MAXIME DE TYR
DISSERTATIONS
Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer
MAXIME DE TYR
DISSERTATION XXXIX.
Un
Bien n'est pas plus grand qu'un autre Bien.
Εἰ ἔστιν ἀγαθὸν ἀγαθοῦ μεῖζον· ἐν ᾧ, ὅτι οὐκ ἔστιν.
[39,1] Οὐδὲ τοῦ Ὁμήρου ἔγωγε
ἀποδέχομαι, τῷ Λυκίῳ Γλαύκῳ μεμφομένου ἀμείβοντι ὅπλα χρυσᾶ πρὸς τὰ
τοῦ Διομήδους χαλκᾶ ὄντα καὶ ἐννεαβοίῳ ἑκατομβοίων ἐλαττουμένῳ.
Χρηματιστὴς γὰρ ἂν τοῦτό γε αἰτιάσαιτο ἐν δίκῃ,
ἀρχὸς ναυτάων, οἷοί τε πρηκτῆρες
ἔασιν,
φόρτου τε μνήμων, ---
κερδέων τε ἁρπαλέων,
μή τι γε ἀνὴρ ποιητικὸς καὶ ἀξιῶν
μαθητὴς εἶναι τῆς Καλλιόπης, ᾗ μηδὲν θέμις μήτε ἐπαινεῖν τῶν
αἰσχρῶν, μήτε ψέγειν τῶν καλῶν. Εἰκὸς δέ που τὸν Γλαῦκον, εἴπερ ἦν
Ἱππολόχου τοῦ Βελλεροφόντου τοῦ Σισύφου τοῦ Αἰόλου, ἀγαθῶν ἁπάντων,
ἐντυχόντα ἀνδρὶ ἐχθρῷ δοκοῦντι κατὰ τὴν τοῦ πολέμου τύχην, φίλῳ δὲ
κατὰ τὴν τῶν πατέρων ξενίαν, ξυμβαλλόμενον φιλίαν αὖθις καὶ
ἀνακαλούμενον τὴν προγενῆ οἰκειότητα, συμμετρήσασθαι τῷ καιρῷ καὶ μὴ
τῇ ἀξίᾳ τῶν ὅπλων τὴν ἀπαλλαγήν, μὴ λογισμοὺς συντιθέντα χρυσοῦ καὶ
χαλκοῦ, καθάπερ οἱ ἐκ Λήμνου οἰνιζόμενοι,
ἄλλοι μὲν χαλκῷ, ἄλλοι δ´ αἴθωνι
σιδήρῳ,
ἄλλοι δὲ ῥινοῖς, ἄλλοι δ´ αὐτοῖσι βόεσσι.
Μέχρι μὲν γὰρ τῆς χρείας τῆς ἐν ποσὶν
ἔχει λογισμοὺς ἡ ἀντίδοσις, καὶ τὸ πλέον πρὸς τοὔλαττον τῷ
ἀντιστασίῳ ἐν τοῖς ἀνομοίοις κατὰ τὴν τιμὴν ἐξετάζεται. Κἂν
ἐγκεκαλυμμένος γοῦν τις γνοίη, ὅτι τὸ τάλαντον τῶν δέκα μνῶν
πολλαπλάσιον, καὶ ἡ δραχμὴ τοῦ ὀβολοῦ τιμαλφεστέρα· καὶ ἐν κτήσει
γῆς καὶ κατὰ τὸν Ἡρόδοτον οἱ μὲν γεωργοὶ ὀργύιαις διαμετροῦνται τὴν
γῆν, οἱ δὲ τούτοις ἀμφιλαφέστεροι σταδίοις, οἱ δὲ τούτων πολὺ
γεωργικώτεροι σχοινίοις, καθάπερ οἱ Αἰγύπτιοι· καὶ ἐν κτήσει
θρεμμάτων πολυκτεανώτερος τοῦ Πολυφήμου ἦν ὁ Δάρδανος,
τοῦ τρισχίλιοι ἵπποι ἔλος
καταβουκολέοντο.
Ἀλλ´ ἐπειδάν τις τὰς χρείας
παρωσάμενος ἀντεξετάζῃ αὐταῖς τὰ ἀγαθά, εὕροι ἄν, οἶμαι, ταύτας μὲν
καιρῷ, καὶ νόμῳ, καὶ ἡδοναῖς, καὶ ἔθεσιν, καὶ τύχαις, ἄνω καὶ κάτω
εἰς τιμὴν καὶ ἀτιμίαν μεταβαλλομένας· τὸ δὲ ἀγαθὸν ἑδραῖον, βέβαιον,
ἀκλινές, ἰσόρροπον, κοινόν, ἀνέμητον, ἄφθονον, ἀνενδεές, μήτε
αὔξησιν χωροῦν, μήτε ἐνδείας ἀνεχόμενον· τό, τε γὰρ αὐξόμενον
προσθήκῃ αὔξεται· ἀλλ´ εἰ μὲν ἀγαθὸν ἀγαθῷ προσελήλυθεν, οὐδὲν
μᾶλλον ἢ προσθήκῃ νόει ἀγαθὸν τὸ ἀγαθόν, ἦν γὰρ ἀγαθὸν καὶ πρότερον·
εἰ δὲ οὐκ ἀγαθὸν ἦν τὸ προσελθὸν εἰς αὔξησιν, δεινὸν λέγεις, εἰ
ἔσταί τι ἀγαθὸν μεῖζον προσθήκῃ κακοῦ· τό, τε ἐνδεὲς ἐλλείψει
ἐνδεές· ἀλλ´ εἰ μὲν τοῦ ἀγαθοῦ ἀπουσίᾳ ἐνδεῖ τὸ ἀγαθόν, οὐκ ἦν
ἀγαθόν, ὁπότε ἐνέδει· εἰ δὲ ἑτέρῳ ἐνδεῖ, καὶ μὴ τῷ ἀγαθῷ, οὐ λυπεῖ
τὸ ἀγαθὸν ἡ ἔλλειψις. |
NI moi non plus, je ne suis point de l'avis d'Homère,
lorsqu'il reproche à
Glaucus le Lycien, d'avoir échangé
ses armes d'or contre celles de Diomède
qui n'étaient
que d'airain, et d'avoir donné
ce qui valait dix fois davantage, pour ce qui valait dix
fois moins (01). Sans doute, ce serait un légitime
sujet de querelle et de contestation, pour un de ces spéculateurs
qui ne songent qu'à
l'argent, «
pour ces navigateurs qui ne s'occupent que de leur cargaison, et du bénéfice
que leur avidité
s'en promet (02) ». Mais
non pas pour un poète digne d'être
le disciple de Calliope, cette Muse à
laquelle il n'est permis ni de louer les choses honteuses, ni de blâmer
les choses honnêtes
(03). Or, il convenait à Glaucus,
issu d'Hyppolochus, de Bellérophon,
de Sisyphe, d'Eole, tous personnages de haute recommandation, lorsqu'il
rencontrait un guerrier qui paraissait son ennemi, selon les lois de la guerre,
mais que les liens de l'hospitalité
qui avait eu
lieu entre leurs pères,
rendaient son ami, un guerrier qui renouait amitié avec lui, et qui invoquait la précédente
liaison de leurs ancêtres
; il convenait à Glaucus de mesurer l'échange
de ses armes, moins sur leur prix réel,
que sur les autres circonstances, et de n'avoir nul égard
à
l'or ni à
l'airain qui en étaient
la matière,
comme auraient pu faire, à
Lemnos (04), des marchands qui auraient
acheté
du vin, «
donnant en échange,
les uns de l'airain, les autres du fer, ceux-ci des peaux de bœufs,
ceux-là
des bœufs
même
».
Car, en ce qui concerne les usages ordinaires de la vie, on calcule, dans les
échanges,
les différences
de valeur ; et le plus et le moins sont balancés
par des suppléments
équitables.
Il n'est personne qui, même
les yeux bandés,
ne sache qu'un talent vaut mieux que dix mines, qu'une drachme vaut mieux qu'une
obole. En matière
de possession territoriale, les petits propriétaires
(05) mesurent les terres à la toise
(06), selon Hérodote
(07) ; ceux qui sont un peu plus aisés
les mesurent au stade, et les plus riches les mesurent au schœne,
comme chez les Egyptiens (08). S'il s'agit
d'une fortune en troupeaux, Polyphème
était moins riche, en ce genre, que Dardanus, « qui
avait trois mille juments dans ses pâturages
(09) ».
D'ailleurs, si, prenant à
part chacune des choses nécessaires
aux besoins de la vie, on met en balance avec elle les biens réels
et véritables
(10), on trouvera, je pense, que les premières
ont une valeur et un prix subordonné à
des variations de haut et de bas, selon les temps, les lois, le goût des plaisirs, les mœurs
et les conditions : au lieu que ce qui est vrai bien, est stable,
solide, immuable, en équilibre
avec lui-même,
commun à tous les hommes, indivisible, plein, ayant tous
les éléments qui conviennent à
son essence, insusceptible d'accroissement ni de soustraction. Car ce qui peut
recevoir de l'accroissement, en reçoit,
lorsqu'on y ajoute quelque chose. Mais, si l'on ajoute un bien à un autre
bien, ne regardez pas le premier bien auquel le second est ajouté,
comme ayant acquis quelque chose de plus; car il était bien auparavant.
Si, au contraire, ce qui est ajouté
n'est point un bien, c'est se moquer que de demander si le bien
croît
en intensité
par l'addition de ce qui est mal. Ce qui pèche
par quelqu'une des qualités
nécessaires
à
son essence, pèche
par ce défaut-là
même.
Mais, si le Bien pèche
par l'absence des qualités
intégrantes
du Bien, il n'est pas Bien lorsqu'il pèche
par ces qualités;
et s'il pèche
par toute autre chose, sans pécher
par les qualités
intégrantes
du Bien, ce défaut
ne nuit point à
l'essence du Bien (11).
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[2] Τί δέ, οὐχὶ καὶ ταύτῃ σκοπεῖς τὸ
λεγόμενον; Καλεῖς τι ὑγείαν σώματος; τί δὲ οὐ μέλλεις; καλεῖν
δὲ καὶ νόσον; φέρε οὖν διαλαβὼν ἑκάτερον φαθί. Οὐχ ἡ μὲν ὑγεία
μέτρον τί ἐστιν τῆς τῶν σωμάτων εὐαρμοστίας, ἐπειδὰν ὁμολογήσῃ τῇ
πρὸς τὸ ἄριστον κράσει τἀναντία, πρὸς ὕδωρ πῦρ, καὶ γῆ πρὸς ἀέρα,
καὶ ἑκάτερον αὖθις αὖ πρὸς ἑκάτερον, καὶ πᾶν τι πᾶσιν; Ἔστιν οὖν
ὅπως ποικίλον τι σοὶ ἡ ὑγεία ἔσται καὶ παντοδαπόν, οὐχὶ δὲ ἁπλοῦν
καὶ ὡμολογημένον; Ἐπειδὰν γὰρ μέτρον εἴπῃς, στάσιν λέγεις·
οὐδὲν γὰρ τῶν συμμέτρων μεταχωρεῖν φιλεῖ ἐφ´ ἑκάτερα, ἀλλ´ εἰσὶν
αὐτῶν ἀκριβεῖς οἱ ὅροι. Ἡ δ´ αὖ νόσος τί ἄλλό ἐστιν, ἢ διάλυσις καὶ
ταραχὴ τῆς ἐν σώματι ἐκεχειρίας, ἐπειδὰν αὖθις συμπεσόντα ἀλλήλοις
τά τε ὥσπερ πόλεως μέρη ἡρμοσμένα πολεμῇ καὶ ταράττῃ, καὶ λυμαίνηται
ὑπ´ αὐτῶν τὸ σῶμα κλονούμενόν τε καὶ σπαραττόμενον καὶ σειόμενον;
Ἔστιν οὖν ὅπως τὸν πόλεμον τοῦτον ἡγήσῃ ἁπλοῦν καὶ ἕνα; Ὀλίγου μέντ´
ἂν ἦν ἡ ἰατρικὴ ἀξία. Νῦν δὲ τὸ πολυμερὲς καὶ πολύφωνον τοῦ τῶν
σωμάτων πολέμου, ἃς καλοῦμεν νόσους, ἐγέννησεν τέχνην
παντοδαπήν, καὶ μεστὴν ὀργάνων ποικίλων, καὶ πολλῶν φαρμάκων, καὶ
σιτίων, καὶ διαιτημάτων. Κἂν ἐπὶ μουσικὴν ἔλθῃς, τὸ μὲν ἡρμοσμένον
κἀνταῦθα ἕν, οὔτε κρεῖττον αὐτὸ αὑτοῦ γιγνόμενον, οὔτε ἔλαττον· τὸ
δὲ ἀνάρμοστον πολύ, καὶ παντοδαπόν, καὶ διῃρημένον. Οὕτω καὶ χορὸς
〈ὁ〉 ὁμολογήσας μὲν εἰς ὁμοφωνίαν· μὴ ὁμολογῶν δέ, σχίζεται καὶ
διαχεῖται καὶ σκεδάννυται καὶ πλῆθος γίγνεται. Οὕτω καὶ τριήρης,
ἐρεσσομένη ὑπ´ αὐλῷ, τὴν πολυχειρίαν συνάπτει τῇ ὁμοιότητι τῆς
εἰρεσίας· ἐὰν δὲ ἀπαλλάξῃς τὸν αὐλόν, διέλυσας αὐτῆς τὴν
χειρουργίαν. Οὕτω καὶ ὑφ´ ἡνιόχῳ ἅρμα εὐθύνεται κοινῷ δρόμῳ καὶ θυμῷ
ἑνί· ἐὰν δὲ ἀφέλῃς τὸν ἡνίοχον, ἐσκέδασας τὸ ἅρμα. Οὕτω καὶ
στρατόπεδον συντάττεται ὑπὸ συνθήματι ἑνί· ἐὰν δὲ ἀφέλῃς τὸ σύνθημα,
διέλυσας τὴν φάλαγγα εἰς πλήθους φυγήν. |
II. Quoi donc ! cela ne suffit-il point pour
faire entendre ce que je veux dire? N'y a-t-il pas telle chose que nous appelons
la santé du corps ?
Sans doute. N'y
a-t-il pas telle autre chose que nous appelons la maladie ? Fort bien.
Considérons
séparément
chacune de ces choses. La santé
ne consiste-t-elle point dans la bonne
harmonie de l'économie
animale, lorsque les éléments contraires s'accordent à se
combiner ensemble pour le mieux possible ; le feu avec l'eau
(12), la terre avec l'air, chacun tour à tour,
l'un avec l'autre, et tous avec tous ? Est-il donc un rapport sous lequel la
santé
puisse paraître
quelque chose de divers, de multiple, et non pas un tout simple, un ensemble
unique? Car, parler d'harmonie, c'est parler de stabilité (13). Dans toute substance
harmonique, chaque partie garde sa place. Elles ne courent point l'une contre
l'autre, chacune reste exactement dans le point qui lui a été
assigné.
D'un autre côté,
la maladie qu'est-elle autre chose que la cessation, le dérangement
de l'état
de paix entre les parties du corps, lorsque celles-ci, sortant de l'harmonie où
elles ont été
jusqu'alors ensemble, s'attaquent réciproquement,
se déclarent
la guerre l'une à
l'autre, et qu'au milieu de ce conflit le corps éprouve
des agitations, des convulsions, des tiraillements, qui le conduisent à sa fin.
Or, est-il un point de vue sous lequel cet état de
guerre puisse être
regardé
comme une chose simple et unique? Certes, la médecine
serait alors d'une bien médiocre
considération.
Cette guerre donc entre les parties organiques du corps, laquelle se compose d'éléments
nombreux et divers, et qui produit ce que nous appelons les maladies, a
fait naître
un art qui se diversifie également
sous plusieurs rapports, qui met en œuvre
diverses sortes d'instruments, de remèdes,
d'aliments, de régimes. Si nous considérons
la musique, nous y verrons aussi que ce qui en constitue l’harmonie
est un en soi, qu'il n'est susceptible ni d'amélioration,
ni de détérioration,
et que ce qui en constitue la cacophonie se compose d'éléments
divers et séparés.
C'est ainsi qu'un chœur de musiciens qui vont parfaitement ensemble ne forme qu'un tout
unique (14). S'ils ne vont pas d'accord,
le désordre
s'en mêle;
l'un va dans un sens; l'autre va dans un autre; l'unité
n'est plus, et le chaos en a pris la place. Il en est de même
d'un vaisseau à
trois rangs de rames. Lorsque la flûte
conduit les rameurs, toutes les mains se meuvent avec harmonie, et les rames
vont à
l'unisson. Otez la flûte, vous ôtez
l'accord des rameurs ; et le vaisseau ne marche plus. C'est encore ainsi
qu'entre les mains d'un cocher, un char (15)
est dirigé
dans une même
ligne, et par une seule impulsion. Otez le cocher, le char sera entraîné,
tantôt
dans une direction, tantôt
dans une autre. C'est enfin ainsi qu'une armée,
en campagne, maintient son ensemble, par l'unité
du mot d'ordre. Otez cette unité;
au lieu d'un corps d'armée
serré
en phalanges, vous n'avez plus qu'une vaine et impuissante multitude
(16).
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[3] Τί τοίνυν ἀγαθὸν σωμάτων; ὑγίεια.
Κακόν; νόσος. Ἓν μὲν ἡ ὑγίεια, πολλαὶ δὲ αἱ νόσοι. Τί ἐν μουσικῇ τὸ
ἀγαθόν; ἁρμονία· ἓν μὲν τὸ ἡρμοσμένον, πολλὴ δὲ ἡ ἀναρμοστία. Καὶ ἐν
χορῷ ἓν μὲν ἡ ὁμολογία, παντοδαπὸν δὲ ἡ διαφωνία· καὶ ἐν τριήρει ὁ
μὲν αὐλὸς ἕν, πολλὴ δὲ ἡ ἀπείθεια· καὶ ἐν ἅρματι, ἡνιόχου τέχνη, ἓν
μὲν τοῦτο, παντοδαπὸν δὲ ἡ ἀτεχνία. Τί δὲ ἐν φάλαγγι; φυλακὴ
συνθήματος· ἓν μὲν τοῦτο, παντοδαπὴ δὲ ἡ ἀναρχία. Ἐν μὲν οὖν
τῇ τοῦ ἑνὸς φύσει ὑπερβολὰς καὶ ἐνδείας οὐχ ὁρῶ· στάσιμος γὰρ αὕτη,
καὶ μηδένα ἀνεχομένη δρόμον μήτε εἰς φυγὴν μήτε εἰς δίωξιν· ὅταν δὲ
εἰς πλήθους ἀριθμὸν ἐμπέσω, δύναμαι τούτου διαμετρεῖσθαι τὰς φύσεις·
καὶ γὰρ ὁδοῦ μακρᾶς τὸ μὲν τέρμα ἕν, πολλαὶ δὲ αἱ ἀποστάσεις. Ἐὰν
ἐπὶ Βαβυλῶνα ἴῃς, πλησιαίτερος μὲν τοῦ Ἀρμενίου ὁ Ἀσσύριος· καὶ τοῦ
Λυδοῦ ὁ Ἀρμένιος, καὶ τοῦ Ἴωνος ὁ Λυδός, καὶ τοῦ νησιώτου ὁ Ἴων·
ἀλλ´ οὐδεὶς ἐν Βαβυλῶνι οὔπω, οὐχ ὁ Ἀσσύριος, οὐχ ὁ Ἀρμένιος, οὐχ ὁ
Λυδός, οὐχ ὁ Ἴων, οὐχ ὁ νησιώτης. Κἂν ἐπ´ Ἐλευσῖνα ἴῃς, Πελοπόννησος
αὕτη, εἶτα Μέγαρα, εἶτα Ἰσθμός· ἀλλὰ ἀμύητος εἶ, κἂν ἐν Μεγάροις ᾖς,
ὁμοίως τῷ Πελοποννησίῳ· μέχρι μήπω τῷ ἀνακτόρῳ προσελήλυθας, ἀμύητος
εἶ. Νόμιζε δὴ καὶ τὸν βίον ὁδόν τινα εἶναι μακράν, ἐπ´ Ἐλευσῖνα ἢ
Βαβυλῶνα ἄγουσαν, τέρμα τε δὴ τῆς ὁδοῦ τὰ βασίλεια αὐτὰ καὶ
ἀνάκτορα, καὶ τὴν τελετήν· ὑπὸ δὲ πλήθους ὁδοιπόρων μεστὴν τὴν ὁδὸν
θεόντων, ὠθιζομένων, καμνόντων, ἀναπαυομένων, κειμένων,
ἐκτρεπομένων, πλανωμένων· πολλαὶ γὰρ αἱ παρατριβαὶ καὶ ἀπατηλαί, ὧν
αἱ μὲν πολλαὶ ἐπὶ κρημνοὺς καὶ βάραθρα ἄγουσιν, ἐπὶ τὴν Σειρήνων, αἱ
δὲ ἐπὶ τοὺς Λωτοφάγους, αἱ δὲ ἐπὶ τὸν Κιμμερίων δῆμον· μία δέ που
τὶς στενὴ καὶ ὄρθιος καὶ τραχεῖα, καὶ οὐ πολλοῖς πάνυ ὁδεύσιμος, ἐπ´
αὐτὸ ἄγει τὸ τῆς ὁδοῦ τέρμα, ἣν μόγις καὶ μετὰ πραγμάτων σὺν πολλῷ
πόνῳ καὶ ἱδρῶτι ἀνύουσιν καματηραὶ καὶ ἐπίπονοι ψυχαί, καὶ
ἐπιθυμοῦσαι τοῦ χωρίου, καὶ ἐρῶσαι τῆς τελετῆς, καταμαντευόμεναι
αὐτῆς τὸ κάλλος· ἐπειδὰν δὲ ἀφίκωνται ἐκεῖ, παυσάμεναι τοῦ πονεῖν,
παύονται τοῦ πάθους. Τίς γὰρ ἄλλη τελετὴ μυστικωτέρα, καὶ τίς ἄλλος
τόπος σπουδῆς ἄξιος; Ταύτην ἔχει τοῖς ἀνθρώποις τὴν χώραν τὸ ἀγαθόν,
ἣν τοῖς ἀμυήτοις Ἐλευσῖν ἔχει. Μυήθητι, ἐλθέ, ἐπίβηθι τοῦ χωρίου,
λάμβανε τὰ ἀγαθά, καὶ οὐ ποθήσεις ἄλλο μεῖζον. |
III. Quel est donc le bien du corps ?
La santé.
Quel en est le mal ? La maladie.
Or, la santé
est une, et les maladies sont
en grand nombre. Quel est le bien dans la musique? L’harmonie
(17). Or, l’harmonie est une, et le défaut
d'harmonie a diverses manières
d'être.
Dans un chœur,
le concert est un, et le charivari peut exister de plusieurs manières.
Sur un vaisseau à
trois rangs de rames, le son de la flûte
est un, et il y a plusieurs manières
d'en marquer la mesure. Dans un char, l'art du cocher a aussi son unité
; et le défaut
de cet art a des modifications diverses. Dans une phalange, le soin de garder le
mot d'ordre a aussi son unité
; et le mot d'ordre y est exposé à
plus d'un genre d'anarchie. Je ne vois ni excès,
ni défaut,
dans 1a nature de cette unité.
Elle est stable et fixe. Elle n'admet dans son essence aucun mouvement ni
progressif, ni rétrograde.
Mais, lorsqu'il s'agit de choses qui fout nombre et pluralité,
alors je peux discerner les diverses natures de ces choses. Car, si le plus long
chemin a un terme unique, il est susceptible de plusieurs stations. Qu'il faille
aller à
Babylone. L’Assyrien en sera plus près
que l'Arménien, l'Arménien
plus près que le Lydien, le Lydien
plus près
que l'Ionien,
et l'Ionien plus près
que l'habitant des îles.
Mais nul n'est encore, à
Babylone, ni l'Assyrien, ni l'Arménien
(18), ni le Lydien, ni l'Ionien, ni
l'habitant des îles.
Qu'il faille aller à
Eleusis. Le Péloponnèse
(19) sera d'abord le plus voisin, ensuite
Mégare,
ensuite Corinthe. Mais vous n'êtes
pas encore initié.
Fussiez-vous à
Mégare,
fussiez-vous dans le Péloponnèse,
vous ne serez pas pour cela initié,
avant que vous n'ayez pénétré
dans le temple de la Déesse. Pensez donc que la vie est comme un long chemin qui conduit à Eleusis
ou à
Babylone; que le terme de ce chemin est, ou un palais, ou un temple, ou une
initiation : qu'au milieu de l'immense multitude de personnes dont ce chemin est
couvert, on ne voit que gens qui courent, qui s'entrechoquent, qui sont rendus
de fatigue, qui se reposent, qui sont étendus à
terre, qui reviennent sur leurs pas, qui ne savent où
ils vont. Car à
ce chemin tiennent plusieurs sentiers, qui séduisent
par des agréments
trompeurs, et dont la plupart conduisent
à travers des abîmes
et des précipices,
les uns dans le pays des Sirènes,
les uns dans celui des Lotophages, et les autres dans celui des Cimmériens
(20). Mais il n'y a qu'une voie étroite,
ardue, scabreuse, par où
il ne peut passer que peu de monde, qui aboutisse au véritable
terme de ce chemin. Dans cette voie s'engagent à peine,
pour arriver avec beaucoup de fatigues, de travaux et de sueur, les âmes les
plus actives, et les plus laborieuses (21),
qui désirent
atteindre le but ; âmes
amoureuses d'une initiation dont elles ont, par une sorte de divination, comme
apprécié
d'avance toute la beauté.
Aussi lorsqu'elles sont enfin arrivées,
les fatigues sont finies pour elles. Leurs vœux sont accomplis. Car, où
serait pour elles une initiation plus auguste ; un lieu digne d'être recherché avec plus d'empressement ? Il en est du vrai
Bien pour l'homme, comme d'Eleusis pour ceux qui ne sont point initiés.
Faites-vous donc initier. Allez ; arrivez à ce lieu.
Prenez possession du vrai Bien, et vous ne désirerez
rien de plus.
|
[4] Ἐὰν δὲ τὸ ἀγαθὸν ἐπονομάζῃς τῇ τῶν
μὴ ἀγαθῶν φύσει, ὑγιείας σωμάτων καὶ εὐμορφίας, καὶ περιβολὴν χρυσοῦ
καὶ ἀργύρου, καὶ δόξαν προγόνων, καὶ τιμὴν πολιτικήν, πράγματα
ἡδοναῖς μᾶλλον ἢ ἀγαθοῖς μετρεῖσθαι πεφυκότα, ἐξαγορεύεις τὰ
μυστήρια, πλημμελεῖς περὶ τὸ θεῖον. Τοιούτων ἀγαθῶν μεταλαβεῖν
ποθεῖς, οἵων καὶ Ἀλκιβιάδης μυστηρίων, μεθύων, δᾳδοῦχος, καὶ ἐκ
συμποσίου ἱεροφάντης, καὶ ἐν παιδιᾷ τελεστής. Ἀγαθὸν δὲ ἀγαθοῦ
ἀπορρητότερον οὐκ ἂν εὕροις μᾶλλον, ἢ κάλλος κάλλους ὡραιότερον· ἐὰν
γάρ τι τούτων ἀφέλῃς, οὐκ ἔτι καλὸν οὐδὲ ἀγαθὸν τὸ μήπω ἀγαθόν. Οὐχ
ὁρᾷς τὸν ὑπὲρ κεφαλῆς τοῦτον οὐρανόν, καὶ τὰ ἐν αὐτῷ ἄστρα, καὶ τὸν
ὑπ´ αὐτῷ αἰθέρα καὶ ὑπὸ τούτῳ ἀέρα, καὶ τὴν ὑπ´ αὐτῷ θάλατταν;
διαμέτρησον αὐτῶν τὰς φύσεις. Τοῦτο γῆς μέρος τοῦ ὅλου πλατὺ καὶ
πολυτρόφον καὶ δενδροφόρον καὶ ζῳοτρόφον· ἀλλ´ ἐὰν πρὸς τὴν θάλατταν
ἐξετάζῃς, ἔλαττον θαλάττης· καὶ θάλαττα, ἀέρος ἔλαττον, καὶ
αἰθὴρ οὐρανοῦ. Μέχρι τούτου τὰ μέρη πρόεισιν, ὑπερβάλλοντα καὶ
ὑπερβαλλόμενα· ἐὰν δὲ ἔλθῃς ἐκεῖ, στήσεται ὁμοῦ τῷ μεγέθει καὶ τὸ
κάλλος. Τί γὰρ ἂν εἴη οὐρανοῦ ὡραιότερον; τί ἄστρων περιλαμπέστερον;
τί ἡλίου ἀκμαιότερον; τί σελήνης εὐτροφώτερον; τί τῶν ἄλλων
χορῶν εὐτακτότερον; τί τῶν θεῶν αὐτῶν τιμιώτερον; |
IV.
Mais, si vous donnez le nom de vrai Bien
à ce qui n'est point tel de sa nature, à la santé du corps, à la beauté de
ses formes, à l'étalage de l'opulence, à la renommée des ancêtres, à
la considération attachée aux magistratures, toutes choses faites
pour être mises au rang des avantages agréables, plutôt qu'au rang
des biens, vous prostituez les mystères de
l'initiation, vous profanez les choses qui touchent à la Divinité.
Il en est des biens dont vous désirez la possession, comme des
mystères d'Alcibiade, lorsque, au milieu de ses orgies, devenu ivre,
et jouant tantôt le rôle de celui qui porte le flambeau, tantôt
celui du Hiérophante, il tourne en dérision les cérémonies de
l'initiation (22).
D'ailleurs, il n'est pas plus aisé de trouver un bien plus
digne qu'un autre bien d'être enveloppé sous le voile des
mystères (23),
que de trouver un Beau qui soit plus beau qu'un autre Beau.
Car, si vous ôtez à l'un et à l'autre quelqu'un de leurs éléments,
le Beau qui a perdu quelque chose, n'est plus Beau;
le Bien qui a perdu quelque chose, n'est plus Bien.
Ne voyez-vous point ce Ciel qui est au-dessus de votre tête, ces
astres qui l'embellissent, cet Ether, qui est au-dessous du Ciel,
cet air qui est au-dessous de l'Ether, cet Océan qui est au-dessous
de l'air, et cette terre que l'Océan environne? Considérez la nature
de chacune de ces choses. Cette terre, partie du tout, est étendue,
variée dans ses sites : elle produit les arbres : elle nourrit les
animaux : mais, si vous la comparez à la mer, elle est moindre que
la mer; tout comme la mer est moindre que l'air, l'air moindre que
l'Ether, et l'Ether moindre que le firmament. Jusqu'à ce dernier,
les parties de l'Univers suivent une progression d'après
laquelle elles surpassent et sont surpassées, tour à tour. Allez
jusqu'à lui, et vous y trouverez la grandeur fixée en même-temps que
la beauté. Car, qu'y a-t-il de plus beau que le Ciel, de plus
brillant que les astres, de plus vivifiant que le soleil, de plus
fécond que la lune (24)?
Où est une plus belle harmonie que celle qui existe entre les
autres puissances du Ciel ? Qu'y a-t-il de plus saint et de plus
auguste que les Dieux eux-mêmes (25).
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[5] Κινδυνεύουσιν δὲ οἱ ἄνθρωποι,
καθάπερ τοῖς ἀγαθοῖς, οὕτω καὶ τοῖς θεοῖς ζυγοστατεῖν τὰς τιμάς. Τίς
οὗτος; Ζεύς· ἀρχέτω. Τίς οὗτος; Κρόνος· δεδέσθω.Ἥφαιστος· χαλκευέτω.
Ἑρμῆς· ἀγγελλέτω. Ἀθηνᾶ· ὑφαινέτω. 〈Διόσκουροι· ἐπὶ νε〉ὼς
Πελοποννησίοις ἑπέσθωσαν. Ἀγνοοῦσιν γάρ, οἶμαι, ὡς θεοῖς πᾶσιν εἷς
νόμος καὶ βίος καὶ τρόπος, οὐ διῃρημένος, οὐδὲ στασιωτικός· ἄρχοντες
πάντες, ἡλικιῶται πάντες, σωτῆρες πάντες, ἰσοτιμίᾳ καὶ ἰσηγορίᾳ
συνόντες τὸν πάντα χρόνον· ὧν μία μὲν ἡ φύσις, πολλὰ δὲ τὰ ὀνόματα.
Ὑπὸ γὰρ ἀμαθίας αὐτῶν τὰς ὠφελείας τὰς ἑαυτῶν ἕκαστοι ἐπονομάζομεν
ἄλλος ἄλλῃ κλήσει θεοῦ. Καθάπερ καὶ τὰ μέρη τῆς θαλάττης, Αἰγαῖον
τοῦτο, Ἰώνιον ἐκεῖνο, Μυρτῶον ἄλλο, Κρησαῖον ἄλλο· ἡ δ´ ἐστὶν μία,
ὁμογενής, καὶ ὁμοπαθής, καὶ συγκεκραμένη· οὕτω καὶ τἀγαθόν, ἓν ὂν
καὶ ὅμοιον αὑτῷ καὶ ἴσον πάντοθεν, ὑπὸ ἀσθενείας τῆς πρὸς αὐτὸ καὶ
ἀγνωσίας ταῖς δόξαις διαιρούμεθα. Πλουτεῖ Καλλίας, μακάριος τῶν
ἀγαθῶν· ἀλλὰ Ἀλκιβιάδης Καλλίου ὡραιότερος. Ἀντιθῶμεν τἀγαθά,
πλοῦτον κάλλει· Ποῖον αὐτῶν ἑκατόμβοιον; ἐννεάβοιον ποῖον; πότερον
ἑλώμεθα; πότερον εὐξόμεθα; Οὐκοῦν ὁ μὲν Φοῖνιξ καὶ ὁ Αἰγύπτιος
τὸ Καλλίου ἀγαθὸν εὔξεται· ὁ δὲ Ἠλεῖος καὶ ὁ
Βοιώτιος τὸ Ἀλκιβιάδου. Εὐγενὴς Παυσανίας, ἀλλ´ ἐνδοξότερος
Εὐρυβιάδης. Ἀντιθῶμεν εὐδοξίᾳ γένος· τίς κρατεῖ; τίνι δῶμεν τὰ
νικητήρια φέροντες; Σωκράτης πένης, Σωκράτης αἰσχρός, Σωκράτης
ἄδοξος, Σωκράτης δυσγενής, Σωκράτης ἄτιμος. Πῶς γὰρ οὐκ αἰσχρὸς καὶ
ἄτιμος καὶ δυσγενὴς καὶ ἄδοξος καὶ πένης ὁ τοῦ λιθοξόου, ὁ σιμός, ὁ
προγάστωρ, ὁ κωμῳδούμενος, ὁ εἰς δεσμωτήριον ἐμβαλλόμενος,
ἀποθνήσκων ἐκεῖ, ἔνθα καὶ Τιμαγόρας ἀπέθανεν; Ὢ τῆς ἐρημίας τῶν
ἀγαθῶν· ὀκνῶ γὰρ εἰπεῖν πλῆθος κακῶν. Τί τούτοις ἀντιθῶμεν; τί
φῶμεν; Παράβαλλε τοῖς ἀνταγωνισταῖς τὸν Σωκράτην ἐν κτήσει ἀγαθῶν·
οὐχ ὁρᾷς ἡττώμενον ἐν πλούτῳ Καλλίου, ἐν σώματι Ἀλκιβιάδου, ἐν τιμῇ
Περικλέους, ἐν δόξῃ Νικίου, ἐν θεάτρῳ Ἀριστοφάνους,
ἐν δικαστηρίῳ Μελήτου; Μάτην ἄρα αὐτῷ ὁ Ἀπόλλων τὰ νικητήρια ἔδωκεν,
μάτην ἐπεψηφίσατο. |
V. L'erreur où les hommes tombent d'ailleurs en
admettant plusieurs sortes de bien
(26), ils la
commettent en admettant plusieurs Dieux, et en leur distribuant à
chacun son apanage, comme avec une balance. Quel est celui des Dieux
qui se présente ? Jupiter. Qu'il règne. Quel est cet autre? Saturne.
Qu'il soit garrotté. Vulcain, qu'il ait une forge. Mercure, qu'il
soit messager. Minerve, qu'elle travaille à l'aiguille. Ils
ignorent, je pense, que tous les Dieux n'ont qu'une même loi, les
mêmes mœurs, une même manière d'être, sans nulle division, sans nul
conflit. Ils ont tous la même part à l'Empire ; ils sont tous du
même âge ; ils s'intéressent tous également à la conservation des
hommes ; ils sont revêtus des mêmes prérogatives ; ils partagent la
même autorité, et cela dans tous les temps. Ils ne forment qu'une
même nature sous des noms divers (27).
Dans l'ignorance où nous sommes, à leur égard, nous attribuons à
chacun d'eux les bienfaits de leur providence commune. Les
dénominations se multiplient et se diversifient, comme celle des
plages de la mer : tantôt, en effet, c'est la mer Egée, tantôt la
mer Ionienne (28)
; ici, c'est la mer de Myrto; là, c'est la mer de Crète; quoique la
mer soit une, homogène, soumise aux mêmes impressions et cohérente
dans toutes ses parties. Il en est ainsi du Bien. Il
est un, semblable à lui-même, et identique sous tous les rapports.
Notre opinion ne le divise que parce que notre faiblesse et notre
ignorance nous empêchent d'atteindre à sa véritable essence. Callias
est opulent, il est heureux, sous le rapport de ce genre de
bien. Mais Alcibiade est plus beau que Callias. Comparons
ces deux genres de bien ensemble, l'opulence avec la beauté.
Laquelle des deux vaut cent bœufs ? Laquelle des deux n'en vaut que
neuf (29)
? A laquelle des deux donnerons-nous la préférence ? Pour laquelle
ferons-nous des vœux? Le Phénicien et l'Egyptien feront des vœux
pour le bien de Callias. L'habitant d'Elée et celui de la
Béotie en feront pour le bien d'Alcibiade. Pausanias était
d'une naissance illustre, mais Eurybiade avait plus de renommée.
Comparons la renommée avec la noblesse. Laquelle des deux vaut mieux
? A laquelle des deux irons-nous présenter la palme ? Socrate était
pauvre : Socrate n’était pas beau : Socrate n’avait point de
renommée : Socrate était d'une naissance obscure : Socrate ne
jouissait d'aucune considération. Mais le moyen qu'il fût sans
quelque difformité, qu'il jouît de quelque considération, qu'il fût
distingué par sa naissance, qu'il eût quelque renommée, qu'il
possédât quelque bien, celui qui était le fils d'un simple
lapidaire, qui était camus, qui avait un gros ventre, qui fut joué
sur le théâtre, qui fut jeté en prison, et qui mourut dans le même
lieu où était mort Timagoras (30).
O quelle pénurie de bien, pour ne pas dire quelle
abondance de maux. Avec quoi les mettrons-nous en parallèle? Que
dirons-nous? Comparons Socrate avec ses antagonistes, sous le
rapport de la possession des biens. Ne
voyez-vous point qu'il est vaincu par Callias sous le rapport de la
fortune, par Alcibiade sous le rapport de la beauté du corps, par
Périclès sous le rapport de la considération publique, par Nicias
sous le rapport de la renommée ? Ne voyez-vous pas qu'Aristophane
triomphe à ses dépens, sur le théâtre, et Mélitus, dans les
tribunaux ? C’est en vain qu'Apollon lui a décerné la palme. Ce Dieu
a eu beau le proclamer le plus sage des mortels
(31).
|
NOTES.
(01)
Le vers d'Homère
que Maxime de Tyr censure, ici, est le 234e du chant sixième
de l’Iliade. Il termine, à
peu près,
l'épisode
où
le poète raconte ce qui se passa entre Glaucus et Diomède,
sur le champ de bataille : épisode
curieux et intéressant, par les notions qu'il donne à recueillir sur la sainteté
des droits de l'hospitalité
chez les Anciens. D'ailleurs, le texte porte littéralement,
d'avoir donné
ce qui valait cent bœufs pour ce qui n'en valait que neuf.
(02)
Odyssée, chant huitième,
vers 163.
(03)
Le texte dit à
la lettre, les belles choses : sur quoi je remarque que, dans
notre langue, nous attachons au mot Beau substantifié,
le sens philosophique et moral qu'il a dans la doctrine des anciens philosophes;
mais que l'adjectif de ce mot ne peut point être
employé dans ce même
sens avec le même
succès
qu'il l'est, dans la langue grecque.
(04)
Les éditions
vulgaires portent,
ληνοῦ,
qui ne dit rien, au lieu de λέμνου
qui
désigne Lemnos. Heinsius, auteur de cette judicieuse
correction, y a été
conduit par le passage d'Homère
que Maxime de Tyr a appliqué,
ici. Ce passage est emprunté
du septième
chant de l’Iliade, vers 473 et 474. Un peu plus haut, dans le 467e,
on trouve que c'est à
Lemnos qu’avait été
fait, contre du vin, l'échange
des objets détaillés
plus bas.
Les rédacteurs
des Institutes de Justinien, ont cité
ce même
passage d'Homère,
liv. III, tit. 24, § 2, à
propos de la question controversée
parmi les Jurisconsultes Romains; savoir, si ce contrat était, proprement un contrat de vente, ou un simple échange.
Pour dire en passant, notre avis sur cette question, il nous semble qu'il faut
nier que le contrat de vente ait existé,
avant que les hommes ayant songé à
battre monnaie, si, selon la rigueur du principe consacré
dans les écoles de
Droit, on ne veut admettre le contrat dont s'agit, que lorsqu'on y fait entrer
un prix en argent.
(05)
En comparant ce texte au passage du second livre d'Hérodote,
chap. 6, dont il est emprunté,
Davies et Markland ont remarqué
que la mémoire
de Maxime de Tyr l’avait trompé
; et qu'au lieu des cultivateurs en général,
il fallait, ainsi que la progression de la phrase l'indique d'ailleurs, les
petits propriétaires.
(06)
Selon Pollux, le lexicographe, la
mesure grecque que j'ai rendue par le mot toise, était
comprise entre les extrémités
des deux bras horizontalement étendus.
(07)
Les manuscrits varient sur le nom de l'Auteur. Les uns nomment Prodicus.
Celui de la Bibliothèque
nationale nomme Prodotus. Mais Heinsius a très bien lu
qu'il s'agissait, ici, d'Hérodote.
(08)
Le stade est une mesure ancienne assez connue, quant à la dénomination,
sinon, quant à
la dimension, Cette dernière
est fixée
d'une manière
précise
dans le Dictionnaire Encyclopédique.
Quant au Schœne,
mesure égyptienne
beaucoup moins connue, les Auteurs ne sont pas d'accord sur sa véritable
dimension. Les uns la font de trente stades, les autres de quarante, d'autres
d'un plus grand nombre. Voyez Strabon, liv.
XVII.
(09)
Le 321e vers du chant vingtième
de l’Iliade, parle de jument et non de chevaux,
comme porte le texte. Ce qui paraît
bien plus dans l'ordre des choses.
(10)
Ce passage a donné
de la tablature aux critiques. Heinsius, Davies et Markland ont formé
chacun leur conjecture pour le corriger. J'ai pris la liberté
de penser qu'il n'y avait point de correction à faire,
et que le sens de Maxime de Tyr pourrait
être entendu dans le texte tel qu'il est.
D'ailleurs, Formey m'a paru avoir commis, ici, un vrai contre-sens, en
traduisant le latin d'Heinsius.
(11)
Formey a également
mutilé
le sens de cette phrase.
(12)
Markland remarque, ici, que Maxime de Tyr ne lait qu'emprunter, dans cet
endroit, un passage du Symposiaque de Platon. u Lorsque le chaud
et le froid, le sec et l'humide sont harmonique-ti ment combinés
et mélangés
ensemble, le bien-être, la santé
de n l'homme en est l'heureux résultat
»,
(13)
Davies relève,
ici, une inadvertance d'André
Schott, un Helléniste
moderne, qui a travaillé
sur Maxime de Tyr. Faute d'avoir fait attention que le mot
στάσιν
du texte, signifie aussi bien solidité,
stabilité,
qu'il signifie sédition,
cet annotateur avait cru qu'au lieu de
μέτρον, il fallait lire
ἄμετρον, avec l'a privatif, et il avait dénaturé
le vrai sens de l'original. Au surplus, ces inadvertances peuvent échapper
aux plus habiles Hellénistes
; et lorsqu'on les aperçoit,
il convient d'en faire plutôt
un sujet d'indulgence que de censure,
Aliquando bonus dormitat Homerus.
(14)
Quoique la leçon
vulgaire, dans ce passage, ne soit point celle des deux manuscrits que Davies a pris pour guides, je lui ai donné
la préférence
sur celle que ce critique a proposée.
D'ailleurs, le sens revient, à
peu près,
au même
des deux côtés.
(15)
Markland fait remarquer, ici, que le mot grec
ἅρμα
est pris, dans cette phrase, par synecdoque,
pour les chevaux attelés
au char. Cela s'entend de soi-même
; et il cite, à
ce propos, le vers qui termine le premier chant des Géorgiques
de Virgile, où
ce poète a fait un usage bien plus hardi de cette figure, au sujet du même
mot :
.............................Frustra
retinacula tendens
Fertur equis auriga,
neque audit currut habenas.
(16)
Le texte porte
εἰς πλήθους φυγην.
Cette dernière
expression a paru suspecte à
Markland; et j'avoue que j'ai partagé
son opinion. Mais peut-être que Maxime de Tyr n’avait pas écrit,
ainsi que ce docte critique le suppose,
εἰς πλήθυς φύσιν.
Quoique dans le style grec on puisse
dire πλήθυς φύσις
pour
πλῆθος dans
le même
sens que notre Auteur a dit, Dissertation XLI, sect I,
ποταμοῦ φύσις
pour
ποταμὸς, ce n'est peut-être
pas une raison suffisante pour admettre cette correction. Qui sait si la vraie
leçon
ne serait pas plutôt
εἰς
πλῆθος φεῦγον
?
(17)
Heinsius, sur la foi de la version de Pacci, a ajouté,
comme lui, « Quel en est le mal (de la musique) ? Le défaut
d'harmonie ».
Davies refuse d'admettre cette addition ; d'abord, parce que les deux
manuscrits, qu'il a soigneusement vérifiés,
n'offrent point cette leçon,
et ensuite, parce que le Discours de Maxime de Tyr ne l'exige pas.
(18)
Les éditions
vulgaires de notre auteur ne contiennent-point les membres de cette phrase que
nous avons mis en italique. C'est le manuscrit de la Bibliothèque
nationale, auquel Davies donne l'épithète
de prœ stantissimus,
qui a fourni à cet Helléniste
la partie du texte qui devait remplir cette lacune. Quoique cette lacune existe
dans la version latine d'Heinsius, Formey y a néanmoins
suppléé.
(19)
Le grec porte Πελοπόννησος αὔτη;
et cette dernière
expression a donné lieu à
Markland de conjecturer, que Maxime de Tyr avait débité
cette Dissertation dans quelqu'une des cités
du Péloponnèse.
(20)
Maxime de Tyr fait allusion, ici, aux aventures d'Ulysse. Voyez,
d'ailleurs, le traité
d'Apulée
intitulé,
du Dieu de Socrate.
(21)
C'est, à
peu de chose près,
dans les mêmes
termes que les saints livres s'expriment touchant le chemin du Ciel.
(22)
On voit, en effet, dans Plutarque et dans Cornélius
Népos,
vie d'Alcibiade,
que ce dernier fut solennellement
accusé
par un certain Androclès,
d'avoir fait, dans sa maison, un sujet de ridicule et de plaisanterie de
la célébration
des mystères.
(23)
Formey a traduit : « Un bien ne saurait être plus
mystérieux
qu'un autre bien, tout comme il
n'y a point de beau qui l'emporte en beauté
sur un autre beau. » On peut
douter que ce soit avoir fidèlement
traduit le latin d'Heinsius :
Bonum bono non magis est mysticum.
Mystérieux
ne rend pas
mysticum.
(24)
On a déjà
vu, dans plusieurs passages de
notre auteur, qu'il parle dans le sens le plus positif de l'influence de la
lune, sur les productions de la terre.
(25)Voyez
la note d'Heinsius sur le mot
τιμιῶτερον
de ce passage.
Proprie locutiis est,
dit-il, quia est Deus, et,
ut Alcinous loquitur,
κατὰ τὴν τοῦ τιμίου ὑρεροχήν:
« Dieu est non seulement auguste,
mais même
il est l'Etre auguste par excellence ». Au reste, on remarque dans cette note
d'Heinsius un passage d'un paraphraste inédit
d'Aristote, qui « regarde comme ridicule de louer les Dieux d'une chose qui les
fait descendre à
notre niveau ; savoir, lorsqu'on les
loue de tendre, de se diriger vers le Bien ». Cette tendance, cette direction
est, en effet, tellement inhérente
à
leur essence, qu'ils ne pourraient ne pas l'avoir sans cesser d'être
ce qu'ils sont.
(26)
Le traducteur Florentin n'a pas fait assez-attention, ici, à la pensée
de notre Auteur ; et il est tombé
dans un contre-sens, en appliquant aux gens-de-bien,
bonis viris,
ce qui ne devait être
entends que du bien moral. Heinsius ne s'y est pas trompé.
(27)
Voilà
le mot sacramentel. Voilà
bien l'unité
de Dieu, aussi formellement, aussi expressément
proclamée
parla philosophie, qu'elle l'est par ceux qui la reconnaissent sous trois
hypostases, sans compter la Sainte-Vierge, et les Demi-dieux de la légende.
(28)
Davies et Markland ont fait assaut d'érudition,
au sujet du mot Ἴονιονde
l'original, le premier, pour démontrer
que ce mot doit être
écrit
par un omicron, le second pour établir
qu'on pourrait aussi bien l'écrire
par un oméga.
Voyez leurs notes dans leur édition.
(29)
Ceci fait allusion à ce qui a été
dit au commencement de cette Dissertation, des armes de Glaucus et de
celles de Diomède.
(30)
Timagoras, Athénien,
fut envoyé
en ambassade auprès
du grand Roi. Valère-Maxime
dit que ce fut auprès
de Darius. Plutarque et Suidas disent que ce fut auprès
d'Artaxerxès.
Quoi qu'il en soit, à son retour de Perse, Timagoras fut
condamné à
mort par les Athéniens.
S'il fallait en croire Valère-Maxime, le peuple d'Athènes
aurait fait un crime capital à
Timagoras de s'être
présenté
au grand Roi, selon le cérémonial
des Perses, et non point selon le cérémonial
grec. Si le jugement des Athéniens
contre Timagoras n’avait eu que ce motif, ce serait un exemple bien rigoureux de
l'austérité
républicaine.
Mais Suidas et Plutarque rapportent que Timagoras fut condamné
pour s'être
laissé
corrompre par les largesses du grand Roi ; et Maxime de Tyr paraît
confirmer, ici, le témoignage de Plutarque et de Suidas. Voyez Valère-Maxime, lib. VI,
cap. 3, ext. 2 ; Plutarque, Vie d'Artaxerxès,
et Suidas sous le mot Timagoras.
(31)
Voyez les notes de la première
section de la Dissertation intitulée
: Si Socrate fit bien de ne rien dire pour sa défense.
Paris, le 30 frimaire an IX. (21 décembre
1800.)
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