Platon : Cratyle

PLATON

LE SOPHISTE- Σοφιστής (241d - 255e)

 

Traduction française · Victor COUSIN.

VOLUME XI

LE SOPHISTE (229c - 241c)  -  (256c - 268d)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PLATON

 

LE SOPHISTE- Σοφιστής

 

 

 

 

 

 

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[241d] Ξένος

Τόδε τοίνυν ἔτι μᾶλλον παραιτοῦμαί σε.

Θεαίτητος

Τὸ ποῖον;

Ξένος

Μή με οἷον πατραλοίαν ὑπολάβῃς γίγνεσθαί τινα.

Θεαίτητος

Τί δή;

Ξένος

Τὸν τοῦ πατρὸς Παρμενίδου λόγον ἀναγκαῖον ἡμῖν ἀμυνομένοις ἔσται βασανίζειν, καὶ βιάζεσθαι τό τε μὴ ὂν ὡς ἔστι κατά τι καὶ τὸ ὂν αὖ πάλιν ὡς οὐκ ἔστι πῃ.

Θεαίτητος

Φαίνεται τὸ τοιοῦτον διαμαχετέον ἐν τοῖς λόγοις.


 

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[241d] L'ÉTRANGER.

En ce cas, voici encore une prière que j'ai à t'adresser.

238 THÉÉTÈTE.

Laquelle?

L'ÉTRANGER.

C'est de ne pas me prendre pour une espèce de parricide.

THÉÉTÈTE.

Et pourquoi cela?

L'ÉTRANGER.

Pour nous défendre, il nous faudra soumettre à l'examen la maxime de notre père Parménide, et à toute force établir que le non-être existe à certains égards, et qu'à certains égards aussi l'être n'est pas.

THÉÉTÈTE.

En effet, c'est là visiblement ce qu'il nous faut débattre.

Ξένος

Πῶς γὰρ οὐ φαίνεται καὶ τὸ λεγόμενον δὴ τοῦτο τυφλῷ; [241e] τούτων γὰρ μήτ' ἐλεγχθέντων μήτε ὁμολογηθέντων σχολῇ ποτέ τις οἷός τε ἔσται περὶ λόγων ψευδῶν λέγων ἢ δόξης, εἴτε εἰδώλων εἴτε εἰκόνων εἴτε μιμημάτων εἴτε φαντασμάτων αὐτῶν, ἢ καὶ περὶ τεχνῶν τῶν ὅσαι περὶ ταῦτά εἰσι, μὴ καταγέλαστος εἶναι τά <γ'> ἐναντία ἀναγκαζόμενος αὑτῷ λέγειν.

Θεαίτητος

Ἀληθέστατα.

L'ÉTRANGER.

Oui, cela est visible, comme on dit, même pour un aveugle; [241e] car, jusqu'à ce qu'on soit décidé pour ou contre, on ne pourra guère traiter des discours ou des opinions fausses, des simulacres, des apparences, des imitations et des fantômes, ou bien des arts qui s'en occupent, sans tomber dans le ridicule par la nécessité de se contredire soi-même.

THÉÉTÈTE.

Bien de plus vrai.

 

[242a] Ξένος

Διὰ ταῦτα μέντοι τολμητέον ἐπιτίθεσθαι τῷ πατρικῷ λόγῳ νῦν, ἢ τὸ παράπαν ἐατέον, εἰ τοῦτό τις εἴργει δρᾶν ὄκνος.

Θεαίτητος

Ἀλλ' ἡμᾶς τοῦτό γε μηδὲν μηδαμῇ εἴρξῃ.

Ξένος

Τρίτον τοίνυν ἔτι σε σμικρόν τι παραιτήσομαι.

Θεαίτητος

Λέγε μόνον.

Ξένος

Εἶπόν που νυνδὴ λέγων ὡς πρὸς τὸν περὶ ταῦτ' ἔλεγχον ἀεί τε ἀπειρηκὼς ἐγὼ τυγχάνω καὶ δὴ καὶ τὰ νῦν.

Θεαίτητος

Εἶπες.

 

239 [242a] L'ÉTRANGER.

Voilà pourquoi il nous faut avoir le courage de porter la main sur la maxime de notre père, ou, si nous en avons quelque scrupule, laisser là toute cette affaire.

THÉÉTÈTE.

Eh bien! nous passerons par-dessus les scrupules.

L'ÉTRANGER.

J'ai encore une petite grâce à te demander; ce sera la troisième.

THÉÉTÈTE.

Parle.

L'ÉTRANGER.

Je disais, tout à l'heure, que dans tous les temps cette entreprise avait surpassé mes forces, et qu'aujourd'hui encore j'en étais incapable.

THÉÉTÈTE.

Oui, tu l'as dit.

 

Ξένος

Φοβοῦμαι δὴ τὰ εἰρημένα, μή ποτε διὰ ταῦτά σοι μανικὸς εἶναι δόξω παρὰ πόδα μεταβαλὼν ἐμαυτὸν ἄνω καὶ [242b] κάτω. σὴν γὰρ δὴ χάριν ἐλέγχειν τὸν λόγον ἐπιθησόμεθα, ἐάνπερ ἐλέγχωμεν.

Θεαίτητος

Ὡς τοίνυν ἔμοιγε μηδαμῇ δόξων μηδὲν πλημμελεῖν, ἂν ἐπὶ τὸν ἔλεγχον τοῦτον καὶ τὴν ἀπόδειξιν ἴῃς, θαῤῥῶν ἴθι τούτου γε ἕνεκα.

Ξένος

Φέρε δή, τίνα ἀρχήν τις ἂν ἄρξαιτο παρακινδυνευτικοῦ λόγου; δοκῶ μὲν γὰρ τήνδ', ὦ παῖ, τὴν ὁδὸν ἀναγκαιοτάτην ἡμῖν εἶναι τρέπεσθαι.

Θεαίτητος

Ποίαν δή;

 

L'ÉTRANGER.

Je crains donc, qu'après avoir dit cela, à, me voir changer tout d'un coup de position, tu ne me prennes pour un extravagant. [242b]  Songe que c'est pour l'amour de toi que nous allons essayer de réfuter cette maxime, si toutefois nous pouvons y parvenir.

THÉÉTÈTE.

Pour moi, en vérité,  tu ne me paraîtras aucu- 240 nement blâmable d'entreprendre cette réfutation et cette démonstration ; marche donc avec assurance.

L'ÉTRANGER.

Or çà, par où aborder ce périlleux sujet? Voici, je crois, mon enfant, le chemiq qu'il nous fout prendre de toute nécessité.

THÉÉTÈTE.

Lequel?

 

Ξένος

Τὰ δοκοῦντα νῦν ἐναργῶς ἔχειν ἐπισκέψασθαι πρῶτον [242c] μή πῃ τεταραγμένοι μὲν ὦμεν περὶ ταῦτα, ῥᾳδίως δ' ἀλλήλοις ὁμολογῶμεν ὡς εὐκρινῶς ἔχοντες.

Θεαίτητος

Λέγε σαφέστερον ὃ λέγεις.

Ξένος

Εὐκόλως μοι δοκεῖ Παρμενίδης ἡμῖν διειλέχθαι καὶ πᾶς ὅστις πώποτε ἐπὶ κρίσιν ὥρμησε τοῦ τὰ ὄντα διορίσασθαι πόσα τε καὶ ποῖά ἐστιν.

Θεαίτητος

Πῇ;

 

L'ÉTRANGER.

Commençons par examiner les principes dont nous nous croyons bien assurés, [242c] pour voir si nous ne nous abusons point à leur égard, et si nous ne nous les accordons pas mutuellement avec plus de facilité qu'il ne faut, comme si nous en avions fait une critique attentive.

THÉÉTÈTE.

Dis-moi plus clairement ce que tu veux dire.

 L'ÉTRANGER.

Une matière que Parménide paraît avoir traitée un peu trop à son aise, ainsi que tous ceux qui s'en sont occupés, c'est la distinction des êtres, combien d'espèces il y en a et quelles elles sont.

THÉÉTÈTE.

Comment?

 

Ξένος

Μῦθόν τινα ἕκαστος φαίνεταί μοι διηγεῖσθαι παισὶν ὡς οὖσιν ἡμῖν, ὁ μὲν ὡς τρία τὰ ὄντα, πολεμεῖ δὲ ἀλλήλοις [242d] ἐνίοτε αὐτῶν ἄττα πῃ, τοτὲ δὲ καὶ φίλα γιγνόμενα γάμους τε καὶ τόκους καὶ τροφὰς τῶν ἐκγόνων παρέχεται· δύο δὲ ἕτερος εἰπών, ὑγρὸν καὶ ξηρὸν ἢ θερμὸν καὶ ψυχρόν, συνοικίζει τε αὐτὰ καὶ ἐκδίδωσι· τὸ δὲ παρ' ἡμῖν Ἐλεατικὸν ἔθνος, ἀπὸ Ξενοφάνους τε καὶ ἔτι πρόσθεν ἀρξάμενον, ὡς ἑνὸς ὄντος τῶν πάντων καλουμένων οὕτω διεξέρχεται τοῖς μύθοις. Ἰάδες δὲ καὶ Σικελαί τινες ὕστερον Μοῦσαι συνενόησαν ὅτι συμπλέκειν [242e] ἀσφαλέστατον ἀμφότερα καὶ λέγειν ὡς τὸ ὂν πολλά τε καὶ ἕν ἐστιν, ἔχθρᾳ δὲ καὶ φιλίᾳ συνέχεται. Διαφερόμενον γὰρ ἀεὶ συμφέρεται, φασὶν αἱ συντονώτεραι τῶν Μουσῶν· αἱ δὲ μαλακώτεραι τὸ μὲν ἀεὶ ταῦτα οὕτως ἔχειν ἐχάλασαν, ἐν μέρει δὲ τοτὲ μὲν ἓν εἶναί φασι τὸ πᾶν καὶ φίλον ὑπ' [243a] ἀφροδίτης, τοτὲ δὲ πολλὰ καὶ πολέμιον αὐτὸ αὑτῷ διὰ νεῖκός τι. Ταῦτα δὲ πάντα εἰ μὲν ἀληθῶς τις ἢ μὴ τούτων εἴρηκε, χαλεπὸν καὶ πλημμελὲς οὕτω μεγάλα κλεινοῖς καὶ παλαιοῖς ἀνδράσιν ἐπιτιμᾶν· ἐκεῖνο δὲ ἀνεπίφθονον ἀποφήνασθαι--

Θεαίτητος

Τὸ ποῖον;

 

L'ÉTRANGER.

Il semble que chacun nous ait débité sa fable 241 comme à des enfants. L'un nous présente les êtres au nombre de trois, se faisant de temps en temps la guerre; [242d] d'autres fois, redevenus amis, se mariant, engendrant, nourrissant les fruits de leurs unions (08). Un autre (09) n'en compte que deux, le sec et l'humide, ou bien le chaud et le froid, et il les marie et les met en ménage. Nos Éléates, à partir de Xénophane et même de plus loin, arrangent leur fable en réduisant à un seul être ce qu'on appelle l'univers. Plus tard des Muses d'Ionie et de Sicile (10) ont pensé qu'il serait plus sûr de combiner les deux opinions, et de dire que l'être est à la fois un et multiple, et qu'il se maintient par la haine et par l'amitié ; car tout se sépare et se réunit sans cesse, disent celles de ces Muses qui chantent sur le ton le plus hardi; [242e] celles qui le prennent sur un ton plus doux, ne prétendent plus que les choses soient toujours ainsi, mais que tantôt l'univers est un et en bonne harmonie, par l'influence [243a] de Vénus, et tantôt, par celle de la discorde, multiple et en guerre avec lui-même. Que tout cela soit vrai 242 ou faux, il serait difficile et téméraire d'en oser décider contre d'anciens et illustres personnages; mais voici du moins ce qu'il est permis de dire.

THÉÉTÈTE.

Quoi?

 

Ξένος

Ὅτι λίαν τῶν πολλῶν ἡμῶν ὑπεριδόντες ὠλιγώρησαν· οὐδὲν γὰρ φροντίσαντες εἴτ' ἐπακολουθοῦμεν αὐτοῖς λέγουσιν [243b] εἴτε ἀπολειπόμεθα, περαίνουσι τὸ σφέτερον αὐτῶν ἕκαστοι.

Θεαίτητος

Πῶς λέγεις;

Ξένος

Ὅταν τις αὐτῶν φθέγξηται λέγων ὡς ἔστιν ἢ γέγονεν ἢ γίγνεται πολλὰ ἢ ἓν ἢ δύο, καὶ θερμὸν αὖ ψυχρῷ συγκεραννύμενον, ἄλλοθί πῃ διακρίσεις καὶ συγκρίσεις ὑποτιθείς, τούτων, ὦ Θεαίτητε, ἑκάστοτε σύ τι πρὸς θεῶν συνίης ὅτι λέγουσιν; ἐγὼ μὲν γὰρ ὅτε μὲν ἦν νεώτερος, τοῦτό τε τὸ νῦν ἀπορούμενον ὁπότε τις εἴποι, τὸ μὴ ὄν, ἀκριβῶς ᾤμην συνιέναι. Νῦν δὲ ὁρᾷς ἵν' ἐσμὲν αὐτοῦ πέρι τῆς ἀπορίας.

 

L'ÉTRANGER.

C'est qu'ils ont montré pour nous autres pauvres gens, confondus dans la foule, trop peu d'égards et d'estime; car ils poursuivent leurs discours sans daigner remarquer[243b] si nous pouvons les suivre, ou si nous restons en arrière.

THÉÉTÈTE.

Que veux-tu dire ?

L'ÉTRANGER.

Quand l'un de ces philosophes proclame qu'il existe ou qu'il est né ou qu'il naît plusieurs choses, ou deux ou une, qu'il parle du mélange du chaud et de l'humide, ou encore d'autres compositions et décompositions, dis-moi, au nom des dieux, Théétète, si tu y comprends quelque chose. Pour moi, dans ma jeunesse, lorsqu'on venait à parler du non-ètre,qui nous embarrasse aujourd'hui, je croyais bien comprendre, et à présent tu vois si nous sommes près de sortir d'embarras.

 

[243c] Θεαίτητος

Ὁρῶ.

Ξένος

Τάχα τοίνυν ἴσως οὐχ ἧττον κατὰ τὸ ὂν ταὐτὸν τοῦτο πάθος εἰληφότες ἐν τῇ ψυχῇ περὶ μὲν τοῦτο εὐπορεῖν φαμεν καὶ μανθάνειν ὁπόταν τις αὐτὸ φθέγξηται, περὶ δὲ θάτερον οὔ, πρὸς ἀμφότερα ὁμοίως ἔχοντες.

Θεαίτητος

Ἴσως.

Ξένος

Καὶ περὶ τῶν ἄλλων δὴ τῶν προειρημένων ἡμῖν ταὐτὸν τοῦτο εἰρήσθω.

Θεαίτητος

Πάνυ γε.

 

243 [243c] THÉÉTÈTE,

Oui, je le vois,

L'ÉTRANGER.

Peut-être donc, qu1 au fond de notre âme, nous n'en savons pas davantage sur l'être; nous nous imaginons comprendre lorsque quelqu'un vient à en parler, tandis que nous avouons ne rien entendre au non-être, et peut-être en sommes-nous pour l'un où nous en sommes pour l'autre.

THÉÉTÈTE.

Peut-être bien.

L'ÉTRANGER.

Disons la même chose des systèmes dont nous parlions tout à l'heure,

THÉÉTÈTE.

Soit.

 

Ξένος

Τῶν μὲν τοίνυν πολλῶν πέρι καὶ μετὰ τοῦτο σκεψόμεθ', [243d] ἂν δόξῃ, περὶ δὲ τοῦ μεγίστου τε καὶ ἀρχηγοῦ πρώτου νῦν σκεπτέον.

Θεαίτητος

Τίνος δὴ λέγεις; ἢ δῆλον ὅτι τὸ ὂν φῂς πρῶτον δεῖν διερευνήσασθαι τί ποθ' οἱ λέγοντες αὐτὸ δηλοῦν ἡγοῦνται;

 

L'ÉTRANGER.

Nous reviendrons plus tard sur tout le reste, [243d] si tu le veux; mais pour le moment examinons ce qu'il y a de plus grand, ce qui tient le premier rang.

THÉÉTÈTE,

De quoi veux-tu parler? Tu penses sans doute qu'il faut nous occuper de l'être, et rechercher ce que ceux qui en ont parlé ont voulu dire par là?

 

Ξένος

Κατὰ πόδα γε, ὦ Θεαίτητε, ὑπέλαβες. Λέγω γὰρ δὴ ταύτῃ δεῖν ποιεῖσθαι τὴν μέθοδον ἡμᾶς, οἷον αὐτῶν παρόντων ἀναπυνθανομένους ὧδε· “φέρε, ὁπόσοι θερμὸν καὶ ψυχρὸν ἤ τινε δύο τοιούτω τὰ πάντ' εἶναί φατε, τί ποτε [243e] ἄρα τοῦτ' ἐπ' ἀμφοῖν φθέγγεσθε, λέγοντες ἄμφω καὶ ἑκάτερον εἶναι; τί τὸ εἶναι τοῦτο ὑπολάβωμεν ὑμῶν; πότερον τρίτον παρὰ τὰ δύο ἐκεῖνα, καὶ τρία τὸ πᾶν ἀλλὰ μὴ δύο ἔτι καθ' ὑμᾶς τιθῶμεν; οὐ γάρ που τοῖν γε δυοῖν καλοῦντες θάτερον ὂν ἀμφότερα ὁμοίως εἶναι λέγετε· σχεδὸν γὰρ ἂν ἀμφοτέρως ἕν, ἀλλ' οὐ δύο εἴτην.”

 

L'ÉTRANGER.

Tu m'as parfaitement compris, Théététe. Maintenant, il nous faut procéder, je crois, comme si 244 nous avions devant nous les personnages dont il s'agit, et les interroger de la manière suivante: Voyons, vous tous qui prétendez que le chaud et le froid, ou deux autres éléments analogues, sont l'univers, que dites-vous de ces deux éléments, [243e] quand vous dites de l'un et de l'autre et de chacun d'eux séparément qu'il est? Que voulez-vous dire par votre être? Est-ce une troisième chose autre que ces deux-là, et l'univers est-il en tout trois et non plus deux, comme vous le disiez? Et si vous n'appelez être que l'un des deux éléments, vous ne pouvez plus dire quils sont tous les deux également; et quel que soit celui que vous appeliez être, l'être n'est qu'un, et non pas deux.

 

Θεαίτητος

Ἀληθῆ λέγεις.

Ξένος

“Ἀλλ' ἆρά γε τὰ ἄμφω βούλεσθε καλεῖν ὄν;”

Θεαίτητος

Ἴσως.

[244a] Ξένος

“Ἀλλ', ὦ φίλοι,” φήσομεν, “κἂν οὕτω τὰ δύο λέγοιτ' ἂν σαφέστατα ἕν.”

Θεαίτητος

Ὀρθότατα εἴρηκας.

 

THÉÉTÈTE,

D'accord.

L'ÉTRANGER.

Mais sans doute vous voulez appeler être l'un et l'autre?

THÉÉTÈTE

Peut-être.

[244a] L'ÉTRANGER.

 Mais, mes amis, reprendrons-nous, c'est dire encore de la manière la plus claire que les deux ne font qu'un.

THÉÉTÈTE,

Tu as parfaitement raison.

 

Ξένος

“Ἐπειδὴ τοίνυν ἡμεῖς ἠπορήκαμεν, ὑμεῖς αὐτὰ ἡμῖν ἐμφανίζετε ἱκανῶς, τί ποτε βούλεσθε σημαίνειν ὁπόταν ὂν φθέγγησθε. Δῆλον γὰρ ὡς ὑμεῖς μὲν ταῦτα πάλαι γιγνώσκετε, ἡμεῖς δὲ πρὸ τοῦ μὲν ᾠόμεθα, νῦν δ' ἠπορήκαμεν. Διδάσκετε οὖν πρῶτον τοῦτ' αὐτὸ ἡμᾶς, ἵνα μὴ δοξάζωμεν μανθάνειν μὲν τὰ λεγόμενα παρ' ὑμῶν, τὸ δὲ [244b] τούτου γίγνηται πᾶν τοὐναντίον.” Ταῦτα δὴ λέγοντές τε καὶ ἀξιοῦντες παρά τε τούτων καὶ παρὰ τῶν ἄλλων ὅσοι πλεῖον ἑνὸς λέγουσι τὸ πᾶν εἶναι, μῶν, ὦ παῖ, τὶ πλημμελήσομεν;

Θεαίτητος

Ἥκιστά γε.

Ξένος

Τί δέ; Παρὰ τῶν ἓν τὸ πᾶν λεγόντων ἆρ' οὐ πευστέον εἰς δύναμιν τί ποτε λέγουσι τὸ ὄν;

Θεαίτητος

Πῶς γὰρ οὔ;

Ξένος

Τόδε τοίνυν ἀποκρινέσθων. “ἕν πού φατε μόνον εἶναι;” -- “φαμὲν γάρ,” φήσουσιν. ἦ γάρ;

Θεαίτητος

ναί.

Ξένος

“Τί δέ; ὂν καλεῖτέ τι;”

Θεαίτητος

Ναί.

 

246 L'ÉTRANGER.

Voyons donc, puisque nous sommes si embarrassés, expliquez-nous vous-mêmes bien nettement ce que vous entendez.quand vous dites être; car il ne se peut pas que dès long-temps vous n'en soyez instruits. Quant à nous, nous avons cru d'abord le savoir; mais à présent nous n'y voyons pas clair. Commencez donc par nous exposer votre opinion, afin que nous n'allions pas croire que nous comprenons vos discours, [244b] quand ce serait tout le contraire. Dis-moi, mon enfant, serait-ce de la témérité de notre part que d'adresser cette prière à ces philosophes et à tous ceux qui disent qu'il y a dans l'univers plus qu'une seule chose?

THÉÉTÈTE.

Pas le moins du monde.

L'ÉTRANGER.

Et ceux qui disent que l'univers est un, ne faut-il pas aussi les presser de toutes nos forces de nous expliquer ce qu'ils entendent par l'être?

THÉÉTÈTE.

Certainement.

L'ÉTRANGER.

Qu'ils répondent donc aux questions suivantes : Vous dites qu'il n'y a qu'une chose? Nous le disons, répondront-ils. N'est-il pas vrai?

246 THÉÉTÈTE.

Oui,

L'ÉTRANGER.

Mais quoi, ce que vous appelez être, n'est-ce pas quelque chose?

THÉÉTÈTE,

Oui.

 

[244c] Ξένος

“Πότερον ὅπερ ἕν, ἐπὶ τῷ αὐτῷ προσχρώμενοι δυοῖν ὀνόμασιν, ἢ πῶς;”

Θεαίτητος

Τίς οὖν αὐτοῖς ἡ μετὰ τοῦτ', ὦ ξένε, ἀπόκρισις;

Ξένος

Δῆλον, ὦ Θεαίτητε, ὅτι τῷ ταύτην τὴν ὑπόθεσιν ὑποθεμένῳ πρὸς τὸ νῦν ἐρωτηθὲν καὶ πρὸς ἄλλο δὲ ὁτιοῦν οὐ πάντων ῥᾷστον ἀποκρίνασθαι.

Θεαίτητος

Πῶς;

Ξένος

Τό τε δύο ὀνόματα ὁμολογεῖν εἶναι μηδὲν θέμενον πλὴν ἓν καταγέλαστόν που.

Θεαίτητος

Πῶς δ' οὔ;

 

[244c] L'ÉTRANGER.

Et ce quelque chose, n'est-ce pas ce que vous appelez aussi un, donnant deux noms à une même chose?

THÉÉTÈTE.

Ici, étranger, quelle réponse pourraient-ils faire ?

L'ÉTRANGER.

Il est certain, Théétète, qu'en se renfermant dans une pareille hypothèse, il n'est pas très-facile de répondre à cette question, ni à toute autre.

THÉÉTÈTE.

Comment?

L'ÉTRANGER.

Accorder qu'il y ait deux noms quand on n'établit qu'une seule chose, ce serait assez ridicule.

THÉÉTÈTE,

Oui certes.

 

Ξένος

Καὶ τὸ παράπαν γε ἀποδέχεσθαί του λέγοντος ὡς [244d] ἔστιν ὄνομά τι, λόγον οὐκ ἂν ἔχον.

Θεαίτητος

Πῇ;

Ξένος

Τιθείς τε τοὔνομα τοῦ πράγματος ἕτερον δύο λέγει πού τινε.

Θεαίτητος

Ναί.

Ξένος

Καὶ μὴν ἂν ταὐτόν γε αὐτῷ τιθῇ τοὔνομα, ἢ μηδενὸς ὄνομα ἀναγκασθήσεται λέγειν, εἰ δέ τινος αὐτὸ φήσει, συμβήσεται τὸ ὄνομα ὀνόματος ὄνομα μόνον, ἄλλου δὲ οὐδενὸς ὄν.

Θεαίτητος

Οὕτως.

Ξένος

Καὶ τὸ ἕν γε, ἑνὸς ὄνομα ὂν καὶ τοῦ ὀνόματος αὖ τὸ ἓν ὄν.

Θεαίτητος

Ἀνάγκη.

Ξένος

Τί δέ; Τὸ ὅλον ἕτερον τοῦ ὄντος ἑνὸς ἢ ταὐτὸν φήσουσι τούτῳ;

 

247 L'ÉTRANGER.

Il ne serait même pas raisonnable de reconnaître [244d] qu'il y eût aucun nom.

THÉÉTÈTE.

Comment?

L'ÉTRANGER.

Admettre le nom comme autre que la chose, c'est admettre deux choses.

THÉÉTÈTE.

Oui.

L'ÉTRANGER.

Si, au contraire, on établit que le nom ne fait qu'un avec la chose, alors on sera obligé de dire ou que le nom n'est le nom de rien, ou bien, si on veut absolument qu'il soit le nom de quelque chose, que le nom est le nom d'un nom, et de rien autre.

THÉÉTÈTE.

Fort bien.

 L'ÉTRANGER.

Et que l'unité, n'étant que l'unité de l'unité, n'est à son tour que l'unité d'un nom.

THÉÉTÈTE.

Nécessairement.

L'ÉTRANGER.

Maintenant diront-ils que le tout est autre que l'être un, ou biçn qu'il est le même?

 

[244e] Θεαίτητος

Πῶς γὰρ οὐ φήσουσί τε καὶ φασίν;

Ξένος

Εἰ τοίνυν ὅλον ἐστίν, ὥσπερ καὶ Παρμενίδης λέγει,

Πάντοθεν εὐκύκλου σφαίρης ἐναλίγκιον ὄγκῳ, μεσσόθεν ἰσοπαλὲς πάντῃ· τὸ γὰρ οὔτε τι μεῖζον οὔτε τι βαιότερον πελέναι χρεόν ἐστι τῇ ἢ τῇ,

τοιοῦτόν γε ὂν τὸ ὂν μέσον τε καὶ ἔσχατα ἔχει, ταῦτα δὲ ἔχον πᾶσα ἀνάγκη μέρη ἔχειν· ἢ πῶς;

Θεαίτητος

Οὕτως.

 

248 [244e] THÉÉTÈTE.

Qu'il est le même, ils le diront et ils le disent.

L'ÉTRANGER.

Mais si le tout est, comme le dit Parménide (11),

" Semblable aune sphère bien arrondie de toutes parts,
" Du centre projetant des rayons égaux en tout sens; car qu'il soit oplus grand d'un côté,
" Ou plus petit de l'autre, cela n'est nullement possible; "

si l'ètre est tel, il doit avoir un milieu et des extrémités, et dès lors il faut, de toute nécessité, qu'il ait des parties. N'est-il pas vrai?

THÉÉTÈTE.

Assurément.

 

[245a] Ξένος

Ἀλλὰ μὴν τό γε μεμερισμένον πάθος μὲν τοῦ ἑνὸς ἔχειν ἐπὶ τοῖς μέρεσι πᾶσιν οὐδὲν ἀποκωλύει, καὶ ταύτῃ δὴ πᾶν τε ὂν καὶ ὅλον ἓν εἶναι.

Θεαίτητος

Τί δ' οὔ;

Ξένος

Τὸ δὲ πεπονθὸς ταῦτα ἆρ' οὐκ ἀδύνατον αὐτό γε τὸ ἓν αὐτὸ εἶναι;

Θεαίτητος

Πῶς;

Ξένος

Ἀμερὲς δήπου δεῖ παντελῶς τό γε ἀληθῶς ἓν κατὰ τὸν ὀρθὸν λόγον εἰρῆσθαι.

Θεαίτητος

Δεῖ γὰρ οὖν.

 

[245e] L'ÉTRANGER.

Cependant rien n'empêche qu*une chose divisée en parties ne participe de l'unité dans toutes ses parties, et qu'ainsi un tout ne soit un,

THÉÉTÈTE.

Sans doute.

L'ÉTRANGER.

Mais n'est-îl pas impossible que cette chose qui participe de l'unité soit l'unité elle-même?

THÉÉTÈTE.

Comment?

249 L'ÉTRANGER.

A parler à la rigueur, on ne doit reconnaître pour véritablement un que ce qui est absolument sans parties.

THÉÉTÈTE.

Nécessairement.

 

[245b] Ξένος

Τὸ δέ γε τοιοῦτον ἐκ πολλῶν μερῶν ὂν οὐ συμφωνήσει τῷ [ὅλῳ] λόγῳ.

Θεαίτητος

Μανθάνω.

Ξένος

Πότερον δὴ πάθος ἔχον τὸ ὂν τοῦ ἑνὸς οὕτως ἕν τε ἔσται καὶ ὅλον, ἢ παντάπασι μὴ λέγωμεν ὅλον εἶναι τὸ ὄν;

Θεαίτητος

Χαλεπὴν προβέβληκας αἵρεσιν.

Ξένος

Ἀληθέστατα μέντοι λέγεις. πεπονθός τε γὰρ τὸ ὂν ἓν εἶναί πως οὐ ταὐτὸν ὂν τῷ ἑνὶ φανεῖται, καὶ πλέονα δὴ τὰ πάντα ἑνὸς ἔσται.

Θεαίτητος

Ναί.

 

[245e] L'ÉTRANGER.

Or, ce dont nous parlons, cet être à plusieurs parties, ne s'accorde point avec cette définition.

THÉÉTÈTE.

Je comprends,

L'ÉTRANGER.

Mais l'être ne fait-il que participer à l'unité et n'est-il un que de l'unité d'un tout, ou ne devons-nous pas refuser absolument d'admettre que l'être soit un tout?

THÉÉTÈTE.

Tu me proposes là un choix difficile.

L'ÉTRANGER.

Tu as bien raison ; car dès que l'être ne fait que participer à l'unité, il est clair qu'il est différent en quelque manière de l'unité i et: alors il y a autre chose dans l'univers que l'unité.

THÉÉTÈTE.

Oui.

 

[245c] Ξένος

Καὶ μὴν ἐάν γε τὸ ὂν ᾖ μὴ ὅλον διὰ τὸ πεπονθέναι τὸ ὑπ' ἐκείνου πάθος, ᾖ δὲ αὐτὸ τὸ ὅλον, ἐνδεὲς τὸ ὂν ἑαυτοῦ συμβαίνει.

Θεαίτητος

Πάνυ γε.

Ξένος

Καὶ κατὰ τοῦτον δὴ τὸν λόγον ἑαυτοῦ στερόμενον οὐκ ὂν ἔσται τὸ ὄν.

Θεαίτητος

Οὕτως.

Ξένος

Καὶ ἑνός γε αὖ πλείω τὰ πάντα γίγνεται, τοῦ τε ὄντος καὶ τοῦ ὅλου χωρὶς ἰδίαν ἑκατέρου φύσιν εἰληφότος.

Θεαίτητος

Ναί.

 

[245c] L'ÉTRANGER.

Et encore, si l'être n'est pas un tout par lui - 250 même, puisqu'il ne fait que participer à l'unité, et si le tout est quelque chose en soi,il en résulte que l'être se manque à soi-même.

THÉÉTÈTE.

Sans contredit.

L'ÉTRANGER.

Et, par conséquent, se manquant à lui-même, l'être sera le non-être.

THÉÉTÈTE.

Tout-à-fait.

L'ÉTRANGER.

Et voilà encore une fois l'univers qui comprend plus d'une chose, si l'être et le tout ont chacun leur nature à part.

THÉÉTÈTE.

Oui.

 

Ξένος

Μὴ ὄντος δέ γε τὸ παράπαν τοῦ ὅλου, ταὐτά τε [245d] ταῦτα ὑπάρχει τῷ ὄντι, καὶ πρὸς τῷ μὴ εἶναι μηδ' ἂν γενέσθαι ποτὲ ὄν.

Θεαίτητος

Τί δή;

Ξένος

Τὸ γενόμενον ἀεὶ γέγονεν ὅλον· ὥστε οὔτε οὐσίαν οὔτε γένεσιν ὡς οὖσαν δεῖ προσαγορεύειν [τὸ ἓν ἢ] τὸ ὅλον ἐν τοῖς οὖσι μὴ τιθέντα.

Θεαίτητος

Παντάπασιν ἔοικε ταῦθ' οὕτως ἔχειν.

Ξένος

Καὶ μὴν οὐδ' ὁποσονοῦν τι δεῖ τὸ μὴ ὅλον εἶναι· ποσόν τι γὰρ ὄν, ὁπόσον ἂν ᾖ, τοσοῦτον ὅλον ἀναγκαῖον αὐτὸ εἶναι.

Θεαίτητος

Κομιδῇ γε.

 

L'ÉTRANGER.

D'autre part, si le tout n'existe en aucune façon; ce que [245d] nous venons de dire de l'être, subsiste, et de plus, outre qu'il n'est pas, il ne peut pas avoir jamais été.

THÉÉTÈTE.

Pourquoi ?

L'ÉTRANGER.

Parce que ce qui arrive à l'existence y arrive toujours formant un tout; en soi^e qu'on ne doit reconnaître ni existence ni génération, si l'on ne met pas le tout au nombre des êtres.

251 THÉÉTÈTE.

Il semble bien, en effet, qu'il en doit être ainsi.

 L'ÉTRANGER.

De plus, ce qui n'est pas un tout ne saurait avoir de quantité; car quelle que soit la quantité d'une chose, elle est nécessairement un tout pour autant qu'elle a de quantité.

THÉÉTÈTE.

Apparemment.

 

Ξένος

Καὶ τοίνυν ἄλλα μυρία ἀπεράντους ἀπορίας ἕκαστον [245e] εἰληφὸς φανεῖται τῷ τὸ ὂν εἴτε δύο τινὲ εἴτε ἓν μόνον εἶναι λέγοντι.

Θεαίτητος

Δηλοῖ σχεδὸν καὶ τὰ νῦν ὑποφαίνοντα· συνάπτεται γὰρ ἕτερον ἐξ ἄλλου, μείζω καὶ χαλεπωτέραν φέρον περὶ τῶν ἔμπροσθεν ἀεὶ ῥηθέντων πλάνην.

 

L'ÉTRANGER.

Celui qui dit que l'être est deux ou qu'il n'est qu'un, [245e] verrait bientôt s'élever de même à chaque pas des milliers de difficultés insurmontables.

THÉÉTÈTE.

Ce que nous venons seulement d'en entrevoir en est déjà la preuve. D'une conséquence en naît toujours une autre qui nous entraîne dans de plus grandes et de plus inextricables erreurs sur tout ce qui a précédé.

 

Ξένος

Τοὺς μὲν τοίνυν διακριβολογουμένους ὄντος τε πέρι καὶ μή, πάντας μὲν οὐ διεληλύθαμεν, ὅμως δὲ ἱκανῶς ἐχέτω· τοὺς δὲ ἄλλως λέγοντας αὖ θεατέον, ἵν' ἐκ πάντων ἴδωμεν [246a] ὅτι τὸ ὂν τοῦ μὴ ὄντος οὐδὲν εὐπορώτερον εἰπεῖν ὅτι ποτ' ἔστιν.

Θεαίτητος

Οὐκοῦν πορεύεσθαι χρὴ καὶ ἐπὶ τούτους.

Ξένος

Καὶ μὴν ἔοικέ γε ἐν αὐτοῖς οἷον γιγαντομαχία τις εἶναι διὰ τὴν ἀμφισβήτησιν περὶ τῆς οὐσίας πρὸς ἀλλήλους.

Θεαίτητος

Πῶς;

 

L'ÉTRANGER.

Nous n'avons pourtant pas examiné les opinions de tous ceux qui se sont exercés sur l'être et le non-être. Néanmoins, nous pouvons nous en tenir là. Mais à présent il faut nous adresser à ceux qui professent une tout autre doètrine, afin de nous convaincre de toutes les manières [246a] qu'il n'est pas plus aisé d'expliquer l'être que le non-être.

252 THÉÉTÈTE.

Eh bien! allons trouver aussi ces derniers.

L'ÉTRANGER.

En vérité, il y a entre eux comme une espèce de gigantomachie, tant ils sont peu d'accord dans leurs idées sur l'être.

THÉÉTÈTE.

Comment cela?

 

Ξένος

Οἱ μὲν εἰς γῆν ἐξ οὐρανοῦ καὶ τοῦ ἀοράτου πάντα ἕλκουσι, ταῖς χερσὶν ἀτεχνῶς πέτρας καὶ δρῦς περιλαμβάνοντες. Τῶν γὰρ τοιούτων ἐφαπτόμενοι πάντων διισχυρίζονται τοῦτο εἶναι μόνον ὃ παρέχει προσβολὴν καὶ ἐπαφήν [246b] τινα, ταὐτὸν σῶμα καὶ οὐσίαν ὁριζόμενοι, τῶν δὲ ἄλλων εἴ τίς <τι> φήσει μὴ σῶμα ἔχον εἶναι, καταφρονοῦντες τὸ παράπαν καὶ οὐδὲν ἐθέλοντες ἄλλο ἀκούειν.

Θεαίτητος

Ἦ δεινοὺς εἴρηκας ἄνδρας· ἤδη γὰρ καὶ ἐγὼ τούτων συχνοῖς προσέτυχον.

 

L'ÉTRANGER.

Les uns (12) rabaissent à la terre toutes les choses du ciel et de l'ordre invisible, et ne savent qu'embrasser grossièrement de leurs mains les pierres et les arbres quils rencontrent. Attachés à tous ces objets, ils nient qu'il y ait rien autre que ce que les sens peuvent atteindre. [246b] Le corps et l'ètre sont pour eux une seule et même chose. Ceux qui viennent leur dire qu'il y a quelque chose qui n'a point de corps, excitent leur mépris, et ils n'en veulent pas entendre davantage.

THÉÉTÈTE.

Tu parles là de terribles gens, avec lesquels j'ai eu maintes fois occasion de me rencontrer.

 

Ξένος

Τοιγαροῦν οἱ πρὸς αὐτοὺς ἀμφισβητοῦντες μάλα εὐλαβῶς ἄνωθεν ἐξ ἀοράτου ποθὲν ἀμύνονται, νοητὰ ἄττα καὶ ἀσώματα εἴδη βιαζόμενοι τὴν ἀληθινὴν οὐσίαν εἶναι· τὰ δὲ ἐκείνων σώματα καὶ τὴν λεγομένην ὑπ' αὐτῶν ἀλήθειαν [246c] κατὰ σμικρὰ διαθραύοντες ἐν τοῖς λόγοις γένεσιν ἀντ' οὐσίας φερομένην τινὰ προσαγορεύουσιν. Ἐν μέσῳ δὲ περὶ ταῦτα ἄπλετος ἀμφοτέρων μάχη τις, ὦ Θεαίτητε, ἀεὶ συνέστηκεν.

Θεαίτητος

Ἀληθῆ.

Ξένος

Παρ' ἀμφοῖν τοίνυν τοῖν γενοῖν κατὰ μέρος λάβωμεν λόγον ὑπὲρ ἧς τίθενται τῆς οὐσίας.

Θεαίτητος

Πῶς οὖν δὴ ληψόμεθα;

 

L'ÉTRANGER.

Aussi leurs adversaires s'en vont-ils avec raison, pour les combattre, chercher dans une ré-  253 gion supérieure et invisible des formes intelligibles et incorporelles qu'ils les forcent de reconnaître pour les véritables êtres (13); et quant aux corps et à cette prétendue réalité que les autres admettent seule, [246c] ils les réduisent en poussière par leurs raisonnemens, et ne leur accordent, au lieu de l'existence, qu'un perpétuel mouvement pour y arriver. Les deux partis, Théétète, se livrent d'interminables combats.

THÉÉTÈTE.

Il est vrai.

L'ÉTRANGER.

Demandons aux deux partis de nous rendre compte tour à tour de leur manière de voir sur la nature de l'être.

THÉÉTÈTE.

Mais comment obtenir qu'ils le fassent?

 

Ξένος

Παρὰ μὲν τῶν ἐν εἴδεσιν αὐτὴν τιθεμένων ῥᾷον, ἡμερώτεροι γάρ· παρὰ δὲ τῶν εἰς σῶμα πάντα ἑλκόντων [246d] βίᾳ χαλεπώτερον, ἴσως δὲ καὶ σχεδὸν ἀδύνατον. Ἀλλ' ὧδέ μοι δεῖν δοκεῖ περὶ αὐτῶν δρᾶν.

Θεαίτητος

Πῶς;

Ξένος

Μάλιστα μέν, εἴ πῃ δυνατὸν ἦν, ἔργῳ βελτίους αὐτοὺς ποιεῖν· εἰ δὲ τοῦτο μὴ ἐγχωρεῖ, λόγῳ ποιῶμεν, ὑποτιθέμενοι νομιμώτερον αὐτοὺς ἢ νῦν ἐθέλοντας ἂν ἀποκρίνασθαι. τὸ γὰρ ὁμολογηθὲν παρὰ βελτιόνων που κυριώτερον ἢ τὸ παρὰ χειρόνων· ἡμεῖς δὲ οὐ τούτων φροντίζομεν, ἀλλὰ τἀληθὲς ζητοῦμεν.

 

L'ÉTRANGER.

Auprès de ceux qui mettent l'existence dans les idées, la chose est moins difficile, attendu qu'ils sont plus traitables; mais ce sera fort malaisé, je dirai presque impossible, auprès de ceux qui veulent amener toutes choses [246d] de vive force à n'être que des corps; mais voici, je pense, la manière dont il faut nous y prendre avec eux.

254 THÉÉTÈTE.

Voyons,

L'ÉTRANGER.

Le mieux serait, s'il était possible, de les rendre plus honnêtes réellement; mais, si cela ne se peut pas, du moins rendons-les tels en paroles, et supposons-leur la volonté de nous répondre avec plus d'égards qu'ils ne sont disposés à le faire; car c'est avec des gens comme il faut qu'il est important de s'entendre. Après tout, ce n'est pas d'eux que nous nous soucions : nous ne cherchons que la vérité.

 

[246e] Θεαίτητος

ὀρθότατα.

Ξένος

Κέλευε δὴ τοὺς βελτίους γεγονότας ἀποκρίνασθαί σοι, καὶ τὸ λεχθὲν παρ' αὐτῶν ἀφερμήνευε.

Θεαίτητος

Ταῦτ' ἔσται.

Ξένος

Λεγόντων δὴ θνητὸν ζῷον εἴ φασιν εἶναί τι.

Θεαίτητος

Πῶς δ' οὔ;

Ξένος

Τοῦτο δὲ οὐ σῶμα ἔμψυχον ὁμολογοῦσιν;

Θεαίτητος

Πάνυ γε.

Ξένος

Τιθέντες τι τῶν ὄντων ψυχήν;

 

[246e] THÉÉTÈTE.

Très-bien.

L'ÉTRANGER.

Ainsi, prie nos gens de te répondre, puisque les voilà devenus plus obligeants, et charge-toi d'interpréter leurs réponses.

THÉÉTÈTE.

Volontiers.

L'ÉTRANGER.

Lorsqu'ils entendent parler d'un être animé et mortel, croient-ils que ce soit quelque chose?

THÉÉTÈTE.

Comment ne le croiraient-ils pas?

L'ÉTRANGER.

Et ne conviennent-ils pas que c'est un corps on respire une âme?

255 THÉÉTÈTE.

Sans doute.

L'ÉTRANGER.

Ils mettent donc lame au nombre des êtres?

 

[247a] Θεαίτητος

Ναί.

Ξένος

Τί δέ; Ψυχὴν οὐ τὴν μὲν δικαίαν, τὴν δὲ ἄδικόν φασιν εἶναι, καὶ τὴν μὲν φρόνιμον, τὴν δὲ ἄφρονα;

Θεαίτητος

Τί μήν;

Ξένος

Ἀλλ' οὐ δικαιοσύνης ἕξει καὶ παρουσίᾳ τοιαύτην αὐτῶν ἑκάστην γίγνεσθαι, καὶ τῶν ἐναντίων τὴν ἐναντίαν;

Θεαίτητος

Ναί, καὶ ταῦτα σύμφασιν.

Ξένος

Ἀλλὰ μὴν τό γε δυνατόν τῳ παραγίγνεσθαι καὶ ἀπογίγνεσθαι πάντως εἶναί τι φήσουσιν.

Θεαίτητος

Φασὶ μὲν οὖν.

 

[247a] THÉÉTÈTE.

Oui.

L'ÉTRANGER.

Bien; et ne trouvent-ils pas telle âme juste, telle autre injuste, celle-ci sage, celle-là dépourvue de sagesse?

THÉÉTÈTE.

Sans contredit.

L'ÉTRANGER.

Mais n'avouent-ils pas que c'est par la possession et la présence de la justice, que l'âme devient juste, et par la présence du contraire de la justice qu elle devient injuste?

THÉÉTÈTE.

Oui, ils l'avouent encore.

L'ÉTRANGER.

Or, ce qui peut être présent à une chose ou en être absent, il faut bien qu'ils conviennent que c'est quelque chose.

THÉÉTÈTE.

En effet, ils en conviennent.

 

[247b] Ξένος

Οὔσης οὖν δικαιοσύνης καὶ φρονήσεως καὶ τῆς ἄλλης ἀρετῆς καὶ τῶν ἐναντίων, καὶ δὴ καὶ ψυχῆς ἐν ᾗ ταῦτα ἐγγίγνεται, πότερον ὁρατὸν καὶ ἁπτὸν εἶναί φασί τι αὐτῶν ἢ πάντα ἀόρατα;

Θεαίτητος

Σχεδὸν οὐδὲν τούτων γε ὁρατόν.

Ξένος

Τί δὲ τῶν τοιούτων; μῶν σῶμά τι λέγουσιν ἴσχειν;

 

[247b] L'ÉTRANGER.

Si donc la justice, la sagesse et les autres vertus, avec leurs contraires, ainsi que l'âme, où elles se 256  manifestent, ont une existence, nos philosophes disent-ils que quelqu'une de ces choses est visible et tangible, ou bien qu'elles sont toutes invisibles?

THÉÉTÈTE.

Tout cela sûrement est invisible.

L'ÉTRANGER.

Et prétendent-ils que quelqu'unede ces choses ait un corps?

 

Θεαίτητος

Τοῦτο οὐκέτι κατὰ ταὐτὰ ἀποκρίνονται πᾶν, ἀλλὰ τὴν μὲν ψυχὴν αὐτὴν δοκεῖν σφίσι σῶμά τι κεκτῆσθαι, φρόνησιν δὲ καὶ τῶν ἄλλων ἕκαστον ὧν ἠρώτηκας, αἰσχύνονται [247c] τὸ τολμᾶν ἢ μηδὲν τῶν ὄντων αὐτὰ ὁμολογεῖν ἢ πάντ' εἶναι σώματα διισχυρίζεσθαι.

Ξένος

Σαφῶς γὰρ ἡμῖν, ὦ Θεαίτητε, βελτίους γεγόνασιν ἇνδρες· ἐπεὶ τούτων οὐδ' ἂν ἓν ἐπαισχυνθεῖεν οἵ γε αὐτῶν σπαρτοί τε καὶ αὐτόχθονες, ἀλλὰ διατείνοιντ' ἂν πᾶν ὃ μὴ δυνατοὶ ταῖς χερσὶ συμπιέζειν εἰσίν, ὡς ἄρα τοῦτο οὐδὲν τὸ παράπαν ἐστίν.

Θεαίτητος

Σχεδὸν οἷα διανοοῦνται λέγεις.

 

THÉÉTÈTE.

Ici ils ne répondent plus de la même manière sur toutes les parties de ta question. Pour l'âme, il leur semble qu'elle possède un corps. Quant à la sagesse et à tout le reste, ils ont également honte [247c] et de leur refuser une place parmi les êtres, et de soutenir que ce sont des corps.

L'ÉTRANGER.

Décidément, Théétète, voilà nos gens qui s'humanisent; car parmi eux, les hommes semés par Cadmus, les vrais fils de la terre, n'auraient honte ni de l'un ni de l'autre de ces deux partis ; ils soutiendraient hardiment que tout ce qu'ils ne peuvent palper de leurs mains n'existe en aucune manière.

THÉÉTÈTE.

Telle est aussi à peu près leur pensée.

 

Ξένος

Πάλιν τοίνυν ἀνερωτῶμεν αὐτούς· εἰ γάρ τι καὶ [247d] σμικρὸν ἐθέλουσι τῶν ὄντων συγχωρεῖν ἀσώματον, ἐξαρκεῖ. Τὸ γὰρ ἐπί τε τούτοις ἅμα καὶ ἐπ' ἐκείνοις ὅσα ἔχει σῶμα συμφυὲς γεγονός, εἰς ὃ βλέποντες ἀμφότερα εἶναι λέγουσι, τοῦτο αὐτοῖς ῥητέον. Τάχ' οὖν ἴσως ἂν ἀποροῖεν· εἰ δή τι τοιοῦτον πεπόνθασι, σκόπει, προτεινομένων ἡμῶν, ἆρ' ἐθέλοιεν ἂν δέχεσθαι καὶ ὁμολογεῖν τοιόνδ' εἶναι τὸ ὄν.

Θεαίτητος

Τὸ ποῖον δή; λέγε, καὶ τάχα εἰσόμεθα.

 

L'ÉTRANGER.

Continuons donc nos questions. Du moment 257 qu'ils consentiront à reconnaître [247d] quelque chose d'incorporel, si peu que ce soit, cela suffit. En effet, ce qui est incorporel et ce qui est corporel ont en commun quelque chose qui fait dire à nos gens que l'un et l'autre existe. Yotlà ce qu'il leur faudra déterminer. Peut-être seront-ils un peu embarrassés, et qui sait si, dans cet embarras, ils n'en viendront pas à admettre cette définition de l'être ?

THÉÉTÈTE.

Laquelle? Parle, et nous verrons aussitôt.

 

Ξένος

Λέγω δὴ τὸ καὶ ὁποιανοῦν [τινα] κεκτημένον δύναμιν [247e] εἴτ' εἰς τὸ ποιεῖν ἕτερον ὁτιοῦν πεφυκὸς εἴτ' εἰς τὸ παθεῖν καὶ σμικρότατον ὑπὸ τοῦ φαυλοτάτου, κἂν εἰ μόνον εἰς ἅπαξ, πᾶν τοῦτο ὄντως εἶναι· τίθεμαι γὰρ ὅρον [ὁρίζειν] τὰ ὄντα ὡς ἔστιν οὐκ ἄλλο τι πλὴν δύναμις.

Θεαίτητος

Ἀλλ' ἐπείπερ αὐτοί γε οὐκ ἔχουσιν ἐν τῷ παρόντι τούτου βέλτιον λέγειν, δέχονται τοῦτο.

 

 L'ÉTRANGER.

C'est que tout ce qui possède une puissance [247e] quelconque, pour exercer une action quelconque, ou pour en souffrir une : la plus petite et de la chose la plus petite que ce soit, ne fût-ce même que pour une seule fois, tout ce qui possède une semblable puissance est réellement. En un mot, jé donne pour: définition de l'être que ce n'est autre chose qu'une puissance

THÉÉTÈTE.

Puisque nos gens n'ont pour le présent, rien de mieux à proposer, ils acceptent ta définition.

 

Ξένος

Καλῶς· ἴσως γὰρ ἂν εἰς ὕστερον ἡμῖν τε καὶ τούτοις [248a] ἕτερον ἂν φανείη. Πρὸς μὲν οὖν τούτους τοῦτο ἡμῖν ἐνταῦθα μενέτω συνομολογηθέν.

Θεαίτητος

Μένει.

Ξένος

Πρὸς δὴ τοὺς ἑτέρους ἴωμεν, τοὺς τῶν εἰδῶν φίλους· σὺ δ' ἡμῖν καὶ τὰ παρὰ τούτων ἀφερμήνευε.

Θεαίτητος

Ταῦτ' ἔσται.

Ξένος

Γένεσιν, τὴν δὲ οὐσίαν χωρίς που διελόμενοι λέγετε; ἦ γάρ;

Θεαίτητος

Ναί.

Ξένος

Καὶ σώματι μὲν ἡμᾶς γενέσει δι' αἰσθήσεως κοινωνεῖν, διὰ λογισμοῦ δὲ ψυχῇ πρὸς τὴν ὄντως οὐσίαν, ἣν ἀεὶ κατὰ ταὐτὰ ὡσαύτως ἔχειν φατέ, γένεσιν δὲ ἄλλοτε ἄλλως.

 

L'ÉTRANGER.

A la bonne heure; plus tard peut-être ne penserons-nous [248a] pas de même ni eux non plus, mais en attendant, prenons ce point pour accordé entre eux et nous.

258 THÉÉTÈTE.

Voilà qui est fait.

L'ÉTRANGER.

Passons aux autres, aux partisans des idées : charge-toi encore d'être leur interprète auprès de nous.

THÉÉTÈTE

Je le veux bien.

L'ÉTRANGER.

Vous dites donc, n'est-ce pas, qu'il faut distinguer, la génération et l'être ?

THÉÉTÈTE.

Oui.

L'ÉTRANGER.

Que c'est au moyen de la sensation que nous communiquons par le corps avec la génération, et que c'est au moyen de la raison que nous communiquons par l'âme avec la véritable essence, que vous prétendez toujours semblable à elle-même, tandis que la génération est toujours variable?

 

[248b] Θεαίτητος

Φαμὲν γὰρ οὖν.

Ξένος

Τὸ δὲ δὴ κοινωνεῖν, ὦ πάντων ἄριστοι, τί τοῦθ' ὑμᾶς ἐπ' ἀμφοῖν λέγειν φῶμεν; ἆρ' οὐ τὸ νυνδὴ παρ' ἡμῶν ῥηθέν;

Θεαίτητος

Τὸ ποῖον;

Ξένος

Πάθημα ἢ ποίημα ἐκ δυνάμεώς τινος ἀπὸ τῶν πρὸς ἄλληλα συνιόντων γιγνόμενον. Τάχ' οὖν, ὦ Θεαίτητε, αὐτῶν τὴν πρὸς ταῦτα ἀπόκρισιν σὺ μὲν οὐ κατακούεις, ἐγὼ δὲ ἴσως διὰ συνήθειαν.

Θεαίτητος

Τίν' οὖν δὴ λέγουσι λόγον;

 

[248b] THÉÉTÈTE

C'est encore ce que nous disons.

L'ÉTRANGER.

Miais, chers amis, qu'est-ce donc, dans ces deux cas, que la communication dont vous palez? N'est-ce pas ce que nous venons de dire?

269 THÉÉTÈTE.

Eh quoi?

L'ÉTRANGER.

Une passion ou une action, résultat d'une puissance de deux objets mis en rapport. Mais peut-être, Théétète, n'entends-tu pas leur réponse là-dessus tout-à-fait aussi bien que moi, qui y suis accoutumé dès longtemps.

THÉÉTÈTE.

Que disent-ils donc?

 

[248c] Ξένος

Οὐ συγχωροῦσιν ἡμῖν τὸ νυνδὴ ῥηθὲν πρὸς τοὺς γηγενεῖς οὐσίας πέρι.

Θεαίτητος

Τὸ ποῖον;

Ξένος

Ἱκανὸν ἔθεμεν ὅρον που τῶν ὄντων, ὅταν τῳ παρῇ ἡ τοῦ πάσχειν ἢ δρᾶν καὶ πρὸς τὸ σμικρότατον δύναμις;

Θεαίτητος

Ναί.

Ξένος

Πρὸς δὴ ταῦτα τόδε λέγουσιν, ὅτι γενέσει μὲν μέτεστι τοῦ πάσχειν καὶ ποιεῖν δυνάμεως, πρὸς δὲ οὐσίαν τούτων οὐδετέρου τὴν δύναμιν ἁρμόττειν φασίν.

Θεαίτητος

Οὐκοῦν λέγουσί τι;

 

[248c] L'ÉTRANGER.

Ils contestent ce que nous venons d'établir sur l'être avec les enfants de la terre.

THÉÉTÈTE.

Quoi?

L'ÉTRANGER.

Nous avons cru bien définir les êtres par la puissance d'exercer ou de souffrir une action quelconque, si petite qu'elle soit.

THÉÉTÈTE.

Oui.

L'ÉTRANGER.

A cela ils disent que, quelle que soit cette double puissance, elle appartient à la génération, mais que ni la puissance passive ni la puissance active ne conviennent à l'être.

THÉÉTÈTE.

N'est-ce pas bien dit?

 

Ξένος

Πρὸς ὅ γε λεκτέον ἡμῖν ὅτι δεόμεθα παρ' αὐτῶν [248d] ἔτι πυθέσθαι σαφέστερον εἰ προσομολογοῦσι τὴν μὲν ψυχὴν γιγνώσκειν, τὴν δ' οὐσίαν γιγνώσκεσθαι.

Θεαίτητος

Φασὶ μὴν τοῦτό γε.

Ξένος

Τί δέ; Τὸ γιγνώσκειν ἢ τὸ γιγνώσκεσθαί φατε ποίημα ἢ πάθος ἢ ἀμφότερον; ἢ τὸ μὲν πάθημα, τὸ δὲ θάτερον; Ἢ παντάπασιν οὐδέτερον οὐδετέρου τούτων μεταλαμβάνειν;

Θεαίτητος

Δῆλον ὡς οὐδέτερον οὐδετέρου· τἀναντία γὰρ ἂν τοῖς ἔμπροσθεν λέγοιεν.

 

L'ÉTRANGER.

Nous leur dirons, à notre tour, que nous voudrions bien les voir déclarer [248d] plus nettement encore s'ils avouent que l'âme connaît et que l'être est connu.

THÉÉTÈTE.

Sans doute ils l'avoueront:

L'ÉTRANGER.

Eh bien donc, connaître et être connu, est-ce, à votre avis, être actif, ou est-ce être passif, ou est-ce être actif et passif tout ensemble ? Ou bien encore, l'un est-il action, l'autre passion? Ou enfin ni l'un ni l'autre ne sont-ils ni action ni passion? Évidemment il» diront que ce ne sont là ni des actions ni des passions; autrement ils diraient le contraire de ce qu'ils ont avancé tout à l'heure.

THÉÉTÈTE.

J'entends.

 

Ξένος

Μανθάνω· τόδε γε, ὡς τὸ γιγνώσκειν εἴπερ ἔσται [248e] ποιεῖν τι, τὸ γιγνωσκόμενον ἀναγκαῖον αὖ συμβαίνει πάσχειν. Τὴν οὐσίαν δὴ κατὰ τὸν λόγον τοῦτον γιγνωσκομένην ὑπὸ τῆς γνώσεως, καθ' ὅσον γιγνώσκεται, κατὰ τοσοῦτον κινεῖσθαι διὰ τὸ πάσχειν, ὃ δή φαμεν οὐκ ἂν γενέσθαι περὶ τὸ ἠρεμοῦν.

Θεαίτητος

Ὀρθῶς.

 

L'ÉTRANGER.

C'est-à-dire que si connaître était une action, [248e] l'objet connu serait nécessairement dans un état de passion; d'où il suivrait que l'être connu par la connaissance serait mû, en tant que connu, puisqu'il serait passif: or, c'est ce qui a été reconnu impossible de l'être essentiellement en repos.

261 THÉÉTÈTE.

Fort bien.

 

Ξένος

Τί δὲ πρὸς Διός; Ὡς ἀληθῶς κίνησιν καὶ ζωὴν καὶ ψυχὴν καὶ φρόνησιν ἦ ῥᾳδίως πεισθησόμεθα τῷ παντελῶς [249a] ὄντι μὴ παρεῖναι, μηδὲ ζῆν αὐτὸ μηδὲ φρονεῖν, ἀλλὰ σεμνὸν καὶ ἅγιον, νοῦν οὐκ ἔχον, ἀκίνητον ἑστὸς εἶναι;

Θεαίτητος

Δεινὸν μεντἄν, ὦ ξένε, λόγον συγχωροῖμεν.

Ξένος

Ἀλλὰ νοῦν μὲν ἔχειν, ζωὴν δὲ μὴ φῶμεν;

Θεαίτητος

Καὶ πῶς;

Ξένος

Ἀλλὰ ταῦτα μὲν ἀμφότερα ἐνόντ' αὐτῷ λέγομεν, οὐ μὴν ἐν ψυχῇ γε φήσομεν αὐτὸ ἔχειν αὐτά;

Θεαίτητος

Καὶ τίν' ἂν ἕτερον ἔχοι τρόπον;

Ξένος

Ἀλλὰ δῆτα νοῦν μὲν καὶ ζωὴν καὶ ψυχὴν <ἔχειν>, ἀκίνητον μέντοι τὸ παράπαν ἔμψυχον ὂν ἑστάναι;

 

L'ÉTRANGER.

Mais quoi, par Jupiter! nous persuadera-t-ron si facilement que, dans la réalité, le mouvement, la vie, l'âme, l'intelligence, [249a] ne conviennent pas à l'être absolu? que cet être ne vit ni ne pense, et qu'il demeure immobile, immuable, sans avoir part à l'auguste et sainte intelligence?

THÉÉTÈTE.

Ce serait consentir, cher Éléate, à une bien étrange assertion.

L'ÉTRANGER.

Ou bien lui accorderons-nous l'intelligence, en lui refusant la vie?

THÉÉTÈTE.

Cela ne se peut.

L'ÉTRANGER.

Ou bien encore dirons-nous qu'il y a en lui l'intelligence et la vie, mais que ce n'est pas dans une âme qu'il les possède?

THÉÉTÈTE.

Et comment pourrait-il les posséder autrement?

L'ÉTRANGER.

Enfin, que doué d'intelligence, d'âme et de vie, tout animé qu'il est, il demeure dans une complète immobilité?

 

[249b] Θεαίτητος

Πάντα ἔμοιγε ἄλογα ταῦτ' εἶναι φαίνεται.

Ξένος

Καὶ τὸ κινούμενον δὴ καὶ κίνησιν συγχωρητέον ὡς ὄντα.

Θεαίτητος

Πῶς δ' οὔ;

Ξένος

Συμβαίνει δ' οὖν, ὦ Θεαίτητε, ἀκινήτων τε ὄντων νοῦν μηδενὶ περὶ μηδενὸς εἶναι μηδαμοῦ.

Θεαίτητος

Κομιδῇ μὲν οὖν.

Ξένος

Καὶ μὴν ἐὰν αὖ φερόμενα καὶ κινούμενα πάντ' εἶναι συγχωρῶμεν, καὶ τούτῳ τῷ λόγῳ ταὐτὸν τοῦτο ἐκ τῶν ὄντων ἐξαιρήσομεν.

Θεαίτητος

Πῶς;

 

262 [249b] THÉÉTÈTE.

Tout cela me paraît déraisonnable.

L'ÉTRANGER.

Il faut donc accorder que le mouvement et ce qui est mû existent.

THÉÉTÈTE.

Sans doute.

L'ÉTRANGER.

Car si tout est immobile, il ne peut y avoir aucune connaissance d'aucune chose.

THÉÉTÈTE.

Évidemment.

L'ÉTRANGER.

Et pourtant, si nous reconnaissons que tout est livré à un perpétuel mouvement, nous retranchons du nombre des êtres, par le même raisonnement, cela même que nous venons d'établir.

THÉÉTÈTE.

Comment?

 

Ξένος

Τὸ κατὰ ταὐτὰ καὶ ὡσαύτως καὶ περὶ τὸ αὐτὸ δοκεῖ [249c] σοι χωρὶς στάσεως γενέσθαι ποτ' ἄν;

Θεαίτητος

Οὐδαμῶς.

Ξένος

Τί δ'; Ἄνευ τούτων νοῦν καθορᾷς ὄντα ἢ γενόμενον ἂν καὶ ὁπουοῦν;

Θεαίτητος

Ἥκιστα.

Ξένος

Καὶ μὴν πρός γε τοῦτον παντὶ λόγῳ μαχετέον, ὃς ἂν ἐπιστήμην ἢ φρόνησιν ἢ νοῦν ἀφανίζων ἰσχυρίζηται περί τινος ὁπῃοῦν.

Θεαίτητος

Σφόδρα γε.

 

L'ÉTRANGER

Penses-tu que sans stabilité il puisse rien y avoir [249c] qui soit le même dans ses modes, dans sa durée, dans ses rapports?

THÉÉTÈTE.

Nullement.

L'ÉTRANGER.

Et vois-tu que sans cela quelque connaissance au monde puisse être ou paraître ?

263 THÉÉTÈTE.

Pas davantage.

L'ÉTRANGER.

Et certes il faut combattre avec toutes les armes du raisonnement celui qui, détruisant la science, la pensée, l'intelligence, prétend encore pouvoir affirmer quelque chose de quoi que ce soit.

THÉÉTÈTE.

Assurément.

 

Ξένος

Τῷ δὴ φιλοσόφῳ καὶ ταῦτα μάλιστα τιμῶντι πᾶσα, ὡς ἔοικεν, ἀνάγκη διὰ ταῦτα μήτε τῶν ἓν ἢ καὶ τὰ πολλὰ [249d] εἴδη λεγόντων τὸ πᾶν ἑστηκὸς ἀποδέχεσθαι, τῶν τε αὖ πανταχῇ τὸ ὂν κινούντων μηδὲ τὸ παράπαν ἀκούειν, ἀλλὰ κατὰ τὴν τῶν παίδων εὐχήν, ὅσα ἀκίνητα καὶ κεκινημένα, τὸ ὄν τε καὶ τὸ πᾶν συναμφότερα λέγειν.

Θεαίτητος

ἀληθέστατα.

Ξένος

Τί οὖν; Ἆρ' οὐκ ἐπιεικῶς ἤδη φαινόμεθα περιειληφέναι τῷ λόγῳ τὸ ὄν;

Θεαίτητος

πάνυ μὲν οὖν.

Ξένος

Βαβαὶ †μέντ' ἂν ἄρα,† ὦ Θεαίτητε, ὥς μοι δοκοῦμεν νῦν αὐτοῦ γνώσεσθαι πέρι τὴν ἀπορίαν τῆς σκέψεως.

 

L'ÉTRANGER.

Ainsi le philosophe, lui qui a pour toutes ces choses la plus haute estime, est absolument forcé de n'écouter ni ceux qui croient le monde immobile, qu'ils le fassent un ou multiple, [249d] ni ceux qui mettent l'être dans un mouvement universel. Entre le repos et le mouvement de l'être et du monde, il faut qu'il fasse comme les enfants dans leurs souhaits (14), qu'ils les prenne l'un et l'autre.

THÉÉTÈTE.

Rien de plus vrai:

L'ÉTRANGER.

Eh bien! ne trouves-tu pas que nous avons examiné l'être d'une manière convenable?

264 THÉÉTÈTE.

Οαι, parfaitement.

L'ÉTRANGER.

Ah! Théétète, il me semble que nous en sommes arrivés seulement à reconnaître toute la difficulté de la question

 

[249e] Θεαίτητος

Πῶς αὖ καὶ τί τοῦτ' εἴρηκας;

Ξένος

Ὦ μακάριε, οὐκ ἐννοεῖς ὅτι νῦν ἐσμεν ἐν ἀγνοίᾳ τῇ πλείστῃ περὶ αὐτοῦ, φαινόμεθα δέ τι λέγειν ἡμῖν αὐτοῖς;

Θεαίτητος

Ἐμοὶ γοῦν· ὅπῃ δ' αὖ λελήθαμεν οὕτως ἔχοντες, οὐ πάνυ συνίημι.

[249e] THÉÉTÈTE.

Qu'est-ce? Où veux-tu en venir?

L'ÉTRANGER.

Ne vois-tu pas, mon cher ami, que nous sommes maintenant dans la plus complète ignorance sur notre sujet, tandis que nous pensions en avoir dit quelque chose de raisonnable ?

THÉÉTÈTE.

Pour moi, je m'en flatte, et je ne conçois pas bien en quoi nous nous sommes abusés.

 

Ξένος

Σκόπει δὴ σαφέστερον εἰ τὰ νῦν συνομολογοῦντες [250a] δικαίως ἂν ἐπερωτηθεῖμεν ἅπερ αὐτοὶ τότε ἠρωτῶμεν τοὺς λέγοντας εἶναι τὸ πᾶν θερμὸν καὶ ψυχρόν.

Θεαίτητος

Ποῖα; Ὑόμνησόν με.

Ξένος

Πάνυ μὲν οὖν· καὶ πειράσομαί γε δρᾶν τοῦτο ἐρωτῶν σὲ καθάπερ ἐκείνους τότε, ἵνα ἅμα τι καὶ προί̈ωμεν.

Θεαίτητος

Ὀρθῶς.

Ξένος

Εἶεν δή, κίνησιν καὶ στάσιν ἆρ' οὐκ ἐναντιώτατα λέγεις ἀλλήλοις;

Θεαίτητος

Πῶς γὰρ οὔ;

Ξένος

Καὶ μὴν εἶναί γε ὁμοίως φῂς ἀμφότερα αὐτὰ καὶ ἑκάτερον;

 

L'ÉTRANGER.

Examine bien si, d'après tout ce que nous venons d'accorder, nous ne pourrions pas, [250a] avec juste raison, être pressés à notre tour par les mêmes questions que nous faisions à ceux qui disent que le chaud et le froid sont les éléments de l'univers.

THÉÉTÈTE.

Lesquelles ? Rappelle-les-moi

L'ÉTRANGER.

Volontiers, et je veux te les adresser direc- 265 tentent, comme je faisais tout à l'heure aux autres > afin que nous avancions ensemble.

THÉÉTÈTE.

Soit.

L'ÉTRANGER.

Eh bien, ne penses-tu pas que le mouvement et le repos sont absolument contraires l'un à l'autre?

THÉÉTÈTE.

Certainement.

L'ÉTRANGER.

Et tu prétends aussi que l'un et l'autre existe également?

 

[250b] Θεαίτητος

Φημὶ γὰρ οὖν.

Ξένος

Ἆρα κινεῖσθαι λέγων ἀμφότερα καὶ ἑκάτερον, ὅταν εἶναι συγχωρῇς;

Θεαίτητος

Οὐδαμῶς.

Ξένος

Ἀλλ' ἑστάναι σημαίνεις λέγων αὐτὰ ἀμφότερα εἶναι;

Θεαίτητος

Καὶ πῶς;

Ξένος

Τρίτον ἄρα τι παρὰ ταῦτα τὸ ὂν ἐν τῇ ψυχῇ τιθείς, ὡς ὑπ' ἐκείνου τήν τε στάσιν καὶ τὴν κίνησιν περιεχομένην, συλλαβὼν καὶ ἀπιδὼν αὐτῶν πρὸς τὴν τῆς οὐσίας κοινωνίαν, οὕτως εἶναι προσεῖπας ἀμφότερα;

 

[250b] THÉÉTÈTE.

Oui.

L'ÉTRANGER.

Penses-tu, en accordant qu'ils existent, que l'un et l'autre soit mû également?

THÉÉTÈTE.

Non, certes.

. L'ÉTRANGER.

Mais, en disant qu'ils existent, veux-tu faire entendre que tous deux sont en repos?

THÉÉTÈTE.

Impossible.

L'ÉTRANGER.

Alors c'est que tu te représentes l'être comme une troisième chose différente de ces deux-là,  266 et que, considérant le repos et le mouvement comme compris dans l'être et en une sorte de communauté avec lui, dans ce point de vue tu as pu dire que tous deux existent.

 

[250c] Θεαίτητος

Κινδυνεύομεν ὡς ἀληθῶς τρίτον ἀπομαντεύεσθαί τι τὸ ὄν, ὅταν κίνησιν καὶ στάσιν εἶναι λέγωμεν.

Ξένος

Οὐκ ἄρα κίνησις καὶ στάσις ἐστὶ συναμφότερον τὸ ὂν ἀλλ' ἕτερον δή τι τούτων.

Θεαίτητος

Ἔοικεν.

Ξένος

Κατὰ τὴν αὑτοῦ φύσιν ἄρα τὸ ὂν οὔτε ἕστηκεν οὔτε κινεῖται.

Θεαίτητος

Σχεδόν.

Ξένος

Ποῖ δὴ χρὴ τὴν διάνοιαν ἔτι τρέπειν τὸν βουλόμενον ἐναργές τι περὶ αὐτοῦ παρ' ἑαυτῷ βεβαιώσασθαι;

Θεαίτητος

Ποῖ γάρ;

 

[250c] THÉÉTÈTE

Il paraît, en effet, que nous mettons l'être en tiers quand nous accordons que le mouvement et le repos existent.

L'ÉTRANGER.

Ainsi l'être n'est pas le mouvement et le repos pris ensemble; c'est quelque chose qui en est différent.

THÉÉTÈTE.

Il y a apparence.

L'ÉTRANGER.

Par conséquent l'être, par sa nature, ne se meut ni ne se repose.

THÉÉTÈTE.

Peut-être.

L'ÉTRANGER.

Alors, de quel côté se tourner si l'on veut établir quelque chose de net sur son compte?

THÉÉTÈTE.

De quel côté, en effet?

 

Ξένος

Οἶμαι μὲν οὐδαμόσε ἔτι ῥᾴδιον. Eἰ γάρ τι μὴ [250d] κινεῖται, πῶς οὐχ ἕστηκεν; ἢ τὸ μηδαμῶς ἑστὸς πῶς οὐκ αὖ κινεῖται; τὸ δὲ ὂν ἡμῖν νῦν ἐκτὸς τούτων ἀμφοτέρων ἀναπέφανται. à^H δυνατὸν οὖν τοῦτο;

Θεαίτητος

Πάντων μὲν οὖν ἀδυνατώτατον.

Ξένος

Τόδε τοίνυν μνησθῆναι δίκαιον ἐπὶ τούτοις.

Θεαίτητος

Τὸ ποῖον;

Ξένος

Ὅτι τοῦ μὴ ὄντος ἐρωτηθέντες τοὔνομα ἐφ' ὅτι ποτὲ δεῖ φέρειν, πάσῃ συνεσχόμεθα ἀπορίᾳ. μέμνησαι;

Θεαίτητος

Πῶς γὰρ οὔ;

 

L'ÉTRANGER.

De toutes parts je ne vois que des difficultés. Car si [250d] une chose ne se meut point, comment 267 n'est-elle pas en repos; ou comment ce qui n'est jamais en repos, ne se meut-il point? Or, l'être nous est apparu comme étranger à ces choses; cela est-il donc possible?

THÉÉTÈTE.

C'est absolument impossible.

L'ÉTRANGER.

Il y a donc une chose qu'il est juste de nous rappeler à ce sujet.

THÉÉTÈTE.

Laquelle?

L'ÉTRANGER.

C'est que quand on nous demandait à quoi appliquer le nom du non-être, nous nous trouvions dans un grand embarras. Tu t'en souviens?

THÉÉTÈTE.

Oui.

 

[250e] Ξένος

Μῶν οὖν ἐν ἐλάττονί τινι νῦν ἐσμεν ἀπορίᾳ περὶ τὸ ὄν;

Θεαίτητος

Ἐμοὶ μέν, ὦ ξένε, εἰ δυνατὸν εἰπεῖν, ἐν πλείονι φαινόμεθα.

 

[250e] L'ÉTRANGER.

Et sommes-nous en ce moment dans un moindre embarras au sujet de l'être?

THÉÉTÈTE.

Il me semble que nous sommes encore plus embarrassés, s'il est possible.

 

Ξένος

Τοῦτο μὲν τοίνυν ἐνταῦθα κείσθω διηπορημένον· ἐπειδὴ δὲ ἐξ ἴσου τό τε ὂν καὶ τὸ μὴ ὂν ἀπορίας μετειλήφατον, νῦν ἐλπὶς ἤδη καθάπερ ἂν αὐτῶν θάτερον εἴτε ἀμυδρότερον εἴτε σαφέστερον ἀναφαίνηται, καὶ θάτερον οὕτως [251a] ἀναφαίνεσθαι· καὶ ἐὰν αὖ μηδέτερον ἰδεῖν δυνώμεθα, τὸν γοῦν λόγον ὅπῃπερ ἂν οἷοί τε ὦμεν εὐπρεπέστατα διωσόμεθα οὕτως ἀμφοῖν ἅμα.

Θεαίτητος

Καλῶς.

Ξένος

Λέγωμεν δὴ καθ' ὅντινά ποτε τρόπον πολλοῖς ὀνόμασι ταὐτὸν τοῦτο ἑκάστοτε προσαγορεύομεν.

Θεαίτητος

Οἷον δὴ τί; παράδειγμα εἰπέ.

 

L'ÉTRANGER.

Pour cela, c'est un point que nous pouvons laisser indécis. Mais, puisque l'être et le non-être nous embarrassent également, nous pouvons espérer maintenant que si l'un des deux 268 se présente à nous avec plus ou moins de confusion ou de netteté, l'autre se présentera à nous de la même manière; [251a] et, dans le cas même où nous ne pourrions voir ni l'un ni l'autre, nous devrions encore les poursuivre tous deux simultanément du mieux qu'il nous serait possible.

THÉÉTÈTE.

Fort bien.

L'ÉTRANGER.

Éclaircissons donc comment il se fait que nous appelons une même chose de plusieurs noms différents.

THÉÉTÈTE.

Comment ? Donne-moi un exemple.

 

Ξένος

Λέγομεν ἄνθρωπον δήπου πόλλ' ἄττα ἐπονομάζοντες, τά τε χρώματα ἐπιφέροντες αὐτῷ καὶ τὰ σχήματα καὶ μεγέθη καὶ κακίας καὶ ἀρετάς, ἐν οἷς πᾶσι καὶ ἑτέροις μυρίοις οὐ μόνον [251b] ἄνθρωπον αὐτὸν εἶναί φαμεν, ἀλλὰ καὶ ἀγαθὸν καὶ ἕτερα ἄπειρα, καὶ τἆλλα δὴ κατὰ τὸν αὐτὸν λόγον οὕτως ἓν ἕκαστον ὑποθέμενοι πάλιν αὐτὸ πολλὰ καὶ πολλοῖς ὀνόμασι λέγομεν.

Θεαίτητος

Ἀληθῆ λέγεις.

 

L'ÉTRANGER.

En parlant d'un homme, nous lui appliquons une foule de dénominations; nous le désignons par la couleur, la forme, les dimensions, des vices, des vertus; au moyen de quoi, ainsi que dans mille autres cas, nous disons non seulement [251b] que c'est un homme, mais encore qu'il est bon, ou telle et telle autre chose à l'infini. Et de même en arrive-t-il de tous les autres objets que nous envisageons chacun comme une seule chose tout en lui attribuant une foule de propriétés et de noms divers.

269 THÉÉTÈTE.

Tu as raison.

 

Ξένος

Ὅθεν γε οἶμαι τοῖς τε νέοις καὶ τῶν γερόντων τοῖς ὀψιμαθέσι θοίνην παρεσκευάκαμεν· εὐθὺς γὰρ ἀντιλαβέσθαι παντὶ πρόχειρον ὡς ἀδύνατον τά τε πολλὰ ἓν καὶ τὸ ἓν πολλὰ εἶναι, καὶ δήπου χαίρουσιν οὐκ ἐῶντες ἀγαθὸν λέγειν [251c] ἄνθρωπον, ἀλλὰ τὸ μὲν ἀγαθὸν ἀγαθόν, τὸν δὲ ἄνθρωπον ἄνθρωπον. Ἐντυγχάνεις γάρ, ὦ Θεαίτητε, ὡς ἐγᾦμαι, πολλάκις τὰ τοιαῦτα ἐσπουδακόσιν, ἐνίοτε πρεσβυτέροις ἀνθρώποις, καὶ ὑπὸ πενίας τῆς περὶ φρόνησιν κτήσεως τὰ τοιαῦτα τεθαυμακόσι, καὶ δή τι καὶ πάσσοφον οἰομένοις τοῦτο αὐτὸ ἀνηυρηκέναι.

Θεαίτητος

Πάνυ μὲν οὖν.

 

L'ÉTRANGER.

En procédant ainsi, nous allons bien régaler, je pense, nos jeunes apprentis et nos vieux entêtés. Le premier venu pourra nous objecter qu'il est impossible que plusieurs soient un, et que un soit plusieurs, et voilà nos gens enchantés de vous apprendre [251c] que homme bon ne se peut dire, et que, d'une part, l'homme est homme, et, de l'autre, le bon est bon. Tu n'es pas, je crois, Théétète, sans avoir rencontré plus d'une fois des gens qui s'adonnent à de pareilles arguties, et souvent même des vieillards qui, par pauvreté d'esprit et de connaissance, sont en admiration devant ces choses-là et s'imaginent y avoir trouvé des trésors de sagesse.

THÉÉTÈTE.

Oui, j'en ai rencontré.

 

Ξένος

Ἵνα τοίνυν πρὸς ἅπαντας ἡμῖν ὁ λόγος ᾖ τοὺς [251d] πώποτε περὶ οὐσίας καὶ ὁτιοῦν διαλεχθέντας, ἔστω καὶ πρὸς τούτους καὶ πρὸς τοὺς ἄλλους, ὅσοις ἔμπροσθεν διειλέγμεθα, τὰ νῦν ὡς ἐν ἐρωτήσει λεχθησόμενα.

Θεαίτητος

Τὰ ποῖα δή;

 

L'ÉTRANGER.

Eh bien! afin de nous adresser à tous ceux qui [251d] ont jamais raisonné d'une manière quelconque sur l'être, convenons que les questions que je vais proposer, seront dirigées contre ces derniers aussi bien que contre tous les autres avec qui déjà nous avons eu affaire.

THÉÉTÈTE.

Quelles questions?

 

Ξένος

Πότερον μήτε τὴν οὐσίαν κινήσει καὶ στάσει προσάπτωμεν μήτε ἄλλο ἄλλῳ μηδὲν μηδενί, ἀλλ' ὡς ἄμεικτα ὄντα καὶ ἀδύνατον μεταλαμβάνειν ἀλλήλων οὕτως αὐτὰ ἐν τοῖς παρ' ἡμῖν λόγοις τιθῶμεν; ἢ πάντα εἰς ταὐτὸν συναγάγωμεν ὡς δυνατὰ ἐπικοινωνεῖν ἀλλήλοις; ἢ τὰ μέν, τὰ δὲ μή; τούτων, [251e] ὦ Θεαίτητε, τί ποτ' ἂν αὐτοὺς προαιρεῖσθαι φήσομεν;

Θεαίτητος

Ἐγὼ μὲν ὑπὲρ αὐτῶν οὐδὲν ἔχω πρὸς ταῦτα ἀποκρίνασθαι.

Ξένος

Τί οὖν οὐ καθ' ἓν ἀποκρινόμενος ἐφ' ἑκάστου τὰ συμβαίνοντα ἐσκέψω;

Θεαίτητος

Καλῶς λέγεις.

Ξένος

Καὶ τιθῶμέν γε αὐτοὺς λέγειν, εἰ βούλει, πρῶτον μηδενὶ μηδὲν μηδεμίαν δύναμιν ἔχειν κοινωνίας εἰς μηδέν. Οὐκοῦν κίνησίς τε καὶ στάσις οὐδαμῇ μεθέξετον οὐσίας;

 

270 L'ÉTRANGER.

C'est de savoir si nous ôterons l'être au mouvement et au repos, et en général si nous exclurons toute chose quelconque de toute autre chose, et si nous établirons en principe que chacune est essentiellement inalliable et ne peut participer d'aucune autre; ou bien si nous les mettrons toutes ensemble, comme étant susceptibles d'une certaine communauté entre elles; ou enfin si nous le ferons pour quelques-unes et pour d'autres non? Que pensons-nous, [251e] Théétète, que nos sages veuillent choisir de ces trois partis?

THÉÉTÈTE.

A cet égard, je ne saurais répondre pour eux. Que ne te charges-tu toi-même de faire l'une après l'autre chacune de ces trois réponses, pour voir ce qui en pourra résulter?

L'ÉTRANGER.

C'est bien dit. Supposons donc, en premier lieu, si tu le veux, qu'ils nous disent : nulle chose n'a la propriété d'entrer en communication d'une manière quelconque avec nulle autre chose. En ce cas, le mouvement et le repos ne participeront en rien de l'être.

 

[252a] Θεαίτητος

Οὐ γὰρ οὖν.

Ξένος

Τί δέ; Ἔσται πότερον αὐτῶν οὐσίας μὴ προσκοινωνοῦν;

Θεαίτητος

Οὐκ ἔσται.

Ξένος

Ταχὺ δὴ ταύτῃ γε τῇ συνομολογίᾳ πάντα ἀνάστατα γέγονεν, ὡς ἔοικεν, ἅμα τε τῶν τὸ πᾶν κινούντων καὶ τῶν ὡς ἓν ἱστάντων καὶ ὅσοι κατ' εἴδη τὰ ὄντα κατὰ ταὐτὰ ὡσαύτως ἔχοντα εἶναί φασιν ἀεί· πάντες γὰρ οὗτοι τό γε εἶναι προσάπτουσιν, οἱ μὲν ὄντως κινεῖσθαι λέγοντες, οἱ δὲ ὄντως ἑστηκότ' εἶναι.

Θεαίτητος

Κομιδῇ μὲν οὖν.

 

[252a] THÉÉTÈTE.

Non, sans doute.

271 L'ÉTRANGER.

Eh quoi! l'une ou l'autre de ces deux choses pourra-t- elle exister n'ayant rien de commun avec l'être?

THÉÉTÈTE.

.Nullement.

L'ÉTRANGER.

Voilà une concession qui,,ce me semble, doit tout ébranler de prime abord, aussi bien parmi ceux qui mettent l'univers en mouvement que parmi ceux qui le tiennent en repos comme étant un, et ceux enfin, qui sans le système des  idées veulent que l'être demeure toujours invariable et dans le même état

 Car enfin tous impliquent l'être quand ils disent soit qu'il est réellement en mouvement, soit qu'il est réellement en repos.

THÉÉTÈTE

Cela est évident

 

[252b] Ξένος

Καὶ μὴν καὶ ὅσοι τοτὲ μὲν συντιθέασι τὰ πάντα, τοτὲ δὲ διαιροῦσιν, εἴτε εἰς ἓν καὶ ἐξ ἑνὸς ἄπειρα εἴτε εἰς πέρας ἔχοντα στοιχεῖα διαιρούμενοι καὶ ἐκ τούτων συντιθέντες, ὁμοίως μὲν ἐὰν ἐν μέρει τοῦτο τιθῶσι γιγνόμενον, ὁμοίως δὲ καὶ ἐὰν ἀεί, κατὰ πάντα ταῦτα λέγοιεν ἂν οὐδέν, εἴπερ μηδεμία ἔστι σύμμειξις.

Θεαίτητος

Ὀρθῶς.

Ξένος

Ἔτι τοίνυν ἂν αὐτοὶ πάντων καταγελαστότατα μετίοιεν τὸν λόγον οἱ μηδὲν ἐῶντες κοινωνίᾳ παθήματος ἑτέρου θάτερον προσαγορεύειν.

 

[252b] L'ÉTRANGER.

El ceux encore qui font l'univers tantôt un et tantôt multiple, soit qu'ils distinguent l'unité et, l'infini sorti de l'unité ou bien des éléments finis avec lesquels ils construisent un tout, qu'ils supposent que cette combinaison se renouvelle ou qu'ils la fassent éternelle, tous ces gens-là se trouvent également n'avoir rien dit de raisonnable dès qu'il n'y a aucune communauté entre les choses.

272 THÉÉTÈTE.

D'accord.

L'ÉTRANGER.

Bien mieux; ceux-là même qui ne veulent pas permettre qu'une chose soit dite d'une autre, en vertu de leur communication réciproque, seront obligés de prendre à partie leur propre langage de la manière la plus plaisante.

 

[252c] Θεαίτητος

Πῶς;

Ξένος

Τῷ τε “εἶναί” που περὶ πάντα ἀναγκάζονται χρῆσθαι καὶ τῷ “χωρὶς” καὶ τῷ “τῶν ἄλλων” καὶ τῷ “καθ' αὑτὸ” καὶ μυρίοις ἑτέροις, ὧν ἀκρατεῖς ὄντες εἴργεσθαι καὶ μὴ συνάπτειν ἐν τοῖς λόγοις οὐκ ἄλλων δέονται τῶν ἐξελεγξόντων, ἀλλὰ τὸ λεγόμενον οἴκοθεν τὸν πολέμιον καὶ ἐναντιωσόμενον ἔχοντες, ἐντὸς ὑποφθεγγόμενον ὥσπερ τὸν ἄτοπον Εὐρυκλέα περιφέροντες ἀεὶ πορεύονται.

 

[252c] THÉÉTÈTE.

Comment cela ?

L'ÉTRANGER.

Il faut bien à toute force qu'ils se servent des mots être, séparément, le même, autre, et de mille autres du même genre, incapables qu'ils sont de s'empêcher de les mêler dans leurs discours; de sorte qu'ils n'ont besoin de personne qui les réfute, mais qu'ils logent, comme on dit, l'ennemi avec eux, et vont portant partout en eux-mêmes leur contradicteur, comme ce pauvre fou d'Euryclès (15).

 

[252d] Θεαίτητος

Κομιδῇ λέγεις ὅμοιόν τε καὶ ἀληθές.

Ξένος

Τί δ', ἂν πάντα ἀλλήλοις ἐῶμεν δύναμιν ἔχειν ἐπικοινωνίας;

Θεαίτητος

Τοῦτο μὲν οἷός τε κἀγὼ διαλύειν.

Ξένος

Πῶς;

Θεαίτητος

Ὅτι κίνησίς τε αὐτὴ παντάπασιν ἵσταιτ' ἂν καὶ στάσις αὖ πάλιν αὐτὴ κινοῖτο, εἴπερ ἐπιγιγνοίσθην ἐπ' ἀλλήλοιν.

Ξένος

Ἀλλὰ μὴν τοῦτό γέ που ταῖς μεγίσταις ἀνάγκαις ἀδύνατον, κίνησίν τε ἵστασθαι καὶ στάσιν κινεῖσθαι;

Θεαίτητος

Πῶς γὰρ οὔ;

Ξένος

Τὸ τρίτον δὴ μόνον λοιπόν.

Θεαίτητος

Ναί.

 

[252d] THÉÉTÈTE.

En effet, cela se ressemble beaucoup, et tu as bien raison.

L'ÉTRANGER.

Mais quoi ! nous laissons à toute» les choses le pouvoir de communiquer entre elles?

273 THÉÉTÈTE.

Pour cette supposition, je me chargerais de la réfuter moi-même.

L'ÉTRANGER.

Comment?

THÉÉTÈTE.

Parce que le mouvement serait en repos, et qu'à son tour le repos serait en mouvement, si l'un et l'autre communiquait entre eux; il est pourtant de la dernière impossibilité que le mouvement soit en repos et que le repos se meuve.

L'ÉTRANGER.

Soit. Reste la troisième supposition.

THÉÉTÈTE.

 Oui.

 

[252e] Ξένος

Καὶ μὴν ἕν γέ τι τούτων ἀναγκαῖον, ἢ πάντα ἢ μηδὲν ἢ τὰ μὲν ἐθέλειν, τὰ δὲ μὴ συμμείγνυσθαι.

Θεαίτητος

Πῶς γὰρ οὔ;

Ξένος

Καὶ μὴν τά γε δύο ἀδύνατον ηὑρέθη.

Θεαίτητος

Ναί.

Ξένος

Πᾶς ἄρα ὁ βουλόμενος ὀρθῶς ἀποκρίνεσθαι τὸ λοιπὸν τῶν τριῶν θήσει.

Θεαίτητος

Κομιδῇ μὲν οὖν.

 

[252e] L'ÉTRANGER.

Il faut bien enfin que l'une de ces trois suppositions soit vraie, que tout peut se .mêler, que rien ne le peut, ou qu!il y a des choses qui le peuvent et d'autres qui ne le peuvent pas.

THÉÉTÈTE

Certainement.

L'ÉTRANGER

Or, nous avons vu que les deux premières sont impossibles

THÉÉTÈTE.

Oui.

274 L'ÉTRANGER.

. Ainsi, c'est à la dernière qu'il faut s'en tenir si l'on veut bien répondre.

THÉÉTÈTE.

Évidemment.

 

Ξένος

Ὅτε δὴ τὰ μὲν ἐθέλει τοῦτο δρᾶν, τὰ δ' οὔ, σχεδὸν [253a] οἷον τὰ γράμματα πεπονθότ' ἂν εἴη. Καὶ γὰρ ἐκείνων τὰ μὲν ἀναρμοστεῖ που πρὸς ἄλληλα, τὰ δὲ συναρμόττει.

Θεαίτητος

Πῶς δ' οὔ;

Ξένος

Τὰ δέ γε φωνήεντα διαφερόντως τῶν ἄλλων οἷον δεσμὸς διὰ πάντων κεχώρηκεν, ὥστε ἄνευ τινὸς αὐτῶν ἀδύνατον ἁρμόττειν καὶ τῶν ἄλλων ἕτερον ἑτέρῳ.

Θεαίτητος

Καὶ μάλα γε.

Ξένος

Πᾶς οὖν οἶδεν ὁποῖα ὁποίοις δυνατὰ κοινωνεῖν, ἢ τέχνης δεῖ τῷ μέλλοντι δρᾶν ἱκανῶς αὐτό;

Θεαίτητος

Τέχνης.

Ξένος

Ποίας;

Θεαίτητος

Τῆς γραμματικῆς.

 

L'ÉTRANGER.

Puisqu'il y a des choses qui peuvent se mêler et d'autres qui ne le peuvent pas, [253a] c'est à peu près de même que pour les lettres de l'alphabet, dont les unes s'accordent et les autres ne s'accordent pas ensemble.

THÉÉTÈTE.

Cela est vrai.

L'ÉTRANGER.

Les voyelles ont sur les autres lettres ce privilège de s'interposer entre toutes et de leur servir de lien, tellement que, sans le secours de quelques voyelles, il est impossible de faire accorder les autres lettres entre elles.

THÉÉTÈTE.

Tout-à-fait.

L'ÉTRANGER.

Mais tout le monde sait-il distinguer les lettres qui peuvent être alliées entre elles de celles qui ne le peuvent pas, ou bien faut-il un art pour opérer comme il faut ces alliances?

THÉÉTÈTE,

Il faut un art.

275 L'ÉTRANGER.

Et quel art?

THÉÉTÈTE.

La grammaire.

 

[253b] Ξένος

Τί δέ; Περὶ τοὺς τῶν ὀξέων καὶ βαρέων φθόγγους ἆρ' οὐχ οὕτως; ὁ μὲν τοὺς συγκεραννυμένους τε καὶ μὴ τέχνην ἔχων γιγνώσκειν μουσικός, ὁ δὲ μὴ συνιεὶς ἄμουσος;

Θεαίτητος

Οὕτως.

Ξένος

Καὶ κατὰ τῶν ἄλλων δὴ τεχνῶν καὶ ἀτεχνιῶν τοιαῦτα εὑρήσομεν ἕτερα.

Θεαίτητος

Πῶς δ' οὔ;

 

[253b] L'ÉTRANGER.

Et n'en est-il pas de même à l'égard des sons graves ou aigus? Celui qui possède l'art de connaître les sons qui peuvent ou ne peuvent pas s'accorder, n'est-ce pas un musicien, et celui qui n'y entend rien un homme ignorant en musique?

THÉÉTÈTE.

Oui.

L'ÉTRANGER.

Autant en pourrions-nous dire pour les autres arts.

THÉÉTÈTE.

Tu as raison.

 

Ξένος

Τί δ'; Ἐπειδὴ καὶ τὰ γένη πρὸς ἄλληλα κατὰ ταὐτὰ μείξεως ἔχειν ὡμολογήκαμεν, ἆρ' οὐ μετ' ἐπιστήμης τινὸς ἀναγκαῖον διὰ τῶν λόγων πορεύεσθαι τὸν ὀρθῶς μέλλοντα δείξειν ποῖα ποίοις συμφωνεῖ τῶν γενῶν καὶ ποῖα ἄλληλα [253c] οὐ δέχεται; καὶ δὴ καὶ διὰ πάντων εἰ συνέχοντ' ἄττ' αὔτ' ἐστιν, ὥστε συμμείγνυσθαι δυνατὰ εἶναι, καὶ πάλιν ἐν ταῖς διαιρέσεσιν, εἰ δι' ὅλων ἕτερα τῆς διαιρέσεως αἴτια;

Θεαίτητος

Πῶς γὰρ οὐκ ἐπιστήμης δεῖ, καὶ σχεδόν γε ἴσως τῆς μεγίστης;

Ξένος

Τίν' οὖν αὖ [νῦν] προσεροῦμεν, ὦ Θεαίτητε, ταύτην; ἢ πρὸς Διὸς ἐλάθομεν εἰς τὴν τῶν ἐλευθέρων ἐμπεσόντες ἐπιστήμην, καὶ κινδυνεύομεν ζητοῦντες τὸν σοφιστὴν πρότερον ἀνηυρηκέναι τὸν φιλόσοφον;

Θεαίτητος

Πῶς λέγεις;

 

L'ÉTRANGER.

Eh bien! puisque nous reconnaissons que les genres sont de même susceptibles de mélange, n'est-il pas nécessaire de posséder une certaine science pour conduire son raisonnement, quand on veut démontrer quels sont ceux de ces genres qui s'accordent entre eux et ceux qui ne s'accordent pas, ou rechercher si les genres se tiennent en toutes choses de manière à pouvoir se mêler indistinctement les uns avec les autres, 276 [253c] et réciproquement, en prenant les choses par la division, s'il y a quelque raison opposée de diviser et de séparer les uns des autres tous les genres.

THÉÉTÈTE.

Comment ne faudrait-il pas pour cela une science, et peut-être même la plus haute?

L'ÉTRANGER.

Et de quel nom, Théétète, la nommerons-nous? Par Jupiter! en serions-nous venus, sans nous en douter, à la science des hommes libres, et tout en cherchant le sophiste, aurions-nous d abord trouvé le philosophe?

THÉÉTÈTE.

Que veux-tu dire?

 

[253d] Ξένος

Τὸ κατὰ γένη διαιρεῖσθαι καὶ μήτε ταὐτὸν εἶδος ἕτερον ἡγήσασθαι μήτε ἕτερον ὂν ταὐτὸν μῶν οὐ τῆς διαλεκτικῆς φήσομεν ἐπιστήμης εἶναι;

Θεαίτητος

Ναί, φήσομεν.

 

[253d] L'ÉTRANGER.

Diviser par genres, ne pas prendre pour différents ceux qui sont identiques, ni pour identiques ceux qui sont différents, ne dirons-nous pas que c'est l'œuvre de la science dialectique?

THÉÉTÈTE.

Oui, nous le dirons.

 

Ξένος

Οὐκοῦν ὅ γε τοῦτο δυνατὸς δρᾶν μίαν ἰδέαν διὰ πολλῶν, ἑνὸς ἑκάστου κειμένου χωρίς, πάντῃ διατεταμένην ἱκανῶς διαισθάνεται, καὶ πολλὰς ἑτέρας ἀλλήλων ὑπὸ μιᾶς ἔξωθεν περιεχομένας, καὶ μίαν αὖ δι' ὅλων πολλῶν ἐν ἑνὶ συνημμένην, καὶ πολλὰς χωρὶς πάντῃ διωρισμένας· τοῦτο δ' [253e] ἔστιν, ᾗ τε κοινωνεῖν ἕκαστα δύναται καὶ ὅπῃ μή, διακρίνειν κατὰ γένος ἐπίστασθαι.

Θεαίτητος

Παντάπασι μὲν οὖν.

Ξένος

Ἀλλὰ μὴν τό γε διαλεκτικὸν οὐκ ἄλλῳ δώσεις, ὡς ἐγᾦμαι, πλὴν τῷ καθαρῶς τε καὶ δικαίως φιλοσοφοῦντι.

Θεαίτητος

Πῶς γὰρ ἂν ἄλλῳ δοίη τις;

 

L'ÉTRANGER.

Ainsi celui qui est capable de faire ce travail, démêle comme il faut l'idée unique répandue dans une multitude d'individus qui existent séparément les uns des autres; puis une multitude d'idées différentes renfermée dans une idée générale; puis encore une multitude d'idées générales  277 contenue dans une idée supérieure, et d'un autre côté une multitude d'idées absolument séparées les unes des autres. [253a] Voilà ce qui s'appelle savoir discerner, au moyen de la division par genres, ceux qui s'allient ou ne s'allient pas entre eux.

THÉÉTÈTE.

Fort bien.

L'ÉTRANGER.

Mais cet art de la dialectique, tu ne l'attribueras, si je ne me trompe, à nul autre qu'à celui qui s'applique à la philosophie avec une âme pure et droite.

THÉÉTÈTE.

Oui, car à quel autre pourrait-on l'attribuer?

 

Ξένος

Τὸν μὲν δὴ φιλόσοφον ἐν τοιούτῳ τινὶ τόπῳ καὶ νῦν καὶ ἔπειτα ἀνευρήσομεν ἐὰν ζητῶμεν, ἰδεῖν μὲν χαλεπὸν [254a] ἐναργῶς καὶ τοῦτον, ἕτερον μὴν τρόπον ἥ τε τοῦ σοφιστοῦ χαλεπότης ἥ τε τούτου.

Θεαίτητος

Πῶς;

Ξένος

Ὁ μὲν ἀποδιδράσκων εἰς τὴν τοῦ μὴ ὄντος σκοτεινότητα, τριβῇ προσαπτόμενος αὐτῆς, διὰ τὸ σκοτεινὸν τοῦ τόπου κατανοῆσαι χαλεπός· ἦ γάρ;

Θεαίτητος

῎Ροικεν.

 

L'ÉTRANGER.

C'est donc en quelque endroit semblable que nous trouverons le philosophe, soit aujourd'hui, soit plus tard, si nous nous mettons une fois à le chercher, [254a] quoique celui-là ne soit pas non plus facile à bien voir. Pourtant la difficulté est ici d'une tout autre sorte que pour le sophiste.

THÉÉTÈTE.

Comment?

L'ÉTRANGER.

L'un s'enfuit dans les ténèbres du non-être, et s'y établit comme dans une retraite qui lui est familière ; c'est l'obscurité du lieu qui le rend difficile à reconnaître, n'est-il pas vrai?

278 THÉÉTÈTE.

Je le crois.

 

Ξένος

Ὁ δέ γε φιλόσοφος, τῇ τοῦ ὄντος ἀεὶ διὰ λογισμῶν προσκείμενος ἰδέᾳ, διὰ τὸ λαμπρὸν αὖ τῆς χώρας οὐδαμῶς εὐπετὴς ὀφθῆναι· τὰ γὰρ τῆς τῶν πολλῶν ψυχῆς ὄμματα [254b] καρτερεῖν πρὸς τὸ θεῖον ἀφορῶντα ἀδύνατα.

Θεαίτητος

Καὶ ταῦτα εἰκὸς οὐχ ἧττον ἐκείνων οὕτως ἔχειν.

Ξένος

Οὐκοῦν περὶ μὲν τούτου καὶ τάχα ἐπισκεψόμεθα σαφέστερον, ἂν ἔτι βουλομένοις ἡμῖν ᾖ· περὶ δὲ τοῦ σοφιστοῦ που δῆλον ὡς οὐκ ἀνετέον πρὶν ἂν ἱκανῶς αὐτὸν θεασώμεθα.

Θεαίτητος

Καλῶς εἶπες.

 

L'ÉTRANGER.

Mais pour le philosophe, dont la pensée est en commerce perpétuel avec l'idée de l'être, c'est à cause de l'éclat de cette région qu'il n'est nullement aisé à apercevoir ; car, chez la plupart des hommes, les yeux de l'âme [254b] ne sont pas de force à soutenir longtemps la vue des choses divines.

THÉÉTÈTE.

Cette explication me paraît aussi probable que l'autre.

L'ÉTRANGER.

Peut-être chercherons-nous tout à l'heure à mieux connaître le philosophe, si le cœur nous en dit encore; mais, pour le sophiste, il est évident que nous ne devons pas le laisser aller avant de l'avoir suffisamment considéré.

THÉÉTÈTE.

C'est bien dit.

 

Ξένος

Ὅτ' οὖν δὴ τὰ μὲν ἡμῖν τῶν γενῶν ὡμολόγηται κοινωνεῖν ἐθέλειν ἀλλήλοις, τὰ δὲ μή, καὶ τὰ μὲν ἐπ' ὀλίγον, τὰ δ' ἐπὶ πολλά, τὰ δὲ καὶ διὰ πάντων οὐδὲν κωλύειν τοῖς [254c] πᾶσι κεκοινωνηκέναι, τὸ δὴ μετὰ τοῦτο συνεπισπώμεθα τῷ λόγῳ τῇδε σκοποῦντες, μὴ περὶ πάντων τῶν εἰδῶν, ἵνα μὴ ταραττώμεθα ἐν πολλοῖς, ἀλλὰ προελόμενοι τῶν μεγίστων λεγομένων ἄττα, πρῶτον μὲν ποῖα ἕκαστά ἐστιν, ἔπειτα κοινωνίας ἀλλήλων πῶς ἔχει δυνάμεως, ἵνα τό τε ὂν καὶ μὴ ὂν εἰ μὴ πάσῃ σαφηνείᾳ δυνάμεθα λαβεῖν, ἀλλ' οὖν λόγου γε ἐνδεεῖς μηδὲν γιγνώμεθα περὶ αὐτῶν, καθ' ὅσον ὁ τρόπος ἐνδέχεται τῆς νῦν σκέψεως, ἐὰν ἄρα ἡμῖν πῃ [254d] παρεικάθῃ τὸ μὴ ὂν λέγουσιν ὡς ἔστιν ὄντως μὴ ὂν ἀθῴοις ἀπαλλάττειν.

 

L'ÉTRANGER.

Nous sommes tombés d'accord qu'il y a des genres qui peuvent s'associer entre eux, d'autres qui ne le peuvent pas; que les uns peuvent s'associer à un petit nombre de genres seulement, d'autres à un grand nombre, d'autres enfin à tous [254c] et de toutes les manières. Poursuivons main-  279 tenant en examinant non pas toutes les idées, de peur de nous perdre dans cette multitude, mais quelques-unes choisies parmi celles que l'on appelle les plus grandes; considérons d'abord ce quelles sont chacune à part, ensuite jusqu'à quel point elles sont susceptibles d'être associées les unes avec les autres, afin que si nous ne pouvons pas obtenir une connaissance parfaitement claire de l'être et du non-être, du moins nous ne nous trouvions pas dans l'impossibilité d'en rendre compte, dans les limites mêmes de la question que nous nous sommes posée, celle de savoir si nous pouvons dire [254d] impunément du non-être qu'il est réellement sans existence.

 

Θεαίτητος

οὐκοῦν χρή.

Ξένος

Μέγιστα μὴν τῶν γενῶν ἃ νυνδὴ διῇμεν τό τε ὂν αὐτὸ καὶ στάσις καὶ κίνησις.

Θεαίτητος

Πολύ γε.

Ξένος

Καὶ μὴν τώ γε δύο φαμὲν αὐτοῖν ἀμείκτω πρὸς ἀλλήλω.

Θεαίτητος

Σφόδρα γε.

Ξένος

Τὸ δέ γε ὂν μεικτὸν ἀμφοῖν· ἐστὸν γὰρ ἄμφω που.

Θεαίτητος

Πῶς δ' οὔ;

Ξένος

Τρία δὴ γίγνεται ταῦτα.

Θεαίτητος

Τί μήν;

Ξένος

Οὐκοῦν αὐτῶν ἕκαστον τοῖν μὲν δυοῖν ἕτερόν ἐστιν, αὐτὸ δ' ἑαυτῷ ταὐτόν.

[254e] Θεαίτητος

Οὕτως.

 

THÉÉTÈTE.

C'est ce qu'il faut faire.

L'ÉTRANGER.

De tous les genres dont nous avons parlé tout à l'heure, les plus grands sont l'être lui-même, le repos et le mouvement.

THÉÉTÈTE.

Sans contredit.

L'ÉTRANGER.

Nous avons dit que les deux derniers ne peuvent pas être mêlés l'un avec l'autre?

THÉÉTÈTE.

Oui.

280 L'ÉTRANGER.

Mais l'être peut être mêlé avec tous les deux ; car tous deux ils sont.

THÉÉTÈTE.

Sans doute.

L'ÉTRANGER.

Ainsi, cela fait trois.

THÉÉTÈTE.

Certainement.

L'ÉTRANGER.

Et chacun d'eux est autre que les deux autres, et le même que soi.

[254e] THÉÉTÈTE.

Oui.

 

Ξένος

Τί ποτ' αὖ νῦν οὕτως εἰρήκαμεν τό τε ταὐτὸν καὶ θάτερον; πότερα δύο γένη τινὲ αὐτώ, τῶν μὲν τριῶν ἄλλω, συμμειγνυμένω μὴν ἐκείνοις ἐξ ἀνάγκης ἀεί, καὶ περὶ πέντε ἀλλ' οὐ περὶ τριῶν ὡς ὄντων αὐτῶν σκεπτέον, ἢ τό τε ταὐτὸν [255a] τοῦτο καὶ θάτερον ὡς ἐκείνων τι προσαγορεύοντες λανθάνομεν ἡμᾶς αὐτούς;

Θεαίτητος

Ἴσως.

Ξένος

Ἀλλ' οὔ τι μὴν κίνησίς γε καὶ στάσις οὔθ' ἕτερον οὔτε ταὐτόν ἐστι.

Θεαίτητος

Πῶς;

Ξένος

Ὅτιπερ ἂν κοινῇ προσείπωμεν κίνησιν καὶ στάσιν, τοῦτο οὐδέτερον αὐτοῖν οἷόν τε εἶναι.

Θεαίτητος

Τί δή;

 

L'ÉTRANGER.

Mais qu'est-ce que nous venons de dire encore, l'autre et le même? Sont-ce deux genres différents de ces trois-là, et qui pourtant soient toujours nécessairement mêlés avec eux, et cela fait-il en tout cinq genres à examiner au lieu de trois? Ou bien ne nous sommes-nous pas aperçus [255a] que nous ne donnions ces noms de même et d'autre qu'à l'un de ces trois genres?

THÉÉTÈTE.

Peut-être.

L'ÉTRANGER.

Cependant ni le mouvement ni le repos ne sont l'autre ni le même.

281 THÉÉTÈTE.

Comment ?

L'ÉTRANGER.

Ce que nous attribuons en commun au repos et au mouvement, ne peut être ni le repos ni le mouvement.

THÉÉTÈTE.

Et pourquoi?

 

Ξένος

Κίνησίς τε στήσεται καὶ στάσις αὖ κινηθήσεται· περὶ γὰρ ἀμφότερα θάτερον ὁποτερονοῦν γιγνόμενον αὐτοῖν ἀναγκάσει μεταβάλλειν αὖ θάτερον ἐπὶ τοὐναντίον τῆς αὑτοῦ [255b] φύσεως, ἅτε μετασχὸν τοῦ ἐναντίου.

Θεαίτητος

Κομιδῇ γε.

Ξένος

Μετέχετον μὴν ἄμφω ταὐτοῦ καὶ θατέρου.

Θεαίτητος

Ναί.

Ξένος

Μὴ τοίνυν λέγωμεν κίνησίν γ' εἶναι ταὐτὸν ἢ θάτερον, μηδ' αὖ στάσιν.

Θεαίτητος

Μὴ γάρ.

Ξένος

Ἀλλ' ἆρα τὸ ὂν καὶ τὸ ταὐτὸν ὡς ἕν τι διανοητέον ἡμῖν;

Θεαίτητος

Ἴσως.

 

L'ÉTRANGER.

C'est qu'alors et le mouvement se mettra en repos et le repos en mouvement; car si l'un des deux, quel qu'il soit, tient de tous deux, l'autre sera forcé de se changer dans le contraire [255b] de sa nature, puisqu'il participe de ce contraire.

THÉÉTÈTE.

Évidemment.

L'ÉTRANGER.

Or tous deux participent du même et de l'autre.

THÉÉTÈTE.

Oui.

L'ÉTRANGER.

Ne disons donc pas que le mouvement est le même ou l'autre, ni le repos non plus.

THÉÉTÈTE.

Soit.

L'ÉTRANGER.

Mais peut-être devrons-nous considérer l'être et le même comme ne faisant qu'un?

282 THÉÉTÈTE.

Peut-être.

 

Ξένος

Ἀλλ' εἰ τὸ ὂν καὶ τὸ ταὐτὸν μηδὲν διάφορον σημαίνετον, κίνησιν αὖ πάλιν καὶ στάσιν ἀμφότερα εἶναι λέγοντες [255c] ἀμφότερα οὕτως αὐτὰ ταὐτὸν ὡς ὄντα προσεροῦμεν.

Θεαίτητος

Ἀλλὰ μὴν τοῦτό γε ἀδύνατον.

Ξένος

Ἀδύνατον ἄρα ταὐτὸν καὶ τὸ ὂν ἓν εἶναι.

Θεαίτητος

Σχεδόν.

Ξένος

Τέταρτον δὴ πρὸς τοῖς τρισὶν εἴδεσιν τὸ ταὐτὸν τιθῶμεν;

Θεαίτητος

Πάνυ μὲν οὖν.

Ξένος

Τί δέ; Τὸ θάτερον ἆρα ἡμῖν λεκτέον πέμπτον; ἢ τοῦτο καὶ τὸ ὂν ὡς δύ' ἄττα ὀνόματα ἐφ' ἑνὶ γένει διανοεῖσθαι δεῖ;

Θεαίτητος

Τάχ' ἄν.

Ξένος

Ἀλλ' οἶμαί σε συγχωρεῖν τῶν ὄντων τὰ μὲν αὐτὰ καθ' αὑτά, τὰ δὲ πρὸς ἄλλα ἀεὶ λέγεσθαι.

Θεαίτητος

Τί δ' οὔ;

 

L'ÉTRANGER.

Mais si l'être et le même ne font qu'un, quand nous dirons que le mouvement et le repos sont tous les deux, nous dirons [255c] que tous les deux sont le même, par cela que tous les deux sont.

THÉÉTÈTE.

C'est pourtant une chose impossible.

L'ÉTRANGER.

Ainsi il est impossible que l'être et le même ne fassent qu'un.

THÉÉTÈTE.

A ce qu'il semble.

L'ÉTRANGER.

Poserons-nous donc le même comme une quatrième idée différente des trois autres ?

THÉÉTÈTE.

Certainement.

L'ÉTRANGER.

Mais quoi? faut-il faire de l'autre une cinquième espèce, ou bien considérer l'autre et l'être comme deux noms d'un seul et même genre ?

THÉÉTÈTE.

Peut-être bien.

L'ÉTRANGER. .

Tu m'accorderas, je pense, que parmi tout ce 283 qui est il y à des choses dont on parte comme étant en elles-mêmes, et des choses dont on ne parle que relativement à d autres?

THÉÉTÈTE.

Assurément.

 

[255d] Ξένος

Τὸ δέ γ' ἕτερον ἀεὶ πρὸς ἕτερον· ἦ γάρ;

Θεαίτητος

Οὕτως.

Ξένος

Οὐκ ἄν, εἴ γε τὸ ὂν καὶ τὸ θάτερον μὴ πάμπολυ διεφερέτην· ἀλλ' εἴπερ θάτερον ἀμφοῖν μετεῖχε τοῖν εἰδοῖν ὥσπερ τὸ ὄν, ἦν ἄν ποτέ τι καὶ τῶν ἑτέρων ἕτερον οὐ πρὸς ἕτερον· νῦν δὲ ἀτεχνῶς ἡμῖν ὅτιπερ ἂν ἕτερον ᾖ, συμβέβηκεν ἐξ ἀνάγκης ἑτέρου τοῦτο ὅπερ ἐστὶν εἶναι.

Θεαίτητος

Λέγεις καθάπερ ἔχει.

 

[255d] L'ÉTRANGER,

Or autre ne se dit que relativement à quelque chose d'autre. N'est -il pas vrai?

THÉÉTÈTE.

Oui.

L'ÉTRANGER.

C'est cet qui ne pourrait être si l'être et l'autre n'étaient pas entièrement différents; car si l'autre se disait, comme l'être, de ces deux manières, parmi les choses autres il y en aurait qui seraient autres sans rapport à aucune autre. Mais nous venons de vairon en général tout ce qui est autre n'est tel que comme autre que quelque autre chose.

THÉÉTÈTE.

Tu as raison.

 

 

Ξένος

Πέμπτον δὴ τὴν θατέρου φύσιν λεκτέον ἐν τοῖς [255e] εἴδεσιν οὖσαν, ἐν οἷς προαιρούμεθα.

Θεαίτητος

Ναί.

Ξένος

Καὶ διὰ πάντων γε αὐτὴν αὐτῶν φήσομεν εἶναι διεληλυθυῖαν· ἓν ἕκαστον γὰρ ἕτερον εἶναι τῶν ἄλλων οὐ διὰ τὴν αὑτοῦ φύσιν, ἀλλὰ διὰ τὸ μετέχειν τῆς ἰδέας τῆς θατέρου.

Θεαίτητος

Κομιδῇ μὲν οὖν.

Ξένος

Ὧδε δὴ λέγωμεν ἐπὶ τῶν πέντε καθ' ἓν ἀναλαμβάνοντες.

Θεαίτητος

Πῶς;

Ξένος

Πρῶτον μὲν κίνησιν, ὡς ἔστι παντάπασιν ἕτερον στάσεως. ἢ πῶς λέγομεν;

Θεαίτητος

Οὕτως.

Ξένος

Οὐ στάσις ἄρ' ἐστίν.

Θεαίτητος

Οὐδαμῶς.

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L'ÉTRANGER.

Il faut donc considérer l'autre comme la cinquième [255e] des idées que nous avons choisies.

THÉÉTÈTE.

Oui.

L'ÉTRANGER.

Et nous dirons qu'elle est répandue dans tou- 284 tes; car chacune est autre que tout le reste, non par sa nature propre, mais parce qu'elle participe à l'idée de l'autre.

THÉÉTÈTE.

Fort bien.

L'ÉTRANGER.

Voici donc ce que nous dirons de ces cinq idées, en les reprenant une à une.

THÉÉTÈTE.

Voyons.

L'ÉTRANGER.

D'abord que le mouvement est absolument différent du repos. N'est-ce pas?

THÉÉTÈTE.

D'accord.

L'ÉTRANGER.

Ainsi, il n'est point le repos.

THÉÉTÈTE.

En aucune manière.

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