MAXIME DE TYR
DISSERTATIONS
DISSERTATION
XVI.
Si nos
connaissances sont des réminiscences (1).
Εἰ αἱ μαθήσεις ἀναμνήσεις.
UN
Crétois, nommé Épiménide, vint à Athènes. Dans une conversation, il y
débita une chose assez difficile à croire, savoir : Qu'il était demeuré
longues années plongé dans un profond sommeil (2),
dans l'antre de Jupiter Dictéen ; et, qu'en songe, il avait été en relation
avec les Dieux, avec les enfants des Dieux, avec la Vérité, avec la Justice.
Dans ce discours, Épiménide ne faisait, à mon avis, que dire, sous le voile
d'une fiction, que la vie de l'homme, sur la terre, n'était pour son âme qu'un
songe long et de plusieurs années. Il eût été bien plus digne de foi, s'il
eût ajouté à ce qu'il disait, ce que dit Homère en parlant des songes. Car
il dit quelque part que les songes fugitifs ont deux portes, l'une d'ivoire, et
l'autre de corne; que ceux qui passent par la porte de corne sont vrais, et
méritent confiance ; que les autres sont suspects, trompeurs, et n'apportent
rien de bon à l'âme lorsque l'on est éveillé. Tel était le but du discours
d'Épiménide, soit que ce fût une fable qu'il racontait, soit qu'il parlât
vrai. En effet, elle n'est ici bas qu'un rêve, cette vie, où l'âme, comme
enfoncée dans le corps, par l'abondance et l'intensité des besoins physiques,
reçoit à peine, même en songe, des notions de la vérité des choses.
D'ailleurs, les songes des âmes vulgaires leur arrivent par les portes
d'ivoire. Mais, s'il est des âmes pures, tempérantes, sur lesquelles
l'abondance et l'intensité des besoins physiques n'exercent qu'une médiocre
influence, il est dans l'ordre que les songes leur arrivent par d'autres portes,
et qu'ils se présentent à elles sous des apparences claires, distinctes, et
très voisines de la vérité. Tel était le songe d'Épiménide. |
Ἀφίκετό ποτε Ἀθήναζε Κρὴς ἀνήρ, ὄνομα
Ἐπιμενίδης, κομίζων λόγον, οὑτωσὶ ῥηθέντα, πιστεύεσθαι
χαλεπόν· ἐν τοῦ Διὸς τοῦ Δικταίου τῷ ἄντρῳ κείμενος ὕπνῳ βαθεῖ ἔτη
συχνά, ὄναρ ἔφη ἐντυχεῖν αὐτὸς θεοῖς καὶ θεῶν λόγοις, καὶ ἀληθείᾳ,
καὶ δίκῃ. Τοιαῦτα ἄττα διαμυθολογῶν ᾐνίττετο, οἶμαι, ὁ Ἐπιμενίδης,
ὡς ἄρα ὁ ἐν γῇ βίος ταῖς τῶν ἀνθρώπων ψυχαῖς ὀνείρατι ἔοικεν μακρῷ
καὶ πολυετεῖ. Πιθανώτερος δ´ ἦν ἂν καὶ τὰ Ὁμήρου ἔπη προστιθεὶς τῷ
αὑτοῦ λόγῳ, ἃ περὶ ὀνείρων ἐκεῖνος. Λέγει γάρ που Ὅμηρος δύο εἶναι
πύλας ἀμενηνῶν ὀνείρων, τὴν μὲν ἐξ ἐλέφαντος, τὴν δὲ ἐκ
κεράτων· τοὺς μὲν οὖν διὰ κεράτων ἰόντας ἀτρεκεῖς τε εἶναι καὶ
πιθανοὺς πιστεύεσθαι· τοὺς δὲ ἑτέρους σφαλερούς, καὶ
ἀπατεῶνας, καὶ μηδὲν ὕπαρ ἐπὶ τὴν ψυχὴν φέροντας. Ταύτῃ τοι ἔτεινεν
καὶ ὁ Ἐπιμενίδου εἴτε μῦθος εἴτε καὶ ἀληθὴς λόγος. Ἐνύπνιον γάρ τι
ἐστὶν ἀτεχνῶς οὑτοσὶ ὁ δεῦρο βίος, καθ´ ὃν ἡ ψυχὴ κατορωρυγμένη ἐν
σώματι ὑπὸ κόρου καὶ πλησμονῆς μόγις πως ὀνειρώττει τὰ ὄντα.
Ἔρχονται δὲ ταῖς μὲν τῶν πολλῶν ψυχαῖς ὄνειροι δι´ ἐλεφαντίνων
πυλῶν· εἰ δέ που τίς ἐστιν καθαρὰ ψυχὴ καὶ νηφάλιος, καὶ ὀλίγα ὑπὸ
τοῦ δεῦρο κάρου καὶ τῆς πλησμονῆς ἐπιταραττομένη, εἰκός που ταύτῃ
δι´ ἑτέρων ἰόντα ἀπαντᾶν ὀνείρατα σαφῆ καὶ διακεκριμένα καὶ ἐγγύτατα
τῷ ἀληθεῖ. Οὗτος ἦν ὁ Ἐπιμενίδου ὕπνος. |
II.
D'ailleurs, Pythagore de Samos fut le premier des Grecs (3)
qui osa dire que son corps mourrait, mais que son âme s'envolerait, sans être
sujette, ni à la mort, ni à la vieillesse. Car elle existait avant de venir
sur la terre. Les hommes adoptèrent cette doctrine. Ils crurent, ainsi qu'il le
leur disait, qu'il avait auparavant existé sur la terre dans un autre corps, et
qu'il avait été autrefois Euphorbe le Troyen. Il entra un jour dans un temple
de Minerve (4). Les offrandes qui avaient été
consacrées à la Déesse, dans ce temple, n'étaient ni nombreuses, ni
variées. On y voyait un bouclier dont la forme annonçait qu'il avait appartenu
à un Phrygien, mais dont la vétusté avait oblitéré les empreintes. À
l'aspect de ce bouclier, Pythagore dit : « Je le reconnais, il me fut enlevé
par celui qui me donna la mort, autrefois, sous les murs d'Ilion, dans une
bataille ». Les citoyens du lieu, étonnés de ce discours, détachèrent le
bouclier de sa place, et ils y lurent cette inscription : « Ménélas consacre
à Minerve cette dépouille d'Euphorbe (5) ».
Veut-on que je raconte une autre merveille de ce genre. À Proconnèse (6)
était un homme dont le corps s'étendait à terre, conservant quelque
respiration, mais si faible, qu'on l'eût pris pour un cadavre; tandis que son
âme, prenant son essor, s'élançait dans les régions de l'Ether, à l'instar
d'un oiseau, s'y promenait en contemplant tout ce qui était au-dessous d'elle,
la terre, la mer, les fleuves, les cités, les moeurs des peuples, leurs
passions, leurs caractères divers. De là elle rentrait dans le corps, elle le
ressuscitait; et, s'en servant comme d'un instrument organique, elle racontait
tout ce qu'elle avait vu et entendu, de côté et d'autre. |
Πυθαγόρας δὲ ὁ Σάμιος πρῶτος ἐν τοῖς
Ἕλλησιν ἐτόλμησεν εἰπεῖν, ὅτι αὐτῷ τὸ μὲν σῶμα τεθνήξεται, ἡ δὲ ψυχὴ
ἀναπτᾶσα οἰχήσεται ἀθανὴς καὶ ἀγήρως· καὶ γὰρ εἶναι αὐτήν, πρὶν
ἥκειν δεῦρο. Ἐπίστευον δὲ αὐτῷ οἱ ἄνθρωποι ταῦτα λέγοντι, καὶ ὅτι
ἤδη πρότερον γένοιτο ἐν γῇ ἐν ἄλλῳ σώματι, Εὔφορβος δὲ εἶναι ὁ Τρὼς
τότε. Ἐπίστευον δὲ ὧδε· ἀφίκετο εἰς Ἀθηνᾶς νεών, οὗ πολλὰ ἦν καὶ
παντοδαπὰ ἀναθήματα, ἐν δὲ τοῖς καὶ ἀσπίς, τὸ μὲν σχῆμα Φρυγία, ὑπὸ
δὲ χρόνου ἐξίτηλος· εἶπεν οὖν ὅτι ’Γνωρίζω τὴν ἀσπίδα, ἀφείλετο δέ
με ὅσπερ καὶ ἀπέκτεινεν τότε ἐν Ἰλίῳ ἐν τῇ μάχῃ.‘ Θαυμάσαντες οἱ
ἐπιχώριοι τὸν λόγον, καθεῖλον τὸ ἀνάθημα, καὶ ἦν ἐπίγραμμα Παλλάδι
Ἀθηνᾷ Μενέλεως ἀπὸ Εὐφόρβου. Εἰ δὲ βούλει, καὶ ἄλλον αὖ λόγον
διέξιμί σοι. Προκονησίῳ ἀνδρὶ τὸ μὲν σῶμα ἔκειτο ἔμπνουν μέν, ἀλλ´
ἀμυδρῶς καὶ ἐγγύτατα θανάτου· ἡ δὲ ψυχὴ ἐκδῦσα τοῦ σώματος, ἐπλανᾶτο
ἐν τῷ αἰθέρι, ὄρνιθος δίκην, πάντα ὕποπτα θεωμένη, γῆν, καὶ
θάλατταν, καὶ ποταμούς, καὶ πόλεις, καὶ ἔθνη ἀνδρῶν, καὶ παθήματα,
καὶ φύσεις παντοίας· καὶ αὖθις εἰσδυομένη τὸ σῶμα καὶ ἀναστήσασα,
ὥσπερ ὀργάνῳ χρωμένη, διηγεῖτο ἅττα εἶδέν τε καὶ ἤκουσεν, παρ´
ἄλλοις ἄλλα. |
III.
Que veulent donc dire Épiménide, Pythagore, et Aristéas avec de semblables
énigmes ? Désignent-ils autre chose que cet état de repos où est l'âme de
l'homme de bien, lorsque supérieure à toutes les affections, à toutes les
passions du corps, lorsque affranchie de toutes les tribulations dont il est
l'objet, elle dirige sur elle-même l'action de l'entendement, et qu'écartant
les illusions et les prestiges, elle contemple de nouveau (7)
la vérité dans sa source? Voilà l'emblème d'un beau songe, d'un songe où
les objets se montrent sous des apparences réelles et manifestes. Voilà
l'emblème d'une âme qui prend l'essor, qui s'envole dans les régions
intermédiaires, non pas au-dessus des sommités des montagnes, dans une
atmosphère ténébreuse et agitée, mais encore au-dessus, dans cette région
de l'Éther, séjour invariable de la sérénité et du calme, où tout invite
à la contemplation de la vérité. Mais quel est le mode de ce genre d'essor,
de cette sorte d'exaltation de l'âme, et quel nom lui donnerons-nous, qui
puisse lui convenir? Dirons-nous qu'elle est l'action d'apprendre, ou, selon la
doctrine de Platon, l'appellerons-nous l'action de se ressouvenir? Ou bien,
donnerons-nous ces deux dénominations, l'action d'apprendre et l'action de se
ressouvenir à une seule et même chose? Or, il en est ici comme de certaines
maladies que l'oeil éprouve (8). Il conserve
toujours la faculté de la vision, mais une humeur nébuleuse, s'étant
accidentellement répandue autour de sen organe, et l'ayant enveloppé,
intercepte toute communication entre elle et les objets visibles. Que !'art
vienne au secours de l'oeil, et le guérisse, il ne lui rend pas la vision, il
écarte l'obstacle qui empêchait son exercice, et il rouvre le champ à son
expansion. Regardez de même l'âme comme un organe visuel, dont la fonction est
de contempler, de scruter, et de connaître la nature des choses. Les divers
accidents, auxquels les corps sont sujets, produisent une épaisse obscurité
qui se répand autour d'elle, qui intercepte toute action de sa part, en lui
ôtant sa perspicacité, en éteignant la lumière qui lui est propre; et
lorsque la raison vient à elle, comme un médecin, elle ne lui apporte point la
science, qu'elle ne possède point elle-même; mais elle excite, elle réveille
une faculté que l'âme possède, et qui était offusquée, entravée, et
engourdie chez elle. |
Τί δήποτ´ οὖν Ἐπιμενίδης καὶ Πυθαγόρας
καὶ Ἀριστέας ἐθέλουσιν αἰνίττεσθαι; ἄλλό τι ἢ τὴν σχολὴν τῆς ψυχῆς
τοῦ ἀγαθοῦ ἀνδρὸς ἀπὸ τῶν τοῦ σώματος ἡδονῶν καὶ παθημάτων, ὅταν
ἀπαλλαγεῖσα τοῦ περὶ ἐκεῖνο ταράχου, καὶ ἐπιστρέψασα εἰς ἑαυτὴν τὸν
νοῦν, ἔμπαλιν ἐντυγχάνει τῷ ἀληθεῖ αὐτῷ, ἀφεμένη τῶν εἰδώλων; Τοῦτο
ἔοικεν μὲν ὕπνῳ καλῷ καὶ μεστῷ ἐναργῶν ὀνειράτων· ἔοικεν δὲ ψυχῆς
πτήσει μεταρσίῳ, οὐχ ὑπὲρ ἄκρων φερομένης τῶν ὀρῶν ἐν ἀχλυώδει καὶ
ταραττομένῳ τῷ ἀέρι, ἀλλ´ ὑπὲρ τοῦτον ὑψοῦ ἐν σταθερῷ αἰθέρι,
γαλήνης καὶ ἠρεμίας αὐτὴν παραπεμπούσης ἀλύπως ἐπὶ τὸ ἀληθές,
ἐπὶ τὴν ὄψιν. Τίς δὲ ὁ τῆς παραπομπῆς τρόπος, καὶ τί ἂν αὐτὴν
ἐμμελῶς ὀνομάζομεν; ἆρα γε μάθησιν, ἢ Πλάτωνι ὁμοφώνως ἀνάμνησιν; ἢ
δύο θησόμεθα ὀνόματα πράγματι ἑνί, μάθησιν καὶ ἀνάμνησιν; Τὸ δέ
ἐστιν τοιοῦτον, οἷον τὸ περὶ τὸν ὀφθαλμὸν πάθος· σύνεστιν μὲν γὰρ
αὐτῷ ἡ ὄψις ἀεί, ἤδη δέ που ὑπὸ συμφορᾶς ἐπιχυθεῖσα ἀχλύς, καὶ
ἀμφιέσασα τὸ ὄργανον, διετείχισεν αὐτοῦ τὴν πρὸς τὰ ὁρώμενα ὁμιλίαν·
ἡ δὲ τέχνη παρελθοῦσα ὄψιν μὲν οὐκ ἐνεποίησε τῷ ὀφθαλμῷ, τὸ δὲ
ἐνοχλοῦν παραναγαγοῦσα ἀπεκάλυψεν αὐτοῦ τὸν ἔξω δρόμον. Νόμιζε δὴ
καὶ τὴν ψυχὴν ὄψιν τινὰ εἶναι διορατικὴν τῶν ὄντων φύσει καὶ
ἐπιστήμονα· ὑπὸ δὲ τῆς τῶν σωμάτων συμφορᾶς ὑποκεχύσθαι αὐτῇ πολλὴν
ἀχλύν, καὶ συγχεῖν τὴν θέαν, καὶ ἀφαιρεῖσθαι τὴν ἀκρίβειαν, καὶ
ἀποσβεννύναι τὸ οἰκεῖον φῶς· προσιόντα δὲ αὐτῇ τεχνίτην λόγον, ὥσπερ
ἰατρόν, εὐπροστιθέναι αὐτῇ φέροντα ἐπιστήμην, πρᾶγμα ὃ μήπως ἔχει,
ἀλλ´ ἐπεγείρειν ἣν ἔχει μέν, ἀμυδρὰν δὲ καὶ ξυνδεδεμένην καὶ
καρηβαροῦσαν. |
IV.
De la même manière donc que les sage-femmes prêtent leurs bons offices aux
femmes enceintes, qu'elles leur administrent les secours de l'art, qu'elles
aident à l'enfantement, lorsque le moment en est arrivé, et qu'elles font
cesser les douleurs; de la même manière la raison remplit auprès de l'âme,
dans un état tout pareil à celui d'une femme enceinte, les fonctions que nous
venons de décrire (9). Mais la plupart des âmes ne
produisent que des avortons, soit à cause de l'impéritie avec laquelle sont
exercées, à leur égard, les fonctions dont nous venons de parler, soit à
cause de la violence des douleurs qui accompagnent pour elles ce genre
d'enfantement, soit à cause de l'insuffisance des efforts que fait ce qui doit
éclore, pour se faire jour. Elles sont d'ailleurs rares, et en petit nombre,
les âmes qui arrivent à. terme, et dont la progéniture bien conformée bien
conditionnée, ne dégénère point de son extraction. Cette sorte de grossesse,
de la part de l'âme, s'appelle intelligence : les douleurs qui l'accompagnent
s'appellent sensation : l'enfantement s'appelle réminiscence. Or, c'est la
Nature qui met toutes les âmes dans le premier état, c'est l'habitude qui leur
aide à en supporter les douleurs, c'est la raison qui leur sert comme de
sage-femme. De même donc qu'il est impossible que rien vienne au monde sans
germe, ou qu'il y vienne d'une nature différente de son germe, car un homme
vient d'un homme, un boeuf vient d'un boeuf, un olivier vient d'un olivier, un
cep de vigne vient d'un cep de vigne; de même, si l'âme a quelque perception,
quelque notion de vérité, il faut nécessairement que ces germes de vérité
soient comme implantés en elle. Or, s'ils y sont implantés, c'est de tous les
temps.. Or, s'ils y sont implantés de tous les temps, ils sont immortels.
Lorsque les germes implantés dans l'âme fleurissent et parviennent à leur
maturité, voilà sans doute ce qui constitue la science. Et ce que les hommes
appellent ignorance, qu'est- ce autre chose que la stérilisation de ces germes
(10) ? |
Ὅνπερ οὖν τρόπον καὶ ταῖς κυούσαις
προσάγουσα ἡ μαιευτικὴ τὰς χεῖρας σὺν τῇ τέχνῃ ὑποδέχεται τὸ
κυούμενον, καὶ θεραπεύει τὰς ὠδῖνας, καὶ ἐξάγει τὸ
τελεσφορηθὲν εἰς φῶς, καὶ ἀπαλλάττει τῆς ὀδύνης τὴν φέρουσαν· τοῦτον
τὸν τρόπον καὶ λόγος μαιεύεται ψυχὴν κύουσαν καὶ ὠδίνων μεστήν· ἀλλὰ
πολλαὶ ἀμβλισκάνουσιν, ἢ δι´ ἀτεχνίαν τῶν μαιουμένων, ἢ διὰ
σφοδρότητα τῶν ὠδίνων, ἢ διὰ ἀμβλύτητα τῶν σπερμάτων· ὀλίγαι δέ που
καὶ σπάνιοι ψυχαὶ τελεσφόροι, ὧν τὰ ἔκγονα σαφῆ καὶ διηρθρωμένα καὶ
γνήσια τῶν πρώτων πατέρων· ὄνομα δὲ τῇ μὲν ψυχῆς κυήσει νοῦς, τῇ δὲ
ὠδῖνι αἴσθησις, τῇ δὲ ἀποτέξει ἀνάμνησις· κύουσιν δὲ πᾶσαι μὲν ψυχαὶ
φύσει, ὠδίνουσιν δὲ ἔθει, τίκτουσιν δὲ λόγῳ. Ὥσπερ οὖν ἀδύνατον
φῦναί τι ἄνευ σπέρματος καὶ ἀλλοῖον, ἢ οἷα τὰ σπέρματα, ἄνθρωπον μὲν
ἐξ ἀνθρώπου, βοῦν δὲ ἐκ βοός, καὶ ἐξ ἐλαίας ἐλαίαν, καὶ ἐξ ἀμπέλου
ἄμπελον· οὕτω καὶ εἴ τι ἀληθὲς ἡ ψυχὴ ξυνίησιν, ἀνάγκη ἀληθῆ εἶναι
ταυτὶ τὰ σπέρματα ἐμπεφυτευμένα τῇ ψυχῇ· εἰ δὲ ἦν, καὶ ἀεὶ ἦν· ἀεὶ
δὲ ὄντα, καὶ ἀθάνατα ἦν. Καὶ τοῦτό ἐστιν ἀμέλει τὸ περὶ τὰς
ἐπιστήμας γιγνόμενον, σπερμάτων ψυχῆς ἄνθος, καὶ τελεσφόρησις· ὃ δὲ
καλοῦσιν οἱ ἄνθρωποι ἄγνοιαν, τί ἂν εἴη ἄλλο ἢ ἀργία τῶν σπερμάτων; |
V.
Si donc l'âme était, comme le corps, une substance mortelle, périssable,
sujette à la dissolution, à la pourriture, je n'aurais rien de recommandable
à dire d'elle. Car je n'ai rien de pareil à dire du corps. Il n'a qu'une
existence éphémère. Il est exposé à périr par une infinité d'accidents.
On ne peut compter sur rien en ce qui le concerne. Il n'offre qu'incertitude et
désordre. Si telle était la nature de l'âme, elle ne saurait rien, elle ne se
ressouviendrait de rien, elle n'apprendrait rien. Si l'âme était corporelle,
la cire amollie par le soleil retiendrait plus facilement l'empreinte d'un
cachet qui lui serait appliqué, que l'âme ne retiendrait ce qu'elle
apprendrait. Tous les corps s'écoulent et disparaissent avec la rapidité des
torrents. On dirait du flux et du reflux de l'Euripe. Ils vont en croissant, en
grossissant, depuis l'enfance jusqu'à la puberté. Ils baissent et décroissent
depuis la puberté jusqu'à la vieillesse (11).
Mais, ni Pythagore, ni Platon, ne disent, dans leurs oracles, que l'âme soit
rien de semblable. Ni Homère non plus, leur prédécesseur, qui fait dialoguer
aux Enfers les âmes entr'elles, et qui leur conserve encore le don de prédire
l'avenir. C'est ainsi que s'exprime quelque part, dans ses poèmes, un chanteur:
« Je ne dois qu'à moi-même ce que je sais : quant à la voix, ce sont les
Dieux qui me l'ont donnée (12) »; et il dit vrai.
L'âme est, en effet, une chose, qui apprend d'elle-même, et qui doit aux Dieux
cette faculté, qui lui est naturelle. Certes, les autres animaux s'enseignent
bien, à eux-mêmes, les choses qui leur sont propres; et personne ne dira qu'il
y ait des maîtres pour enseigner au lion à avoir de la force, au cerf à
prendre la fuite, au cheval à galoper. Les oiseaux s'enseignent aussi, à
eux-mêmes, à construire leurs nids à la cime des arbres; les araignées
s'enseignent aussi, à tendre en l'air avec un fil qui leur est propre, la toile
où doit se prendre leur proie. Les reptiles n'ont pas besoin de leçons pour
faire les trous, ni les poissons pour faire les creux, où ils se retirent. Les
animaux, chacun selon son espèce, apprennent d'eux-mêmes tout ce qu'ils ont à
faire pour se conserver. Et l'homme, le plus intelligent de tous les êtres, ne
saurait, qu'autant qu'il acquerrait du savoir! Il n'en acquerra donc jamais; car
pour en acquérir, il faudrait, de toute nécessité, de deux choses l'une, ou
trouver du savoir, ou apprendre; choses également impossibles, lorsqu'il
n'existe point de savoir inné. En effet, celui qui trouverait du savoir,
comment s'en servirait-il, puisqu'il en ignorerait l'usage? Que chez Homère, un
homme, qui n'a nulle idée de navigation, en rencontre un autre chargé d'un
timon de vaisseau, il dira « Quel énorme van vous portez sur vos larges
épaules (13) ». De qui apprendrait-il? Ce ne
saurait être de celui qui n'a point de savoir. Et s'il apprenait de quelqu'un
qui eût quelque savoir, je demanderais à celui qui lui aurait servi de
maître, d'où il a appris lui-même? Or, ce dernier doit, ou avoir trouvé le
savoir, ou avoir appris. S'il a trouvé le savoir, je demanderai : Comment s'en
servira-t-il, n'en connaissant pas l'usage ? S'il a appris d'un autre, je
répéterai ma question vis-à-vis de cet autre-là (14).
Et où nous arrêterons-nous dans cette série de maîtres auxquels nous
remonterons de l'un à l'autre en les interrogeant? À force de remonter, nous
arriverons à quelqu'un qui n'aura rien appris, mais qui aura trouvé le savoir,
et auquel nous tiendrons le même langage.
|
Εἰ μὲν οὖν τοιοῦτόν ἐστιν ἡ ψυχή, οἷον
καὶ τὸ σῶμα, θνητὸν καὶ φθειρόμενον, καὶ λυόμενον, καὶ σηπόμενον,
οὐδὲν ἔχω περὶ αὐτῆς σεμνὸν εἰπεῖν· οὐδὲ γὰρ περὶ σώματος σεμνὸν
οὐδὲν εἰπεῖν ἔχω· ἐφήμερον γὰρ τὸ θρέμμα καὶ ἀκροσφαλές, φερόμενον,
ἄπιστον, ἀσαφές, καὶ ἔμπληκτον. Εἰ τοιοῦτον ἡ ψυχή, οὔτέ τι οἶδεν,
οὐδὲ ἀναμιμνήσκεται, οὔτε μανθάνει· θᾶττον γὰρ ἂν φυλάξαι σφραγῖδος
τύπους κηρὸς ὑπὸ ἡλίου τηκόμενος, ἢ ψυχὴ μάθημα, εἴπέρ ἐστιν σῶμα·
πᾶν γὰρ σῶμα ῥεῖ, καὶ φέρεται ὀξέως, Εὐρίπου δίκην, ἄνω καὶ κάτω,
νῦν μὲν ἐκ νηπιότητος εἰς ἥβην οἰδαῖνον· νῦν δὲ ἐξ ἥβης εἰς γῆρας
ὑπονοστοῦν καὶ ὑποφερόμενον. Ἀλλ´ οὐ τοιοῦτον χρῆμα εἶναι τὴν ψυχὴν
μαντεύεται οὔτε Πυθαγόρας, οὔτε Πλάτων· ἀλλ´ οὐδὲ ὁ πρὸ τούτων
Ὅμηρος, ᾧ καὶ ἐν Ἅιδου διαλέγονται αἱ ψυχαί, καὶ εἰσὶν μαντικαὶ
τότε. Λέγει δέ που αὐτῷ καὶ ἀοιδὸς ἀνήρ,
αὐτοδίδακτος δ´ εἰμί, θεοὶ δέ μοι
ὤπασαν ὀμφήν.
Καὶ ἀληθῆ λέγει· αὐτοδίδακτον γάρ τι
χρῆμα ἀτεχνῶς ἡ ψυχή, καὶ τὸ εἰδέναι παρὰ θεῶν τῇ φύσει εὖ ἔχον. Ἢ
τὰ μὲν ἄλλα ζῷα αὐτοδίδακτα πρὸς τὰ αὐτῶν ἔργα, καὶ οὐδεὶς εἰπεῖν
ἔχει διδασκάλους, οὐ λεόντων πρὸς ἀλκήν, οὐκ ἐλάφων πρὸς
φυγήν, οὐχ ἵππων πρὸς δρόμον· ἀλλὰ καὶ ὀρνίθων γένος αὐτοδίδακτον
ἐπ´ ἄκρων φυτῶν ἐμηχανήσαντο καλειάδας αὐτουργῷ τέχνῃ, καὶ ἀράχναι
αὐτοφυεῖ μίτῳ θήρατρα ἐν ἀέρι, καὶ ἑρπετὰ φωλεούς, καὶ ἰχθύες
χειραμούς, καὶ ὅσαι ἄλλων ζῴων τέχναι πρὸς σωτηρίαν ἑκάστῳ γένει
ξύμφυτοι· ἀνθρώπῳ δὲ ἆρα τῷ νοερωτάτῳ τῶν ὄντων ἐπίκτητον ἥξει τὸ
εἰδέναι; οὐκοῦν ἥξει ποτέ· ἀνάγκη γὰρ ἢ εὑρόντα εἰδέναι, ἢ μαθόντα·
ὧν ἑκάτερον ἀσθενές, οὐχ ὑπούσης ἐπιστήμης φύσει· ὅ, τε γὰρ εὑρὼν
πῶς ἂν χρήσαιτο τῷ εὑρεθέντι, μὴ γνωρίσας τὴν χρείαν αὐτοῦ;
κἂν γὰρ ἠπειρώτης ἀνὴρ καθ´ Ὅμηρον οἴακι ἐντύχῃ, φήσει ἀθηρηλοιγὸν
ἔχειν ἀνὰ φαιδίμῳ ὤμῳ ὅ, τε μαθών, ἄλλοθεν μαθών, παρὰ μὲν τοῦ οὐκ
εἰδότος οὐκ ἂν μάθοι, παρὰ δὲ τοῦ εἰδότος κἂν μάθοι, ἐρεῖ μοι τὸν
διδάξαντα, πῶς καὶ οὗτος ἔγνω. Οὐκοῦν καὶ οὗτος ἢ εὗρεν ἢ ἔμαθεν;
καὶ εἰ μὲν εὗρεν, τὰ αὐτὰ ἐρήσομαι, πῶς ἐχρήσατο τῷ εὑρεθέντι, μὴ
γνωρίσας; εἰ δὲ ἔμαθεν παρ´ ἄλλου, πάλιν ἡδὺ ἐκεῖνον
διέρεσθαι. Καὶ ποῖ στησόμεθα, ἄλλον ἄλλου διδάσκαλον ἀνερωτῶντες;
ἀφίξεται γάρ ποτε λογισμὸς προϊὼν ἐπὶ τὸν οὐ μαθόντα, ἀλλ´ εὑρόντα·
πρὸς ὃν τὰ αὐτὰ ἐκεῖνα ῥητέον. |
VI.
Ce que nous venons de dire nous met sur la voie de l'objet de notre recherche.
Car cette faculté de l'âme qui trouve le savoir, étant implantée dans son
essence, enlacée dans sa nature, innée avec elle, qu'est-elle autre chose que
les notions de la vérité mises dans un mouvement, dans une activité, dans un
ordre, auquel on donne le nom de science? Veut-on s'aider ici d'une analogie
empruntée de soldats qui vaguent hors du camp, et qui se débandent? Ou
plutôt, à l'exemple d'Homère, supposons que la nuit règne, que l'armée est
dans une pleine tranquillité, que tout le monde y est couché chacun dans sa
tente, et plongé dans le sommeil le plus profond, « sauf Agamemnon, fils
d'Atride, le suprême chef de l'armée, qui ne dort point (15)
». Il veille, au contraire, il médite ses plans; il combine ses dispositions.
« Il met la cavalerie et les chars à l'avant-garde ; il place ensuite
l'infanterie, et les phalanges les plus braves, pour soutenir le choc du combat;
les mauvais soldats, il leur fait occuper le centre (16)
». Qu'on suppose qu'il en soit ainsi de l'âme. Qu'une nuit épaisse, qu'un
profond sommeil, laissent dans l'inertie ses facultés intellectuelles; tandis
que la raison, qui est pour elle comme un Général, comme un chef d'armée,
quel que soit le nom qu'on se plaise à lui donner, est en activité, tandis
qu'elle réveille chacune de ces facultés, et qu'elle leur assigne à chacune
sa place et ses fonctions. Que ce sommeil reçoive le nom d'oubli ; que ce
réveil reçoive celui de réminiscence ; et qu'on donne le nom de mémoire au
maintien et à la conservation de l'ouvrage de la raison. D'ailleurs la
réminiscence s'opère d'une manière insensible. L'âme découvre les choses
l'une par l'autre ; et elle passe, comme si on la conduisait par la main, de ce
qui est à ce qui doit être. Telle est, sans doute, la marche de la
réminiscence, en ce qui concerne les choses humaines. |
Ἥκει τοίνυν ἡμᾶς ὁ λόγος φέρων ἐπὶ τὸ
ζητούμενον. Ἡ δὴ γὰρ ψυχῆς εὕρεσις, αὐτογενής τις οὖσα, καὶ
αὐτοφυής, καὶ ξύμφυτος· τί δ´ ἄλλό ἐστιν ἢ δόξαι ἀληθεῖς
ἐπεγειρόμεναι, ὧν τῇ ἐπεγέρσει τὲ καὶ συντάξει ἐπιστήμη ὄνομα; Εἰ δὲ
βούλει καὶ ταύτης, εἴκαζέ μοι τὸ λεγόμενον στρατιώτῃ πλανωμένῳ καὶ
διακεχυμένῳ· ἢ καθ´ Ὅμηρον μᾶλλον, νὺξ μὲν ἔστω καὶ ἡσυχία
πολλὴ κατὰ τὸ στρατόπεδον, καὶ ὕπνος βαθὺς τῶν ἄλλων ἁπάντων
κειμένων ἑξῆς.
Ἀλλ´ οὐκ Ἀτρείδην Ἀγαμέμνονα, ποιμένα
λαῶν, ὕπνος ἔχεν·
ἀλλ´ ἐπιὼν καὶ ἐξανιστὰς ἕκαστον καὶ
συντάττων, ἱππῆας μὲν πρῶτα, σὺν ἵπποισιν καὶ ὄχεσφιν· πεζοὺς δ´
ἐξόπιθεν ἔστησεν πολέας τε καὶ ἐσθλούς, ἕρκος ἔμεν πολέμοιο, κακοὺς
δ´ ἐς μέσσον ἔλασσεν. Τοιοῦτον ἡγοῦ καὶ περὶ τὴν ψυχὴν γίγνεσθαι·
νύκτα πολλὴν καὶ ὕπνον βαθὺν τῶν τῆς ψυχῆς νοημάτων· τὸν δὲ λόγον
αὐτόν, τὸν στρατηγὸν ὄντα, ἢ βασιλέα, ἢ ὅ, τι περ ὀνομάζων χαίρεις,
ἐπιόντα τοῦτον ἕκαστον καὶ ἐπεγείροντα καὶ συντάττοντα. Κάλει δὲ τὸν
μὲν ὕπνον λήθην, τὴν δὲ ἀνάστασιν αὐτῶν ἀνάμνησιν, μνήμην δὲ τὴν
φυλακὴν καὶ τὴν σωτηρίαν τῶν συνταχθέντων. Γίγνεται δὲ ἡ
ἀνάμνησις, κατὰ βραχὺ ἕτερον ἐξ ἑτέρου θηρευούσης τῆς ψυχῆς, καὶ
χειραγωγουμένης ὑπὸ τοῦ παρόντος ἐπὶ τὸ μέλλον· ὁποῖον ἀμέλει περὶ
τὰς τῶν δεῦρο πραγμάτων ἀναμνήσεις γίγνεται. |
VII.
Chez les Phéaciens, Démodocus chante, dans un festin, sur « une querelle
entre Ulysse et Achille fils de Pélée (17) ».
Ulysse est présent, il entend Démodocus, il se reconnaît dans ce qu'il
entend, et il pleure. N'est-il pas probable que le récit de cet événement
servit à transporter l'âme d'Ulysse dans les lieux mêmes où il s'était
passé ; et que, tandis que sou corps ne bougeait point de chez les Phéaciens,
et qu'il buvait avec eux, son âme, prenant son essor sur les ailes de la
mémoire, par une si faible cause , se retrouva sous les murs d'Ilion; qu'elle y
passa en revue chacune des choses dont jadis elle y fut témoin ; et qu'elle s'y
promena au milieu de la plupart des objets qui l'avaient autrefois touchée? Ne
voit-on pas des individus se rappeler, à l'aspect d'une lyre (18),
les beaux moments passés auprès de la personne qui se servait de cet
instrument? La réminiscence est une chose agile et rapide. De même que ceux
d'entre les corps qui se meuvent facilement, ont besoin d'une main qui leur
donne l'impulsion ; et qu'après l'avoir reçue, ils conservent longtemps le
mouvement qui en provient; de même, quelque léger que soit le branle que l'on
donne à l'entendement par l'impulsion de la mémoire, qui est chez lui le
résultat de la sensation, il parcourt successivement plusieurs choses, par la
réminiscence. Car je pense que chacune des choses qui existent, ou qui ont
existé, et avec lesquelles l'âme a eu quelques relations, se lient,
s'enchaînent avec elle, de manière que l'idée de l'une traîne à sa suite l’idée
de l'autre, ou sous le rapport du temps comme dans la succession du jour et de
la nuit, de la jeunesse et de la vieillesse, de l'hiver et du printemps; on sous
le rapport des affections. C'est ainsi que la beauté produit l'amour, l'injure
la colère, la prospérité la volupté, et l'infortune la douleur; ou sous le
rapport des lieux, comme lorsqu'Homère parle de ceux qui habitaient « et
Pharès, et Sparte, et Messé fameuse par ses pigeons (19)
»; ou sous le rapport politique, comme lorsque le même poète dit, « et
Pénélée, et Léitus, et Arkésilas, et Prothoénor, et Klonion, commandaient
les peuples de la Béotie (20) » ; ou sous le
rapport de la bravoure et du courage, comme lorsqu'il s'écrie : « ô Jupiter ?
fais tomber le sort, ou sur Ajax, ou sur le fils de Tydée, ou même sur le Roi
de l'opulente Mycènes (21) ». |
Ἄιδει ὁ Δημόδοκος ἐν τῇ Φαιάκων δαιτί
νεῖκος Ὀδυσσῆος καὶ Πηλείδεω Ἀχιλῆος·
Ὀδυσσεὺς παρών, ἀκούων τῆς ᾠδῆς,
γνωρίσας δακρύει. Ἆρ´ οὖν οὐκ εἰκός, ἐπιλαβομένης αὐτῷ τῆς ψυχῆς
τοιαύτης ἀρχῆς, ὁδεύειν ἐπὶ τὰ ἐκεῖ ἔργα, καὶ τὸ μὲν σῶμα αὐτῷ
συμπίνειν τοῖς Φαίαξιν, αὐτοῦ μένον· τὴν δὲ ψυχὴν γίγνεσθαι τῆς
μνήμης ἐκεῖ ἐν Ἰλίῳ, ἀναπεμπαζομένην ἕκαστον ὧν εἶδεν τέως, καὶ
ἰοῦσαν ἐπὶ πολλὰ τῶν ἑαυτῆς θεαμάτων, ἀπὸ μικρᾶς ἀρχῆς; Ἤδη τὶς καὶ
λύραν ἰδὼν ἐμνήσθη τῶν παιδικῶν τῶν χρησαμένων τῇ λύρᾳ· κοῦφον γάρ
τι χρῆμα ἀνάμνησις καὶ εὔκολον. Καὶ ὥσπερ τὰ εὐκίνητα τῶν σωμάτων
τοῦ χείρω προάγοντος δεῖται, καὶ παραλαβόντα τὴν ἐξ ἐκείνου
ἀρχὴν φυλάττει ἐπὶ πολὺ τὴν κίνησιν· οὕτω καὶ ὁ νοῦς ἐπιλαβόμενος
πρὸς μνήμην βραχείας ἀρχῆς, ἣν ἡ αἴσθησις αὐτῷ ὀρέγει, ἐπὶ πολλὰ
χωρεῖ προιὼν κατὰ ἀνάμνησιν. Ἕκαστον γάρ, οἶμαι, τῶν ὄντων ἢ
γεγονότων, οἷς ἡ ψυχὴ ἐνέτυχεν, ἀκολουθίαν ἔχει, ἢ κατὰ χρόνον, ὡς
ἐπὶ ἡμέρᾳ νύξ, καὶ ἐπὶ νεότητι γῆρας, καὶ ἐπὶ χειμῶνι ἔαρ· ἢ κατὰ
πάθος, ὡς κάλλει ἔρως ἐπιγίνεται, καὶ προπηλακισμῷ ὀργή, καὶ ἡδονὴ
εὐτυχίαις, καὶ λύπη συμφοραῖς· ἢ κατὰ τόπον,
Φᾶρίν τε, Σπάρτην τέ, πολυτρήρωνά τε
Θίσβην·
ἢ κατὰ νόμον,
Βοιωτῶν μὲν Πηνέλεως καὶ Λήϊτος ἦρχον,
Ἀρκεσίλαός τε, Προθοήνωρ τέ, Κλόνιός τε·
ἢ κατὰ δύναμιν,
Ζεῦ πάτερ, ἢ Αἴαντα λαχεῖν, ἢ Τυδέος
υἱόν,
ἢ αὐτὸν βασιλῆα πολυχρύσοιο Μυκήνης. |
VIII.
De la même manière donc que si les sens étaient placés dans le vestibule de
l'âme, aussitôt qu'ils ont commencé à recevoir quelque impression, et qu'ils
l'ont transmise à l'entendement, celui-ci, en la recevant, promène ses yeux,
passe en revue les autres objets qui ont avec celui dont I'impression le frappe,
quelque relation, quelque affinité, ou sous un rapport de temps, ou sous un
rapport de manière d'être, ou sous un rapport politique, ou sous un rapport de
localité, ou sous un rapport d'autorité, ou sous un rapport de talents. Car,
de même que celui qui donne un coup à l'extrémité inférieure d'une lance
longue et déliée, fait passer l'impression de ce coup dans toute la longueur
de la lance, jusqu'au fer tranchant qui la termine ; et que celui qui ébranle
le bout de plusieurs cordages tendus dans une grande longueur, transmet
l'ébranlement, d'un bout à l'autre, de manière que toute la longueur s'en
ressent; de même l'entendement n'a besoin que d'une légère vibration pour
s'étendre à tout ce qui constitue les rapports d'une même chose. Or, l'homme
bien né, celui qui a reçu de la Nature les qualités nécessaires pour marcher
avec gloire dans la carrière de la vertu, a en lui-même les moyens d'exciter
dans son entendement cette première vibration, de le mettre en mouvement, de le
faire promener d'objets en objets, de lui en faire embrasser plusieurs à la
fois, et de faire répéter à la mémoire ce qui a fait la matière, ou ce qui
a été le résultat, de ses contemplations. Mais celui qui a moins de
dispositions naturelles a besoin de Socrate, non pour qu'il lui apprenne quoi
que ce soit, mais pour l'interroger, pour lui faire des questions auxquelles il
répondra de lui-même selon la vérité. Qui donc répondra ce qu'il n'a jamais
su? À moins qu'on ne dise que celui qui marche avec celui qui le conduit par la
main, ne marche pas lui-même. Quelle est donc la différence entre celui qui
conduit par la main, et celui qui interroge, entre celui qui marche de
lui-même, et celui qui répond? Celui qui interroge aide celui qui est
interrogé, à développer son entendement; et celui qui donne la main pour
marcher, aide à ne pas tomber. Mais, ni celui qui est conduit par la main
n'apprend à marcher, ni celui qui est interrogé n'apprend à répondre.
Néanmoins l'un marche, parce qu'il peut marcher, l'autre répond, parce qu'il
peut répondre. Mais ils prennent l'un et l'autre un auxiliaire, pour éviter
les faux pas (22). |
Ἅτε οὖν ἐν προθύροις τῆς ψυχῆς αἱ
αἰσθήσεις ἱδρυμέναι, ἐπειδάν τινος ἐφάψωνται ἀρχῆς, καὶ παραδῶσιν τῷ
νῷ, ἐπιλαβόμενος ταύτης, διορᾷ τὰ λοιπά, καὶ διεξέρχεται ἐπὶ τὰ
ἀκόλουθα, ἢ χρόνῳ, ἢ φύσει, ἢ νόμῳ, ἢ τόπῳ, ἢ τιμῇ, ἢ δυνάμει. Ὥσπερ
γὰρ ἐπὶ τῶν μακρῶν καὶ λεπτῶν δοράτων, ὁ τὸν στύρακα κλονήσας,
παρέπεμψε τὴν κίνησιν διὰ παντὸς τοῦ δόρατος μέχρι τῆς αἰχμῆς· καὶ
ὥσπερ τῶν μακρῶν καὶ διατεταμένων κάλων ὁ διασείσας τὴν ἀρχήν,
παραδίδωσιν τὴν κίνησιν τῷ ὅλῳ, βαδίζουσαν ἐπὶ τὸ πέρας· οὕτω καὶ τῷ
νῷ βραχείας ἀρχῆς δεῖ πρὸς ἔννοιαν τῶν πραγμάτων ὅλων. Ὁ μὲν δὴ εὖ
πεφυκὼς ἀνήρ, καὶ πρὸς ἀρετὴν εὐδρομώτατος, αὐτὸς παρ´ αὐτοῦ τὴν
ἀρχὴν λαβών, πορεύεται, καὶ ἐφοδεύει, καὶ ξυλλαμβάνει, καὶ
ἀναπεμπάζεται τῇ μνήμῃ τὰ τοῦ νοῦ θεάματα· ὁ δὲ ἧττον δεινός, δεῖται
τοῦ Σωκράτους, αὐτοῦ μὲν διδάσκοντος οὐδέν, διερωτῶντος δὲ καὶ
διαπυνθανομένου· ὁ δὲ ἀποκρίνεται τἀληθῆ αὐτά. Τίς ἂν οὖν
ἀποκρίνεται, ἃ μήπω οἶδεν; πλὴν εἰ μὴ καὶ τὸν βαδίζοντα,
χειραγωγοῦντος ἑτέρου, φήσει τὶς μὴ βαδίζειν αὐτόν. Τί τοίνυν
διαφέρει ὁ χειραγωγῶν τοῦ ἀνερωτῶντος, καὶ τί διαφέρει ὁ βαδίζων τοῦ
ἀποκρινομένου; ὁ μὲν γὰρ ἑαυτῷ παρέχει τὴν ἐνέργειαν, ὁ δὲ ἐκείνῳ
τὴν ἀσφάλειαν. Ἀλλ´ οὔτε ὁ χειραγωγούμενος μανθάνει βαδίζειν, οὔτε ὁ
ἀνερωτώμενος ἀποκρίνεσθαι μανθάνει· ἀλλ´ ἑκάτερος, ὁ μὲν βαδίζει,
δύναται γάρ· ὁ δὲ ἀποκρίνεται, οἶδε γάρ· ξυνεπιλαμβάνουσιν δὲ
πρὸς ἀσφάλειαν ἑκατέρῳ ἑκάτερος. |
IX.
Le corps tient de la Nature de savoir marcher, l'âme tient aussi de la Nature
de savoir exercer ses facultés rationnelles. Or, si l'âme est immortelle,
comme elle l'est, en effet, il faut nécessairement quelle possède, de toute
éternité, la faculté d'avoir des perceptions, et d'acquérir la science des
choses. Parcourant, comme elle le fait, à mon avis, une double carrière ;
placée, dans l'une, au milieu d'une lumière pure et brillante, sans avoir nul
genre de fâcheux accident à craindre ; placée, dans l'autre, au milieu des
ténèbres, des agitations, et de toute sorte de vicissitudes, tout n'est pour
elle, dans cette dernière, qu'incertitude, qu'obscurité. Elle y est dans un
état de désordre pareil à celui que produit l'ivresse dans la tête des gens
ivres. Car leur âme est portée, par l'excès du boire, à un degré
d'incandescence très voisin de la folie. Quelquefois elle revient à
elle-même; et, non moins éloignée d'errer complètement, que de raisonner en
perfection, elle tient le milieu entre l'ignorance et la raison. Mais, après
que l'âme a passé de cette carrière-ci dans l'autre, comme si elle eût
quitté la ténébreuse contrée des Cimmériens, pour la resplendissante
région de l'Éther, dégagée de toute entrave corporelle, libre de désirs,
exempte de maladies, supérieure à tous les accidents, alors elle contemple la
vérité elle-même, elle en fait l'objet de ses méditations, elle vit avec les
Dieux, et avec les enfants des Dieux, au-dessous de la sphère céleste,
introduite, enrôlée, dans l'armée des Dieux, qui ont Jupiter pour Général
et pour chef. Là, alors, elle exerce vraiment sa mémoire. Ici, maintenant,
elle n'a que des réminiscences. Là, elle marche dans une sécurité parfaite.
Ici, elle est sujette à broncher et à choir. Mais une âme vigoureusement et
sainement constituée, à qui le sort a donné en partage un bon Esprit
familier, se met, ici-bas même, au-dessus du tourbillon des choses humaines.
Supérieure à toutes les distractions qui résultent de son union avec le
corps, elle sait retrouver la mémoire des merveilles qu'elle a contemplées,
des belles choses qu'elle a entendues. De là vient aussi que les poètes, dans
leurs fictions, font de Mnémosyne (23) la mère
des Muses. Ils donnent aux diverses sciences des noms de Muses. Ils forment un
choeur de ces Déesses. Ils disent qu'elles sont nées de Jupiter et de
Mnémosyne, qu'elles en ont reçu leurs attributs. Rendons un culte religieux
aux Muses. Rendons un culte religieux à Mnémosyne.
|
Σῶμα μὲν βαδιστικὸν τῇ φύσει, ψυχὴ δὲ
λογιστικὴ τῇ φύσει· εἰ δ´ ἐστὶν ἀθάνατος, ὥσπέρ ἐστιν, ἀνάγκη
που αὐτῇ τοῦτο ἐξ ἀϊδίου ἐνεῖναι, τὰς νοήσεις τὲ καὶ ἐπιστήμας τῶν
πραγμάτων. Ἅτε δέ, οἶμαι, διττῷ βίῳ ἡ ψυχὴ συνεχομένη, τῷ μὲν καθαρῷ
καὶ διαυγεῖ καὶ ὑπὸ μηδεμιᾶς συμφορᾶς ἐνοχλουμένῳ, τῷ δὲ θολερῷ καὶ
τεταραγμένῳ καὶ ἐν παντοίαις τύχαις φυρομένῳ· ἐνταῦθα μὲν ἀσαφείας
ἐμπέπλησται, καὶ καρηβαρεῖ, αὐτὸ ἐκεῖνο τὸ τῶν μεθυόντων πάθος·
τούτοις γάρ που φλεγμαίνουσα ἡ ψυχὴ ὑπὸ τοῦ ἀνέδην πότου, ἐγγύτατα
μὲν τείνει μανίας· ἤδη δέ που ἀνακαλεῖται αὑτήν, καὶ οὔτε ἀκριβῶς
σφάλλεται, οὔτε σαφῶς λογίζεται, ἀλλ´ ἐν μεθορίῳ μένει ἀγνοίας καὶ
λογισμοῦ. Ἐπειδὰν δὲ ἀπαλλαγῇ ἡ ψυχὴ ἐνθένδε ἐκεῖσε, ὥσπερ ἐκ τῆς
Κιμμερίων γῆς ἐπὶ λαμπρὸν αἰθέρα ἐξελθοῦσα, ἐλευθέρα μὲν γενομένη
σαρκῶν, ἐλευθέρα δὲ ἐπιθυμιῶν, ἐλευθέρα νόσων, ἐλευθέρα συμφορῶν·
τότε διορᾷ καὶ λογίζεται τἀληθῆ αὐτά, θεοῖς καὶ θεῶν παισὶν
συγγιγνομένη ὑπὲρ ἄκραν τὴν οὐρανοῦ ἁψῖδα, συμπεριπολοῦσα καὶ
συντεταγμένη στρατιᾷ θεῶν ὑφ´ ἡγεμόνι καὶ στρατηγῷ τῷ Διί· καὶ
μέμνηται μὲν ἀληθείας τότε, ἀναμιμνήσκεται δὲ ἐνθάδε ἐκείνων· καὶ
θαρσεῖ μὲν τότε, σφάλλεται δὲ νῦν. Ἡ δὲ ἐρρωμένη ψυχὴ καὶ χρηστῷ
δαίμονι συγκεκληρωμένη, κἀνταῦθα ἀντέχει τῷ κυκηθμῷ, καὶ κατὰ
δύναμιν ἀπαλλάττουσα αὑτὴν τῆς πρὸς τὸ σῶμα ὁμιλίας, τὴν μνήμην
ἐγείρει ἐκείνων τῶν θεαμάτων, καὶ ἐκείνων τῶν ἀκουσμάτων. Τοῦτο ἄρα
καὶ οἱ ποιηταὶ τὴν Μνημοσύνην αἰνίττονται Μουσῶν μητέρα, Μούσας μὲν
τὰς ἐπιστήμας ὀνομάζοντες, ἠγάθεον χορὸν καὶ ἔργον Διός, ὑπὸ
Μνημοσύνης δὲ γεννωμένας καὶ συνταττομένας. Θεραπεύωμεν τὰς Μούσας,
θεραπεύωμεν τὴν Μνημοσύνην. |
(1) NOTES.
Platon professe cette doctrine, et il la développe dans son Traité intitulé :
le Ménon, ou de la Vertu. Tertullien, dans son Traité de
l'âme, chap. 24., et Arnobe, dans son livre second, ont combattu la
doctrine de Platon sur ce point. Dans le premier livre de ses Tusculanes, n°
24, Cicéron a, là-dessus, un passage que les érudits ne seront peut-être pas
fâchés de retrouver ici : « L'âme a d'abord la mémoire, dépôt infini de
chose sans nombre. PIaton la regarde comme une réminiscence des choses d'une
vie antérieure. Dans celui de ses Traités intitulé, le Ménon, Socrate
adresse à un homme vulgaire, quelques questions géométriques sur les
dimensions du carré. Cet homme répond à ces questions comme un enfant, et
néanmoins ces questions sont si faciles, que celui qui répond, est
insensiblement amené aux mêmes résultats, que s'il savait la géométrie.
D'où Socrate conclut, qu'apprendre n'est autre chose que se ressouvenir.
Socrate s'exprime bien plus disertement là-dessus, dans le discours qu'il tint
à ses amis, le jour même qu'il quitta la vie. Il enseigne que, quelque
étranger qu'on paraisse à une a partie quelconque des connaissances humaines,
si l'on est bien interrogé, l'on démontre, par ses réponses, qu'on n'apprend
pas a dans le moment, mais qu'on retrouve par la réminiscence ». D'où Socrate
concluait que notre âme avait existé, avant d'entrer dans le corps, et que,
par conséquent, elle était immortelle. Voyez le Phédon et le Ménon.
(2) Plusieurs écrivains de l'antiquité ont parlé
de ce long sommeil d'Épiménide. Ils ne sont pas d'accord sur le nombre
d'années que ce sommeil a duré. Le Scholiaste du Timon de Lucien le
porte jusqu'à soixante. On peut consulter, là-dessus, ce que le savant
Meursius a écrit sur Apollonius-Dyscole, chap. I, et les annotations de Ménage
sur Diogène-Laërce, liv. I, n° 109. Ni Hésychius de Milet, ni Suidas, ne
parlent de ce sommeil. Mais ils disent que l'âme d'Épiménide sortait de son
corps, et y rentrait, à son gré. Ils ajoutent que, longtemps après sa mort,
sa peau fut trouvée couverte de caractères alphabétiques.
(3) C'est, en effet, ce que disent Porphyre,
dans la Vie de Pythagore, §.19; et St. Jérôme, contre Rufin,
liv. III, p. 557, édition de Victor. Mais d'autres font honneur de cette
primauté à Phérécyde, d'autres à Thalès. Il est bien difficile, ici, de
résister à la tentation de remettre sous les yeux du lecteur, ami des Anciens,
les beaux vers des Métamorphoses, où Ovide a renfermé, avec son
élégance ordinaire; la doctrine de Pythagore.
O genus attonitum gelida formidine mortis !
Quid styga, quid tenebras, quid nomina vana timetis,
Materiem vatum, falsique pericula mundi ?
Corpora sive rogus flamma, seu tabe vetustas
Abstulerit, mala posse pati non ulla putetis.
Morte carent animæ, semperque priore relicta
Sede, novis domibus vivunt, habitantque receptae.
Ipse ego (nam memini) trojani empote belli
Panthoïdes Euphorbus eram, cui pectore quondam
Haesit in adverso gravis hasta minoris Atridae.
Cognovi clypeum, laecae gestamina nostrae,
Nuper abanteis templo Junonis in Argis.
(4) Tandis que Maxime de Tyr place le bouclier
d'Euphorbe dans en temple de Minerve, on vient de voir qu'Ovide l'a placé dans
un temple de Junon, à Argos. C'est également là que l'ont placé Porphyre, Vie
de Pythagore, §. 27; Jamblique, §. 63; Pausanias, dans ses Corinthiaques
, liv. II, chap. 17; et Tertullien, dans son Traité de l'Ame, chap. 28.
Chez Diogène-Laërce, il est placé dans un temple d'Apollon. Mais cette
controverse est décidée par l'inscription que notre Auteur va dire,
tout-à-l'heure, avoir été lue sur le bouclier.
(5) Formey a rendu cette inscription par ces
mots : « Ménélas à la Déesse Minerve, pour Euphorbe ». Que veut dire
l'inscription dans ce sens-là On ne l'entend point. Le latin d'Heinsius est
néanmoins très intelligible, Palladi Minervae ab Euphorbo Menelaus.
Formey ne s'est point douté de l'ellipse cachée sous ce style lapidaire.
(6) Il est question ici de cet Aristéas, dont
Hésychius de Milet, (dans le petit Traité qu'il nous a laissé des hommes qui
se sont fait un nom par leur savoir, et dont nous devons la première édition
au savant Meursius), ne dit autre chose que ce peu de mots: « On raconte que
l'âme d'Aristéas de Proconnèse sortait de son corps, et y rentrait, quand il
voulait » Meursius cite, dans ses notes, Énée Gaza, qui dit d'Aristéas, «
Qu'après être mort à Proconnése, il se montra en personne aux habitans de
Cyzicène, et que, deux cents quarante ans après son trépas, il se fit voir en
Italie, aux habitants de Métaponte, et qu'il leur ordonna de lui faire des
sacrifices » . Il cite encore Apollonius, qui, dans ses Histoires
merveilleuses, raconte que, « le même jour et à la même heure, où
Aristéas était mort à Proconnèse, on l'avait vu en Sicile, donner des
leçons de Grammaire ». Pour le surplus, nous renvoyons à la note de Meursius,
curieuse à lire. Notre Auteur fait mention de ce même personnage, dans sa 38e.
Dissertation ci-dessous.
(7) De nouveau, par allusion à l'existence
antérieure de l'âme, avant qu'elle animât un corps mortel.
(8) Markland pense que, dans ce passage,
Maxime de Tyr fait allusion à ce que Platon dit de l'oeil et de la vision, vers
la fin du sixième livre de sa république. La sagacité ordinaire de ce
judicieux critique m'a paru ici en défaut. Dans le passage en question du
sixième livre de la république, Platon a pour but d'établir que, quoique
l'oeil ait la faculté de voir, et que les objets physiques soient colorés, et
par conséquent susceptibles d'être vus, cela ne suffit pas pour effectuer la
vision, à moins qu'une troisième chose, savoir, la lumière, ne vienne
s'interposer entre les deux autres, et leur servir d'intermédiaire. Or, il est
clair qu'ici, dans ce passage, Maxime de Tyr porte sa pensée sur un point de
vue différent.
(9) C'est exactement dans ce sens-là, que
Socrate disait qu'il n'était que la sage-femme des esprits. «voilà
pourquoi», dit Plutarque, au commencement de son Traité des Questions
Platoniques, « voilà pourquoi Socrate n'enseignait rien, ainsi, mettant
seulement en avant aux jeunes hommes, des commencements, des difficultés, des
doutes, comme des tranchées qui précèdent l'enfantement, excitait,
éveillait, poussait les intelligences nées avec eux; c'est ce qu'il appelait
l'art d'aider à enfanter, comme font les sage-femmes, lequel n'apportait pas de
dehors l'entendement et le jugement, à a ceux qui conféraient avec lui, comme
d'autres faisaient accroire, mais leur montrait celui qu'ils avaient dedans
eux-mêmes, propre à eux, mais qu'ils nourrissaient confus et imparfait ».
Plutarque na fait que reproduire ici ce que dit Platon, dans son Théaetète.
Voyez Diogène-Laërce, liv. III, n°. 49.
(10) Ceux qui seraient tentés de me faire
ici un reproche de néologisme, au sujet du substantif stérilisation, qu'on ne
trouve pas, en effet, dans le Dictionnaire de l'Académie, peuvent lire,
s'ils l'aiment mieux, « Qu'est-ce autre chose que l'action de rendre ces germes
stériles » ?
(11) Heinsius avait cru devoir corriger ici le
texte, et substituer les deux mots
ὑπονοσοῦν
καὶ ὑποφθειρόμενον, aux deux expressions
ὑπονοστοῦν
καὶ ὑποφερόμενον.
Mais les deux annotateurs Anglais, Davies et Markland, ont démontré, par
l'autorité de Suidas et de Pollux, que les deux derniers participes formaient,
dans ce passage, un bien meilleur sens que la correction gratuitement imaginée
par l'Helléniste Batave.
(12) Notre philosophe cite ce même vers dans sa
38e Dissertation, sect. 1. Justin-Martyr l'a cité également avec une légère
variante, dans son Traité De Monarchia Dei, cap. 5. Au reste, dans le
22e chant de l'Odyssée, vers 347, où se trouvent ces paroles, c'est
dans la bouche de Phémius, et non dans celle de Démodocus, que le poète les a
mises; méprise de mémoire dans laquelle Maxime de Tyr tombe assez souvent.
(13) Voyez
l'Odyssée, onzième chant, vers 127.
(14) J'ai suivi Markland qui a lu πάλιν ἤδη ἐκεῖνον δεῖ
ἔρεσθαι. L''ἠδὺ
du texte, m'a paru suspect, comme à lui.
(15) Iliade,
dixième chant, vers 3.
(16) Iliade,
quatrième chant, vers 297.
(17) Odyssée,
huitième chant, vers 75.
(18) Voyez
ci-dessus, Dissert. VIII, sect. X, p. 95.
(19) Iliade,
deuxième chant, vers 582.
(20) Iliade,
deuxième chant, vers 494.
(21) Iliade,
septième chant, vers 179.
(22) De
la manière dont Heinsius a traduit, uterque autem utrumque confirmat, et
juvat, il paraît avoir établi une réciprocité d'assistance, entre celui
qui marche et celui qui répond. Ce sens produit une disparate qui n'est point
échappée à Formey, car il a corrigé Heinsius, en traduisant, de part et
d'autre, il faut des secours et des directions.
(23) «
Il faut », dit Plutarque, dans la première de ses Morales, qui traite
de l'Éducation des Enfants, « Il faut exercer et accoutumer la mémoire des
enfants, parce qu'elle est, en quelque façon, le trésor de la science. Aussi
les poètes ont-ils feint que Mnémosyne, c'est-à-dire, la Mémoire, était la
mère des Muses, donnant à entendre par-là, que rien ne sert autant que la
mémoire à instruire, se et à conserver ce qu'on a appris ». Il nous reste un
fragment d'un poème de Solon, le Législateur d'Athènes, qui commence ainsi :
« llustres filles de Jupiter Olympien et de Mnémosyne, habitantes de Piérie,
Muses, prêtez l'oreille à mes voeux » Eschyle, dans sa tragédie de Prométhée,
vers 460, appelle la Mémoire, mère des Muses, μνήμην
μουσομήτορα.
Paris, le 23 floréal an IX. (13 mai 1801.)
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