Olympiodore - table générale des matières par ordre alphabétique
LES ENNÉADES
IMITATIONS DE PLOTIN
PAR
SAINT BASILE.
HOMELIE SUR L'ESPRIT SAINT (01). « Toute âme qui cherche à connaître Dieu doit examiner d'abord si elle a la faculté de connaître Dieu et de voir ce qui est invisible aux yeux du corps, » ensuite si, en cherchant à connaître Dieu, elle peut, selon qu'il est écrit, entrer chez celui qu'elle cherche à connaître. Il est écrit en effet: Si vous cherchez, cherchez, et entrez chez moi (02). Or l'âme entre dans le sein du Dieu 639 quand elle le cherche avec fol ; Et s'il ne lui est pas donné dé trouver celui qu'elle cherche, elle ne renonce pas à entrer dans le sein de la foi, mais elle dit arec le bienheureux David : Votre science s'est montrée admirable en moi; elle s'est fortifiée, et je ne pourrai rien contre elle (03); et avec le père du possédé: Je crois, Seigneur ; viens au secours de mon incrédulité (04).« Puisque nous nous proposons d'atteindre ce but, cherchons avec foi la nature de l'Esprit-Saint, et demandons-lui la connaissance de celui que nous cherchons : car c'est lui que nous cherchons, et c'est lui aussi qui donne la connaissance de lui-même. » Or, comme il nous l'apprend aussi dans l'Écriture-Sainte, c'est lui qui sanctifie les saints et qui accorde la vie divine à ceux qui lui demandent Dieu, « Il est fort supérieur à ceux qui reçoivent ses dons, puisqu'ils sont sanctifiés quand il vient en eux, et qu'Ili meurent lorsqu'il les abandonne. L'Esprit-Saint au contraire existe toujours, parce qu'il est la source de la vie éternelle. Mais comment la vie se répand-elle à la fois dans l'ensemble des êtres et dans choque Individu? Afin de le comprendre (05), il faut que l'âme s'élève à la contemplation ; or elle doit s'en être rendue digne en s'affranchissent de toute erreur, de toute fausse opinion 640 et de l'amour des femmes qui fascinent les regards des âmes vulgaires; elle doit enfin être plongée dans un recueillement profond, faire taire autour d'elle, non seulement l'agitation du corps qui l'enveloppe et le tumulte des sensations, mais encore tout ce qui l'entoure.» Que tout se taise donc, et le ciel, et la terre, et la mer, et les êtres raisonnables qui y vivent. Que l'âme se représente alors toutes ces choses remplies par l'Esprit-Saint qui se tient au-dessus d'elles, qui de tous côtés déborde sur elles, s'y répand, les pénètre intimement et les illumine. » En effet, L'Esprit du Seigneur a rempli la terre entière, et ce qui contient tout a la connaissance de Dieu. « L'Esprit-Saint brille sur tous ceux qui en sont dignes. Comme les rayons du soleil éclairent et dorent un nuage sombre, de même l'Esprit-Saint, descendant dans le corps de l'homme, l'a tiré de l'inertie, lui a donné et la vie, et l'immortalité, et la sainteté. Mu éternellement par l'Esprit-Saint, ce corps est devenu un être saint; et la présence de l'Esprit-Saint a fait un prophète, un apôtre, un ange divin, de l'homme qui n'était auparavant que terre et que cendre. 641 » La nature et la puissance de l'Esprit-Saint se révèlent encore avec plus d'éclat dans la manière dont il embrasse et gouverne par sa volonté les saints et toutes les créatures raisonnables. Il s'est donné lui-même à toute la multitude des puissances célestes » et à la foule des saints. Il a sanctifié et tous les êtres saints, grands ou petits, et les anges, et les archanges. Quoique les corps soient placés dans des lieux divers, que les autres puissances » aient elles-mêmes quelque intervalle entre elles, l'Esprit-Saint ne se divise pas comme ces êtres, il ne se fractionne pas pour communiquer à chaque Individu la vie divine, mais il fait vivre tous les êtres par sa puissance tout entière. Il est présent partout, il ressemble à Dieu qui l'envoie : il lui ressemble et par son existence, et par son ubiquité, et par le privilège qu'il a d'être présent également dans toutes les créatures. » Gabriel saluant Marie, et un autre ange saluant ailleurs quelqu'un des saints, chacun des prophètes au moment où il prophétisait, Paul annonçant l'évangile à Rome, Jacques à Jérusalem, Marc à Alexandrie, et d'autres dans des villes différentes: tous étaient remplis de l'Esprit-Saint, sans qu'aucun intervalle empêchât la même grâce de Dieu d'agir de la même manière. C'est par l'Esprit-Saint que Dieu est chacun des saints. C'est à eux qu'il a été dit au nom de Dieu : Je l'ai dit; vous êtes tous dieux et fils du Très-Haut (06); et: Le Dieu des dieux, c'est-à-dire des saints, le Seigneur a parlé (07); et encore: 642 On verra sur Sion le Dieu des dieux, c'est-à-dire des saints(08). « Or si c'est à l'Esprit-Saint que les dieux doivent d'être des dieux, il faut qu'il soit lui-même divin et qu'il procède de Dieu. » En effet, de même que ce qui donne aux caustiques la propriété d'être caustiques doit être caustique lui-même, et que ce qui sanctifie les saints doit lui-même être saint»,do même Celui auquel les dieux doivent d'être des dieux est nécessairement lui-même Dieu. « Puisque l'essence de l'Esprit-Saint est si divine et si précieuse, plein de confiance en elle, ne crains pas de chercher » le Christ qui en est le dispensateur: Car personne ne peut invoquer le Seigneur Jésus sans l'Esprit-Saint (09), « La vie qui s'échappe de l'Esprit-Saint pour former le substance des autres êtres ne se sépare cependant pas de lui. De même qu'il y a dans le feu la chaleur latente qui constitue son essence et la chaleur qui se communique à l'eau ou a tout autre objet de ce genre ; » de même l'Esprit-Saint possède la vie en lui-même, et ceux qui participent de lui vivent, comme il convient à des dieux, d'une vie divine et céleste. « Celui-ci embrasse en effet en lui-même tout être immortel, toute intelligence, tout âme, toute âme, il ne cherche pas à changer, 643 puisque son état en heureux; il n'aspire à rien, puisqu'il a tout en lui-même ; il n'a pas besoin de se développer, puisqu'il est souverainement parfait. Aussi renferme-t-il en lui toutes choses parfaites, » charité, joie, paix, douceur, bonté, sagesse, intelligence, prudence, sûreté, piété, science, sanctification, rédemption, foi, opérations des puissances, dons salutaires, et autres choses semblables. « Il n'y a en lui rien de contingent. Il possède tout dès l'éternité, comme étant l'Esprit de Dieu et procédant de Dieu, » comme ayant en Dieu la source dont il émane. Il est lui-même la source de laquelle découlent les biens que nous venons d'énumérer. Mats ce dont Dieu est la source est une hypostase, tandis que les choses dont l'Esprit-Saint est la source ne sont que ses actes C'est cet Esprit-Saint que Dieu a versé abondamment sur noue par le Seigneur Jésus ; qu'il a versé, dis-je, et non créé ; communiqué, et non fait ; donné, et non produit. Je me sers ici de synonymes pour que tu sois inébranlable dans ta foi. Celui qui a appris de l'Esprit-Saint ce qu'il doit répondre aux questions qu'on lui adresse est appelé disciple de Dieu par le prophète: Et ils seront tous disciples de Dieu (10). « L'âme raisonnable est pleine de cet Esprit divin, si elle ne s'écarte pas de lui par sa négligence. Elle s'approche donc de lui, et, réduite à l'unité » elle s'applique cette parole : Celui qui est 644 uni au Seigneur est un seul esprit (11). Gloire à lui, Amen. (Saint Basile, Contre Eunomius, livre V, fin, Homélie sur l'Esprit-Saint; t. I, p. 320-322, éd. Garnier (12).) |
PLOTIN. DES TROIS HYPOSTASES PRINCIPALES. «... L'âme doit examiner d'abord sa propre nature pour savoir si elle a la faculté de contempler Dieu, s'il lui convient de l'étudier, et si elle peut espérer de voir ses recherches couronnées de succès. En effet, si l'âme est étrangère aux choses divines, pourquoi tenter d'en pénétrer la nature ? Si au contraire elle a une étroite affinité avec elles, elle peut et elle doit chercher à les y connaître. » 639 « Voici la première réflexion que toute âme doit faire: c'est l'Âme universelle qui a produit, eh leur soufflant un esprit de vie, tous les animaux qui sont sur la terre, dans l'air et dans la mer, » ainsi que les astres divins, le soleil et le ciel immense ; c'est elle qui adonné au ciel sa forme et qui préside à ses révolutions régulières, et tout cela sans se mêler aux êtres auxquels elle communique la forme, le mouvement et la vie. « Elle leur est en effet fort supérieure par son auguste nature : tandis que ceux-ci naissent ou meurent selon qu'elle leur donne la vie ou la leur retire, l'Âme est essence et vie éternelle, parce qu'elle ne saurait cesser d'être elle-même. Mais comment la vie se répand-elle à la fois dans l'Univers et dans chaque individu? Afin de le comprendre, il faut que l'âme contemple l'Âme universelle : or, pour s'élever à cette contemplation, l'âme doit en être digne par sa noblesse, s'être affranchie de l'erreur et s'être dérobée 640 aux objets qui fascinent les regards des âmes vulgaires, être plongée dans un recueillement profond, faire taire autour d'elle non seulement l'agitation du corps qui l'enveloppe et le tumulte des sensations, mais encore tout ce qui l'entoure. » Que tout se taise donc, et la terre, et la mer, et l'air, et le ciel même. Que l'âme se représente alors la grande Âme qui de tous côtés déborde dans cette masse immobile, s'y répand, la pénètre intimement et l'illumine comme les rayons du soleil éclairent et dorent un nuage sombre. C'est ainsi que l'Âme, en descendant dans le monde, a tiré ce grand corps de l'inertie où il gisait, lui a donné le mouvement, la vie et l'immortalité. Mu éternellement par une puissance intelligente, le ciel est devenu un être plein de vie et de félicité ; et la présence de l'Âme a fait un tout admirable de ce qui n'était auparavant qu'un cadavre inerte, eau et terre, ou plutôt ténèbres de la matière, non-être, objet d'horreur pour les dieux, comme dit le poète. » 641 « Mais la nature et la puissance de l'Âme se révèlent encore avec plus d'éclat dans la manière dont elle embrasse et gouverne le monde par sa volonté. Elle est présente dans tous les points de ce corps immense, elle en anime toutes les parties, grandes ou petites. Quoique celles-ci soient placées dans des lieux divers, elle ne se divise pas comme elles, elle ne se fractionne pas pour vivifier chaque individu. Elle vivifie toutes choses en même temps, en restant toujours entière, indivisible, semblable par son unité et son universalité à l'Intelligence qui l'a engendrée. » C'est sa puissance qui maintient dans les liens de l'unité ce monde d'une grandeur et d'une variété infinie. Si le ciel, le soleil, les astres sont des dieux, c'est par la présence de l'Âme. C'est par elle que nous-mêmes nous sommes quelque chose : car un cadavre est plus vil que le vil fumier. 642 « Mais si c'est à l'Âme que les dieux doivent d'être des dieux, ilfaut qu'elle soit elle-même un dieu plus auguste... » « Puisque l'essence de l'Âme est si divine et si précieuse, sois persuadé que par elle tu peux atteindre Dieu ; avec elle élève-toi à lui. » Tu n'auras pas à le chercher loin de toi ; il n'y a pas entre lui et toi plusieurs intermédiaires. Afin de l'atteindre, prends pour guide la partie la plus divine et la plus haute de l'Âme, la puissance dont elle procède et par laquelle elle touche au monde intelligible. En effet, malgré la dignité que nous venons de lui reconnaître, l'âme n'est que l'image de l'Intelligence. Comme le verbe [extérieur] est l'image du verbe [intérieur] de l'Âme, l'âme est elle-même le verbe et l'acte de l'Intelligence. « Elle est le vie qui s'en échappe pour former une autre hypostase, de même qu'il y a dans le feu la chaleur latente qui constitue son essence, et la chaleur qui rayonne a l'extérieur » «... L'Intelligence pure embrasse en effet toute essence immortelle, toute Intelligence, toute divinité, toute âme; et tout y est 643 éternel et Immuable. Pourquoi l'Intelligence changerait-elle, puisque son état est heureux? A quoi aspirerait-elle, puisqu'elle a tout en elle-même ? Pourquoi voudrait elle se développer, puisqu'elle est souverainement parfaite ? Sa perfection est d'autant plus complète qu'elle ne renferme que des choses qui sont parfaites » et qu'elle pense; et elle les pense, non parce qu'elle cherche à les connaître, mais parce qu'elle les possède. « Sa félicité n'a rien de contingent : l'Intelligence possède tout dès l'éternité...» « Ainsi l'âme humaine est pleine de celte divinité [de l'Intelligence] ; elle y est rattachée par ces essences, si elle ne s'en éloigne pas. Elle approche d'elle, et, réduite à l'unité, » elle se demande: Qui a engendré cette divinité?
(Plotin, Ennéade V, livre I, § 1-5 ; t. III, p. 5-11.) |
TRAITE DE L'ESPRIT-SAINT.(13) ... Il est impossible que celui qui écoute l'Esprit-Saint se représente une essence circonscrite dans un lieu (1) , sujette à des altérations et à des changements, ou semblable en quoi que ce soit à la créature (2), mais il doit, s'élevant par la pensée a ce qu'il y a de plus 645 grand (1), concevoir nécessairement une essence intellectuelle, infinie par sa puissance, illimitée par sa grandeur, qui ne peut être mesurée par le temps ni par les siècles (2), et qui fait part libéralement des biens qu'elle possède {3). C'est vers cette essence que se tournent tous les êtres qui ont besoin d'être sanctifiés ; c'est à elle qu'aspirent tous ceux qui vivent conformément à la vertu (4); c'est elle qui répand sur eux son souffle comme une rosée (5), et les aide à atteindre le but de leur nature. Elle donne aux autres êtres la perfection, et elle ne manque elle-même de rien (6) ; bien loin de vivre d'une 646 vie empruntée, elle communique elle-même la vie (7); au lieu de s'augmenter par des accroissements successifs, elle possède de tout temps la plénitude, étant édifiée sur elle-même et présente partout (8). Elle est le principe de la sanctification, la lumière intelligible qui répand sa clarté sur tous les êtres raisonnables pour les aider à découvrir la vérité (9). Elle est inaccessible par sa nature, mais participable par sa bonté : elle remplit tout de sa puissance, mais elle ne se communique qu'à ceux qui en sont dignes ; elle ne se communique pas à tous dans la même mesure, mais elle proportionne son action à la foi (10). Étant simple par elle-même, cette essence est variée par ses puissances (11). Elle est présente 647 tout entière à chacun, elle est partout présente tout entière (12). Elle se divise en demeurant Impassible, et elle se communique en restant entière (13), semblable à la lumière du soleil, laquelle est présente a celui qui en jouit comme s'il était seul, et cependant éclaire la terre et la mer et pénètre l'air ρ(14). De méme l'Esprlt-Salnt est présent a chacun de ceux qui le reçoivent comme s'il était seul, et cependant il verse sur tous une grâce suffisante qui ne se fractionne pas. Ceux qui participent a l'Esprit-Saint ne reçoivent pas de lut tout ce qu'il peut donner, mais seulement ce que comporte leur propre nature (15). 648 Si l'Âme entre en commerce avec l'Esprit-Saint, ce n'est pas en s'approchant de lui d'une manière locale: comment en effet pourrait-elle s'approcher corporellement de ce qui est incorporel (16)? c'est en se séparant des passions qui sont nées en elle par suite de son inclination pour la chair et qui lui ont fait perdre l'intimité de Dieu (17), Se purifier de la turpitude des souillures que ie vice lui a imprimées, recouvrer sa beauté naturelle, et rendre sa forme première à une royale image en lui rendant sa pureté (18), c'est la seule voie ouverte à l'âme pour s'approcher du Paraclet (19). Celui-ci, comme le soleil, si ton œil est purifié (20), te fera voir en lui l'image de 649 Celui qu'on ne peut voir lui-même (21). Par la contemplation bienheureuse de cette image ta verras la beauté de l'archétype (22). C'est le Paraclet qui élève les cœurs, conduit les faibles comme par la main, et amène à la perfection ceux qui sont déjà avancés dans la bonne voie. Illuminant ceux qui sont purifiés de toute souillure, il les rend spirituels parle commerce qu'ils ont avec lui. De même que les corps brillants et transparents, quand un rayon du soleil vient à tomber sur eux, deviennent éclatants et répandent eux-mêmes une grande clarté; de même, les âmes qui reçoivent l'Esprit-Saint et sont illuminées par lui deviennent elles-mêmes spirituelles et font rejaillir la grâce sur les autres (23). Par là, elles ont la prescience de l'avenir, l'intelligence des mystères; parla, elles comprennent les choses cachées, elles ont part à la distribution des grâces, elles habitent la cité céleste et elles forment un chœur avec les anges (24); par là encore 650 elles goûtent une joie qui n'a pas de Un, elles demeurent en Dieu (25), elles lui deviennent semblables (26), et, ce qui comble leurs désirs, elles deviennent Dieu même (27). Telles sont les idées que nous atone sur l'Esprit-Saint, et que, par ses propres entretiens, il nous a fait concevoir (pour nous borner ici à quelques points) sur sa grandeur, sa puissance et ses opérations. (Saint Basile, Traité de l'Esprit-Saint, ch. iX; t. III, p. 18-20, éd. Garnier.) |
PLOTIN. RAPPROCHEMENTS. (1) Il existe un Être véritablement universel; le monde que nous voyons n'en est que l'image... Ce qui est postérieur à cet Être universel doit, pour exister, être en lui, puisqu'il dépend de lui, que sans lui il ne saurait ni subsister ni se mouvoir... Mais l'Être universel n'a pas besoin d'être dans un lieu ni dans quoi que ce soit. (Enn. VI, liv. iv, § 2; t. III, p. 306.) (2) L'Être est éternel, immuable, incapable de rien recevoir, de rien s'adjoindre, etc. (Enn. III, liv. VI, § 6 ; t. II, p. 139.) 645 (1) Concevez que le fondement sur lequel repose notre monde est dans l'Être qui existe partout et qui le contient. Représentez-vous leur rapport uniquement par l'esprit, en écartant toute dénomination de lieu. (Enn. VI, liv. IV, § 2; t. III, p. 307.) (2) Si nous reconnaissons une pareille nature pour infinie, puisqu'elle n'a pas de bornes, n'avouerons-nous pas que rien ne lui manque?... L'Être intelligible, étant la nature première, n'a pas d'étendue mesurée ni limitée, parce qu'il est la puissance universelle, sans nulle grandeur déterminée. Il n'est pas non plus dans le temps, parce que le temps se divise continuellement en intervalles, tandis que l'éternité demeure dans son identité, domine et surpasse le temps par sa puissance perpétuelle, quoique celui-ci paraisse avoir un cours illimité. (Enn. VI, liv. v, § 4 et 11; t. III, p. 346 et 359.) (3) C'est le caractère d'une puissance inépuisable de communiquer ses dons à toutes choses, de ne pas souffrir qu'aucune d'elles en soit déshéritée, puisqu'il n'y a rien qui empêche chacune d'elles de participer du Bien dans la mesure où elle en est capable. (Enn. IV, liv. VIII, § 6 ; t. II, p. 490.) (4) Le Bien que tu atteins n'est pas différent de celui que j'atteins moi-même ; il est le même... Étant tous contenus dans un seul et même principe, nous voyons le Bien et nous le touchons tous ensemble par la partie intelligible de notre être. (Enn. VI, liv. V, §10; t. III, p. 357-358.) (5) Ainsi l'Âme, étant toujours illuminée, illumine à son tour les choses inférieures, qui subsistent par elle, comme les plantes se nourrissent de la rosée, et qui participent à la vie, chacune selon sa capacité. (Enn. II, liv. IC, § 3; t. I, p. 263.) (6) Le Bien est le principe dont tout dépend, auquel tout aspire, d'où tout sort et dont tout a besoin. Quant à lui, il est complet il se suffit a lui-même, etc. (Enn. I, liv. VIII, § 2 ; t.1, p. 118.) 646 (7) L'Âme universelle communique la vie a chacun; elle contient toutes les âmes et toutes les Intelligences. (Enn. VI, liv. IV, § 14; t. II!, p. 332.) (8) L'Être éternel n'est pas divisé. Il subsiste toujours de la même manière et dans le même état, ne naît ni ne périt, n'occupe ni place ni espace, ne réside pas en un lieu déterminé, n'entre ni ne sort, mais demeure en lui-même... Quand les autres choses sont édifiées sur lu!, il ne cesse pas pour cela d'avoir son fondement en lui-même. Si ce fondement venait a être ébranlé, aussitôt toutes les autres choses périraient, puisqu'elles auraient perdu la base sur laquelle elles reposaient. (Enn. VI, liv. V, § 2 et 9; t. III, p. 343 et 354.) (9) La Raison est aussi tout entière pour tous; elle est commune pour tous, parce qu'elle n'est pas différente en différents lieux, etc. (Enn. VI, liv. V, § 10 ; t. III, p. 355.) (10) La nature inférieure participe à l'intelligible parce que l'Intelligible est présent partout, quoique, par suite de l'impuissance des choses qui le reçoivent, il ne soit pas aperçu tout entier dans chacune d'elles. (Enn. VI, liv. V, § 11 ; t. III, p. 360.)
(11) Toutes les choses qui peuvent participer à l'Âme y participent en effet,
mats chacune reçoit d'un seul et même principe une puissance différente Quoique
l'Âme universelle soit présente tout entière au corps de l'homme, elle ne lui
devient pas propre tout entière : c'est ainsi que les plantes et tes animaux
autres que l'homme n'ont également de l'Âme universelle que ce qu'ils sont
capables de recevoir d'elle. De même, lorsqu'une voix se fait entendre, tel ne
perçoit que le son, tel autre perçoit aussi le sens. (Enn. VI, liv. IV, § 12 et
15 ; t. III, p. 328 et 334.)
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(12) Il y a ainsi une foule d'êtres qui aiment une seule et même chose, qui
l'aiment tout entière, et qui, lorsqu'ils la possèdent, la possèdent tout
entière dans la mesure où ils en sont capables : car c'est tout entière qu'ils
souhaitent la posséder. Pourquoi donc cet Être ne suffirait-il pas seul a tous en
demeurant en soi ? il suffit précisément en demeurant en soi ι il est beau,
parce qu'il est tout entier présent à tous (Enn. VI, liv. V, § 10 ; t. III, p.
355 ) (13) L'Âme est à la fois divisée et indivise; ou plutôt, elle n'est jamais divisée réellement, elle ne se divise jamais : car elle demeure tout entière en elle-même. Si elle semble se diviser, ce n'est que par rapport aux corps, qui, en vertu de leur propre divisibilité, ne peuvent la recevoir d'une manière indivisible. (Enn. IV, liv. II, § 1 ; t. Il, p. 257.) (14) On regarde comme présents à l'Être Intelligible les êtres qui sont capables de le recevoir. L'Être existe partout dans ce qui est être,ne se manquant ainsi nulle part à lui-même. Tout ce qui peut lui être présent lui est présent dans la réalité, lui est présent, dis-je, dans la mesure où il le peut, non d'une manière locale, mais comme le diaphane est présent à la lumière. (Enn. VI, liv. IV, § 11 ; t. III, p. 326.) (15) Puisque l'Être intelligible ne s'éloigne pas de lui-même, qu'il n'est pas divisé, qu'il existe dans plusieurs choses a le fois sans en éprouver aucun changement, qu'il existe en lui-même un et tout entier à la fois, il doit, tout en existant dans plusieurs choses, rester partout identique, c'est-à-dire être tout à la fois en lui-même et hors de lui même. Il en résulte qu'il n'est en nulle chose déterminée, mais que les autres choses participent de lui, en tant qu'elles 648 sont capables de s'approcher de lui et qu'elles s'approchent de lui dans la mesure ou elles en sont capables, (Enn. VI, liv. V, § 3 ; t. III, p. 344.) (16) Comme l'Être universel n'est ni voisin d'un lieu, ni éloigné d'un autre, il est nécessairement présent tout entier dès qu'il est présent; par suite, il est présent tout entier a chacune de ces choses dont il n'est ni voisin ni éloigné; il est présent aux choses qui peuvent le recevoir. {Enn. VI, liv. V, § 2; t. III, p. 310.) (17) Platon recommande de séparer l'âme du corps ; il ne parle pas d'une séparation locale, que la nature seule établit ; il veut que l'âme n'incline pas vers le corps, ne s'abandonne pas aux fantômes de l'imagination et ne devienne pas ainsi étrangère â la raison. (Enn. V, liv. I, § 10; t. III, p. 23.) (18) L'âme, affranchie des passions qu'engendre son commerce avec le corps quand elle se livre trop à lui, délivrée des impressions extérieures, purifiée des souillures qu'elle contracte par son alliance avec le corps, enfin réduite à elle-même, dépose cette laideur qui ne lui vient que d'une nature étrangère à la sienne. (Enn. I, liv. VI, § 5; t. 1, p. 107.) (19) Pour s'élever à la contemplation de l'Âme universelle, l'âme doit en être digne par sa noblesse, être affranchie de l'erreur et s'être dérobée aux objets qui fascinent les regards des âmes vulgaires, etc. (Enn. V, liv. I, § 2; t. III, p. 5.) (20) Si tu essaies d'attacher sur la Beauté suprême un œil souillé par le vice, impur et dépourvu d'énergie, ne pouvant supporter l'éclat d'un objet aussi brillant, cet œil ne verra rien, quand même on lui montrerait un objet naturellement facile à contempler. Il faut 649 d'abord rendre l'organe de la vision semblable à l'objet qu'il doit contempler. Jamais l'œil n'eût aperçu le soleil s'il n'en avait d'abord pris la forme ; de même, l'âme ne saurait contempler la Beauté si d'abord elle ne devenait belle elle-même. (Enn. I, liv. VI, § 9; t. I, p. 112.) (21) L'Intelligence est l'image de l'Un, etc. (Enn. V, liv. i, § 7 ; t. III, p. 15,) (22) En atteignant le Bien, l'Intelligence en prend la forme (car c'est du Bien qu'elle tient sa forme), et elle devient parfaite, parce qu'elle en prend la nature. Il faut juger ce qu'est l'archétype d'après la trace qu'il laisse dans l'Intelligence, concevoir son vrai caractère d'après l'empreinte qu'il y fait. (Enn. III, liv. VIII, § 10; t. II, p. 235.) (23) Ce monde divin répand la lumière sur tous d'un lieu invisible ; en s'élevant au-dessus de son horizon sublime, il projette partout ses rayons, il inonde tout de sa clarté... En l'apercevant, ceux qui peuvent le contempler attachent leurs regards sur lui et sur tout ce qu'il contient... Tout brille dans le monde intelligible, et, en couvrant de splendeur ceux qui le contemplent, les fait paraître beaux eux-mêmes, etc. (Enn. V, liv. VIII, § 10 ; t. III, p. 128.) (24) Quand nous contemplons l'Un, nous atteignons le but de nos vœux et nous jouissons du repos; nous ne sommes plus en désaccord et nous formons véritablement autour de lui un chœur divin, etc. (Enn. VI, liv. IX, § 10; t III, p. 557.) 650 (25) C'est en l'Un que nous respirons, c'est en lui que nous subsistons : car il ne nous a pas donné une fois pour s'éloigner ensuite de nous; mais il nous donne toujours, tant qu'il demeure ce qu'il est, ou plutôt tant que nous nous tournons vers lui ; c'est là que nous trouvons le bonheur; nous éloigner de lui, c'est déchoir. C'est en lui que notre âme se repose; c'est en s'élevant à ce lieu pur de tout mal qu'elle est délivrée de ses maux ; c'est in qu'elle pense, Il qu'elle est impassible, là qu'elle vit véritablement. (Enn. VI, liv. IX, § 9; t. III, ρ. 558.) (26) On peut, sans crainte de se tromper, affirmer que la disposition d'une âme ainsi réglée, d'une âme qui pense les choses intelligibles et qui reste impassible» est ce qui constitue la ressemblance avec Dieu. (Enn. I, liv. II, § 3; t.1, p. 56.) (27) Alors, l'âme peut voir Dieu et se voir elle-même, autant que le comporte sa nature» elle M voit brillante do clarté, remplie de la lumière intelligible, ou plutôt elle se voit comme une lumière pure, subtile, légère; elle devient Dieu, ou plutôt elle est Dieu. (Enn. VI, liv. IX, § 9; t. III, p. 660.) |
651 LETTRE SUR LA VIE MONASTIQUE (14), Il faut nous efforcer d'avoir l'esprit en repos. « Quand l'œil promène continuellement son regard autour de lui, qu'il le porte d'un côté et de l'autre, qu'il l'élève ou l'abaisse, il ne peut voir clairement son objet ; il faut qu'il le fixe sur cet objet pour en avoir une perception nette. De même, s'il est distrait par les mille soucie du monde, l'esprit humain ne saurait avoir une intuition claire delta vérité. » Si l'on n'est pas encore engage dans les liens du mariage, on est troublé par des passions impérieuses, des désirs effrénés, de folles amours. Si l'on est enchaîné par le mariage, on est en proie à d'autres tourments; si l'on n'a point d'enfants, on en désire ; quand on en a, on est exposé aux soucis de la paternité ; on est obligé de veiller sur son épouse, de prendre soin de sa maison, de donner ses ordres à ses esclaves ; on éprouve des pertes dans les marchés que l'on fait; on a des discussions avec ses voisins, ou bien des procès devant les tribunaux ; on est exposé aux hasards du commerce, aux fatigues de l'agriculture. Chaque jour qui arrive amène quelque trouble. La nuit même, on est encore agité des soucis dont on a été préoccupé pendant le jour, et l'esprit est sujet aux mêmes illusions. 652 Il n'y a qu'un seul moyen de fuir toutes ces peines, c'est de se séparer du monde (15). « Se séparer du monde, ce n'est pas s'en éloigner matériellement, mais c'est détacher l'âme de toutes affections qui l'unissent au corps (16): » c'est n'avoir ni cité, ni maison, ne posséder rien en propre, n'avoir pas de liaisons d'amitié, pas de biens, pas de choses nécessaires à la vie, pas d'affaires; ne point s'occuper de marchés, ignorer les sciences humaines, mais avoir le cœur prêt à recevoir les impressions qui lui viennent de renseignement divin (17). Or la vraie préparation du cœur, c'est l'oubli des préjugés qui viennent de mauvaises habitudes. « On ne saurait écrire sur la cire sans avoir au préalable effacé les caractères qu'elle porte (18) ; de même on ne saurait graver dans son âme les préceptes divins sans en avoir fait disparaître les préjugés nés de mauvaises habitudes. » Pour atteindre ce but, rien n'est plus utile que la solitude. Elle calme nos passions et elle donne à la raison le loisir de les extirper complètement de l'âme. De même que les bêtes féroces sont faciles 653 à vaincre une fois qu'on les a adoucies ; de même la concupiscence, la colère, la crainte, le chagrin, ces monstres qui infectent l'âme de leur poison, une fois que le repos les a adoucis et que la contrainte ne les irrite plus, sont plus facilement vaincus par la raison. Il faut donc habiter un lieu où, comme ici, l'on soit affranchi du commerce des hommes, afin que rien d'extérieur ne vienne interrompre les exercices religieux. Or l'exercice de la piété nourrit l'âme de pensées divines. Qu'y a-t-il de plus heureux que d'imiter sur la terre le chœur des anges ? Quand le jour se lève, on se met à prier et l'on honore le Créateur par ses hymnes et ses prières, puis, quand le soleil brille de tout son éclat et qu'on se met à l'ouvrage, on mêle la prière à son travail et on l'assaisonne en quelque sorte perdes hymnes : car les hymnes fournissent à l'âme des consolations qui loi procurent un état tranquille et plein de douceur. Ainsi, le commencement de la purification de l'âme, c'est le calme, dans lequel notre langue ne parle pas des choses humaines, nos yeux ne considèrent pas les attraits et les proportions des corps, nos oreilles n'amollissent pas notre âme en écoutant des chants voluptueux ou des plaisanteries dont le charme est ce qu'il y a de plus dangereux pour elle. « En effet, l'âme qui n'est pas distraite par les objets extérieurs rentre en elle-même ; puis, par la connaissance d'elle-même, elle s'élève à la conception de Dieu. Illuminée par sa splendeur, elle arrive a oublier la nature elle-même. » L'âme alors ne s'inquiète plus ni de la nourriture ni des vêtements, mais, devenue étrangère aux soucis terrestres, elle applique toute son ardeur à acquérir les biens éternels. Ce qui l'occupe, c'est de pratiquer la tempérance, le courage, la justice, la prudence et les autres vertus qui, se rattachant a ces quatre espèces, règlent tous les actes de l'homme vertueux (19) (Saint Basile, Lettre II ; t. III, p. 71-72, éd. Garnier.) |
651 PLOTIN. DU BIEN ET DE L'UN. « De même que, pour les autres objets, on ne saurait découvrir celui que l'on cherche si l'on pense à un autre, et que l'on ne doit rien ajouter d'étranger à l'objet que l'on pense si l'on veut s'identifier avec lui; de même ici, il faut être bien convaincu qu'il est impossible a celui qui a dans l'âme quelque image étrangère de concevoir Dieu, tant que cette image distrait son attention. » 652 Il est également impossible que l'Âme, au moment où elle est attentive et attachée à d'autres choses, prenne La forme de ce qui leur est contraire, « De même encore que l'on dit de la matière qu'elle doit être elle-même privée de toute qualité pour être susceptible de recevoir toutes les formes ; de même, et à pins forte raison encore, l'âme doit-elle être dégagée de toute formé, si elle vent que rien en elle ne l'empêche d'être remplie et illuminée par la noture première [le Bien]. »
Ainsi, après s'être affranchie de toutes les choses extérieures,
« l'âme se
tournera entièrement vers ce qu'il y a de plus intime en elle; elle ne se
laissera détourner par aucun des objets qui l'en-
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tourent; elle ignorera toutes choses, d'abord par l'effet même de l'état
dans lequel elle se trouvera, ensuite par l'absence de toute conception de
formes; elle ne saura même pas qu'elle s'applique à
la contemplation de l'Un, qu'elle lui est unie ; puis, après être suffisamment demeurée avec lui, elle viendra révéler aux autres, si elle le peut,
ce commerce céleste. » (Enn. VI, liv. IX, § 7; t. III, p. 552-553.) |
HEXAMERON 1. Beauté de la lumière. Dieu vit que la lumière était belle (20). Comment pourrons-nous louer dignement la lumière, après que le Créateur lui a rendu ce témoignage qu'elle est belle? Bien plus, notre raison s'en remet au jugement des yeux, parce qu'elle ne saurait en dire autant de la lumière qu'en dit de prime abord le seul de la vue. « Mais si c'est la proportion des parties relativement les unes aux autres, jointe à la grâce des couleurs, qui constitue la beauté dans le corps, comment retrouver l'essence de ta beauté dans la lumière, qui est simple de sa nature et composée de parties semblables ? » La lumière est belle, non parce qu'il y a proportion dans ses parties, mais parce qu'elle est douce et réjouit la vue. De même, « l'or est beau, » non parce qu'il y a proportion dans ses parties, mais seulement parce qu'il a une couleur gracieuse, qu'il séduit et charme la vue. « L'étoile du soir est la plus belle des étoiles, » non 655 parce qu'il y a proportion dans au partiel, mais parce qu'elle fait briller à nos yeux une clarté douce et agréable. (Saint Basile, Hexaméron, II, § 7; t. i, 9. 19-20, éd. Garnier.) 2. Pourquoi les objets vus de loin paraissent-ils plus petits ? Prenez garde de voue laisser tromper par l'apparence du soleil, et n'allez pas croire qu'il n'a qu'une coudée parce qu'il se présente à nos yeux sous cet aspect La grandeur des objets visibles se contracte quand ils sont à uni» grande distance, parce que notre faculté visuelle ne parvient pas a parcourir l'espace intermédiaire (συναιρεῖσθαι πέφυκεν ἐν τοῖς μεγίστοις διαστάμασι τὰ μεγέθη τῶν ὁρωμένων, τῆς ὁρατικῆς δυνάμεως οὐκ ἐξικνουμένης τὸν μεταξὺ τόπον διαπερᾷν) ; elle s'épuise en quelque sorte dans le milieu interposé et elle n'atteint les objets visibles que par une faible partie d'elle-même. Ainsi, notre vue, en devenant petite, nous fait regarder comme petits les objets visibles eux-mêmes, parce que nous leur transportons la modification qu'elle éprouve. C'est pourquoi, si la vue se trompe, il ne faut avoir aucune confiance dans son témoignage [au sujet de la grandeur du soleil]. 656 Rappelez-vous ce que vous avez éprouvé, et vous trouverez en vous-même la preuve de ce que j'avance. Si jamais du sommet d'une grande montagne vous avez regardé en bas une vaste plaine, que vous ont paru les attelages de bœufs et les laboureurs eux-mêmes ? N'avaient-ils pas l'air de n'être pas plus gros que des fourmis? Si du sommet d'un promontoire vous avez jeté votre regard sur la mer, que vous ont semblé être les plus grandes îles? Que vous a paru un vaisseau de charge s'avançant avec ses voiles blanches déployées sur tes flots azurés de la mer? N'avait-il pas l'air d'être plus petit qu'une colombe ? C'est que, comme je l'ai déjà dit, la vue s'épuisant en quelque sorte dans l'air et se trouvant ainsi affaiblie, ne peut plus avoir une perception nette des objets. Bien plus, si elle considère de grandes montagnes coupées par des vallées profondes, elle se les représente comme arrondies et unies parce qu'elle ne fait attention qu'aux éminences, et qu'elle ne peut à cause de sa faiblesse pénétrer dans la concavité des parties intermédiaires. De même, elle ne conserve pas aux corps leur forme réelle, mais elle croit que les tours carrées sont rondes. De tous ces faits il résulte qu'à de grandes distances la vue se forme des corps une image imparfaite et confuse. Le soleil est donc un grand luminaire comme nous l'enseigne l'Écriture, et il est infiniment plus grand qu'il ne le parait. (Saint Basile, Hexaméron, VI, t. I, p. 59, éd. Garnier.)
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654 PLOTIN. DU BEAU. « Est-ce comme tous le répètent, la proportion des parties les unes aux autres et relativement à l'ensemble, jointe à la grâce des couleurs, qui constitue la beauté quand elle s'adresse à la vue? Dans ce cas, ta beauté des corps en général consistant dans la symétrie et la juste proportion de leurs parties, elle ne saurait se trouver dans rien de simple... Dans le même système, les couleurs qui sont belles, comme la lumière du soleil, mais qui sont simples, et qui n'empruntent pas leur beauté à la proportion, seront exclues du domaine de la beauté. Comment l'or sera-t-il beau?... » ...Nous ne saurions rien dire de ta splendeur de la vertu, si nous 655 n'avions contemplé la face de la justice et de la tempérance devant l'éclat de laquelle pâlissent « l'étoile du soir et celle du matin. » (Plotin, Enn. I, liv. VI, § 1, 4; t.1, p. 99, 104) De la Vue. — Pourquoi les objets éloignés nous paraissent-ils plus petits ? D'où vient que dans l'éloignement les objets visibles paraissent plus petits?... Est-ce parce que nous ne voyons la grandeur que par accident et que nous percevons d'abord la couleur? En ce cas, un objet se trouve-t-il près de nous, nous voyons quelle est sa grandeur colorée. Se trouve-t-il loin de nous, nous voyons seulement qu'il est coloré ; mais nous ne distinguons pas assez bien ses parties pour avoir une connaissance exacte de sa grandeur parce que ses couleurs sont moins vives... 655 La grandeur liée à la couleur diminue proportionnellement avec elle. Cela est évident quand on aperçoit un objet varié ; quand on considère, par exemple, des montagnes couvertes d'habitations, de forêts et de mille autres choses, la vue des détails permet de juger de la grandeur de l'ensemble. Mais quand l'aspect des détails ne vient pas frapper l'œil, celui-ci ne peut plus connaître la grandeur de l'ensemble en mesurant par les détails la grandeur offerte à ses regards. (Plotin, Enn. Il, liv. VIII; t.1, p. 251-253.)
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(01) Voy. ci-dessus i'Avertissement, p. 621-622. Pour faciliter au lecteur la comparaison des deux textes, nous mettons entre guillemets toutes les phrases de saint Basile et de Plotin qui se correspondent. (02) Isaïe, XXI, 12. (03) Psaumes ,CXXXVIII, 6.(04) Saint Marc, IX, 23. (05) Nous lisons, comme le propose Jahn, ἐνθυμείσθω au lieu de εὐθυμείσθω. (06) Psaumes, LXXXI, 6. (07) Psaumes, LIX, 1 (08) Psaumes, LXXXIII, 8 (09) Épître 1ere aux Corinthiens, XII, 3. (10) Isaïe, LXV, 13. (11) S. Paul, Èpître 1re aux Corinthiens, VI, 17. (12) Voici la note de dom Garnier sur ce morceau: « Edlti περὶ τοῦ πνεύματος τοῦ ἀγίου ; at Mss. nostrî ita ut edidimus. Notat vir doctissimus Ducaeus brevem hunc De Spiritu Sancto tractatum in Basileensi graeca editione posteriori deesse quïdem, sed ita ut homiliam separatam efficiat p. 241. Ut ut haec sunt, hunc de Spiritu Sancto libellum in nostris septem Mss., perinde atque in editione Parisiensi, quinto Contra Eunomium libro adjungi constat, sic ut quaedam ejos libri coronis esse videatur. Nec solum illa de Spiritu Sancto lucubratiuncula reliquo Contra Eunomium tractatui subjungitur in Regiis quarto et quinto, sed ipsa etiam in his codicibus serie una legitur cum ultimis libri quinti verbis ; titulus tamen non omnino omissus est, quum scriptum sit in margine περὶ πνεῦματος, De Spiritu. » (13) Sur cet extrait de S. Basile, Voy. ci-dessus l'Avertissement, p. 622. On retrouve ici toute la doctrine développée dans l'Ennéade VI, livres IV et V, l'Être un et identique est partout prêsent tout entier. (14) Voy. l'Avertissement, p. 622. Nous mettons entre guillemets tentes les phrases de saint Basile et de Plotin qui se correspondent. (15) « Puisque le mal règne Ici-bas et domine inévitablement en ce monde, et puisque l'âme veut fuir le mal, il faut fuir d'ici-bas. » (Plotin, Enn. I, liv. II, § 1 t. 1, p. 51.) (16) Voy. ci-dessus p. 648 (2). (17) « Il faut donc nous bâter de sortir d'ici-bas, nous détacher autant que nous le pourrons du corps auquel nous avons le chagrin d'être encore enchaîné, faire nos efforts pour embrasser Dieu par tout notre être, sans laisser en nous aucune partie qui ne soit en contact avec lui. » (Plotin, Enn. VI, liv. IX, § 9; t. ΙΙΙ, ρ. 560. (18) La comparaison de la cire remplace Ici celle de la matière qui se trouve dans Plotin, mais la pensée est évidemment identique. (19) Voy. Plotin, Enn. I liv. II. (20) Genèse, I 4.
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