Aristote : Topiques

ARISTOTE

LOGIQUE. TOME QUATRE

TOPIQUES : LIVRE V : LIEUX COMMUNS DU PROPRE.

CHAPITRE I

Traduction française : BARTHÉLEMY SAINT-HILAIRE.

LIVRE IV -  livre V  chapitre II

 

 

TOPIQUES.

LIVRE CINQUIÈME.

LIEUX COMMUNS DU PROPRE.

 

 

 

 

 

TOPIQUES.

LIVRE CINQUIÈME.

LIEUX COMMUNS DU PROPRE.

CHAPITRE PREMIER.

Quatre espèces de propre, ou absolu et perpétuel, ou relatif et transitoire. — Ces diverses espèces de propres sont plus ou moins favorables  la discussion.

[129a] § 1. Πότερον δ´ ἴδιον ἢ οὐκ ἴδιόν ἐστι τὸ εἰρημένον, διὰ τῶνδε σκεπτέον.

§ 2. Ἀποδίδοται [δὲ] τὸ ἴδιον ἢ καθ´ αὑτὸ καὶ ἀεί, ἢ πρὸς ἕτερον καὶ ποτέ, οἷον καθ´ αὑτὸ μὲν ἀνθρώπου τὸ ζῷον ἥμερον φύσει, πρὸς ἕτερον δὲ οἷον ψυχῆς πρὸς σῶμα, ὅτι τὸ μὲν προστακτικὸν τὸ δ´ ὑπηρετικόν ἐστιν, ἀεὶ δὲ οἷον θεοῦ τὸ ζῷον ἀθάνατον, ποτὲ δ´ οἷον τοῦ τινὸς ἀνθρώπου τὸ περιπατεῖν ἐν τῷ γυμνασίῳ.

§ 3. Ἔστι δὲ τοῦ πρὸς ἕτερον ἰδίου ἀποδιδομένου ἢ δύο προβλήματα ἢ τέτταρα. Ἐὰν μὲν γὰρ τοῦ μὲν ἀποδῷ τοῦ δ´ ἀρνήσηται ταὐτὸ τοῦτο, δύο μόνον προβλήματα γίνονται, καθάπερ τὸ ἀνθρώπου πρὸς ἵππον ἴδιον ὅτι δίπουν ἐστίν. Καὶ γὰρ ὅτι ἅνθρωπος οὐ δίπουν ἐστὶν ἐπιχειροίη τις ἄν, καὶ ὅτι ὁ ἵππος δίπουν· ἀμφοτέρως δ´ ἂν κινοῖτο τὸ ἴδιον. Ἐὰν δ´ ἑκατέρου ἑκάτερον ἀποδῷ καὶ ἑκατέρου ἀπαρνηθῇ, τέτταρα προβλήματα ἔσται, καθάπερ τὸ ἀνθρώπου ἴδιον πρὸς ἵππον, ὅτι τὸ μὲν δίπουν τὸ δὲ τετράπουν ἐστίν. Καὶ γὰρ ὅτι ἅνθρωπος οὐ δίπουν καὶ ὅτι τετράπουν πέφυκεν ἔστιν ἐπιχειρεῖν, καὶ ὅτι ὁ ἵππος δίπουν καὶ ὅτι οὐ τετράπουν οἷόν τ´ ἐπιχειρεῖν. Ὅπως δ´ οὖν δειχθέντος ἀναιρεῖται τὸ κείμενον.

§ 4. Ἔστι δὲ τὸ μὲν καθ´ αὑτὸ ἴδιον ὃ πρὸς ἅπαντα ἀποδίδοται καὶ παντὸς χωρίζει, καθάπερ ἀνθρώπου τὸ ζῷον θνητὸν ἐπιστήμης δεκτικόν· τὸ δὲ πρὸς ἕτερον ὃ μὴ ἀπὸ παντὸς ἀλλ´ ἀπό τινος τακτοῦ διορίζει, καθάπερ ἀρετῆς πρὸς ἐπιστήμην, ὅτι τὸ μὲν ἐν πλείοσι, τὸ δ´ ἐν λογιστικῷ μόνον καὶ τοῖς ἔχουσι λογιστικὸν πέφυκε γίνεσθαι. Τὸ δ´ ἀεὶ ὃ [129b] κατὰ πάντα χρόνον ἀληθεύεται καὶ μηδέποτ´ ἀπολείπεται, καθάπερ τοῦ ζῴου τὸ ἐκ ψυχῆς καὶ σώματος συγκείμενον, τὸ δὲ ποτὲ ὃ κατά τινα χρόνον ἀληθεύεται καὶ μὴ ἐξ ἀνάγκης ἀεὶ παρέπεται, καθάπερ τοῦ τινὸς ἀνθρώπου τὸ περιπατεῖν ἐν ἀγορᾷ.

§ 5. Ἔστι δὲ τὸ πρὸς ἄλλο ἴδιον ἀποδοῦναι τὸ διαφορὰν εἰπεῖν ἢ ἐν ἅπασι καὶ ἀεί, ἢ ὡς ἐπὶ τὸ πολὺ καὶ ἐν τοῖς πλείστοις. Οἷον ἐν ἅπασι μὲν καὶ ἀεὶ καθάπερ τὸ ἀνθρώπου ἴδιον πρὸς ἵππον ὅτι δίπουν· ἄνθρωπος μὲν γὰρ καὶ ἀεὶ καὶ πᾶς ἐστι δίπους, ἵππος δ´ οὐδείς ἐστι δίπους οὐδέποτε. Ὡς ἐπὶ τὸ πολὺ δὲ καὶ ἐν τοῖς πλείστοις καθάπερ τὸ λογιστικοῦ ἴδιον πρὸς ἐπιθυμητικὸν καὶ θυμικὸν τὸ τὸ μὲν προστάττειν τὸ δ´ ὑπηρετεῖν· οὔτε γὰρ τὸ λογιστικὸν πάντοτε προστάττει, ἀλλ´ ἐνίοτε καὶ προστάττεται, οὔτε τὸ ἐπιθυμητικὸν καὶ θυμικὸν ἀεὶ προστάττεται, ἀλλὰ καὶ προστάττει ποτέ, ὅταν ᾖ μοχθηρὰ ἡ ψυχὴ τοῦ ἀνθρώπου.

§ 6. Τῶν δ´ ἰδίων ἐστὶ λογικὰ μάλιστα τά τε καθ´ αὑτὰ καὶ ἀεὶ καὶ τὰ πρὸς ἕτερον. Τοῦ μὲν γὰρ πρὸς ἕτερον ἰδίου πλείω προβλήματά ἐστι, καθάπερ εἴπομεν καὶ πρότερον· ἢ γὰρ δύο ἢ τέτταρα ἐξ ἀνάγκης γίνονται τὰ προβλήματα. Πλείους οὖν οἱ λόγοι γίνονται πρὸς ταῦτα. Τὸ δὲ καθ´ αὑτὸ καὶ τὸ ἀεὶ πρὸς πολλὰ ἔστιν ἐπιχειρεῖν ἢ πρὸς πλείους χρόνους παρατηρεῖν, τὸ μὲν καθ´ αὑτὸ πρὸς πολλά (πρὸς ἕκαστον γὰρ τῶν ὄντων δεῖ ὑπάρχειν αὐτῷ τὸ ἴδιον, ὥστ´ εἰ μὴ πρὸς ἅπαντα χωρίζεται, οὐκ ἂν εἴη καλῶς ἀποδεδομένον τὸ ἴδιον), τὸ δ´ ἀεὶ πρὸς πολλοὺς χρόνους παρατηρεῖν· κἂν εἰ γὰρ μὴ ὑπάρχει κἂν εἰ μὴ ὑπῆρξε κἂν εἰ μὴ ὑπάρξει, οὐκ ἔσται ἴδιον. Τὸ δὲ ποτὲ πρὸς τὸν νῦν μόνον χρόνον ἐπισκοποῦμεν· οὔκουν εἰσὶ λόγοι πρὸς αὐτὸ πολλοί· λογικὸν δὲ τοῦτ´ ἔστι πρόβλημα πρὸς ὃ λόγοι γένοιντ´ ἂν καὶ συχνοὶ καὶ καλοί.

§ 7. Τὸ μὲν οὖν πρὸς ἕτερον ἴδιον ῥηθὲν ἐκ τῶν περὶ τὸ συμβεβηκὸς τόπων ἐπισκεπτέον ἐστίν, εἰ τῷ μὲν συμβέβηκε τῷ δὲ μὴ συμβέβηκεν. Περὶ δὲ τῶν ἀεὶ καὶ τῶν καθ´ αὑτὸ διὰ τῶνδε θεωρητέον.

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[129a] §  1. Quant à savoir si le terme indiqué est propre ou s'il ne l'est pas, voici comment on peut le reconnaître :

§ 2. Le propre peut être donné ou en soi et toujours, ou relativement à une autre chose et pour un certain temps. Par exemple, en soi, le propre de l'homme c'est d'être un animal naturellement doux; relativement à un autre, le propre de l'homme serait donné par la comparaison de l'âme au corps, parce que l'âme est faite pour commander et le corps pour obéir. Le propre qui est toujours, c'est, par exemple, en parlant de Dieu, de dire qu'il est immortel. Et le propre pour un certain temps, c'est, par exemple, pour tel homme, de dire qu'il se promène dans le gymnase.

§ 3. Le propre donné relativement à une autre chose peut former ou deux questions ou quatre questions. Si une même chose est affirmée d'une chose et aussi d'une autre, il n'y a là que deux questions : ainsi, le propre de l'homme relativement au. cheval, c'est d'être bipède; car on pourrait soutenir, et que l'homme n'est pas bipède, et que le cheval est bipède : et l'on détruirait le propre donné, de ces deux façons. Mais si l'on affirme et si l'on nie l'un et l'autre de l'un et de l'autre, il y aura quatre questions : ainsi, le propre de l'homme relativement au cheval, c'est que l'un est bipède et l'autre quadrupède. Or on peut essayer de soutenir que l'homme n'est pas naturellement bipède, mais qu'il est quadrupède; et il est possible aussi de soutenir que le cheval est bipède et qu'il n'est pas quadrupède; et quelle que soit celle de ces propositions qu'on prouve, on renverse la proposition avancée.

§ 4. Le propre en soi est ce qui est donné au sujet quand on le compare à tout le reste et qui le sépare dé tout le reste. Ainsi, pour l'homme, animal mortel capable de science est le propre en soi. Le propre relativement à une autre chose, c'est ce qui ne sépare pas le sujet de tout, mais le sépare de quelque chose de spécial; ainsi, le propre de la vertu relativement à la science, c'est que l'une est dans plusieurs parties de l'âme, et que l'autre est par sa nature dans la partie raisonnable uniquement et dans les êtres qui ont de la raison. Le propre qui est toujours, est celui qui est vrai en tout temps et ne défaillit jamais : ainsi, pour l'animal, c'est d'être composé d'âme et de corps. Le propre, pour un certain temps, est celui qui est vrai dans un certain moment, mais qui n'est pas toujours une conséquence nécessaire du sujet : ainsi, pour tel homme, c'est de se promener dans la place publique.

§ 5. Donner le propre relatif, c'est dire la différence qui est ou dans tous les sujets et toujours, ou le plus souvent et dans la plupart des sujets: par exemple, un propre relatif qui est dans tous les sujets et toujours, c'est pour l'homme relativement au cheval d'être bipède; car l'homme est toujours bipède, et tout homme est bipède, et aucun cheval n'est jamais bipède. Le propre qui est le plus habituellement et dans la plupart des sujets, c'est, par exemple, le propre de la partie raisonnable de l'âme de commander à la partie concupiscible et irascible ; l'un ordonne et l'autre obéit : c'est qu'en effet la partie raisonnable ne commande pas toujours, mais quelquefois est commandée; et que la partie concupiscible et irascible n'est pas toujours commandée, mais quelquefois commande, quand l'âme de l'homme est pervertie.

§ 6. Parmi les propres, les plus logiques sont les propres en soi, ceux qui sont toujours et les propres relatifs. Le propre relatif renferme plusieurs questions, ainsi que nous lavons dit plus haut ; car il forme de toute nécessité pu deux ou quatre questions. C'est donc cette espèce de propre qui fournit le plus de questions. Quant au propre en soi et â celui qui est toujours, il peut être comparé à plusieurs choses ou être recherché dans plusieurs temps. Ainsi, le propre qui est en soi peut être comparé à plusieurs choses ; car il faut que le propre soit au sujet comparé à toutes les autres choses ; de sorte que si le sujet n'est pas isolé relativement à tout, c'est que le propre n'a pas été bien attribué. Pour le propre qui est toujours, on peut le chercher dans plusieurs temps j et s'il n'est pas, s'il n'a pas été, s'il ne doit pas être, c'est qu'il n'est pas le propre. Quant au propre qui n'est que pour un certain temps, nous ne le cherchons dans aucun autre moment de la durée que celui dont il s'agit maintenant. Il n'y a donc pas pour ce propre beaucoup de raisonnements possibles; or, une question vraiment logique est celle où les raisonnements peuvent être nombreux et forts.

§ 7. Le propre que j'appelle relatif doit donc être traité par les lieux indiqués pour l'accident, et l'on doit voir s'il esta tel sujet, tandis qu'il n'est pas à tel autre. Quant aux propres qui sont perpétuels et aux propres en soi, il faut procéder comme on va dire.

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§ 1. Si le terme indiqué est propre, Le propre est la deuxième question dialectique. Voir liv. 1, ch. 5, § 5.

§ 2. Ou en soi et toujours.. On peut reconnaître ici deux espèces principales du propre dont chacune se subdiviserait en deux, ou bien quatre espèces. Cette division est d'ailleurs indifférente, la pensée est parfaitement claire.

L'âme est faite pour commander; théorie platonicienne.

§ 3. Le propre relativement à une autre chose. Non plus en soi, mais comparativement à une chose ou à un être différent.

§  4. Il explique dans ce paragraphe les quatre espèces de propre qu'il a donnéesdans.le § 2; il y a peut-être eu ici quelque déplacement: les commentateurs, du reste, n'en parlent pas. Mais on peut voir qu'à la fin de ce paragraphe, Aristote revient, et pour la pensée et pour l'expression même, a ce qu'il a déjà dit dans le second.

C'est de se promener dans la place publique, plus haut il a dit : C'est de se promener dans le gymnase. On pourrait sans inconvénient mettre le § 4 après le § 2, et le § 3  après le § 4. Cette interversion serait d'autant plus justifiée, quedans le § 5 il revient au propre relatif.

§ 5. La partie raisonnable,.... la partie irascible, la partie concupiscible, Voir le Traité de l'âme, liv. 3, ch. 9, p. 432, a, 25. On sait d'ailleurs que cette division appartient à Platon. Voir la République, liv. 9, p. 305 et passim, traduct. de H. Cousin. Voir aussi la fameuse comparaison des trois êtres dont l'homme est composé, dans la République, liv. 9, p. 226 et suiv.

§ 6. Les plus logiques, Ceux qui peuvent fournir le plus de lieux communs, d'arguments, et las meilleurs.

Les propres en soi.... Le moins logique est le propre temporaire. Voir, sur le mot logique, d'àbord la fin même de ce §, l'Essai sur la Métaphysique de M. Ravaisson , tom. 1, p. 247, et mon mémoire sur la Logique, tom. 2 , pag. 60 et 65.

Nous l'avons dit plus haut, dans ce chapitre, § 3.

§ 7. Par les lieux indiquée pour l'accident dans le second et le troisième livres. Voir aussi liv. 1, ch. 5,  § 11.

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