus : «Muse, obéis !» Il descend aux souhaits, aux supplications; il conjure tes héros qu'il célèbre, les divinités qu'il invoque, d'accueillir favorablement ses vers; les calomnies de ses ennemis ne lui laissent point de repos; il nous révèle toutes ses tristesses hautaines, il s'afflige du présent, il compte sur la postérité. Ainsi, au ton impératif et superbe succèdent lés prières, les vœux. Partout les traits de caractère et le mouvement de la passion animent les détails, impriment à l'ode un élan naturel.

Au tour direct se trouve mêlé accidentellement le ton dramatique; l'ode est exécutée: c'est un poème en action; on y retrouve le véritable caractère du drame, substitution de personne, action simulée, rôle. Pindare n'assistait pas lui-même à l'exécution de toutes ses œuvres; il était donc suppléé par un personnage fictif, et nous ne devons point prendre à la lettre des passages de ce genre:

«Il faut que j'aille à Pytané...  J'arrive avec Diagoras dans l'île de Rhodes...., je me suis présenté avec les Grâces chez le fils de Lampon....»

Le discours occupe, il est vrai, une faible place dans les chants de victoire; il ne laisse pas cependant d'y être quelquefois remarquable. La sixième Isthmique et la septième, les Pythiques quatrième, neuvième et huitième, la première Néméenne et la dixième, la première Olympique, nous en offrent des exemples. Un essai de dialogue se rencontre dans la première Pythique.

Mais, dans une foule d'odes, c'est la narration épique surtout qui domine. L'expédition d'Adraste contre Thèbes; celle des Argonautes, la mort d'Ajax, Hercule au berceau, la fondation de Cyrène, l'histoire de Persée chez les Hyperboréens, Hercule vainqueur d'Augias... voilà autant de petites épopées encadrées au milieu des éloges décernés aux triomphateurs.

Enfin le genre didactique est aussi à signaler: de nombreuses sentences ornent gravement les vers de Pindare; elles calment l'essor d'une verve fougueuse, et souvent, comme un pont jeté entre deux rivages escarpés, elles unissent deux séries d'idées qui paraissaient inconciliables.
Ce changement imprévu et continuel déformes choisies éveille l'attention, rend le style impétueux et lui communique tous le charme du beau désordre (24).

Entre les pensées principales et Les procédés de style les plus saillants, se joue, en quelque sorte, la foule des idées accessoires, des tours, des expressions. Pleins de vérité, les détails sont empreinte de la couleur locale et historique. Comparaisons judicieuses et tantôt exprimées avec une pompeuse abondance, tantôt avec une vivacité énergique; allégories transparentes, descriptions rapides, plus rares cependant que les tableaux animés; portraits et poses des personnages; allusions à la mythologie, aux usages ordinaires de la vie, aux événements contemporains; idées en rapport avec l'âge du héros, avec la représentation de l'ode, avec le lieu de la scène et les circonstances présentes; tout attache au sujet, au soi de la Grèce cette belle poésie, épandue en rameaux qui déploient leur verdure et leurs fleure sous le eiel de la patrie, et se balancent aux vents, sans se détacher du tronc immobile.

Le ton n'est jamais le même : tour à tour simple, sublime, gracieux, grave, calme, emporté, il respire la piété, la gloire, l'amour, là joie des banquets, la morale, la passion. Quelque rapide que soit l'apparition des personnages, ils sont esquissés à grands traits, leur allure est naturelle, ils vivent dans le vers, ils marchent, ils agissent: à leur maintien, à leurs discours on reconnaît des héros.

Chaque phrase a son attitude, vous la diriez sculptée; mais elle n'est point condamnée au repos; semblable aux statues des Crétois (25), elle s'avance sur la route qui lui est assignée. L'invocation, la suspension, l'énumération, l'apostrophe, la prosopopée, sont les allures qu'elle affectionne. Toujours en mouvement, elle ne diffère d'elle-même que par le degré de vitesse qui l'emporte au but. A l'aide de grands mots elle s'allonge avec calme, se développe avec gravité. Tour à tour elle bondit comme la joie, elle se cabre comme le caprice, elle se précipite dans la carrière comme les coursiers; vous la suivez à peine, vous ne respirez plus, tout à coup elle se tempère, elle est arrêtée.

Point de mots parasites; cette légion de particules qui surchargent presque partout la période grecque est réduite ici à quelques monosyllabes d'une singulière énergie. Si le relatif fonctionne fréquemment, c'est comme un gond solide sur lequel tournent des strophes entières. Sa présence annonce d'ordinaire un récit, un passage épique; on serait tenté de croire qu'elle donnait le signal de quelque changement dans la musique vocale et instrumentale. Point d'uniformité; les temps des verbes changent dans une même phrase; les régimes d'une proposition incidente pouvaient être assujettis au même cas, ils sont tous à des cas différents.

Le style est un mélange audacieux d'expressions abstraites qui répondent à notre nature morale, et d'énergiques images qui plaisent à l'homme physique. Celles-ci dominent comme il convient dans la poésie. Considérés isolément, les. mots offrent des caractères curieux. Tel n'est intelligible qu'en le supposant accompagné d'un geste; tel a un sens philosophique et particulier que l'on chercherait vainement ailleurs; tel montre une double face dans une même phrase, une ville toute matérielle avec ses maisons et ses habitants; une déesse qui marche, parle, aime, hait. Les cités, les contrées,les dieux, les hommes, paraissent comme dans Homère, escortés inévitablement de leur épithète composée, espèce de sobriquet historique et grave,.peinture courte et vive; légère en grec, mais que le français ne peut omettre sans être infidèle, et qu'il né peut rendre sans être lourd.

L'image, toujours bien terminée, est puisée dans les sources les plue diverses, et, pour ainsi dire, dans la nature entière. Mais le poète a ses préférences; les fleure, parmi les plantes; l'aigle, parmi les animaux; l'eau, parmi les éléments; For, parmi les métaux. Ses hymnes sont fleuris; l'aile de sa pensée, de sa muse, de son vers, de son art, suit le vol de l'oiseau de Jupiter; ses éloges roulent semblables au torrent, ou tombent pareils à la rosée; sa poésie a le plus doux éclat. Le familier lui plaît ; il s'éveille pour chanter, il apaise sa soif de vers ; il est le jardinier des muses, il sillonne le champ des Grâces; la nécessité est un clou, la passion un fouet. Mais le pittoresque de l'expression se tire surtout des entrailles mêmes du sujet. Il s'agit de récompenser les vainqueurs : le poète ourdit pour eux un précieux tissu ; il tresse des guirlandes et des couronnes. La pompe triomphale s'avance vers un palais, vers un temple; l'ode ouvre ses portes, elle est elle-même un temple, un palais, un monument, un trésor; elle a des colonnes, un vestibule. La cérémonie se termine par un banquet joyeux; nouvelle métamorphose; l'œuvré poétique devient une coupe de nectar; c'est un délicieux breuvage. Pour retourner à Égine, à Syracuse, à Cyrène, le vainqueur doit franchir cette mer qui, de toutes parts,embrasse les côtes de la Grèce; ou bien l'ode désirée doit être envoyée à travers les flots : que mit Je chantre révélateur de la gloire? Il s'embarque aussi; son imagination ne voit plus que les vagues, que le ciel, que le vaisseau : de là toute une famille de métaphores empruntées à la navigation, aux voiles, aux rames, à l'ancre, aux promontoires, aux écueils.

En un mot, Pindare s'inspire de la vie de ceux qu'il célèbre, de leurs goûts, de leurs exercices, de leur bonheur : il respire, il vit avec eux ; ii lutte, il jette le disque, il lance des traits, il décoche des flèches, il franchit des fossés; il conduit 4e char de ses vers par des routes qu'il connaît, et parcourt en triomphateur l'air, la terre et les eaux.

VII.

De même que l'ode, étudiée sous son aspect matériel, nous montre dans le chœur un coryphée, un chef, qui, en tenant son rang, commande aux autres membres, et dirige les pas, les voix, les instruments; de même elle donne à la poésie une sorte d'empire sur tous les autres éléments : c'est, en effet, la poésie qui est l'interprète le plus fécond, le plus direct de l'enthousiasme; eUe se sert des chants, des lyres, des flûtes, des attitudes , comme d'heureux et brillants accessoires; elle est l'unité de premier ordre qui appelle à elle les unités inférieures; elle est la sphère qui entraîne dans son mouvement une foule de satellites ; elle est la Pythie qui prononce l'oracle : le reste fait autour d'elle écho, draperie, auréole.

Chaque hymne a son plan à part, son caractère propre. Les voies suivies par le poète se croisent sans cesse; il passe du sujet à l'épisode, de l'épisode au sujet; il prend son héros, il le quitte, il y revient. Du particulier il s'élance dans le général, et s'adresse successivement aux citoyens isolés, à ses contemporains, à l'humanité tout entière, il évoque le passé, peint le présent et plonge dans l'avenir. Des idées de même nature sont séparées par des idées d'une nature différente; celles qui occupent le milieu forment un nœud. Ou la fin explique le début ; Ou celui-ci prépare le dénouement. Point de marche régulière et prévue, et cependant nulle confusion. Des fils invisibles unissent les points divers de la composition : ce sont les idées que réveille nécessairement dans l'esprit des Grecs l'espèce de victoire remportée par le héros, les accidents qui s'étaient mêlés, l'histoire de ses adversaires, le théâtre de sa gloire; son âge, son rang, ses vices, ses vertus, ses goûts, sa vie antérieure, ses parents, ses aïeux, sa patrie; le temps même, le lieu où l'ode était représentée; l'action et le mouvement du chœur. Tout tend vers un but fixe : expressions, images, tours, phrases, épisodes; non par la ligne droite peu connue des inspirés, mais par des détours naturels, de gracieux méandres. Dans les odes simples et courtes, il est facile de saisir l'enchaînement des choses; mais, dans la plupart des odes implexes, il importe de découvrir la pensée dominante qui lie mystérieusement les inventions poétiques et les souvenirs fabuleux aux narrations officielles. Cette pensée est le noyau autour duquel se serrent les parties constitutives de la pièce. Quelquefois il est possible de les distinguer, de les séparer les unes des autres, comme les pans de cristaux des pierres précieuses. Alors on peut apprécier les proportions de l'œuvre; la longueur én est déterminée par la durée de l'enthousiasme et par le temps, que l'auteur avait à sa disposition (26). Les développements particuliers ont pour mesure le degré d'intérêt qu'île peuvent offrir. Aussi Pindare ne s'égare point dans la facile description de luttes solennelles , de victoires connues., de joies périodiques ; il se contente de les inscrire dans ses vers en style bref et monumental. Des soins plus graves le préoccupent; il cherche et trouve un principe intérieur de force et de mouvement expansif. Il donne à son œuvre l'organisme d'un être sensible. Le sang coule dans la période, dans chaque incise, puis dans les plus petites veines des plus petits mots, et remonte de là au cœur même du sujet. Un souffle tour à tour puissant et doux pénètre l'hymne entier.

Non, Pindare n'est point célèbre pour avoir excellé dans quelques talents agréables et pratiqué tous les artifices du beau langage. Il a fait mieux que d'assembler l'or, l'ivoire et le corail pour en former des statues plus ravissantes que celles de la Grèce antique où nous admirons le mouvement dans le repos; il leur a donné une âme qu'il est allé puiser dans le sein de Dieu même, et l'âme seule est immortelle.

C'est des plus hauts sommets de l'empyrée qu'il contemple sa matière, la domine, la maîtrise, la transforme et l'élève au plus sublime idéal. Qui a institué ces grands jeux de la Grèce? Dieu. Qui les surveille, qui donne aux athlètes les loisirs, l'opulence, les forces nécessaires pour concourir? Dieu. Qui décide de la victoire entre les rivaux? Dieu. Qui inspire le poète? Dieu. De cette source intarissable, éternelle, découlent toutes les beautés de ses hymnes. De là ses doctrines en religion, en morale, en politique, en poésie.

La théorie de ses chants est aussi noble que simple et courte :

«Puissé-je mourir, chéri de mes concitoyens, après avoir loué ce qui est louable, et semé le blâme sur les méchants (27) ! »

« Il faut rendre justice même à un ennemi  (28). »

Séparé de l'inspiration, l'art est à ses yeux méprisable; mais uni à la vertu, au talent, à l'enthousiasme, il dispense l'immortalité, il fait le bonheur de l'homme de bien.

Le rôle de Pindare n'est pas celui d'un écrivain complaisant et mercenaire ; les éloges qu'il décerne sont des arrêts ; avant de les prononcer il s'est fait juge incorruptible. C'est à ce prix qu'il a le droit de dépouiller sans pitié le héros qu'il vante de tout éclat faux et emprunté; il ne célèbre que le mérite réel, et mêle aux louanges les plus graves enseignements. Plein de discernement dans l'appréciation des qualités diverses, il range les avantages du corps après ceux de l'esprit, et la supériorité de l'intelligence après l'élan d'un cœur généreux. La plupart de ses récits épiques respirent la plus sublime morale. Pollux (29) se dévoue pour Castor (30); Hercule punit un tyran; Antiloque (31) meurt pour son père. Lorsque la vie du triomphateur prête au blâme et à la censure, il ne garde point un silence adulateur; il le rappelle à la vertu par des avis indirects; il répand des allusions obliques ; il déguise sous les formes du mythe de dures vérités. Et voilà le secret de ces digressions souvent un peu voilées pour nous, mais intimement liées au sujet. Les doux reproches adressés par le Centaure au dieu du jour qui veut enlever Cyrène sont une leçon de chasteté pour Télésicrate (32). Le sort de Tantale, d'Ixion, de Typhon, de Phalaris, doit épouvanter tous les rois; c'est un avertissement pour Hiéron (33).

Ces mortels superbes, enivrés de leur triomphe, transportés hors d'eux-mêmes par les applaudissements d'une foule idolâtre, le poète les rappelle au souvenir de notre faiblesse commune; il les fait descendre de leur char de victoire pour leur crier devant le peuple :

« Les mortels ne sont dignes d'éloge et de gloire que lorsqu'ils « savent réprimer l'orgueil au sein de la prospérité (34). »

« La tyrannie est odieuse (35).

« Grâce aux muses et aux dieux, le mérite et la vertu, sans jouir sur la terre d'un bonheur parfait, triomphent de l'aveuglement  du vulgaire et de la calomnie (36). »

« Les vertus d'une génération ne passent pas à celle qui suit : l'avenir est caché aux hommes ; soyons prudents et modérés (37). »

Quel orgueil, quelle joie et peut-être aussi quelle douleur ne se tempérerait point devant cette pensée d'une mélancolie profonde et toute chrétienne !

«Que sommes-nous? Que ne sommes-nous pas? le rêve d'une ombre, voilà les hommes (38) ! »

Quelquefois de telles maximes sont la clef d'une ode entière; elles initient à l'intelligence des réflexions et des faits. Plus souvent, semées çà et là, elles apparaissent si justes, si vives, si nombreuses, que Pindare, moraliste, mérite un rang à part. Il n'effraye point comme Pascal, il n'humilie point comme Larochefoucault, il ne divertit pas comme Labruyère, mais il leur est supérieur en un point: il console l'âme, et, par un artifice que n'ont pas même soupçonné d'aveugles détracteurs, l'apologiste gagé de la richesse et de la puissance, est plus qu'aucun autre poète, le poète des malheureux (39). Plusieurs sentences sur Dieu, sur la fortune, sur la résignation, sur le temps, la vie et la mort, sur nos espérances au delà de la tombe, sont le plus doux baume pour les blessures de l'âme.

La pensée de Pindare,ne vient point de la tête, mais du cœur.

« La muse » dit-il, s'honore par un noble message. »

Qui n'est touché de l'entendre demander à Arcésilas la grâce de Démophile?

D'une terre chérie
C'est un fils désolé:
Rendez une patrie
Une patrie
Au pauvre exilé (40).

Cette élévation d'âme l'empêche de. s arrêter à tout ce qui est étroit, isolé, concentré dans l'égoïsme et dans le temps présent. Il n'oublie sans doute pas les succès du vainqueur, ni les titres qui l'honorent; son devoir est de les publier; mais une élégance réservée et concise guide alors sa plume. Par un sentiment délicat des misères de l'homme, qui se passionne dans, son besoin d'affection, pour ce qui n'est plus et pour ce qui n'est pas encore, il se plaît à retracer les plus doux souvenirs, les plus douces espérances. Il aime à voir dans te héros le fils qu'une mère chérie embrassera au retour: le mortel, dont les hauts faits font tressaillir de joie jusque sous la tombe, un peuple entier d'aïeux magnanimes; le citoyen qui relève le nom de la cité; le favori de la fortune et du ciel. Et il célèbre la famille, la patrie et les dieux; il énumère d'anciens triomphes, il en promet de nouveaux; il ressuscite les vieilles traditions, il rend hommage aux immortels , non pour trouver un aliment à sa verve qui s'épuise, non pour céder aux écarts d'une imagination déréglée; mais, parce qu'il est juste, il est beau de couronner dans la personne du triomphateur, les parents et les maîtres qui l'ont élevé, guidé, instruit; les ancêtres qui lut ont légué le double héritage de leur gloire et de leur fortune; la ville qui l'a nourri, protégé par ses institutions et ses lois ; les- dieux qui ont déposé dans son âme le germe de tous les mérites, de toutes les vertus.

Humaine et sensée, la politique du chantre thébain tient (41) à sa morale. Il réunit dans un même faisceau d'affections invariables, le foyer domestique, le sol natal et les autels divins. Que la multitude commande, ou les grands ou un roi; peu lui importe la constitution de l'état; partout la voix d'un honnête homme exerce un irrésistible empire (42). S'il est un parti qu'il défende, c'est celui du peuple que tous les gouvernements doivent ménager, parce qu'il les soutient tous (43).

Sa religion n'est pas moins éclairée; elle est de beaucoup supérieure à celle de son époque. Révolutionnaire ingénu, tout en invoquant Neptune, Apollon, Jupiter, il parle souvent d'un Dieu unipersonnel, absolu, dont il est l'apôtre; il purge la mythologie de fables ridicules ou horribles (44); on croirait qu'il protège le paganisme; qu'il a déjà deviné un ciel placé au-dessus de l'Olympe.

Quel est donc cet homme dont la poétique se fonde sur la vérité, l'honneur, la piété; qui sait louer sans flatterie, conseiller avec sagesse, blâmer par vertu? qui agrandit tout ce qu'il touche, communique un degré d'énergie et de noblesse inconnu à des événements, à des sentiments vulgaires pour des Grecs? qui charme et instruit le peuple, les puissants, les rois, la postérité; plus profond que ses interprètes, plus grand que son siècle, que les héros célébrés dans ses vers, que les dieux de ses contemporains? C'est un homme de génie, c'est Pindare, le roi de l'ode; poète géant que la critique doit isoler, élever au-dessus de tous les lyriques, comme elle fait Homère, le Dante ou Milton dans l'Épopée.

VIII.

Nous venons de porter Pindare au ciel ; c'est presque un Dieu pour nous ; mais notre admiration n'est pas sans bornes, nuire culte n'est pas de l'idolâtrie. Le prince de la lyre touche à la terre par quelques faiblesses. On désirerait que les combats de son amour-propre contre l'envie et ses rivaux fussent moins, fréquents. Son style n'est pas toujours d'une clarté lumineuse (45), parce qu'il est trop serré; on y remarque des redites. Les énumérations de victoires pèchent quelquefois par la sécheresse. Peut-être doit-on reprocher à plusieurs images un peu d'enflure et de bizarrerie, à plusieurs tours une vivacité abrupte ; à certains récits épiques, trop de longueur; à l'idée morale qui constitue l'unité de presque toutes les odes, trop peu de variété; à la fréquence des maximes, quelque langueur. Ces imperfections légères sont peu sensibles :

Il peut tomber, mais c'est comme la foudre
Qui se relève et gronde au haut des cieux (46).

D'autres griefs pèsent sur lui ; la plupart sont spécieux. Vous l'accusez de flatterie? il conseille plus qu'il ne loue. De jalousie à l'égard des autres poètes? cette jalousie se borne à faire mieux. De récrimination contre ses ennemis? Il ne daigne pas même les nommer. De cupidité ? mais lui-même regrette le temps heureux où le poète, plein de désintéressement, ne suivait d'autre (47) guide que l'inspiration. De s'être constitué le partisan de l'aristocratie et du pouvoir absolu? d'avoir célébré l'opulence? c'est une exagération calomnieuse. Convient-il de lui imputer à crime les exigences de la matière? Les riches, les puissants, les princes seuls pouvaient suffire aux dépenses que la plupart des concours entraînaient. On a voulu en faire un théocrate; il n'a été que pieux. Est-il juste encore de reprocher de la froideur pour les femmes, au disciple, à l'émule de Corinne? il les aima, puisqu'il fut bon fils, mari tendre, père vigilant; il les aima, car il les estimait; et partout dans ses vers, il les entoure de vénération; s'il ne pardonne point à l'amante infidèle, à l'épouse parjure, il célèbre la mère courageuse. Il avoue même qu'il a connu la fièvre qui égare les sens :

« Elles ont du charme les faveurs secrètes de Vénus (48). »

Jamais ces paroles n'ont pu sortir d'un cœur inaccessible à l'amour :

. «Noble puberté, mère des baisers divine, toi qui habites dans les yeux des jeunes filles (49).»

Enfin ceux qui lui accordent plus d'élévation dans l'intelligence que de tendresse dans le cœur, ont-ils oublié que nous avons perdu la plus grande partie de ses œuvres? Ne se rappellent-ils plus les paroles d'Horace?

« Pindare est inimitable encore lorsqu'il pleure le jeune époux « enlevé à son épouse éplorée : »

Flebili sponsœ juvenem ve raptum
Plorat  (50).

Plût à Dieu que nous n'eussions pas de motifs plus sévères pour le blâmer! mais, il n'en faut pas douter, s'il vivait, il effacerait lui-même de ses hymnes cette pensée méchante :

« Haïssant celui qui me hait, je le poursuivrai en tous sens par des voies obliques (51). »

Il rougirait d'avoir trouvé dans la nécessité une excuse à la (52) corruption des courtisanes corinthiennes. Il n'exprimerait plus son amitié pour Théoxène en images qui permettent de la confondre avec un égarement monstrueux de l'amour dans (53) l'antiquité. Ce sont là des taches. Elles font naître des doutes cruels : mais aucun fait historique ne nous autorise à flétrir une sainte renommée : notre admiration et notre estime doivent rester intactes devant un ensemble d'oeuvres où la pensée est toujours chaste,, élevée, généreuse; devant une vie entière, consacrée à la poésie et à l'étude. Pieux, bon, fier, indépendant, sensible;

Pindare inspire le respect par son caractère : mais sa vertu n'est point farouche, sa majesté sourit; il n'est point l'ennemi des sages plaisirs. Les doctrines, les sentiments qu'il expose dans ses hymnes nous le montrent plein de probité et de candeur.

« Loin de moi le métier de flatteur (54) ! »

« Je ne saurais dire ce qui déplaît à Jupiter (55). »

« J'aimerais à devoir aux dieux des biens modestes... Le bonheur « de la médiocrité conserve plus longtemps son éclat : Je plains le «sort des rois (56). »

« Parmi mes compatriotes je lève des yeux sereins ; je suis sans orgueil ; je repousse loin de moi toute iniquité. Puisse ainsi le reste de ma vie s'écouler irréprochable ! qui me connaît peut dire si je sors des bornes pour répandre la calomnie  (57). »

« Que je ne ressemble jamais au sophiste! que je m'attache aux voies droites de la vie, afin de laisser en mourant à mes enfants une bonne renommée  (58)! »

Le poète en lui n'est point démenti par l'homme; ce qu'il a dit, il le croyait, il l'a pratiqué. Élevé dans le temple, religieux dans ses vers, il a consacré ses deux enfants à Cybèle (59). Sévère dans ses principes, il a refusé la main d'une de ses filles à un homme qui n'était que riche: «la fortune ne suffit pas, dit-il, il (60) faut la probité. » Celui qui tant de fois chanta la patrie des athlètes vainqueurs, a chéri la sienne.

« Ο Thèbes, ô ma mère, il n'est point de travaux que je né quittasse pour te célébrer (61). »

L'amende que lui infligèrent ses concitoyens prouve assez qu'il aima la Grèce. Polybe s'est trompé en l'accusant d'avoir épousé la cause des Perses (62). La justification du poète se trouve dans ses propres vers :

«Pour louer les Athéniens, je choisirais leur victoire à Salamine : chez les Spartiates, je citerais le combat au pied du Cithéron, où ils mirent en déroute les Mèdes aux arcs recourbés (63). »

Partisan de la justice sous toutes les formes de gouvernement, il a constamment entretenu un commerce d'amitié avec des princes, avec de riches familles, avec la démocratique Athènes.

Dans un temps où la Grèce venait de s'immortaliser par sa lutte contre l'invasion asiatique et goûtait les charmes d'une longue paix, il eut des chants pour célébrer la valeur guerrière et les bienfaits d'une tranquillité glorieuse. Lorsque la liberté avait pénétré dans les cités doriennes aussi bien que dans celles des Ioniens; que le peuple de Sparte nommait ses Éphores, et que tout citoyen, dans la ville de Pallas, pouvait, par son mérite seul, parvenir aux honneurs, il poursuivit les tyrans de son mépris et de sa haine. On lui demandait un jour pourquoi il n'allait point en Sicile chez Hiéron et d'autres rois, comme faisait Simonide : «Je veux, dit-il, vivre pour moi-même et non pour autrui (64).» Ses jours s'écoulèrent au milieu de peuples passionnés pour les fêtes ; la prospérité de la navigation et du commerce les avait enrichis; l'aisance, le repos, malgré des troubles promptement apaisés, les excitaient sans cesse à la culture de la philosophie des arts et des lettres; Pindare se fit une seconde religion de son amour ardent pour une poésie pieuse et morale, héroïque et populaire tout ensemble ; ornée de tous les charmes que pouvaient y ajouter le chœur, la danse, la voix, la musique et la magnificence des cérémonies.

L'union intime entre les principes de Pindare, ses goûts, ses actes, les temps, les lieux où il vécut; celte vie réglée d'après des convictions inébranlables; ce caractère grave et austère qui n'exclut point la grâce et l'agrément (65); la nature des sujets qu'il traite, assez élevée pour comporter le sublime, assez commune pour ne point repousser le familier, ont imprimé à ses odes le cachet d'une originalité ineffaçable. II a un point de vue, une langue, un style, une versification, des franchises, des fictions qui lui appartiennent. La facture de ses vers est étonnante de noblesse, de variété, d'harmonie, de mouvement, (Je fantaisie. Les emprunts qu'il fait à plusieurs dialectes; les antiques formes qu'il rajeunit; les expressions qu'il détourne de leur sens propre, rendent sa diction singulière. Par une énergie, une concision, qui lui sont propres ; il unit, il presse dans le tour vigoureux d'une phrase elliptique des éléments fugitifs et des éléments éternels, des idées de mode et des vérités immuables. Aucun poète ne l'a égalé dans l'art d'idéaliser un sujet et de construire le labyrinthe d'une ode. Il est surtout remarquable en ce qu'il noua montre tout à coup des rapports ignorés entre des objets connus. Les pensées inséparables de la matière se développent avec éclat et s'épanouissent en ornements capricieux; les ornements, les fleurs, tiennent tellement à l'idée principale qu'elles paraissent la soutenir; elles n'offrent rien qui sente l'artifice, et nous rappellent les plus belles, les plus libres productions de la nature.

Les chants de victoire forment donc une série d'harmonies successives et graduées, depuis le premier cri qui accueillait le triomphateur au bout de l'arène, jusqu'au dernier son de la lyre et des voix qui allait réveiller un lointain écho : harmonie qui associe à l'allégresse du héros et du peuple l'âme du poète ; harmonie qui rattache la pensée lyrique à tous les moyens de la manifester ; harmonie qui unit la représentation de l'hymne à de nouvelles joies, à des émotions nouvelles. Toutes s'enchaînent pour ravir l'âme et les sens. Les plus grandes attirent les plus faibles, et les emportent à leur suite. Toutes viennent de Dieu par l'enthousiasme, cause directe et primitive de la poésie; toutes retournent à Dieu par un autre enthousiasme, inévitable effet des beaux vers et des beaux arts. Ainsi un peintre noua représente, au milieu des airs, un groupe d'esprits immortels qui viennent de visiter notre globe; les plus grande, les plus forts soutiennent les plus jeunes, et tous ensemble remontent légèrement vers les cieux.

IX.

Pindare suit rarement des traces étrangères. On a voulu le ranger parmi les Pythagoriciens pour quelques vers sur l'immortalité de l'âme, sur le bonheur des justes dans un autre monde, sur le triple chemin des enfers et les années d'épreuve qu'il faut subir avant d'entrer dans l'Élysée. Il est plus vraisemblable qu'il a puisé cette doctrine dans les opinions répandues de son temps, et qui se rattachent sans doute à l'école mystique des poètes pontifes. Quoi qu'il en soit, s'il fallait, à la rigueur, le classer dans une secte de philosophes, c'est parmi les spiritualistes, et il marcherait au premier rang. A Homère il a emprunté l'épisode de Coronis (66), quelques imagée, quelques formes anciennes.

L'imitation, sorte de traduction indépendante et large, est pour l'écrivain que l'on imite une critique favorable, un témoignage indirect d'admiration. On ne cherche point, en effet, à s'assimiler la pensée d'autrui quand elle ne doit donner à la notre aucun éclat. Pindare est loin d'avoir manqué d'imitateurs; s'il en a moins qu'Homère, cela s'explique. Dépouillées bientôt par une invincible nécessité du charme et de l'énergique clarté qu'elles devaient à la représentation, en flattant le sens pittoresque et le sens musical, les odes de Pindare ont été de bonne heure entourées d'une certaine obscurité qui en a rendu la lecture moins attrayante, plus rare et plus difficile pour les Grecs même, pour les Latins et surtout pour les modernes.

C'est par ce motif, sans doute, que les chants de victoire ont prêté moins fréquemment à des imitations. Il en existe cependant et de plusieurs sortes: elles méritent d'être mentionnées. Tantôt ce sont des expressions et des tours qu'on leur emprunte, tantôt le procédé qui a servi à grouper les idées accessoires, tantôt de hautes et nobles pensées.

Déjà nous avons parlé de l'affection intéressée de Platon pour l'illustre Thébain. Initié aux mystères d'Éleusis (67) celui-ci tend aussi vers un double enseignement; tous deux ont évité de s'immiscer dans la politique active : le philosophe doit beaucoup au poêle, et ce serait une belle tâche à remplir que de constater leurs points de ressemblance par des rapprochements positifs. Les idées de Pindare sur l'art, sur l'éloquence, sur la poésie, nous semblent reproduits exactement dans l'Ion et dans le Gorgias, pamphlet sublime d'un citoyen vertueux. Les pères de l'Église, sans peut-être s'en rendre compte, ont trouvé, comme nous, des rapports intimes entre Pindare et Platon. Lorsqu'ils demandent à l'antiquité païenne des citations à l'appui de leurs doctrines, ils nous donnent d'abord les vers du lyrique, puis immédiatement après la prose du philosophe, comme si l'un était le fils de l'autre. A leur exemple, le plus moderne des pères, Bossuet, qui en rêvant composait des vers grecs (68), n'a point dédaigné le chantre dircéen. Dans ses Oraisons funèbres, il suit souvent les mêmes voies; telle est du moins l'opinion vulgaire. Mais on ne nous dit pas si ces deux génies se rencontrent par aventure, ou si le dernier venu, attiré vers l'autre par des qualités supérieures de même nature, l'a étudié et soumis à une savante et mystérieuse transformation. Ce problème est presque résolu pour nous. Sans parler de ces images analogues, de ces mots placés en relief, de ces allures bondissantes, de ces coupes de phrases hardies, de ces périodes qui semblent être des strophes, de ces idées saillantes qui parlent avec la rapidité du trait, de cette harmonie qui paraît. tenir à une disposition secrète de mètres; sans rappeler que Pindare aussi faisait sa langue, qu'il a le premier, dans les éloges, employé le procédé qui consiste à développer souvent une idée morale parallèlement aux louanges du personnage célébré; sans répéter que son caractère le plus tranché est de dissimuler sa marche, et de mêler le familier au sublime: la seule oraison funèbre du prince de Condé nous semble présenter plusieurs traces d'imitation.

C'est pour obéir aux ordres du plus grand des rois que l'illustre évêque l'a composée; c'est pour obéir à Hiéron que le poète de Thèbes célèbre ses victoires.

« Quelle partie du monde habitable n'a pas ou! les victoires du prince de Gondé et les merveilles de sa vie? on les raconte  partout....

« Eacides aux chars d'or, vous n'avez cessé, par mille hauts faits, de vous ouvrir de vastes routes jusque.... Il n'est point de ville assez barbare, assez étrangère à notre langage pour ignorer la gloire du héros Pelée... (69). »

« C'est Dieu qui fait les guerriers et les conquérants.... tout part de sa puissante main : c'est lui qui envoie du ciel les généreux sentiments, les sages conseils et toutes les bonnes pensées. »

« Ο Jupiter, tous les mérites éminents sont dispensés par toi aux humains (70).»

« Les courageux et les sages ne le sont que par la faveur du ciel (71). »

« Ο Apollon, tout ce que les hommes achèvent avec bonheur,  tout ce qu'ils entreprennent est réglé par un dieu (72). »

« C'est aux dieux que les mortels doivent tous les éléments de leurs mérites; qu'ils soient nés vigoureux athlètes, poètes ou orateurs (73).»

Le passage le plus touchant de Bossuet est peut-être celui où en terminant l'éloge de Condé, il appelle un moment l'attention de ses auditeurs sur ses cheveux blancs, sur les restes d'une voix qui tombe et d'une ardeur qui s'éteint.

Après avoir célébré un guerrier dans une courte oraison funèbre, Pindare fait le même retour sur lui-même avec une tristesse attendrissante.

«Oui, celui qui dans les tempêtes de la guerre éloigne de sa chère patrie une pluie de sang, et refoule la désolation dans les rangs ennemis, acquiert à ses concitoyens une gloire suprême... Pour toi... tu as exhalé ton âme dans la fleur de l'âge, au premier rang de la mêlée, où les plus intrépides combattants défendaient «une dernière espérance. J'en ai ressenti une douleur inexprimable. Mais aujourd'hui... le calme a succédé à l'orage.... puissent les dieux jaloux ne pas troubler les jouissances paisibles que je goûte chaque jour en m*avançant vers la vieillesse et le terme fatal de la vie (74)! »

Les poètes ont reproduit avec une intention plus marquée, plus manifeste, les beautés du lyrique grec. Horace puise dans les trésors de son devancier avec une confiance sans bornes. On dirait qu'il revient chez lui, qu'il reprend son bien. Mais il n'abuse point. S'il lui arrive de lutter corps à corps avec son rival, et de traduire l'idée d'autrui avec la même netteté de style que s'il inventait, on le voit aussi prendre l'essor en partant d'une pensée pindarique qu'il ne fait qu'effleurer, puis, tout à coup, s'élancer dans une direction nouvelle, et se soutenir par un vol puissant dans des régions où seul il a osé pénétrer.

Nos plus célèbres lyriques ont témoigné pour le poète grec un amour très vif, mais souvent platonique. Ronsard l'imite et le traduit; il ne s'en cache pas (75). Les vers où il reproduit le début charmant de la septième Olympique ne sont pas dépourvus d'élégance :

Comme un qui prend une coupe,
Seul honneur de son trésor,
Et de rang verse à la troupe
Du vin qui rit dedans l'or :
Ainsi versant la rosée
Dont ma langue est arrosée
Sur la race de Valois....(76).

Malherbe n'a pas connu Pindare; J. B. Rousseau est peut-être dans le même cas, ou du moins il n'en a fait qu'une étude superficielle. Il faut le dire pourtant, l'allure éminemment inspirée de l'ode au comte du Luc, le poétique mouvement qui en anime toutes les strophes appartiennent au chantre d'Hiéron  (77).

Lebrun n'a vu Pindare, ce nous semble, qu'à travers Horace et les traductions latines. Dans ses vers ne perce point un sentiment délicat et profond des beautés du grec; s'il l'a compris, ce n'est pas en artiste inspiré; cette poésie n'est que de seconde main ; la touche est faible, le reflet pâle, les traits incertains; c'est le portrait d'un portrait (78).

Un seul littérateur en France a saisi l'esprit de Pindare et l'a imité à la manière d'Horace, en homme de génie : c'est André Chénier. Jamais poète n'a possédé à un aussi haut degré que lui la merveilleuse faculté de transporter dans notre langue les tournures les plus originales, les expressions les plus heureuses des auteurs Grecs, tout en conservant un air d'indépendance et de naturel. Il ne s'est point jugé trop favorablement quand il a dit :

« Souvent des vieux auteurs j'envahis les richesses.
« Plus souvent leurs écrits, aiguillons généreux,
« M'embrasent de leur flamme, et je crée avec eux.
« Je m'abreuve surtout des flots que le Permesse
« Plus féconds et plus purs fit couler dans la Grèce. »

On reconnaît, en effet, çà et là dans ses œuvres les saintes reliques du chantre thébain (79). De ces guirlandes tressées jadis pour le front des athlètes vainqueurs, il sait détacher des fleurs qui paraissent écloses d'hier ; il en pare nos muses, il en découvre jusqu'au milieu des ruines que nous avons numérotées sous le nom de fragments.

Comme au jour de l'été, quand d'un ciel calme et pur
Sur la vague aplanie étincelle l'azur,
Le dauphin sur les flots sort et bondit et nage
S'empressant d'accourir vers l'aimable rivage,
Où, sous des doigts légers, une flûte aux doux sons,
Vient égayer les mers de ses vives chansons.
Ainsi...(80)

Mais l'influence des chants de Pindare ne s'est point bornée au genre lyrique; la majestueuse épopée, sans craindre de déroger, y a puisé le germe fécond de vastes récits; les Argonautiques d'Apollonius de Rhodes et de Valérius Flaccus ne sont que le développement de la quatrième Pythique; l'Achilléide de Stace reproduit sur un plan plus étendu la treizième Néméenne.

X.

L'idéal est la base de toute critique littéraire. En dehors de celte théorie fondée sur l'unité majestueuse de Dieu, de la nature, de l'âme humaine et de leurs rapports harmoniques, il n'y a plus qu'une littérature individuelle, sceptique, mesquine, divisée, emportée dans toutes les directions par le hasard et l'empirisme. Une ode est parfaite lorsque nous y trouvons l'enthousiasme le plus exalté, concentré d'abord dans les limites du vrai, du beau et du bon par le travail du génie, puis traduite par un art exquis et le concours des talents les plus propres à charmer nos sens et toutes nos facultés. C'est en comparant Pindare avec l'idéal de l'ode que nous avons apprécié son mérite absolu ; pour connaître son mérite relatif, il faut établir un parallèle entre lui et ses rivaux.

Les œuvres du chantre thébain et celles des poètes hébreux ont plusieurs points- de ressemblance, surtout dans l'emploi des accessoires lyriques et de certaines formes de style. Chez les Hébreux aussi, l'ode est représentée; elle a une partie toute externe; nous y retrouvons la pompe, le chœur, la danse, la musique vocale et instrumentale, une sorte de versification et de dialecte. Laban reproche à Jacob, son gendre, d'avoir enlevé ses filles sans lui laisser la consolation de les accompagner au son des chansons et des instrumente (81). Depuis que les Hébreux existaient en corps de nation, ils avaient des réunions de prophètes sous un chef suprême, dont l'occupation principale était de célébrer les louanges du Très-Haut, dans des hymnes et des chants qu'ils accompagnaient du son et du concert des harpes et des flûtes (82). Saül, déjà désigné et sacré roi, voit venir à sa rencontre une troupe de prophètes, qui descendaient de la montagne du Seigneur, et qui prophétisaient au bruit des flûtes, des harpes et d'autres instruments de musique (83). On connaît le morceau sublime d'Isaïe, dans lequel le Messie est mis en scène au jour de ses vengeances et s'entretient avec un chœur (84). Dans le Cantique des cantiques une troupe de jeunes vierges offre aux deux époux des consolations ou des conseils; elles les interrogent et leur répondent. Après le passage de la mer Rouge, Marie prit un tambour en sa main, toutes les femmes marchèrent après elle avec des tambours, formant des chœurs de musique. Et Marie chantait la première en disant : «α Chantons des hymnes au Seigneur (85).» David danse autour de l'arche en jouant de la harpe (86).

L'ode hébraïque est partagée en strophes ou versets, et ceux-ci en vers courts, cadencés, composés de pieds musicaux dont on ne connaît pas pourtant la mesure réelle (87). Le dialecte est poétique : comme celui de Pindare, il consiste dans remploi de termes qui s'écartent des lois et des usages ordinaires de la langue. Certains mots sont allongés ou raccourcis par l'addition ou le retranchement de quelques syllabes. Des hardiesses semblables se rencontrent dans le style du poêle profane et dans le texte sacré; changements de personnes, de temps; futurs énoncés par des passés et vice versa (88). Les allures principales des phrases offrent aussi des analogies fort marquées. On rencontre dans les chants hébreux la forme personnelle ou lyrique par excellence :

«Je crierai vers vous, Seigneur!... C'est dans le Seigneur que « j'ai mis mon espérance. »

La forme oratoire : dans le livre de Job, le discours du Très-Haut n'est pas au-dessous d'une si haute majesté. Le cantique des cantiques et le poème de Job ne sont point de véritables drames, puisqu'ils n'ont ni fable, ni action; mais la forme en est dramatique, parce que le poète, en gardant le silence, fait paraître et parler des personnages, des espèces d'acteurs. Moïse se sert du tour épique quand il célèbre le passage de la mer Rouge. Plusieurs chœurs sont dialogues89. Une foule de sentences et d'enseignements rappellent le ton didactique. Est-il besoin d'ajouter que Pindare et les chants bibliques se rapprochent encore par des obscurités impénétrables en ce qui touche la métrique, la musique, l'accent, le rythme et l'interprétation de plusieurs passages ?

Nous ne pousserons pas plus loin le parallèle; nous n'opposerons pas les images aux images, les sentiments aux sentiments, le sublime au sublime. Qui oserait comparer le Sinaï au Cronius (90) et l'Alphée au Jourdain ? Les poètes hébreux sont supérieurs au chantre thébain pour l'inspiration. Celui-ci n'a qu'un enthousiasme naturel, réfléchi ; le leur émane directement d'en haut. Des psaumes de Pindare à ceux de David, il y a la distance de Jupiter à Jéhovah.

Tout pénétrés de l'inspiration biblique, les chœurs d'Athalie l'emportent aussi sur la muse de Dircé. Ceux d'Eschyle et de Sophocle s'élèvent à sa hauteur. Euripide n'est pas animé d'un souffle assez puissant pour le suivre.

Chez les Latins, Horace est aussi hardi, aussi pur, aussi riche, plus varié, mais moins moral et moins sublime. Plusieurs de ses pièces ne sont que de spirituelles fantaisies ou de savantes études. Il commence d'ailleurs l'interminable série des imitateurs, des traducteurs, des lyriques sans lyre. Avec moins d'art les chants des premiers Chrétiens présentent déjà plus de dignité et d'élévation que l'ode profane des anciens; ils en ont la pompe extérieure, la gravité dorienne, les mouvements, les temps d'arrêt, la musique. Que l'on nous pardonne la comparaison, la célébration dans une vieille cathédrale du Te Deum, composé, dit-on, par saint Ambroise, est peut-être ce qui se rapproche le plus au monde d'un hymne de Pindare, représenté dans un temple de la Grèce. Pendant le moyen âge nous en retrouvons à peine quelques traces ; dans la mission du héraut d'armes qui vient annoncer une victoire, dans la versification variée des troubadours; dans leurs strophes amples, où se pressent des vers de différentes mesures. Le troubadour célèbre aussi les exploits des chevaliers qui l'admettent à leur table ; les traits de bravoure, de générosité, de vertu qu'il juge dignes de sa muse; il sait jouer de la lyre, il chante au son des instruments. Sauf quelques chants héroïques et nationaux, pleins d'une mâle énergie, la plupart des odes modernes le cèdent aux chants de victoire. Destinées à être lues dans la solitude du cabinet, elles ont presque toutes la pâleur morbide des discours écrits. Ronsard a de l'imagination, mais les formes le trahissent. Malherbes n'a perfectionné que l'instrument.

Les cantates de J. B. Rousseau sont belles; comme poète lyrique, il a des parties admirables; de la dignité, de la grâce, de la correction, le sentiment de l'harmonie, une versification habile; mais le coloris des odes est souvent faux ; la strophe retentissante et creuse, et le style tatoué de figures disparates, empruntées au paganisme, au christianisme, à des âges divers. L'ode au comte du Luc, si vantée, nous semble faible d'invention, emphatique et sans proportion avec le sujet; la marche générale des strophes est d'ailleurs un larcin ; pour vêtir sa pensée, l'auteur a cousu avec plus d'art que de goût, les lambeaux de tous les rois de la littérature ancienne dévalisés. Ce tour appartient à Pindare; voilà du Virgile; cette image est d'Horace. Partout la profusion des fictions mythologiques répand une lueur équivoque.

Lebrun a peu de discernement, peu d'enthousiasme et d'originalité; l'intérêt languit; le travail se montre; le cœur reste froid; l'imitation perce à chaque instant ; ces vers sont encore une mosaïque. Quel est le port de France où nos marins chantent, lisent même ou citent l'ode du Vengeur? Eh! que voulez-vous qu'ils comprennent au Rhodope, au fils de Calliope, au navire Argo, aux Pléiades, grotesquement enveloppées dans les replis du drapeau tricolore?

XI.

L'histoire littéraire cite d'admirables odes. Mais le mérite de ces chefs-d'œuvre n'est point le résultat du hasard; il est fondé en raison, et la raison du beau, c'est la règle en tout. Eh!  bien, en cherchant les règles du genre lyrique par les voies spéculatives, en suivant pour les trouver les directions de l'ode naturelle, informe, qui s'essaye, en prenant pour modèle les prophètes, le psalmiste, Pindare, où ces chants inspirés, qui de loin en loin retentissent au milieu des peuples, nous parvenons à la même théorie. Une exaltation noble, extrême, épurée, préside à la naissance de l'ode. Le goût instinctif et le goût perfectionné choisissent les éléments qui la constituent. Elle se réalise alors, elle se présente sous la forme d'une poésie forte que traduisent les vers chantés, la musique et le geste. Ses effets sont prodigieux.

Les annales antiques
De Moïse et d'Orphée exaltent les cantiques.
Te faut-il rappeler ces prodiges connus ?
Ces rochers attentifs à la voix de Linus?
Et Sparte qui s'éveille à la voix de Tyrtée?
Et Terpandre apaisant la foule révoltée (91) ?

Les anciens attribuaient aux chants lyriques la vertu de guérir les maladies, de réprimer les passions, de conserver les mœurs; Platon regardait toute nouveauté introduite dans le chant comme une révolution dans l'état. Sans révoquer en doute ces merveilles empruntées à des époques fort éloignées de nous, on peut ne pas y ajouter une foi entière. Mais il est des faits que l'histoire atteste. Quand les Romains furent-ils assurés de la possession des Gaules? Lorsque Tibère eut fait massacrer les Bardes. Que fit Édouard III pour hâter en Écosse les progrès de ses armes? Il arracha la vie aux poètes musiciens qui ne cessaient d'engager le peuple à soutenir sa liberté. De nos jours, il est un hymne que les Français ne peuvent entonner sans faire ouvrir tous les arsenaux de l'Europe.

La décadence de l'ode tient au manque d'enthousiasme, à la négligence, à l'ignorance, à l'orgueil. La plupart des auteurs ne savent point écarter d'une émotion vraie les idées fausses qui la déparent; ils n'idéalisent point la matière. D'autres prennent pour la fièvre du génie les rêves de l'amour-propre et des velléités de gloire; d'autres confondent les talents qui manifestent l'ode avec le mouvement de l'âme qui l'inspire. Lé sentiment poétique s'affaiblit, l'art aspire à le dominer; destiné à trouver, à perfectionner le symbole, il se perd dans l'amour de soi; le signe se révolte contre la chose à signifier, et s'en sépare violemment. Bientôt la danse, la musique vocale, la musique instrumentale ont là prétention d'exister à part. Elles abandonnent la poésie trop faible pour les attirer encore et les réunir par un lien commun. Celle-ci n'a plus que la versification pour auxiliaire perfide, car c'est une compagne qui finit par l'étouffer.

Cependant la pompe a disparu, le chœur est dissous; honteuse dans son isolement, chassée des agora, des temples, des enceintes où se réunit la foule, l'ode renonce à la vie active et publique; elle n'est plus divine parce qu'elle n'est plus populaire. Sachons donc apprécier à leur faible valeur mille productions étiolées que l'on classé dans le genre lyrique, faute de savoir où les placer mieux. Le soldat qui veut avant la bataille de Poitiers chanter, avec ses compagnons, léchant de Roland; l'Italien qui le soir, derrière les orangers en fleurs d'une villa, envoie d'harmonieux soupirs à son amante; l'enfant de la Germanie qui rassemble à la hâte un chœur d'amis et de musiciens pour adresser, au milieu du silence et des ombres, de poétiques adieux et les vœux du cœur à celui qu'il nomme son frère, et que peut-être il ne rencontrera plus sur le chemin de la vie; toutes les âmes naïves, passionnées, pour peu qu'elles chérissent et connaissent les beaux-arts, sont plus près d'atteindre aux beautés de l'ode, que nos hommes de lettres, qui se torturent ingénieusement à disloquer des phrases, à ressasser les anciens, à chercher des effets de mirage dans le style, pour reproduire à froid le feu, les transports, lès écarts de la poésie lyrique.

Oui, par pitié, passons sous silence la foule des versificateurs élégants, fleuris, pimpante, musqués, mais sans croyance et sans foi ; par justice, les noms de ces roués littéraires qui ont dû aux complaisances et à l'intrigue le mensonge d'une réputation mendiée; par pudeur, la cohue des écrivains qui croient jouer le génie, en s'abandonnent à des instincts sauvages, à des appétits libidineux. Leur patriotisme hurle, leurs festins sont des combats, leurs amours révoltent; après avoir traîné la poésie lyrique de la taverne au boudoir et du boudoir au club, ils l'ont laissée gisante au milieu de la débauche, de l'orgie et du sang.

Oh!qui nous rendra jamais l'ode dircéenne et le chœur des saintes mélodies? qui nous rendra la véritable muse lyrique avec les vierges ses compagnes? verrons-nous encore ici-bas cette douce fille avec son étoile au front, ses yeux tournés vers le ciel, le visage souriant, quoique empreint d'une tristesse profonde, grave comme Junon, attrayante comme Vénus, mais Vénus devenue chrétienne? Car, n'en doutons pas, si la muse de Pindare, au cœur pur, aux pieds blancs, eût foulé la terre dans les jours de Constantin, elle eût été l'élève de Cyrille et la sœur de Cymodocée (92).

NOTES.

a) «Les dieux de Pindare ne sont plus ceux d'Homère. Le poète érige en principe la nécessité d'épurer la mythologie dans le sens de la morale : il choisit dans ses odes les idées les plus conformes aux idées d'ordre, de dignité, de justice. Pour lui, Némésis n'est plus le fléau des mortels, l'abus de la puissance ; elle juge les actions des hommes; son enfer est un séjour de peines et de récompenses méritées. »

b) Quiconque dans son vol ose imiter Pindare,
Sur des ailes de cire ambitieux Icare,
Va chercher follement sa perte dans les airs ;
Bientôt précipité de la voûte céleste,
Son audace funeste
N'enrichit d'un vain nom que l'abîme des mers.

Tel qu'un fleuve à grand bruit tombant d'un roc sauvage,
Fier et nourri des eaux, tribut d'un long orage,
Croît, s'élève, franchit ses bords accoutumés;
Tel Pindare, échappant d'une source profonde,
Bouillonne, écume, gronde,
Roule immense à nos yeux éperdus et charmés.

Tous les lauriers du Pinde ornent son front lyrique,
Soit que dans la fureur d'un chant dithyrambique,
Il se laisse emporter à des nombres sans lois;
Ou qu'il mêle aux torrents d'une libre harmonie
Ces trésors du génie,
Ces mots audacieux qu'il prodigue avec choix;

Soit qu'il chante les dieux et leur vaillante race,
Ces rois qui du Centaure étouffèrent l'audace,
Et la chimère en feu vomissant le trépas ;
Ou que son vers consacre un immortel trophée.
Au mortel dont l'Alphée
Vit le ceste ou le char vainqueur dans ses combats.

Soit qu'il pleure un héros que la parque jalouse,
Hélas ! vient de ravir à la plus tendre épouse ;
Qu'il le venge en ses vers d'un trépas odieux ;
Que sa Muse l'enlève aux bords de l'onde noire,
Et, tout brillant de gloire,
Le place dans l'Olympe au sein même des dieux.
Tel le cygne d'Ismène ouvrant ses vastes ailes ,
Que soutiennent des vents les haleines fidèles,
Plane avec majesté dans le ciel le plus pur ;
Et moi ..........

{Malfilâtre a traduit aussi cette Ode d'HORACE.)

c) Des badinages de Catulle
Aux pleurs du sensible Tibulle
On m'a vu passer tour à tour ;
Et, sur les ailes de Pindare,
Sans craindre le destin d'Icare,
Voler jusqu'à l'astre du jour.

(Ode 11, Exegi monumentum.)

Ο nature, ouvre-moi ce temple
Où l'enthousiasme contemple
Tes inaltérables beautés !
Là Pindare, ton interprète,
Sur sa lyre d'or me répète
Ces vers que lui seul a dictés.
« Viens, me dit-il, cœur magnanime !
« Vois la nature qui t'anime
« A tenter un noble hasard.
« Loin d'ici le mortel profane
« Que son timide instinct condamne
« Et plie aux entraves de l'art.
« La nature fait les Homères ;
« L'art fait les poètes vulgaires,
« Et ses élèves impuissants,
« Vils corbeaux, déclarent la guerre
« Au ministre ailé du tonnerre,
« Par leurs murmures croassants. »

(Ode 9. L'étude de la nature est préférable même aux anciens.

Pindare, Ol.  9, ant. 4. 01.2, str. 5.)

Tandis qu'un noir Python siffle au bas du Parnasse,
Pindare avec audace
Vole au sommet du Pinde et chante pour les dieux.

{Ode sur la mort de Buffon.)

Le chantre des vainqueurs d'Élide,
Plein de leur esprit belliqueux,
Devance leur course rapide
Ou se précipite avec eux.
Parmi des torrents de poussière,
Son char dévorant la carrière,
Paraît s'égarer dans leurs flots,
Mais toujours sa roue enflammée
Rasant la borne accoutumée
Ravit la palme à ses rivaux.

(Ode 2 à Buffon sur ses détracteurs.)

Je vois sous des lauriers, sous des berceaux de rose,
Les grands hommes s'unir et confondre leurs rangs.
Là Turenne s'enflamme aux accents de Virgile ;
Alexandre aux combats par Homère est gardé ;
Le sublime Corneille y plaît au fier Achille ;
Et Pindare y chante Condé.

(Ode 9, pendant la maladie de l'auteur.

d) Mais celui dont la fuite ose acheter la vie,
Revient, les yeux baissés, par de sombres détours,
Il craint tous les regards ; la peur, l'ignominie,
Enveloppent ses jours.

(Ode 9 aux Français, 1. 4. Pindare, Ol. 7, str. 4, et Pyth, 8, str. 5 et ant. 5.)

Renommée ! amante du Pinde,
A ma lyre unis tes cent voix ;
Cours, vole aux héros de Nerwinde
Chez les morts conter ces exploits....

(Ode 2, sur le passage des Alpes par le prince de Conti. Pindare, fin de la 1er Olymp.)

e) Des vers pleins de ton nom attendent ton retour,
Tous trempés de douceurs, de caresses, d'amour...

(Élégie 1. Ol. 6, 4, 5. Isth. 5.Pylh. 8.)

Beaux-arts!...
Sur le front des époux de l'aveugle fortune .
Je n'ai point fait ramper vos lauriers trop jaloux.

{Élégie 16. Fragm. Isth. 3.)

Salut, peuple français ! ma main
Tresse pour toi les fleurs que fait naître la lyre.

(Le Jeu de Paume. Ol. 9. Pyth. 4.)

Car, en de longs détours de chansons vagabondes,...

{L'Aveugle. Ol.1.)

Ces chants de ma prison témoins harmonieux...
(La jeune Captive. Pyth. 13.)
Ainsi le grand vieillard en images hardies
Déployait le tissu des saintes mélodies...

(L'Aveugle. Ol. 6. Nèm. 4. Fragm.)

Etc., etc., etc.

FIN DU DISCOURS PRÉLIMINAIRE.

(1) Saint Clément d'Alexandrie; Benjamin Constant. Voyez plus haut les témoignages portés sur Pindare.

(2) Au douzième siècle de notre ère.

(3) Elle a été publiée par lés soins du savant M. de Sinner, à Paris ; typis Gratiot et Socior, 1839.

(4)Ce mot et ceux qui suivent ont été définis pins haut, p. 41, 42.

(5) Jeux Néméens

(6) Jeux de l'Isthme.

(7) Jeux Pythiques.

(8)  Jeux Olympiques.

(9) Jupiter, en mémoire de la défaite des géants.

(10) Hercule, après sa victoire sur Augias.

(11) Pélops, Iphitus.

(12) Exercice violent composé de la lutte et du pugilat.

(13) Exercice composé de cinq autres qu'on croit être la lutte, la course, le saut, le disque, le javelot ou le pugilat. 

(14) D'autres attribuent la fondation de ces jeux à Jupiter ; d'autres à Hercule, vainqueur du lion de Némée; d'autres à Adraste.

(15) Thésée plus tard consacra ces jeux à Neptune.

16) Les odes suivantes : Ném. 9, 3, 10; Olymp. 10; Isth. 2, ont été composées pour des anniversaires.

(17) Le sujet intéressait tons les Grecs

(18) Horace, Epist. ad. Pison.

(19)  Boileau, Art poét., ch. 2

(20) Plutarque.

(21) Pausan. 10, 21. Eustath. Proœm. 32. D'autres témoignages font croire qu'il ne chantait pas ; il ne a'est peut-être livré au chant que pendant une partie de sa vie.

(22) Les strophes d'Alcée et de Sappho sont très courtes.

(23) Fragm. incert. 17, Boisson.

(24) C'est au point que Pindare emploie quelquefois la première personne pour la seconde : Ném. 1, v. 45.

(25) Statues que Pindare décrit dans la 7e Olymp..

(26) Plusieurs Odes sont très courtes, telles que la Pyth, 7, les Olymp.4,10, 12; elles ont été presque improvisées et chantées le jour même de la victoire.

(27) Ném. 8.

(28) Pith. 4.

(29) Ném. 10.   

(30) Oiymp. 10.

(31) Pyth. 6.

(32) Pyth. 9.

(33Olymp. 1; Pyth. 1 ,2, 3.

(34) Isth.. 3

(35) Pyth. 11.

(36Pyth. 4.

(37) Ném. 11.

(38) Pyth. 8

(39)  Voyez surtout la 12e Olymp.

(40) Bérengor, l'Exilé.

(41) Pindare s'est borné à la politique spéculative ; il n'a jamais voulu prendre part aux affaires publiques. Eust. prooem., c. 31.

(42) Pyth. 2, , ant. 4.

(43) Pyth. 4, ant. 12.

(44) Olymp. 1.

(45) Il ne faut pas cependant, avec Eustathe, prêter à Pindare des erreurs qui ne sont point son fait; si le poète, Olymp. 2, str. 5, dit que le vulgaire ne le comprend pas, cela signifie, non que ses vers sont obscurs, mais que beaucoup d'intelligences médiocres ne peuvent saisir les vérités sublimes qu'ils renferment.

(46) Bérenger.

(47) Isth. 2.

(48) Fragment. Incert.

(49) Ném. 8

(50)  Ode 2, 2, lib. 4.

(51) Pyth. 2, ant. 4.

(52) Fragm,

(53) Idem.

(54) Pyth. 2, ant. 4. 

(55) Fragm. hymn.

(56) Pyth. 11, ant. 3.

(57) Ném. 7, str. 4.

(58Ném. 8, ép. 1.

(59) Schol. Pyth. 3, ant. 4.

(60) Eust. prooem.. c. 31.

(61) Ist. 1.

(62) L'erreur de Polybe vient de ce qu'il a mal interprété le sens des vers de Pindare, Fragm. incert. 125, édition Dissen. Les Thébains étaient partagée en deux camps; les uns pour les Perses, les autres contre: Pindare se borna à conseiller l'union à ses concitoyens.

(63) Pyth., ép. 4.

(64)  Eust. proœm.

(65) Pindare avait composé des scolies ou chansons de table. Théocrite n'a pas d'idylle plus gracieuse que le passage de l'Olymp, 6, où le poète nous peint Évadné au moment où elle met au mondé Jamus sur un lit de violettes.

(66)  Hymne sur Esculape.

(67) Strom., de saint Clément d'Alexandrie, t. III, p. 508.

(68) Vie de Bossuet, par Bausset.

(69) Isth. 6. 

(70) Isth. 3.

(71) Ol. 9.

(72) Pyth. 10

(73) Pyth. 2.

(74) Isth. 6.

(75) Ronsard à sa lyre.

(76) Ode à Henri II. «Je pillai Thébes et saccageai la Pouille. »

(77Pyth. 3.

(78) Voyez à la fin de ce discoure quelques passages où Lebrun imite évidemment Pindare.

(79) Voyez à la fin de ce discours quelques passages où Lebrun imite évidemment Pindare. c.

(80) Fragments d'André Chénier.

(81) Genèse, c. 31, v. 27.

(82) Lowth, Poés, sac. des Hébr., t.1, p. 10 et 11.

(83Rois, l.1, ch. 10, v.5.

(84) Is. 63,1.

(85Exod. ch. 15, v. 20, 21.

(86) Rois, I. 2, 6, ν. 6, 12, 14, 16.

(87) Elle n'est pas prosodique ; on y reconnaît ce qu'on appelle le parallélisme on retour d'idées et de phrases symétriques; le rythme en est la base; mais quel est ce rythme? Voyez Lowth et Michaelis, Poés. sacr. des Hébr..l.1, p.45 et suiv

(88) Lowth, idem.

(89) Rois, liv. 1, c. 18, v. 7.

(90) Colline qui dominait la plaine d'Olympie.

(91) Vers de François de Neuf-Château.

(92) Personnages des Martyrs de Chateaubriand.