MAXIME DE TYR

 

DISSERTATIONS

 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

 

 

 

MAXIME DE TYR

 
 

DISSERTATION XXXIX.

Un Bien n'est pas plus grand qu'un autre Bien.

Εἰ ἔστιν ἀγαθὸν ἀγαθοῦ μεῖζον· ἐν ᾧ, ὅτι οὐκ ἔστιν.

 

[39,1] Οὐδὲ τοῦ Ὁμήρου ἔγωγε ἀποδέχομαι, τῷ Λυκίῳ Γλαύκῳ μεμφομένου ἀμείβοντι ὅπλα χρυσᾶ πρὸς τὰ τοῦ Διομήδους χαλκᾶ ὄντα καὶ ἐννεαβοίῳ ἑκατομβοίων ἐλαττουμένῳ. Χρηματιστὴς γὰρ ἂν τοῦτό γε αἰτιάσαιτο ἐν δίκῃ,

ἀρχὸς ναυτάων, οἷοί τε πρηκτῆρες ἔασιν,
φόρτου τε μνήμων, ---
κερδέων τε ἁρπαλέων,

μή τι γε ἀνὴρ ποιητικὸς καὶ ἀξιῶν μαθητὴς εἶναι τῆς Καλλιόπης, ᾗ μηδὲν θέμις μήτε ἐπαινεῖν τῶν αἰσχρῶν, μήτε ψέγειν τῶν καλῶν. Εἰκὸς δέ που τὸν Γλαῦκον, εἴπερ ἦν Ἱππολόχου τοῦ Βελλεροφόντου τοῦ Σισύφου τοῦ Αἰόλου, ἀγαθῶν ἁπάντων, ἐντυχόντα ἀνδρὶ ἐχθρῷ δοκοῦντι κατὰ τὴν τοῦ πολέμου τύχην, φίλῳ δὲ κατὰ τὴν τῶν πατέρων ξενίαν, ξυμβαλλόμενον φιλίαν αὖθις καὶ ἀνακαλούμενον τὴν προγενῆ οἰκειότητα, συμμετρήσασθαι τῷ καιρῷ καὶ μὴ τῇ ἀξίᾳ τῶν ὅπλων τὴν ἀπαλλαγήν, μὴ λογισμοὺς συντιθέντα χρυσοῦ καὶ χαλκοῦ, καθάπερ οἱ ἐκ Λήμνου οἰνιζόμενοι,

ἄλλοι μὲν χαλκῷ, ἄλλοι δ´ αἴθωνι σιδήρῳ,
ἄλλοι δὲ ῥινοῖς, ἄλλοι δ´ αὐτοῖσι βόεσσι.

Μέχρι μὲν γὰρ τῆς χρείας τῆς ἐν ποσὶν ἔχει λογισμοὺς ἡ ἀντίδοσις, καὶ τὸ πλέον πρὸς τοὔλαττον τῷ ἀντιστασίῳ ἐν τοῖς ἀνομοίοις κατὰ τὴν τιμὴν ἐξετάζεται. Κἂν ἐγκεκαλυμμένος γοῦν τις γνοίη, ὅτι τὸ τάλαντον τῶν δέκα μνῶν πολλαπλάσιον, καὶ ἡ δραχμὴ τοῦ ὀβολοῦ τιμαλφεστέρα· καὶ ἐν κτήσει γῆς καὶ κατὰ τὸν Ἡρόδοτον οἱ μὲν γεωργοὶ ὀργύιαις διαμετροῦνται τὴν γῆν, οἱ δὲ τούτοις ἀμφιλαφέστεροι σταδίοις, οἱ δὲ τούτων  πολὺ γεωργικώτεροι σχοινίοις, καθάπερ οἱ Αἰγύπτιοι· καὶ ἐν κτήσει θρεμμάτων  πολυκτεανώτερος τοῦ Πολυφήμου ἦν ὁ Δάρδανος,

τοῦ τρισχίλιοι ἵπποι ἔλος καταβουκολέοντο.

Ἀλλ´ ἐπειδάν τις τὰς χρείας παρωσάμενος ἀντεξετάζῃ αὐταῖς τὰ ἀγαθά, εὕροι ἄν, οἶμαι, ταύτας μὲν καιρῷ, καὶ νόμῳ, καὶ ἡδοναῖς, καὶ ἔθεσιν, καὶ τύχαις, ἄνω καὶ κάτω εἰς τιμὴν καὶ ἀτιμίαν μεταβαλλομένας· τὸ δὲ ἀγαθὸν ἑδραῖον, βέβαιον, ἀκλινές, ἰσόρροπον, κοινόν, ἀνέμητον, ἄφθονον, ἀνενδεές, μήτε αὔξησιν χωροῦν, μήτε ἐνδείας ἀνεχόμενον· τό, τε γὰρ αὐξόμενον προσθήκῃ  αὔξεται· ἀλλ´ εἰ μὲν ἀγαθὸν ἀγαθῷ προσελήλυθεν, οὐδὲν μᾶλλον ἢ προσθήκῃ νόει ἀγαθὸν τὸ ἀγαθόν, ἦν γὰρ ἀγαθὸν καὶ πρότερον· εἰ δὲ οὐκ ἀγαθὸν ἦν τὸ προσελθὸν εἰς αὔξησιν, δεινὸν λέγεις, εἰ ἔσταί τι ἀγαθὸν μεῖζον προσθήκῃ κακοῦ· τό, τε ἐνδεὲς ἐλλείψει  ἐνδεές· ἀλλ´ εἰ μὲν τοῦ ἀγαθοῦ ἀπουσίᾳ ἐνδεῖ τὸ ἀγαθόν, οὐκ ἦν ἀγαθόν, ὁπότε ἐνέδει· εἰ δὲ ἑτέρῳ ἐνδεῖ, καὶ μὴ τῷ ἀγαθῷ, οὐ λυπεῖ τὸ ἀγαθὸν ἡ ἔλλειψις.

NI moi non plus, je ne suis point de l'avis d'Homère, lorsqu'il reproche à Glaucus le Lycien, d'avoir échangé ses armes d'or contre celles de Diomède qui n'étaient que d'airain, et d'avoir donné ce qui valait dix fois davantage, pour ce qui valait dix fois moins (01). Sans doute, ce serait un légitime sujet de querelle et de contestation, pour un de ces spéculateurs qui ne songent qu'à l'argent, « pour ces navigateurs qui ne s'occupent que de leur cargaison, et du bénéfice que leur avidité s'en promet (02) ». Mais non pas pour un poète digne d'être le disciple de Calliope, cette Muse à laquelle il n'est permis ni de louer les choses honteuses, ni de blâmer les choses honnêtes (03). Or, il convenait à Glaucus, issu d'Hyppolochus, de Bellérophon, de Sisyphe, d'Eole, tous personnages de haute recommandation, lorsqu'il rencontrait un guerrier qui paraissait son ennemi, selon les lois de la guerre, mais que les liens de l'hospitalité qui avait eu lieu entre leurs pères, rendaient son ami, un guerrier qui renouait amitié avec lui, et qui invoquait la précédente liaison de leurs ancêtres ; il convenait à Glaucus de mesurer l'échange de ses armes, moins sur leur prix réel, que sur les autres circonstances, et de n'avoir nul égard à l'or ni à l'airain qui en étaient la matière, comme auraient pu faire, à Lemnos (04), des marchands qui auraient acheté du vin, « donnant en échange, les uns de l'airain, les autres du fer, ceux-ci des peaux de bœufs, ceux-là des bœufs même ». Car, en ce qui concerne les usages ordinaires de la vie, on calcule, dans les échanges, les différences de valeur ; et le plus et le moins sont balancés par des suppléments équitables. Il n'est personne qui, même les yeux bandés, ne sache qu'un talent vaut mieux que dix mines, qu'une drachme vaut mieux qu'une obole. En matière de possession territoriale, les petits propriétaires (05) mesurent les terres à la toise (06), selon Hérodote (07) ; ceux qui sont un peu plus aisés les mesurent au stade, et les plus riches les mesurent au schœne, comme chez les Egyptiens (08). S'il s'agit d'une fortune en troupeaux, Polyphème était moins riche, en ce genre, que Dardanus, « qui avait trois mille juments dans ses pâturages (09) ». D'ailleurs, si, prenant à part chacune des choses nécessaires aux besoins de la vie, on met en balance avec elle les biens réels et véritables (10), on trouvera, je pense, que les premières ont une valeur et un prix subordonné à des variations de haut et de bas, selon les temps, les lois, le goût des plaisirs, les mœurs et les conditions : au lieu que ce qui est vrai bien, est stable, solide, immuable, en équilibre avec lui-même, commun à tous les hommes, indivisible, plein, ayant tous les éléments qui conviennent à son essence, insusceptible d'accroissement ni de soustraction. Car ce qui peut recevoir de l'accroissement, en reçoit, lorsqu'on y ajoute quelque chose. Mais, si l'on ajoute un bien à un autre bien, ne regardez pas le premier bien auquel le second est ajouté, comme ayant acquis quelque chose de plus; car il était bien auparavant. Si, au contraire, ce qui est ajouté n'est point un bien, c'est se moquer que de demander si le bien croît en intensité par l'addition de ce qui est mal. Ce qui pèche par quelqu'une des qualités nécessaires à son essence, pèche par ce défaut-là même. Mais, si le Bien pèche par l'absence des qualités intégrantes du Bien, il n'est pas Bien lorsqu'il pèche par ces qualités; et s'il pèche par toute autre chose, sans pécher par les qualités intégrantes du Bien, ce défaut ne nuit point à l'essence du Bien (11).

[2] Τί δέ, οὐχὶ καὶ ταύτῃ σκοπεῖς τὸ λεγόμενον;  Καλεῖς τι ὑγείαν σώματος; τί δὲ οὐ μέλλεις; καλεῖν δὲ καὶ νόσον; φέρε οὖν διαλαβὼν ἑκάτερον φαθί. Οὐχ ἡ μὲν ὑγεία μέτρον τί ἐστιν τῆς τῶν σωμάτων εὐαρμοστίας, ἐπειδὰν ὁμολογήσῃ τῇ πρὸς τὸ ἄριστον κράσει τἀναντία, πρὸς ὕδωρ πῦρ, καὶ γῆ πρὸς ἀέρα, καὶ ἑκάτερον αὖθις αὖ πρὸς ἑκάτερον, καὶ πᾶν τι πᾶσιν; Ἔστιν οὖν ὅπως ποικίλον τι σοὶ ἡ ὑγεία ἔσται καὶ παντοδαπόν, οὐχὶ δὲ ἁπλοῦν καὶ ὡμολογημένον; Ἐπειδὰν  γὰρ μέτρον εἴπῃς, στάσιν λέγεις· οὐδὲν γὰρ τῶν συμμέτρων μεταχωρεῖν φιλεῖ ἐφ´ ἑκάτερα, ἀλλ´ εἰσὶν αὐτῶν ἀκριβεῖς οἱ ὅροι. Ἡ δ´ αὖ νόσος τί ἄλλό ἐστιν, ἢ διάλυσις καὶ ταραχὴ τῆς ἐν σώματι ἐκεχειρίας, ἐπειδὰν αὖθις συμπεσόντα ἀλλήλοις τά τε ὥσπερ πόλεως μέρη ἡρμοσμένα πολεμῇ καὶ ταράττῃ, καὶ λυμαίνηται ὑπ´ αὐτῶν τὸ σῶμα κλονούμενόν τε καὶ σπαραττόμενον καὶ σειόμενον; Ἔστιν οὖν ὅπως τὸν πόλεμον τοῦτον ἡγήσῃ ἁπλοῦν καὶ ἕνα; Ὀλίγου μέντ´ ἂν ἦν ἡ ἰατρικὴ ἀξία. Νῦν δὲ τὸ πολυμερὲς καὶ πολύφωνον τοῦ τῶν σωμάτων  πολέμου, ἃς καλοῦμεν νόσους, ἐγέννησεν τέχνην παντοδαπήν, καὶ μεστὴν ὀργάνων ποικίλων, καὶ πολλῶν φαρμάκων, καὶ σιτίων, καὶ διαιτημάτων. Κἂν ἐπὶ μουσικὴν ἔλθῃς, τὸ μὲν ἡρμοσμένον κἀνταῦθα ἕν, οὔτε κρεῖττον αὐτὸ αὑτοῦ γιγνόμενον, οὔτε ἔλαττον· τὸ δὲ ἀνάρμοστον πολύ, καὶ παντοδαπόν, καὶ διῃρημένον. Οὕτω καὶ χορὸς 〈ὁ〉 ὁμολογήσας μὲν εἰς ὁμοφωνίαν· μὴ ὁμολογῶν δέ, σχίζεται καὶ διαχεῖται καὶ σκεδάννυται καὶ πλῆθος γίγνεται. Οὕτω καὶ τριήρης, ἐρεσσομένη ὑπ´ αὐλῷ, τὴν πολυχειρίαν συνάπτει τῇ ὁμοιότητι τῆς εἰρεσίας·  ἐὰν δὲ ἀπαλλάξῃς τὸν αὐλόν, διέλυσας αὐτῆς τὴν χειρουργίαν. Οὕτω καὶ ὑφ´ ἡνιόχῳ ἅρμα εὐθύνεται κοινῷ δρόμῳ καὶ θυμῷ ἑνί· ἐὰν δὲ ἀφέλῃς τὸν ἡνίοχον, ἐσκέδασας τὸ ἅρμα. Οὕτω καὶ στρατόπεδον συντάττεται ὑπὸ συνθήματι ἑνί· ἐὰν δὲ ἀφέλῃς τὸ σύνθημα, διέλυσας τὴν φάλαγγα εἰς πλήθους φυγήν.

II. Quoi donc ! cela ne suffit-il point pour faire entendre ce que je veux dire? N'y a-t-il pas telle chose que nous appelons la santé du corps ? Sans doute. N'y a-t-il pas telle autre chose que nous appelons la maladie ? Fort bien. Considérons séparément chacune de ces choses. La santé ne consiste-t-elle point dans la bonne harmonie de l'économie animale, lorsque les éléments contraires s'accordent à se combiner ensemble pour le mieux possible ; le feu avec l'eau (12), la terre avec l'air, chacun tour à tour, l'un avec l'autre, et tous avec tous ? Est-il donc un rapport sous lequel la santé puisse paraître quelque chose de divers, de multiple, et non pas un tout simple, un ensemble unique? Car, parler d'harmonie, c'est parler de stabilité (13). Dans toute substance harmonique, chaque partie garde sa place. Elles ne courent point l'une contre l'autre, chacune reste exactement dans le point qui lui a été assigné. D'un autre côté, la maladie qu'est-elle autre chose que la cessation, le dérangement de l'état de paix entre les parties du corps, lorsque celles-ci, sortant de l'harmonie où elles ont été jusqu'alors ensemble, s'attaquent réciproquement, se déclarent la guerre l'une à l'autre, et qu'au milieu de ce conflit le corps éprouve des agitations, des convulsions, des tiraillements, qui le conduisent à sa fin. Or, est-il un point de vue sous lequel cet état de guerre puisse être regardé comme une chose simple et unique? Certes, la médecine serait alors d'une bien médiocre considération. Cette guerre donc entre les parties organiques du corps, laquelle se compose d'éléments nombreux et divers, et qui produit ce que nous appelons les maladies, a fait naître un art qui se diversifie également sous plusieurs rapports, qui met en œuvre diverses sortes d'instruments, de remèdes, d'aliments, de régimes. Si nous considérons la musique, nous y verrons aussi que ce qui en constitue l’harmonie est un en soi, qu'il n'est susceptible ni d'amélioration, ni de détérioration, et que ce qui en constitue la cacophonie se compose d'éléments divers et séparés. C'est ainsi qu'un chœur de musiciens qui vont parfaitement ensemble ne forme qu'un tout unique (14). S'ils ne vont pas d'accord, le désordre s'en mêle; l'un va dans un sens; l'autre va dans un autre; l'unité n'est plus, et le chaos en a pris la place. Il en est de même d'un vaisseau à trois rangs de rames. Lorsque la flûte conduit les rameurs, toutes les mains se meuvent avec harmonie, et les rames vont à l'unisson. Otez la flûte, vous ôtez l'accord des rameurs ; et le vaisseau ne marche plus. C'est encore ainsi qu'entre les mains d'un cocher, un char (15) est dirigé dans une même ligne, et par une seule impulsion. Otez le cocher, le char sera entraîné, tantôt dans une direction, tantôt dans une autre. C'est enfin ainsi qu'une armée, en campagne, maintient son ensemble, par l'unité du mot d'ordre. Otez cette unité; au lieu d'un corps d'armée serré en phalanges, vous n'avez plus qu'une vaine et impuissante multitude (16).

[3] Τί τοίνυν ἀγαθὸν σωμάτων; ὑγίεια. Κακόν; νόσος. Ἓν μὲν ἡ ὑγίεια, πολλαὶ δὲ αἱ νόσοι. Τί ἐν μουσικῇ τὸ ἀγαθόν; ἁρμονία· ἓν μὲν τὸ ἡρμοσμένον, πολλὴ δὲ ἡ ἀναρμοστία. Καὶ ἐν χορῷ ἓν μὲν ἡ ὁμολογία, παντοδαπὸν δὲ ἡ διαφωνία· καὶ ἐν τριήρει ὁ μὲν αὐλὸς ἕν, πολλὴ δὲ ἡ ἀπείθεια· καὶ ἐν ἅρματι, ἡνιόχου τέχνη, ἓν μὲν τοῦτο, παντοδαπὸν δὲ ἡ ἀτεχνία. Τί δὲ ἐν φάλαγγι; φυλακὴ συνθήματος· ἓν μὲν τοῦτο, παντοδαπὴ  δὲ ἡ ἀναρχία. Ἐν μὲν οὖν τῇ τοῦ ἑνὸς φύσει ὑπερβολὰς καὶ ἐνδείας οὐχ ὁρῶ· στάσιμος γὰρ αὕτη, καὶ μηδένα ἀνεχομένη δρόμον μήτε εἰς φυγὴν μήτε εἰς δίωξιν· ὅταν δὲ εἰς πλήθους ἀριθμὸν ἐμπέσω, δύναμαι τούτου διαμετρεῖσθαι τὰς φύσεις· καὶ γὰρ ὁδοῦ μακρᾶς τὸ μὲν τέρμα ἕν, πολλαὶ δὲ αἱ ἀποστάσεις. Ἐὰν ἐπὶ Βαβυλῶνα ἴῃς, πλησιαίτερος μὲν τοῦ Ἀρμενίου ὁ Ἀσσύριος· καὶ τοῦ Λυδοῦ ὁ Ἀρμένιος, καὶ τοῦ Ἴωνος ὁ Λυδός, καὶ τοῦ νησιώτου ὁ Ἴων· ἀλλ´ οὐδεὶς ἐν Βαβυλῶνι οὔπω, οὐχ ὁ Ἀσσύριος, οὐχ ὁ Ἀρμένιος, οὐχ ὁ Λυδός, οὐχ ὁ Ἴων, οὐχ ὁ νησιώτης. Κἂν ἐπ´ Ἐλευσῖνα ἴῃς, Πελοπόννησος αὕτη, εἶτα Μέγαρα, εἶτα Ἰσθμός· ἀλλὰ ἀμύητος εἶ, κἂν ἐν Μεγάροις ᾖς, ὁμοίως τῷ Πελοποννησίῳ· μέχρι μήπω τῷ ἀνακτόρῳ προσελήλυθας, ἀμύητος εἶ. Νόμιζε δὴ καὶ τὸν βίον ὁδόν τινα εἶναι μακράν, ἐπ´ Ἐλευσῖνα ἢ Βαβυλῶνα ἄγουσαν, τέρμα τε δὴ τῆς ὁδοῦ τὰ βασίλεια αὐτὰ καὶ ἀνάκτορα, καὶ τὴν τελετήν· ὑπὸ δὲ πλήθους ὁδοιπόρων μεστὴν τὴν ὁδὸν θεόντων, ὠθιζομένων, καμνόντων, ἀναπαυομένων, κειμένων, ἐκτρεπομένων, πλανωμένων· πολλαὶ γὰρ αἱ παρατριβαὶ καὶ ἀπατηλαί, ὧν αἱ μὲν πολλαὶ ἐπὶ κρημνοὺς καὶ βάραθρα ἄγουσιν, ἐπὶ τὴν Σειρήνων, αἱ δὲ ἐπὶ τοὺς Λωτοφάγους, αἱ δὲ ἐπὶ τὸν Κιμμερίων δῆμον· μία δέ που τὶς στενὴ καὶ ὄρθιος καὶ τραχεῖα, καὶ οὐ πολλοῖς πάνυ ὁδεύσιμος, ἐπ´ αὐτὸ ἄγει τὸ τῆς ὁδοῦ τέρμα, ἣν μόγις καὶ μετὰ πραγμάτων σὺν πολλῷ πόνῳ καὶ ἱδρῶτι ἀνύουσιν καματηραὶ καὶ ἐπίπονοι ψυχαί, καὶ ἐπιθυμοῦσαι τοῦ χωρίου, καὶ ἐρῶσαι τῆς τελετῆς, καταμαντευόμεναι αὐτῆς τὸ κάλλος· ἐπειδὰν δὲ ἀφίκωνται ἐκεῖ, παυσάμεναι τοῦ πονεῖν, παύονται τοῦ πάθους. Τίς γὰρ ἄλλη τελετὴ μυστικωτέρα, καὶ τίς ἄλλος τόπος σπουδῆς ἄξιος; Ταύτην ἔχει τοῖς ἀνθρώποις τὴν χώραν τὸ ἀγαθόν, ἣν τοῖς ἀμυήτοις Ἐλευσῖν ἔχει. Μυήθητι, ἐλθέ, ἐπίβηθι τοῦ χωρίου, λάμβανε τὰ ἀγαθά, καὶ οὐ ποθήσεις ἄλλο μεῖζον.

III. Quel est donc le bien du corps ? La santé. Quel en est le mal ? La maladie. Or, la santé est une, et les maladies sont en grand nombre. Quel est le bien dans la musique? L’harmonie (17). Or, l’harmonie est une, et le défaut d'harmonie a diverses manières d'être. Dans un chœur, le concert est un, et le charivari peut exister de plusieurs manières. Sur un vaisseau à trois rangs de rames, le son de la flûte est un, et il y a plusieurs manières d'en marquer la mesure. Dans un char, l'art du cocher a aussi son unité ; et le défaut de cet art a des modifications diverses. Dans une phalange, le soin de garder le mot d'ordre a aussi son unité ; et le mot d'ordre y est exposé à plus d'un genre d'anarchie. Je ne vois ni excès, ni défaut, dans 1a nature de cette unité. Elle est stable et fixe. Elle n'admet dans son essence aucun mouvement ni progressif, ni rétrograde. Mais, lorsqu'il s'agit de choses qui fout nombre et pluralité, alors je peux discerner les diverses natures de ces choses. Car, si le plus long chemin a un terme unique, il est susceptible de plusieurs stations. Qu'il faille aller à Babylone. L’Assyrien en sera plus près que l'Arménien, l'Arménien plus près que le Lydien, le Lydien plus près que l'Ionien, et l'Ionien plus près que l'habitant des îles. Mais nul n'est encore, à Babylone, ni l'Assyrien, ni l'Arménien (18), ni le Lydien, ni l'Ionien, ni l'habitant des îles. Qu'il faille aller à Eleusis. Le Péloponnèse (19) sera d'abord le plus voisin, ensuite Mégare, ensuite Corinthe. Mais vous n'êtes pas encore initié. Fussiez-vous à Mégare, fussiez-vous dans le Péloponnèse, vous ne serez pas pour cela initié, avant que vous n'ayez pénétré dans le temple de la Déesse. Pensez donc que la vie est comme un long chemin qui conduit à Eleusis ou à Babylone; que le terme de ce chemin est, ou un palais, ou un temple, ou une initiation : qu'au milieu de l'immense multitude de personnes dont ce chemin est couvert, on ne voit que gens qui courent, qui s'entrechoquent, qui sont rendus de fatigue, qui se reposent, qui sont étendus à terre, qui reviennent sur leurs pas, qui ne savent où ils vont. Car à ce chemin tiennent plusieurs sentiers, qui séduisent par des agréments trompeurs, et dont la plupart conduisent à travers des abîmes et des précipices, les uns dans le pays des Sirènes, les uns dans celui des Lotophages, et les autres dans celui des Cimmériens (20). Mais il n'y a qu'une voie étroite, ardue, scabreuse, par où il ne peut passer que peu de monde, qui aboutisse au véritable terme de ce chemin. Dans cette voie s'engagent à peine, pour arriver avec beaucoup de fatigues, de travaux et de sueur, les âmes les plus actives, et les plus laborieuses (21), qui désirent atteindre le but ; âmes amoureuses d'une initiation dont elles ont, par une sorte de divination, comme apprécié d'avance toute la beauté. Aussi lorsqu'elles sont enfin arrivées, les fatigues sont finies pour elles. Leurs vœux sont accomplis. Car, où serait pour elles une initiation plus auguste ; un lieu digne d'être recherché avec plus d'empressement ? Il en est du vrai Bien pour l'homme, comme d'Eleusis pour ceux qui ne sont point initiés. Faites-vous donc initier. Allez ; arrivez à ce lieu. Prenez possession du vrai Bien, et vous ne désirerez rien de plus.

[4] Ἐὰν δὲ τὸ ἀγαθὸν ἐπονομάζῃς τῇ τῶν μὴ ἀγαθῶν φύσει, ὑγιείας σωμάτων καὶ εὐμορφίας, καὶ περιβολὴν χρυσοῦ καὶ ἀργύρου, καὶ δόξαν προγόνων, καὶ τιμὴν πολιτικήν, πράγματα ἡδοναῖς μᾶλλον ἢ ἀγαθοῖς μετρεῖσθαι  πεφυκότα, ἐξαγορεύεις τὰ μυστήρια, πλημμελεῖς περὶ τὸ θεῖον. Τοιούτων ἀγαθῶν μεταλαβεῖν ποθεῖς, οἵων καὶ Ἀλκιβιάδης μυστηρίων, μεθύων, δᾳδοῦχος, καὶ ἐκ συμποσίου ἱεροφάντης, καὶ ἐν παιδιᾷ τελεστής. Ἀγαθὸν δὲ ἀγαθοῦ ἀπορρητότερον οὐκ ἂν εὕροις μᾶλλον, ἢ κάλλος κάλλους ὡραιότερον· ἐὰν γάρ τι τούτων ἀφέλῃς, οὐκ ἔτι καλὸν οὐδὲ ἀγαθὸν τὸ μήπω ἀγαθόν. Οὐχ ὁρᾷς τὸν ὑπὲρ κεφαλῆς τοῦτον οὐρανόν, καὶ τὰ ἐν αὐτῷ ἄστρα, καὶ τὸν ὑπ´ αὐτῷ αἰθέρα καὶ ὑπὸ τούτῳ ἀέρα, καὶ τὴν ὑπ´ αὐτῷ θάλατταν;  διαμέτρησον αὐτῶν τὰς φύσεις. Τοῦτο γῆς μέρος τοῦ ὅλου πλατὺ καὶ πολυτρόφον καὶ δενδροφόρον καὶ ζῳοτρόφον· ἀλλ´ ἐὰν πρὸς τὴν θάλατταν ἐξετάζῃς, ἔλαττον θαλάττης· καὶ θάλαττα, ἀέρος ἔλαττον,  καὶ αἰθὴρ οὐρανοῦ. Μέχρι τούτου τὰ μέρη πρόεισιν, ὑπερβάλλοντα καὶ ὑπερβαλλόμενα· ἐὰν δὲ ἔλθῃς ἐκεῖ, στήσεται ὁμοῦ τῷ μεγέθει καὶ τὸ κάλλος. Τί γὰρ ἂν εἴη οὐρανοῦ ὡραιότερον; τί ἄστρων περιλαμπέστερον;  τί ἡλίου ἀκμαιότερον; τί σελήνης εὐτροφώτερον;  τί τῶν ἄλλων χορῶν εὐτακτότερον; τί τῶν θεῶν αὐτῶν τιμιώτερον;

 IV. Mais, si vous donnez le nom de vrai Bien à ce qui n'est point tel de sa nature, à la santé du corps, à la beauté de ses formes, à l'étalage de l'opulence, à la renommée des ancêtres, à la considération attachée aux magistratures, toutes choses faites pour être mises au rang des avantages agréables, plutôt qu'au rang des biens, vous prostituez les mystères de l'initiation, vous profanez les choses qui touchent à la Divinité. Il en est des biens dont vous désirez la possession, comme des mystères d'Alcibiade, lorsque, au milieu de ses orgies, devenu ivre, et jouant tantôt le rôle de celui qui porte le flambeau, tantôt celui du Hiérophante, il tourne en dérision les cérémonies de l'initiation (22). D'ailleurs, il n'est pas plus aisé de trouver un bien plus digne qu'un autre bien d'être enveloppé sous le voile des mystères (23), que de trouver un Beau qui soit plus beau qu'un autre Beau. Car, si vous ôtez à l'un et à l'autre quelqu'un de leurs éléments, le Beau qui a perdu quelque chose, n'est plus Beau; le Bien qui a perdu quelque chose, n'est plus Bien. Ne voyez-vous point ce Ciel qui est au-dessus de votre tête, ces astres qui l'embellissent, cet Ether, qui est au-dessous du Ciel, cet air qui est au-dessous de l'Ether, cet Océan qui est au-dessous de l'air, et cette terre que l'Océan environne? Considérez la nature de chacune de ces choses. Cette terre, partie du tout, est étendue, variée dans ses sites : elle produit les arbres : elle nourrit les animaux : mais, si vous la comparez à la mer, elle est moindre que la mer; tout comme la mer est moindre que l'air, l'air moindre que l'Ether, et l'Ether moindre que le firmament. Jusqu'à ce dernier, les parties de l'Univers suivent une progression d'après laquelle elles surpassent et sont surpassées, tour à tour. Allez jusqu'à lui, et vous y trouverez la grandeur fixée en même-temps que la beauté. Car, qu'y a-t-il de plus beau que le Ciel, de plus brillant que les astres, de plus vivifiant que le soleil, de plus fécond que la lune (24)? Où est une plus belle harmonie que celle qui existe entre les autres puissances du Ciel ? Qu'y a-t-il de plus saint et de plus auguste que les Dieux eux-mêmes (25).

[5] Κινδυνεύουσιν δὲ οἱ ἄνθρωποι, καθάπερ τοῖς ἀγαθοῖς, οὕτω καὶ τοῖς θεοῖς ζυγοστατεῖν τὰς τιμάς. Τίς οὗτος; Ζεύς· ἀρχέτω. Τίς οὗτος; Κρόνος· δεδέσθω.Ἥφαιστος· χαλκευέτω. Ἑρμῆς· ἀγγελλέτω. Ἀθηνᾶ· ὑφαινέτω. 〈Διόσκουροι· ἐπὶ νε〉ὼς Πελοποννησίοις ἑπέσθωσαν. Ἀγνοοῦσιν γάρ, οἶμαι, ὡς θεοῖς πᾶσιν εἷς νόμος καὶ βίος καὶ τρόπος, οὐ διῃρημένος, οὐδὲ στασιωτικός· ἄρχοντες πάντες, ἡλικιῶται πάντες, σωτῆρες πάντες, ἰσοτιμίᾳ καὶ ἰσηγορίᾳ συνόντες τὸν πάντα χρόνον· ὧν μία μὲν ἡ φύσις, πολλὰ δὲ τὰ ὀνόματα. Ὑπὸ γὰρ ἀμαθίας αὐτῶν τὰς ὠφελείας τὰς ἑαυτῶν ἕκαστοι ἐπονομάζομεν ἄλλος ἄλλῃ κλήσει θεοῦ. Καθάπερ καὶ τὰ μέρη τῆς θαλάττης, Αἰγαῖον τοῦτο, Ἰώνιον ἐκεῖνο, Μυρτῶον ἄλλο, Κρησαῖον ἄλλο· ἡ δ´ ἐστὶν μία, ὁμογενής, καὶ ὁμοπαθής, καὶ συγκεκραμένη· οὕτω καὶ τἀγαθόν, ἓν ὂν καὶ ὅμοιον αὑτῷ καὶ ἴσον πάντοθεν, ὑπὸ ἀσθενείας τῆς πρὸς αὐτὸ καὶ ἀγνωσίας ταῖς δόξαις διαιρούμεθα. Πλουτεῖ Καλλίας, μακάριος τῶν ἀγαθῶν· ἀλλὰ Ἀλκιβιάδης Καλλίου ὡραιότερος. Ἀντιθῶμεν τἀγαθά, πλοῦτον κάλλει· Ποῖον αὐτῶν ἑκατόμβοιον; ἐννεάβοιον ποῖον; πότερον ἑλώμεθα; πότερον εὐξόμεθα; Οὐκοῦν ὁ μὲν Φοῖνιξ καὶ ὁ Αἰγύπτιος  τὸ Καλλίου ἀγαθὸν εὔξεται· ὁ δὲ Ἠλεῖος καὶ ὁ
Βοιώτιος τὸ Ἀλκιβιάδου. Εὐγενὴς Παυσανίας, ἀλλ´ ἐνδοξότερος Εὐρυβιάδης. Ἀντιθῶμεν εὐδοξίᾳ γένος· τίς κρατεῖ; τίνι δῶμεν τὰ νικητήρια φέροντες; Σωκράτης πένης, Σωκράτης αἰσχρός, Σωκράτης ἄδοξος, Σωκράτης δυσγενής, Σωκράτης ἄτιμος. Πῶς γὰρ οὐκ αἰσχρὸς καὶ ἄτιμος καὶ δυσγενὴς καὶ ἄδοξος καὶ πένης ὁ τοῦ λιθοξόου, ὁ σιμός, ὁ προγάστωρ, ὁ κωμῳδούμενος, ὁ εἰς δεσμωτήριον ἐμβαλλόμενος, ἀποθνήσκων ἐκεῖ, ἔνθα καὶ Τιμαγόρας ἀπέθανεν; Ὢ τῆς ἐρημίας τῶν ἀγαθῶν· ὀκνῶ γὰρ εἰπεῖν πλῆθος κακῶν. Τί τούτοις ἀντιθῶμεν; τί φῶμεν; Παράβαλλε τοῖς ἀνταγωνισταῖς τὸν Σωκράτην ἐν κτήσει ἀγαθῶν· οὐχ ὁρᾷς ἡττώμενον ἐν πλούτῳ Καλλίου, ἐν σώματι Ἀλκιβιάδου, ἐν τιμῇ Περικλέους, ἐν δόξῃ Νικίου, ἐν θεάτρῳ Ἀριστοφάνους,
ἐν δικαστηρίῳ Μελήτου; Μάτην ἄρα αὐτῷ ὁ Ἀπόλλων τὰ νικητήρια ἔδωκεν, μάτην ἐπεψηφίσατο.

V. L'erreur où les hommes tombent d'ailleurs en admettant plusieurs sortes de bien (26), ils la commettent en admettant plusieurs Dieux, et en leur distribuant à chacun son apanage, comme avec une balance. Quel est celui des Dieux qui se présente ? Jupiter. Qu'il règne. Quel est cet autre? Saturne. Qu'il soit garrotté. Vulcain, qu'il ait une forge. Mercure, qu'il soit messager. Minerve, qu'elle travaille à l'aiguille. Ils ignorent, je pense, que tous les Dieux n'ont qu'une même loi, les mêmes mœurs, une même manière d'être, sans nulle division, sans nul conflit. Ils ont tous la même part à l'Empire ; ils sont tous du même âge ; ils s'intéressent tous également à la conservation des hommes ; ils sont revêtus des mêmes prérogatives ; ils partagent la même autorité, et cela dans tous les temps. Ils ne forment qu'une même nature sous des noms divers (27). Dans l'ignorance où nous sommes, à leur égard, nous attribuons à chacun d'eux les bienfaits de leur providence commune. Les dénominations se multiplient et se diversifient, comme celle des plages de la mer : tantôt, en effet, c'est la mer Egée, tantôt la mer Ionienne (28) ; ici, c'est la mer de Myrto; là, c'est la mer de Crète; quoique la mer soit une, homogène, soumise aux mêmes impressions et cohérente dans toutes ses parties. Il en est ainsi du Bien. Il est un, semblable à lui-même, et identique sous tous les rapports. Notre opinion ne le divise que parce que notre faiblesse et notre ignorance nous empêchent d'atteindre à sa véritable essence. Callias est opulent, il est heureux, sous le rapport de ce genre de bien. Mais Alcibiade est plus beau que Callias. Comparons ces deux genres de bien ensemble, l'opulence avec la beauté. Laquelle des deux vaut cent bœufs ? Laquelle des deux n'en vaut que neuf (29) ? A laquelle des deux donnerons-nous la préférence ? Pour laquelle ferons-nous des vœux? Le Phénicien et l'Egyptien feront des vœux pour le bien de Callias. L'habitant d'Elée et celui de la Béotie en feront pour le bien d'Alcibiade. Pausanias était d'une naissance illustre, mais Eurybiade avait plus de renommée. Comparons la renommée avec la noblesse. Laquelle des deux vaut mieux ? A laquelle des deux irons-nous présenter la palme ? Socrate était pauvre : Socrate n’était pas beau : Socrate n’avait point de renommée : Socrate était d'une naissance obscure : Socrate ne jouissait d'aucune considération. Mais le moyen qu'il fût sans quelque difformité, qu'il jouît de quelque considération, qu'il fût distingué par sa naissance, qu'il eût quelque renommée, qu'il possédât quelque bien, celui qui était le fils d'un simple lapidaire, qui était camus, qui avait un gros ventre, qui fut joué sur le théâtre, qui fut jeté en prison, et qui mourut dans le même lieu où était mort Timagoras (30). O quelle pénurie de bien, pour ne pas dire quelle abondance de maux. Avec quoi les mettrons-nous en parallèle? Que dirons-nous? Comparons Socrate avec ses antagonistes, sous le rapport de la possession des biens. Ne voyez-vous point qu'il est vaincu par Callias sous le rapport de la fortune, par Alcibiade sous le rapport de la beauté du corps, par Périclès sous le rapport de la considération publique, par Nicias sous le rapport de la renommée ? Ne voyez-vous pas qu'Aristophane triomphe à ses dépens, sur le théâtre, et Mélitus, dans les tribunaux ? C’est en vain qu'Apollon lui a décerné la palme. Ce Dieu a eu beau le proclamer le plus sage des mortels (31).

 

NOTES.

 

(01) Le vers d'Homère que Maxime de Tyr censure, ici, est le 234e du chant sixième de l’Iliade. Il termine, à peu près, l'épisode où le poète raconte ce qui se passa entre Glaucus et Diomède, sur le champ de bataille : épisode curieux et intéressant, par les notions qu'il donne à recueillir sur la sainteté des droits de l'hospitalité chez les Anciens. D'ailleurs, le texte porte littéralement, d'avoir donné ce qui valait cent bœufs pour ce qui n'en valait que neuf.

(02) Odyssée, chant huitième, vers 163.

(03) Le texte dit à la lettre, les belles choses : sur quoi je remarque que, dans notre langue, nous attachons au mot Beau substantifié, le sens philosophique et moral qu'il a dans la doctrine des anciens philosophes; mais que l'adjectif de ce mot ne peut point être employé dans ce même sens avec le même succès qu'il l'est, dans la langue grecque.

(04) Les éditions vulgaires portent,  ληνο, qui ne dit rien, au lieu de λέμνου qui désigne Lemnos. Heinsius, auteur de cette judicieuse correction, y a été conduit par le passage d'Homère que Maxime de Tyr a appliqué, ici. Ce passage est emprunté du septième chant de l’Iliade, vers 473 et 474. Un peu plus haut, dans le 467e, on trouve que c'est à Lemnos qu’avait été fait, contre du vin, l'échange des objets détaillés plus bas.

Les rédacteurs des Institutes de Justinien, ont cité ce même passage d'Homère, liv. III, tit. 24, § 2, à propos de la question controversée parmi les Jurisconsultes Romains; savoir, si ce contrat était, proprement un contrat de vente, ou un simple échange. Pour dire en passant, notre avis sur cette question, il nous semble qu'il faut nier que le contrat de vente ait existé, avant que les hommes ayant songé à battre monnaie, si, selon la rigueur du principe consacré dans les écoles de Droit, on ne veut admettre le contrat dont s'agit, que lorsqu'on y fait entrer un prix en argent.

(05) En comparant ce texte au passage du second livre d'Hérodote, chap. 6, dont il est emprunté, Davies et Markland ont remarqué que la mémoire de Maxime de Tyr l’avait trompé ; et qu'au lieu des cultivateurs en général, il fallait, ainsi que la progression de la phrase l'indique d'ailleurs, les petits propriétaires.

(06) Selon Pollux, le lexicographe, la mesure grecque que j'ai rendue par le mot toise, était comprise entre les extrémités des deux bras horizontalement étendus.

(07) Les manuscrits varient sur le nom de l'Auteur. Les uns nomment Prodicus. Celui de la Bibliothèque nationale nomme Prodotus. Mais Heinsius a très bien lu qu'il s'agissait, ici, d'Hérodote.

(08) Le stade est une mesure ancienne assez connue, quant à la dénomination, sinon, quant à la dimension, Cette dernière est fixée d'une manière précise dans le Dictionnaire Encyclopédique. Quant au Schœne, mesure égyptienne beaucoup moins connue, les Auteurs ne sont pas d'accord sur sa véritable dimension. Les uns la font de trente stades, les autres de quarante, d'autres d'un plus grand nombre. Voyez Strabon, liv. XVII.

(09) Le 321e vers du chant vingtième de l’Iliade, parle de jument et non de chevaux, comme porte le texte. Ce qui paraît bien plus dans l'ordre des choses.

(10) Ce passage a donné de la tablature aux critiques. Heinsius, Davies et Markland ont formé chacun leur conjecture pour le corriger. J'ai pris la liberté de penser qu'il n'y avait point de correction à faire, et que le sens de Maxime de Tyr pourrait être entendu dans le texte tel qu'il est. D'ailleurs, Formey m'a paru avoir commis, ici, un vrai contre-sens, en traduisant le latin d'Heinsius.

(11) Formey a également mutilé le sens de cette phrase.

(12) Markland remarque, ici, que Maxime de Tyr ne lait qu'emprunter, dans cet endroit, un passage du Symposiaque de Platon. u Lorsque le chaud et le froid, le sec et l'humide sont harmonique-ti ment combinés et mélangés ensemble, le bien-être, la santé de n l'homme en est l'heureux résultat »,

(13) Davies relève, ici, une inadvertance d'André Schott, un Helléniste moderne, qui a travaillé sur Maxime de Tyr. Faute d'avoir fait attention que le mot στάσιν du texte, signifie aussi bien solidité, stabilité, qu'il signifie sédition, cet annotateur avait cru qu'au lieu de μέτρον, il fallait lire ἄμετρον, avec l'a privatif, et il avait dénaturé le vrai sens de l'original. Au surplus, ces inadvertances peuvent échapper aux plus habiles Hellénistes ; et lorsqu'on les aperçoit, il convient d'en faire plutôt un sujet d'indulgence que de censure, Aliquando bonus dormitat Homerus.

(14) Quoique la leçon vulgaire, dans ce passage, ne soit point celle des deux manuscrits que Davies a pris pour guides, je lui ai donné la préférence sur celle que ce critique a proposée. D'ailleurs, le sens revient, à peu près, au même des deux côtés.

(15) Markland fait remarquer, ici, que le mot grec ἅρμα est pris, dans cette phrase, par synecdoque, pour les chevaux attelés au char. Cela s'entend de soi-même ; et il cite, à ce propos, le vers qui termine le premier chant des Géorgiques de Virgile, où ce poète a fait un usage bien plus hardi de cette figure, au sujet du même mot :

.............................Frustra retinacula tendens

Fertur equis auriga, neque audit currut habenas.

(16) Le texte porte εἰς πλήθους φυγην. Cette dernière expression a paru suspecte à Markland; et j'avoue que j'ai partagé son opinion. Mais peut-être que Maxime de Tyr n’avait pas écrit, ainsi que ce docte critique le suppose, εἰς πλήθυς φύσιν. Quoique dans le style grec on puisse dire πλήθυς φύσις pour πλῆθος dans le même sens que notre Auteur a dit, Dissertation XLI, sect I, ποταμοῦ φύσις pour ποταμὸς, ce n'est peut-être pas une raison suffisante pour admettre cette correction. Qui sait si la vraie leçon ne serait pas plutôt εἰς  πλῆθος φεῦγον ?

(17) Heinsius, sur la foi de la version de Pacci, a ajouté, comme lui, « Quel en est le mal (de la musique) ? Le défaut d'harmonie ». Davies refuse d'admettre cette addition ; d'abord, parce que les deux manuscrits, qu'il a soigneusement vérifiés, n'offrent point cette leçon, et ensuite, parce que le Discours de Maxime de Tyr ne l'exige pas.

(18) Les éditions vulgaires de notre auteur ne contiennent-point les membres de cette phrase que nous avons mis en italique. C'est le manuscrit de la Bibliothèque nationale, auquel Davies donne l'épithète de prœ stantissimus, qui a fourni à cet Helléniste la partie du texte qui devait remplir cette lacune. Quoique cette lacune existe dans la version latine d'Heinsius, Formey y a néanmoins suppléé.

(19) Le grec porte Πελοπόννησος αὔτη; et cette dernière expression a donné lieu à Markland de conjecturer, que Maxime de Tyr avait débité cette Dissertation dans quelqu'une des cités du Péloponnèse.

(20) Maxime de Tyr fait allusion, ici, aux aventures d'Ulysse. Voyez, d'ailleurs, le traité d'Apulée intitulé, du Dieu de Socrate.

(21) C'est, à peu de chose près, dans les mêmes termes que les saints livres s'expriment touchant le chemin du Ciel.

(22) On voit, en effet, dans Plutarque et dans Cornélius Népos, vie d'Alcibiade, que ce dernier fut solennellement accusé par un certain Androclès, d'avoir fait, dans sa maison, un sujet de ridicule et de plaisanterie de la célébration des mystères.

(23) Formey a traduit : « Un bien ne saurait être plus mystérieux qu'un autre bien, tout comme il n'y a point de beau qui l'emporte en beauté sur un autre beau. » On peut douter que ce soit avoir fidèlement traduit le latin d'Heinsius : Bonum bono non magis est mysticum. Mystérieux ne rend pas mysticum.

(24) On a déjà vu, dans plusieurs passages de notre auteur, qu'il parle dans le sens le plus positif de l'influence de la lune, sur les productions de la terre.

(25)Voyez la note d'Heinsius sur le mot τιμιῶτερον de ce passage. Proprie locutiis est, dit-il, quia est Deus, et, ut Alcinous loquitur, κατὰ τὴν τοῦ τιμίου ὑρεροχήν: « Dieu est non seulement auguste, mais même il est l'Etre auguste par excellence ». Au reste, on remarque dans cette note d'Heinsius un passage d'un paraphraste inédit d'Aristote, qui « regarde comme ridicule de louer les Dieux d'une chose qui les fait descendre à notre niveau ; savoir, lorsqu'on les loue de tendre, de se diriger vers le Bien ». Cette tendance, cette direction est, en effet, tellement inhérente à leur essence, qu'ils ne pourraient ne pas l'avoir sans cesser d'être ce qu'ils sont.

(26) Le traducteur Florentin n'a pas fait assez-attention, ici, à la pensée de notre Auteur ; et il est tombé dans un contre-sens, en appliquant aux gens-de-bien, bonis viris, ce qui ne devait être entends que du bien moral. Heinsius ne s'y est pas trompé.

(27) Voilà le mot sacramentel. Voilà bien l'unité de Dieu, aussi formellement, aussi expressément proclamée parla philosophie, qu'elle l'est par ceux qui la reconnaissent sous trois hypostases, sans compter la Sainte-Vierge, et les Demi-dieux de la légende.

(28) Davies et Markland ont fait assaut d'érudition, au sujet du mot Ἴονιονde l'original, le premier, pour démontrer que ce mot doit être écrit par un omicron, le second pour établir qu'on pourrait aussi bien l'écrire par un oméga. Voyez leurs notes dans leur édition.

(29) Ceci fait allusion à ce qui a été dit au commencement de cette Dissertation, des armes de Glaucus et de celles de Diomède.

(30) Timagoras, Athénien, fut envoyé en ambassade auprès du grand Roi. Valère-Maxime dit que ce fut auprès de Darius. Plutarque et Suidas disent que ce fut auprès d'Artaxerxès. Quoi qu'il en soit, à son retour de Perse, Timagoras fut condamné à mort par les Athéniens. S'il fallait en croire Valère-Maxime, le peuple d'Athènes aurait fait un crime capital à Timagoras de s'être présenté au grand Roi, selon le cérémonial des Perses, et non point selon le cérémonial grec. Si le jugement des Athéniens contre Timagoras n’avait eu que ce motif, ce serait un exemple bien rigoureux de l'austérité républicaine. Mais Suidas et Plutarque rapportent que Timagoras fut condamné pour s'être laissé corrompre par les largesses du grand Roi ; et Maxime de Tyr paraît confirmer, ici, le témoignage de Plutarque et de Suidas. Voyez Valère-Maxime, lib. VI, cap. 3, ext. 2 ; Plutarque, Vie d'Artaxerxès, et Suidas sous le mot Timagoras.

(31) Voyez les notes de la première section de la Dissertation intitulée : Si Socrate fit bien de ne rien dire pour sa défense.

 

 

Paris, le 30 frimaire an IX. (21 décembre 1800.)