Manou

MÂNAVA DHARMA ÇÂSTRA - LOIS DE MANOU

 

TRADUITES DU SANSKRIT PAR G. STREHLY

Oeuvre numérisée et traduite par Marc Szwajcer

LIVRE VII

LIVRE VI - LIVRE VIII

 

 

 

 

 

 

 

MÂNAVA DHARMA ÇÂSTRA

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LOIS DE MANOU

TRADUITES DU SANSKRIT

PAR

G. STREHLY

ANCIEN ÉLÈVE DE L'ÉCOLE NORMALE SUPÉRIEURE

PROFESSEUR AU LYCÉE MONTAIGNE

ERNEST, LEROUX, ÉDITEUR

28, RUE BONAPARTE, 28

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1893

 

LOIS DE MANOU

 

TRADUITES DU SANSKRIT

PAR

G. STREHLY

 

 

LIVRE SEPTIEME

Le Roi

NOTES EXPLICATIVES

1. Je vais exposer les devoirs d'un roi, comment le souverain doit se conduire, quelle est son origine, comment (il peut atteindre) la perfection suprême.

2. Un Kchatriya qui a reçu suivant la règle l'initiation prescrite par le Véda, doit assurer comme il convient la protection de tout le (royaume).

3. En effet lorsque ce monde privé de rois était troublé de tous côtés par la crainte, le Seigneur créa un roi pour la protection de tout cet (univers),

4. En prenant des éléments éternels à Indra, au Vent, à Yama, au Soleil, au Feu, à Varouna, à la Lune et au Dieu des richesses.

5. Attendu qu'il a été créé avec des éléments (pris à) ces princes des Dieux, il excelle en splendeur sur toutes les créatures.

6. Il brûle à la manière du Soleil les yeux et les coeurs, et personne sur terre ne peut même le regarder en face.

7. Par sa puissance (extraordinaire) il est le Feu, le Vent, le Soleil, la Lune, le Seigneur de la justice, le Dieu des richesses, Varouna, le grand Indra.

8. Même enfant, un roi ne doit pas être méprisé sous prétexte qu'il est un (simple) mortel, car c'est une grande divinité qui réside sous la forme humaine.

9. Le feu brûle seulement l'individu qui s'en approche imprudemment; le feu du roi brûle une famille (entière) avec ses troupeaux et tous ses biens.

10. Ayant mûrement considéré l'affaire, sa (propre) puissance, le lieu et le temps, il prend tour à tour des formes variées pour (assurer) le triomphe de la justice.

11. Celui dans la faveur duquel réside la Déesse de la fortune, dans la valeur duquel (réside) la Victoire, dans la colère duquel (réside) la Mort, celui-là renferme en lui toute splendeur.

12. Quiconque en sa folie hait le roi périra certainement, car le roi conçoit sur-le-champ la résolution de le perdre.

13. Que (personne) donc ne transgresse la loi que le roi décrète au sujet de ceux qu'il aime, et les ordres rigoureux (dont il frappe) ceux qu'il n'aime pas.

14. En sa faveur le Seigneur créa jadis son propre fils le Châtiment, protecteur de tous les êtres, (personnification de) la justice, formé de la splendeur de Brahmâ.

15. Grâce à la crainte du châtiment tous les êtres mobiles et immobiles sont â même de jouir (de ce qui leur est propre) et sont maintenus dans le devoir.

16. Ayant bien considéré le lieu et le temps, la puissance et la science (du coupable), que (le roi) inflige le (châtiment) avec justice aux hommes dont la conduite est répréhensible.

17. Le châtiment est le roi, il est le mâle, il est le guide et le maître, il est reconnu comme le garant (de l'exécution) de la loi des quatre castes.

18. Le châtiment seul régit tous les hommes, le châtiment seul les protège, le châtiment veille sur eux endormis ; au dire des Sages, le châtiment (est) la justice (même).

19. Infligé justement, après mûre réflexion, il fait le bonheur de tous les sujets; mais appliqué sans réflexion, il les ruine de fond en comble.

20. Si le roi n'infligeait pas sans cesse le châtiment à ceux qui méritent d'être châtiés, le plus fort rôtirait le plus faible comme un poisson à la broche ;

21. La corneille mangerait le gâteau du sacrifice, le chien aussi lécherait l'offrande, la propriété n'existerait plus ; tout serait sens dessus dessous.

22. Le monde entier est maintenu par le châtiment, car un homme vertueux (par nature) est difficile à trouver; (c'est) grâce à la crainte du châtiment (que) l'univers entier est à même de jouir (de ce qui lui est propre).

23. Les Dieux, les Géants, les Musiciens célestes, les Démons, les Oiseaux, les Serpents, eux aussi, ne peuvent jouir (de ce qui leur est propre) que contenus par le châtiment.

24. Toutes les castes seraient bouleversées, toutes les barrières seraient brisées, ce serait un soulèvement de tous les hommes, par suite de la destruction du châtiment.

25. Partout où le châtiment noir, avec ses yeux rouges, s'avance, détruisant les méchants, il n'y a pas de désordre parmi les hommes, pourvu que celui qui l'applique voie bien.

26. On dit qu'un roi est un (juste) exécuteur (du châtiment), lorsqu'il est véridique, qu'il agit avec discernement, qu'il est sage et qu'il se connaît en vertu, plaisir et richesse.

27. Le roi qui applique justement le (châtiment) prospère en ces trois choses (vertu, plaisir et richesse) ; mais le (roi) voluptueux, méchant et fourbe, périra par le châtiment même.

28. Car le châtiment a une grande splendeur; il est difficilement appliqué par ceux dont l'esprit n'est pas perfectionné; il détruit avec toute sa parenté un roi qui s'écarte du devoir;

29. Puis il (détruit) ses forteresses, ses territoires, ses peuples, avec les êtres animés et inanimés, et affligerait même les Sages montés au ciel et les Dieux.

30. Il ne peut être appliqué justement par un (roi) privé de conseillers, insensé, cupide, dont l'esprit n'a pas été perfectionné, qui est esclave des sens.

31. C'est par (un roi) pur, fidèle à sa parole, observateur des lois, aidé par de bons conseillers, prudent, que le châtiment peut être (justement) infligé.

32. Qu'il se conduise avec justice dans ses États, qu'il châtie sévèrement ses ennemis, qu'il soit droit avec ses amis, et patient envers les Brahmanes;

33. La renommée d'un prince qui se conduit ainsi, lors même qu'if vivrait de glanures, s'étend dans le monde, comme une goutte d'huile dans l'eau.

34. Mais la renommée d'un prince qui fait tout le contraire et qui n'a pas vaincu ses passions, se resserre dans le monde, comme une goutte de beurre fondu dans l'eau.

35. Le roi a été créé (pour être) le protecteur des castes et des ordres, qui tous, suivant leur rang, accomplissent les devoirs propres à chacun.

36. Tout ce qui doit être fait par le (roi) et ses ministres pour la protection des sujets, je vais vous l'exposer dûment et en ordre.

37. Levé de bonne heure, le prince honorera les Brahmanes versés dans la science des trois (Védas) et instruits (des règles de la politique), et il suivra leurs conseils.

38. Qu'il honore constamment les Brahmanes âgés, instruits dans les Védas et purs ; car celui qui honore les vieillards est toujours respecté même par les Démons.

39. Qu'il apprenne toujours d'eux la modestie, lors même qu'il serait lui-même modeste ; car un roi modeste ne périt jamais.

40. Le manque de modestie a perdu maint roi avec son entourage ; par la modestie de simples anachorètes ont gagné des royaumes.

41. Le manque de modestie perdit Vêna et le roi Nahoucha, et Soudas fils de Pidjavana et Soumoukha et Nimi.

42. Au contraire par la modestie Prithou et Manou ont gagné la royauté, Koubera la souveraineté des richesses, et le fils de Gâdhi le rang de Brahmane.

43. De ceux qui sont versés dans les trois Védas il apprendra la triple science (du Véda) et les (principes) éternels de la politique, la logique, la connaissance de l'Âme (suprême); du peuple (il apprendra) la pratique des (diverses) professions.

44. Qu'il s'applique jour et nuit à vaincre ses sens : car (un roi) qui a vaincu ses sens peut (seul) tenir ses sujets dans l'obéissance.

45. Qu'il évite avec soin les dix vices produits par l'amour du plaisir, ainsi que les huit engendrés par la colère, qui (tous aboutissent à) une triste fin.

46. Car un roi adonné aux vices produits par l'amour du plaisir perd sa richesse et sa vertu ; (adonné aux vices) engendrés par la colère, (il perd) même l'existence.

47. Lâchasse, les dés, le sommeil de jour, la médisance, les femmes, l'ivrognerie, la danse, le chant, la musique et les voyages inutiles, telle est la catégorie des dix vices produits par l'amour du plaisir.

48. La malice, la violence, la tromperie, l'envie, la calomnie, l'usurpation de la propriété, les injures ou les voies de fait, voilà la catégorie des huit vices engendrés par la colère.

49. Qu'il s'applique â vaincre la convoitise, reconnue par tous les sages comme la racine de ces deux (classes de vices); en effet ces deux classes (de vices) en dérivent.

50. La boisson, les dés, les femmes, la chasse, ces quatre (vices), qu'il le sache, sont suivant l'ordre les plus pernicieux de la catégorie produite par l'amour du plaisir.

51. Les voies de fait, les injures, et l'usurpation de la propriété, qu'il le sache, sont les trois (vices) les plus pernicieux parmi ceux qui proviennent de la colère.

52. Un roi qui est maître de lui-même doit savoir que dans cette classe de sept vices qui s'attachent à tout, le premier (nommé) est toujours plus grave (que le suivant).

53. Du vice et de la mort, c'est le vice qui est déclaré le plus pernicieux ; un (homme) vicieux tombe au plus profond (des enfers), celui qui meurt exempt de vices (va) au ciel.

54. (Le prince) doit nommer sept ou huit ministres, dont les ancêtres ont été au service royal, instruits, courageux, exercés aux armes, issus de (nobles) familles, et (qui ont été) examinés.

55. Même une entreprise facile est difficile à exécuter pour un seul homme ; à plus forte raison un royaume qui donne de grands revenus (est malaisé à gouverner pour un roi) surtout (s'il est) sans auxiliaires.

56. Qu'il examine continuellement avec eux les (questions) ordinaires de paix et de guerre, l'état (du royaume), les revenus, la protection (de sa personne et de ses sujets) et la consolidation (du bien) acquis.

57. Après avoir consulté l'opinion de chacun d'eux isolément, et celle d'eux tous réunis, qu'il fasse ce qui est avantageux â ses affaires.

58. Quant aux questions les plus importantes concernant les six articles (principaux de la politique), il doit les traiter avec un Brahmane instruit, le plus éminent de tous ces (conseillers).

59. Plein de confiance(en celui-ci), il doit toujours le charger de toutes les affaires ; après avoir délibéré avec lui, il doit exécuter les entreprises.

60. Il doit aussi désigner d'autres ministres intègres, experts, fermes, bons collecteurs d'impôts, éprouvés.

61. Autant l'exécution de ses affaires requiert de personnes, autant il doit en désigner qui soient infatigables, habiles et expérimentées.

62. Parmi ces (gens) il doit préposer ceux qui sont braves, habiles, bien nés et intègres aux finances et à l'exploitation des mines ; (quant à) ceux qui sont timides, (il doit les employer) dans l'intérieur de son palais.

63. Qu'il désigne aussi un ambassadeur versé dans toutes les sciences, comprenant les signes, le maintien et les gestes, intègre, habile et bien né.

64. On fait cas de l'ambassadeur d'un roi (quand il est) dévoué, intègre, habile, doué d'une bonne mémoire, connaissant le temps et le lieu (opportuns), beau, brave et éloquent.

65. L'armée dépend du général, le maintien de l'ordre (dépend) de l'armée, les trésors et le royaume (dépendent) du roi, la paix et son contraire (la guerre) de l'ambassadeur.

66. Car l'ambassadeur seul rapproche (les adversaires) et divise les alliés ; l'ambassadeur négocie les affaires d'où résulte la désunion ou l'union.

67. Dans les négociations il doit deviner le maintien, les gestes et les actes (du souverain étranger) par les gestes et les actes de ses (émissaires) secrets, et (pénétrer) ses intentions par les serviteurs (de celui-ci).

68. Informé exactement (par son ambassadeur) des intentions du souverain étranger, (le roi) devra prendre ses mesures pour qu'il ne puisse lui faire aucun mal.

69. Il devra habiter un pays sec, fertile en productions, peuplé surtout d'Âryas, salubre, agréable, (entouré) de voisins pacifiques, et où la vie soit plantureuse.

70. Qu'il s'établisse dans une ville dont l'accès est défendu soit par un désert, soit par de la terre, soit par de l'eau, soit par des bois, soit par des soldats, soit par des montagnes.

71. Qu'il tâche autant que possible d'occuper une (ville) protégée par des montagnes ; en effet parmi toutes les (autres places) une (ville) protégée par des montagnes l'emporte par de nombreux avantages.

72. Parmi ces (diverses sortes de places), les trois premières sont occupées par les bêtes (sauvages), les rats, les animaux aquatiques, les trois dernières dans l'ordre par les singes, les hommes, les Dieux.

73. De même que ces (êtres) réfugiés dans leurs repaires sont à l'abri de leurs ennemis, ainsi les ennemis d'un roi ne peuvent lui faire de mal quand il est abrité dans sa forteresse.

74. Un seul archer placé sur un rempart tient tête à cent (assiégeants) ; cent (archers tiennent tête) à dix mille ; c'est pourquoi l'on recommande (d'avoir) des forteresses.

75. La (forteresse) doit être pourvue d'armes, d'argent, de grains, de bêtes de somme, de Brahmanes, d'artisans, d'engins, de fourrage et d'eau.

76. Au milieu de cette (place, le roi) doit se bâtir pour lui-même un palais très spacieux, protégé, propre à toutes les saisons, resplendissant, pourvu d'eau et d'arbres.

77. Logé dans ce (palais), qu'il épouse une femme de même caste, ayant (sur son corps) les marques propices, issue d'une grande famille, charmante, unissant la beauté et les vertus.

78. Qu'il désigne un prêtre de la maison et choisisse des prêtres officiants, chargés d'accomplir pour lui les cérémonies domestiques et celles qui se font avec les trois feux sacrés.

79. Un roi doit offrir divers sacrifices accompagnés d'abondants présents et en vue d'acquérir des mérites, il doit donner aux Brahmanes jouissances et richesses.

80. Il doit faire percevoir dans son royaume le tribut annuel par des (personnes) de confiance ; il doit être (dans ses rapports) avec le monde toujours observateur de la loi, et se conduire comme un père envers ses sujets.

81. Qu'il désigne divers inspecteurs intelligents pour tel ou tel service, chargés de surveiller tous les actes des hommes qui font ses affaires.

82. Qu'il honore (par des présents) les Brahmanes revenus de la maison de leur précepteur ; car ce (qu'il donne) aux Brahmanes est déclaré le trésor impérissable d'un roi.

83. Ni voleurs, ni ennemis ne le peuvent ravir, et il ne se perd point ; c'est pourquoi (ce) trésor impérissable doit être déposé par le roi chez les Brahmanes.

84. L'offrande mise en la bouche d'un Brahmane n'est ni répandue, ni desséchée, ni perdue ; elle est supérieure à l'oblation au feu.

85. Le don (fait) à quelqu'un qui n'est pas Brahmane (procure une récompense) égale (au don; fait) à un (homme) qui se dit Brahmane, (une récompense) double ; à un (Brahmane) instruit (une récompense) cent mille fois plus grande ; à celui qui a appris en entier le Véda (une récompense) infinie.

86. Car selon les qualités du récipient et la foi (du donateur), le don (procure) après la mort une récompense petite ou grande.

87. Provoqué par (un adversaire) égal, supérieur ou inférieur (en force), un roi protecteur de ses sujets ne doit pas refuser le combat, se souvenant des devoirs d'un Kchatriya.

88. Ne pas lâcher pied en une bataille, protéger ses sujets, obéir aux Brahmanes, c'est pour un roi le meilleur moyen de prospérer.

89. Des rois qui désireux de se tuer l'un l'autre dans une bataille combattent avec toute leur énergie, sans tourner le dos, vont au ciel.

90. (Un roi) dans un combat ne doit point tuer ses ennemis avec des armes cachées, ni avec des flèches empennées ou empoisonnées, ni avec des traits enflammés.

91. Qu'il ne frappe point un ennemi à pied (quand luimême est sur un char), ni un eunuque, ni un suppliant, ni celui dont les cheveux sont épars, ni un (homme) assis, ni celui qui dit : « Je suis ton (prisonnier), »

92. Ni un (homme) endormi, ni celui qui a quitté sa cuirasse, qui est nu, qui est sans armes, qui n'a point pris part au combat, qui est (simple) spectateur, ou qui est (déjà) aux prises avec un autre (adversaire),

93. Ni un homme dont les armes sont brisées, qui est accablé (de chagrin), qui est grièvement blessé, qui a peur ou qui fuit ; qu'il se rappelle les devoirs (des gens de coeur).

94. Mais le lâche qui est tué en fuyant dans une bataille prend sur lui toutes les mauvaises actions de son chef, quelles qu'elles soient.

95. Et tous les mérites quels qu'ils soient qu'aurait pu gagner pour l'autre monde le (lâche) tuéen fuyant sont acquis à son chef.

96. Voitures et chevaux, éléphants, parasols, argent, grain, bétail, femmes, tous ces objets, ainsi que les métaux vils sont à celui qui s'en empare.

97. Un texte du Véda dit : « On doit prélever une part spéciale (du butin) pour le roi » ; le (butin) qui n'a pas été conquis individuellement doit être partagé par le roi entre tous les soldats.

98. Telle est la loi irréprochable et éternelle des guerriers; un Kchatriya en tuant ses ennemis dans le combat ne doit point s'en écarter.

99. Qu'il tâche d'acquérir ce qu'il n'a pas encore, de conserver ce qu'il a acquis, d'accroître ce qu'il conserve, et de distribuer ce qu'il a augmenté à des personnes dignes.

100. Qu'il sache que c'est là la quadruple (règle) qui fait obtenir à l'homme ce qu'il désire ; qu'il la mette toujours en pratique exactement sans relâche.

101. Ce qu'il n'a pas encore conquis, qu'il tâche (de le conquérir) par les armes ; ce qu'il a conquis qu'il le conserve par sa vigilance ; ce qu'il a conservé qu'il l'augmente (par les moyens propres à en assurer) l'accroissement ; ce qu'il a accru, qu'il le distribue à des personnes dignes.

102. Qu'il ait toujours le sceptre levé, qu'il fasse toujours paraître sa bravoure, qu'il tienne toujours secret ce qui doit être secret; qu'il épie toujours les points faibles de l'ennemi.

103. Le monde entier tremble devant celui qui a toujours le sceptre levé ; qu'il soumette donc toutes les créatures par son sceptre.

104. Qu'il procède toujours par la droiture et jamais par la perfidie ; toujours sur ses gardes, qu'il soit au courant des ruses employées par l'ennemi.

105. Les autres ne doivent pas connaître son point faible, tandis que lui doit connaître le point faible des autres ; pareil à la tortue, il doit cacher ses membres et protéger ses parties vulnérables.

106. Comme le héron, il doit méditer le but, comme le lièvre battre en retraite, comme le loup ravir (sa proie), comme le lion s'élancer à l'attaque.

107. Lorsqu'il est ainsi en train de faire des conquêtes, qu'il soumette à son pouvoir tous ses adversaires par la conciliation et autres moyens.

108. Si les trois premiers moyens sont insuffisants à les réduire, qu'il les soumette progressivement en les attaquant par la force.

109. Parmi les quatre moyens, tels que la conciliation et les autres, les gens instruits recommandent toujours (de préférence) la conciliation et la force pour la prospérité du royaume.

110. De même que lesarcleur enlève les mauvaises herbes et conserve le grain, ainsi le roi doit protéger son royaume et détruire ses ennemis.

111. Si le roi dans sa folie opprime inconsidérément son royaume, il ne tarde pas, avec ses parents, à perdre le royaume, et la vie.

112. De même que les mauvais traitements physiques détruisent la vie chez les créatures, ainsi la vie des rois est détruite par l'oppression de leur royaume.

113. Pour la protection de son royaume il doit toujours observer la règle suivante ; car un roi qui protège bien son royaume prospère.

114. Qu'il place (comme) protection du royaume un corps de troupes commandé (par un officier de confiance) au milieu de deux, trois, cinq ou cent villages.

115. Qu'il nomme un chef pour (chaque) bourg, un chef pour dix bourgs, un chef pour vingt, un chef pour cent, un chef pour mille.

116. Le chef du bourg doit de lui-même informer au fur et à mesure des crimes commis dans son bourg le chef de dix bourgs, et celui-ci (à son tour doit en avertir) le chef de vingt bourgs.

117. Le chef de vingt bourgs doit notifier le tout au chef de cent bourgs, et celui-ci à son tour doit lui-même, en référer au chef de mille bourgs.

118. Les choses qui doivent être fournies chaque jour au roi par les habitants, (à savoir) les aliments, les boissons, les combustibles et autres, le chef du bourg les percevra (pour sa subsistance).

119. Le chef de dix bourgs aura pour sa part un koula, le chef de vingt bourgs en aura cinq, l'administrateur de cent bourgs (percevra le revenu) d'un bourg (tout entier), le seigneur de mille bourgs (celui) d'une ville.

120. Les affaires communales de ces (bourgades), ainsi que les affaires particulières (des administrateurs) doivent être contrôlées par un autre ministre du roi, loyal et infatigable.

121. Qu'il nomme dans chaque ville un administrateur général, d'une haute situation, d'un extérieur terrible, pareil à une planète parmi des étoiles.

122. Ce dernier doit lui-même constamment visiter tous ces (fonctionnaires) et s'assurer exactement de leur conduite dans (leurs) provinces, par le moyen de ses agents secrets.

123. Car les intendants du roi préposés à la protection (du peuple) deviennent généralement des prévaricateurs qui s'approprient le bien d'autrui ; (le roi) doit protéger ses sujets contre eux.

124. Les (fonctionnaires) malhonnêtes, qui prennent de l'argent des plaideurs, le roi doit confisquer tous leurs biens et les bannir.

125. Aux femmes employées à son service et à tous ses domestiques, le roi doit allouer des gages quotidiens proportionnés à leur rang et à leur office.

126. Un salaire d'un pana doit être alloué au plus infime, et de six au plus élevé, plus une livrée tous les six mois et un drona de grains par mois.

127. (Le roi) fera payer aux marchands 1 es taxes en prenant en considération les (prix) d'achat et de vente, (la longueur de) la route, les frais accessoires de nourriture, ainsi que (les dépenses nécessaires) pour assurer les marchandises.

128. Après (mûr) examen, le roi doit toujours fixer dans son royaume les impôts de telle manière que lui-même et celui qui fait le travail, y trouvent avantage.

129. Comme la sangsue, le veau et l'abeille prennent leur nourriture petit à petit, ainsi (c'est) petit à petit (que) le roi doit tirer de son royaume les impôts annuels.

130. Le roi peut prélever la cinquantième partie des troupeaux et de l'or, le huitième, le sixième ou le douzième des grains.

131. Il peut prendre aussi la sixième partie des arbres, de la viande, du miel, du beurre clarifié, des parfums, des drogues, des essences, des fleurs, racines et fruits,

132. Des feuilles, des légumes, des herbes, des peaux, des (ustensiles) en jonc, des vases de terre et de tout ce qui est en pierre.

133. Même mourant (de besoin) un roi ne doit point lever de taxe sur un Brahmane instruit, et un Brahmane instruit, habitant dans ses états, ne doit point y mourir de faim.

134. Le roi dans les états duquel un Brahmane instruit meurt de faim (verra) sous peu son royaume désolé par la famine.

135. Après s'être assuré de son instruction et de sa moralité, le roi doit lui assigner des moyens d'existence légaux, et le protéger de toute manière, comme un père (ferait) pour son propre fils.

136. Tous les actes pieux que (ce Brahmane) accomplit journellement sous la protection du roi accroissent la longévité, la richesse et le royaume du souverain.

137. Le roi fera payer chaque année une modique redevance à titre d'impôt aux gens de basse classe qui vivent de trafic dans son royaume.

138. Quant aux ouvriers, aux artisans, aux Soudras vivant de leur travail manuel, le roi les fera travailler (pour lui) une fois par mois.

139. Qu'il ne coupe point sa racine ni celle des autres par une excessive avidité, car en coupant sa racine (ou la leur) il rend malheureux lui ou les autres.

140. Ayant examiné (chaque) affaire, que le roi se montre sévère ou doux (suivant le cas) ; un roi qui est sévère et doux (à propos) est estimé.

141. Quand il est fatigué d'examiner les affaires des gens, qu'il mette â sa place son premier ministre, (un homme) connaissant les lois, sage, maître de lui-même, issu d'une (bonne) famille.

142. Réglant ainsi toutes les affaires qui lui incombent, qu'il protège avec dévouement et zèle ses sujets.

143. (Le souverain) qui (laisse) enlever de son royaume par des brigands ses sujets éplorés, sous ses yeux et sous ceux de ses ministres, est un (roi) mort et non (un roi) vivant.

144. Le devoir suprême d'un Kchatriya c'est de protéger ses sujets: car le roi, jouissant des avantages qu'on vient d'énumérer, est tenu à ce devoir.

145. S'étant levé à la dernière veille (de la nuit), s'étant purifié, recueilli, ayant fait les oblations au feu, révéré les Brahmanes, il entrera dans la somptueuse salle des audiences.

146. Étant là, il contentera tous ses sujets et les congédiera ensuite ; ses sujets congédiés, il délibérera avec ses ministres.

147. Montant au faite d'une colline, ou bien se retirant à l'écart sur la terrasse (du palais), ou dans une forêt déserte, qu'il délibère avec eux, sans être observé.

148. Le souverain dont les délibérations ne sont pas connues du commun des mortels assemblés, jouira de la terre entière, quoiqu'il soit dépourvu de trésors.

149. Au moment de la délibération, qu'il éloigne les idiots, les muets, les aveugles, les sourds, les animaux, les personnes âgées, les femmes, les barbares, les malades, les estropiés.

150. Car (ces êtres) méprisables trahissent les délibérations, et de même les animaux et particulièrement les femmes ; aussi doit-on se précautionner contre eux.

151. A midi ou à minuit, le corps et l'esprit reposés, qu'il délibère soit avec ses ministres, soit tout seul, sur la vertu, le plaisir et la richesse,

152. Sur (les moyens) d'acquérir (en même temps) ces choses opposées l'une à l'autre, sur le mariage de ses filles et sur la protection de (ses) fils,

153. Sur l'envoi des ambassadeurs, sur l'achèvement des entreprises (commencées), sur la conduite (des femmes) de son harem, sur les faits et gestes de ses émissaires,

154. Et sur toutes les huit affaires (d'un roi), et sur les cinq classes (d'espions), sur la bienveillance ou la malveillance (de ses voisins), et sur la conduite des États environnants.

155. (Qu'il médite) avec soin sur la conduite du (prince dont le territoire est) intermédiaire, sur les faits et gestes du (prince) qui rêve de faire des conquêtes, sur la conduite du (prince) neutre et (sur celle) de (son) ennemi.

156. Ces (quatre) éléments (forment) en résumé la souche des États circonvoisins ; en outre huit autres sont énumérés ; tels sont les douze éléments déclarés les (principaux).

157. (Il y en a) encore cinq autres (à savoir) : les ministres, le royaume, les forteresses, les trésors, l'armée ; ces (cinq) comptés pour chacun (des douze font) en résumé (un total de) soixante-douze.

158. (Le roi) doit considérer comme ennemi (tout prince qui est son voisin) immédiat, ainsi que le partisan de (cet) ennemi ; comme ami (le voisin) immédiat de son ennemi, et comme neutre (celui) qui est au delà de ces deux-ci.

159. Qu'il les gagne tous par la conciliation et autres moyens, soit séparés, soit réunis, (ou bien) par la bravoure et la politique (seules).

160. Qu'il songe sans cesse aux six procédés (qui sont : faire) alliance, (entreprendre) la guerre, marcher, camper, diviser (ses forces), chercher une protection.

161. Ayant examiné le parti à prendre, il doit (suivant le cas) se décider à camper, marcher, (faire) alliance, attaquer, diviser (ses forces), ou chercher une protection.

162. Un roi doit savoir qu'il y a deux sortes d’alliances et de guerres, (deux manières) de marcher, de camper, de diviser (ses forces) et de chercher protection.

163. On doit reconnaître deux espèces d'alliances procurant (des avantages) dans le présent et dans l'avenir : celle où l'on agit de concert, et au contraire (celle où l'on agit séparément).

164. La guerre est dite de deux sortes, (soit) qu'on l'entreprenne de son propre mouvement, dans un but personnel, en temps opportun ou inopportun, (soit qu'on la fasse pour venger) l'injure (faite) à un allié.

165. La marche est dite de deux sortes : quand on (se met en route) seul, en cas d'affaire urgente surgissant tout à coup, ou quand on est accompagné d'un allié.

166. Le campement est dit de deux sortes : (on reste dans l'inaction, soit quand) on a été affaibli peu à peu par le destin ou (en punition) de fautes antérieures, soit en considération d'un allié.

167. Ceux qui connaissent les avantages des six procédés disent que la division des forces est de deux sortes : lorsque l'armée s'arrête (en un lieu) et le chef (en un autre) pour assurer la réussite d'une entreprise.

168. La recherche d'une protection est aussi dite de deux sortes : lorsqu'on roi) pressé par ses ennemis cherche à. se mettre à l'abri de leurs attaques, ou bien (lorsqu'on cherche à) passer parmi les gens vertueux (pour le protégé d'un prince puissant).

169. Quand (un roi) entrevoit que sa supériorité est assurée dans l'avenir, et (que) pour le moment présent (il n'a qu'un) léger dommage (à souffrir), il doit alors recourir aux négociations amicales.

170. Quand il estime que tous ses sujets sont parfaitement satisfaits et que lui-même est au faîte de la puissance, il doit alors faire la guerre.

171. Quand il estime que ses propres troupes sont dans des dispositions allègres et en bon état, et qu'il en est tout autrement (de celles) de l'adversaire, qu'il marche alors à l'ennemi.

172. Mais quand il est faible en équipages et en troupes, il doit alors soigneusement se tenir en place, en se réconciliant peu à peu avec ses ennemis.

173. Quand le roi estime que ses ennemis sont tout à fait supérieurs en puissance, alors, divisant en deux ses forces, qu'il tâche d'arriver à ses fins.

174. Mais quand il peut facilement être attaqué par les forces de ses ennemis, qu'il se mette alors bien vite sous la protection d'un prince juste et puissant.

175. Qu'il honore toujours de tout son pouvoir, à l'égal d'un précepteur spirituel, celui qui contient à la fois et ses sujets (désobéissants) et les forces de ses ennemis.

176. Même alors s'il remarque que cette protection lui fait du tort, qu'il n'hésite pas â recourir à la guerre.

177. Un prince versé dans la politique devra faire en sorte par tous les moyens que ni alliés, ni neutres, ni ennemis ne lui soient supérieurs.

178. Qu'il considère exactement l'avenir et le présent de toutes les entreprises, les avantages et les désavantages de toutes (les actions) passées.

179. Celui qui sait les avantages et les désavantages à venir, qui est prompt au conseil dans le présent et qui conçoit les conséquences des actions passées, n'est jamais dominé par ses ennemis.

180. Qu'il dispose tout de manière que ni alliés, ni neutres, ni ennemis, ne le tiennent en leur dépendance ; telle est en somme la (vraie) politique.

181. Mais si le prince entreprend une expédition contre un royaume ennemi, il doit marcher progressivement sur la capitale de l'adversaire de la manière qui suit.

182. Le prince doit se mettre en marche dans le joli mois de Mârgasîrcha ou vers les mois de Phâlgouna et de Tchaitra, suivant (l'état) de ses troupes.

183. Même à d'autres époques, s'il entrevoit une victoire certaine, ou si une calamité a frappé son ennemi, il peut marcher en prenant l'offensive.

184. Ayant pris ses dispositions dans (sa propre) capitale et dûment (préparé) ce qui est nécessaire à l'expédition, ayant assuré ses positions et placé à propos des espions,

185. Ayant préparé les trois sortes de routes et les six corps de troupes, qu'il marche progressivement sur la ville ennemie, suivant les principes de la stratégie.

186. Il doit se défier particulièrement d'un allié qui favorise secrètement l'ennemi, et d'un (transfuge) qui après avoir passé (à l'ennemi) est revenu (à lui) ; car (ce sont là) les ennemis les plus dangereux.

187. Il doit marcher sur son chemin, ayant son armée rangée en forme de bâton, ou de chariot, ou de sanglier, ou de dauphin, ou d'aiguille, ou (d'oiseau) garouda.

188. De quelque côté qu'il appréhende le danger, il doit toujours étendre ses troupes de ce côté, et lui-même se placer (au centre) d'un bataillon disposé comme un lotus.

189. Qu'il place le général et le commandant des troupes dans toutes les directions, et qu'il tourne le front de bataille du côté d'où il craint le danger.

190. Qu'il place en tous sens des régiments sûrs, ayant des signaux convenus, sachant résister et attaquer, intrépides et fidèles.

191. Qu'il fasse combattre un petit nombre (de soldats) en rangs serrés ; qu'il étende à son gré des (forces) nombreuses ; qu'il fasse combattre (ses troupes) rangées en forme d'aiguille ou de foudre.

192. En (pays) plat qu'il combatte avec les chars et la cavalerie, sur un (terrain) marécageux avec des barques et des éléphants, sur un (terrain) couvert d'arbres et de buissons avec des arcs, sur un plateau avec des épées, boucliers (et autres telles) armes.

193. Qu'il fasse combattre à l'avant-garde les hommes du Kouroukchétra, les Matsyas, les Pantchâlas, les hommes du Soûrasena et (autres) qui sont grands et agiles.

194. Après avoir rangé ses troupes, qu'il les exhorte ; qu'il les passe soigneusement en revue et constate leur conduite quand elles chargent l'ennemi.

195. Quand il a bloqué l'ennemi, il doit camper et ravager le territoire de (l'adversaire) et détruire continuellement ses fourrages, ses vivres, son eau et son combustible.

196. Il doit aussi détruire les étangs, les remparts, les fossés, harceler (l'ennemi) et lui causer des alertes pendant la nuit.

197. Qu'il tâche de corrompre ceux qui sont accessibles à la corruption et qu'il se tienne au courant de ce qui est fait (par l'ennemi) ; quand le destin est favorable, qu'il combatte sans peur, désireux de la victoire.

198. Par la conciliation, la corruption, la division (employées) ensemble ou séparément, qu'il tâche de triompher de ses ennemis, mais jamais par le combat.

199. Car lorsque deux (adversaires) sont aux prises dans un combat, on ne voit pas (d'une façon) certaine (de quel côté sera) la victoire ou la défaite ; par conséquent qu'il évite la bataille.

200. Si toutefois les trois expédients précédemment indiqués n'ont pas réussi, alors, (bien) préparé, qu'il combatte pour vaincre ses ennemis.

201. Après la victoire il doit adorer les Dieux et (honorer) les Brahmanes vertueux ; il doit accorder des immunités et proclamer l'amnistie.

202. Après s'être enquis en détail des voeux de tous les (habitants du pays conquis), qu'il y installe un (souverain) de. la dynastie (vaincue) et lui impose des conditions.

203. Qu'il fasse respecter les lois (du pays) telles qu'elles sont établies, et honore par des (présents de) pierres précieuses ce (nouveau roi) ainsi que les grands personnages.

204. La confiscation des biens convoités produit le mécontentement, le don (de ces mêmes biens) engendre l'affection : (ces deux actions) sont recommandables suivant la circonstance.

205. Toute entreprise ici-bas est soumise à l'ordre du destin et (à l'action) de l'homme ; mais de ces deux, le destin est insondable, tandis que dans (les affaires) humaines l'action est connue.

 206. Ou bien (le vainqueur) peut encore conclure soigneusement une alliance avec (le vaincu) et s'en retourner (chez lui), considérant que les trois fruits (d'une expédition sont) un ami, de l'or et du territoire.

207. Examinant dans les États environnants (le prince) qui le menace par derrière et l'adversaire de ce dernier, qu'il tire le fruit de son expédition (du vaincu devenu) son allié ou (resté) son ennemi.

208. En acquérant de l'or et du territoire un prince ne prospère pas autant qu'en se faisant un allié fidèle, qui, bien que faible (d'abord, deviendra) puissant par la suite.

209. Un allié (même) faible est estimé (s'il est) vertueux, reconnaissant, faisant le bonheur de ses sujets, dévoué et ferme dans ses entreprises.

210. Les sages considèrent comme très dangereux un ennemi qui est éclairé, de noble race, brave, adroit, libéral, reconnaissant et ferme.

211. Noblesse, connaissance des hommes, bravoure, clémence, libéralité extrême sont toujours les vertus (qui doivent) briller dans un prince neutre.

212. Que le prince n'hésite pas à abandonner pour (sauver) sa personne, même un pays agréable, fertile en céréales et riche en troupeaux.

213. En prévision de l'adversité, qu'il ménage ses richesses; qu'il sacrifie ses richesses pour sauver son épouse ; qu'il sacrifie toujours son épouse et ses richesses pour sauver sa propre personne.

214. Un (prince) sage qui voit toutes les calamités fondre à la fois sur lui, doit employer, réunis ou séparés, tous les (quatre) expédients.

215. Considérant ces trois choses, celui qui entreprend, l'entreprise et tous les moyens réunis, qu'il s'efforce d'atteindre le but.

216. Après avoir ainsi délibéré avec ses ministres sur toutes ces (questions), avoir pris de l'exercice et s'être baigné, le roi entrera à midi en son harem pour y dîner.

217. Là il mangera des aliments (préparés) par des serviteurs dévoués, connaissant les moments (propices) et incorruptibles ; (ces aliments auront été) éprouvés et (bénis) par les formules qui neutralisent les poisons.

218. Il doit purifier toutes ses affaires avec des drogues qui neutralisent les poisons, et avoir toujours soin de porter des pierres précieuses qui détruisent l'effet des poisons.

219. Des femmes de confiance dont les robes et les ornements ont été examinés, devront l'éventer et lui présenter avec prévenance l'eau et les parfums.

220. Il doit également prendre des précautions pour ses voitures, ses lits, ses sièges, ses aliments, son bain, sa toilette et tous ses ornements.

221. Après dîner il peut se récréer avec ses femmes dans le harem ; mais après la récréation, qu'il songe de nouveau aux affaires en temps voulu.

222. Ayant mis son costume, qu'il passe de nouveau en revue ses guerriers, tous ses chars, armes et équipements.

223. Les dévotions du crépuscule accomplies, il (ira) bien armé dans un appartement retiré écouter les rapports de ses émissaires secrets et de ses espions.

224. Puis congédiant tous ces gens, et passant dans un autre appartement retiré, il entrera de nouveau dans le harem, escorté des femmes (à son service) pour y dîner.

225. Après avoir de nouveau pris quelques aliments et s'être récréé au son des instruments de musique, qu'il se couche en temps convenable et se lève reposé de ses fatigues.

226. Telles sont les règles que doit observer un prince bien portant ; quand il est indisposé, il peut confier toutes ces (affaires) à ses ministres.

222. Vâhana, terme très général, comprend « les éléphants, les chevaux, les chars ». (Kull.)

223. Bien armé, de peur d'un attentat de la part de ses espions.

224. On ne voit pas bien pourquoi il doit passer dans un autre appartement secret avant d'entrer au harem.

1. La perfection suprême : le mot siddhi peut aussi se prendre au sens de succès, réussite « un succès complet ».

4. Yama = Pluton; Varuna, l'Ouranos des Grecs, est la personnification du ciel qui embrasse tout. — Kubera ou Kuvera est le Dieu des richesses.

7. Le Seigneur de la justice désigne ici Yama, qui juge les morts.

10. Il prend des formes variées : « Impuissant il se résigne, devenu puissant il extermine, et ainsi dans un seul et même temps et lieu, suivant les circonstances, il est ennemi, ami ou neutre. » (Kull.)

13. En d'autres termes, on doit se conformer aux caprices de la faveur et de la disgrâce royales. Ce sens autorisé par le commentaire de Medh. me parait bien d'accord avec ce qui précède. Toutefois B. H. rapporte le verbe transgresser au roi : « Que le roi ne modifie jamais la loi qu'il établit pour ceux qu'il aime, etc. » La traduction de L. est encore plus éloignée de celle que nous avons adoptée : « Que le roi ne s'écarte jamais des règles par lesquelles il a déterminé ce qui est légal et illégal, relativement aux choses permises et aux choses défendues. »

15. « Autrement le fort enlèverait au faible ses biens, sa femme, etc. » (Kull.) — Au contraire Medh. et d'autres prennent bhoga au sens passif : « permettent qu'on jouisse d'eux ».

16. Le lieu et le temps où a été commis le délit. — L. traduit çaktim ca vidyâm ca par « les moyens de punir et les préceptes de la loi ».

17. Le mâle « les autres sont comme des femmes ». (Kull.) On pourrait aussi faire de purusha une apposition au mot roi, « le châtiment est un roi plein d'énergie ».

21. Tout serait sens dessus dessous : « Parmi les (quatre) castes, Brahmanes et autres, ceux qui sont en bas comme le Soudra, etc., deviendraient les plus élevés. » (Kull.)

22. Cf. la note du vers 15.

23. Ne peuvent jouir de ce qui leur est propre: « C'est par la crainte du châtiment que le feu chauffe, que le soleil brille, qu'Indra, le Vent, et cinquièmement la Mort se meuvent. » (Kull.) Il faut entendre ici « jouir » à peu près dans le sens de « remplir leurs fonctions », à moins qu'on n'adopte l'interprétation passive de bhoga. — Les Géants ou Dânavas, issus de Danu, qui firent la guerre aux Dieux, les Gandharvaset les Râkchasas.

25. Détruisant les méchants, ou bien les « péchés. »

27. Par le châtiment même qu'il applique injustement.

28. A une grande splendeur : L. prend ce composé comme un composé déterminatif, « est une grande énergie ». — Perfectionné « par l'étude des lois ».

29. « Il affligerait les Sages montés au ciel et les Dieux, parce qu'on cesserait de leur présenter des offrandes. » (Kull.) En effet, les hommes étant détruits, il n'y aurait plus personne pour offrir les sacrifices. J'ai fait de autarikshagatân une épithète de nature jointe à munîn au sens de coelicolse. B. entend par là « qui montent au ciel parce qu'on ne leur fait plus d'offrandes ».

31. Pur « en ce qui concerne l'acquisition des richesses, etc. ». (Kull.)

33. Vivrait de glanures, c'est-à-dire « même si ses trésors étaient épuisés ». (Kull.)

35. Les castes « Brahmanes, Kchatriyas, etc. », et les ordres, « novice, maître de maison, etc. ». (Kull.)

37. Litt. : « versés dans la triple science sacrée », c'est-à-dire « possédant la connaissance du Rg Véda, du Yajur Véda et du Sâma Véda ». (Kull.) Manou ne reconnaît pas le quatrième Véda, l'Atharva Véda.

38. Honorer les Brahmanes, c'est leur faire des présents.

39. Vinaya « modestie », ou peut-être « bonne conduite. »

40. Son entourage « ses éléphants, chevaux, trésors, etc. ». (Kull.)

41,42. Vena fils d'Anga, descendant de Manu Svâyambhuva, devenu roi voulut interdire les sacrifices : les Sages, après d'inutiles remontrances, le tuèrent avec des brins d'herbe consacrée. Nahusha, roi de Pratishthâna voulu, se faire porter par des Brahmanes : « Comme ils allaient trop lentement à son gré, il s'oublia au point de frapper la tête sacrée d'Agastya en lui disant: « Sarpa, sarpa (avance, avance) »; le saint irrité répéta les mêmes mots, mais dans un autre sens ; dans sa bouche ils signifiaient : marche, serpent. En effet Nahusha fut changé en serpent. » (Note de L.) — Sudâs est un roi qui paraît fréquemment dans le Rig-Véda et à la cour duquel auraient vécu les Saints rivaux Vasishtha et Viçvâmitra. (Cf. Dowson. Dict. of Hindu Mythology.) — Sumukha (?). — Nimi, roi de Mithilà, était fils d'Ikshvàku et fut victime d'une malédiction du Sage Vasisbtha, qui lui ôta sa forme corporelle. — Prthu, roi de la race solaire, et descendant d'Ikshvàku ; ce nom est commun à bien des rois et il est difficile de dire auquel il est fait allusion ici. — Manu (?). — Le fils de Gâdhi Viçvâmitra, Sage célèbre, était né Kchatriya, mais par ses austérités intenses, il s'éleva à la caste des Brahmanes et devint un des Sept grands Richis. Plusieurs des légendes auxquelles il est fait allusion ici se trouvent dans les épopées indiennes.

43. La politique : dandaniti signifie littéralement « l'application des châtiments ». — La connaissance de l'âme (suprême), ou peut-être « la connaissance de soi-même », âtman admet les deux interprétations.

46. Il perd l'existence « parla colère de ses sujets ». (Kull.)

48. La malice, paiçunyam, c'est suivant Kull. « l'action de divulguer les fautes ignorées ».

52. Qui est maître de lui-même, âtmavant; pourtant Kull. explique cette épithète par « praçastâtman, doué d'une âme excellente ». — La fin du vers signifie que par exemple la boisson est pire que le jeu, le jeu pire que les femmes, etc.

55. On peut faire rapporter « surtout s'il est sans auxiliaire » à « un seul homme. »

56. Ordinaires, sâmânyam, ou peut-être, comme le traduit L., « qui doivent être discutées en commun ». On peut aussi faire de ce mot un adverbe « en commun. » — L'état du royaume : sthàna signifie suivant Kull. « l'armée, le trésor, la capitale et le royaume ». — La consolidation du bien acquis. B. a adopté une autre interprétation, « la sanctification de ses gains (par des dons pieux) ».

58. Les six articles principaux (cf. v. 160) sont « alliance, guerre, marche, campement, division des forces, recherche d'une protection », ou bien ceux qui sont énumérés au v. 56 « paix, guerre, état du royaume, revenus, protection de sa personne et de ses sujets, et consolidation du bien acquis ».

62. Aux finances, littéralement « au gain, aux revenus. » On peut aussi construire autrement la phrase « il doit employer les braves, les habiles et les bien nés aux revenus, les intègres aux mines, les timides dans l'intérieur de son palais », ce qui ferait trois catégories au lieu de deux. Cette dernière prescription est ainsi justifiée par le commentaire de Kull. : « parce que des gens courageux, voyant fréquemment le roi seul ou entouré de ses femmes, pourraient le tuer à l'instigation de ses ennemis. »

63. Toutes les sciences : littéralement « tous les castras ou traités spéciaux ».

64. Dévoué : anurakta est ici pris avec la valeur active : pourtant Kull. l'entend autrement : « aimé du peuple ».

65. Du général : littéralement « du ministre »; mais Kull. donne « senâpati ». — L. traduit : « Le bon ordre dépend de la juste application des peines » ; en effet le sens ordinaire de danda est « châtiment. » Mais ce mot est expliqué par Kull. « la puissance consistant en éléphants, chevaux, chars, fantassins, etc. ».

70. Un désert « d'une étendue de cinq yojanas ». — Par de la terre « un mur de pierres ou de briques ». (Kull.)

72. C'est-à-dire « les déserts servent d'abri aux bêtes sauvages, la terre aux rats, l'eau aux animaux aquatiques, les bois aux singes, etc. »

76. Protégé « par des fossés, des murs, etc. ». (Kull.) — Resplendissant « de chaux ».

78. Le prêtre de la maison s'appelle purohita, le prêtre officiant rtvij.

79. En vue d'acquérir des mérites : dharmârtham peut s'entendre aussi « pour remplir son devoir » ou bien « pour la vertu ». — Jouissances « des femmes, des maisons, des couches, etc. ». — Des richesses « de l'or, des vêtements, etc. ». (Kull.)

80. Dans ses rapports avec le monde, ou tout simplement « dans le monde ».

82. Revenus de la maison de leur précepteur, c'est-à-dire ayant terminé leur noviciat « après avoir étudié le Véda ». (Kull.)

85. Égale au don, ou bien « une récompense ordinaire. »

86. Il y a ici un vers interpolé, rejeté par Kull., dont le sens est : « Un objet donné avec foi, suivant la règle de lieu et de temps, à un récipient (digne, est) ce qui mène le devoir à la perfection. »

90. Suivant Kull. des armes cachées sont des armes qui « extérieurement sont faites en bois ou autre matière analogue, et qui renferment des épées effilées cachées à l'intérieur ». Cette description conviendrait à nos cannes à épées.

91. Un ennemi à pied: j'ai suivi l'interprétation de Kull. Mais le sens littéral de sthalârûdha est plutôt « monté sur une éminence (pour s'y réfugier) ». — Suppliant, mot à mot « ayant les mains jointes ». — Dont les cheveux sont épars, c'est-à-dire « un fugitif ». — Un eunuque ou simplement « un lâche, un efféminé ».

92. On peut réunir en un seul terme « celui qui est spectateur sans prendre part au combat ».

93. Accablé « de chagrin au sujet de ses enfants, etc. ». (Kull.)

96. Les métaux vils, « à l'exception de l'or et de l'argent ». (Kull.)

97. Le texte du Véda dont il est question se trouve Aitareya-bràhmana, III, 21. (Note de B.) — La part du roi consiste suivant Kull. en « or, argent, territoire, etc. ».

99. Des personnes dignes : littéralement « des récipients ».

101. Des moyens propres à en assurer l'accroissement : « le commerce de terre et de mer ». (Kull.)

102. Qu'il ait toujours le sceptre levé, c'est-à-dire « qu'il soit toujours prêt à frapper ». On peut aussi prendre danda au sens d'armée : « qu'il tienne toujours son armée exercée ».

105. « De même que la tortue cache sa tète, ses pattes et autres membres, ainsi il doit prendre sous sa garde tous les membres de l'État, tels que les ministres et autres. » (Kull.)

106. D'autres éditions intervertissent l'ordre de ces termes : « comme le lièvre battre en retraite » est mis à la fin du deuxième hémistiche, et « comme le lion s'élancer à l'attaque » à la fin du premier.

107. Ces moyens sont au nombre de quatre : « conciliation, corruption, division et force ». (Kull.)

108. A les réduire : littéralement « à les arrêter ».

111. Inconsidérément ou peut-être « par une conduite injuste. »

115. Grâma signifie village, mais la dénomination de bourg me paraît plus appropriée ici.

119. Kula, littéralement famille, c'est-à-dire ici « un territoire suffisant à nourrir une famille », est ainsi défini par Kull. « autant de terre qu'en peut labourer une paire de charrues attelées de six boeufs. » — Ville, pura, opposée à grâma, bourg ou village.

120. Le premier hémistiche est un peu obscur. L. traduit « les affaires de ces communes, soit générales, soit particulières. » Au contraire B. rapporte teshâm aux fonctionnaires : « les affaires de ces (fonctionnaires) qui sont relatives à (leurs) villages, et leurs affaires séparées. » — Il faut noter l'interprétation de prthak kâryàni par Nâr. « les querelles qu'ils ont les uns avec les autres. »

122. Ses agents secrets : Kull. ajoute « délégués dans chaque province. »

126. Un pana : cf. VIII, 136, pour la valeur de cette monnaie de cuivre, encore usitée aujourd'hui dans l'Inde. — Le drona est le boisseau, mais l'équivalence exacte de cette mesura n'est pas établie. — La livrée se compose d'une paire de vêtements vastrayuga, c'est-à-dire un vêtement de dessus et un vêtement de dessous. — Suivant Kull. l'augmentation doit porter aussi sur les livrées et les grains : « on doit donner au plus élevé six paires de vêtements tous les six mois et six dronas de grains tous les mois. »

127. Les frais accessoires de nourriture, ou peut-être « la nourriture et les assaisonnements. »

130. Des grains « suivant l'excellence ou la médiocrité du sol ». (Kull.)

135. Légaux dharmya « conformes à la Loi ». (Kull.)

137. De trafic : il s'agit ici de ce que nous appelons le petit commerce : « Ceux qui achètent et vendent des objets de peu de prix, tels que légumes, plumes et autres. » (Kull.)

139. Qu'il ne coupe point sa racine : « Quand par affection pour ses sujets il ne prélève pas les impôts, les taxes, etc., il coupe sa propre racine; quand par excès d'avidité il prélève des impôts énormes, il coupe la racine des autres. » (Kull.)

140. Ayant examiné (chaque) affaire : kâryam vikshya signifie peut-être simplement « selon le cas », que j'ai du reste suppléé.

141. Qu'il mette à sa place : littéralement « qu'il mette sur ce siège.

145. On peut réunir les deux termes « ayant fait avec recueillement les oblations au feu ». — On a vu plus haut ce qu'il fallait entendre par révérer les Brahmanes : c'est leur donner des présents. — Somptueuse çùbhâm : Kull. explique ainsi cette èpithète « pourvue des marques de bon augure qu'une maison doit avoir ».

146. Ses sujets « qui sont venus pour le voir, et il les réjouira en causant avec eux, et en les regardant (avec affabilité) ». (Kull.)

147. Au faîte: littéralement « sur le dos ».

148. Assemblés, terme un peu vague. B. supplée « dans le but de découvrir ses desseins ». — Jouira de la terre entière veut dire qu'il sera invincible.

149. Les animaux qu'on peut s'étonner de voir en pareille compagnie sont « les perroquets, corneilles et autres oiseaux bavards ». (Kull.) —Sur le rôle des oiseaux divulgateurs des secrets, suivant les croyances des Hindous, on peut consulter le curieux roman de Subandhu, intitulé Vâsavadattà. Il est probable cependant que ce n'est pas seulement la crainte des indiscrétions qui fait exclure toutes les catégories d'êtres figurant sur cette liste, car on ne conçoit guère quelle indiscrétion on pourrait avoir à redouter d'un sourd. Sans doute que leur présence était considérée comme portant malheur.

150. Méprisables : « c'est en punition de fautes commises dans une vie antérieure, qu'ils ont été affligés d'idiotie, etc ». (Kull.)

152. La protection c'est-à-dire « l'éducation ».

153. Sur l'envoi des ambassadeurs : ou bien en faisant de ce composé un copulatif « sur les ambassadeurs et les envoyés ». — De son harem : Kull. rappelle judicieusement que le roi Vidûratha fut tué par sa femme avec un poignard caché dans les tresses de ses cheveux, et le roi de Kâçi avec un nûpura (anneau pour les chevilles) empoisonné.

154. J'ai omis un adverbe de remplissage « soigneusement ». — Les commentateurs diffèrent sur l'explication des huit affaires d'un roi, et en proposent plusieurs. Voici celle de Kull : « les revenus, les dépenses, les ordres aux ministres, la prévention des délits, la décision des cas douteux, l'examen des affaires judiciaires, le châtiment, les expiations. » Medh. en propose deux autres : « entreprendre ce qui n'est pas fait, compléter ce qui a été fait, améliorer ce qui a été complété, recueillir les fruits des actes, plus la conciliation, la corruption, la division et la force (cf. v. 107) » ; ou bien, « commerce, agriculture, construction de digues, élever des forteresses, prendre des éléphants, creuser des mines, faire camper les troupes, défricher les forêts vierges ». L'explication de Kull. qui paraît la plus acceptable est tirée du Nîtiçâstra de Uçanas. — Les cinq classes d'espions sont: « les espions ordinaires, les anachorètes dégradés, les agriculteurs sans ressources, les marchands ruinés, les faux pénitents. »

155. Littéralement « du prince intermédiaire »; madhyamane signifie pas, comme le traduit L., « celui qui a des forces médiocres », mais « celui qui, situé entre le territoire de l'ennemi et celui du prince ambitieux, et incapable de leur résister s'ils sont unis, peut leur tenir tête quand ils sont aux prises ». (Kull.)

156. Les quatre éléments sont ceux qui figurent dans le vers précédent. — Les États circonvoisins : mandata signifie littéralement cercle, c'est-à-dire les États environnants. — Les huit autres sont, suivant Kâmandaki (Nitisâra, VIII) cité par Kull., « en avant des territoires ennemis : 1°) l'ami ; 2°) l'ami de l'ennemi ; 3°) l'ami de l'ami ; 4°) l'ami de l'ami de l'ennemi, et en arrière : 5°) celui qui attaque par derrière ; 6°) celui qui est attaqué par ce dernier ; 7°) l'allié de celui qui attaque par derrière ; 8°) l'allié de celui qui est attaqué par ce dernier.

159. On a vu vers 107 que les quatre moyens sont : concili ation, corruption, division, force.

160. Diviser (ses forces), « diviser ses propres forces dans son intérêt ». (Kull.) D'autres entendent par là « diviser l'ennemi ». — Chercher une protection : « lorsqu'on est pressé par l'ennemi, se mettre sous la protection d'un roi plus puissant ». (Kull.)

161. Le parti à prendre : littéralement « ce qui doit être fait » kâryam signifie peut-être tout simplement « l'affaire ».

162. On peut aussi entendre dvaidham « division (des forces) » comme un adjectif s'accordant avec samçrayam « une double manière de chercher protection », comme le traduit B. Cette interprétation réduit à cinq le nombre des procédés ici indiqués. Mais au vers 167 il est dit que « la division des forces est de deux sortes », ce qui justifie notre traduction.

167. « Une partie des troupes, éléphants, chevaux, etc., sous la conduite d'un général, est envoyée d'un côté pour faire face à l'attaque du roi ennemi, d'autre part le roi avec quelques troupes reste dans sa forteresse. » (Kull.) Au reste le sens du vers demeure obscur, car le roi d'un côté, l'armée de l'autre, cela ne constitue pas un double système de division des forces : on attendrait encore un second exemple.

168. Cherche à se mettre à l'abri de leurs attaques : littér. « dans le but d'atteindre un avantage » ; — « même lorsque dans le moment il n'est pas pressé par l'ennemi, par crainte d'une agression de ses ennemis futurs, il se met sous la protection d'un prince puissant ». (Kull.) —Je ne sais ce que l'auteur entend ici par « les gens vertueux ».

169. Négociations amicales : littér. « alliance ».

170 Prakrti désigne les sujets ou bien, comme l'entend B. H., « les éléments de l'État sont florissants ». Ces éléments ont été indiqués au v. 157, « ministres, trésor, royaume, forteresses, armée ».

171. Il est à remarquer que Manou semble subordonner la déclaration de guerre uniquement à l'avantage qu'on espère en retirer, et nullement au principe du droit et de la justice.

172. Équipages : » éléphants, chevaux, etc. » (Kull.).

173. Divisant ses forces, cf. note du v. 167. — A ses fins qui sont « d'arrêter l'ennemi ». (Kull.)

176. Au lieu de sa yuddham, Kull. et d'autres lisent suyuddham, « bravement ».

182. Mârgaçïrsha, novembre-décembre : pour l'épithète de joli, il faut tenir compte de la différence des climats. —Phâlguna, février-mars; Caitra, mars-avril. — L'état de ses troupes : « le roi qui désire conquérir un royaume étranger, et dont la marche est retardée par des éléphants et des chars, doit entrer en campagne en hiver, au joli mois de mârgaçirsha; celui qui a des troupes de cavalerie, et dont la marche est rapide, doit se mettre en campagne au printemps, aux mois de phâlguna et de caitra ». (Kull.).

184. Mûla, capitale ; B. « son (royaume) originel ». —Assuré ses positions, âspada est un terme un peu vague : B. « sa base d'opérations » ; L. « ayant ramassé des provisions » ; Kull. explique autrement, « ayant gagné les mécontents du parti adverse ».

185. Les trois sortes de routes « plaines, marais, forêts ». — Les six corps de troupes « éléphants, chevaux, chars, infanterie, le général et les ouvriers ». (Kull.) — Les principes de la stratégie, cf. v. 192.

187. — Suivant le commentaire, voici comment il faut entendre ces divers termes de comparaison : bâton « en tête le commandant des troupes, au milieu le roi, derrière un général, sur les deux flancs les éléphants, près d'eux les chevaux, puis les fantassins » ; chariot « l'avant en forme de pointe, l'arrière large » ; sanglier « l'avant et l'arrière étroits et le centre large » ; dauphin « le contraire du sanglier (c'est-à-dire le centre étroit, l'avant et l'arrière larges »; l'aiguille « une colonne allongée »; le garuda « pareil au sanglier, sauf que le centre est plus large ». Garuda, oiseau mythologique, fils de Kaçyapa et de Vinatâ, frère d'Aruna, cocher du soleil et l'ennemi des serpents.

189. Le commandant des troupes et le général n'étant que deux, il semble difficile de les placer dans toutes les directions.

190. Des signaux convenus « au moyen de timbales, tambours et conques ». (Kull.)

191. En forme de foudre « les troupes réparties en trois corps ». (Kull.)

193. Cf. II, 19. Ces provinces sont situées au nord de l'Inde.

197. Accessibles à la corruption : « les parents de son ennemi qui aspirent au trône et les ministres mécontents ». (Kull.)

198. Cf. v. 107 et note, sur les quatre moyens de venir à bout d'un ennemi.

191. En forme de foudre « les troupes réparties en trois corps ». (Kull.)

193. Cf. II, 19. Ces provinces sont situées au nord de l'Inde.

197. Accessibles à la corruption : « les parents de son ennemi qui aspirent au trône et les ministres mécontents ». (Kull.)

198. Cf. v. 107 et note, sur les quatre moyens de venir à bout d'un ennemi.

201. Il doit adorer les dieux. Kull. explique ceci d'une manière qui me semble peu naturelle : « ayant conquis un royaume étranger, il doit adorer les dieux qui y sont (adorés) ». — Honorer les Brahmanes, c'est, comme on l'a vu plus haut, leur faire des présents. — L'amnistie : littér. « l'absence de crainte ». — Les immunités sont suivant Medh. des « exemptions de taxes pour un an ou deux ».

205. Ici-bas : le texte porte seulement idam. Par le destin il faut entendre suivant Kull. « la résultante des bonnes et mauvaises actions dans une vie antérieure ». — « Le destin est insondable, dans les (actions) humaines il y a mûre réflexion : c'est pourquoi c'est par les efforts humains qu'il faut tâcher d'atteindre le but ». (Kull.)

206. Vrajet « qu'il s'en retourne » ou peut-être « qu'il traite ». — Les trois fruits : en faisant la paix avec le vaincu, il exige de lui qu'il soit son allié, lui paye un tribut et lui cède un territoire.

207. Ce vers un peu obscur veut dire qu'avant de partir en expédition le prince conquérant doit assurer ses derrières.

208. Ce vers rappelle le mot de Salluste (Jugurtha) : « Non exercitus neque aurum praesidia regni Sunt, verum amici. »

209. Faisant le bonheur de ses sujets : j'entends ainsi tushtaprakrti, à moins qu'on ne préfère le prendre au sens de « dont la nature est contente, » c'est-à-dire « content », comme le traduit B. H.

214. Cf. note du v. 107.

215. Celui qui entreprend, « c'est-à-dire lui-même ». (Kull.)

216. De l'exercice « en faisant des armes, etc. ». (Kull.) — Kull. rapporte « à midi » à « s'étant baigné ».

217. Les moments propices, c'est-à-dire simplement « l'heure des repas ». (Kull.) — Éprouvés ; parmi les moyens d'épreuve, Kull. cite le suivant : « en présence d'un aliment empoisonné, les yeux de l'oiseau cakora deviennent rouges ». Quant à l'effet des mantras neutralisant les poisons, on en peut voir un curieux exemple à la fin du drame de Priyadarsikâ.

218. Ses affaires « aliments et objets (dont on se sert) ». (Kull.)

219. Examinés « dans la crainte qu'elles ne portent une arme cachée, ou que leurs ornements ne soient enduits de poison ». (Kull.) Cf. note du v. 153.

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