MAXIME DE TYR
DISSERTATIONS
DISSERTATION
XX.
L'ami,
à quoi le distingue-t-on du flatteur (1) ?
Τίσιν χωριστέον τὸν κόλακα τοῦ φίλου.
PRODICUS, dans un de ses apologues (2), fait intervenir Hercule
près de passer de l'adolescence à l'âge viril. Il le met en face de deux
chemins, au bout de chacun desquels sont la Vertu et la Volupté, pour attirer,
chacune de son côté, ceux qui se présentent. Il donne à l'une un air
vénérable, un extérieur imposant, une démarche mesurée, une voix
harmonieuse, des yeux doux, un costume décent : à l'autre, un air de mollesse,
de délicatesse, de luxe, des yeux fripons, des allures immodestes, et une voix
sans agrément. Hercule jette un coup d'oeil sur l'une et sur l'autre ; et,
digne fils de Jupiter, après avoir dit adieu à la Volupté, il s'abandonne à
la conduite de la Vertu. Voyons; faisons aussi un apologue : supposons deux
routes ouvertes, et un homme de bien ayant à choisir. À l'entrée de l'une,
plaçons un ami, au lieu de la Vertu ; et à l'entrée de l'autre, un flatteur (3),
au lieu de la Volupté. Ils différeront entr'eux, par l'extérieur, par la
physionomie, par le costume, par l'accent, et par la démarche. L'un paraîtra
le plus agréable, et l'autre le sera véritablement. L'un, présentant la main
d'un air riant, invitera le voyageur à le suivre ; il le louera, fera
l'empressé; il prodiguera les instances, les prières; il lui montrera en
perspective de grands plaisirs, et se chargera de le conduire dans un lieu de
délices, où sont des prés fleuris, des eaux vives, des oiseaux mélodieux,
des zéphyrs agréables, des arbres touffus, des allées unies, de jolis
cirques, des jardins verdoyants, des vergers où les poires, les pommes, et les
raisins se succèdent sur leurs tiges sans interruption (4).
L'autre, au contraire, dira peu de chose, mais il dira la vérité. Il dira que
le chemin est raboteux, et qu'on y a peu de bons morceaux; qu'il faut que le
voyageur, ami de la Vertu, se mette en marche bien muni, qu'il soit prêt à
travailler, dans l'occasion, pour se reposer ensuite à son aise.
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Πρόδικος μὲν Ἡρακλέα ἄγει ἐν τῷ μύθῳ
ἄρτι ἡβάσκοντα καὶ ἀνδριζόμενον ἐπὶ διττὰς ὁδούς, Ἀρετὴν καὶ Ἡδονὴν
ἐπιστήσας ἡγεμόνας ἑκατέρᾳ τῇ ὁδῷ· ἡ μὲν αὐτῷ σοβαρὰ τῶν ἡγεμόνων, ἡ
δὲ εὐσχήμων ἰδεῖν, βαδίζουσα ἠρέμα, φθεγγομένη μουσικῶς, βλέμμα
πρᾶον ἀμπεχόνη ἀνέτη· ἡ δὲ δευτέρα θρυπτική, ἐπίχριστος, χλανιδίοις
ἐξηνθισμένη, βλέμμα ἰταμόν, βάδισμα ἄτακτον, φωνὴ ἄμουσος. Ταῦτα ὁρᾷ
καὶ ὁ Ἡρακλῆς, ἅτε Διὸς παῖς, καὶ ἀγαθὸς τὴν φύσιν, καὶ χαίρειν τῇ
Ἡδονῇ φράσας, ἐπιτρέπει ἑαυτὸν τῇ Ἀρετῇ ἄγειν. Φέρε καὶ ἡμεῖς
πλάττωμεν μῦθον, διττὰς ὁδούς, καὶ ἄνδρα ἀγαθόν, καὶ ἡγεμόνας ταῖν
ὁδοῖν, ἀντὶ μὲν τῆς Ἀρετῆς τὸν φίλον, ἀντὶ δὲ τῆς Ἡδονῆς τὸν κόλακα.
Οὐκοῦν καὶ τούτω διαφέρετον σχήματι καὶ βλέμματι καὶ ἀμπεχόνῃ
καὶ φωνῇ καὶ βαδίσματι· ὁ μὲν ὡς ἥδιστος ἰδεῖν ὤν, ὁ δὲ ὡς
ἀληθέστατος· καὶ ὁ μὲν σεσηρώς, ὀρέγων δεξιάν, παρακαλείτω τὸν ἄνδρα
ἕπεσθαι αὐτῷ, ἐπαινῶν, καὶ κυλινδαίνων, καὶ ἀντιβολῶν, καὶ δεόμενος,
καὶ διηγούμενος ἐκτόπους τινὰς ἡδονάς, εἰ λαβὼν αὐτὸν ἄξει, λειμῶνας
ἀνθοῦντας, καὶ ποταμοὺς ῥέοντας, καὶ ὄρνιθας ᾄδοντας, καὶ αὔρας
προσηνεῖς, καὶ δένδρα ἀμφιλαφῆ, καὶ λείας ὁδούς, καὶ δρόμους
εὐπετεῖς, καὶ κήπους εὐθαλεῖς, ’ὄγχνας ἐπ´ ὄγχναις, καὶ μῆλα ἐπὶ
μήλοις, καὶ σταφυλὴν σταφυλῇ ἐπιφυομένην· ‘ ὁ δὲ ἕτερος τῶν
ἡγεμόνων λέγει μὲν ὀλίγα, τὰ δὲ ἀληθῆ αὐτά, ὅτι πολλὴ μὲν τῆς ὁδοῦ ἡ
τραχεῖα, ὀλίγη δὲ εὐπετής, καὶ χρὴ τὸν ἀγαθὸν ὁδοιπόρον ἥκειν
παρεσκευασμένον, ἵνα δεῖ πόνου, μοχθήσοντα, τὴν δὲ ῥᾳστώνην ἐκ
περιουσίας ληψόμενον. |
II.
D'après ces discours, auquel des deux guides le voyageur donnera-t-il sa
confiance? Auquel. des deux la refusera-t-il? Répondons à l'auteur de cet
apologue, que s'il s'agit d'un malheureux Assyrien (5),
de Straton (6) de Phénicie, de Nicoclès de Chypre,
ou du célèbre Sybarite (7), il dédaignera l'ami,
il le prendra pour un rustre, sans politesse et sans aménité; il regardera le
flatteur comme un homme gracieux, honnête, d'une philanthropie admirable. Que
ce guide merveilleux se charge donc de cet étranger. Il le conduira, ou au feu,
comme il advint à l'Assyrien (8), ou à la misère,
comme il advint à Straton, ou aux fers, comme il advint à Nicoclès, ou à
tout autre mal véritable, sous l'appas d'un faux plaisir. Mais, si cet
étranger est de la trempe d'Hercule, il choisira celui qui conduit au vrai; il
choisira l'ami, comme Hercule choisit la Vertu.
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Ταῦτά τοι λεγόντων ποτέρῳ πείσεται;
καὶ ποίαν ἄπεισιν; Ἀποκρινώμεθα τῷ ποιητῇ τοῦ μύθου, ὅτι εἰ μὲν
Ἀσσύριός τις οὗτος εἴη κακοδαίμων ἀνήρ, ἢ Φοῖνιξ Στράτων, ἢ Νικοκλῆς
ὁ Κύπριος, ἢ ὁ Συβαρίτης ἐκεῖνος, τὸν μὲν καὶ μισήσει τῶν ἡγεμόνων,
καὶ ἡγήσεταί τινα εἶναι ἄξεινον καὶ ἀηδῆ καὶ ἄμουσον, τὸν δὲ
ἕτερον χαρίεντα καὶ προσηνῆ καὶ φιλάνθρωπον δεινῶς. Ἀγέτω δὴ λαβὼν
τὸν ἄνδρα τοῦτον ὁ καλὸς ἡγεμών· οὐκοῦν ἄξει τελευτῶν ἢ ἐπὶ πῦρ, ὡς
τὸν Ἀσσύριον· ἢ ἐπὶ πενίαν, ὡς τὸν Φοίνικα· ἢ ἐπὶ δεσμά, ὡς τὸν
Κύπριον, καὶ ἐπί τι ἄλλο διὰ ψευδοῦς ἡδονῆς ἀληθὲς κακόν. Εἰ δὲ εἴη
ἀνὴρ κατὰ τὸν Ἡρακλέα, αἱρήσεται τὸν ἀληθῆ τῶν ἡγεμόνων, τὸν φίλον,
ὥσπερ ἐκεῖνος τὴν Ἀρετήν. |
III.
Là, se termine l'apologue. Tournons-nous à présent du côté de la raison, et
cherchons, avec elle, à quel signe l'ami peut être distingué du flatteur. La
pierre-de-touche fait connaître l'or, par le frottement. Quelle sera notre
pierre-de-touche pour la flatterie et pour l'amitié? Sera-ce ce qui est le
terme de l'une et de l'autre ? Mais, si nous attendons jusque-là, cette marche
sera sujette à un autre inconvénient. Car, l'épreuve doit avoir lieu avant
toute oeuvre. Si on n'y songe qu'après qu'on est engagé, celui qui a commis
cette imprudence, ne peut plus, lorsqu'il se ravise, examiner et discerner comme
il convient. Veut-on donc que le flatteur et l'ami soient mis dans le creuset de
la don leur et de la volupté? Mais la flatterie, livrée à l'exagération et
à l'hyperbole, est la chose du monde la plus fâcheuse et la plus accablante (9);
au lieu que l'amitié est la chose du monde la plus agréable, lorsqu'elle prend
bien son temps. Ne jugeons donc point des hommes, ni par le bien, ni par le mal
qu'ils font (10). Il y aurait encore ici de
l'équivoque. Car tout le tort que peut nous causer un flatteur, c'est, ou de
nous faire dévorer notre fortune, ou de nous plonger dans la volupté. Or, la
première de ces deux choses est une bagatelle. La seconde, est le comble des
plaisirs; au lieu que l'amitié a fait plusieurs fois partager l'exil,
l'opprobre, la mort.
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Καὶ ὁ μὲν μῦθος ὡδὶ τελευτᾷ· μεταλαβὼν
δὲ ὁ λόγος πρὸς αὑτὸν σκοπείτω ἄν, τίσι διακρίναι τὸν κόλακα τοῦ
φίλου. Τὸν μὲν γὰρ χρυσὸν βασανίζει λίθος, προστριβόμενον αὐτῇ·
φιλίας δὲ δὴ καὶ κολακείας τίς ἔσται βάσανος; ἆρα τὸ ἐξ ἑκατέρου
τέλος; ἀλλ´ εἰ ἀναμενοῦμεν τὸ τέλος, ἄλλη βλάβη φθήσεται τὴν γνῶσιν·
δεῖ δὲ κρῖναι, πρὶν ἄρξασθαι χρῆσθαι· ἐὰν δὲ ὑστερῇ τῆς χρήσεως ἡ
κρίσις, ὁ χρήσασθαι φθάσας καὶ μεταγνοὺς εἰς οὐδὲν δέον τὴν κρίσιν
κατατίθεται. Βούλει τοίνυν ἡδονῇ καὶ λύπῃ κρινοῦμεν τὸν φίλον καὶ
τὸν κόλακα; Καὶ μὴν καὶ ὁ κόλαξ ὑπερβολὴν λαβὼν ἀνιαρότατον
καὶ ἐπαχθέστατον, καὶ ὁ φίλος ἥδιστον εὐτυχίαν προσλαβών. ’Μήποτε
οὖν βλάβῃ καὶ ὠφελείᾳ τοὺς ἄνδρας κριτέον.‘ Ἀμφισβητήσιμον καὶ τοῦτο
λέγεις. Ὁ μὲν γὰρ κόλαξ, κἂν βλάψῃ, ἢ εἰς χρήματα ἐζημίωσεν, ἢ εἰς
ἡδονὴν ἐξέχεεν· ὧν τὸ μὲν εἰς χρήματα κουφότατον, τὸ δὲ εἰς ἡδονὴν
τερπνότατον· διὰ δὲ φιλίας πολλοὶ ἤδη καὶ φυγῆς ἐκοινώνησαν, καὶ
ἀτιμίας συναπέλαυσαν, καὶ θανάτῳ περιέπεσον. |
IV.
Comment distinguerons-nous donc l'amitié de la flatterie, si ce n'est par les
résultats, c'est-à-dire, ou parles avantages, ou par les inconvénients ?
Voyons, examinons-les séparément l'une et l'autre. Celui qui nous conduit à
la volupté est-il un ami? Il y a grande apparence : car, si celui-là est un
ennemi, qui nous procure de la douleur, celui-là est un ami, qui se donne tous
les soins possibles pour nous procurer de la volupté. Mais il n'en est pas
ainsi. Car le Médecin le plus philanthrope, le Général le plus vigilant, le
Pilote avec lequel on a le plus de sécurité, sont ceux qui causent le plus de
douleur (11). D'un autre côté, les pères aiment
leurs enfants, et les maîtres aiment leurs disciples. Qu'y a-t-il cependant de
plus fâcheux pour un enfant, que son père, pour un disciple, que son maître?
Ulysse aussi aimait beaucoup ses compagnons, lui, qui, selon l'expression
d'Homère, « brava beaucoup de dangers, pour se sauver lui-même, et pour
ramener ses compagnons à Ithaque (12) ». Mais ses
compagnons n'étaient que des hommes intempérants, sensuels, qui se
conduisaient comme des quadrupèdes, en mangeant le succulent loto, (c'est le
terme par lequel le poète désigne ce genre de (13)
volupté). Ils se plongèrent dans toutes les dissolutions; ils se livrèrent à
toutes les voluptés que leur offrirent leurs hôtes; et ce ne fut que malgré
eux, et en faisant couler leurs larmes, qu'Ulysse put les ramener à ses
vaisseaux. Ce n'était pas ainsi que se comportait Eurymaque, parmi les amans de
Pénélope. C'était un tout autre genre de flatterie. Il permettait à ses
rivaux de manger les cochons gras, les plus belles chèvres, de boire le vin, à
longs traits, de s'amuser la nuit avec les petites servantes, de ruiner la
maison d'Ulysse, et de proposer à sa femme de convoler.
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Τῷ οὖν διακρινοῦμεν τὸν κόλακα τοῦ
φίλου; μήτε τῷ τέλει, μήτε ἡδονῇ, μήτε βλάβῃ· φέρε χωρὶς ἑκάτερον
θεασώμεθα. Ἆρά γε ὁ πρὸς ἡδονὴν ὁμιλῶν φίλος; καὶ πάνυ εἰκός· καὶ
μὴν εἰ ἐχθρὸς ὁ λύπης παρασκευαστικός, φίλος ἂν εἴη ὁ ἡδονῆς
παρασκευαστικώτατος. Τὸ δὲ οὐχ οὕτως ἔχει· καὶ γὰρ ἰατρῶν ὁ
φιλάνθρωπος λυπηρότατος, καὶ στρατηγῶν ὁ ἀκριβέστατος, καὶ
κυβερνητῶν ὁ ἀσφαλέστατος. Φιλοῦσιν δέ που καὶ παῖδας πατέρες, καὶ
διδάσκαλοι μαθητάς· καὶ τί ἂν εἴη ἀνιαρότερον, ἢ παιδὶ πατήρ, καὶ
μαθητῇ διδάσκαλος; ἐπεὶ καὶ Ὀδυσσεὺς ἐφίλει δή που τοὺς ἑαυτοῦ
ἑταίρους, ὡς πολλὰ καὶ δεινὰ ἀνέτλη ἀρνύμενος ἥν τε ψυχήν, καὶ
νόστον ἑταίρων· ἀλλ´ ἐντυχὼν ἀνδρῶν γένει ἀκολάστῳ καὶ φιληδόνῳ, οἳ
διῆγον, καθάπερ τὰ θρέμματα, λωτὸν ἐρεπτόμενοι - - - μελιηδέα, (οὕτω
γάρ που τὴν ἡδονὴν ὀνομάζει Ὅμηρος), ἀναμιχθέντας αὐτῷ τοὺς ἑταίρους
τῇ τούτων τρυφῇ, καὶ γευσαμένους τῆς ἀτοπίας τοῦ λωτοῦ, ἄκοντας καὶ
δακρύοντας λαβὼν ἐπὶ ναῦν ἄγει. Ἀλλ´ οὐχ ὁ Εὐρύμαχος τοῖς μνηστῆρσι
τοιοῦτος, ἀλλὰ τοῦ ἑτέρου γένους τοῦ κολακευτικοῦ, οἵου σιάλους σῦς
ἢ αἶγας εὐτραφεῖς συγκατακόπτειν αὐτοῖς, καὶ τοῦ οἴνου ἅδην
συνεκροφεῖν, καὶ συγκυλινδεῖσθαι ἐᾶν τῆς νυκτὸς
θεραπαινιδίοις, καὶ κείρειν οἶκον ἀνδρὸς βασιλέως, καὶ
διεπιβουλεύειν τῷ γάμῳ.
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V.
Voulez-vous donc que, mettant à part la volupté et la douleur, nous nous
bornions à placer la flatterie sous les enseignes de la méchanceté, et
l'amitié sous l'étendard de la vertu? Car, d'ailleurs, l'amitié ne va pas
sans volupté, ni la flatterie sans douleur. Ce sont deux choses, naturellement
et nécessairement, amalgamées l'une avec l'autre. Car les mères et les
nourrices aiment leurs nourrissons. Mais elles trouvent, d'ailleurs, de la
volupté à leur donner leurs soins; et on ne saurait séparer, chez elles, cet
amour de cette volupté. Agamemnon exhorte Ménélas à « être honnête envers
tout le monde, à s'abstenir d'arrogance (14) ». Pensez-vous qu'il lui ait
conseillé la flatterie? Ulysse, s'étant sauvé à la nage, sur le territoire
des Phéaciens, sort nu des broussailles dont il s'était fait un lit; il
s'avance vers une troupe de jeunes filles, qui s'amusent à jouer; il reconnaît
une Princesse ; il la compare « à Minerve, et ensuite à une belle plante (15)
» ; et il n'y a pas d'apparence que, pour ces deux compliments, Ulysse soit
jamais accusé de flatterie. C'est par l'intention, par l'intérêt, par le
motif qui fait agir l'âme, que la flatterie se distingue de l'amitié. Le
Général et le Soldat portent également les armes. Mais ils ne font pas le
même métier, dans les mêmes vues. Ils diffèrent l'un de l'autre par
l'intention. Le premier combat pour la défense et le salut de ses amis; l'autre
pour l'argent de celui qui le stipendie. L'un est de bonne volonté, l'autre
n'est qu'un mercenaire. L'on se repose sur la foi de l'un, et l'autre trompe ses
amis mêmes.
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Βούλει δὴ συνελὼν τὸν μὲν κόλακα κατὰ
τὴν μοχθηρίαν τάξαι, τὸν δὲ φίλον κατὰ τὴν ἀρετήν, λύπην
δὲ καὶ ἡδονὴν χαίρειν ἐᾶν; οὔτε γὰρ τὸ φιλεῖν ἡδονῆς ἀτυχές, οὔτε τὸ
κολακεύειν λύπης ἄμοιρον, ἀλλ´ ἑκάτερον ἐν ἑκατέρῳ φύρεται, καὶ
ἡδονὴ ἐν φιλίᾳ, καὶ λύπη ἐν κολακείαις· ἐπεὶ καὶ αἱ μητέρες καὶ αἱ
τιτθαὶ φιλοῦσιν τὰ βρέφη, καὶ πρὸς ἡδονὴν αὐτὰ θεραπεύουσιν, καὶ οὐκ
ἀφαιρήσεις αὐτῶν τὸ φιλεῖν διὰ τὴν ἡδονήν. Ὁ Ἀγαμέμνων τῷ Μενελάῳ
παραινεῖ,
πάντας κυδαίνειν,
μηδὲ μεγαλίζεο θυμῷ·
ἤ, οἴει, κολακείαν αὑτῷ ὑποτίθεται; Ὁ
Ὀδυσσεύς, ἐκνηξάμενος τῆς θαλάττης εἰς τὴν Φαιάκων γῆν, γυμνὸς
διαναστὰς ἐκ τῆς εὐνῆς, ἐντυχὼν παιζούσαις κόραις, τὴν βασιλίδα
γνωρίσας, Ἀρτέμιδι εἰκάζει αὐτήν, καὶ αὖθις φυτῷ καλῷ· καὶ οὐδεὶς ἂν
διὰ ταῦτα κόλακα εἴποι τὸν Ὀδυσσέα· προθέσει γὰρ καὶ χρείᾳ καὶ
διαθέσει ψυχῆς ὁ κόλαξ διακρίνεται τοῦ φίλου. Καὶ γὰρ ὁ ἀριστεὺς
ὅπλοις χρῆται, καὶ ὁ μισθοφόρος, καὶ οὐδεὶς αὐτῶν εἰκάζει τὰ ἔργα
κατὰ τὴν χειρουργίαν, ἀλλὰ χωρίζει τὴν ἑκατέρου χρείαν κατὰ τὴν
πρόθεσιν· ὁ μὲν γὰρ διασωστικὸς διὰ τὴν φιλίαν· ὁ δὲ μισθαρνικὸς
τῶν βουλομένων· καὶ ὁ μὲν αὐθαίρετος, ὁ δὲ ὤνιος· καὶ ὁ μὲν τοῖς
ἐνσπόνδοις πιστός, ὁ δὲ καὶ τοῖς φίλοις ἄπιστος. |
VI.
Il en est ainsi du flatteur et de l'ami. Quoiqu'ils fassent souvent l'un et
l'autre les mêmes actions, quoiqu'ils suivent les mêmes procédés, ils sont
néanmoins différents l'un de l'autre, par le motif, le but, l'intention. L'ami
met en commun avec son ami tout ce qui lui paraît un bien; et quelle qu'en soit
la sensation, fâcheuse ou agréable, il la partage également avec lui. Le
flatteur, au contraire, sans cesse occupé de satisfaire ses désirs, dirige sa
conduite vers son propre avantage. L'ami est de moitié avec son ami (16) : le
flatteur, au contraire, est concentré dans l'égoïsme. L'ami désire
d'inspirer à son ami la même passion qu'il a lui-même pour la vertu : le
flatteur, au contraire, ne cherche auprès de lui qu'à multiplier ses
jouissances. L'ami vit familièrement et de pair à compagnon avec son ami: le
flatteur, au contraire, rampe pour faire sa cour (17). L'ami n'emploie, dans son
commerce avec son ami, que de la candeur, de la vérité : le flatteur, au
contraire, n'y met que de la fausseté et de l'hypocrisie. L'ami porte ses vues
d'utilité dans l'avenir : le flatteur, au contraire, ne songe qu'à tirer parti
du présent. L'ami mérite que l'on conserve le souvenir de ses actions : le
flatteur, au contraire, a besoin que l'oubli ensevelisse ses turpitudes. L'ami
soigne ce qui est à son ami, comme bien commun : le flatteur, au contraire, le
prodigue comme bien d'autrui. L'ami ne prend qu'une part légère dans le
bonheur de son ami, mais il partage rigoureusement son malheur : le flatteur, au
contraire, est insatiable, dans la prospérité; et, dans l'adversité, c'est
celui qui y prend le moins de part. L'amitié est une chose louable : la
flatterie, au contraire, ne mérite que le blâme. L'amitié est d'un ensemble,
d'un accord réciproque : la flatterie, au contraire, ne va que d'un pied. Car
celui qui, dans le besoin d'une chose, fait la cour à celui de qui il peut
l'obtenir, met à découvert son infériorité à l'égard de ce dernier, en ce
qu'on ne lui rend pas les soins qu'il prodigue. L'ami est malheureux, s'il est
méconnu: le flatteur est perdu, s'il est pénétrée. L'amitié, mise à
l'épreuve, resserre ses noeuds : la flatterie qui est dévoilée rompt les
siens. L'amitié se fortifie avec le temps : la flatterie se décèle avec les
années. L'amitié est entièrement désintéressée : la flatterie ne va jamais
sans intérêt. S'il existe quelque relation, quelque commerce entre les Dieux
et les mortels, l'homme pieux est l'ami des Dieux: celui qui ne les honore que
parce qu'il les craint, en est le flatteur. Le premier est un être heureux : le
second est un être misérable.
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Ταύτῃ νόμιζε καὶ τὸν κόλακα διαφέρειν
τοῦ φίλου, καὶ συμπίπτειν μὲν ἑκάτερον ἑκατέρῳ πολλάκις εἰς τὰς
αὐτὰς πράξεις καὶ τὰς ὁμιλίας, διαφέρειν δὲ ἑκάτερον ἑκατέρου
τῇ χρείᾳ καὶ τῷ τέλει, καὶ τῇ διαθέσει τῆς ψυχῆς. Ὁ μὲν γὰρ φίλος τὸ
φαινόμενον αὐτῷ ἀγαθὸν εἰς κοινὸν καταθέμενος τῷ φίλῳ, ἐάν τε
λυπηρὸν τοῦτο ᾖ, ἐάν τε ἡδύ, συναπολαύει αὐτῷ ἐκ τῆς ἴσης· ὁ δὲ
κόλαξ ἐπακολουθῶν τῇ αὑτοῦ ὀρέξει οἰκονομεῖ τὴν ὁμιλίαν πρὸς τὸ
ἴδιον πλεονέκτημα· καὶ ὁ μὲν φίλος ὀρέγεται τοῦ ἴσου, ὁ δὲ κόλαξ τοῦ
ἰδίου· καὶ ὁ μὲν ἰσοτιμίας κατὰ τὴν ἀρετήν, ὁ δὲ πλεονεξίας κατὰ τὴν
ἡδονήν· καὶ ὁ μὲν ἰσηγορίας κατὰ τὴν ὁμιλίαν, ὁ δὲ ταπεινότητος κατὰ
τὴν θεραπείαν· ὁ μὲν ἀληθείας ἐν τῇ κοινωνίᾳ, ὁ δὲ ἀπάτης· καὶ ὁ μὲν
ὠφελείας τῆς εἰς τὸ μέλλον, ὁ δὲ χάριτος τῆς ἐν τῷ παρόντι· ὁ μὲν
δεῖται μνήμης ὧν ἔπραξεν, ὁ δὲ λήθης ὧν ἐπανούργησεν· ὁ μὲν ὡς
κοινῶν κήδεται, ὁ δὲ ὡς ἀλλότρια λυμαίνεται· ὁ μὲν φίλος καὶ
εὐτυχίας κοινωνὸς κουφότατος, καὶ συμφορῶν κοινωνὸς ἰσότατος·
ὁ δὲ κόλαξ εὐτυχίας μὲν κοινωνὸς ἀπληστότατος· ἐν δὲ ταῖς συμφοραῖς
ἀμικτότατος. Φιλία μὲν ἐπαινετόν, κολακεία δὲ ἐπονείδιστον· φιλία
γὰρ ἑκατέρου πρὸς ἑκάτερον ἴσην ἔχει τὴν ἀντίδοσιν, ἡ δὲ κολακεία
χωλεύει· ὁ γάρ του ἐνδεὴς θεραπεύων τὸν ἔχοντα κατὰ τὴν χρείαν,
καθόσον οὐκ ἀντιθεραπεύεται, ἐλέγχει τὸ ἄνισον. Ὁ φίλος λανθάνων
δυστυχεῖ, ὁ κόλαξ μὴ λανθάνων. Φιλία βασανιζομένη κρατύνεται,
κολακεία ἐλεγχομένη θραύεται· φιλία χρόνῳ αὔξεται, κολακεία χρόνῳ
ἐλέγχεται· φιλία χρείας ἀδεής, κολακεία χρείας ἐνδεής. Εἰ δέ
ἐστιν καὶ ἀνθρώποις πρὸς θεοὺς ἐπιμιξία, ὁ μὲν εὐσεβὴς φίλος θεῷ, ὁ
δὲ δεισιδαίμων κόλαξ θεοῦ· καὶ μακάριος εὐσεβὴς φίλος θεοῦ, δυστυχὴς
δὲ ὁ δεισιδαίμων. |
VII.
De même donc que l'ami des Dieux, fort de sa vertu, s'approche d'eux avec
confiance; et que celui qui n'a pour eux que des sentiments de crainte, à cause
de la conscience de sa méchanceté, ne va vers eux qu'en tremblant, que dénué
d'espérance, et les redoute comme s'ils étaient des tyrans; de même en est-il
de la flatterie et de l'amitié entre les hommes. La première a de la
hardiesse, de l'assurance ; l'autre est continuellement en transes, en
perplexité. Les tyrans n'ont point d'amis, les Rois n'ont point de flatteurs.
Car les Rois ont plus de ressemblance avec les Dieux que les tyrans. L'amitié
consiste dans une conformité de moeurs, au lieu que la méchanceté ne
ressemble ni à elle-même, ni à la vertu. L'homme de bien est l'ami de l'homme
de bien; car il lui ressemble. Mais un flatteur, comment serait-il le flatteur
de l'homme de bien ? Il ne saurait lui en imposer. Serait-il donc le flatteur du
méchant? Mais s'il ressemblait au méchant, il ne serait point son flatteur.
Car la flatterie n'admet point de conformité, de ressemblance; et s'il ne lui
ressemblait pas, il n'en serait point l'ami. Dans l'ordre politique, la forme de
Gouvernement où le pouvoir est entre les mains des plus gens de bien (18),
comporte beaucoup d'amitié; et la démocratie regorge de flatterie. Or, la
première de ces deux formes de Gouvernement vaut mieux que l'autre. Il n'y
avait à Lacédémone ni des Cléons, ni des Hyperbolus, flatteurs perfides d'un
peuple corrompu. À la vérité, Eupolis, dans ses Comédies (19), couvrit de
ridicule, au milieu des fêtes de Bacchus, Callias, cet homme privé, qui
portait ses flagorneries, ses adulations, dans toutes les tables, où ce genre
de talent était récompensé, avec des vases, avec des courtisanes, ou autres
voluptés non moins serviles et non moins infâmes. Mais qui aurait osé jouer
dans une Comédie, ce même peuple qui venait rire aux facéties et aux
sarcasmes d'Eupolis? Quel théâtre, quelles fêtes eût-on pu choisir? Comment
se permettre une pareille liberté envers ces foules de flatteurs, qui ne se
contentaient pas d'un médiocre salaire en festins, ou en débauches, mais qu'on
payait aux dépens du bonheur de toute la Grèce? Si les Athéniens eussent
été assez sages pour dédaigner tous ces flagorneurs, et s'abandonner aux
conseils de Nicias ou de Périclès; au lieu de perfides conducteurs, ils
auraient eu de bons guides.
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Ὅνπερ οὖν τρόπον ὁ μὲν θαρσῶν τῇ ἀρετῇ
πρόσεισιν τοῖς θεοῖς ἄνευ δέους, ὁ δὲ ταπεινὸς διὰ μοχθηρίαν μετὰ
πολλοῦ δέους, δύσελπις, καὶ δεδιὼς τοὺς θεούς, ὥσπερ τοὺς τυράννους,
τοῦτον, οἶμαι, τὸν τρόπον καὶ πρὸς ἀνθρώπους εὔελπις μὲν καὶ
θαρσαλέον ἡ φιλία, δύσελπις δὲ καὶ ἐπτηχὸς ἡ κολακεία. Τυράννῳ
οὐδεὶς φίλος, βασιλεῖ δὲ οὐδεὶς κόλαξ· βασιλεία δὲ τυραννίδος
θειότερον. Εἰ δέ ἐστιν ἡ φιλία ἰσότης τρόπου, τὸ δὲ μοχθηρὸν οὔτε
αὐτὸ αὑτῷ οὔτε τῷ χρηστῷ ἴσον, ὁ μὲν ἀγαθὸς τῷ ἀγαθῷ φίλος, ἴσος
γάρ· ὁ δὲ κόλαξ τοῦ μὲν ἀγαθοῦ πῶς ἂν εἴη κόλαξ; οὐ γὰρ ἂν λάθοι·
τοῦ δὲ μοχθηροῦ κόλαξ ὤν, εἰ μὲν εἴη ἴσος ἐκείνῳ, οὐκ ἂν εἴη κόλαξ·
οὐ γὰρ ἀνέχεται κολακεία ἰσηγορίας· εἰ δὲ οὐκ εἴη ἴσος, οὐκ ἂν εἴη
φίλος. Ἀλλὰ καὶ τῶν πολιτειῶν ἡ μὲν ἀριστοκρατία φιλίας μεστή,
δημοκρατία δὲ κολακείας ἀνάπλεως· κρείττων δὲ ἀριστοκρατία
δημοκρατίας. Οὐδεὶς ἐν Λακεδαίμονι Κλέων ἦν, οὐδὲ Ὑπέρβολος, κόλακες
πονηροὶ τρυφῶντος δήμου. Ἀλλὰ Καλλίαν μὲν ἐν Διονυσίοις
ἐκωμῴδει Εὔπολις, ἰδιώτην ἄνδρα ἐν συμποσίοις κολακευόμενον, ὅπου
τῆς κολακείας τὸ ἆθλον ἦν κύλικες καὶ ἑταῖραι καὶ ἄλλαι ταπειναὶ καὶ
ἀνδραποδώδεις ἡδοναί· τὸν δὲ δῆμον αὐτόν, τὸν τῆς Εὐπόλιδος
στωμυλίας θεατήν, ποῦ τὶς ἐλθὼν κωμῳδήσει; ἐν ποίῳ θεάτρῳ; ποίοις
Διονυσίοις; καὶ τοὺς πολλοὺς ἐκείνους κόλακας, οἷς τὰ ἆθλα ἦν οὐ
ταπεινά, οὐδὲ μέχρι γαστρὸς καὶ ἀφροδισίων ἥκοντα, ἀλλὰ αἱ τῆς
Ἑλλάδος συμφοραί; Εἰ δὲ ἤθελον Ἀθηναῖοι, παρωσάμενοι τοὺς κόλακας,
πείθεσθαι Περικλεῖ καὶ Νικίᾳ, εἶχον ἂν δημαγωγοὺς ἀντὶ κολάκων
φίλους.
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VIII.
Si nous jetons les yeux sur les Monarchies, nous verrons Mardonius flatter
Xerxès, un Barbare aduler un Barbare, un insensé flagorner un insensé, un vil
esclave ramper aux pieds d'un tyran perdu de luxe. Aussi le fruit de tant de
lâcheté et de tant de bassesse fut de mettre toute l'Asie en armes, de
fouetter la mer, de construire un pont de bateaux sur l'Hellespont, de creuser
le mont Athos; et, après tant de soins et tant d'efforts, d'être battu, mis en
déroute, et de couronner cette grande équipée par la mort de son auteur. Les
Macédoniens prodiguèrent les adulations à Alexandre. Quels en furent les
résultats ? Un costume Persan, des adorations de Barbares, et l'oubli du sang
de Philippe, d'Hercule, et des Argéades (20). Que dirons-nous des Gouvernements
despotiques ? Car, sous un Gouvernement où toutes les âmes sont comprimées
par la terreur, et par un pouvoir tyrannique, là, nécessairement la flatterie
doit fleurir, et l'amitié être enterrée. Les sciences, les beaux-arts
eux-mêmes ne sont point exempts de cette espèce de vice. Une apparente
identité de procédés conduit à. des résultats différents. Une musique
bâtarde trompa les hommes par ses flatteries, lorsque les Doriens
abandonnèrent leur musique indigène et agreste. En se passionnant pour un
nouveau genre de sons, d'instruments et de danse, au milieu de leur vie
pastorale, ils laissèrent dégénérer à la fois leur genre musical et leurs
moeurs. Une hygiène (21) bâtarde trompa les hommes par ses flatteries,
lorsque, renonçant au régime prescrit par Esculape et ses disciples, ils
créèrent l'art des Apicius (22), qui ne le vaut pas, flatteur pernicieux des
tempéraments dépravés. Il en est ainsi du sycophante, dans l'art oratoire. Il
met la raison en conflit avec la raison; il édifie l'injuste sur le juste, et
le vice sur la vertu (23). Le sophiste joue le même rôle, à l'égard de la
philosophie; et ce dernier est le plus adroit, le plus spécieux des flatteurs.
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Ἂν δὲ ἐπὶ τὰς μοναρχίας ἔλθῃς,
κολακεύει καὶ Ξέρξην Μαρδόνιος, βάρβαρος βάρβαρον, ἀνόητος ἀνόητον,
δειλὸς οἰκέτης δεσπότην τρυφῶντα· τὰ δὲ τῆς κολακείας τέλη,
ἀνίσταται ἡ Ἀσία, μαστιγοῦται ἡ θάλαττα, Ἑλλήσποντος ζεύγνυται, Ἄθως
ὀρύττεται· τέλος δὲ τῆς σπουδῆς ἧττα, καὶ φυγή, καὶ θάνατος αὐτοῦ
κόλακος. Κολακεύουσιν καὶ Ἀλέξανδρον Μακεδόνες· τῆς δὲ κολακείας τὰ
ἔργα ἀναξυρίδες Περσικαί, καὶ προσκυνήσεις βαρβαρικαί, καὶ λήθη τοῦ
Ἡρακλέως, καὶ τοῦ Φιλίππου, καὶ τῆς Ἀργεάδων ἑστίας. Τὰς δὲ
τυραννίδας τί χρὴ λέγειν; ὅπου γὰρ δέος καὶ ἐξουσία δεσποτικὸν τὸ
ἀρχόμενον ἄγχει, ἀνάγκη δεῦρο κολακείαν μὲν ἀνθεῖν, φιλίαν δὲ
κατορωρύχθαι. Ἔστιν καὶ ἐν ἐπιτηδεύμασιν καὶ τέχναις κολακείας
ἰδεῖν, ὁμοίους μὲν ταῖς τέχναις κατὰ τὸ σχῆμα, ἀνομοίους δὲ κατὰ τὰ
ἔργα. Ἐκολάκευσεν ἀνθρώπους καὶ μουσικὴ νόθος, ὅτε Δωριεῖς τὴν
πάτριον ἐκείνην καὶ ὄρειον μουσικὴν καταλιπόντες (ἦσαν ἐπ´ ἀγέλαις
καὶ ποίμναις ἦχοι), Ἰωνικῶν αὐλημάτων καὶ ὀρχημάτων ἐρασταὶ
γενόμενοι, ἐνόθευσαν ὁμοῦ τῇ μουσικῇ καὶ τὴν ἀρετήν. Ἐκολάκευσεν
ἀνθρώπους καὶ ἰατρικὴ νόθος, ὅτε τὴν Ἀσκληπιοῦ καὶ τὴν Ἀσκληπιαδῶν
ἴασιν καταλιπόντες οὐδὲν διαφέρουσαν ἀπέφηναν τὴν τέχνην ὀψοποιϊκῆς,
πονηρὰν κόλακα πονηρῶν σωμάτων. Κολακεύει καὶ συκοφάντης ῥήτορα,
λόγον λόγῳ ἐπανιστάς, καὶ ἐπιτειχίζων τὸ ἄδικον τῷ δικαίῳ, καὶ τὸ
αἰσχρὸν τῷ καλῷ. Κολακεύει καὶ σοφιστὴς φιλόσοφον· οὗτος μὲν κολάκων
ἀκριβέστατος. |
NOTES.
(1) Cette Dissertation a été traduite en latin par Jean Caselius, et
imprimée à Rostock, en 1587, in-4°. J. Adam Schier a fait imprimer à
Leipsick, en 1774, in-8°, la même Dissertation, en grec et en latin, cum notis
variorum, et avec ses propres annotations. Plutarque, a, parmi ses morales, un
Traité qui roule sur le même sujet.
(2) Le sophiste Prodicus était originaire de Chio. Il florissait du temps de
Socrate. Le Scholiaste d'Aristophane, sur le 360e vers des Nuées, parle
de cet Apologue de Prodicus. Suidas, qui en parle aussi, parait n'avoir fait que
copier ce Scholiaste. Xénophon, au commencement du second livre de ses Mémoires,
est entré dans tous les détails de cet Apologue. On peut consulter Cicéron,
dans ses Offices, liv. I . chap 32; Quintilien, dans ses Institutions
oratoires, liv. IX, chap. 2 ; Justin, martyr, dans son Apologétique,
liv. II, chap. 12; Clément d'Alexandrie, dans ses Stromates, lib. V, p.
664; Philostrate, Vie d'Apollonius, liv. VI, chap. 10; et Vie des
Sophistes, liv. I; enfin, Thémistius, Oraison XXII.
(3) La flatterie est un vice trop commun, dans la société, et trop funeste
en même temps, pour que le célèbre Théophraste, le Labruyère des Anciens,
ait négligé de nous en tracer le portrait en miniature, dans ses Caractères.
Il y a plus ; quelques Auteurs de l'antiquité prétendent que cet illustre
peintre des moeurs écrivit, sur cette matière, un Traité ex Professo, qui
n'est point parvenu jusqu'à nous, et l'on trouve, en effet, l'éloge de ce
Traité, dans le sixième livre des Dipnosophistes d'Athénée. Le même
Auteur nous apprend que Ménandre avait mis ce sujet sur la scène, ainsi
qu'Eupolis, autre poète comique, dont nous dirons un mot tout-à-l'heure.
(4) Maxime de Tyr fait allusion, dans ce passage, au jardin d'Alcinoüs, dont
Homère a fait une si délicieuse description, dans le 7e livre de l'Odyssée.
(5) De Sardanapale.
(6) Il s'agit ici de Straton, Roi de Sidon, dans la Phénicie. Athénée
raconte son histoire, au 12° livre de ses Dipnosophtstes. Il se faisait
un point d'honneur de rivaliser pour la magnificence et le luxe avec Nicoclès,
Roi de Chypre, qui en faisait autant, à. son égard. Élien, qui parle de l'un
et de l'autre, dans le chap. 2 du livre VIII de ses Histoires diverses,
remarque que ces deux Princes périrent de mort violente.
(7) Notre Auteur fait allusion à Smyndiride, ce Sybarite célèbre, dont il
a parlé plus haut, Dissert. III, sect. IX.
(8) Voici ce que Justin, l'Abréviateur de Trogne-Pompée, rapporte de la fin
tragique de Sardanapale : Victus, in regiam se recipit, et extructa incensaque
pyra, et se et divitias suas in incendium mittit, hoc solo imitatus virum. lib.
I, cap. 3.
(9) Est-ce parce que Platon n'a pas donné de la flatterie, une définition
qui la sépare de la complaisance, que Maxime de Tyr ne la donne point ? Dans le
Théætète, en effet, ce que dit Platon de la flatterie, ne la définit
pas, à beaucoup près, aussi bien que ce qu'en dit Théophraste, qui la fait
consister dans un indécent et honteux commerce de soins, d'attentions,
d'empressements, qui n'a d'autre but que l'intérêt personnel du flatteur. Aux
expressions près, la définition de Théophraste est la même que celle de St.
Chrysostome, dans sa cinquième Homélie, sur l'Épître aux Philippiens,
Κολακεία ἐστὶ καὶ ἀνελευθερία ὅταν τὶς θεραπεύῃ τινὰς ἐπὶ μηδενὶ τῶν δεόντων , ἀλλὰ θηρώμενός τι τῶν βεοτικῶν. Galien, dans son Traité de
Dignoscendis curandisque animi affectibus, indique trois signes auxquels il
reconnaît un flatteur.; 1° à la manière dont il salue l'homme puissant, ou
l'homme riche; 2° à la manière dont il marche à côté de lui; 3° à la
manière dont il se conduit à sa table; τῷ προσαγορεύειν, τῷ παραπέμπειν, τῷ συνδειπνεῖν τοῖς πολὺ δυναμένοις ἦ πλουτοῦσι
C'est-à-dire, ni par le bien
absolu, ni par le mal absolu qu'ils font.
(10)
(11) C'est-à-dire, que par la sage rigueur
avec laquelle ils font chacun leur devoir, ils ménagent moins la délicatesse
de ceux à l'égard desquels ils remplissent leurs fonctions.
(12) Voyez l'Odyssée, chant premier, 5e
vers.
(13) Il serait difficile de déterminer en quoi consistait ce fruit que les
compagnons d'Ulysse mangèrent chez les Lotophages, et qui produisit sur eux
l'effet étonnant dont parle Homère. L'Archevêque de Thessalonique, son
commentateur, Eustathe, y est lui-même très embarrassé. Il a beau mettre à
contribution Hérodote, Polybe, Athénée; il ne fait que nous laisser dans une
plus grande incertitude. Seulement il paraît constant que le loto, au moins
celui qui produisit sur les compagnons d'Ulysse l'effet des eaux du Léthé,
n'était pas une liqueur, ni par conséquent une espèce de vin, puisque le
poète dit qu'Ulysse, instruit de ce qui était arrivé à ceux des hommes de
son équipage qu'il avait envoyés pour reconnaître le pays, ne voulut pas
laisser débarquer les autres, de peur qu'ils n'allassent aussi manger du loto.
Μή πως τις λωτοῖο φαγὼν, νόστοι λάθηται
Un trait remarquable que cite Athénée, au 15e livre de ses Dipnosophistes,
en parlant du loto, c'est qu'un poète d'Alexandrie, nommé Pancratès, ayant
recueilli le sang d'un énorme lion, que l'Empereur Adrien avait tué, en
chassant dans la Lybie, au voisinage de l'Égypte, et, ayant imbibé de ce sang
la terre qui couvrait un pied de loto, la tige en devint prodigieuse et couleur
de rose; ce qui parut si curieux, et si ingénieux à l'Empereur, qu'il donna à
Pancratès une place dans le Musée d'Alexandrie.
(14) Voyez l'Iliade, 10e chant, 69e vers.
(15) Voyez l'Odyssée, 6e. chant, 151e vers.
(16) La communauté des biens, sur laquelle la philosophie a si souvent
rêvé, n'est pas plus ordinaire entre les amis, c'est-à-dire, entre ceux qui
se qualifient ainsi, qu'elle n'est praticable dans l'ordre social. Mais pourquoi
les modernes ne ressusciteraient-ils point un établissement qui existait dans
l'antiquité, et notamment chez les Grecs, institution vraiment philanthropique,
et admirable dans ses résultats, en s'abstenant, bien entendu, de la placer
sous la bannière de la superstition, l'instar de ces ci-devant confréries, qui
n'en étaient que la ridicule caricature? Laissons parler Casaubon : Ubi (ἐν τῷ Θεαφράστου ἀποσπασματίῳ ἔρανος)
quoties dictio ¦ranow
occurrit, semper referri debet ad pulcherrimum et vere pium Graecorum morem
pauperes amicos sublevandi : Fuit enim apud illos moribus receptum, ut, cum
adersam fortunam passus esset aliquis, amicorum atque sodalium facultatibus
sublevaretur : accipiebat enim ab iis pecuniæ aliquam summam, ea lege ut, si
Deus aliquando meliora daret, quantum illi erogatum esset, tantumdem ipse
restitueret. Voyez le Commentaire de Casaubon, sur les Caractères de
Théophraste, pag. 281, in-8°.
(17) Voilà le mot de Suétone : Indecora adulatio est. Voilà bien mieux le
mot de Tacite : Adulationi foedum crimen servitutis inesse. Que dirons-nous du
mot de ce Tyran, qui, selon l'expression de ce dernier historien, ne pouvait
supporter, ni les bassesses de l'adulation, ni le ton mâle de la liberté (qui
libertatem metuebat, adulationem oderat. Annal. lib. II, n°. 87 ), et
qui, honteux de la lâcheté avec laquelle le Sénat de Rome lui frayait le
chemin de l'autorité arbitraire et du despotisme, s'écriait, dans ce sentiment
: o Homines, ad servitutem paratos! Annal. lib. III. 65. Nous dirons,
qu'il y a peu d'hommes despotes par caractère, comme Sylla et Louis XI, qui,
dans leur audace, ne prennent conseil que d'eux-mêmes ; que, partout ailleurs,
c'est l'abjecte lâcheté de l'adulation, la basse servilité de la flatterie,
qui fait les Tyrans ; et que les maux des Nations, ainsi que des chefs de
Gouvernement, sont toujours l'ouvrage de ces misérables, si bien caractérisés
par un de nos premiers poètes, de ces Tigellins, qui,
Par de lâches adresses,
Des Princes malheureux nourrissent les faiblesses,
Les poussent au penchant où leur coeur est enclin,
Et leur osent da crime aplanir le chemin,
Détestables flatteurs, présent le plus funeste,
Que puisse faire aux Rois la colère céleste
Phèdre, tragéd. de Racine, act. IV, scène dern.
(18) C'est proprement, selon l'étymologie de la langue grecque,
l'aristocratie, mot fameux, dont l'acception fut si étrangement pervertie dans
les premiers temps de notre révolution.
(19) La comédie d'Eupolis, dans laquelle Caillas fut joué, était
intitulée, les Flatteurs. Aristophane a daubé ce même Caillas, dans le
284e vers de sa comédie des Oiseaux; et le Scholiaste de ce poète
remarque que Caillas était fils d'Hipponicus, qu'il dissipa, en débauches, le
bien que son père lui avait laissé, et principalement en acquittant une amende
à laquelle il fut condamné, au sujet d'un adultère,ὡς ληφθεὶς μοιχεύων, ἀποτισὰς χρήματα. La
vindicte publique atteignait donc l'adultère, à Athènes, quelque populaire
que fût la forme du Gouvernement. D'où vient donc que les rédacteurs de notre
code pénal ont retranché l'adultère de la nomenclature des crimes ? Est-ce
parce qu'ils ont présumé de la chasteté conjugale, chez nous, comme Solon
présuma de la piété filiale, chez les Athéniens, lorsqu'il s'abstint de rien
statuer contre le parricide ; ou bien, est-ce parce qu'ils n'ont pas voulu
ajouter au scandale des intrigues galantes de tous les jours, le scandale
quotidien des accusations et des procédures?
(20) Voyez Quinte-Curce, liv. VI. ch. VI, 7, chap. XI, 23, et liv. VIII,
chap. V, 5.6.
(21) Le mot Hygiène vient d'une racine grecque, qui signifie, sain, en bonne
santé. Les Médecins anciens et modernes ont donné ce nom à la partie de leur
art qui traite des règles propres à maintenir en santé le corps humain. Voyez
d'ailleurs, le Gorgias de Platon ; Apulée, de habit. Doctr. plat;
Quintilien, Institut. Orat. lib. II, cap. 15, et Ammian. Marcell. lib.
XXX. 4.
(22) Le texte porte littéralement, l'Art de la Cuisine. J'ai cru devoir
recourir ici à l'Euphémisme.
(23) Isocrate définissait l'art oratoire l'art d'agrandir les petites
choses, et de rapetisser les grandes. C'était définir l'abus de la chose, et
non la chose même.
Paris, le 9 messidor an IX. (28 juin 1801.)
FIN DU TOME PREMIER.
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