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MAXIME DE TYR

 

DISSERTATIONS

 

 

 

DISSERTATION XV.

Qu'est-ce que l'Esprit familier de Socrate (37) ?

Ἔτι περὶ τοῦ Σωκράτους δαιμονίου βʹ.

 

VOYONS; demandons à cet Esprit familier, (car il a de la philanthropie, et il est accoutumé à répondre par l'intermédiaire du corps humain, comme le fait Isménias (38) par l'intermédiaire des flûtes) demandons-lui, ainsi qu'Ulysse chez Homère (39), « Êtes-vous un Dieu ou un homme ? Si vous êtes quelqu'un des Dieux qui habitent l'immense Olympe, nous n'avons pas besoin de vous en demander davantage. Nous savons à quoi nous en tenir. Mais, si vous êtes quelqu'un des mortels qui habitent sur la terre (40), êtes-vous un être susceptible d'éprouver les mêmes impressions que nous, de parler la même langue que nous, de naître comme nous, et de ne vivre qu'autant que nous; ou bien, attaché à la terre pour y faire uniquement votre séjour, êtes-vous d'ailleurs, sous le rapport de l'essence, supérieur aux êtres qui la peuplent? Car la substance des Dieux subalternes n'est point composée de chair, (il faut répondre (41) pour eux, ils l'ordonnent ainsi) ni d'os (42), ni de sang, ni d'aucun autre de ces éléments capables d'être séparés, dissous, fondus, et par cela même de s'évanouir. En quoi consiste-t-elle donc? Commençons par considérer la nécessité de l'existence de ces Dieux du second ordre. Ce qui est passible est contraire à ce qui est impassible : ce qui est mortel est contraire à ce qui est immortel : ce qui est dénué de raison est contraire à ce qui est raisonnable : ce qui est insensible est contraire à ce qui a du sentiment : ce qui est sans âme est contraire à ce qui en a une. Tout ce qui a une âme réunit donc deux de ces qualités; ou ce qui est immortel est impassible; ou ce qui est passible est immortel; ou ce qui est mortel est passible; ou ce qui est sensible est dénué de raison ; ou ce qui a une âme est impassible : telle est la marche de la nature. Elle descend insensiblement, et par gradation, de ce qui est supérieur et plus recommandable à ce qui l'est moins. Retrancher quelqu'un de ces intermédiaires, ce serait saper la nature dans ses fondements. De même, dans la série harmonique des sons, c'est des consonances intermédiaires que dépend celle des deux extrémités du diapason (43) ; en descendant des sons les. plus aigus aux sons les plus graves; c'est en appuyant ce passage sur les sons intermédiaires, qu'on le rend mélodieux pour l'oreille et les instruments.

Φέρε, ἐρώμεθα τὸ δαιμόνιον· φιλάνθρωπον γὰρ καὶ εἰωθὸς ἀποκρίνεσθαι διὰ σωμάτων ἀνθρωπίνων, ὡς ἡ Ἰσμενίου τέχνη διὰ τῶν αὐλῶν· ἐρώμεθα δὲ ὧδέ πως κατὰ τὸν Ὁμήρου Ὀδυσσέα·

θεὸς νύ τις, ἢ βροτός ἐσσι;
εἰ μέν τις θεός ἐσσι, τοὶ οὐρανὸν εὐρὺν ἔχουσιν,

οὐδὲν δεῖ λόγων, ἴσμεν γὰρ τὰ σά·

εἰ δέ τις ἐσσὶ βροτῶν, τοὶ ἐπὶ χθονὶ ναιετάουσιν,

ἆρα τοιοῦτον χρῆμα, οἷον ὁμοπαθές τε εἶναι ἡμῖν καὶ ὁμόφωνον, καὶ ὁμογενές, καὶ σύγχρονον· ἢ κατὰ μὲν τὴν δίαιταν ἐφέστιον τῇ γῇ, κατὰ δὲ τὴν οὐσίαν κρεῖττον αὐτῆς; Οὐ γὰρ σάρκες αἱ δαιμόνων φύσεις (ἀποκριτέον γάρ τοι ὑπὲρ αὐτῶν, κελεύουσι γάρ), οὐδὲ ὀστᾶ, οὐδὲ αἷμα, οὐδὲ ἄλλό τι σκεδαστέον, ἢ λυόμενον, ἢ τηκόμενον, ἢ διαρρέον· ἀλλὰ τίς μήν; Οὑτωσὶ πρῶτον θεασώμεθα τὸ ἀναγκαῖον τῆς δαιμόνων οὐσίας. Τὸ ἀπαθὲς τῷ ἐμπαθεῖ ἐναντίον, καὶ τὸ θνητὸν τῷ ἀθανάτῳ, καὶ τὸ ἄλογον τῷ λογικῷ, καὶ τὸ ἀναίσθητον τῷ αἰσθητικῷ, καὶ τὸ ἔμψυχον τῷ ἀψύχῳ. Πᾶν τοίνυν τὴν ψυχὴν ἔχον ἑκατέροιν συγκεκρατημένην· ἢ γὰρ ἀπαθὲς τὸ ἀθάνατον, ἢ ἀθάνατον ἐμπαθές, ἢ ἐμπαθὲς θνητόν, ἢ ἄλογον αἰσθητικόν, ἢ ἔμψυχον ἀπαθές· καὶ διὰ τούτων ὁδεύει ἡ φύσις κατὰ βραχὺ  ἀπὸ τῶν τιμιωτάτων ἐπὶ τὰ ἀτιμότατα καταβαίνουσα ἑξῆς· ἐὰν δέ τι τούτων ἐξέλῃς, διέκοψας τὴν φύσιν· ὥσπερ ἐν ἁρμονίᾳ φθόγγων τὴν πρὸς τὰ ἄκρα ὁμολογίαν ἡ μέση ποιεῖ· ἀπὸ γὰρ τοῦ ὀξυτάτου φθόγγου ἐπὶ τὸ βαρύτατον ταῖς διὰ μέσου φωναῖς ἐπερειδομένην τὴν μεταβολὴν ἐμμελῆ ποιεῖ καὶ τῇ ἀκοῇ καὶ τῇ χειρουργίᾳ.

II. Pensez donc qu'il en est de l'ordre de la nature, comme de celui de la plus parfaite harmonie; et placez DIEU dans la classe de la substance impassible et immortelle, les Dieux subalternes dans la classe de la substance immortelle et passible, l'homme dans la classe de la substance passible et mortelle, la brute dans la classe de la substance dénuée de raison et sensible, la plante dans la classe de la substance qui a une âme, et qui est impassible. Pour le moment, nous laisserons à l'écart tout le reste; et nous ne nous occuperons que des Dieux du second ordre, que nous disons tenir le milieu entre DIEU et l'homme. Voyons, s'il est un moyen de les retrancher de l'échelle des êtres, sans détruire les extrémités. DIEU est-il immortel d'un côté, et passible de l'autre ? Nullement. Mais il est immortel et impassible à la fois (44). Et l'homme est-il mortel d'un côté, et impassible de l'autre? Nullement. Il est bien mortel, mais il n'est pas impassible. Que deviendra donc la substance qui est en même temps immortelle et passible? Car il doit nécessairement exister une substance qui tienne de DIEU et de l'homme, supérieure à l'homme, inférieure à DIEU, s'il doit exister une analogie entre ces deux extrêmes. Deux choses, en effet, étant distinctes et séparées par leur nature, elles ne pourront jamais se rapprocher l'une de l'autre, à moins qu'un intermédiaire commun ne vienne les mettre réciproquement en contact.

Τοῦτό τοι νόμιζε γίγνεσθαι καὶ ἐν τῇ φύσει, ὥσπερ ἐν ἁρμονίᾳ τελεωτάτῃ· καὶ τίθεσο θεὸν μὲν κατὰ τὸ ἀπαθὲς καὶ ἀθάνατον, δαίμονα δὲ κατὰ τὸ ἀθάνατον καὶ ἐμπαθές, ἄνθρωπον δὲ κατὰ τὸ ἐμπαθὲς καὶ θνητόν, θηρίον δὲ κατὰ τὸ ἄλογον καὶ αἰσθητικόν, φυτὸν δὲ κατὰ τὸ ἔμψυχον καὶ ἀπαθές. Καὶ τὰ μὲν ἄλλα ἡμῖν, τὸ νῦν ἔχον, κατὰ χώραν ἔστω· ἐπεὶ δὲ τῆς δαιμονίων  φύσεως πέρι σκοπούμεθα, ἣν φαμὲν μεσότητα εἶναι πρὸς ἄνθρωπον καὶ θεόν, ἴδωμεν εἴ πῃ δυνατὸν ἐξελέσθαι αὐτήν, καὶ διασῶσαι τὰ ἄκρα. Ἆρ´ οὖν ὁ θεός, ἀθάνατον μὲν γάρ, ἐμπαθὲς δέ; οὐδαμῶς, ἀλλὰ ἀθάνατον μέν, ἀπαθὲς δέ· τί δὲ ἄνθρωπος; θνητὸν μέν, ἀπαθὲς δέ; οὐδὲ τοῦτο· ἀλλὰ θνητὸν μέν, οὐ μὴν ἀπαθές. Ποῦ τοίνυν ἡμῖν οἰχήσεται τὸ ἀθάνατον ὁμοῦ καὶ ἐμπαθές; δεῖ γὰρ συστῆναι ἐξ ἀμφοῖν οὐσίαν κοινήν, κρείττονα μὲν ἀνθρώπου, θεοῦ δὲ ἐλάττονα, εἰ μέλλει ἔσεσθαι τῶν ἄκρων πρὸς ἄλληλα ἀναλογία· δύο γὰρ πραγμάτων κεχωρισμένων τῇ φύσει, χωρισθήσεται  καὶ ἡ ἐπιμιξία παντάπασιν, ἐὰν μή τις κοινὸς ὅρος ἀμφότερα ὑποδέξηται.

III. C'est comme si je disais : il existe une substance que nous appelons feu, et qui est à la fois chaude et sèche. Le froid est le contraire du chaud. L'humide est le contraire du sec. II est donc impossible de changer du feu en eau, ou de l'eau en feu. Il ne serait pas plus aisé de changer le froid en chaud, ni l'humide en sec (45). Telle est la contrariété que la Nature a établie elle-même entre ces choses. Mais elle leur a donné l'air, comme pour servir entr'elles de conciliateur. Il emprunte du feu la chaleur, de l'eau l'humidité; par-là s'opère le rapprochement et la communication : par-là s'effectue la transition, le passage, du feu à l'air par la chaleur, et de l'air à l'eau par l'humidité. D'un autre côté, l'air est chaud et humide, et la terre est froide et sèche. Or la sécheresse est le contraire de l'humidité, comme la froideur est le contraire de la chaleur (46). L'air ne se changerait donc jamais en terre, si la nature n'eût placé, entre l'un et l'autre, l'eau qui leur sert comme d'arbitre, qui les concilie, qui les unit, en- recevant, de la part de l'air, l'humidité, de la part de la terre la froideur. Voici le succinct abrégé de tous les rapports du même genre. Chacune de ces choses étant composée de deux éléments contraires, on prend toujours de l'un une de ses parties, et l'on l'ajoute ensuite à l'autre: l'on sépare l'un de l'autre à moitié, et l'on rapproche l'un de l'autre dans la même proportion. C'est ainsi que les choses contraires entr'elles, et inalliables, se rapprochent néanmoins, se combinent ensemble, comme le feu avec l'air sous le rapport de la chaleur, comme l'air avec l'eau sous le rapport de l'humidité, comme l'eau avec la terre sous le rapport de la froideur, comme la terre avec le feu sous le rapport de la sécheresse. De même ici DIEU est en contact avec les Dieux du second ordre, sous le rapport de l'immortalité; les Dieux du second ordre sont en contact avec l'homme, parce qu'ils sont passibles, comme lui. L'homme est en contact avec la brute, parce que la brute est sensible comme l'homme; la brute est en contact avec la plante, parce que la plante a une âme, comme la brute (47).

Οἷον τὸ τοιόνδε λέγω· καλοῦμέν τι πῦρ ξηρόν τε καὶ θερμόν· ἐναντίον δὲ θερμῷ μὲν ψυχρόν, ξηρῷ δὲ ὑγρόν· ἀλλὰ μὴν καὶ ὕδωρ καλοῦμεν ψυχρὸν καὶ ὑγρόν· ἀδύνατον δὴ μεταβάλλειν πῦρ εἰς ὕδωρ, καὶ ὕδωρ εἰς πῦρ· οὔτε γὰρ ψυχρὸν εἰς θερμότητα, οὔτε ὑγρὸν εἰς ξηρότητα μεταβάλοι ἄν. Οὕτω δὴ τὸν τούτων πόλεμον μετεχειρίσατο ἡ φύσις· ἔδωκεν αὐτοῖς ὥσπερ ἐκεχειροφόρον τὸν ἀέρα, ὃς λαβὼν παρὰ μὲν τοῦ πυρὸς τὴν θερμότητα, παρὰ δὲ τοῦ ὕδατος τὴν ὑγρότητα, συνεκέρασεν αὐτῶν καὶ συνῆψεν τὰς ὁμιλίας, καὶ γίνεται μεταβολὴ καὶ πρόσβασίς ποτε μὲν τοῦ πυρὸς εἰς ἀέρα, κατὰ θερμότητα· ἀπὸ δὲ τοῦ ἀέρος εἰς ὕδωρ, κατὰ ὑγρότητα. Πάλιν αὖ ἀὴρ θερμόν τε καὶ ὑγρόν, γῆ δὲ ψυχρόν τε καὶ ξηρόν· ἐναντίον δὲ ξηρότης μὲν ὑγρότητι, ψυχρότης δὲ θερμότητι· οὐκ ἂν οὖν μετέβαλέν ποτε ἀὴρ εἰς γῆν, ὅτι μὴ τῆς φύσεως καὶ τούτοις δούσης τὴν τοῦ ὕδατος οὐσίαν, διαιτῶσάν τε αὐτὰ καὶ ξυνάγουσαν, παρὰ μὲν ἀέρος λαβοῦσαν τὴν ὑγρότητα, παρὰ δὲ γῆς τὴν ψυχρότητα. Σκόπει δὴ τὸ πᾶν οὕτως συγκεφαλαιωσάμενος βραχεῖ λόγῳ· ἐπειδὴ ἕκαστον τούτων ἀνὰ δύο συνέστηκεν φύσεων ἐναντίων, ὧν ἀεὶ τὴν ἑτέραν ἀφαιρῶν μοῖραν, προστιθεὶς  τῶν ἔπειτα τῇ ἑτέρᾳ, καθ´ ἥμισυ μὲν χωρίζεις ἑκατέρου ἑκάτερον, καθ´ ἥμισυ δὲ συντάττεις ἑκατέρῳ ἑκάτερον, τοῦτον τὸν τρόπον τὰ ἐναντία ἀλλήλοις ἄμικτα ὄντα κοινωνεῖ ὅμως, καὶ ἀνακίρνανται καὶ πῦρ ἀέρι κατὰ θερμότητα, καὶ ἀὴρ ὕδατι κατὰ ὑγρότητα, καὶ ὕδωρ γῇ κατὰ ψυχρότητα, καὶ γῆ πυρὶ κατὰ ξηρότητα· οὕτω κἀνταῦθα κοινωνεῖ θεὸς μὲν δαίμονι κατὰ τὸ ἀθάνατον, δαίμων δὲ ἀνθρώπῳ κατὰ τὸ ἐμπαθές, ἄνθρωπος θηρίῳ κατὰ τὸ αἰσθητικόν, θηρίον φυτῷ κατὰ τὸ ἔμψυχον.

IV. Portons nos regards, si l'on veut, sur l'économie du corps humain, nous verrons là encore que la nature n'a rien de brusque dans sa marche; et qu'elle a besoin du secours de quelques intermédiaires, pour opérer ses combinaisons et ses résultats. Le cheveu et l'ongle, par exemple, sont plus tendres que l'os, plus ténus que les nerfs, plus secs que le sang, plus rudes que les chairs. En un mot, en toutes choses, où il existe de l'ordre et de l'harmonie, il faut des intermédiaires. Il en faut dans la musique vocale, dans les humeurs du corps humain, dans les couleurs (48), dans le rythme poétique, dans les décorations, dans les passions, dans les discours. À la bonne heure: Cela étant donc ainsi réglé, si DIEU est impassible et immortel, et que l'homme soit mortel et passible, il faut de toute nécessité qu'entre DIEU et l'homme, existe une substance ou impassible et mortelle, ou immortelle et passible. Or la première de ces deux choses est impossible. Car il ne pourrait jamais se faire que ce qui est impassible coexistât avec ce qui est mortel. Il faut donc qu'il existe des Dieux subalternes, substances à la fois passibles et immortelles, en contact avec DIEU, du côté de l'immortalité, en contact avec l'homme, du côté de la passibilité.

Εἰ δὲ βούλει, καὶ τὴν οἰκονομίαν τοῦ σώματος θέασαι, ὡς οὐδὲ ἐνταῦθα ἡ φύσις μεταπηδᾷ ἀθρόως, ἀλλὰ καὶ ταύτῃ μεσοτήτων τινῶν δεῖ πρὸς τὴν χειραγωγίαν  τῆς κράσεως τῶν σωμάτων· θρὶξ γάρ που καὶ ὄνυξ ὀστοῦ μαλακώτερον, καὶ νεύρου ἀραιότερον, καὶ αἵματος ξηρότερον, καὶ σαρκὸς τραχύτερον· συνελόντι δὲ εἰπεῖν, παντὶ χρήματι, ἐν ᾧ τὸ ἡρμοσμένον καὶ τεταγμένον,  μεσότητος δεῖ, ἐν φωναῖς, ἐν χρόαις, ἐν χυμοῖς,  ἐν σώμασιν, ἐν ῥυθμοῖς, ἐν σχήμασιν, ἐν πάθεσιν,  ἐν λόγοις. Εἶεν· οὕτω τούτων ἐχόντων, εἰ ὁ μὲν θεὸς ἀπαθὴς καὶ ἀθάνατος, ὁ δὲ ἄνθρωπος θνητός τε καὶ ἐμπαθής, ἀνάγκη τὸ διὰ μέσου τούτων ἢ ἀπαθὲς θνητὸν εἶναι, ἢ ἀθάνατον ἐμπαθές· ὧν τὸ μὲν ἀδύνατον, οὐ γὰρ ἂν ξυνέλθοι ποτὲ οὐδὲ ὁμολογήσαι τῷ θνητῷ τὸ ἀπαθές· λείπεται δὴ τὴν δαιμόνων φύσιν ἐμπαθῆ τε εἶναι καὶ ἀθάνατον, ἵνα τοῦ μὲν ἀθανάτου κοινωνῇ τῷ θεῷ, τοῦ δὲ ἐμπαθοῦς τῷ ἀνθρώπῳ.

V. Voici le moment de dire comment les Dieux du second ordre sont passibles et immortels à la fois. Commençons par l'immortalité. Tout ce qui périt, est ou dissous, ou fondu, ou coupé, on rompu, ou transformé : ou dissous, comme le limon par l'eau; ou rompu, comme les champs par la charrue ; ou fondu, comme la cire par le soleil ; ou coupé, comme une plante par un fer tranchant ; ou transformé, comme l'eau en air et l'air en feu. Or, il faut que la substance des Dieux du second ordre, si'elle doit être immortelle, ne puisse être ni dissoute, ni fondue, ni coupée, ni rompue, ni transformée. Car si elle éprouvait quelqu'un de ces accidents, adieu son immortalité : or, comment les éprouverait-elle, si la substance d'un Dieu de ce genre n'est autre chose qu'une âme dépouillée de corps? Car, si le corps, périssable de sa nature, ne périt point tant qu'elle reste avec lui, il s'en faut beaucoup qu'elle soit susceptible de périr elle-même. Pendant que leur union dure, c'est le corps qui est soutenu, et c'est l'âme qui soutient. Car, si l'âme soutenait autre chose, et qu'elle ne se soutint pas elle-même, que serait la chose qui la soutiendrait, et comment concevoir que l'âme eût une âme? Pendant que l'un est conservé par l'autre, tant qu'il en est soutenu, il faut, de toute nécessité, que cette action de soutenir cesse, lorsqu'elle est arrivée à une chose qui en soutient une autre, et qui se soutient elle-même. Sinon, où s'arrêterait le raisonnement dans une progression qui irait à l'infini ? C'est tout comme si l'on conçoit un vaisseau lancé au milieu des flots, de manière qu'il soit néanmoins attaché à quelque roche, à l'aide de plusieurs cordages, dont l'un tient à l'autre, jusqu'à la roche, point fixe et solide, où se termine leur connexion.

Πῶς οὖν καὶ ἐμπαθὲς καὶ ἀθάνατον τὸ δαιμόνιον γένος, ὥρα λέγειν· καὶ πρῶτον γε περὶ τοῦ ἀθανάτου. Τὸ φθειρόμενον πᾶν ἢ τρέπεται, ἢ διαλύεται, ἢ τήκεται,  ἢ κόπτεται, ἢ ῥήγνυται, ἢ μεταβάλλει· ἢ διαλύεται,  ὡς πηλὸς ὑπὸ ὕδατος· ἢ ῥήγνυται, ὡς ὑπὸ ἀρότρου γῆ· ἢ τήκεται, ὡς ὑπὸ ἡλίου κηρός· ἢ κόπτεται, ὡς ὑπὸ σιδήρου φυτόν· ἢ μεταβάλλει καὶ τρέπεται, ὡς ὕδωρ εἰς ἀέρα, καὶ ἀὴρ εἰς πῦρ. Δεῖ δὴ τὴν οὐσίαν τοῦ δαιμονίου, εἰ μέλλει ἔσεσθαι ἀθάνατος,  μὴ διαλύεσθαι, μὴ σκεδάννυσθαι, μὴ τρέπεσθαι, μὴ ῥήγνυσθαι καὶ μεταβάλλειν, μὴ κόπτεσθαι· εἰ γὰρ πείσεταί τι τούτων, ἀπολεῖ τὸ ἀθάνατον. Πῶς δ´ ἂν καὶ πάθοι, εἴπέρ ἐστιν τὸ δαιμόνιον αὐτὸ ψυχὴ ἀποδυσαμένη τὸ σῶμα; ἣ γὰρ καὶ τῷ σώματι τῷ φύσει φθειρομένῳ παρέχει τὸ μὴ φθείρεσθαι ἡνίκ´ ἂν αὐτῷ συνῇ, πολλοῦ γε δεῖ φθαρῆναι αὐτῇ. Ἐν γοῦν τῇ συστάσει τὸ μὲν σῶμα συνέχεται, ἡ δὲ ψυχὴ συνέχει· εἰ δὲ καὶ τὴν ψυχὴν ἕτερόν τι συνέχει, ἀλλὰ μὴ αὐτὴ αὑτήν, τί τοῦτο ἔσται, καὶ τίς ἂν ἐπινοήσαι ψυχὴν ψυχῆς; Ὅταν γὰρ ἕτερον ὑφ´ ἑτέρου σώζηται συνεχόμενον, ἀνάγκη που παύσασθαι τὴν συνοχὴν ἐπὶ πρᾶγμα προελθοῦσαν συνέχον μὲν ἄλλο, συνεχόμενον δὲ ὑφ´ ἑαυτοῦ· εἰ δὲ μή, ποῖ στήσεται ὁ λογισμὸς προϊὼν εἰς ἄπειρον; οἷον εἰ ξυνείη τις ὁλκάδα ἐν κλύδωνι ἐκ πέτρας ποθὲν καθωρμισμένην διὰ πολλῶν κάλων, ὧν ἕτερον ἐξ ἑτέρου συνεχόμενον τῇ ξυνδέσει τελευτᾷ ἐπὶ τὴν πέτραν, χρῆμα ἑστὸς καὶ ἑδραῖον.

VI. C'est ainsi que l'âme soutient le corps, le fait surnager au milieu de la tourmente, des flots irritée qui l'agitent, et qui le ballottent. C'est elle qui le maintient là comme dans un port, et qui le conserve. Mais lorsque les nerfs sont fatigués, ainsi que le souffle vital, et les autres choses qui lui servaient comme de cordages, à l'aide desquels il avait jusqu'alors été soutenu par l'âme, il périt, il descend dans les abîmes; tandis que l'âme se sauve comme à la nage, parce qu'elle se soutient et se conserve elle-même. Dès-lors l'âme prend le nom de Dieu du second ordre, substance habitante de l'éther; où elle est transplantée en quittant la terre, comme si elle se transplantait de chez les Barbares, chez les Grecs (49), d'une Cité livrée à l'anarchie, à la tyrannie, à la sédition, dans une autre Cité, où régneraient la paix, l'ordre et un gouvernement sage. Il me paraît qu'il en est à peu près comme de cet emblème d'Homère, lorsqu'il dit que Vulcain a fabriqué un bouclier d'or, sur lequel il a représenté deux Cités, dans l'une desquelles ce ne sont que « noces, que festins (50), » que danses, que chants, que fêtes; et dans l'autre on ne voit que guerres, que querelles, que ravages, que combats, que tableaux de douleur, de gémissements, et de désespoir. Tel est le contraste entre la terre et l'éther (51). Celui-ci est un lieu de paix, qui ne retentit que des cantiques des Dieux du second ordre, et du bruit de leurs danses. La terre, au contraire, est un chaos plein de tumulte, de fracas, et de dissensions. Lorsque l'âme a été transplantée de celle-ci dans l'autre, qu'elle a été délivrée du corps, qu'elle l'a abandonné à la terre, pour le dévorer, à l'époque qui lui a été assignée, et conformément à la loi qui l'avait réglé, elle prend sa place parmi les Dieux du second ordre, après avoir quitté celle qu'elle avait dans un corps humain (52); elle contemple, dans toute la pureté de ses yeux, le spectacle qui lui est approprié, sans être offusquée par nulle enveloppe corporelle, sans être éblouie par les couleurs (53), sans être distraite par la variété des formes, sans qu'aucun épais nuage vienne intercepter ses regards ; elle contemple le beau proprement dit, de ses propres yeux; et nage dans la joie de cette contemplation. La vie d'où elle y sort lui fait pitié à elle-même. Elle s'applaudit du bonheur de la vie où elle entre. Elle éprouve le sentiment de la commisération pour les âmes de même nature qu'elle (54), qui sont encore plongées dans le tourbillon sur la terre ;.et ce sentiment de philanthropie lui fait désirer de se réunir à elles, et de leur servir comme de guide et de sauvegarde. D'ailleurs DIEU lui-même lui ordonne de se rendre sur la terre, de s'y incorporer en quelque sorte avec les hommes, quelles que soient leurs inclinations, leur condition, leurs opinions, et leur profession ; d'y être l'auxiliaire des gens de bien; d'y venger les opprimés ; d'y punir les méchants (55).

Τοιοῦτον ἡ ψυχή· σῶμα ἐν σάλῳ ἀεὶ καὶ κλύδωνι νηχόμενον καὶ κραδαινόμενον καὶ σειόμενον συνέχει αὐτή, καὶ καθορμίζει, καὶ ἵστησιν· ἐπειδὰν δὲ ἀποκάμῃ τὰ νεῦρα ταυτί, καὶ τὸ πνεῦμα, καὶ τὰ ἄλλα τὰ ὥσπερ καλώδια, ἐξ ὧν τέως προσώρμιστο τῇ ψυχῇ τὸ σῶμα, τὸ μὲν ἐφθάρη καὶ κατὰ βυθοῦ ᾤχετο, αὐτὴ δὲ ἐφ´ ἑαυτῆς ἐκνηξαμένη συνέχει τε αὑτὴν καὶ ἵδρυται. Καὶ καλεῖται ἡ τοιαύτη ψυχὴ δαίμων ἤδη, θρέμμα αἰθέριον,  μετοικισθὲν ἐκ γῆς ἐκεῖ· ὥσπερ ἐκ βαρβάρων εἰς Ἕλληνας, καὶ ἐξ ἀνόμου καὶ τυραννουμένης καὶ στασιωτικῆς πόλεως εἰς εὐνομουμένην καὶ βασιλευομένην  καὶ εἰρηνικὴν πόλιν. Ἐγγύτατα γάρ μοι δοκεῖ ἔχειν τὸ γιγνόμενον Ὁμηρικῇ εἰκόνι· οἷον φασὶν ἐκείνῳ χαλκεῦσαι τὸν Ἥφαιστον ἐπὶ χρυσῆς ἀσπίδος πόλεις δύο·

- - - ἐν τῇ μέν ῥα γάμοι τ´ ἔσαν, εἰλαπίναι τε,

καὶ χοροί, καὶ παιᾶνες, καὶ δᾳδουχίαι· ἐν δὲ τῇ πόλεμοι, καὶ στάσεις, καὶ ἁρπαγαί, καὶ μάχαι, καὶ ὀλολυγαί, καὶ οἰμωγαί, καὶ στόνοι. Τοῦτο δύναται καὶ γῆ πρὸς αἰθέρα· ὁ μὲν γὰρ εἰρηναῖόν τι χρῆμα, καὶ παιάνων μεστὸν καὶ θείων χορῶν, ἡ δὲ πολυφωνίας καὶ πολυεργίας καὶ διαφωνίας. Ἐπειδὰν γὰρ ἀπαλλαγῇ ψυχὴ ἐνθένδε ἐκεῖσε, ἀποδυσαμένη τὸ σῶμα, καὶ καταλιποῦσα αὐτὸ τῇ γῆ φθαρησόμενον τῷ αὐτοῦ χρόνῳ καὶ νόμῳ, δαίμων τ´ ἀνθρώπου, ἐποπτεύει μὲν αὕτη τὰ οἰκεῖα θεάματα καθαροῖς τοῖς ὀφθαλμοῖς, μήτε ὑπὸ σαρκῶν ἐπιπροσθουμένη, μήτε ὑπὸ χρωμάτων ἐπιταραττομένη, μήτε ὑπὸ σχημάτων παντοδαπῶν συγχεομένη, μήτε ὑπὸ ἀέρος θολεροῦ διατειχιζομένη, ἀλλὰ αὐτὸ κάλλος, αὐτοῖς ὀφθαλμοῖς ὁρῶσα καὶ γανυμένη· οἰκτείρουσα μὲν αὑτὴν τοῦ πρόσθεν βίου, μακαρίζουσα δὲ τοῦ παρόντος· οἰκτείρουσα δὲ καὶ τὰς συγγενεῖς ψυχάς, αἳ περὶ γῆν στρέφονται ἔτι, καὶ ὑπὸ φιλανθρωπίας ἐθέλουσα αὐταῖς συναγελάζεσθαι, καὶ ἐπανορθοῦν σφαλλομένας. Προστέτακται δὲ αὐτῇ ὑπὸ τοῦ θεοῦ ἐπιφοιτᾶν τὴν γῆν, καὶ ἀναμίγνυσθαι πάσῃ μὲν ἀνδρῶν φύσει, πάσῃ δὲ ἀνθρώπων τύχῃ καὶ γνώμῃ καὶ τέχνῃ· καὶ τοῖς μὲν χρηστοῖς συνεπιλαμβάνειν, τοῖς δὲ ἀδικουμένοις τιμωρεῖν, τοῖς δὲ ἀδικοῦσιν  προστιθέναι τὴν δίκην.

VII. Ce n'est pas que chacun des Dieux du second ordre soit propre à tout. Chacun d'eux a, ici-bas, des attributions distinctes, des fonctions particulières. Et voilà, sans doute, cette passibilité, sous le rapport de laquelle ces Dieux sont inférieurs au DIEU suprême. Ils ne veulent point changer les inclinations et les habitudes qu'ils eurent pendant qu'ils étaient sur la terre (56). Esculape professe encore la médecine. Hercule est encore la terreur des monstres et des brigands. Bacchus célèbre encore ses bacchanales. Amphilochus prédit encore l'avenir. Castor et Pollux continuent de naviguer; Minos de rendre la justice; Achille de combattre. Dans le Pont-Euxin, à l'embouchure du Danube, est une île où Achille habite (57). Là, Achille a un temple; là, Achille a des autels. On ne va à cette île que pour y offrir des sacrifices. Quand les sacrifices sont achevés, on entre dans le temple (58). Des matelots y ont vu plusieurs fois un homme qui ressemblait à un Dieu, qui avait la chevelure blonde, qui avait une allure militaire, qui était couvert de ses armes, lesquelles armes étaient d'or. D'autres ne l'ont vu en aucune manière, mais ils l'ont entendu, chantant des hymnes guerrières. D'autres l'ont vu et entendu en même temps. S'il arrive à quelqu'un de s'endormir volontairement dans l'île, Achille l'éveille, il le conduit dans sa tente, et il lui donne une fête. Patrocle verse le vin, Achille joue de sa lyre. On dit même que Thétis y assiste, ainsi que beaucoup d'autres Dieux de cet ordre. Les Troyens prétendent également qu'on voit Hector habituellement à l'entour de Troie, se promener militairement dans la campagne, revêtu de brillantes armes. Quant à moi, je n'ai vu ni Achille, ni Hector, mais j'ai vu Castor et Pollux, au-dessus d'un vaisseau, astres brillants, qui le dirigeaient au milieu de la tempête (59). J'ai vu aussi Esculape, niais non pas en songe. J'ai vu aussi Hercule, et j'étais éveillé (60).

Ἀλλ´ οὐχὶ δαιμόνων πᾶς πάντα δρᾷ, ἀλλ´ αὐτοῖς διακέκριται κἀκεῖ τὰ ἔργα, ἄλλο ἄλλῳ. Καὶ τοῦτό ἐστιν ἀμέλει τὸ ἐμπαθές, ᾧ ἐλαττοῦται δαίμων θεοῦ. Ὡς γὰρ εἶχον φύσεως, ὅτε περὶ γῆν ἦσαν, οὐκ ἐθέλουσιν ταύτης παντάπασιν ἀπαλλάττεσθαι· ἀλλὰ καὶ Ἀσκληπιὸς ἰᾶται νῦν, καὶ ὁ Ἡρακλῆς ἰσχυρίζεται, καὶ Διόνυσος βακχεύει, καὶ Ἀμφίλοχος μαντεύεται, καὶ οἱ Διόσκουροι ναυτίλλονται, καὶ Μίνως δικάζει, καὶ Ἀχιλλεὺς ὁπλίζεται. Ἀχιλλεὺς νῆσον οἰκεῖ εὐθὺ Ἴστρου κατὰ τὴν Ποντικὴν θάλατταν, Ἀχιλλέως ναός, καὶ βωμοὶ Ἀχιλλέως· καὶ ἑκὼν μὲν οὐκ ἄν τις προσέλθοι, ὅτι μὴ θύσων· θύσας δέ, ἐπιβαίνει τῆς νεώς. Εἶδον ἤδη ναῦται πολλάκις ἄνδρα ἠΐθεον, ξανθὸν τὴν κόμην, πηδῶντα ἐν ὅπλοις· τὰ ὅπλα χρυσᾶ· οἱ δὲ εἶδον μὲν οὐδαμῶς, ἤκουσαν δὲ παιωνίζοντος· οἱ δὲ καὶ εἶδον καὶ ἤκουσαν. Ἤδη δέ τις καὶ κατέδαρθεν ἄκων ἐν τῇ νήσῳ, καὶ αὐτὸν Ἀχιλλεὺς ἀνίστησιν, καὶ ἐπὶ  σκηνὴν ἄγει, καὶ εὐωχεῖ· ὁ Πάτροκλος ᾠνοχόει, Ἀχιλλεὺς  ἐκιθάριζεν, παρεῖναι δὲ ἔφη καὶ τὴν Θέτιν, καὶ ἄλλων δαιμόνων χορόν. Ὁ δὲ Ἕκτωρ κατὰ χώραν μένει, ὡς ὁ Ἰλιέων λόγος, καὶ φαντάζεται πηδῶν ἅμα τὸ πεδίον, καὶ ἀστράπτων. Ἐγὼ δὲ τὸν μὲν Ἀχιλλέα οὐκ εἶδον, οὐδὲ τὸν Ἕκτορα εἶδον· εἶδον δὲ καὶ Διοσκούρους  ἐπὶ νεώς, ἀστέρας λαμπρούς, ἰθύνοντας τὴν ναῦν χειμαζομένην· εἶδον καὶ τὸν Ἀσκληπιόν, ἀλλ´ οὐχὶ ὄναρ· εἶδον καὶ τὸν Ἡρακλέα, ἀλλ´ ὕπαρ.

 

NOTES

(37).Plutarque, dans une de ses Morales, a traité la même question. Apulée l'a traitée également. Ces deux Auteurs sont plus ou moins entrés dans le fond de leur sujet. Au lieu que la Dissertation qu'on va lire, ne dit pas un mot de l'Esprit familier de Socrate. Elle ne roule que sur la nature et les fonctions de ce que les Platoniciens appelaient Dieux du second ordre.

(38) Le célèbre Scholiaste d'Homère, Eustathe, nous apprend, dans ce qu'il a dit sur le neuvième vers de la partie du chant second de l'Iliade, intitulée : Κατάλογος νεῶν, qu'lsménias s'était fait une grande réputation dans l'antiquité, par son talent à jouer de la flûte, et qu'il était originaire de Thisbé, ville voisine de la mer, limitrophe du pays des Thespiens, et adossée au mont Hélicon. Voyez ce Scholiaste, pag.268, édit. de 1542; et pag. 203 de l'édition postérieure. Voy. aussi Diogène-Laërce, liv. IV. 22, liv. VII 125.

(39) C'est le début du Discours adressé par Ulysse à la fille d'Alcinoüs, à Nausicaa, au moment où il vient de se sauver à la nage, et de prendre terre sur le rivage des Phéaciens. Voyez l'Odyssée, chant 6, vers 149.

(40) C'est encore Ulysse qui tient ce langage à Nausicaa, Ibid. vers 153.

(41) Le grec porte comme le latin d'Heinsius, jubent enim pro se ut respondeam. Formey a traduit, « Je prends ici la parole pour lui, et je le fais répondre. » Qu'est devenu jubent, plus essentiel ici que Formey ne pareil l'avoir pensé? Pourquoi n'être pas littéral, quand on n'a que du latin si aisé à traduire ?

(42) Heinsius a traduit ossibusque, et Formey, trompé par l'homophonie des mots, a écrit d'eau, au lieu d'os, ce qui est un peu différent.

(43)  Formey a traduit, « La différence qui se trouve entre le son le plus aigu et le plus grave, reposant sur ces mots qui occupent le milieu », et cela, parce que Heinsius a traduit, differentia mediis innitatur vocibus. Voilà ce que c'est que de ne pas se douter que le mot vox, vocis, a, en latin, une diversité d'acception que n'a point le terme mot en français. Car, qu'est-ce que des mots qui occupent le milieu entre le son le plus aigu et le plus grave? N’est-il pas plus clair que le jour, que c'est de sorts et non pas de mots qu'il s'agit dans ce passage?

(44) Minima, dit Heinsius, verum immortale quid, et quod a passione sit remotum. Pourquoi donc Formey a-t-il pris ici le style académique, et a-t-il traduit : « Il n'est pas moins exempt de toute passion, qu'il est à l'abri de tous les coups de la mort » ? Le didactique (et en cet endroit, le texte a ce caractère) ne comporte pas cette élégance d'élocution : Non erat his locus.

(45)  Formey ne s'est point aperçu qu'il laissait de côté cette phrase entière, qui d'ailleurs n'a point été omise par Heinsius.

(46)  Encore ici une grave inadvertance de Formey. Il a laissé cette phrase au bout de sa plume.

(47) Pour peu qu'on soit versé dans le platonisme, on sait que les Platoniciens regardaient les plantes comme ayant non seulement de la vie, mais comme ayant une âme: Maxime de Tyr s'en explique ici très disertement; car le mot ἔμψιχος, qu'il a employé plusieurs fois, signifie proprement, qui a une âme. Heinsius l'a toujours entendu et traduit dans ce sens-là ; et néanmoins Formey, ne faisant pas attention, qu'en tout ce qui est didactique, un traducteur doit suivre rigoureusement son texte, et rendre verbum verbo, a traduit ici, « La vie (est commune), à la bête et à la plante » ce qui n'est pas selon la doctrine des Platoniciens.

(48) Markland propose de lire ici ὀσμαῖς, odeurs, à la place de σώματα, corps. Je pense bien, comme lui, qu'il y a corruption dans le texte, mais je préfère lire χρώματα, couleurs, d'autant que plus bas, sect. VI, au lieu de σομάτων, qui se trouve dans les éditions vulgaires, l'ancien manuscrit de la Bibliothèque nationale, porte χρωμάτων ; et. que Markland remarque dans sa note, en cet endroit, que, soit Maxime de Tyr, soit Platon, soit les autres Auteurs Grecs, sont en possession d'employer dans la même phrase, les mots χρώματα, et σχήματα, qui sont en effet dans la phrase de la section VI ci-dessous.

(49) Heinsius a eu tort de traduire ici, ut si quis e Barbaris ad Graecos. Il n'y a rien dans le texte qui motive cette transition si quis. C'est à l'âme uniquement qu'appartient la phrase entière, et Pacci l'a rendue dans ce sens-là.

(50) Iliade, chant 18,vers 491.

(51) Le grec porte littéralement, l'Ether, et non pas le Ciel. C'est en effet, dans la région de l'Ether, intermédiaire entre le Ciel et la région de l'air, que les Platoniciens avaient établi le domicile des Dieux du second ordre. Formey a donc tort de mettre ici le Ciel à la place de l'Ether. Le langage des Platoniciens tient à leur théologie. Il ne faut donc pas les faire parler à contre-sens de leurs dogmes.

(52) « D'homme », dit Formey, « elle devient démon ». Ce n'est pas encore là le langage des Platoniciens. L'âme n'était pas plus l'homme que le corps ne l'était. L'homme était le composé de l'un et de l'autre.

(53)  Voyez ci-dessus la première note de la section IV.

(54) « Avec lesquelles», dit Formey, « elle a de l'affinités. » J'en demande pardon à ce traducteur. Mais entre les âmes individuellement considérées, il y a quelque chose de plus que de l'affinité.

(55)  Hac lege, dit Heinsius, ut bonis auxilium ferant, qui injuria afficiuntur ab ea vindicent, qui inferunt puniant. C'est, en effet, le texte. Mais Formey n'a pas voulu traduire ces lignes, peut-être parce qu'il a regardé comme un sacrilège, à lui protestant, de faire empiéter les Démons, pour me servir de son expression, sur l'apanage de DIEU, et de consacrer la doctrine de la grâce admise par l'Église Romaine, en faisant remonter son origine à la doctrine de Platon. C'est ainsi que dans ces temps de ténèbres, où les manuscrits des ouvrages de l'Antiquité n'étaient qu'entre les mains des moines ; ceux-ci se permettaient, en les copiant, lorsque, d'ailleurs, ils en savaient assez pour les entendre, d'y retrancher ou d'y ajouter, selon leur caprice.

(56) Les Anciens pensaient que les âmes, séparées du corps, conservaient les mêmes goûts, les mêmes affections qu'elles avaient pendant qu'elles lui étaient unies. Platon s'en explique très disertement dans le Gorgias; et Virgile, au sixième livre de l'Enéide, fait voir à Énée, dans les Enfers, le cocher de Priam,
Etiam currus, etiam arma, tenentem;
et d'autres morts faisant encore aux Enfers ce qu'ils faisaient de leur vivant,
Quæ gratia currum
Armorumque fuit vivis, quae cura nitentes
Pascere equos, eadem sequitur tellure repostos.

(57) Arrien, dans son petit ouvrage intitulé, le Périple du Pont-Euxin, ne laisse rien à désirer touchant l'île en question. Il entre dans les plus grands détails sur le temple qu'Achille avait dans cette île, sur le genre de sacrifice qu'on lui offrait, sur l'Oracle qui était attaché à ce temple, et sur les oiseaux de mer qui en étaient comme les Sacristains. À la vérité, il ne dit rien de la particularité rapportée plus bas par Maxime de Tyr, au sujet de ceux qui s'endormaient dans cette île. Ce qui est bon à remarquer, c'est qu'Arrien déclare que tout ce qu'il en raconte, il le tient de personnes qui ont abordé dans cette île, ou qui lui en ont parlé par ouï-dire. Il ajoute que tout cela lui parait très digne de foi ; car le moyen qu'Achille, à qui Homère a donné tant d'éloges, de qui l'on raconte tant d'exploits, et qui fit à l'amitié le sacrifice de sa vie, ne soit pas au rang des Héros, ou des demi-Dieux ! C'est ainsi que les hommes faits par leurs lumières pour combattre l'ignorance et la superstition, contribuaient à en épaissir les ténèbres.

(58) Dans le texte grec, sur lequel Heinsius a traduit, il a lu νήσου au lieu de νεώς, que Davies y a substitué, sur la foi de l'ancien manuscrit de la Bibliothèque nationale. Il eût, en effet, été bizarre d'être obligé de faire les sacrifices à bord, avant de mettre le pied dans l'île.

(59) Sénèque, dans ses Questions naturelles, liv. I, chap. I, dit, qu'au milieu d'une tempête, on voit Castor et Pollux, se placer en forme d'étoiles au-dessus des mâts, et que les marins croient que c'est par le secours de ces Dieux qu'ils échappent au danger. Arrien, dans son Périple du Pont-Euxin, que nous venons de citer, dit en effet, que Castor et Pollux se montrent réellement aux navigateurs ἐναργεῖς φαίνονται. Pline, au livre second de son Histoire naturelle, 4. 37, dit en propres termes, vidi nocturnis militum vigiliis, inhaerere pilis pro vallo effigie ea. Il parle, comme on voit, en témoin oculaire, vidi, et ne sachant comment rendre raison de ces phénomènes, il s'en tire, en disant, omnia incerta ratione et in naturae majestate abdita. Bien plus réservé en cela que le vulgaire des Docteurs, qui s'ingèrent d'expliquer ce qu'ils ne sauraient comprendre. Cette sage réflexion de Pline l'ancien en rappelle une non moins sage de Montaigne, l'Auteur des Essais: « Les miracles », dit-il, « sont, selon l'ignorance, en quoi a, nous sommes de la Nature, non selon l'être de la Nature » Liv. I, chap. 22.

(60) Voilà Maxime de Tyr, qui dit également avoir vu Castor et Pollux, en forme d'étoiles; avoir vu Esculape et Hercule. Les philosophes et les Platoniciens de profession n'étaient donc pas plus exempts que les autres de la maladie des visions.

Paris, le 18 floréal an IX.. (8 mai 1801.)