LIVRE I
TRADUCTION : BARTHÉLEMY SAINT-HILAIRE.
DISSERTATION SUR LA COMPOSITION DE LA MÉTAPHYSIQUE D'ARISTOTE - livre II
AUTRES TRADUCTIONS : COUSIN, VICTOR livre I (BILINGUE) - PIERRON ET ZEVORT (livre I) (BILINGUE)
MÉTAPHYSIQUE D'ARISTOTE
LIVRE PREMIER
Origine de la philosophie ; répartition des facultés entre les diverses classes d'animaux ; rôle de la mémoire ; supériorité de l'homme; l'expérience tirée de l'observation; citation de Polus; l'art et la science ; débuts et progrès des arts ; idée générale delà science, fondée sur les notions universelles; apparition successive des différentes sciences ; naissance des mathémati-ques en Egypte; citation de la Morale; la sagesse ou philosophie ; définition préliminaire de la philosophie, qu'on peut se représenter comme la science des principes et des causes. |
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1 [980a] [21] Πάντες ἄνθρωποι τοῦ εἰδέναι ὀρέγονται φύσει. Σημεῖον δ' ἡ τῶν αἰσθήσεων ἀγάπησις· καὶ γὰρ χωρὶς τῆς χρείας ἀγαπῶνται δι' αὑτάς, καὶ μάλιστα τῶν ἄλλων ἡ διὰ τῶν ὀμμάτων. Οὐ γὰρ μόνον ἵνα πράττωμεν ἀλλὰ καὶ μηθὲν [25] μέλλοντες πράττειν τὸ ὁρᾶν αἱρούμεθα ἀντὶ πάντων ὡς εἰπεῖν τῶν ἄλλων. Αἴτιον δ' ὅτι μάλιστα ποιεῖ γνωρίζειν ἡμᾶς αὕτη τῶν αἰσθήσεων καὶ πολλὰς δηλοῖ διαφοράς. 2. Φύσει μὲν οὖν αἴσθησιν ἔχοντα γίγνεται τὰ ζῷα, ἐκ δὲ ταύτης τοῖς μὲν αὐτῶν οὐκ ἐγγίγνεται μνήμη, [980b] τοῖς δ' ἐγγίγνεται. [21] Καὶ διὰ τοῦτο ταῦτα φρονιμώτερα καὶ μαθητικώτερα τῶν μὴ δυναμένων μνημονεύειν ἐστί, 3 φρόνιμα μὲν ἄνευ τοῦ μανθάνειν ὅσα μὴ δύναται τῶν ψόφων ἀκούειν (οἷον μέλιττα κἂν εἴ τι τοιοῦτον ἄλλο γένος ζῴων ἔστἰ, μανθάνει [25] δ' ὅσα πρὸς τῇ μνήμῃ καὶ ταύτην ἔχει τὴν αἴσθησιν.
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Τὰ μὲν οὖν ἄλλα ταῖς φαντασίαις ζῇ καὶ ταῖς μνήμαις, ἐμπειρίας δὲ
μετέχει μικρόν· τὸ δὲ τῶν ἀνθρώπων γένος καὶ τέχνῃ καὶ λογισμοῖς.
5 Γίγνεται δ' ἐκ τῆς
μνήμης ἐμπειρία τοῖς ἀνθρώποις· αἱ γὰρ πολλαὶ μνῆμαι τοῦ αὐτοῦ
πράγματος μιᾶς ἐμπειρίας δύναμιν ἀποτελοῦσιν. [981a] [1] Καὶ δοκεῖ
σχεδὸν ἐπιστήμῃ καὶ τέχνῃ ὅμοιον εἶναι καὶ ἐμπειρία, ἀποβαίνει δ'
ἐπιστήμη καὶ τέχνη διὰ τῆς ἐμπειρίας τοῖς ἀνθρώποις· ἡ μὲν γὰρ
ἐμπειρία τέχνην ἐποίησεν, ὡς φησὶ Πῶλος, ἡ [5] δ' ἀπειρία τύχην.
6 Γίγνεται δὲ τέχνη ὅταν
ἐκ πολλῶν τῆς ἐμπειρίας ἐννοημάτων μία καθόλου γένηται περὶ τῶν
ὁμοίων ὑπόληψις. Τὸ μὲν γὰρ ἔχειν ὑπόληψιν ὅτι Καλλίᾳ κάμνοντι τηνδὶ
τὴν νόσον τοδὶ συνήνεγκε καὶ Σωκράτει καὶ καθ' ἕκαστον οὕτω πολλοῖς,
ἐμπειρίας ἐστίν· 7 [10]
τὸ δ' ὅτι πᾶσι τοῖς τοιοῖσδε κατ' εἶδος ἓν ἀφορισθεῖσι, κάμνουσι
τηνδὶ τὴν νόσον, συνήνεγκεν, οἷον τοῖς φλεγματώδεσιν ἢ χολώδεσι [ἢ]
πυρέττουσι καύσῳ, τέχνης. 11 ἀλλ' ὅμως τό γε εἰδέναι καὶ τὸ ἐπαΐειν τῇ [25] τέχνῃ τῆς ἐμπειρίας ὑπάρχειν οἰόμεθα μᾶλλον, καὶ σοφωτέρους τοὺς τεχνίτας τῶν ἐμπείρων ὑπολαμβάνομεν, ὡς κατὰ τὸ εἰδέναι μᾶλλον ἀκολουθοῦσαν τὴν σοφίαν πᾶσι· τοῦτο δ' ὅτι οἱ μὲν τὴν αἰτίαν ἴσασιν οἱ δ' οὔ. 12 Οἱ μὲν γὰρ ἔμπειροι τὸ ὅτι μὲν ἴσασι, διότι δ' οὐκ ἴσασιν· οἱ δὲ τὸ διότι [30] καὶ τὴν αἰτίαν γνωρίζουσιν. 13 Διὸ καὶ τοὺς ἀρχιτέκτονας περὶ ἕκαστον τιμιωτέρους καὶ μᾶλλον εἰδέναι νομίζομεν τῶν χειροτεχνῶν καὶ σοφωτέρους, [981b] [1] ὅτι τὰς αἰτίας τῶν ποιουμένων ἴσασιν (τοὺς δ', ὥσπερ καὶ τῶν ἀψύχων ἔνια ποιεῖ μέν, οὐκ εἰδότα δὲ ποιεῖ ἃ ποιεῖ, οἷον καίει τὸ πῦρ· 14 τὰ μὲν οὖν ἄψυχα φύσει τινὶ ποιεῖν τούτων ἕκαστον τοὺς δὲ χειροτέχνας [5] δι' ἔθος), ὡς οὐ κατὰ τὸ πρακτικοὺς εἶναι σοφωτέρους ὄντας ἀλλὰ κατὰ τὸ λόγον ἔχειν αὐτοὺς καὶ τὰς αἰτίας γνωρίζειν. 15 Ὅλως τε σημεῖον τοῦ εἰδότος καὶ μὴ εἰδότος τὸ δύνασθαι διδάσκειν ἐστίν, καὶ διὰ τοῦτο τὴν τέχνην τῆς ἐμπειρίας ἡγούμεθα μᾶλλον ἐπιστήμην εἶναι· δύνανται γάρ, οἱ δὲ οὐ δύνανται διδάσκειν. 16 [10] Ἔτι δὲ τῶν αἰσθήσεων οὐδεμίαν ἡγούμεθα εἶναι σοφίαν· καίτοι κυριώταταί γ' εἰσὶν αὗται τῶν καθ' ἕκαστα γνώσεις· ἀλλ' οὐ λέγουσι τὸ διὰ τί περὶ οὐδενός, οἷον διὰ τί θερμὸν τὸ πῦρ, ἀλλὰ μόνον ὅτι θερμόν. 17 Τὸ μὲν οὖν πρῶτον εἰκὸς τὸν ὁποιανοῦν εὑρόντα τέχνην παρὰ τὰς κοινὰς αἰσθήσεις θαυμάζεσθαι [15] ὑπὸ τῶν ἀνθρώπων μὴ μόνον διὰ τὸ χρήσιμον εἶναί τι τῶν εὑρεθέντων ἀλλ' ὡς σοφὸν καὶ διαφέροντα τῶν ἄλλων· πλειόνων δ' εὑρισκομένων τεχνῶν καὶ τῶν μὲν πρὸς τἀναγκαῖα τῶν δὲ πρὸς διαγωγὴν οὐσῶν, ἀεὶ σοφωτέρους τοὺς τοιούτους ἐκείνων ὑπολαμβάνεσθαι διὰ τὸ μὴ πρὸς [20] χρῆσιν εἶναι τὰς ἐπιστήμας αὐτῶν. 18 Ὅθεν ἤδη πάντων τῶν τοιούτων κατεσκευασμένων αἱ μὴ πρὸς ἡδονὴν μηδὲ πρὸς τἀναγκαῖα τῶν ἐπιστημῶν εὑρέθησαν, καὶ πρῶτον ἐν τούτοις τοῖς τόποις οὗ πρῶτον ἐσχόλασαν· διὸ περὶ Αἴγυπτον αἱ μαθηματικαὶ πρῶτον τέχναι συνέστησαν, ἐκεῖ γὰρ ἀφείθη σχολάζειν [25] τὸ τῶν ἱερέων ἔθνος.
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Εἴρηται μὲν οὖν ἐν τοῖς ἠθικοῖς τίς διαφορὰ τέχνης καὶ ἐπιστήμης καὶ
τῶν ἄλλων τῶν ὁμογενῶν· οὗ δ' ἕνεκα νῦν ποιούμεθα τὸν λόγον τοῦτ'
ἐστίν, ὅτι τὴν ὀνομαζομένην σοφίαν περὶ τὰ πρῶτα αἴτια καὶ τὰς ἀρχὰς
ὑπολαμβάνουσι πάντες· 20 ὥστε,
καθάπερ εἴρηται πρότερον, [30] ὁ μὲν ἔμπειρος τῶν ὁποιανοῦν ἐχόντων
αἴσθησιν εἶναι δοκεῖ σοφώτερος, ὁ δὲ τεχνίτης τῶν ἐμπείρων,
χειροτέχνου δὲ ἀρχιτέκτων, αἱ δὲ θεωρητικαὶ τῶν ποιητικῶν μᾶλλον. [982b]
[1] Ὅτι μὲν οὖν ἡ σοφία περί τινας ἀρχὰς καὶ αἰτίας ἐστὶν ἐπιστήμη,
δῆλον. |
1 [980a] L'homme a naturellement la passion de connaître; et la preuve que ce penchant existe en nous tous, c'est le plaisir que nous prenons aux perceptions des sens. Indépendamment de toute utilité spéciale, nous aimons ces perceptions pour elles-mêmes; et au-dessus de toutes les autres, nous plaçons celles que nous procurent les yeux. Or, ce n'est pas seulement afin de pouvoir agir qu'on préfère exclusivement, peut-on dire, le sens particulier de la vue au reste des sens; on le préfère même quand on n'a absolument rien à en tirer d'immédiat ; et cette prédilection tient à ce que, de tous nos sens, c'est la vue qui, sur une chose donnée, peut nous fournir le plus d'informations et nous révéler le plus de différences. 2 La nature, on le sait, a doué les animaux de la faculté de sentir. Mais, chez quelques-uns, la sensation ne produit pas le souvenir, [980b] tandis que chez d'autres elle le produit. C'est là ce qui fait que ces derniers sont plus intelligents, et qu'ils sont susceptibles de s'instruire infiniment plus que ceux qui n'ont pas la faculté de la mémoire. 3 Les animaux, qui, tout en étant intelligents, ne peuvent rien apprendre, sont en général ceux à qui la nature a refusé un organe pour percevoir les sons, comme l'abeille et les autres espèces, s'il y en a qui soient à cet égard dénuées comme elle. Au contraire, ceux des animaux qui, à la mémoire, peuvent ajouter le sens de l'ouïe sont en état de s'instruire. 4 Ainsi, les animaux autres que l'homme ne vivent que sur des représentations sensibles et sur des souvenirs ; mais ils ne profitent que médiocrement de l'expérience, tandis que l'espèce humaine a, pour se conduire dans la vie, l'art et la réflexion. 5 C'est la mémoire qui forme l'expérience dans l'esprit de l'homme; car les souvenirs d une même chose constituent, en se multipliant pour chaque cas, l'expérience dans toute son énergie ; [981a] et l'expérience est bien près de valoir la science et l'art, auxquels elle ressemble beaucoup. C'est l'expérience en effet qui a enfanté l'art et la science chez les hommes, attendu que, comme le dit si bien Polus, «C'est l'expérience qui engendre l'art, tandis que l'inexpérience ne doit le succès qu'au hasard qui la favorise ». 6 Le moment où l'art apparaît est celui où, d'un grand nombre de notions déposées dans l'esprit par l'expérience, il se forme une conception générale, qui s'applique à tous les cas analogues. Ainsi, avoir cette notion que Callias, atteint de telle maladie, a été soulagé par tel remède, et que Socrate et une foule d'autres personnes qui souffraient du même mal, ont été soulagés de la même manière, c'est là un fait d'expérience et d'observation. 7 Mais concevoir que, pour toutes les personnes qui peuvent être rangées dans une même classe comme ayant la même affection maladive, inflammation, mouvement de bile, fièvre ardente, etc., le même remède a eu la même efficacité, c'est là une conception qui appartient au domaine de l'art 8 Dans la pratique, l'expérience semble se confondre avec l'art, dont elle ne se distingue pas ; et même on peut remarquer que les gens qui n'ont pour eux que l'expérience, paraissent réussir mieux que ceux qui, sans les données de l'expérience, n'interrogent que la raison. Le motif de cette différence est manifeste; c'est que l'expérience ne fait connaître que les cas particuliers, tandis que l'art s'attache aux notions générales, aux universaux .9 Or, quand on agit et qu'on produit quelque chose, il ne peut jamais être question que de cas particuliers. Le médecin, qui soigne un malade, ne guérit pas l'homme, si ce n'est d'une façon détournée; mais il guérit Callias, Socrate, ou tel autre malade affligé du même mal, et. qui est homme indirectement, dans le sens général de ce mot. 10 II s'ensuit que, si le médecin ne possédait que la notion rationnelle, sans posséder aussi l'expérience, et qu'il connût l'universel sans connaître également le particulier dans le général, il courrait bien des fois le risque de se méprendre dans sa médication, puisque, pour lui, c'est le particulier, l'individuel, qu'avant tout il s'agit de guérir. 11 Néanmoins savoir les choses et les comprendre est à nos yeux le privilège de l'art bien plus encore que celui de l'expérience ; et nous supposons que ceux qui se conduisent par les règles de l'art sont plus éclairés et plus sages que ceux qui ne suivent que l'expérience seule, parce que toujours la sagesse nous semble bien davantage devoir être la conséquence naturelle du savoir. 12 Cela vient de ce que ceux qui sont guidés par les lumières de l'art connaissent la cause des choses, tandis que les autres ne s'en rendent pas compte. L'expérience nous apprend simplement que la chose est; mais elle ne nous dit pas le pourquoi des choses. L'art, au contraire, nous en révèle le pourquoi et la cause. 13 Aussi, en chaque genre, ce sont les hommes supérieurs, les architectes, que nous estimons le plus, et à qui nous supposons plus de science qu'aux ouvriers, [981b] qui ne font que travailler de leurs mains. Si les premiers nous paraissent plus savants et plus éclairés, c'est qu'ils connaissent les causes de ce qu'ils produisent, tandis que les autres, à la manière de certains corps sans vie, agissent certainement, mais agissent sans aucune connaissance de ce qu'ils font, comme le feu, qui brûle et ne le sait pas. 14 II est vrai que, si c'est par suite d'une organisation naturelle que les corps inanimés produisent chacun leur action propre, c'est grâce à l'habitude que les manœuvres remplissent si bien les leurs, de telle sorte que ce n'est pas pratiquement que les chefs sont plus habiles que leurs ouvriers, mais encore une fois c'est parce qu'ils raisonnent ce qu'il faut faire et qu'ils connaissent les causes de leurs actes. 15 D'une manière générale, ce qui prouve qu'on sait réellement une chose, c'est d'être capable de l'enseigner à autrui ; et voilà comment nous trouvons que l'art est de la science beaucoup plus que l'expérience ne peut en être, parce que ceux qui sont arrivés à l'art sont en état d'enseigner et que ceux qui n'ont que l'expérience en sont incapables. 16 C'est là encore pourquoi nous ne confondons jamais les perceptions sensibles avec la science. Cependant la sensibilité nous donne les notions les plus puissantes et les plus décisives des objets particuliers; mais elle ne nous dit jamais le pourquoi de la chose. Ainsi, dans l'exemple qui vient d'être cité, la sensation ne nous explique pas pourquoi le feu est chaud; elle nous informe simplement qu'il nous brûle. 17 Aussi le premier qui inventa un art quelconque, en allant au-delà des impressions sensibles que tout le monde éprouve, dut vraisemblablement exciter parmi les hommes une réelle admiration, non pas seulement comme ayant fait une découverte utile, mais comme étant un sage, fort supérieur à tous ses semblables. Plus tard, quand les arts se furent multipliés, les uns l'appliquant aux besoins nécessaires et les autres à l'agrément de la vie, on ne cessa pas pour cela de toujours considérer les gens qui s'élevaient jusqu'à l'art comme plus savants que les gens de simple expérience; et cette estime leur fut accordée précisément parce que leurs connaissances n'avaient pas un but d'application immédiate. 18 Mais, une fois que tous les arts indispensables se furent constitués, on vit surgir des sciences dont l'objet ne peut être ni l'agrément ni le besoin. Elles naquirent tout d'abord dans les climats où l'homme peut se livrer plus facilement au repos; et c'est ainsi que les sciences mathématiques prirent naissance en Egypte, où la caste des prêtres employait de cette façon les loisirs qui lui avaient été ménagés. 19 Dans notre Morale, on a pu voir par quels caractères se distinguent réciproquement l'art, la science et les autres connaissances de cet ordre ; mais pour notre étude actuelle, tout ce que nous voulons dire, c'est que, dans l'opinion de tout le monde, la science que l'on décore du nom de Sagesse, la Philosophie, a pour objet les causes et les principes des choses. 20 Je le répète donc, en résumant ce qui précède : l'expérience, à ce qu'il semble, est un degré de science plus relevé que la sensation, sous quelque forme que la sensation s'exerce ; l'homme qui se guide par les données de l'art est supérieur à ceux qui suivent exclusivement l'expérience ; l'architecte est au-dessus des manœuvres; et les sciences de théorie sont au-dessus des sciences purement pratiques. [982b] Enfin, et par une conséquence évidente, la Sagesse ou Philosophie est la science qui étudie certaines causes et certains principes définis. |
§ 1. La passion de connaître. Cette observation d'Aristote est très-vraie; le désir de savoir est naturel en nous; et c'est là un des caractères essentiels qui distinguent l'homme de la brute. La philosophie fait bien d'y insister. Il semble que, dans la Genèse, cette passion instinctive de connaître soit jugée mauvaise, puisque la chute de l'homme est attribuée à sa désobéissance et à son désir de connaitre le. bien et le mal, Genèse, ch. u et ni. L'Imitation de J.-C. traduit mot à mot, liv. I, ch. II, § 1, cette pensée d'Aristote, qu'elle parait s'approprier en la citant : « Omnis homo naturaliter scire desiderat. » Ceci prouve que l'Imitation a dû être écrite au plus tôt après l'introduction de la Métaphysique dans les écoles, c'est-à-dire vers la fin du règne de saint Louis. Bossuet dit aussi, non sans quelque nuance de blâme : « Entre toutes les passions de l'esprit humain, l'une des plus violentes, c'est le désir de savoir. » Sermon sur la Mort, p. 393. — Peut-on dire. Il faut remarquer cette restriction ; Aristote ne prétend pas donner à la vue une supériorité exclusive, quoique bien des fois il en ait fait l'éloge dans ses divers ouvrages. Dans le Traité de la sensation et des choses sensibles, ch. I, § 10, p. 24 de ma traduction, il dit en propres termes : « De toutes les facultés, la plus importante pour les besoins de l'animal ainsi qu'en elle-même, c'est la vue; mais pour l'intelligence, bien qu'indirectement, c'est l'ouïe. » Aristote justifie cette prédominance intellectuelle de l'ouïe par le langage, qu'elle seule perçoit, et qui est le lien entre les hommes. C'est par là qu'il explique comment les aveu-gles-nés sont plus intelligents que les sourds-muets. Dans le Timée, p. 148, traduction de M. Victor Cousin, Platon fait un éloge non moins magnifique de la vue, à laquelle nous devons la philosophie elle-même, par la raison qu'en donne Aristote. § 2. De la faculté de sentir. Dans le Traité de l'âme, liv. II, ch. n, § 4, p. 174 de ma traduction, Aristote a établi que c'est la sensibilité qui constitue essentiellement l'animal. C'est là un principe. parfaitement exact. — Ces derniers sont plus intelligents. J'emprunte cette leçon à l'édition de M. Bonitz et à celle de M. Schwegler, qui l'ont prise dans quelques bons manuscrits; elle est confirmée par le commentaire d'Alexandre d'Aphrodise ; et elle est très-préférable à la leçon vulgaire. § 3. Comme l'abeille. Dans l'Histoire des animaux, liv. IX , ch. XL, p. 200, édition Firmin-Didot, Aristote est moins affirmatif; il regarde la surdité de l'abeille comme peu prouvée ; il cite même certains faits qui semblent démontrer le contraire. — Les autres espèces. Dans le Traité de l'âme, liv. II, ch. iii, § 7, p. 487 de ma traduction, Aristote se borne à dire, comme ici. que plusieurs espèces d'animaux sont privées de certains sens, et, entre autres, de Foule ; mais il n'indique pas particulièrement quelles sont ces espèces, et il ne cite pas l'abeille. § 4. L'art et la réflexion. Il faut rapprocher ce passage de la théorie toute pareille qui se trouve à la fin des Derniers Analytiques, liv. II, ch. xix, § 5, p. 288 de ma traduction. Les idées sont absolument les mêmes, et les expressions aussi sont parfois identiques. § 5. C'est la mémoire qui forme l'expérience dans l'esprit de l'homme, parce que la mémoire chez l'homme est plus développée que chez les animaux. Entre les hommes eux-mêmes, la différence de force et d'étendue dans la faculté de la mémoire est une cause très puissante d'infériorité ou de supériorité. — Comme le dit si bien Polus. Dans le Gorgias de Platon, p. 186, t. III, traduction de M. Cousin, Polus exprime la même pensée dans des termes plus explicites : « L'expérience fait que notre vie marche « avec ordre, et l'inexpérience fait « qu'elle marche au hasard ». La citation telle que la fait Aristote est plus courte et moins claire. Comme Polus avait écrit un ouvrage de rhétorique, ainsi que l'atteste un autre passage du Gorgias, ibid., p. 226, on peut croire que les deux citations de Platon et d*Aristote sont tirées de cet ouvrage. Mais laquelle des deux est la plus fidèle? § 6. Déposées dans l'esprit. Voir le passage des Derniers Analytiques, cité plus haut sur le § 4. — D'expérience et d'observation. Il n'y a qu'un seul mot dans le texte. — Callias... Socrate. Le même exemple est reproduit, à l'appui de la même pensée, dans la Rhétorique, liv. I, ch. iii, § 11, p. 22 de ma traduction. § 7. Toutes les personnes. Il faut remarquer la généralité de l'expression dont se sert Aristote : Toutes. Cette généralité constitue à elle seule la différence entre l'expérience et l'art tel qu'il le conçoit ; en d'autres termes, entre l'empirisme et la science. C'est ce qu'il dit lui-même au § suivant. — Au domaine de l'art, qui, à ce point de vue, se rapproche beaucoup de la science, de même que l'expérience se rapproche beaucoup de l'art. § 8. Qui n'ont pour eux que l'expérience. On pourrait traduire d'un seul mot : « les empiriques », si ce mot n'avait dans notre langue un sens défavorable. Que la raison. Ou peut-être plus exactement : « Que la notion générale qu'ils ont de la chose ». — L'art s'attache aux notions générales. C'est aussi le caractère essentiel de la science. — Aux universaux. J'ai ajouté ces mots ; ils paraphrasent les précédents sous une forme qui nous est plus familière, dans la langue bien connue de la Scholastique. § 9. Quand on agit. C'est toujours le cas de l'expérience et de l'art. La science proprement dite est plutôt contemplative. — Si ce n'est d'une façon détournée. Mot à mot : « par accident », ou bien encore : « indirectement » .- Dans le sens général de ce mot. J'ai ajouté cette sorte de complément pour rendre toute la force du texte. § 10. La notion rationnelle. Voir plus haut, § 8. — Il courrait... le risque. Observation profonde, dont on peut tous les jours vérifier la justesse. — Se méprendre dans sa médication. Les erreurs des médecins les plus soigneux n'ont pas souvent d'autre cause ; ils connaissent bien le général ; mais ils connaissent moins bien le cas particulier, qu'ils n'ont pu étudier suffisamment. — Dans le général. J'ai encore ajouté ces mots pour rendre le texte dans toute sa force. § 11. Plus éclairés et plus sages. Il n'y a que ce dernier mot dans le texte ; mais, dans notre langue, il n'aurait pas suffi; j'ai dû y ajouter. § 12. Connaissent la cause des choses. On sait que, dans les théories d'Aristote , la connaissance des causes est la condition essentielle de la science. — L'art au contraire nous en révèle le pourquoi et la cause. L'art est alors l'égal de la science ; voir un peu plus bas, § 15. Sur l'importance de la connaissance par la cause, on pourrait citer une foule de passages où cette théorie est répétée sous des formes presque identiques. Je me borne aux deux suivants de la Métaphysique elle-même, liv. I, ch. iii, § 1, et liv. II, ch. Ii, § 14, plus loin. § 13. Les hommes supérieurs, les architectes. Il n'y a dans le texte que le dernier mot; j'ai ajouté les premiers afin de justifier l'expression générale dont se sert Aristote : « Dans chaque genre ». On pourrait traduire aussi : « Ceux qui jouent le rôle d'architectes ». — Plus savants et plus éclairés. Le texte dit simplement : « plus sages », §§ 13 et 14. Tandis que les autres.... Il est vrai.... les leurs. M. Schweglera proposé, d'après quelques manuscrits, de retrancher tout ce passage, qui, grammaticalement, n'est pas très-correct et qui lui semble gêner le mouvement général de la pensée. Il remarque qu'Alexandre d'Aphrodise ne l'a pas commenté, et il en conclut qu'Alexandre ne l'avait pas non plus dans ses manuscrits ; ce serait une glose de quelque main inconnue, qui de la marge serait passée dans le texte. La conjecture est plausible; mais je pense avec M. Bonitz qu'il vaut mieux garder le texte tel qu'il est, bien qu'il ne soit pas irréprochable. Voir plus loin la fin du § 16. La comparaison avec les corps sans vie est très juste ; et il serait fâcheux de ne pas pouvoir la conserver. § 14. Que les chefs. Le texte n'est pas aussi net; et c'est là précisément ce qui fait la difficulté plus grammaticale que logique, signalée dans la note précédente. « Les chefs » se rapporte ici aux « architectes » et à tous ceux qui tiennent le même rang par rapport aux inférieurs, qui exécutent matériellement leurs ordres. § 15. Ce qui prouve qu'on sait réellement. Cette pensée est déjà dans Platon, Premier Alcibiade, p. 71, traduction de M. V. Cousin. § 16. Les plus puissantes et les plus décisives. Il n'y a qu'une seule épithète dans le texte. — Elle ne nous dit. C'est l'expression même d'Aristote. — Dans l'exemple qui vient d'être cité. Voir plus haut § 13. Le texte d'ailleurs est un peu moins explicite. § 17. Un sage. Ou peut-être mieux : « un savant »; mais, au début, les idées de science et de sagesse se confondaient aisément. § 18. Peut se livrer plus facilement au repos. C'est une observation qui, depuis Aristote, a été mille fois répétée; elle est très profonde, quoique très simple. — Les sciences mathématiques prirent naissance en Egypte. Hérodote, liv. II, ch. cix, p. 105, édition Firmin-Didot, explique différemment et d'une manière plus pratique la naissance de la géométrie en Egypte. Tous les ans le Nil, par son inondation, effaçait les limites des champs, que le grand Sésostris avait assignés à ses compagnons d*armes; il fallait rétablir exactement les limites de chaque propriété; de là, la nécessité de la géométrie, qui d'Égypte passa dans la Grèce. Les deux explications ne sont pas absolument contradictoires.
§ 19.
Dans notre Morale. Voir la Morale à Nicomaque, liv. VI, — La philosophie. J'ai ajouté ce mot, paraphrase du précédent, qui seul est dans le texte. — A pour objet les causes et les principes. C'est peut-être restreindre un peu trop le domaine de la philosophie. § 20. En résumant ce qui précède. Le texte n'est pas tout à fait aussi précis. — Purement pratiques, et qui produisent quelque chose de matériel. — La sagesse ou philosophie. Même remarque qu'au § précédent. |
Définition plus spéciale de la sagesse ou philosophie ; idées qu'on se fait habituellement du sage ou philosophe, au nombre de quatre principales; analyse de chacune de ces idées; en résumé, la science des généralités est le but particulier de la philosophie ; elle est la science des principes premiers et universels; ce n'est pas une science pratique, d'une utilité immédiate ; elle est la dernière qui paraisse entre toutes les autres ; citation de Simonide ; grandeur et sublimité presque divine de cette science ; elle cherche à savoir uniquement pour connaître la vérité. |
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1 Ἐπεὶ δὲ ταύτην τὴν ἐπιστήμην ζητοῦμεν, τοῦτ' ἂν εἴη [5] σκεπτέον, ἡ περὶ ποίας αἰτίας καὶ περὶ ποίας ἀρχὰς ἐπιστήμη σοφία ἐστίν. εἰ δὴ λάβοι τις τὰς ὑπολήψεις ἃς ἔχομεν περὶ τοῦ σοφοῦ, τάχ' ἂν ἐκ τούτου φανερὸν γένοιτο μᾶλλον. 2 Ὑπολαμβάνομεν δὴ πρῶτον μὲν ἐπίστασθαι πάντα τὸν σοφὸν ὡς ἐνδέχεται, μὴ καθ' ἕκαστον ἔχοντα ἐπιστήμην [10] αὐτῶν· 3 εἶτα τὸν τὰ χαλεπὰ γνῶναι δυνάμενον καὶ μὴ ῥᾴδια ἀνθρώπῳ γιγνώσκειν, τοῦτον σοφόν (τὸ γὰρ αἰσθάνεσθαι πάντων κοινόν, διὸ ῥᾴδιον καὶ οὐδὲν σοφόν)· 4 ἔτι τὸν ἀκριβέστερον καὶ τὸν διδασκαλικώτερον τῶν αἰτιῶν σοφώτερον εἶναι περὶ πᾶσαν ἐπιστήμην· 5 καὶ τῶν ἐπιστημῶν δὲ τὴν [15] αὑτῆς ἕνεκεν καὶ τοῦ εἰδέναι χάριν αἱρετὴν οὖσαν μᾶλλον εἶναι σοφίαν ἢ τὴν τῶν ἀποβαινόντων ἕνεκεν, καὶ τὴν ἀρχικωτέραν τῆς ὑπηρετούσης μᾶλλον σοφίαν· οὐ γὰρ δεῖν ἐπιτάττεσθαι τὸν σοφὸν ἀλλ' ἐπιτάττειν, καὶ οὐ τοῦτον ἑτέρῳ πείθεσθαι, ἀλλὰ τούτῳ τὸν ἧττον σοφόν. 6 Τὰς μὲν οὖν [20] ὑπολήψεις τοιαύτας καὶ τοσαύτας ἔχομεν περὶ τῆς σοφίας καὶ τῶν σοφῶν· 7 τούτων δὲ τὸ μὲν πάντα ἐπίστασθαι τῷ μάλιστα ἔχοντι τὴν καθόλου ἐπιστήμην ἀναγκαῖον ὑπάρχειν (οὗτος γὰρ οἶδέ πως πάντα τὰ ὑποκείμενἀ, σχεδὸν δὲ καὶ χαλεπώτατα ταῦτα γνωρίζειν τοῖς ἀνθρώποις, 8 τὰ μάλιστα [25] καθόλου (πορρωτάτω γὰρ τῶν αἰσθήσεών ἐστιν), 9 ἀκριβέσταται δὲ τῶν ἐπιστημῶν αἳ μάλιστα τῶν πρώτων εἰσίν (αἱ γὰρ ἐξ ἐλαττόνων ἀκριβέστεραι τῶν ἐκ προσθέσεως λεγομένων, οἷον ἀριθμητικὴ γεωμετρίασ)· 10 ἀλλὰ μὴν καὶ διδασκαλική γε ἡ τῶν αἰτιῶν θεωρητικὴ μᾶλλον (οὗτοι γὰρ διδάσκουσιν, οἱ τὰς [30] αἰτίας λέγοντες περὶ ἑκάστοὐ, 11 τὸ δ' εἰδέναι καὶ τὸ ἐπίστασθαι αὐτῶν ἕνεκα μάλισθ' ὑπάρχει τῇ τοῦ μάλιστα ἐπιστητοῦ ἐπιστήμῃ (ὁ γὰρ τὸ ἐπίστασθαι δι' αὑτὸ αἱρούμενος τὴν μάλιστα ἐπιστήμην μάλιστα αἱρήσεται, [982b] [1] τοιαύτη δ' ἐστὶν ἡ τοῦ μάλιστα ἐπιστητοῦ), μάλιστα δ' ἐπιστητὰ τὰ πρῶτα καὶ τὰ αἴτια (διὰ γὰρ ταῦτα καὶ ἐκ τούτων τἆλλα γνωρίζεται ἀλλ' οὐ ταῦτα διὰ τῶν ὑποκειμένων), ἀρχικωτάτη δὲ τῶν ἐπιστημῶν, 12 καὶ [5] μᾶλλον ἀρχικὴ τῆς ὑπηρετούσης, ἡ γνωρίζουσα τίνος ἕνεκέν ἐστι πρακτέον ἕκαστον· τοῦτο δ' ἐστὶ τἀγαθὸν ἑκάστου, ὅλως δὲ τὸ ἄριστον ἐν τῇ φύσει πάσῃ. 13 Ἐξ ἁπάντων οὖν τῶν εἰρημένων ἐπὶ τὴν αὐτὴν ἐπιστήμην πίπτει τὸ ζητούμενον ὄνομα· δεῖ γὰρ ταύτην τῶν πρώτων ἀρχῶν καὶ αἰτιῶν εἶναι θεωρητικήν· [10] καὶ γὰρ τἀγαθὸν καὶ τὸ οὗ ἕνεκα ἓν τῶν αἰτίων ἐστίν. 14 Ὅτι δ' οὐ ποιητική, δῆλον καὶ ἐκ τῶν πρώτων φιλοσοφησάντων· διὰ γὰρ τὸ θαυμάζειν οἱ ἄνθρωποι καὶ νῦν καὶ τὸ πρῶτον ἤρξαντο φιλοσοφεῖν, ἐξ ἀρχῆς μὲν τὰ πρόχειρα τῶν ἀτόπων θαυμάσαντες, εἶτα κατὰ μικρὸν οὕτω προϊόντες [15] καὶ περὶ τῶν μειζόνων διαπορήσαντες, οἷον περί τε τῶν τῆς σελήνης παθημάτων καὶ τῶν περὶ τὸν ἥλιον καὶ ἄστρα καὶ περὶ τῆς τοῦ παντὸς γενέσεως. 15 Ὁ δ' ἀπορῶν καὶ θαυμάζων οἴεται ἀγνοεῖν (διὸ καὶ ὁ φιλόμυθος φιλόσοφός πώς ἐστιν· ὁ γὰρ μῦθος σύγκειται ἐκ θαυμασίων)· 16 ὥστ' εἴπερ διὰ [20] τὸ φεύγειν τὴν ἄγνοιαν ἐφιλοσόφησαν, φανερὸν ὅτι διὰ τὸ εἰδέναι τὸ ἐπίστασθαι ἐδίωκον καὶ οὐ χρήσεώς τινος ἕνεκεν. Μαρτυρεῖ δὲ αὐτὸ τὸ συμβεβηκός· σχεδὸν γὰρ πάντων ὑπαρχόντων τῶν ἀναγκαίων καὶ πρὸς ῥᾳστώνην καὶ διαγωγὴν ἡ τοιαύτη φρόνησις ἤρξατο ζητεῖσθαι. 17 Δῆλον οὖν ὡς δι' [25] οὐδεμίαν αὐτὴν ζητοῦμεν χρείαν ἑτέραν, ἀλλ' ὥσπερ ἄνθρωπος, φαμέν, ἐλεύθερος ὁ αὑτοῦ ἕνεκα καὶ μὴ ἄλλου ὤν, οὕτω καὶ αὐτὴν ὡς μόνην οὖσαν ἐλευθέραν τῶν ἐπιστημῶν· μόνη γὰρ αὕτη αὑτῆς ἕνεκέν ἐστιν. 18 Διὸ καὶ δικαίως ἂν οὐκ ἀνθρωπίνη νομίζοιτο αὐτῆς ἡ κτῆσις· πολλαχῇ γὰρ ἡ φύσις δούλη τῶν [30] ἀνθρώπων ἐστίν, ὥστε κατὰ Σιμωνίδην « θεὸς ἂν μόνος τοῦτ' ἔχοι γέρας », ἄνδρα δ' οὐκ ἄξιον μὴ οὐ ζητεῖν τὴν καθ' αὑτὸν ἐπιστήμην. 19 Εἰ δὴ λέγουσί τι οἱ ποιηταὶ καὶ πέφυκε φθονεῖν τὸ θεῖον, [983b] [1] ἐπὶ τούτου συμβῆναι μάλιστα εἰκὸς καὶ δυστυχεῖς [2] εἶναι πάντας τοὺς περιττούς. Ἀλλ' οὔτε τὸ θεῖον φθονερὸν ἐνδέχεται εἶναι, ἀλλὰ κατὰ τὴν παροιμίαν πολλὰ ψεύδονται ἀοιδοί, οὔτε τῆς τοιαύτης ἄλλην χρὴ νομίζειν τιμιωτέραν. 20 [5] Ἡ γὰρ θειοτάτη καὶ τιμιωτάτη· τοιαύτη δὲ διχῶς ἂν εἴη μόνη· ἥν τε γὰρ μάλιστ' ἂν ὁ θεὸς ἔχοι, θεία τῶν ἐπιστημῶν ἐστί, κἂν εἴ τις τῶν θείων εἴη. Μόνη δ' αὕτη τούτων ἀμφοτέρων τετύχηκεν· ὅ τε γὰρ θεὸς δοκεῖ τῶν αἰτίων πᾶσιν εἶναι καὶ ἀρχή τις, καὶ τὴν τοιαύτην ἢ μόνος ἢ μάλιστ' [10] ἂν ἔχοι ὁ θεός. 21 Ἀναγκαιότεραι μὲν οὖν πᾶσαι ταύτης, ἀμείνων δ' οὐδεμία. 22 Δεῖ μέντοι πως καταστῆναι τὴν κτῆσιν αὐτῆς εἰς τοὐναντίον ἡμῖν τῶν ἐξ ἀρχῆς ζητήσεων. Ἄρχονται μὲν γάρ, ὥσπερ εἴπομεν, ἀπὸ τοῦ θαυμάζειν πάντες εἰ οὕτως ἔχει, καθάπερ τῶν θαυμάτων ταὐτόματα [τοῖς μήπω τεθεωρηκόσι [15] τὴν αἰτίαν] ἢ περὶ τὰς τοῦ ἡλίου τροπὰς ἢ τὴν τῆς διαμέτρου ἀσυμμετρίαν (θαυμαστὸν γὰρ εἶναι δοκεῖ πᾶσι εἴ τι τῷ ἐλαχίστῳ μὴ μετρεῖταἰ· δεῖ δὲ εἰς τοὐναντίον καὶ τὸ ἄμεινον κατὰ τὴν παροιμίαν ἀποτελευτῆσαι, καθάπερ καὶ ἐν τούτοις ὅταν μάθωσιν· οὐθὲν γὰρ [20] ἂν οὕτως θαυμάσειεν ἀνὴρ γεωμετρικὸς ὡς εἰ γένοιτο ἡ διάμετρος μετρητή. 23 Τίς μὲν οὖν ἡ φύσις τῆς ἐπιστήμης τῆς ζητουμένης, εἴρηται, καὶ τίς ὁ σκοπὸς οὗ δεῖ τυγχάνειν τὴν ζήτησιν καὶ τὴν ὅλην μέθοδον. |
1 Si la science, objet de nos études, est bien ce que nous venons de dire, il nous faut examiner de plus près quelles sont spécialement les causes et quels sont les principes dont la philosophie est la science. Pour éclaircir davantage la question et la traiter plus facilement, nous n'aurons qu'à analyser les opinions que nous nous formons ordinairement du sage et du philosophe. 2 A cet égard, notre première conception, c'est que le mérite principal du sage, c'est de savoir, autant du moins qu'un tel avantage peut appartenir à l'homme, l'ensemble de toutes choses, sans posséder néanmoins la connaissance des cas particuliers. 3 En second lieu, le sage, le philosophe, est, dans notre opinion, celui qui arrive à connaître les choses qui sont d'un accès difficile et que l'homme n'atteint qu'avec peine ; car recevoir des impressions sensibles, c'est une faculté commune à tous les êtres animés ; il n'y a rien de plus aisé au monde ; et aussi ne voit-on là aucun indice de sagesse. 4 En troisième lieu, nous trouvons qu'on est d'autant plus philosophe et d'autant plus avancé dans une science, quelle qu'elle soit, qu'on y apporte plus d'exactitude et qu'on est plus capable de l'enseigner à autrui. 5 Enfin, parmi les sciences, nous estimons que celle qu'on recherche pour elle-même et exclusivement en vue de savoir, est bien plus philosophique que celle qu'on recherche pour les résultats matériels qu'elle procure ; de même aussi que la science qui commande de plus haut est plus philosophique que celle qui obéit en exécutant les ordres d'une autre science; car le sage, tel qu'on le comprend habituellement, n'a point à recevoir la loi de personne ; c'est à lui de la donner; et, loin de se soumettre aux autres hommes, c'est au contraire aux moins sages de se soumettre à lui. 6 Telles sont communément les opinions que nous nous formons de la sagesse et aussi des philosophes ; et tel est à peu près le nombre de toutes ces appréciations. 7 Quant à la première, celle qui suppose que le sage peut savoir toutes choses, il est clair que cette supériorité appartient surtout à celui qui possède le plus complètement la science générale ; car, à cette condition, on sait, en une certaine mesure, tous les cas particuliers compris sous cette généralité. 8 D'autre part, ce sont les notions générales que l'on a le plus de peine à conquérir, parce que ces notions sont les plus éloignées de la sensation. 9 En troisième lieu, les connaissances les plus exactes sont, avant toutes les autres, celles qui s'adressent le plus directement aux principes premiers, par cette raison qu'ayant un moindre nombre d'éléments, elles peuvent être plus précises que celles où les éléments s'accumulent : l'arithmétique, par exemple, étant plus précise que la géométrie. 10 Ajoutez encore que la science qui étudie les causes peut s'enseigner bien mieux que toute autre ; car le véritable enseignement consiste à exposer les causes de chaque objet en détail. 11 Quant à apprendre les choses et à les savoir exclusivement pour elles-mêmes, c'est l'attribut éminent de la science qui s'occupe de ce qui peut être su le mieux possible; car, lorsqu'on ne pense à savoir que pour savoir, on s'attache surtout à la science [982b] qui est la plus science de toutes, et c'est justement celle qui étudie ce qui peut être su le plus complètement. Or, sans comparaison, ce qui peut être le mieux su, ce sont les principes et les causes, puisque c'est par leur intermédiaire et par les conséquences qui en sortent, qu'on connaît tout le reste, tandis que réciproquement les détails particuliers ne suffiraient pas à faire connaître les principes. 12 Enfin, la science qui est le plus réellement la science des principes, et qui les fait comprendre mieux que toute science subordonnée et exécutrice, c'est celle qui connaît le but en vue duquel chaque chose doit être faite. Or, pour chaque chose, ce but dernier, c'est son bien ; et, d'une manière universelle, c'est le plus grand bien possible dans la nature tout entière. 13 De tout ce qu'on vient de dire, il résulte que le nom cherché par nous, sous toutes ces définitions, s'adresse à une seule et même science. Ainsi, cette science doit être celle qui s'occupe des premiers principes et des causes, puisque le bien et le but final sont réellement une des causes qui produisent les choses. 14 En second lieu, cette science n'a pas un objet directement pratique. C'est là ce qu'atteste évidemment l'exemple des plus anciens philosophes. A l'origine comme aujourd'hui, c'est l'étonnement et l'admiration qui conduisirent les hommes à la philosophie. Entre les phénomènes qu'ils ne pouvaient comprendre, leur attention, frappée de surprise, s'arrêta d'abord à ceux qui étaient le plus à leur portée ; et, en s'avançant pas à pas dans cette voie, ils dirigèrent leurs doutes et leur examen sur des phénomènes de plus en plus considérables. C'est ainsi qu'ils s'occupèrent des phases de la lune, des mouvements du soleil et des astres, et même de la formation de l'univers. 15 Mais se poser à soi-même des questions et s'étonner des phénomènes, c'est déjà savoir qu'on les ignore ; et voilà comment c'est être encore ami de la sagesse, c'est être philosophe que d'aimer les fables, qui cherchent à expliquer les choses, puisque la fable, ou le mythe, ne se compose que d'éléments merveilleux et surprenants. 16 Si donc c'est pour dissiper leur ignorance que les hommes ont cherché à faire de la philosophie, il est évident qu'ils ne cultivèrent cette science si ardemment que pour savoir les choses, et non pour en tirer le moindre profit matériel. Ce qui s'est passé alors démontre bien ce désintéressement. Tous les besoins, ou peu s'en faut, étaient déjà satisfaits, en ce qui concerne la commodité de la vie et même son agrément, quand survint la pensée de ce genre d'investigations. 17 Ainsi, il est bien clair que la philosophie n'est recherchée pour aucune utilité étrangère ; mais, de, même que nous appelons libre l'homme qui ne travaille que pour lui, et non pour un autre, de même cette science est, entre toutes, la seule qui soit vraiment libre, puisqu'elle est la seule qui n'ait absolument d'autre objet qu'elle-même. 18 On a donc pu avec toute raison trouver que la possession de cette science est au-dessus de l'humanité ; car la nature de l'homme est esclave de mille façons ; et, selon le dire de Simonide, « Il n'y a que Dieu qui puisse jouir de ce privilège auguste de la liberté » ; mais l'homme se manquerait à lui-même, s'il ne recherchait pas la science qu'il peut atteindre. 19 En supposant que les poètes disent vrai, et que la divinité puisse jamais éprouver un sentiment quelconque de jalousie, [983b] ce serait ici surtout le cas d'être jaloux, à ce qu'il semble; et tous ceux qui se distinguent dans cette science devraient être accablés de maux par les dieux. Mais, d'une part, il est bien impossible que les dieux s'abaissent à une jalousie honteuse ; ce sont les poètes seuls qui, comme le dit le proverbe, sont de grands imposteurs ; mais on n'en doit pas moins penser qu'il n'y a pas une science digne de plus d'estime que celle-là. 20 Elle est, d'autre part, la science la plus divine et la plus haute; et elle est la seule à l'être par cette double raison : d'abord, la science qui devrait être plus que toute autre l'apanage de Dieu, est divine entre toutes les sciences; et, en second lieu, elle est la science, s'il en est une au monde, qui doit s'occuper des choses divines. Or, la philosophie peut se flatter de réunir ce double avantage; car, de l'aveu du genre humain tout entier, Dieu est la cause et le principe des choses, et il doit être le seul à posséder une telle science, ou du moins il doit la posséder infiniment plus qu'aucun de nous ne saurait la posséder jamais. 21 Ainsi donc, toutes les autres sciences peuvent bien être plus nécessaires que la philosophie ; mais il n'en est pas une qui soit au-dessus d'elle. 22 Cependant la disposition où elle met nos esprits est, on peut dire, le contre-pied de l'état où ils sont lors de leurs premières recherches. Ainsi, selon ce que nous avons déjà dit, les hommes commencent toujours par s'étonner que les phénomènes soient ce qu'ils sont; comme, par exemple, on s'étonne devant le spectacle des automates, tant qu'on n'a pas pénétré la cause de leurs mouvements. On s'étonne devant les mouvements périodiques du soleil, ou même on s'étonne de la propriété qu'a la diagonale d'être incommensurable au côté. C'est qu'en effet il n'est personne qui ne soit surpris, au premier coup d'œil,.qu'une quantité qui n'est pas d'une infinie petitesse ne puisse pas être mesurée par une autre quantité. Mais on doit finir toujours par l'opinion contraire ; c'est-à-dire qu'on finit par le meilleur, ainsi que le veut le dicton vulgaire. C'est ce qui arrive ici comme en tout, une fois qu'on est instruit des choses. Rien, en effet, n'étonnerait plus un géomètre que si on lui disait que la diagonale est commensurable au côté. 23 En résumé, nous croyons avoir expliqué quelle est la nature de la science que nous cherchons, et quel est le but que se propose et doit atteindre cette recherche, ainsi que l'étude entière à laquelle nous nous livrons maintenant. |
§ 1. Les opinions que nous nous formons. Ce ne sont pas seulement les opinions vulgaires qu'Aristote entend interroger; c'est aussi l'opinion des gens éclairés. — Du sage et du philosophe. Il n'y a encore qu'un seul mot dans le texte. § 2. Notre première conception. Il faut remarquer, dans cette énumération, l'enchaînement et la succession des idées; c'est une analyse achevée. — Autant du moins qu'un tel avantage. Restriction très prudente et tout à fait Socratique. Le philosophe est en cela aussi modeste que le veut la raison; l'orgueil ne convient qu'aux faibles. — L'ensemble de toutes choses. Le texte n'est pas plus précis; et Ton peut se demander s'il s'agit ici de l'ensemble de l'ordre universel, ou simplement de l'ensemble d'une question, contenant dans ses limites beaucoup de faits particuliers. § 3. Le sage, le philosophe. Même remarque que plus haut. — Que l'homme n'atteint qu'avec peine. Ce second caractère de la philosophie n'est pas moins exact que le premier. — Faculté commune, que l'homme partage avec les animaux. § 4. Plus philosophe et plus avancé. Il n'y a qu'un mot dans le texte. — Plus capable de l'enseigner à autrui. Voir plus haut, ch. i, § 15. § 5. N'a point à recevoir la loi de personne. C'est déjà presque le sage du Stoïcisme. — Aux moins sages de se soumettre, dans l'intérêt du subordonné bien plus encore que dans l'intérêt du sage, qui n'a pas besoin que personne lui obéisse. § 6. Telles sont les opinions. Il faut rapprocher ce portrait du philosophe selon Aristote. de celui que Platon en a tracé dans la République, liv. V, p. 305 et suiv., traduction de M. V. Cousin, et au début du livre VI. L'analyse d'Aristote a peut-être plus de précision ; mais on peut trouver que celle de Platon a plus de grandeur, si ce n'est de vérité. § 7. Qui possède le plus complètement la science générale. Ceci peut s'entendre aussi bien de l'ensemble des choses, de l'univers, que de la totalité d'une question. — On sait en une certaine mesure tous les cas particuliers. Voir la même idée exprimée dans des termes presque pareils, Derniers Analytiques, livre I, ch. xxiv, § 14, page 154 de ma traduction, et aussi dans la Physique, livre VII, ch. iv, § 12, page 433 de ma traduction. § 8. Le plus de peine à conquérir, par la réflexion, qui n'est pas spontanée et qui ne dépend que de nous, tandis que la sensation n'en dépend pas et qu'elle est fatale en quelque sorte. § 9. L'arithmétique... plus précise que la géométrie. Le même exemple est donné dans les Derniers Analytiques, liv. I, ch. xxvii, § 3, page 164 de ma traduction. L'arithmétique est purement abstraite; la géométrie a des éléments concrets. § 10. Peut s'enseigner bien mieux que toute autre, parce qu'on ne sait réellement les choses que quand on en connait bien les causes. § 11. C'est l'attribut éminent de la science, prise d'une manière générale, aussi bien que de la science philosophique en particulier. L'objet propre de la science est de savoir, indépendamment de toutes les conséquences que ce savoir peut produire. La science proprement dite est toujours désintéressée. § 12. Subordonnée et exécutrice. Il n'y a qu'un mot dans le texte. — Ce but pour chaque chose est le bien. Aristote arrive, par une autre voie que Platon, mais tout comme lui, à placer ridée du bien au sommet de toutes les Idées. C'est la loi universelle des choses ; c'est aussi le fondement de l'optimisme. — Le plut grand bien possible dans la nature tout entière. Ainsi Aristote ne fait pas d'exception. § 13. Une des causes. Il semble que ceci est un peu en contradiction avec la lin du § précèdent. Le bien n'est pas seulement une des causes qui produisent les choses ; c'en est la cause supérieure et principale. § 14. Des plus anciens philosophes. Ceux de l'école d'Ionie, de l'école d'Élée et les Pythagoriciens. — L'étonnement et l'admiration. Il n'y a dans le texte qu'un seul mot, qui a la force des deux mots de ma traduction. Platon dit dans le Théétète, traduction de M. Cousin, page 74 : « L'étonnement est un sentiment philosophique; c'est le vrai commencement de la philosophie. » — Et même de la formation de l'univers. Éternelles questions, aussi neuves aujourd'hui qu'elles pouvaient l'être du temps d'Aristote, et qui ne sollicitent pas moins la juste curiosité de l'esprit humain. C'est à la philosophie de les résoudre. § 15. C'est déjà savoir qu'on les ignore. Remarque profonde. L'animal ne s'étonne de rien, et le sauvage s'étonne presque aussi peu que l'animal; il n'a pas conscience de son ignorance. — C'est être encore ami de la sagesse. On pourrait, d'après le texte vulgaire, traduire aussi : « Le philosophe aime les fables. » Mais je crois, avec M. Bonitz, que l'autre version, que j'adopte, répond mieux à l'ensemble de la pensée. — La fable, ou le mythe. Il n'y a qu'un seul mot dans le texte. — Merveilleux et surprenants. Même remarque. Mais, dans notre langue, l'un des deux n'aurait peut-être pas suffi. § 16. En ce qui concerne la commodité de la vie et même son agrément. M. Schwegler pense que ce membre de phrase doit être rapporté à ce qui suit et non à ce qui précède ; et alors on traduirait «... étaient déjà satisfaits quand pour donner à la vie des jouissances plus délicates et plus nobles, on s'appliqua à ce nouveau genre d'investigations. » Je préfère le premier sens comme plus naturel, et je l'adopte avec tous les autres traducteurs. § 17. La philosophie n'est recherchée pour aucune utilité étrangère. Grand principe, qui est aujourd'hui aussi vrai que dans l'antiquité. — La seule qui soit vraiment libre. C'est déjà la supériorité que le Stoïcisme devait attribuer au sage, qui seul est libre .— D'autre objet qu'elle-même, ne travaillant comme l'homme libre que pour soi. De cette belle théorie sur la philosophie, il faut rapprocher le magnifique passage de la Morale à Nicomaque, sur la vie intellectuelle, liv. X, ch. vu, p. 452 de ma traduction. C'est un complément de la présente définition. § 18. Est au-dessus de l'humanité. Cette idée n'est pas très-juste, si on la prend à la rigueur. La philosophie est au contraire la science véritablement digne de l'homme, comme Aristote lui-même le dit un peu plus bas ; le philosophe ne se vante pas d'être un sage à proprement parler; il est simplement l'amant de la sagesse, selon le grand mot, inventé, dit-on, par Pythagore. — Simonide. Platon, dans le Protagoras, traduction de M. V. Cousin, pages 80 et 86, rappelle ce vers de Simonide, tiré de la chanson que Socrate cite et analyse. Dans le Protagoras, la pensée de Simonide s'applique à la vertu et non à la liberté. § 19. Que les poètes disent vrai. Il eût été bon de désigner ces poètes un peu plus précisément. La jalousie des dieux est plutôt la Némésis, qui poursuit les coupables et les atteint, jusqu'au sommet le plus élevé de la fortune. — Devraient être accablés de maux, par le courroux des dieux, qui seraient jaloux de tant de science et de sagesse dans les êtres humains. — Comme le dit le proverbe. Un peu plus bas, Aristote cite encore un autre proverbe ; dans la plupart de ses ouvrages, on trouve beaucoup de citations du même genre. M. Schwegler en conclut qu'Aristote avait une prédilection particulière pour ces brèves sentences de la raison populaire ; et il avait fait un recueil spécial de proverbes, comme on peut le voir dans le catalogue de Diogène Laërte. Son exemple a été depuis lors bien souvent imité. § 20. De l'aveu du genre humain. Je crois que, dans aucun passage de ses œuvres, Aristote n'a professé le théisme aussi nettement que dans celui-ci. — Dieu est la cause et le principe des choses. Il est étonnant qu'après de telles déclarations, le philosophe ait 'fait intervenir si peu la divinité dans les choses humaines, ou dans les choses de la nature. C'est une contradiction remarquable. § 21. Il n'en est pas une qui soit au-dessus d'elle. Cette pensée est parfaitement juste, et l'expression eu est très modeste. On pourrait aller plus loin. § 22. La disposition où elle met nos esprits. Le texte n'est pas aussi précis que ma traduction ; mais le sens ne peut faire de doute; et celui que j'adopte est justifié par tout ce qui suit. — Nous avons déjà dit. Voir plus haut, § 14. — Le spectacle des automates. Quelques traducteurs ont proposé un sens un peu différent; celui-ci est le véritable, d'après les explications mêmes d'Alexandre d'Aphrodise. Les automates ont été connus depuis la plus haute antiquité; voir l'Iliade d'Homère, chant XVIII, vers 376. Aristote a parlé plusieurs fois des automates; par exemple, dans le traité de la Génération des Animaux, liv. iii ch. 1er p. 734, 6, 10, édition de Berlin, il emploie les mêmes expressions dont il se sert ici. — Finir toujours par l'opinion contraire, Voir le début du §. § 23. En résumé. On doit remarquer très particulièrement cette définition de la philosophie. Il n'y en a jamais eu de plus simple, de plus nette, ni de plus grande. Personne, dans l'Antiquité ou dans les temps modernes, n'a mieux défini la métaphysique; et ce serait ici surtout le cas de répéter avec Bossuet : « Aristote a parlé divinement. » On peut voir, dans la Préface placée en tête de ce volume, une analyse et un éloge de cette admirable et profonde théorie; mais il est bon d'y insister à plusieurs reprises. Il ne faut pas oublier non plus que l'auteur de cette définition est en même temps un naturaliste de premier ordre. |
La philosophie est l'étude des causes premières ou principes; quatre espèces de causes : la substance, la matière, l'origine du mouvement et le but final; citation de la Physique; les premiers philosophes s'attachèrent à l'idée de la matière; ils sont unanimes à cet égard, mais ils diffèrent sur le nombre des principes; Thalès se prononce pour l'eau; les Théologues; Hippon; Anaximène et Diogène se prononcent pour l'air; Hippase et Heraclite, pour le feu ; Empédocle admet les quatre éléments; insuffisance de ces systèmes, aboutissant tous à l'unité de l'Être ; nécessité d'une recherche plus profonde, et d'une cause autre que la matière; Parménide la pressent; Anaxagore de Clazomène la trouve dans l'Intelligence; immensité de cette découverte ; Hermotime de Clazomène. |
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1 Ἐπεὶ δὲ φανερὸν ὅτι τῶν ἐξ ἀρχῆς αἰτίων δεῖ λαβεῖν [25] ἐπιστήμην (τότε γὰρ εἰδέναι φαμὲν ἕκαστον, ὅταν τὴν πρώτην αἰτίαν οἰώμεθα γνωρίζειν), 2 τὰ δ' αἴτια λέγεται τετραχῶς, ὧν μίαν μὲν αἰτίαν φαμὲν εἶναι τὴν οὐσίαν καὶ τὸ τί ἦν εἶναι (ἀνάγεται γὰρ τὸ διὰ τί εἰς τὸν λόγον ἔσχατον, αἴτιον δὲ καὶ ἀρχὴ τὸ διὰ τί πρῶτον), 3 ἑτέραν δὲ τὴν ὕλην [30] καὶ τὸ ὑποκείμενον, 4 τρίτην δὲ ὅθεν ἡ ἀρχὴ τῆς κινήσεως, 5 τετάρτην δὲ τὴν ἀντικειμένην αἰτίαν ταύτῃ, τὸ οὗ ἕνεκα καὶ τἀγαθόν (τέλος γὰρ γενέσεως καὶ κινήσεως πάσης τοῦτ' ἐστίν), 6 τεθεώρηται μὲν οὖν ἱκανῶς περὶ αὐτῶν ἡμῖν ἐν τοῖς περὶ φύσεως, [983b] [1] ὅμως δὲ παραλάβωμεν καὶ τοὺς πρότερον ἡμῶν εἰς ἐπίσκεψιν τῶν ὄντων ἐλθόντας καὶ φιλοσοφήσαντας περὶ τῆς ἀληθείας. Δῆλον γὰρ ὅτι κἀκεῖνοι λέγουσιν ἀρχάς τινας καὶ αἰτίας· ἐπελθοῦσιν οὖν ἔσται τι προὔργου τῇ μεθόδῳ τῇ νῦν· [5] ἢ γὰρ ἕτερόν τι γένος εὑρήσομεν αἰτίας ἢ ταῖς νῦν λεγομέναις μᾶλλον πιστεύσομεν. 7 Τῶν δὴ πρώτων φιλοσοφησάντων οἱ πλεῖστοι τὰς ἐν ὕλης εἴδει μόνας ᾠήθησαν ἀρχὰς εἶναι πάντων· 8 ἐξ οὗ γὰρ ἔστιν ἅπαντα τὰ ὄντα καὶ ἐξ οὗ γίγνεται πρώτου καὶ εἰς ὃ φθείρεται τελευταῖον, τῆς μὲν [10] οὐσίας ὑπομενούσης τοῖς δὲ πάθεσι μεταβαλλούσης, τοῦτο στοιχεῖον καὶ ταύτην ἀρχήν φασιν εἶναι τῶν ὄντων, καὶ διὰ τοῦτο οὔτε γίγνεσθαι οὐθὲν οἴονται οὔτε ἀπόλλυσθαι, ὡς τῆς τοιαύτης φύσεως ἀεὶ σωζομένης, 9 ὥσπερ οὐδὲ τὸν Σωκράτην φαμὲν οὔτε γίγνεσθαι ἁπλῶς ὅταν γίγνηται καλὸς ἢ μουσικὸς [15] οὔτε ἀπόλλυσθαι ὅταν ἀποβάλλῃ ταύτας τὰς ἕξεις, διὰ τὸ ὑπομένειν τὸ ὑποκείμενον τὸν Σωκράτην αὐτόν, οὕτως οὐδὲ τῶν ἄλλων οὐδέν· 10 ἀεὶ γὰρ εἶναί τινα φύσιν ἢ μίαν ἢ πλείους μιᾶς ἐξ ὧν γίγνεται τἆλλα σωζομένης ἐκείνης. 11 Τὸ μέντοι πλῆθος καὶ τὸ εἶδος τῆς τοιαύτης ἀρχῆς οὐ τὸ αὐτὸ [20] πάντες λέγουσιν, 12 ἀλλὰ Θαλῆς μὲν ὁ τῆς τοιαύτης ἀρχηγὸς φιλοσοφίας ὕδωρ φησὶν εἶναι (διὸ καὶ τὴν γῆν ἐφ' ὕδατος ἀπεφήνατο εἶναἰ, λαβὼν ἴσως τὴν ὑπόληψιν ταύτην ἐκ τοῦ πάντων ὁρᾶν τὴν τροφὴν ὑγρὰν οὖσαν καὶ αὐτὸ τὸ θερμὸν ἐκ τούτου γιγνόμενον καὶ τούτῳ ζῶν (τὸ δ' ἐξ οὗ γίγνεται, τοῦτ' ἐστὶν [25] ἀρχὴ πάντων) - 13 διά τε δὴ τοῦτο τὴν ὑπόληψιν λαβὼν ταύτην καὶ διὰ τὸ πάντων τὰ σπέρματα τὴν φύσιν ὑγρὰν ἔχειν, τὸ δ' ὕδωρ ἀρχὴν τῆς φύσεως εἶναι τοῖς ὑγροῖς. 14 Εἰσὶ δέ τινες οἳ καὶ τοὺς παμπαλαίους καὶ πολὺ πρὸ τῆς νῦν γενέσεως καὶ πρώτους θεολογήσαντας οὕτως οἴονται περὶ τῆς φύσεως [30] ὑπολαβεῖν· ᾿Ωκεανόν τε γὰρ καὶ Τηθὺν ἐποίησαν τῆς γενέσεως πατέρας, καὶ τὸν ὅρκον τῶν θεῶν ὕδωρ, τὴν καλουμένην ὑπ' αὐτῶν Στύγα [τῶν ποιητῶν]· τιμιώτατον μὲν γὰρ τὸ πρεσβύτατον, ὅρκος δὲ τὸ τιμιώτατόν ἐστιν. 15 [984a] [1] εἰ μὲν οὖν ἀρχαία τις αὕτη καὶ παλαιὰ τετύχηκεν οὖσα περὶ τῆς φύσεως [1] ἡ δόξα, τάχ' ἂν ἄδηλον εἴη, Θαλῆς μέντοι λέγεται οὕτως ἀποφήνασθαι περὶ τῆς πρώτης αἰτίας 16 (῞Ιππωνα γὰρ οὐκ ἄν τις ἀξιώσειε θεῖναι μετὰ τούτων διὰ τὴν εὐτέλειαν [5] αὐτοῦ τῆς διανοίας)· 17 ᾿Αναξιμένης δὲ ἀέρα καὶ Διογένης πρότερον ὕδατος καὶ μάλιστ' ἀρχὴν τιθέασι τῶν ἁπλῶν σωμάτων, 18 ῞Ιππασος δὲ πῦρ ὁ Μεταποντῖνος καὶ ῾Ηράκλειτος ὁ ᾿Εφέσιος, [19] ᾿Εμπεδοκλῆς δὲ τὰ τέτταρα, πρὸς τοῖς εἰρημένοις γῆν προστιθεὶς τέταρτον (ταῦτα γὰρ ἀεὶ διαμένειν καὶ οὐ [10] γίγνεσθαι ἀλλ' ἢ πλήθει καὶ ὀλιγότητι, συγκρινόμενα καὶ διακρινόμενα εἰς ἕν τε καὶ ἐξ ἑνός)· 20 ᾿Αναξαγόρας δὲ ὁ Κλαζομένιος τῇ μὲν ἡλικίᾳ πρότερος ὢν τούτου τοῖς δ' ἔργοις ὕστερος ἀπείρους εἶναί φησι τὰς ἀρχάς· σχεδὸν γὰρ ἅπαντα τὰ ὁμοιομερῆ καθάπερ ὕδωρ ἢ πῦρ οὕτω γίγνεσθαι καὶ [15] ἀπόλλυσθαί φησι, συγκρίσει καὶ διακρίσει μόνον, ἄλλως δ' οὔτε γίγνεσθαι οὔτ' ἀπόλλυσθαι ἀλλὰ διαμένειν ἀΐδια. 21 Ἐκ μὲν οὖν τούτων μόνην τις αἰτίαν νομίσειεν ἂν τὴν ἐν ὕλης εἴδει λεγομένην· 22 προϊόντων δ' οὕτως, αὐτὸ τὸ πρᾶγμα ὡδοποίησεν αὐτοῖς καὶ συνηνάγκασε ζητεῖν· εἰ γὰρ ὅτι μάλιστα [20] πᾶσα γένεσις καὶ φθορὰ ἔκ τινος ἑνὸς ἢ καὶ πλειόνων ἐστίν, διὰ τί τοῦτο συμβαίνει καὶ τί τὸ αἴτιον; Οὐ γὰρ δὴ τό γε ὑποκείμενον αὐτὸ ποιεῖ μεταβάλλειν ἑαυτό· λέγω δ' οἷον οὔτε τὸ ξύλον οὔτε ὁ χαλκὸς αἴτιος τοῦ μεταβάλλειν ἑκάτερον αὐτῶν, οὐδὲ ποιεῖ τὸ μὲν ξύλον κλίνην ὁ δὲ χαλκὸς ἀνδριάντα, [25] ἀλλ' ἕτερόν τι τῆς μεταβολῆς αἴτιον. 23 Τὸ δὲ τοῦτο ζητεῖν ἐστὶ τὸ τὴν ἑτέραν ἀρχὴν ζητεῖν, ὡς ἂν ἡμεῖς φαίημεν, ὅθεν ἡ ἀρχὴ τῆς κινήσεως. Οἱ μὲν οὖν πάμπαν ἐξ ἀρχῆς ἁψάμενοι τῆς μεθόδου τῆς τοιαύτης καὶ ἓν φάσκοντες εἶναι τὸ ὑποκείμενον οὐθὲν ἐδυσχέραναν ἑαυτοῖς, 24 ἀλλ' ἔνιοί [30] γε τῶν ἓν λεγόντων, ὥσπερ ἡττηθέντες ὑπὸ ταύτης τῆς ζητήσεως, τὸ ἓν ἀκίνητόν φασιν εἶναι καὶ τὴν φύσιν ὅλην οὐ μόνον κατὰ γένεσιν καὶ φθοράν (τοῦτο μὲν γὰρ ἀρχαῖόν τε καὶ πάντες ὡμολόγησαν) ἀλλὰ καὶ κατὰ τὴν ἄλλην μεταβολὴν πᾶσαν· καὶ τοῦτο αὐτῶν ἴδιόν ἐστιν. 25 [984b] [1] Τῶν μὲν οὖν ἓν φασκόντων εἶναι τὸ πᾶν οὐθενὶ συνέβη τὴν τοιαύτην συνιδεῖν αἰτίαν πλὴν εἰ ἄρα Παρμενίδῃ, καὶ τούτῳ κατὰ τοσοῦτον ὅσον οὐ μόνον ἓν ἀλλὰ καὶ δύο πως τίθησιν αἰτίας εἶναι· 26 [5] τοῖς δὲ δὴ πλείω ποιοῦσι μᾶλλον ἐνδέχεται λέγειν, οἷον τοῖς θερμὸν καὶ ψυχρὸν ἢ πῦρ καὶ γῆν· χρῶνται γὰρ ὡς κινητικὴν ἔχοντι τῷ πυρὶ τὴν φύσιν, ὕδατι δὲ καὶ γῇ καὶ τοῖς τοιούτοις τοὐναντίον. 27 Μετὰ δὲ τούτους καὶ τὰς τοιαύτας ἀρχάς, ὡς οὐχ ἱκανῶν οὐσῶν γεννῆσαι τὴν τῶν ὄντων φύσιν, πάλιν [10] ὑπ' αὐτῆς τῆς ἀληθείας, ὥσπερ εἴπομεν, ἀναγκαζόμενοι τὴν ἐχομένην ἐζήτησαν ἀρχήν. Τοῦ γὰρ εὖ καὶ καλῶς τὰ μὲν ἔχειν τὰ δὲ γίγνεσθαι τῶν ὄντων ἴσως οὔτε πῦρ οὔτε γῆν οὔτ' ἄλλο τῶν τοιούτων οὐθὲν οὔτ' εἰκὸς αἴτιον εἶναι οὔτ' ἐκείνους οἰηθῆναι· οὐδ' αὖ τῷ αὐτομάτῳ καὶ τύχῃ τοσοῦτον ἐπιτρέψαι [15] πρᾶγμα καλῶς εἶχεν. 28 Νοῦν δή τις εἰπὼν ἐνεῖναι, καθάπερ ἐν τοῖς ζῴοις, καὶ ἐν τῇ φύσει τὸν αἴτιον τοῦ κόσμου καὶ τῆς τάξεως πάσης οἷον νήφων ἐφάνη παρ' εἰκῇ λέγοντας [18] τοὺς πρότερον. 29 Φανερῶς μὲν οὖν ᾿Αναξαγόραν ἴσμεν ἁψάμενον τούτων τῶν λόγων, αἰτίαν δ' ἔχει πρότερον ῾Ερμότιμος [20] ὁ Κλαζομένιος εἰπεῖν.
30
Οἱ μὲν οὖν οὕτως ὑπολαμβάνοντες ἅμα τοῦ καλῶς τὴν αἰτίαν ἀρχὴν εἶναι
τῶν ὄντων ἔθεσαν, καὶ τὴν τοιαύτην ὅθεν ἡ κίνησις ὑπάρχει τοῖς
οὖσιν. |
1 Un point qui est évident, c'est que, pour ac-quérir la science, il faut remonter jusqu'à la connaissance des causes premières ; car, quel que soit l'objet dont il s'agisse, on ne peut dire de quelqu'un qu'il sait une chose que quand on croitqu'il en connaît la cause initiale. 2 Le mot de Cause peut avoir quatre sens différents. D'abord il y a un sens où Cause signifie l'essence de la chose, ce qui fait qu'elle est ce qu'elle est. Le pourquoi primitif d'une chose se réduit en définitive à sa définition propre, et ce pourquoi primitif est une cause et un principe des choses. 3 Une seconde cause des choses, c'est leur matière, leur sujet matériel. 4 La troisième cause, c'est celle qui est l'origine du mouvement de la chose.5 Enfin la quatrième, qui est placée à l'opposé de celle-là, c'est le but final pour lequel la chose est faite ; c'est le bien de la chose, attendu que le bien est la fin dernière de tout ce qui se produit et se développe en ce monde. 6 Quoique nous ayons suffisamment expliqué ces quatre causes dans la Physique, [983b] nous repasserons cependant en revue les opinions de ceux qui nous ont précédé dans l'élude des êtres et qui ont cherché la vérité en philosophes; car il est certain qu'eux aussi ils admettaient des principes et des causes. Cet examen pourra être un préambule utile pour les études que nous faisons ici. Ou cet examen nous fera découvrir un nouvel ordre de cause, ou il nous confirmera d'autant plus complètement dans le système des quatre causes que nous venons d'indiquer. 7 C'est uniquement dans l'ordre de la matière que les premiers philosophes, ou du moins la plupart d'entre eux, ont cru découvrir les principes de tous les êtres. 8 En effet, ce qui constitue tous les êtres sans exception, ce qui est la source primordiale d'où ils sortent, ce qui est le terme où ils finissent par rentrer, quand ils sont détruits, substance qui au fond est persistante et qui ne fait que subir des modifications, ce fut là, aux yeux de ces philosophes, l'élément des choses et leur principe; ils en conclurent que d'une manière absolue rien ne naît et que rien ne périt, puisque cette nature, telle qu'ils la comprenaient, se conserve el subsiste perpétuellement. 9 De même qu'on ne peut pas dire de Socrate, d'une manière absolue, qu'il est produit et qu'il naît, par cela seul qu'il devient beau ou qu'il devient savant, el que l'on ne dit pas non plus qu'il périt absolument quand il ne perd qu'une de ces manières d'être, par cette excellente raison que le sujet qui est Socrate lui-même n'en subsiste pas moins ; de même, selon ces premiers philosophes, aucun des autres êtres ne se produit ni ne périt absolument. 10 Car il faut que ce soit ou une nature unique ou des natures multiples, d'où tout le reste puisse sortir, puisque cette nature demeure et persiste toujours. 11 Cependant, quand il s'agît de déterminer le nombre de ces principes ou la nature spéciale de ce principe unique, les opinions ne sont plus unanimes. 12 Par exemple, Thalès, auteur et chef de ce système de philosophie, prétendit que l'eau est le principe de tout, et c'est là ce qui lui fît affirmer aussi que la terre repose et flotte sur l'eau. Probablement, il tira son hypothèse de ce fait d'observation que la nourriture de tous les êtres est toujours humide, que la chaleur même vient de l'humidité, et que c'est l'humidité qui fait vivre tout ce qui vit. C'est ainsi que l'élément d'où proviennent quelques-unes des choses parut à Thalès le principe de toutes choses sans exception. 13 A ce premier motif, qui déjà lui suffisait, il ajouta cette autre observation, que les germes de tous les êtres sont de nature humide, et que l'eau est le principe naturel de tous les corps humides. 14 C'est là, du reste, l'opinion que l'on prête aussi quelquefois aux plus anciens philosophes, qui ont de beaucoup précédé notre âge, et aux premiers Théologies, qui, dit-on, ont compris la nature comme la comprenait Thalès. Pour eux, en effet, l'Océan et Téthys passaient pour les auteurs de toute génération ; les dieux ne juraient que par l'eau que les poètes nommaient le Styx ; or, ce qu'il y a de plus ancien est aussi ce qui est le plus sacré, et rien n'est plus sacré que la chose par laquelle on jure. 15 [984b] Du reste, que cette antique et vieille idée de la nature ait été réellement professée, c'est ce qu'on ne sait pas très clairement. Mais le système qu'on vient d'attribuer à Thalès sur la cause première a certainement été le sien. 16 Hippon est digne à peine d'être compté parmi ces philosophes, attendu que ses doctrines sont par trop arbitraires. 17 Anaximène et Diogène ont cru l'air antérieur à leau, et ils l'ont regardé comme le principe essentiel des corps simples. 18 Pour Hippase de Métaponte et Heraclite d'Ephèse, ce principe était le feu. 19 Empédocle reconnut les quatre éléments, en ajoutant aux trois précédents la terre, qui forma le quatrième. Il supposait que ces éléments sont éternels, et que jamais ils ne se manifestent qu'en se réunissant et en se désunissant, en plus ou moins grande quantité, selon qu'ils se combinent dans l'unilé, ou qu'ils sortent de l'unité formée par eux. 20 Anaxagore de Clazomène, qui était plus ancien qu'Empédocle, mais qui en réalité ne s'est montré qu'après lui, a prétendu que les principes sont infinis. Dans son opinion, les corps à parties similaires (homœoméries), tels que sont l'eau et le feu, ne naissent et ne périssent guère qu'en tant qu'ils se combinent et se divisent ; mais, sous tout autre rapport, ces corps ne sont exposés ni à naître ni à périr, attendu qu'ils sont éternels, dans le système d'Anaxagore. 21 D'après toutes ces théories, on aurait donc pu supposer qu'il n'y a qu'une seule cause, celle qui, dans la nature, se présente à nous sous forme de matière. 22 Mais à mesure qu'on avança dans cette voie, la réalité elle-même traça la route aux philoso-phes, et leur imposa la nécessité d'une recherche plus profonde. En effet, si toute destruction et toute production ne peuvent s'appliquer jamais qu'à un sujet, que ce sujet soit d'ailleurs unique ou multiple, comment ce phénomène de changement a-t-il eu lieu, et quelle en est la cause ? Evidemment, ce n'est pas le sujet lui-même où se passe le changement qui peut s'imposer les changements qu'il subit ; je veux dire, par exemple, que ce n'est ni le bois, ni l'airain, qui sont cause des changements que chacun d'eux éprouve. Ce n'est pas le bois apparemment qui fait le lit; ce n'est pas l'airain qui fait la statue; mais la cause du changement éprouvé est étrangère à l'objet qui l'éprouve. 23 Or, chercher cette cause, c'est chercher un principe tout autre ; et ce principe-là, comme nous proposerions de l'appeler, c'est le principe d'où part le mouvement. Mais ceux qui tout-à-fait les premiers ont mis la main à celte étude, et qui ont déclaré que le sujet des phénomènes est absolument un, n'ont pas vu en cela la moindre difficulté. 24 Néanmoins, quelques-uns de ceux qui soutenaient ce système de l'unité, vaincus en quelque sorte par la grandeur de cette recherche, affirmèrent que l'unité est absolument immobile, et que la nature tout entière est immobile aussi, non pas seulement parce qu'elle ne subit pas les alternatives de production et de destruction, doctrine fort ancienne et unanimement adoptée, mais en outre parce qu'elle est soustraile à toute autre espèce de changement. Cette négation du mouvement est une doctrine qui appartient en propre à ces philosophes. 25 [984b] Ainsi, parmi tous ceux qui soutiennent l'unité des choses et du Tout, il n'en est pas un qui ait reconnu la cause qui produit le mouvement, si ce n'est peut-être Parménide ; et encore lui-même ne l'a-t-il dis-cernée que dans cette mesure où l'on peut dire de lui qu'il n'admet pas seulement l'unité de cause, mais que bien plutôt il admet en quelque sorte deux causes. 26 Quant aux philosophes qui croient à plusieurs principes et qui admettent par exemple le froid et le chaud, ou le feu et la terre, ceux-là peuvent admettre plus aisément le principe du mouvement; car, selon leurs idées, le feu est animé d'une nature essentiellement mobile, tandis qu'ils attribuent à l'eau, à la terre et aux corps analogues, une action précisément toute opposée. 27 Mais, après tous ces philosophes, et après tous ces principes qui étaient impuissants à expliquer la production et la nature des êtres, les sages ont été contraints, comme je le disais, par la vérité elle-même, à chercher le principe qui était la conséquence inévitable de celui qu'ils admettaient; car ce qui fait que certaines choses sont bonnes et belles et que d'autres le deviennent, ce ne peut être vraisemblablement ni la terre, ni aucun élément de cet ordre, qui en soit la cause. D'ailleurs, il n'est pas non plus vraisemblable que ces philosophes aient conçu une si grossière idée ; et, en effet, il serait par trop déraisonnable de s'en remettre pour une chose aussi importante que celle-là à l'action d'une cause fortuite et à l'action du hasard. 28 Aussi, quand un homme vint proclamer que c'est une Intelligence qui, dans la nature aussi bien que dans les êtres animés, est la eause de Tordre et de la régularité qui éclatent partout dans le monde, ce personnage fît l'effet d'avoir seul sa raison, et d'être en quelque sorte à jeun après les ivresses extravagantes de ses devanciers. 29 Nous pouvons croire avec certitude que c'est Anaxagore qui a soutenu des opinions aussi sages ; mais avant lui, Hermotime de Glazomène avait déjà signalé cette cause. 30 Ce sont donc les philosophes, partisans de ce système, qui, en même temps, ont établi que la cause qui fait que tout est bien dans le monde est aussi la cause d'où part le mouvement, dont est animé tout ce qui existe |
§ 1. La connaissance des causes premières. On pourrait traduire aussi : Des causes initiales, comme je l'ai fait à, la fin de ce §. Il faut peut-être réserver l'expression de Causes premières pour les Causes universelles des choses. — Qu'il en connaît la cause initiale. C'est le principe répété bien des fois par Aristote et qui est profondément vrai. § 2. Quatre sens différents, c'est-à-dire qu'il y a quatre sortes ou espèces différentes de causes. — Le pourquoi primitif. Cette formule est un peu étrange ; mais j'ai dû la prendre afin d'é-viter des périphrases trop longues. Pourquoi une chose est-elle ce qu'elle est? On peut à cette question répondre succes-sivement par des explications dont la précédente implique la suivante; mais, en dernier lieu, le pourquoi de la chose se réduit à dire qu'elle est parce qu'elle est. C'est la limite où l'esprit de l'homme doit s'arrêter. Alexan-dre d'Àphrodise prend le feu pour exemple : Pourquoi le feu brûle-t-il? On arrive en définitive à dire qu'il brûle parce qu'il brûle; et la chaleur, dont le feu est doué naturellement, est sa définition. § 3. Une seconde cause. J'ai précisé le texte, afin que la pen-sée fût plus claire. § 4. La troisième cause. Même remarque. § 5. A l'opposé de celle-là. Le but est la fin du mouvement, de même que la cause motrice en est l'origine — Le but final pour lequel la chose est faite. Le texte n'est pas tout-à-fait aussi précis. § 6. Dans la Physique. Ces quatre causes sont expliquées tout au long dans la Physique, t. II, ch. iii, § 2, pages 20 et suivantes de ma traduction. — Les opinions de ceux qui nous ont précédé. C'est un soin qu'Aristote a toujours pris, et l'on peut trouver, dans la plupart de ses ouvrages, l'application de cette sage méthode : savoir ce qu'on a fait avant lui sur le sujet qu'il traite. C'est une prudence et une modestie rares, qui ajoutent quelque chose au génie, sans lui rien ôter de sa force et de son indépendance. — Ou cet examen. Voilà l'avantage évident de cette revue des travaux antérieurs. § 9. Qu'il est produit et qu'il devient II n'y a qu'un seul mot dans le texte. L'idée de Devenir implique nécessairement l'idée d'existence; pour devenir quelque chose, il laut d'abord être.
—
Des autres êtres, soit animés, soit inanimés. Sous toutes les
modifications, il y a quelque chose qui subsiste et ne change pas,
comme le dit le § suivant. C'est
ce qu'on appelle la Substance. § 10. Une nature. C'est le mot même du texte ; on pourrait traduire aussi : « Une substance naturelle ». Cette dernière ve-sion s'accorderait peut-être mieux avec ce qui suit. § 11. Le nombre... ou la nature spéciale... Voir la même pensée, Traité de l'Âme, liv. I, ch. ii, § 9, p. 114 de ma traduction. § 12. Thalès. Thalès passe pour le plus ancien des philosophes grecs; il serait impossible de préciser le temps où il a vécu ; mais on peut rapporter son exis-tence d'une manière approxima-tive à l'an 600 avant J.-C. C'est près de trois siècles avant Aristote. Le premier témoignage sur Thalès est celui d'Hérodote, liv. I, ch. CLXX, p. 56, édition Firmin-Didot ; Hérodote faisait descendre Thalès d'une famille phénicienne établie à Milet. Voir sur Thalès la Philosophie des Grecs, de H. Ed. Zeller, t. I, p. 165 et suiv. — Auteur et chef de ce système de philosophie, et non, d'une manière générale, « Fondateur de la philosophie», comme l'ont cru quelques commentateurs. On sait, d'ailleurs, que Thalès n'avait rien écrit. — La terre repose et flotte sur l'eau. Voir le Traité du ciel, liv. II, ch. xin, § 7, p. 194 de ma traduction. Àristote a parlé plusieurs fois de Thalès, et avec plus d'estime qu'il ne semble en avoir ici. — La nourriture de tous les êtres est toujours humide. Il est vrai qu'il y a une partie des aliments qui est humide ; mais il y en a aussi une bonne partie qui est sèche, et l'observation de Thalès ne serait pas exacte. — La chaleur même vient de l'humidité. Il n'y a pas à s'arrêter beaucoup à ces explications physiques. Dans le Traité de l'âme, liv. 1, ch. n, § 18, p. 118 de ma traduction, Aristote prête une partie de ces doctrines sur l'eau non point à Thalès, mais à Hippon ; voir plus bas, § 16. § 13. Les germes de tous les êtres sont de nature humide. Voir le Traité d* l'âme, loc. cit. § 14. Aux plus anciens philosophes. Il n'y a guère avant Thalès d'autres philosophes que les Théologues, dont il est question un peu plus bas ; mais ici la contexture de la phrase semble distinguer les uns et les autres, quoique des traducteurs paraissent les avoir confondus. — Aux premiers Théologues. Alexandre d'Àphrodise croit qu'Àristote veut désigner ici Homère et Hésiode. On pourrait sans doute ajouter Orphée. — L'Océan et Téthys, Platon dans le Cratyle, p. 55, traduction de M. V. Cousin, cite des vers d'Homère, d'Hésiode et d'Orphée, où se retrouvent des idées analogues. — Les poètes. C'est Homère qui est certainement désigné ici; voir l'Iliade, chant xv, vers 37 et 38 : « Et l'eau noire du Styx en ses torrents secrets, Le plus grand des serments que les dieux font jamais! » § 15. Antique et vieille idée. Les deux épithètes sont dans le texte. Cette idée est celle des Théologues et des poètes qu'Aristote vient d'indiquer, et qui étaient de quatre ou cinq siècles antérieurs à Thalès lui-même. § 16. Hippon. Aristote le cite avec aussi peu d'estime dans le Traité de VAme, liv, I, ch. ii, § 18, p. 118 de ma traduction. — Arbitraires. C'est la traduction exacte du mot grec dans toute sa force ; mais on pourrait traduire aussi : « Par trop simples ». Dans le Traité de l'Ame, Aristote est plus sévère, et il critique la grossièreté de cette doctrine. Hippon, d'ailleurs, quoique cité ici après Thalès, est beaucoup plus récent, et l'on croit même qu'il vivait du temps de Socrate et de Périclès. § 17. Anaximène. Voir le traité d'Aristote sur Mélissus, Xénophane et Gorgias, ch. ii, § 7, p. 228 de ma traduction. On ne sait presque rien sur Anaximène; voir M. Ed. Zeller, la Philosophie des. Grecs, t. 1, p. 205. On croit qu'Anaximène vivait vers la fin du vi* siècle et le commencement du v* avant l'ère chrétienne. Il était de Milet. — Diogène, d'Apollonie, en Crète. On ne sait guère plus de lui que d'Anaximène ; voir M. Zeller, loc. cit., p. 218. On présume qu'il a dû être contemporain d'Anaxagore. — Des corps simpies. C'est l'expression même du texte. Les Corps simples sont les Éléments. § 18. Hippase de Métaponte. Hippase n'est guère connu que pour avoir partagé cette opinion d'Heraclite; Aristote ne le nomme que dans ce passage. Il parait bien que Hippase était un Pythagoricien. Métaponte était une ville de Lucanie, sur le golfe de Tarente, fondée par les Grecs avant l'époque de Pythagore; elle joua un rôle dans la seconde guerre punique, en prenant parti pour Annibal. — Heraclite d'Éphèse. On ne sait pas au juste l'époque où Heraclite naquit et mourut; mais on peut affirmer d'une manière générale qu'il est né vers la fin du vi« siècle et qu'il est mort vers le milieu du v« av. J.-C, âgé de soixante ans. Ses doctrines sont bien connues, et Aristote en parle toujours avec grands éloges.VoirM. Ed. Zeller, Philosophie des Grecs, t. I, p. 523 et suiv. § 19. Empédocle. Aristote fait au moins autant de cas d'Empédocle que d'Heraclite ; il le cite très souvent dans tous ses ouvrages de philosophie. Empédocle était d'Agrigente en Sicile. Selon M. Ed. Zeller, Philosophie des Grecs, t. I, p. 605, il est possible qu'Empédocle ait vécu de 496 à 432 av. J.-C. — Les quatre éléments, l'eau, l'air, le feu et la terre. — Jamais ils ne se manifestent, mot à, mot : « Ils ne deviennent ». — Se combinent dans l'unité, ou qu'ils sortent de l'unité. Quelques commentateurs ont cru que par l'Unité il fallait entendre ici le Sphœrus, qui, tour à tour, selon le système d'Empédocle, s'enveloppe en lui-même ou se développe ; voir les Fragments d'Empédocle, édition Firmin-Didot, p. 2 et 3, vers 59, 70 et 100. § 20. Anaxagore de Clazomène. On ne sait pas pour Anaxagore plus que pour Empédocle l'époque précise de sa naissance, et celle de sa mort; mais, puisque Aristote le fait un peu plus vieux qu'Empédocle, on peut croire qu'il est né vers la fin du vi« siècle. Clazomène était une des douze villes de la ligue Ionienne ; elle était située au nord du golfe de Smyrne. — En réalité. L'expression du texte permettrait aussi de traduire : « Mais dont les œuvres n'ont paru que plus tard». C'est le sens qu'ont adopté quelques commentateurs. — Les corps à parties similaires. C'est la paraphrase du mot grec. — Sous tout autre rapport. Par un changement très léger dans le texte, on pourrait traduire : « Mais absolument parlant ». Aristote a encore comparé Anaxagore et Empédocle dans le Traité du Ciel, liv. III, ch. iii, § 4, p. 246 de ma traduction. Voir sur Anaiagore un peu plus bas § 28, et ch. vu, § 13. § 21. Qui se présente à nous sous forme de matière, ou : « La cause matérielle ». Ma traduc-tion est le mot à mot du texte. § 22. La réalité elle-même traça la route. Il faut remarquer cette vivacité d'expression, peu habi-tuelle au style sévère d'Aristote. — Mais la cause du changement. Cette objection est en effet toute-puissante; et, pour y échapper, les philosophes, tels que les Éléates par exemple, ont nié la réalité du mouvement, que tout atteste cependant autour de nous et en nous; voir plus bas, § 24. § 23. C'est le principe d'où part le mouvement. En d'autres termes, la cause motrice, qu'Aristote fait remonter jusqu'à Dieu méme , pour expliquer l'ordre admirable de l'univers. § 24. La grandeur de cette recherche. Voir plus haut, § 22, et plus bas, § 27. — Unanimement adoptée. C'est-à-dire que tout le monde convient que la nature, ou l'univers, est éternelle ; et qu'elle n'a pu naître, de même qu'elle ne peut périr. — Cette négation du mouvement. Le texte n'est pas tout-à-fait aussi précis. § 25. Si ce n'est peut-être Parménide, On ne sait pas très exactement Tépoque de Parménide. Dans le Théétète, p. 154, traduction de M. V. Cousin, Socrate se vante d'avoir connu, étant fort jeune, Parménide, qui était très vieux, et qui était venu à Athènes en compagnie de Zenon d'Élée. Dans le Parménide, qui est la re-production de l'entretien de Socrate avec les deux Éléates, p. 5 et 6, même traduction, Platon donne à Parménide soixante-cinq ans et à Zenon quarante ans environ , quand Socrate est en rapport avec eux. Si l'on donne vingt ans à Socrate, l'entretien qu'il a eu avec les deux Éléates remontrait à l'an 450 à peu près, et Parménide serait né vers 515 av. J.-C. Dans le Sophiste, p. 223 même traduction, Platon rappelle encore cette entrevue de Socrate et de Parménide. Quant aux doctrines de Parménide, voir ses fragments, vers 113, p. 125, édition Firmin-Didot ; voir aussi M. Ed. Zeller, Philosophie des Grecs, t. I, p. 468 et suiv. Voir plus loin sur Parménide, ch. v, §§ 15 et 17. § 26. Quant aux philosophes, Dans le Sophiste, p. 241, traduction de M. V. Cousin, Platon parle aussi d'un philosophe qui admet deux principes, le froid et le chaud ; mais il ne nomme pas ce philosophe, pas plus qu'Aris-tote ne le fait ici pour les autres. On a présumé que ce pouvait être Àrchélaûs, disciple d'Anaxagore; mais ce n'est pas certain. § 27. A expliquer la production. Le texte n'est pas aussi développé. — Comme je le disais. Voir plus haut, § 22. — Certaines choses sont bonnes. Le bien étant le but final des êtres et de l'univers entier, c'est de la cause finale qu'il s'agit ici. — Une chose aussi importante. C'est-à-dire, ce que Aristote appelle plus bas, § 28, l'ordre admirable de l'univers. § 28. Aussi quand un homme, Il est difficile de faire un plus magnifique éloge de quelqu'un ; et la phrase d'Aristote prend une gravité solennelle, pour annoncer cette grande découverte d'Anaxa-gore. — Et d'étre en quelque sorte à jeun. J'ai tenu à rendre la force de l'expresion grecque. Anaxagore paraît auprès de ses devanciers comme un homme à j eun au milieu de gens ivres ; l'expression est forte. § 29. Nous pouvons croire avec certitude. Cette gloire attribuée à Anaxagore par un si haut témoignage a été ratifiée par les siècles. — Hermotime de Clazomène. On ne connaît Hermotime que par ce passage d'Aristote, dont les historiens de la philosophie n'ont peut-être pas tenu assez de compte. Dans la pensée d'Aristote, il paraît bien que Hermotime n'est rien moins qu'un précurseur d'Anaxagore. Il est possible qu'il fasse encore allusion à Hermotime, quand il parle d'un philosophe qui a pensé comme Anaxagore sur le rôle de l'Intelligence dans le monde, Traité de l'Ame, liv. I, ch. ii, § 5, p. ili de ma traduction. § 30. Qui fait que tout est bien. Voir plus haut, § 27. — La cause d'où part le mouvement. C'est-à-dire, la cause motrice, qui aboutit au bien, cause finale. |
Hésiode et Parménide ; puissance de l'Amour ; Empédocie admet deux principes : l'Amour et la Discorde; citation de la Physique ; insuffisance de tous ces systèmes ; critique d'Empédocle; ses défauts et ses mérites; Anaxagore; Leucippe et Démocrite; leurs systèmes du plein et du vide; ils expliquent tous les phénomènes à l'aide de trois différences. Résumé sur les deux causes, substance et mouvement. |
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1 Ὑποπτεύσειε δ' ἄν τις ῾Ησίοδον πρῶτον ζητῆσαι τὸ τοιοῦτον, κἂν εἴ τις ἄλλος ἔρωτα ἢ ἐπιθυμίαν ἐν τοῖς οὖσιν ἔθηκεν [25] ὡς ἀρχήν, οἷον καὶ Παρμενίδης· καὶ γὰρ οὗτος κατασκευάζων τὴν τοῦ παντὸς γένεσιν Πρώτιστον μέν (φησιν) ἔρωτα θεῶν μητίσατο πάντων Ησίοδος δὲ Πάντων μὲν πρώτιστα χάος γένετ', αὐτὰρ ἔπειτα
γαῖ' εὐρύστερνος . . . 2 ὡς δέον ἐν τοῖς [30] οὖσιν ὑπάρχειν τιν' αἰτίαν ἥτις κινήσει καὶ συνάξει τὰ πράγματα. Τούτους μὲν οὖν πῶς χρὴ διανεῖμαι περὶ τοῦ τίς πρῶτος, ἐξέστω κρίνειν ὕστερον· 3 ἐπεὶ δὲ καὶ τἀναντία τοῖς ἀγαθοῖς ἐνόντα ἐφαίνετο ἐν τῇ φύσει, καὶ οὐ μόνον τάξις καὶ τὸ καλὸν ἀλλὰ καὶ ἀταξία καὶ τὸ αἰσχρόν, [985a] [1] καὶ πλείω τὰ κακὰ τῶν ἀγαθῶν καὶ τὰ φαῦλα τῶν καλῶν, οὕτως ἄλλος τις φιλίαν εἰσήνεγκε καὶ νεῖκος, ἑκάτερον ἑκατέρων αἴτιον τούτων. 4 Εἰ γάρ τις ἀκολουθοίη καὶ λαμβάνοι πρὸς τὴν διάνοιαν [5] καὶ μὴ πρὸς ἃ ψελλίζεται λέγων ᾿Εμπεδοκλῆς, εὑρήσει τὴν μὲν φιλίαν αἰτίαν οὖσαν τῶν ἀγαθῶν τὸ δὲ νεῖκος τῶν κακῶν· ὥστ' εἴ τις φαίη τρόπον τινὰ καὶ λέγειν καὶ πρῶτον λέγειν τὸ κακὸν καὶ τὸ ἀγαθὸν ἀρχὰς ᾿Εμπεδοκλέα, τάχ' ἂν λέγοι καλῶς, εἴπερ τὸ τῶν ἀγαθῶν ἁπάντων αἴτιον [10] αὐτὸ τἀγαθόν ἐστι [καὶ τῶν κακῶν τὸ κακόν]. 5 Οὗτοι μὲν οὖν, ὥσπερ λέγομεν, καὶ μέχρι τούτου δυοῖν αἰτίαιν ὧν ἡμεῖς διωρίσαμεν ἐν τοῖς περὶ φύσεως 6 ἡμμένοι φαίνονται, τῆς τε ὕλης καὶ τοῦ ὅθεν ἡ κίνησις, ἀμυδρῶς μέντοι καὶ οὐθὲν σαφῶς ἀλλ' οἷον ἐν ταῖς μάχαις οἱ ἀγύμναστοι ποιοῦσιν· καὶ γὰρ ἐκεῖνοι περιφερόμενοι [15] τύπτουσι πολλάκις καλὰς πληγάς, ἀλλ' οὔτε ἐκεῖνοι ἀπὸ ἐπιστήμης οὔτε οὗτοι ἐοίκασιν εἰδέναι ὅ τι λέγουσιν· σχεδὸν γὰρ οὐθὲν χρώμενοι φαίνονται τούτοις ἀλλ' ἢ κατὰ μικρόν. 7 ᾿Αναξαγόρας τε γὰρ μηχανῇ χρῆται τῷ νῷ πρὸς τὴν κοσμοποιίαν, καὶ ὅταν ἀπορήσῃ διὰ τίν' αἰτίαν [20] ἐξ ἀνάγκης ἐστί, τότε παρέλκει αὐτόν, ἐν δὲ τοῖς ἄλλοις πάντα μᾶλλον αἰτιᾶται τῶν γιγνομένων ἢ νοῦν, 8 καὶ ᾿Εμπεδοκλῆς ἐπὶ πλέον μὲν τούτου χρῆται τοῖς αἰτίοις, οὐ μὴν οὔθ' ἱκανῶς, οὔτ' ἐν τούτοις εὑρίσκει τὸ ὁμολογούμενον. Πολλαχοῦ γοῦν αὐτῷ ἡ μὲν φιλία διακρίνει τὸ δὲ νεῖκος συγκρίνει. [25] Ὅταν μὲν γὰρ εἰς τὰ στοιχεῖα διίστηται τὸ πᾶν ὑπὸ τοῦ νείκους, τότε τὸ πῦρ εἰς ἓν συγκρίνεται καὶ τῶν ἄλλων στοιχείων ἕκαστον· ὅταν δὲ πάλιν ὑπὸ τῆς φιλίας συνίωσιν εἰς τὸ ἕν, ἀναγκαῖον ἐξ ἑκάστου τὰ μόρια διακρίνεσθαι πάλιν. 9 ᾿Εμπεδοκλῆς μὲν οὖν παρὰ τοὺς πρότερον πρῶτος [30] τὸ τὴν αἰτίαν διελεῖν εἰσήνεγκεν, οὐ μίαν ποιήσας τὴν τῆς κινήσεως ἀρχὴν ἀλλ' ἑτέρας τε καὶ ἐναντίας, ἔτι δὲ τὰ ὡς ἐν ὕλης εἴδει λεγόμενα στοιχεῖα τέτταρα πρῶτος εἶπεν (οὐ μὴν χρῆταί γε τέτταρσιν ἀλλ' ὡς δυσὶν οὖσι μόνοις, [985b] [1] πυρὶ μὲν καθ' αὑτὸ τοῖς δ' ἀντικειμένοις ὡς μιᾷ φύσει, γῇ τε καὶ ἀέρι καὶ ὕδατι· λάβοι δ' ἄν τις αὐτὸ θεωρῶν ἐκ τῶν ἐπῶν)· 10 Οὗτος μὲν οὖν, ὥσπερ λέγομεν, οὕτω τε καὶ τοσαύτας εἴρηκε τὰς ἀρχάς· 11 Λεύκιππος δὲ καὶ ὁ ἑταῖρος [5] αὐτοῦ Δημόκριτος στοιχεῖα μὲν τὸ πλῆρες καὶ τὸ κενὸν εἶναί φασι, λέγοντες τὸ μὲν ὂν τὸ δὲ μὴ ὄν, τούτων δὲ τὸ μὲν πλῆρες καὶ στερεὸν τὸ ὄν, τὸ δὲ κενὸν τὸ μὴ ὄν (διὸ καὶ οὐθὲν μᾶλλον τὸ ὂν τοῦ μὴ ὄντος εἶναί φασιν, ὅτι οὐδὲ τοῦ κενοῦ τὸ σῶμἀ, αἴτια δὲ τῶν ὄντων ταῦτα ὡς [10] ὕλην. 12 Καὶ καθάπερ οἱ ἓν ποιοῦντες τὴν ὑποκειμένην οὐσίαν τἆλλα τοῖς πάθεσιν αὐτῆς γεννῶσι, τὸ μανὸν καὶ τὸ πυκνὸν ἀρχὰς τιθέμενοι τῶν παθημάτων, τὸν αὐτὸν τρόπον καὶ οὗτοι τὰς διαφορὰς αἰτίας τῶν ἄλλων εἶναί φασιν. Ταύτας μέντοι τρεῖς εἶναι λέγουσι, σχῆμά τε καὶ τάξιν καὶ [15] θέσιν· 13 διαφέρειν γάρ φασι τὸ ὂν ῥυσμῷ καὶ διαθιγῇ καὶ τροπῇ μόνον· τούτων δὲ ὁ μὲν ῥυσμὸς σχῆμά ἐστιν ἡ δὲ διαθιγὴ τάξις ἡ δὲ τροπὴ θέσις· διαφέρει γὰρ τὸ μὲν Α τοῦ Ν σχήματι τὸ δὲ ΑΝ τοῦ ΝΑ τάξει τὸ δὲ Ζ τοῦ Η θέσει. 14 Περὶ δὲ κινήσεως, ὅθεν ἢ πῶς ὑπάρξει τοῖς οὖσι, καὶ [20] οὗτοι παραπλησίως τοῖς ἄλλοις ῥᾳθύμως ἀφεῖσαν.
15
Περὶ μὲν οὖν τῶν δύο αἰτιῶν, ὥσπερ λέγομεν, ἐπὶ τοσοῦτον ἔοικεν
ἐζητῆσθαι παρὰ τῶν πρότερον. |
1 On pourrait soupçonner qu'Hésiode a été le premier à exprimer une opinion de ce genre, ou attribuer aussi cette doctrine à tel autre philosophe qui, comme Parménide, a pris l'Amour et le Désir pour le principe universel des choses. Parménide, en effet, voulant expliquer l'origine de l'univers, a dit : Il a formé l'Amour avant les autres Dieux. Et Hésiode s'exprime à peu près de même :
Tout d'abord le Chaos apparut sur les ondes ;
2 Cela revenait à supposer qu'il doit y avoir dans tout ce qui est une cause intime, qui met les choses en mouvement et qui les conserve. Quant à savoir à qui, parmi ces philosophes, doit appartenir réellement le premier rang, qu'on nous permette de renvoyer notre jugement un peu plus loin. 3 Cependant, comme il était facile de remarquer que, dans la nature, il y a bien des choses contraires à celles qui nous semblent bonnes, et qu'on y trouve non pas seulement l'ordre et la beauté, mais aussi le désordre et la laideur, [985a] le mal étant plus répandu que le bien, et les vilaines choses étant plus nombreuses que les belles, il y eut un philosophe qui, pour expliquer ces contrastes, imagina le système de l'Amour et de la Discorde, qui devaient être l'un et l'autre les causes de ces phénomènes contraires. 4 En nous attachant au fond de cette pensée, et en la suivant dans ses vraies conséquences, sans nous arrêter aux arguments que bégaie Empédocle, nous reconnaîtrons que, selon lui, l'Amour est la cause de tous les biens de ce monde, tandis que la Discorde est la cause de tous les maux. Par conséquent, si l'on soutient qu'en un sens Empédocle a pu dire, et qu'il a dit le premier, que le mal et le bien sont les principes de tout, on ne laisse pas d'être dans le vrai, puisqu'en effet, c'est le bien en soi qui est essentiellement la cause de tous les biens particuliers, de même que c'est le mal en soi qui est la cause de tous les maux. 5 Tels sont donc, d'après ce que nous venons d'exposer, les philosophes qui ont touché à cette théorie des deux causes, et voilà jusqu'à quel point ils ont poussé leurs recherches; les deux causes étant et le principe de la matière et le principe du mouvement, ainsi que nous l'avons montré dans notre Physique. 6 Mais leurs systèmes sont restés incomplets et obscurs ; et ces philosophes ressemblent assez à des hommes qui marcheraient au combat sans avoir fait d'exercices préalables; sans doute des soldats inexpérimentés peuvent, emportés par leur courage, frapper souvent de très-beaux coups ; mais ils se battent sans la moindre science de la guerre. De même, ces philosophes semblent parler sans trop se rendre compte de ce qu'ils disent ; car on ne voit pas qu'ils aient su tirer aucun parti de leurs principes; ou du moins, l'usage qu'ils en font est très-insuffisant. 7 Ainsi Anaxagore, voulant expliquer la création des choses, se sert de l'Intelligence comme d'une véritable machine; et s'il est embarrassé pour assigner la cause d'un phénomène nécessaire, il fait sortir l'Intelligence juste à point ; mais en général il s'adresse à toute autre cause plutôt qu'à elle pour expliquer les phénomènes de la nature. 8 EmpédocIe a recours à ses principes plus fréquemment qu'Anaxagore n'a recours aux siens ; mais, lui aussi, il est d'une grande insuf-fisance. Un autre défaut, c'est qu'il n'est pas toujours d'accord avec lui-même ; car, dans ses explications, c'est bien souvent l'Amour qui désunit, et la Discorde qui rapproche. Ainsi, quand, selon lui, le Tout se divise dans les élé-ments qui le forment sous l'impulsion de la Discorde, le feu, dans les idées d'Empédocle, n'en est pas moins toujours réuni en une seule masse, comme chacun des autres éléments. Et d'autre part, quand tous les éléments constituent une immense unité sous l'impulsion de l'Amour, les parties n'en doivent pas moins nécessairement se séparer de nouveau dans chacun des éléments. 9 Ce qui est à l'honneur d'Empédocle, c'est que, parmi tous ses devanciers, il est le premier qui ait introduit la cause motrice dans les recherches philosophiques, bien qu'en la divisant en deux, puisqu'il n'assigne pas une cause unique au mouvement, et qu'il le fait venir de deux causes contraires l'une à l'autre. Il faut lui rendre encore cette autre justice que c'est lui qui le premier fixa à quatre le nombre des éléments, considérés au point de vue de la matière; mais il faut aussi reconnaître qu'il n'emploie pas toujours ces quatre éléments, et qu'il les réduit d'ordinaire à deux, [985b] en considérant le feu isolément, et en lui opposant les trois autres, la terre, l'air et l'eau, qu'il réunit en une seule nature. C'est ce dont on peut s'assurer en consultant ses vers. 10 Voilà donc, encore une fois, comment Empédocle a envisagé les principes et à quel nombre il les a portés. 11 Leucippe et son ami Démocrite ont admis pour éléments le plein et le vide, qui, suivant eux, sont en quelque sorte l'Être et le Non-Être ; le plein et le dense représentent l'Être ; le vide et le rare représentent le Non-Être. De là vient qu'ils soutiennent que l'Être n'existe pas plus que le Non-Être, attendu qu'à leur sens le vide n'existe pas plus que le plein ou corps solide. 12 D'ailleurs, ce sont là, dans leur système, les causes purement matérielles des êtres; et de même que les philosophes qui ne reconnaissent qu'une seule substance constitutive des choses, ne regardent les autres phénomènes que comme des modifications de cette substance unique, de même, en prenant le rare et le dense pour les principes de ces modifications, Leucippe et Démocrite admettent que ce sont certaines différences qui sont les seules causes de tout le reste des phénomènes, 13 Toutefois, ils réduisent ces différences à trois : la forme, l'ordre et la position. A les entendre, l'Être ne peut avoir de dif-férences qu'à ces trois égards : configuration, contact et tournure ; et de ces trois termes, la configuration répond à la forme ; le contact répond à l'ordre; et la tournure, à la position. Par exemple, la lettre A diffère de la lettre N par la forme ; AN diffère de NA par Tordre ; et Z diffère de N par la position. 14 Quant au mouvement qui anime les êtres, quant à son origine et à ses espèces, ce sont là des questions que Leu-cippe et Démocrite n'ont pas abordées, montrant en ceci la même négligence que tous les autres philosophes. 15 En résumé, voilà les recherches qui ont été faites jusqu'ici sur deux des causes que nous avons indiquées, et tel est le point exact où ces recherches se sont arrêtées. |
§ 1. Comme Parménide. Voir les Fragments de Parménide, vers 131, édition Finnin-Didot. — Hésiode. Voir la Théogonie, vers 116-120, p. 3, édition Finnin-Didot. On a remarqué que le dernier vers n'est pas précisément dans Aristote celui que nous avons dans la Théogonie. Il est possible que ce soit de la part d'Aristote une erreur de mémoire. D'ailleurs, le sens est peu différent. Voir aussi la citation plus loin, ch. vii, § 8. § 2. Un peu plus loin. Aristote n'a jamais tenu cette promesse, qu'il se fait ici à lui-même et qu'il fait à ses lecteurs. Mais, à la manière dont il parle d'Anaxagore, il est bien probable que c'est à lui qu'il donnait la préférence. § 3. Le mal étant plus répandu que le bien. Ici je me permets de trouver l'opinion d'Aristote absolument fausse. J'ajoute que cette opinion pessimiste contredit tout son système sur l'ordre admirable de la nature, qu'elle contredit les éloges qu'il rient de donner à Anaxagore, et enfin qu'elle contredit le témoignage des faits. — Il y eut un philosophe. Ce philosophe est Empédocle, comme le montre la suite. — De ces phénomènes contraires. D'une manière générale : « Causes du bien et du mal. » § 4. Que bégaie Empédocle. Le jugement peut sembler un peu sévère ; et Aristote, en citant très souvent Empédocle, semble, dans bien des passages, avoir plus d'estime qu'il n'en a ici. — Et qu'il a dit le premier. C'est un grand éloge, malgré la critique qui précède. — Le bien en soi. Ceci parait rentrer dans la doctrine platonicienne des Idées, tant attaquée par Aristote. § 5. Dans notre Physique. Voir la Physique, liv. II, ch. ii et vii, p. 19 et 47 de ma traduction. Dans la Physique, Aristote ne se borne pas à ces deux causes; il fait la théorie des quatre causes telle qu'il la comprend, après toutes ses recherches personnelles, et toutes les recherches de la philosophie antérieure. § 6. A des hommes qui marcheraient au combat. Il faut remar-quer cette comparaison, forme de style peu habituelle à Aristote. — De très-beaux coups. C'est la traduction mot à mot du texte. § 7. Ainsi Anaxagore. Cette critique est une atténuation aux éloges qu'Ànaxagore a reçus un peu plus haut. — Comme d'une véritable machine. C'est le « Deus e machina » des Latins, qui ont peut-être emprunté cette formule à Aristote. C'est un reproche qu'on a fait à plus d'un philosophe. Platon, avant Aristote, s'était servi de cette comparaison ; voir le Craiyle, pages 116 et 117, traduction de M. Victor Cousin ; voir aussi la même objection de Socrate contre Anaxagore, Phédon, pages 276 et suivantes, tra-duction de M. V. Cousin. Aristote ne fait guère ici que résumer et copier son maître. § 8. Empédocie. Voir plus haut ce qui a été dit déjà sur Empédocie, §§ 3 et 4. — Toujours d'accord avec lui-même. Ce qui suit justifie cette interprétation.— Le tout» Ce qu'Empédocle appelle le Sphœrus. Voir la même critique répétée plus loin, livre III, ch. iv, § 18. § 9. Bien qu'en la divisant, entre l'Amour et la Discorde. — Deux causes contraires l'une à l'autre. Voir dans les vers d'Empédocle le rôle qu'il prête à l'Amour et à la Discorde. — A quatre le nombre des éléments. C'est une des théories principales de la philosophie grecque ; et elle est demeurée attachée au nom d'Empédocle .— Il les réduit... à deux. Voir la même critique, Traité de la Production et de la Destruction, liv. II,ch. m, § 6, p. 129 de ma traduction. — En consultant ses vers. Voir les Fragments d'Empédocle, édition Firmin-Di-dot, vers 79, 263 et 273. On ne trouve pas d'ailleurs dans les vers d'Empédocle, tels que nous les avons aujourd'hui, l'idée précise qu'indique Aristote; mais les poèmes d'Empédocle ont presque entièrement péri. § 11. Leucippe. On ne sait guère de Leucippe que ce qu'en dit ici Aristote ; dans le traité sur Mélissus, Xénophane et Gorgias, ch. vi, § 10, p. 264 de ma traduction, Aristote cite les Discours de Leucippe ; mais l'expression dont il se sert dans ce passage peut faire douter de l'authenticité de ces discours. Leucippe est surtout connu pour avoir été le maître de Démocrite. — Et son ami Démocrite. Le mot du texte que j'ai rendu par « ami » peut signifier aussi Compagnon, Contemporain et Disciple. Leucippe et Démocrite sont les fondateurs du système des Atomes. M. Ed. Zeller, Philosophie des Grecs, t. I, p. 684 et suiv., place la naissance de Démocrite à Abdère, vers l'an 460 avant J.-C.
— Le vide n'existe pas plus que le plein.
Logiquement et par la nécessité du parallélisme de la phrase
entière, il faudrait dire, comme le remarque M. Schwegler : « Le
corps n'existe pas plus que le vide. » Il n'est pas possible de
faire ce changement, bien qu'il semble pouvoir s'appuyer sur le com- § 12. Qui ne reconnaissent qu'une seule substance. Ce sont les philosophes Ioniens ; voir la Physique, liv. I, ch. v, § 2, p. 453 de ma traduction. Les philosophes que critique Aristote ne sont pas plus nommés dans ce passage qu'ils ne le sont ici; mais c'est des Ioniens certainement qu'il s'agit. § 13. Configuration, contact, et tournure. Les mots grecs ne sont pas plus précis que ceux dont je me sers dans la traduction; et Aristote cherche lui-même à les éclaircir, parce que, en effet, ils sont aussi obscurs dans sa langue que les mots correspondants peuvent l'être dans la nôtre. — Z difffre de N. En prenant ces deux lettres majuscules dans l'alphabet grec comme dans notre alphabet, il n'y a qu'une différence de position entre elles : l'une est debout, et l'autre est couchée. § 14. Quant au mouvement. Aristote a raison d'insister comme il le fait sur cette lacune de la philosophie atomistique. § 15. Deux des causes. La cause matérielle et la cause motrice. |
Philosophie des Pythagoriciens ; passionnés pour les mathéma-tiques, ils font des nombres les principes des choses ; leurs travaux sur l'harmonie musicale ; ils appliquent le nombre à l'explication des phénomènes célestes ; leurs hypothèses hasar-dées : l'Antichthôn ; ils font du nombre la cause matérielle des êtres ; théories de quelques autres Pythagoriciens ; la double série des dix principes opposés ; Alcméon de Crotone, plus jeune que Pythagore ; infériorité de son système ; philosophie de l'unité, Parménide et Mélissus ; Xénophane met l'unité en Dieu ; citation de la Physique ; Parménide forcé de rompre son unité et de reconnaître deux causes ; résumé de toutes les philosophies antérieures ; mérites et défauts des Pythagoriciens. |
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1 Ἐν δὲ τούτοις καὶ πρὸ τούτων οἱ καλούμενοι Πυθαγόρειοι τῶν μαθημάτων ἁψάμενοι πρῶτοι ταῦτά τε προήγαγον, καὶ [25] ἐντραφέντες ἐν αὐτοῖς τὰς τούτων ἀρχὰς τῶν ὄντων ἀρχὰς ᾠήθησαν εἶναι πάντων. Ἐπεὶ δὲ τούτων οἱ ἀριθμοὶ φύσει πρῶτοι, ἐν δὲ τούτοις ἐδόκουν θεωρεῖν ὁμοιώματα πολλὰ τοῖς οὖσι καὶ γιγνομένοις, μᾶλλον ἢ ἐν πυρὶ καὶ γῇ καὶ ὕδατι, 2 ὅτι τὸ μὲν τοιονδὶ τῶν ἀριθμῶν πάθος δικαιοσύνη [30] τὸ δὲ τοιονδὶ ψυχή τε καὶ νοῦς ἕτερον δὲ καιρὸς καὶ τῶν ἄλλων ὡς εἰπεῖν ἕκαστον ὁμοίως, 3 ἔτι δὲ τῶν ἁρμονιῶν ἐν ἀριθμοῖς ὁρῶντες τὰ πάθη καὶ τοὺς λόγους, 4 Ἐπεὶ δὴ τὰ μὲν ἄλλα τοῖς ἀριθμοῖς ἐφαίνοντο τὴν φύσιν ἀφωμοιῶσθαι πᾶσαν, οἱ δ' ἀριθμοὶ πάσης τῆς φύσεως πρῶτοι, [986a] [1] τὰ τῶν ἀριθμῶν στοιχεῖα τῶν ὄντων στοιχεῖα πάντων ὑπέλαβον εἶναι, καὶ τὸν ὅλον οὐρανὸν ἁρμονίαν εἶναι καὶ ἀριθμόν· καὶ ὅσα εἶχον ὁμολογούμενα ἔν τε τοῖς ἀριθμοῖς καὶ ταῖς ἁρμονίαις πρὸς [5] τὰ τοῦ οὐρανοῦ πάθη καὶ μέρη καὶ πρὸς τὴν ὅλην διακόσμησιν, ταῦτα συνάγοντες ἐφήρμοττον. 5 Κἂν εἴ τί που διέλειπε, προσεγλίχοντο τοῦ συνειρομένην πᾶσαν αὐτοῖς εἶναι τὴν πραγματείαν· λέγω δ' οἷον, ἐπειδὴ τέλειον ἡ δεκὰς εἶναι δοκεῖ καὶ πᾶσαν περιειληφέναι τὴν τῶν ἀριθμῶν φύσιν, [10] καὶ τὰ φερόμενα κατὰ τὸν οὐρανὸν δέκα μὲν εἶναί φασιν, ὄντων δὲ ἐννέα μόνον τῶν φανερῶν διὰ τοῦτο δεκάτην τὴν ἀντίχθονα ποιοῦσιν. 6 Διώρισται δὲ περὶ τούτων ἐν ἑτέροις ἡμῖν ἀκριβέστερον. Ἀλλ' οὗ δὴ χάριν ἐπερχόμεθα, τοῦτό ἐστιν ὅπως λάβωμεν καὶ παρὰ τούτων τίνας εἶναι τιθέασι τὰς [15] ἀρχὰς καὶ πῶς εἰς τὰς εἰρημένας ἐμπίπτουσιν αἰτίας. 7 Φαίνονται δὴ καὶ οὗτοι τὸν ἀριθμὸν νομίζοντες ἀρχὴν εἶναι καὶ ὡς ὕλην τοῖς οὖσι καὶ ὡς πάθη τε καὶ ἕξεις, τοῦ δὲ ἀριθμοῦ στοιχεῖα τό τε ἄρτιον καὶ τὸ περιττόν, τούτων δὲ τὸ μὲν πεπερασμένον τὸ δὲ ἄπειρον, τὸ δ' ἓν ἐξ ἀμφοτέρων εἶναι τούτων [20] (καὶ γὰρ ἄρτιον εἶναι καὶ περιττόν), τὸν δ' ἀριθμὸν ἐκ τοῦ ἑνός, ἀριθμοὺς δέ, καθάπερ εἴρηται, τὸν ὅλον οὐρανόν. 8 Ἕτεροι δὲ τῶν αὐτῶν τούτων τὰς ἀρχὰς δέκα λέγουσιν εἶναι τὰς κατὰ συστοιχίαν λεγομένας,
Πέρας [καὶ] ἄπειρον, 9 ὅνπερ τρόπον ἔοικε καὶ ᾿Αλκμαίων ὁ Κροτωνιάτης ὑπολαβεῖν, καὶ ἤτοι οὗτος παρ' ἐκείνων ἢ ἐκεῖνοι παρὰ τούτου παρέλαβον τὸν λόγον τοῦτον· καὶ γὰρ [ἐγένετο τὴν ἡλικίαν] ᾿Αλκμαίων [30] [ἐπὶ γέροντι Πυθαγόρᾳ,] ἀπεφήνατο [δὲ] παραπλησίως τούτοις· φησὶ γὰρ εἶναι δύο τὰ πολλὰ τῶν ἀνθρωπίνων, λέγων τὰς ἐναντιότητας οὐχ ὥσπερ οὗτοι διωρισμένας ἀλλὰ τὰς τυχούσας, οἷον λευκὸν μέλαν, γλυκὺ πικρόν, ἀγαθὸν κακόν, μέγα μικρόν. Οὗτος μὲν οὖν ἀδιορίστως ἀπέρριψε περὶ τῶν λοιπῶν, [986c] [1] οἱ δὲ Πυθαγόρειοι καὶ πόσαι καὶ τίνες αἱ ἐναντιώσεις [2] ἀπεφήναντο. 10 Παρὰ μὲν οὖν τούτων ἀμφοῖν τοσοῦτον ἔστι λαβεῖν, ὅτι τἀναντία ἀρχαὶ τῶν ὄντων· τὸ δ' ὅσαι παρὰ τῶν ἑτέρων, καὶ τίνες αὗταί εἰσιν. 11 Πῶς μέντοι πρὸς [5] τὰς εἰρημένας αἰτίας ἐνδέχεται συνάγειν, σαφῶς μὲν οὐ διήρθρωται παρ' ἐκείνων, ἐοίκασι δ' ὡς ἐν ὕλης εἴδει τὰ στοιχεῖα τάττειν· ἐκ τούτων γὰρ ὡς ἐνυπαρχόντων συνεστάναι καὶ πεπλάσθαι φασὶ τὴν οὐσίαν. 11 Τῶν μὲν οὖν παλαιῶν καὶ πλείω λεγόντων τὰ στοιχεῖα τῆς φύσεως ἐκ τούτων ἱκανόν [10] ἐστι θεωρῆσαι τὴν διάνοιαν· εἰσὶ δέ τινες οἳ περὶ τοῦ παντὸς ὡς μιᾶς οὔσης φύσεως ἀπεφήναντο, τρόπον δὲ οὐ τὸν αὐτὸν πάντες οὔτε τοῦ καλῶς οὔτε τοῦ κατὰ τὴν φύσιν. 13 Εἰς μὲν οὖν τὴν νῦν σκέψιν τῶν αἰτίων οὐδαμῶς συναρμόττει περὶ αὐτῶν ὁ λόγος (οὐ γὰρ ὥσπερ ἔνιοι τῶν φυσιολόγων ἓν ὑποθέμενοι [15] τὸ ὂν ὅμως γεννῶσιν ὡς ἐξ ὕλης τοῦ ἑνός, ἀλλ' ἕτερον τρόπον οὗτοι λέγουσιν· ἐκεῖνοι μὲν γὰρ προστιθέασι κίνησιν, γεννῶντές γε τὸ πᾶν, οὗτοι δὲ ἀκίνητον εἶναί φασιν)· 15 οὐ μὴν ἀλλὰ τοσοῦτόν γε οἰκεῖόν ἐστι τῇ νῦν σκέψει. Παρμενίδης μὲν γὰρ ἔοικε τοῦ κατὰ τὸν λόγον ἑνὸς ἅπτεσθαι, Μέλισσος [20] δὲ τοῦ κατὰ τὴν ὕλην (διὸ καὶ ὁ μὲν πεπερασμένον ὁ δ' ἄπειρόν φησιν εἶναι αὐτό)· Ξενοφάνης δὲ πρῶτος τούτων ἑνίσας (ὁ γὰρ Παρμενίδης τούτου λέγεται γενέσθαι μαθητής) οὐθὲν διεσαφήνισεν, οὐδὲ τῆς φύσεως τούτων οὐδετέρας ἔοικε θιγεῖν, ἀλλ' εἰς τὸν ὅλον οὐρανὸν ἀποβλέψας τὸ ἓν εἶναί φησι τὸν [25] θεόν. 16 Οὗτοι μὲν οὖν, καθάπερ εἴπομεν, ἀφετέοι πρὸς τὴν νῦν ζήτησιν, οἱ μὲν δύο καὶ πάμπαν ὡς ὄντες μικρὸν ἀγροικότεροι, Ξενοφάνης καὶ Μέλισσος· 17 Παρμενίδης δὲ μᾶλλον βλέπων ἔοικέ που λέγειν· παρὰ γὰρ τὸ ὂν τὸ μὴ ὂν οὐθὲν ἀξιῶν εἶναι, ἐξ ἀνάγκης ἓν οἴεται εἶναι, τὸ ὄν, καὶ [30] ἄλλο οὐθέν (περὶ οὗ σαφέστερον ἐν τοῖς περὶ φύσεως εἰρήκαμεν), ἀναγκαζόμενος δ' ἀκολουθεῖν τοῖς φαινομένοις, καὶ τὸ ἓν μὲν κατὰ τὸν λόγον πλείω δὲ κατὰ τὴν αἴσθησιν ὑπολαμβάνων εἶναι, δύο τὰς αἰτίας καὶ δύο τὰς ἀρχὰς πάλιν τίθησι, θερμὸν καὶ ψυχρόν, οἷον πῦρ καὶ γῆν λέγων· [987a] [1] τούτων δὲ κατὰ μὲν τὸ ὂν τὸ θερμὸν τάττει θάτερον δὲ κατὰ τὸ μὴ ὄν. 18 Ἐκ μὲν οὖν τῶν εἰρημένων καὶ παρὰ τῶν συνηδρευκότων ἤδη τῷ λόγῳ σοφῶν ταῦτα παρειλήφαμεν, παρὰ μὲν τῶν πρώτων σωματικήν τε τὴν ἀρχήν (ὕδωρ γὰρ καὶ [5] πῦρ καὶ τὰ τοιαῦτα σώματά ἐστιν), καὶ τῶν μὲν μίαν τῶν δὲ πλείους τὰς ἀρχὰς τὰς σωματικάς, ἀμφοτέρων μέντοι ταύτας ὡς ἐν ὕλης εἴδει τιθέντων, 19 παρὰ δέ τινων ταύτην τε τὴν αἰτίαν τιθέντων καὶ πρὸς ταύτῃ τὴν ὅθεν ἡ κίνησις, καὶ ταύτην παρὰ τῶν μὲν μίαν παρὰ τῶν δὲ δύο. 20 Μέχρι μὲν [10] οὖν τῶν ᾿Ιταλικῶν καὶ χωρὶς ἐκείνων μορυχώτερον εἰρήκασιν οἱ ἄλλοι περὶ αὐτῶν, πλὴν ὥσπερ εἴπομεν δυοῖν τε αἰτίαιν τυγχάνουσι κεχρημένοι, καὶ τούτων τὴν ἑτέραν οἱ μὲν μίαν οἱ δὲ δύο ποιοῦσι, τὴν ὅθεν ἡ κίνησις· 21 οἱ δὲ Πυθαγόρειοι δύο μὲν τὰς ἀρχὰς κατὰ τὸν αὐτὸν εἰρήκασι τρόπον, τοσοῦτον [15] δὲ προσεπέθεσαν ὃ καὶ ἴδιόν ἐστιν αὐτῶν, ὅτι τὸ πεπερασμένον καὶ τὸ ἄπειρον [καὶ τὸ ἓν] οὐχ ἑτέρας τινὰς ᾠήθησαν εἶναι φύσεις, οἷον πῦρ ἢ γῆν ἤ τι τοιοῦτον ἕτερον, ἀλλ' αὐτὸ τὸ ἄπειρον καὶ αὐτὸ τὸ ἓν οὐσίαν εἶναι τούτων ὧν κατηγοροῦνται, διὸ καὶ ἀριθμὸν εἶναι τὴν οὐσίαν πάντων. 22 Περί τε [20] τούτων οὖν τοῦτον ἀπεφήναντο τὸν τρόπον, καὶ περὶ τοῦ τί ἐστιν ἤρξαντο μὲν λέγειν καὶ ὁρίζεσθαι, λίαν δ' ἁπλῶς ἐπραγματεύθησαν. Ὡρίζοντό τε γὰρ ἐπιπολαίως, καὶ ᾧ πρώτῳ ὑπάρξειεν ὁ λεχθεὶς ὅρος, τοῦτ' εἶναι τὴν οὐσίαν τοῦ πράγματος ἐνόμιζον, ὥσπερ εἴ τις οἴοιτο ταὐτὸν εἶναι διπλάσιον καὶ τὴν [25] δυάδα διότι πρῶτον ὑπάρχει τοῖς δυσὶ τὸ διπλάσιον. Ἀλλ' οὐ ταὐτὸν ἴσως ἐστὶ τὸ εἶναι διπλασίῳ καὶ δυάδι· εἰ δὲ μή, πολλὰ τὸ ἓν ἔσται, ὃ κἀκείνοις συνέβαινεν. 23 Παρὰ μὲν οὖν τῶν πρότερον καὶ τῶν ἄλλων τοσαῦτα ἔστι λαβεῖν. |
1 A la même époque que ces divers philosophes et même auparavant, ceux qu'on appelle les Pythagoriciens s'appliquèrent tout d'abord aux mathématiques et leur firent faire de grands progrès ; mais, nourris dans cette étude exclusive, ils s'imaginèrent que les principes des mathématiques sont aussi les principes de tous les êtres. Comme les nombres sont naturellement les premiers entre les principes de cet ordre, ils crurent y découvrir une foule de ressemblances avec les êtres et avec les phénomènes, bien plutôt qu'on ne peut en trouver dans le feu, la terre et l'eau. 2 Par exemple, suivant les Pythagoriciens, telle modification des nombres est la justice; telle autre est l'âme et la raison ; telle autre représente l'occasion favorable pour agir; et de même pour chaque objet en particulier. 3 En second lieu, ces philosophes remarquèrent que tous les modes de l'harmonie musicale et les rapports qui la composent, se résolvent dans des nombres proportionnels. 4 Ainsi, trouvant que le reste des choses modèlent essentiellement leur nature sur tous les nombres, et que les nombres sont les premiers principes de la nature entière, [986a] les Pythagoriciens en conclurent que les éléments des nombres sont aussi les éléments de tout ce qui existe, et ils firent du monde, considéré dans son ensemble, une harmonie et un nombre. Puis, prenant les axiomes qu'ils avaient évidemment démontrés pour les nombres et pour les harmonies, ils les accommodèrent à tous les phénomènes et à toutes les parties du ciel, aussi bien qu'à l'ordonnance totale de l'univers, qu'ils essayaient de renfermer dans leur système. 5 Bien plus, quand ce système présentait de trop fortes lacunes, ils les comblaient arbitrairement, afin que l'échafaudage fût aussi harmonieux et aussi concordant que possible. J'en cite un exemple. A en croire les Pythagoriciens, le nombre dix est le nombre parfait, et la Décade contient toute la série naturelle des nombres. Ils partent de là pour prétendre qu'il doit y avoir dix corps qui se meuvent dans les cieux ; mais, comme il n'y en a que neuf de visibles, ils en supposent un dixième, qui est l'opposé de la terre, rAntichthôn. 6 Du reste, nous avons développé ces questions avec plus d'étendue dans d'autres ouvrages ; et le seul motif qui nous y fasse revenir ici, c'est le désir de savoir aussi de ces philosophes quels sont définitivement les principes qu'ils admettent, et dans quelle mesure ces principes se rapportent aux causes que nous avons énumérées nous-mêmes. 7 II paraît donc que les Pythagoriciens, tout aussi bien que les autres, en adoptant le nombre pour principe, l'ont regardé comme la matière des choses, et la cause de leurs modifications et de leurs qualités. Or, les éléments du nombre sont le pair et l'impair; et tel nombre est fini, tandis que tel autre est infini. L'unité est les deux tout ensemble; car elle est composée de ces deux éléments, du pair et de l'impair, de même que c'est elle qui donne naissance à la série entière des nombres ; et les nombres, je le répète, forment le monde entier selon les Pythagoriciens.
8 Parmi ces mêmes philosophes, il en est encore d'autres qui
reconnaissent dix principes, ainsi rangés et combinés en séries
parallèles : 9 C'est là, ce semble, une classification qu'admet également Alcméon de Crotone, soit qu'il Tait prise aux Pythagoriciens, soit que les Pythagoriciens la lui aient empruntée. Alcméon était jeune lorsque Pythagore était déjà vieux ; mais, quoi qu'il en soit, ses idées se rapprochaient beaucoup des leurs. Pour lui aussi, la plupart des choses humaines sont doubles; mais il ne détermine pas les oppositions avec l'exactitude qu'y mettent les Pythagoriciens; il les prend au hasard : le blanc et le noir, le doux et l'amer, le bon et le mauvais, le petit et le grand. Il jette en quelque sorte toutes ces oppositions confusément les unes avec les autres, [986c] tandis que les Pythagoriciens en ont précisé le nombre et la nature. 10 Ce qu'on peut affirmer pour les deux systèmes à la fois, c'est que l'un et l'autre font des contraires les principes des choses; mais c'est à d'autres écoles que celles-là qu'on peut apprendre combien il y a de principes et ce qu'ils sont. 11 Cependant nous avons beau consulter ces théories, nous n'apercevons pas clairement comment on peut rapporter les principes admis par ces philosophes aux causes énumérées par nous. Tout ce qu'on voit, c'est qu'ils ont rangé les éléments dans le seul genre de la matière; car, à les entendre, la substance des choses se compose et se forme de ces éléments qui sont primitivement en elle. 12 Ainsi donc, en ce qui regarde les philosophes anciens qui ont admis la pluralité des éléments naturels, on peut saisir assez bien leur pensée à cet égard, d'après ce que nous venons d'en dire. Mais il y a quelques autres sages qui ont considéré l'univers comme une unité naturelle; et la manière de traiter ce sujet n'a pas été la même pour tous, ni sous le rapport du mérite, ni sous le rapport des phénomènes observés. 13 Pour l'étude des causes telle que nous l'entre prenons ici, ce ne serait pas du tout le moment convenable de parler de leurs systèmes; car ces philosophes n'ont pas imité quelques-uns des Physiciens, qui, tout en supposant l'unité de l'Être, n'en ont pas moins fait sortir les choses du sein de cette unité prise comme matière. 14 Loin de là, ces philosophes ont adopté une tout autre explication, et tandis que ceux-là, en ajoutant le mouvement à leur principe, en font naître l'univers entier, ceux-ci au contraire affirment que tout est immobile. 15 Voici d'ailleurs un point de leur doctrine qui touche assez directe ment à notre étude actuelle. Parménide, autant qu'on en peut juger, s'est surtout occupé de l'unité au point de vue rationnel ; Mélissus s'est attaché davantage à l'unité matérielle; et voilà comment l'un prétend que l'unité est limitée, et l'autre, qu'elle est infinie. Xénophane, qui avait le premier parlé d'unité, et dont Parménide fut, dit-on, le disciple, n'a rien énoncé de bien clair sur ces questions, et il n'a touché ni l'une ni l'autre de ces deux faces de l'unité; mais, considérant le monde dans sa totalité, il a déclaré que l'unité c'est Dieu. 16 Encore une fois, ces divers philosophes doivent être laissés de côté par nous dans nos recherches présentes, et spécialement les deux derniers, Xénophane et Mélissus, dont les conceptions ne sont pas assez délicates. 17 Parménide, qui a regardé les choses de plus près, en a aussi parlé d'une façon plus satisfaisante. Comme il pense qu'en dehors de l'Être, le Non-Être n'est absolument rien, il en conclut nécessairement que l'Être est l'unité, et il ne voit rien en dehors de l'Être. Nous avons, du reste, approfondi ce sujet dans notre ouvrage Sur la Nature. Mais Parménide, forcé de s'en tenir aux phénomènes, reconnut que, si l'unité existe seule aux yeux de la raison, la multiplicité n'en existe pas moins pour nos sens; et il fut amené par là à supposer deux causes et à rétablir les deux principes, le chaud et le froid, ou, en d'autres termes, le feu et la terre. [987a] De ces deux principes, Parménide prend l'un pour l'Être, le chaud, et il prend l'autre, le froid, pour le Non-Être. 18 Ainsi, d'après ce que nous venons de dire, et en regardant à ce que nous ont transmis les philosophes qui se sont appliqués à cette étude, voici ce que nous avons hérité d'eux : des premiers et des plus anciens, nous avons reçu le principe corporel, puisque l'eau, le feu et les choses de cet ordre sont des corps; et, parmi ces sages, les uns n'ont admis qu'un seul et unique principe, les autres en ont admis plusieurs. Mais, des deux parts, on s'en est toujours tenu à des principes purement matériels. 19 Quelques autres philosophes, tout en reconnaissant également une cause matérielle, y ont ajouté la cause qui produit le mouvement. Seulement, pour quelques-uns d'entre eux, cette même cause motrice est restée unique, tandis que pour quelques autres elle est devenue double. 20 Jusqu'aux philosophes d'Italie, et en faisant exceptions pour eux, les autres n'ont que très médiocrement traité ces questions. Toutefois, ils ont admis deux causes, comme nous l'avons déjà dit; et, de ces deux causes, il y en a une que quelques-uns d'entre eux regardent comme Unique, et que les autres divisent encore en deux, je veux dire, la cause à laquelle se rapporte l'origine du mouvement. 21 Quant aux Pythagoriciens, ils sont d'accord avec ces philosophes pour admettre aussi deux principes. La seule addition qu'ils aient faite et qui les distingue comme leur appartenant en propre, c'est qu'ils n'ont pas vu dans le fini, l'infini, et l'unité, des natures différentes des choses, comme le sont le feu, la terre ou tel autre élément de ce genre, mais qu'ils ont pris l'infini en soi ou l'unité en soi pour l'essence même des choses auxquelles on attribue l'infinitude ou l'unité. C'est même là ce qui les conduisit à faire du nombre la substance de tout. 22 Outre les doctrines qu'ils émirent sur cette question, ce sont eux qui eurent le mérite de commencer à étudier l'essence des choses et à la définir, bien que leurs travaux à cet égard soient restés très peu satisfaisants. Superficiels dans leurs définitions, ils s'imaginèrent de prendre le premier des termes auquel s'appliquait la définition donnée pour l'essence même de la chose définie, se trompant sur ce point à peu près aussi lourdement que si l'on allait confondre et identifier le double et le nombre deux, sous prétexte que le premier nombre auquel s'applique le mot de double, c'est le nombre deux. Mais, au fond, le double et deux ne sont pas du tout la même chose; car autrement la multiplicité serait bientôt l'unité, erreur où sont tombés les Pythagoriciens. 23 Tel est donc l'héritage que nous ont transmis les philosophes les plus anciens et ceux qui leur ont succédé- |
§ 1. Ceux qu'on appelle les Pythagoriciens. Aristote se sert de la même expression dans la Météorologie, liv. I, ch. vi, § 2, et ch. vin, § 2, p. 29 et 44 de ma traduction, et aussi dans le Traité du Ciel, liv. II, ch. xiii, § i, p. 187 de ma traduction. Jamais il n'a parlé de Pythagore lui-même. C'est sans doute que déjà de son temps on n'en savait rien de précis. La partie de l'Italie où Pythagore avait vécu entretenait encore moins de rapports avec la Grèce que la Tyrrhénie, où s'était développée récole d'Elée. — Nourris dans cette étude exclusive. Le danger que signalait Aristote, il y a vingt-deux siècles, subsiste toujours au même degré; et la culture trop exclusive des mathématiques peut de nos jours, comme jadis, fausser bien des esprits. — Les principes de tous les êtres. Voir plus loin, ch. vi, § 6 et aussi § 10, où le jugement d'Aristote sur les Pythagoriciens est assez différent. — Dans le feu, la terre et l'eau. Principes élémentaires admis par l'école d'Ionie. Thalès et ses disciples. § 2. Telle modification des nombres. La justice était représentée tantôt par le nombre trois, tantôt par le nombre quatre, tantôt par le nombre cinq, et même par le nombre neuf dans les théories pythagoriciennes. § 3. Tous les modes de l'harmonie musicale. L'application des mathématiques à la musique est une des gloires de l'école de Pythagore. Ces études furent poussées aussi très loin dans l'école (d'Aristote lui-même, par Aristoxène et ses successeurs. § 4. Puis, prenant les axiomes. L'erreur des mathématiques est de vouloir appliquer, hors de leur domaine, des axiomes qui leur sont propres, et ne s'adaptent pas aux choses qui leur sont étrangères. § 5. Ils les comblaient arbitrairement Le texte n'est pas tout-à-fait aussi précis. — J'en cite un exemple. Dans ce passage, Aristote parle à la première personne ; ce qui est assez rare dans son style. — Toute la série naturelle des nombres. C'était chez les Pythagoriciens un pressentiment bien remarquable de la numération décimale. Mais, au début, ces idées, qui nous semblent aujourd'hui si simples, étaient obscurs même pour le génie. — L'Antichthôn. Voir le Traité du Ciel, liv. II, ch. xii, § 1, où Aristote fait les mêmes reproches aux Pythagoriciens, arrangeant les phénomènes selon les besoins de leur système, et inventant un dixième corps dont rien dans la nature n'atteste l'existence. § 6. Dans d'autres ouvrages. Aristote, dans les ouvrages qui nous restent de lui, a souvent parlé des Pythagoriciens, mais toujours incidemment ; il semble désigner ici une discussion toute spéciale. C'est sans doute l'ouvrage dont parle Alexandre d'A-phrodise et qu'il cite après le Traité du Ciel. Aristote y examinait les Doctrines des Pythagoriciens. Cet ouvrage avait au moins deux livres. Voir le commentaire d'Alexandre d'Aphrodise, édition Bonitz, p. 31 et 56. — Aux causes que nous avons énumérées. Cette théorie est propre au Péripatétisme, et le philosophe y est revenu à vingt reprises. § 7. Aussi bien que les autres. Sans doute les philosophes Ioniens. — Comme la matière des choses. Ce jugement sur la doctrine pythagoricienne n'est peut-être pas très-juste. — L'un est fini. C'est l'impair qui est désigné par l'Un; c'est le pair qui est désigné par l'Autre. Mais on ne voit pas bien pourquoi l'impair serait fini plutôt qu'infini ; et on ne le voit pas plus clairement pour le pair. — Le monde entier. Le texte dit précisément : « Le ciel ». § 8. D'autres parmi ces mêmes philosophes. Il est impossible de savoir quels sont ces « autres Pythagoriciens » auxquels Aristote fait allusion, du moment qu'il ne les nomme pas lui-même. — Dix principes. Plus haut, § 5, on a vu quelle importance les Pythagoriciens attachaient à ce nombre sacramentel. Il est à croire d'ailleurs que cette classification est très postérieure à Pythagore; elle semble peu complète et peu pratique. — Quadrilatère irrégulier. Le mot du texte signifie un quadrilatère dont un des côtés est plus long que l'autre. § 9. Alcméon de Crotone. Aristote a cité plusieurs fois Alcméon de Crotone avec assez d'estime. Dans le Traité de la Génération des animaux, liv. III, ch. u, p. 376, édition Firmin-Didot, il discute son opinion sur l'usage du blanc et du jaune dans l'œuf des oiseaux, pour la nourriture des poussins. Dans le Traité de l'Ame, liv. I, ch. n, § 17, p. 117 de ma traduction, Aristote cite l'opinion d'Alcméon sur l'immortalité de l'âme. — Crotone, ville de la Grande Grèce sur la côte orientale du Bruttium, fondée longtemps avant l'époque de Pythagore, et sa résidence la plus ordinaire. — Alcméon était jeune. Toute cette phrase a paru à plusieurs éditeurs et commentateurs n'être qu'une interpolation. Il y a des manuscrits qui ne la donnent pas. Il semble en effet qu'elle interrompt la suite de la pensée. — Des choses humaines. C'est la traduction exacte du texte; mais l'idée n'est pas très claire ni très juste. Les exemples cités plus bas le démontrent; le blanc et le noir, le doux et l'amer, ne sont pas des choses spécialement humaines. Peut-être faudrait-il traduire : « La plupart des choses dont l'homme peut juger ». — Le petit et le grand. Quelques manuscrits donnent : « le grand et le petit. » Le parallélisme de la phrase est alors plus complet. M. Bonitz recommande cette variante, qui n'a pas d'ailleurs grande importance. § 10. Les deux systèmes à la fois. Celui d'Alcméon et celui des Pythagoriciens. — A d'autres écoles que celles-là. Celles des Pythagoriciens qui ont compté les dix séries de contraires avec précision et celle d'Alcméon; voir plus haut § 8. § 11. Aux causes énumérées par nous. Voir la même pensée plus haut, § 6. Peut-être Aristote met-il trop d'insistance à vouloir plier les théories des autres philosophes à ses théories personnelles. — Dans le seul genre de la matière. Cette critique est moins juste pour l'école pythagoricienne qu'elle ne l'est pour l'école d'Ionie. § 12. Quelques autres sages. Les Éléates, disciples de Xénophane. § 13. Pour l'étude des causes. Ce sont toujours les quatre causes que reconnaît Aristote, et par lesquelles il essaie d'expliquer le système du monde. — Quelques-uns des Physiciens. Par Physiciens, Aristote veut désigner les philosophes Ioniens. § 14. Ces philosophes. Les Eléates. — Que tout est immobile. C'est la doctrine principale de l'école d'Élée. § 15. Parménide. Voir plus haut, ch. iv, § 1. — Mélissus, de Samos ; il vivait du temps de Périclès, et il parait certain qu'il commandait la flotte des Samiens contre celle d'Athènes, en 442. Aristote a consacré un traité spécial à ses doctrines. Voir ma traduction, pp. 208 et 217. — L'un prétend. Je ferais rapporter ceci à Parménide plutôt qu'à Mélissus ; et l'idée d'infini va bien plutôt avec l'unité rationnelle qu'avec l'unité matérielle. La plupart des traducteurs et commentateurs ont rapporté le début de cette phrase à Mélissus et non à Parménide, parce qu'Aristote attribue formellement la théorie de l'infinitude ou de l'unité à Melissus, Physique, liv. I, ch. iii, § 4, p. 439 de ma traduction. — Xénophane. De Colophon; fondateur de l'école d'Elée , à peu près contemporain de Pythagore. vers 550. Voir M. Ed. Zeller, Philosophie des Grecs, t. I, p. 451. — Dit-on. Ce doute doit être remarqué. Il n'y a ici rien d'impossible d'ailleurs chronologiquement à ce que Parménide ait été l'élève de Xénophane ; et l'antiquité tout entière l'a cru. Voir ma Dissertation sur Xénophane, pp. 202 et suiv., à la suite du Traité de la Production et de la Destruction des choses. Que l'unité c'est Dieu. Voir ma Dissertation précitée , p. 205. Cette opinion à elle seule donne la plus grande valeur à la doctrine de Xénophane. Voir l'article de M. Cousin sur Xénophane. § 16. Ne sont pas assez délicates. Le texte est plus dur, et il dit en propres termes que « Xénophane et Mélissus sont un peu trop rustiques n, c'est-à-dire grossiers. Aristote se sert encore de la même expression contre Mélissus, Physique, liv. I, ch. n, § 5, p. 436 de ma traduction. Cette critique paraît bien sévère. § 17. Dans notre ouvrage Sur la Nature. C'est la Physique, liv. I, ch. iii, pp. 438 et suiv. de ma traduction. — Deux causes... le chaud et le froid. Voir plus haut, ch. iii, § 26. § 18. Le principe corporel. C'est l'expression même du texte; il s agit évidemment de la cause matérielle. — Les uns n'ont admis qu'un seul et unique principe. Comme Thalès dans l'école d'Ionie. — Les autres en ont admis plusieurs. Comme Parménide ; voir le § précédent.
§ 19.
La cause qui produit le mouvement. Voir plus haut, § 20. Aux philosophes d'Italie. Ou les Pythagoriciens, et les Éléates. — Que les autres divisent encore en deux. Répétition qui semble peu utile. § 21. Le fini, l'infini, et l'unité. Il semble d'après ceci que les Pythagoriciens aient confondu ces trois termes, comme formant à eux trois et par leur réunion l'essence des choses. § 22. L'essence des choses. Voir plus loin, ch. vi, § 10, un passage qui confirme le sens que je donne à celui-ci, d'accord avec M. Schwegler. Les Pythagoriciens n'ont pas regardé l'infini et l'unité comme des attributs; ils les ont considérés comme l'essence même des choses, auxquelles le langage les donne à tort pour attributs habituels. — Et à la définir. Plus loin, ch. Vi, § 3, c'est bien plutôt à Socrate qu'Aristote attribue le mérite de s'être occupé le premier des définitions, auxquelles il donna l'examen le plus attentif. — Pour l'essence même de la chose définie. Voir plus loin liv. III, ch. iv, § 29, où Aristote adresse la même critique à Platon et aux Pythagoriciens, qui ont pris l'être et l'unité pour l'essence des choses. Voir aussi la. Physique, liv. III, ch. iv, § 3, p. 88 de ma traduction. Pour éclaircir ce passage assez obscur, Alexandre d'Aphrodise, dans son Commentaire, p. 36, édition Bonitz, lignes 17 et suiv., donne cet exemple : « Les Pythagoriciens définissent l'Amour par l'égalité ; et, prenant le premier nombre qui est égal à lui-même, ils disent que ce nombre est celui de l'amour. » Ce premier nombre égal à lui-même est sans doute 4, c'est-à-dire 2 multiplié par 2. Quatre est dès lors pour les Pythagoriciens l'essence de l'amour. — La multiplicité serait bientôt l'unité, puisqu'il y a une foule de choses qui peuvent être doubles. § 23. Tel est donc l'héritage. Voir plus haut § 18. Pour compléter ce qui est dit ici des Pythagoriciens, il faut se reporter à la grande discussion de la théorie des nombres dans le XIIIe livre de la Métaphysique, ch. vi et suiv., et liv. XIV, ch. iii et suiv. Aristote y combat vivement le Pythagorisme.
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Philosophie de Platon; ses rapports avec les Pythagoriciens, Heraclite et Cratyle; influence de Socrate sur Platon; la théorie des Idées sortie de ces influences diverses ; exposition de cette théorie ; comparaison de Platon et des Pythagoriciens ; leurs différences — Résumé des recherches antérieures ; citation de la Physique : les philosophes anciens se sont attachés presque uniquement à la cause matérielle ; ils ont traité à peine la question de l'essence et la cause finale; exactitude de la théorie d'Aristote prouvée par cette histoire du passé ; examen plus détaillé des opinions des philosophes sur les quatre causes. |
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1 Μετὰ δὲ τὰς εἰρημένας φιλοσοφίας ἡ Πλάτωνος ἐπεγένετο [30] πραγματεία, τὰ μὲν πολλὰ τούτοις ἀκολουθοῦσα, τὰ δὲ καὶ ἴδια παρὰ τὴν τῶν ᾿Ιταλικῶν ἔχουσα φιλοσοφίαν. Ἐκ νέου τε γὰρ συνήθης γενόμενος πρῶτον Κρατύλῳ καὶ ταῖς ῾Ηρακλειτείοις δόξαις, ὡς ἁπάντων τῶν αἰσθητῶν ἀεὶ ῥεόντων καὶ ἐπιστήμης περὶ αὐτῶν οὐκ οὔσης, 2 ταῦτα μὲν καὶ ὕστερον οὕτως ὑπέλαβεν· [987b] [1] 3 Σωκράτους δὲ περὶ μὲν τὰ ἠθικὰ πραγματευομένου περὶ δὲ τῆς ὅλης φύσεως οὐθέν, ἐν μέντοι τούτοις τὸ καθόλου ζητοῦντος καὶ περὶ ὁρισμῶν ἐπιστήσαντος πρώτου τὴν διάνοιαν, 4 ἐκεῖνον ἀποδεξάμενος διὰ τὸ τοιοῦτον [5] ὑπέλαβεν ὡς περὶ ἑτέρων τοῦτο γιγνόμενον καὶ οὐ τῶν αἰσθητῶν· ἀδύνατον γὰρ εἶναι τὸν κοινὸν ὅρον τῶν αἰσθητῶν τινός, ἀεί γε μεταβαλλόντων. Οὗτος οὖν τὰ μὲν τοιαῦτα τῶν ὄντων ἰδέας προσηγόρευσε, 5 τὰ δ' αἰσθητὰ παρὰ ταῦτα καὶ κατὰ ταῦτα λέγεσθαι πάντα· κατὰ μέθεξιν γὰρ εἶναι τὰ [10] πολλὰ ὁμώνυμα τοῖς εἴδεσιν. 6 Τὴν δὲ μέθεξιν τοὔνομα μόνον μετέβαλεν· οἱ μὲν γὰρ Πυθαγόρειοι μιμήσει τὰ ὄντα φασὶν εἶναι τῶν ἀριθμῶν, Πλάτων δὲ μεθέξει, τοὔνομα μεταβαλών. 7 Τὴν μέντοι γε μέθεξιν ἢ τὴν μίμησιν ἥτις ἂν εἴη τῶν εἰδῶν ἀφεῖσαν ἐν κοινῷ ζητεῖν. 8 Ἔτι δὲ παρὰ τὰ αἰσθητὰ [15] καὶ τὰ εἴδη τὰ μαθηματικὰ τῶν πραγμάτων εἶναί φησι μεταξύ, διαφέροντα τῶν μὲν αἰσθητῶν τῷ ἀΐδια καὶ ἀκίνητα εἶναι, τῶν δ' εἰδῶν τῷ τὰ μὲν πόλλ' ἄττα ὅμοια εἶναι τὸ δὲ εἶδος αὐτὸ ἓν ἕκαστον μόνον. 9 Ἐπεὶ δ' αἴτια τὰ εἴδη τοῖς ἄλλοις, τἀκείνων στοιχεῖα πάντων ᾠήθη τῶν ὄντων εἶναι [20] στοιχεῖα. Ὡς μὲν οὖν ὕλην τὸ μέγα καὶ τὸ μικρὸν εἶναι ἀρχάς, ὡς δ' οὐσίαν τὸ ἕν· ἐξ ἐκείνων γὰρ κατὰ μέθεξιν τοῦ ἑνὸς [τὰ εἴδη] εἶναι τοὺς ἀριθμούς. 10 Τὸ μέντοι γε ἓν οὐσίαν εἶναι, καὶ μὴ ἕτερόν γέ τι ὂν λέγεσθαι ἕν, παραπλησίως τοῖς Πυθαγορείοις ἔλεγε, καὶ τὸ τοὺς ἀριθμοὺς αἰτίους εἶναι τοῖς ἄλλοις [25] τῆς οὐσίας ὡσαύτως ἐκείνοις· 11 τὸ δὲ ἀντὶ τοῦ ἀπείρου ὡς ἑνὸς δυάδα ποιῆσαι, τὸ δ' ἄπειρον ἐκ μεγάλου καὶ μικροῦ, τοῦτ' ἴδιον· καὶ ἔτι ὁ μὲν τοὺς ἀριθμοὺς παρὰ τὰ αἰσθητά, οἱ δ' ἀριθμοὺς εἶναί φασιν αὐτὰ τὰ πράγματα, καὶ τὰ μαθηματικὰ μεταξὺ τούτων οὐ τιθέασιν. 12 Τὸ μὲν οὖν τὸ ἓν καὶ τοὺς [30] ἀριθμοὺς παρὰ τὰ πράγματα ποιῆσαι, καὶ μὴ ὥσπερ οἱ Πυθαγόρειοι, καὶ ἡ τῶν εἰδῶν εἰσαγωγὴ διὰ τὴν ἐν τοῖς λόγοις ἐγένετο σκέψιν (οἱ γὰρ πρότεροι διαλεκτικῆς οὐ μετεῖχον), τὸ δὲ δυάδα ποιῆσαι τὴν ἑτέραν φύσιν διὰ τὸ τοὺς ἀριθμοὺς ἔξω τῶν πρώτων εὐφυῶς ἐξ αὐτῆς γεννᾶσθαι ὥσπερ ἔκ τινος ἐκμαγείου. [988a] [1] 13 Καίτοι συμβαίνει γ' ἐναντίως· οὐ γὰρ εὔλογον οὕτως. Οἱ μὲν γὰρ ἐκ τῆς ὕλης πολλὰ ποιοῦσιν, τὸ δ' εἶδος ἅπαξ γεννᾷ μόνον, φαίνεται δ' ἐκ μιᾶς ὕλης μία τράπεζα, ὁ δὲ τὸ εἶδος ἐπιφέρων εἷς ὢν πολλὰς ποιεῖ. [5] 14 Ὁμοίως δ' ἔχει καὶ τὸ ἄρρεν πρὸς τὸ θῆλυ· τὸ μὲν γὰρ ὑπὸ μιᾶς πληροῦται ὀχείας, τὸ δ' ἄρρεν πολλὰ πληροῖ· καίτοι ταῦτα μιμήματα τῶν ἀρχῶν ἐκείνων ἐστίν. 15 Πλάτων μὲν οὖν περὶ τῶν ζητουμένων οὕτω διώρισεν· φανερὸν δ' ἐκ τῶν εἰρημένων ὅτι δυοῖν αἰτίαιν μόνον κέχρηται, τῇ τε [10] τοῦ τί ἐστι καὶ τῇ κατὰ τὴν ὕλην (τὰ γὰρ εἴδη τοῦ τί ἐστιν αἴτια τοῖς ἄλλοις, τοῖς δ' εἴδεσι τὸ ἕν), καὶ τίς ἡ ὕλη ἡ ὑποκειμένη καθ' ἧς τὰ εἴδη μὲν ἐπὶ τῶν αἰσθητῶν τὸ δ' ἓν ἐν τοῖς εἴδεσι λέγεται, ὅτι αὕτη δυάς ἐστι, τὸ μέγα καὶ τὸ μικρόν, 16 ἔτι δὲ τὴν τοῦ εὖ καὶ τοῦ κακῶς αἰτίαν τοῖς στοιχείοις [15] ἀπέδωκεν ἑκατέροις ἑκατέραν, ὥσπερ φαμὲν καὶ τῶν προτέρων ἐπιζητῆσαί τινας φιλοσόφων, οἷον ᾿Εμπεδοκλέα καὶ ᾿Αναξαγόραν. 17 Συντόμως μὲν οὖν καὶ κεφαλαιωδῶς ἐπεληλύθαμεν τίνες τε καὶ πῶς τυγχάνουσιν εἰρηκότες περί τε τῶν ἀρχῶν [20] καὶ τῆς ἀληθείας· ὅμως δὲ τοσοῦτόν γ' ἔχομεν ἐξ αὐτῶν, ὅτι τῶν λεγόντων περὶ ἀρχῆς καὶ αἰτίας οὐθεὶς ἔξω τῶν ἐν τοῖς περὶ φύσεως ἡμῖν διωρισμένων εἴρηκεν, ἀλλὰ πάντες ἀμυδρῶς μὲν ἐκείνων δέ πως φαίνονται θιγγάνοντες. 18 Οἱ μὲν γὰρ ὡς ὕλην τὴν ἀρχὴν λέγουσιν, ἄν τε μίαν ἄν τε πλείους [25] ὑποθῶσι, καὶ ἐάν τε σῶμα ἐάν τε ἀσώματον τοῦτο τιθῶσιν (οἷον Πλάτων μὲν τὸ μέγα καὶ τὸ μικρὸν λέγων, οἱ δ' ᾿Ιταλικοὶ τὸ ἄπειρον, ᾿Εμπεδοκλῆς δὲ πῦρ καὶ γῆν καὶ ὕδωρ καὶ ἀέρα, ᾿Αναξαγόρας δὲ τὴν τῶν ὁμοιομερῶν ἀπειρίαν· 19 οὗτοί τε δὴ πάντες τῆς τοιαύτης αἰτίας ἡμμένοι εἰσί, καὶ ἔτι ὅσοι [30] ἀέρα ἢ πῦρ ἢ ὕδωρ ἢ πυρὸς μὲν πυκνότερον ἀέρος δὲ λεπτότερον· καὶ γὰρ τοιοῦτόν τινες εἰρήκασιν εἶναι τὸ πρῶτον στοιχεῖον)· οὗτοι μὲν οὖν ταύτης τῆς αἰτίας ἥψαντο μόνον, ἕτεροι δέ τινες ὅθεν ἡ ἀρχὴ τῆς κινήσεως (οἷον ὅσοι φιλίαν καὶ νεῖκος ἢ νοῦν ἢ ἔρωτα ποιοῦσιν ἀρχήν)· 20 τὸ δὲ τί ἦν εἶναι [35] καὶ τὴν οὐσίαν σαφῶς μὲν οὐθεὶς ἀποδέδωκε, [988c] [1] μάλιστα δ' οἱ τὰ εἴδη τιθέντες λέγουσιν (οὔτε γὰρ ὡς ὕλην τοῖς αἰσθητοῖς τὰ εἴδη καὶ τὸ ἓν τοῖς εἴδεσιν οὔθ' ὡς ἐντεῦθεν τὴν ἀρχὴν τῆς κινήσεως γιγνομένην ὑπολαμβάνουσιν - ἀκινησίας γὰρ αἴτια μᾶλλον καὶ τοῦ ἐν ἠρεμίᾳ εἶναι φασιν - ἀλλὰ τὸ τί ἦν εἶναι [5] ἑκάστῳ τῶν ἄλλων τὰ εἴδη παρέχονται, τοῖς δ' εἴδεσι τὸ ἕν)· 21 τὸ δ' οὗ ἕνεκα αἱ πράξεις καὶ αἱ μεταβολαὶ καὶ αἱ κινήσεις τρόπον μέν τινα λέγουσιν αἴτιον, οὕτω δὲ οὐ λέγουσιν οὐδ' ὅνπερ πέφυκεν. 22 Οἱ μὲν γὰρ νοῦν λέγοντες ἢ φιλίαν ὡς ἀγαθὸν μὲν ταύτας τὰς αἰτίας τιθέασιν, οὐ μὴν ὡς [10] ἕνεκά γε τούτων ἢ ὂν ἢ γιγνόμενόν τι τῶν ὄντων ἀλλ' ὡς ἀπὸ τούτων τὰς κινήσεις οὔσας λέγουσιν· 23 ὡς δ' αὔτως καὶ οἱ τὸ ἓν ἢ τὸ ὂν φάσκοντες εἶναι τὴν τοιαύτην φύσιν τῆς μὲν οὐσίας αἴτιόν φασιν εἶναι, οὐ μὴν τούτου γε ἕνεκα ἢ εἶναι ἢ γίγνεσθαι, ὥστε λέγειν τε καὶ μὴ λέγειν πως συμβαίνει αὐτοῖς [15] τἀγαθὸν αἴτιον· οὐ γὰρ ἁπλῶς ἀλλὰ κατὰ συμβεβηκὸς λέγουσιν. 24 Ὅτι μὲν οὖν ὀρθῶς διώρισται περὶ τῶν αἰτίων καὶ πόσα καὶ ποῖα, μαρτυρεῖν ἐοίκασιν ἡμῖν καὶ οὗτοι πάντες, οὐ δυνάμενοι θιγεῖν ἄλλης αἰτίας, πρὸς δὲ τούτοις ὅτι ζητητέαι αἱ ἀρχαὶ ἢ οὕτως ἅπασαι ἢ τινὰ τρόπον τοιοῦτον, δῆλον· [20] πῶς δὲ τούτων ἕκαστος εἴρηκε καὶ πῶς ἔχει περὶ τῶν ἀρχῶν, τὰς ἐνδεχομένας ἀπορίας μετὰ τοῦτο διέλθωμεν περὶ αὐτῶν. |
1 C'est après les philosophies que nous venons de citer, que parut celle de Platon. Elle suivait en grande partie pas à pas ces derniers Pythagoriciens; mais elle avait aussi ses doctrines propres, où elle s'éloignait de l'école Italique. Platon, dans sa jeunesse, avait d'abord fréquenté Cratyle; et avec lui il s'était attaché aux opinions d'Héraclite, qui suppose que tous les objets sensibles sont dans un perpétuel écoulement, et qu'il n'y a pas de science possible pour des choses ainsi faites. 2 Ce sont là des pensées que Platon reprit plus tard en sous-œuvre et qu'il reproduisit. [987b] 3 II fît aussi des emprunts à Socrate, qui s'était beaucoup occupé de morale, sans essayer aucun système général sur la nature, et qui, dans cet ordre de recherches, s'était arrêté à l'universel en étant le premier à porter un examen attentif sur les définitions. 4 Héritier de Socrate et étudiant comme lui les universaux, Platon continua son maître ; mais il admit que les définitions s'appliquent réellement à des êtres fort différents des choses sensibles, par cette raison qu'une commune définition ne peut jamais convenir aux objets des sens, attendu qu'ils sont dans un flux perpétuel. Ces êtres nouveaux furent appelés Idées, du nom que Platon leur donna. 5 II ajouta que tous les objets sensibles existent en dehors des Idées, et qu'ils reçoivent le nom qui les désigne d'après la relation qu'ils ont avec elles; car les individus multiples qui reçoivent entre eux des appellations synonymes sont homonymes aux Idées, et n'existent que par leur participation aux Idées mêmes. 6 C'est Platon qui introduisit ce mot nouveau de Participation. Les Pythagoriciens s'étaient contentés de dire que les êtres sont l'imitation des nombres; Platon dit qu'ils sont la participation des Idées, expression qui n'est qu'à lui et qu'il a inventée. 7 D'ailleurs, Participation ou Imitation des Idées, Platon et les Pythagoriciens laissaient à qui le voudrait le soin d'expliquer ce qu'on doit entendre par là. 8 Platon admet encore, en dehors des choses sensibles et des Idées, les êtres mathématiques, qui sont des intermédiaires entre les Idées et les choses, différant des objets des sens en ce qu'ils sont éternels et immobiles, et différant des Idées, en ce qu'ils peuvent être en très grand nombre semblables les uns aux autres, tandis que, dans chaque genre, l'Idée ne peut jamais qu'être seule et unique. 9 Comme les Idées, suivant lui, sont les causes de tout le reste, il dut prendre les éléments des Idées pour les éléments de tous les êtres sans exception ; et de même que, sous le rapport matériel, il adopta pour principes le Grand et le Petit, de même sous le rapport de l'essence son principe fut l'unité; car c'est par le Grand et le Petit que les Idées qui participent à l'unité sont aussi les nombres. 10 Cependant, en admettant que l'unité forme l'essence des choses et qu'il est impossible que ce soit autre chose que l'unité qui puisse être appelée l'Être, Platon se rapprochait beaucoup des Pythagoriciens; c'était dire à peu près comme eux que les nombres sont pour le reste des choses la cause qui constitue leur essence. 11 Mais ce qui appartient proprement à Platon, c'est d'avoir substitué une dualité à l'infini, qui est Un, dans le système pythagoricien, et d'avoir soutenu que l'infini se compose du Grand et du Petit. Enfin, Platon isole les nombres des objets sensibles, tandis que les Pythagoriciens confondent les nombres avec les choses elles-mêmes et ne regardent pas les êtres mathématiques comme les intermédiaires des choses. 12 Si donc Platon a séparé des choses l'unité et les nombres, en ne les considérant point comme l'avaient fait les Pythagoriciens, et s'il a imaginé d'introduire la théorie des Idées, il y fut conduit par ses études de logique, que n'avaient point faites ses devanciers, ignorants comme ils l'étaient de la dialectique. Si de plus il a fait de la dualité le second principe naturel des choses, c'est que, d'après lui, tous les nombres, sauf les nombres premiers, sortent tout naturellement de la Dyade, comme d'un moule commun. [988a] 13 Mais en réalité c'est tout le contraire, et la théorie de Platon n'est pas du tout rationnelle. En effet, selon eux, la pluralité vient de la matière; mais l'Idée platonicienne n'engendre qu'une unique fois. Cependant l'observation nous atteste évidemment que d'un seul morceau de matière, il ne sort qu'une seule table, par exemple, et que celui qui y ajoute encore l'Idée, fait ainsi plusieurs tables, bien qu'en réalité il n'y en ait qu'une seule. 14 II en est en ceci comme du mâle dans ses rapports avec la femelle : la femelle est fécondée par un accouplement unique, tandis que le mâle peut féconder plusieurs femelles successivement ; et ces images font assez bien comprendre ce que deviennent des principes ainsi conçus. 15 Telles sont donc les théories de Platon sur les questions que nous discutons ici. Ce que nous en avons dit suffit pour montrer qu'il n'a fait usage que de deux causes seulement : la cause de l'essence et celle de la matière. D'un côté, les Idées, suivant lui, sont, pour le reste des choses, les causes de leur essence, comme c'est l'unité qui est cette cause pour les Idées mêmes. D'un autre côté, Platon a déterminé quelle est la matière substantielle qui donne aux Idées leur appellation dans les choses sensibles, comme les Idées la reçoivent de l'unité ; et cette matière, c'est la dualité, composée elle-même du Grand et du Petit. 16 Enfin, Platon accorde à ses deux éléments d'être l'un et l'autre des causes, celui-ci, la cause du bien, et celui-là la cause du mal. Mais, à notre avis, celte question avait été traitée plus complètement même par quelques-uns des philosophes antérieurs, tels qu'Empédocle et Anaxagore. 17 Nous venons en quelques mots et sommairement de passer en revue les philosophes qui ont parlé des principes et qui ont étudié la vérité; et nous avons vu ce qu'ils en disent. Cette rapide revue peut nous apprendre certainement que, dans ces recherches du principe et de la cause, personne n'a dépassé les limites que nous avons posées dans notre ouvrage Sur la Nature ; et que tous nos devanciers ont agité plus ou moins les mêmes problèmes, si d'ailleurs ils ne les ont pas suffisamment approfondis. 18 En effet, les uns ont admis la matière pour principe, soit en faisant ce principe unique ou multiple, soit en le faisant corporel ou incorporel- Pour Platon, par exemple, la matière, c'est le Grand et le Petit ; l'école Italique n'admet que l'infini ; Empédocle reconnaît pour principes le feu et la terre, l'eau et l'air; enfin Anaxagore admet l'infinitude des Homéoméries. 19 Tous, on le voit, se sont occupés de la cause matérielle, surtout ceux qui ont admis l'air, ou le feu ou l'eau, ou encore un élément qui serait plus dense que le feu et plus léger que l'air ; car il y a des philosophes qui ont considéré cet élément intermédiaire comme le premier des éléments. Tous ceux-là n'ont donc touché absolument que la seule cause matérielle. D'autres, en petit nombre, admettant comme principe l'Amitié et la Haine, ou l'Intelligence, ou bien l'Amour, ont joint à la cause matérielle la cause motrice. 20 Mais pas un seul parmi eux ne s'est clairement expliqué sur l'essence et la cause substantielle. [988c] A cet égard, les moins satisfaisants sont encore ceux qui supposent les Idées et tout ce que les Idées comprennent, à les en croire. Selon eux, en effet, les Idées et ce qu'elles contiennent ne sont ni la matière des objets sensibles, ni la cause du mouvement, qu'elles produiraient. Loin de là, ils feraient bien plutôt des Idées une cause d'immobilité et d'absolu repos pour les choses. Les Idées ne donnent aux êtres que leur essence, comme l'unité la donne aux Idées elles-mêmes. 21 Quant au but final, auquel tendent tous les actes, tous les changements et tous les mouvements des choses, ces philosophes le considèrent bien à certains égards comme une cause; mais ils ne l'étudient pas directement comme tel, et ils ne le voient pas nettement comme il est dans sa nature. 22 Par exemple, ceux qui prennent pour principe l'Intelligence ou l'Amour, regardent sans doute ces deux causes comme quelque chose de bon; mais pourtant ils ne supposent pas que quoi que ce soit existe ou se produise dans le monde en vue de l'Intelligence et de l'Amour; et ce serait bien plutôt des êtres qu'ils feraient venir les mouvements de ces deux causes. 23 De même encore, ceux aussi qui trouvent cette nature de cause dans l'Unité et dans l'Être, en font bien le principe de tout ce qui est ; mais dans leur système, ce n'est pas davantage pour elle, prise comme but final, que les choses existent ou se produisent. Par conséquent, on peut dire que tout à la fois ces philosophes reconnaissent et ignorent que c'est le bien qui est précisément cette cause, pour laquelle tout se produit et tout existe; car ils ne font pas du bien le but absolu des choses, et ce n'est qu'indirectement qu'ils arrivent à le considérer ainsi. 24 En résumé, nous pouvons être assurés que nous avons exactement constaté le nombre et la qualité des diverses causes ; et tous ces philosophes semblent être les garants de notre exactitude, puisqu'ils n'ont pu découvrir aucun principe en dehors des nôtres. Nous ajoutons qu'évidemment il faut, ou étudier tous ces principes sans exception, d'après la méthode qui vient d'être exposée, ou en étudier certaine modification. Mais, pour faire suite à ce qui précède, nous allons reprendre ce qu'en ont dit chacun de ces philosophes, et exposer les objections qu'on peut soulever en ce qui regarde les principes tels qu'ils les entendent.
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§ 1. Parut celle de Platon. On sait que Platon a vécu de l'an 427 à l'an 347 avant J.-C. Voir M. Edouard Zeller, Philosophie des Grecs, t. II, p. 339. — Ces derniers Pythagoriciens. Il me semble que l'expression grecque exige cette nuance dans la traduction. On a compris ordinairement qu'il s'agissait simplement des Pythagoriciens en général. — Fréquenté Cratyle. On ne sait rien de Cratyle, si ce n'est qu'il était de l'école d'Héraclite. Aristote en parle encore un peu plus loin, liv. IV, ch. v, § 14, et lui attribue un scepticisme exagéré. Il est à croire que Cratyle s'était occupé avec distinction de quelques parties de la science ; et, s'il eût mérité aussi peu d'estime qu'on semble généralement en avoir pour lui, Platon ne lui eût pas fait l'honneur de mettre le nom de Cratyle à la tète d'un de ses dialogues. Il est assez probable que c'est lui qui avait pensé le premier à étudier l'étymologie. — Héraclite. Plus loin, liv. XIII, ch. iv, § i, Aristote donne encore les mêmes origines, Cratyle et Héraclite, à la philosophie platonicienne et à la théorie des Idées. § 2. Reprit plus tard en sous-œuvre. C'est la nuance de l'expression même du texte. § 3. Des emprunts à. Socrate. Voir les mêmes éloges de Socrate plus loin, liv. XIII, ch. iv, §§ 2 et 3. — Sur les définitions. C'est un des grands mérites qu'Aristote reconnaît à Socrate, qui s'était surtout occupé de morale et de la définition exacte des choses; voir aussi plus loin liv. XIII, ch. ix, § 15. § 4. Les universaux. J'ai cru pouvoir adopter ce terme que la Scholastique a presque inventé et qui répond exactement au mot grec — A des êtres fort différents des choses sensibles. C'est la théorie qu'Aristote a toujours combattue dans le système platonicien. — Qu'ils sont dans un flux perpétuel. Comme le soutenait Héraclite, et toute son école. § 5. Il ajouta. Toute cette exposition de la théorie des Idées est aussi nette que possible. — Synonymes. Il faut voir au début des Catégories, ch. i, § 2, p. 54 de ma traduction, la différence qu'Aristote établit entre les homonymes et les synonymes. § 6. De Participation. C'est en effet un mot tout platonicien qui représentait exactement le rapport que Platon supposait entre les Idées et les choses. — L'imitation des nombres. Voir plus haut, ch. v, § 1. § 7. Laissaient à qui le voudrait. M. Bonitz remarque avec raison que cette critique n'est pas très juste puisqu'un dialogue tout entier, le Parménide est consacré par Platon à cette question. Aristote pouvait trouver ces explications insuffisantes; mais ici il a le tort de les supprimer. Aristote répète la même critique plus loin, liv. VIII, ch. vi, § 9; mais, pour cela, cette critique n'en est pas plus juste. Voir aussi dans ce livre I", plus loin, ch. vii, § 39. Aristote trouve que toute cette théorie platonicienne ne repose que sur des mots vides de sens et sur des métaphores, qui ne sont bonnes qu'en poésie. § 8. Les êtres mathématiques. M. Bonitz conteste, et avec raison, je crois, qu'Aristote reproduise bien la pensée de Platon en supposant qu'il met les êtres mathématiques sur la même ligne que les Idées. — Semblables les uns aux autres. Alexandre d'Apbrodise, dans son Commentaire, prend l'exemple des triangles et des quadrilatères, qui peuvent être très nombreux par la variation de leurs côtés et de leurs angles, tandis que l'Idée du triangle et celle du quadrilatère est unique. D'ailleurs, il faut remarquer qu'Aristote dit seulement que les êtres mathématiques sont Semblables; il ne dit pas qu'ils soient « identiques » les uns aux autres. § 9, Il adopta pour principes le Grand et le Petit. Dans la Physique, liv. III, ch. viii, §13, p. 123 de ma traduction, Aristote discute la théorie de l'infini par Platon; et il établit que Platon reconnaît deux infinis, l'un de grandeur, l'autre de petitesse. C'est le Grand et le Petit, dont Platon fait, sous une autre forme, le principe matériel. — C'est par le Grand et le Petit. Le texte est moins formel. — Les idées sont aussi les nombres. On a beaucoup contesté que Platon ait jamais, comme le veut Aristote, identifié jusqu'à ce point les nombres et les Idées. § 10. Que l'unité qui puisse être appelée. L'unité, étant alors un simple attribut comme tous les autres, cesserait d'être l'essence même des choses. — Les nombres sont pour le reste des choses. Voir plus haut, ch. v, § 7. § 11. Dans le système pythagoricien. J'ai ajouté ces mots pour que la pensée fût plus claire. — L'infini se compose du Grand et du Petit. Voir plus loin, § 15. — Les intermédiaires. Entre les Idées et les choses. § 12. Par ses études de logique. Ou : Par l'étude des définitions. — Ignorants... de la dialectique. Plus loin, liv. XIII, ch. îv, § 2, c'est à Socrate qu'Aristote fait remonter la culture de la dialectique, qui avant lui n'avait aucune puissance. — Les nombres premiers. Alexandre d'Aphrodise entend cette expression dans son sens mathématique. Les nombres premiers sont ceux qui ne sont divisibles que par eux-mêmes ou par l'unité. — Comme d'un moule commun. Tous les nombres pairs sont divisibles par Deux. § 13. L'idée Platonicienne n'engendre qu'une unique fois. Ceci n'est pas très clair; et les exemples qui suivent n'apportent pas la lumière désirable. Les manuscrits n'offrent pas de variante. — Par exemple. J'ai ajouté ces mots. — Il n'y en ait qu'une seule. Plusieurs éditeurs et commentateurs ont adopté ici une variante qui change tout à fait le sens. Selon eux, il faudrait traduire : « Tout en étant seul » ; ceci signifierait alors que le menuisier qui fabrique la table, bien qu'il soit seul, fait autant de tables qu'il veut selon ridée qu'il a conçue. La version que j'ai suivie, d'après quelques manuscrits, me semble encore préférable, bien qu'elle ne soit pas non plus des plus satisfaisantes. § 14. Du mâle... la femelle. Cette comparaison, où la femelle représente la matière et le mâle représente ridée, est assez bizarre. — Ces images font assez bien comprendre. Le texte n'est peut-être pas aussi précis. § 15. Il n'a fait usage que de deux causes. Alexandre d'Aphro-dise a remarqué le premier que Aristote était ici bien peu juste envers Platon et bien peu exact. Les Dialogues, à commencer par le Timée, sont là pour attester combien Platon s'est occupé de la cause motrice; et l'on ne peut comprendre comment Aristote a commis un tel oubli. — Sont, pour le reste des choses, causes de leur essence. Les idées forment l'essence des choses sensibles, de même que l'unité forme l'essence des Idées; voir plus loin, § 21. § 16. A ses deux éléments. Ces deux éléments sont, d'une part, l'unité, cause du bien, et d'autre part, le Grand et le Petit, ou la matière cause du mal. Ici encore on peut douter qu'Aristote soit très exact dans l'interprétation des doctrines platoniciennes. — Empédocle et Anaxagore. Le même éloge est encore adressé à ces deux philosophes, plus loin, liv. XIV, ch. iv, § 3; et les mêmes critiques sont répétées aussi contre la théorie de Platon, ibid. §§ 6 et suiv. On peut voir ce qu'Aristote a déjà dit d'Anaxagore ci-dessus, ch. iii, § 28, et sur Empédocle, ch. xv, § 8. § 17. En quelques mots et sommairement. Plusieurs éditeurs et commentateurs ont commencé ici un chapitre nouveau, qui serait comme la récapitulation de toutes les discussions antérieures. — Étudié la vérité. Alexandre d'Aphrodise remarque que souvent Aristote entend par Vérité la philosophie théorique. — Notre ouvrage Sur la Nature. C'est la Physique, déjà citée plus haut, ch. m, § 6, où Aristote a exposé plus longuement sa théorie des quatre causes. § 18. Les uns ont admis la matière pour principe. Sans que d'ailleurs la matière fût le seul principe qu'ils admissent. § 19. Un élément... plus dense que le feu. Voir plus loin, ch. VII, § 8. Voir aussi la Physique, liv. I, ch. v, § 2, p. 453 de ma traduction, et Traité du Ciel, liv. III, ch. v, § 1, p. 254 de ma traduction. Alexandre d'Aphrodise attribue à Anaximandre la théorie de cet élément intermédiaire. — D'autres, en petit nombre. Voir plus haut, ch. iv, §§ i et suiv. — La cause motrice. Plus haut, ch. iv, § 9, c'est à Empédocle qu'Aristote, avec plus ou moins de raison, fait honneur de cette théorie, qui »e rapproche des siennes. § 20. Qui supposent les Idées et tout ce que les Idées comprennent. M. Bonite propose une variante ingénieuse, mais qui a le tort de ne s'appuyer sur aucun manuscrit. Selon cette variante, il faut traduire : « Qui supposent les Idées et l'unité dans les Idées. » Il est vrai que cette variante pourrait être justifiée par la fin de ce paragraphe. — Selon eux. J'ai ajouté ces mots. § 21. Quant au but final. Aristote se flatte d'être le seul qui ait bien compris ridée de cause finale ; mais on peut trouver qu'il n'est peut-être pas très juste envers les autres, ni envers lui-même, quand on se rappelle toutes les théories de son maître Platon sur le bien. § 22. L'Intelligence. C'est la théorie d'Anaxagore. — L'Amour. C'est la théorie d'Empédocle. — Qu'ils feraient venir tes mouvements de ces deux causes. Voir plus loin les mêmes objections contre Empédocle et Anaxagore, liv. XII, ch. x, §§ 7 et 8. § 23. Cette nature de cause. La cause finale, telle que l'entend Aristote, c'est-à-dire le bien. — Le principe de tout ce qui est à l'état de cause motrice. — Ces philosophes. Il semble toujours que la justice exige une exception pour Platon, qui a fait du Bien la plus haute des Idées. § 24. D'après la méthode. Je tire cette interprétation du Commentaire d'Alexandre. Aristote veut dire qu'on peut étudier, ou les quatre principes qu'il admet ou un de ces principes à part, comme l'ont fait tous ses devanciers. — Ce qu'en on fait chacun de ces philosophes. Il semble que ce soit une répétition plutôt qu'une suite de tout ce qui précède ; car les divers systèmes ont été déjà étudiés et critiqués d'une manière fort étendue.
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Critique des théories antérieures qui n'admettent qu'un seul principe, la matière ; elles négligent les choses incorporelles et elles ne tiennent compte ni du mouvement, ni de l'essence des choses, ni des transformations des éléments entre eux ; rôle de la terre dans ces théories ; citation d'Hésiode ; théories qui admettent plusieurs éléments; critique d'Empédocle; critique d'Anaxagore ; critique des Pythagoriciens et de leur théorie des nombres ; critique générale de la théorie des Idées de Platon ; cette théorie multiplie inutilement les êtres sans expliquer la réalité; elle crée des homonymies sans substance réelle; elle se fonde sur des démonstrations insuffisantes et des définitions arbitraires ; elle suppose entre les Idées et les Êtres un terme commun, qu'elle ne peut désigner; elle ne peut rendre compte du mouvement, ni même des Idées prises pour exemplaires des choses; citation du Phédon; confusion des Idées avec les nom-bres; oubli du mouvement, des longueurs, des surfaces et des solides ; les Idées ne peuvent servir à expliquer la science. Ré-sumé général de cette critique des phUosophies antérieures ; citation de la Physique; conclusion. |
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1 Ὅσοι μὲν οὖν ἕν τε τὸ πᾶν καὶ μίαν τινὰ φύσιν ὡς ὕλην τιθέασι, καὶ ταύτην σωματικὴν καὶ μέγεθος ἔχουσαν, δῆλον ὅτι πολλαχῶς ἁμαρτάνουσιν. τῶν γὰρ σωμάτων τὰ [25] στοιχεῖα τιθέασι μόνον, τῶν δ' ἀσωμάτων οὔ, ὄντων καὶ ἀσωμάτων. 2 Καὶ περὶ γενέσεως καὶ φθορᾶς ἐπιχειροῦντες τὰς αἰτίας λέγειν, καὶ περὶ πάντων φυσιολογοῦντες, τὸ τῆς κινήσεως αἴτιον ἀναιροῦσιν. 3 Ἔτι δὲ τῷ τὴν οὐσίαν μηθενὸς αἰτίαν τιθέναι μηδὲ τὸ τί ἐστι, 4 καὶ πρὸς τούτοις τῷ ῥᾳδίως τῶν [30] ἁπλῶν σωμάτων λέγειν ἀρχὴν ὁτιοῦν πλὴν γῆς, οὐκ ἐπισκεψάμενοι τὴν ἐξ ἀλλήλων γένεσιν πῶς ποιοῦνται, λέγω δὲ πῦρ καὶ ὕδωρ καὶ γῆν καὶ ἀέρα. Τὰ μὲν γὰρ συγκρίσει τὰ δὲ διακρίσει ἐξ ἀλλήλων γίγνεται, 5 τοῦτο δὲ πρὸς τὸ πρότερον εἶναι καὶ ὕστερον διαφέρει πλεῖστον. Τῇ μὲν γὰρ ἂν [35] δόξειε στοιχειωδέστατον εἶναι πάντων ἐξ οὗ γίγνονται συγκρίσει πρώτου, [989a][1] 6 τοιοῦτον δὲ τὸ μικρομερέστατον καὶ λεπτότατον ἂν εἴη τῶν σωμάτων (διόπερ ὅσοι πῦρ ἀρχὴν τιθέασι, μάλιστα ὁμολογουμένως ἂν τῷ λόγῳ τούτῳ λέγοιεν· 7 τοιοῦτον δὲ καὶ τῶν ἄλλων ἕκαστος ὁμολογεῖ τὸ στοιχεῖον εἶναι τὸ τῶν σωμάτων· [5] οὐθεὶς γοῦν ἠξίωσε τῶν ἓν λεγόντων γῆν εἶναι στοιχεῖον, δηλονότι διὰ τὴν μεγαλομέρειαν, τῶν δὲ τριῶν ἕκαστον στοιχείων εἴληφέ τινα κριτήν, οἱ μὲν γὰρ πῦρ οἱ δ' ὕδωρ οἱ δ' ἀέρα τοῦτ' εἶναί φασιν· 8 καίτοι διὰ τί ποτ' οὐ καὶ τὴν γῆν λέγουσιν, ὥσπερ οἱ πολλοὶ τῶν ἀνθρώπων; Πάντα [10] γὰρ εἶναί φασι γῆν, φησὶ δὲ καὶ ῾Ησίοδος τὴν γῆν πρώτην γενέσθαι τῶν σωμάτων· οὕτως ἀρχαίαν καὶ δημοτικὴν συμβέβηκεν εἶναι τὴν ὑπόληψιν)· κατὰ μὲν οὖν τοῦτον τὸν λόγον οὔτ' εἴ τις τούτων τι λέγει πλὴν πυρός, οὔτ' εἴ τις ἀέρος μὲν πυκνότερον τοῦτο τίθησιν ὕδατος δὲ [15] λεπτότερον, οὐκ ὀρθῶς ἂν λέγοι· 9 εἰ δ' ἔστι τὸ τῇ γενέσει ὕστερον τῇ φύσει πρότερον, τὸ δὲ πεπεμμένον καὶ συγκεκριμένον ὕστερον τῇ γενέσει, τοὐναντίον ἂν εἴη τούτων, ὕδωρ μὲν ἀέρος πρότερον γῆ δὲ ὕδατος. 10 Περὶ μὲν οὖν τῶν μίαν τιθεμένων αἰτίαν οἵαν εἴπομεν, ἔστω ταῦτ' εἰρημένα· 11 τὸ δ' [20] αὐτὸ κἂν εἴ τις ταῦτα πλείω τίθησιν, οἷον ᾿Εμπεδοκλῆς τέτταρά φησιν εἶναι σώματα τὴν ὕλην. Καὶ γὰρ τούτῳ τὰ μὲν ταὐτὰ τὰ δ' ἴδια συμβαίνειν ἀνάγκη. Γιγνόμενά τε γὰρ ἐξ ἀλλήλων ὁρῶμεν ὡς οὐκ ἀεὶ διαμένοντος πυρὸς καὶ γῆς τοῦ αὐτοῦ σώματος (εἴρηται δὲ ἐν τοῖς περὶ φύσεως περὶ αὐτῶν), [25] καὶ περὶ τῆς τῶν κινουμένων αἰτίας, πότερον ἓν ἢ δύο θετέον, οὔτ' ὀρθῶς οὔτε εὐλόγως οἰητέον εἰρῆσθαι παντελῶς. 12 ὅλως τε ἀλλοίωσιν ἀναιρεῖσθαι ἀνάγκη τοῖς οὕτω λέγουσιν· οὐ γὰρ ἐκ θερμοῦ ψυχρὸν οὐδὲ ἐκ ψυχροῦ θερμὸν ἔσται. Τὶ γὰρ αὐτὰ ἂν πάσχοι τἀναντία, καὶ τὶς εἴη ἂν μία φύσις ἡ γιγνομένη [30] πῦρ καὶ ὕδωρ, ὃ ἐκεῖνος οὔ φησιν. 13 ᾿Αναξαγόραν δ' εἴ τις ὑπολάβοι δύο λέγειν στοιχεῖα, μάλιστ' ἂν ὑπολάβοι κατὰ λόγον, ὃν ἐκεῖνος αὐτὸς μὲν οὐ διήρθρωσεν, ἠκολούθησε μέντ' ἂν ἐξ ἀνάγκης τοῖς ἐπάγουσιν αὐτόν. Ἀτόπου γὰρ ὄντος καὶ ἄλλως τοῦ φάσκειν μεμῖχθαι τὴν ἀρχὴν πάντα, [989b] [1] καὶ διὰ τὸ συμβαίνειν ἄμικτα δεῖν προϋπάρχειν καὶ διὰ τὸ μὴ πεφυκέναι τῷ τυχόντι μίγνυσθαι τὸ τυχόν, 14 πρὸς δὲ τούτοις ὅτι τὰ πάθη καὶ τὰ συμβεβηκότα χωρίζοιτ' ἂν τῶν οὐσιῶν (τῶν γὰρ αὐτῶν μῖξίς ἐστι καὶ χωρισμόσ), 15 ὅμως εἴ τις ἀκολουθήσειε [5] συνδιαρθρῶν ἃ βούλεται λέγειν, ἴσως ἂν φανείη καινοπρεπεστέρως λέγων. Ὅτε γὰρ οὐθὲν ἦν ἀποκεκριμένον, δῆλον ὡς οὐθὲν ἦν ἀληθὲς εἰπεῖν κατὰ τῆς οὐσίας ἐκείνης, λέγω δ' οἷον ὅτι οὔτε λευκὸν οὔτε μέλαν ἢ φαιὸν ἢ ἄλλο χρῶμα, ἀλλ' ἄχρων ἦν ἐξ ἀνάγκης· εἶχε γὰρ ἄν τι τούτων [10] τῶν χρωμάτων· ὁμοίως δὲ καὶ ἄχυμον τῷ αὐτῷ λόγῳ τούτῳ, οὐδὲ ἄλλο τῶν ὁμοίων οὐθέν· οὔτε γὰρ ποιόν τι οἷόν τε αὐτὸ εἶναι οὔτε ποσὸν οὔτε τί. 16 Τῶν γὰρ ἐν μέρει τι λεγομένων εἰδῶν ὑπῆρχεν ἂν αὐτῷ, τοῦτο δὲ ἀδύνατον μεμιγμένων γε πάντων· ἤδη γὰρ ἂν ἀπεκέκριτο, φησὶ δ' [15] εἶναι μεμιγμένα πάντα πλὴν τοῦ νοῦ, τοῦτον δὲ ἀμιγῆ μόνον καὶ καθαρόν. 17 Ἐκ δὴ τούτων συμβαίνει λέγειν αὐτῷ τὰς ἀρχὰς τό τε ἕν (τοῦτο γὰρ ἁπλοῦν καὶ ἀμιγές) καὶ θάτερον, οἷον τίθεμεν τὸ ἀόριστον πρὶν ὁρισθῆναι καὶ μετασχεῖν εἴδους τινός, 18 ὥστε λέγει μὲν οὔτ' ὀρθῶς οὔτε σαφῶς, βούλεται μέντοι [20] τι παραπλήσιον τοῖς τε ὕστερον λέγουσι καὶ τοῖς νῦν φαινομένοις μᾶλλον. 19 Ἀλλὰ γὰρ οὗτοι μὲν τοῖς περὶ γένεσιν λόγοις καὶ φθορὰν καὶ κίνησιν οἰκεῖοι τυγχάνουσι μόνον (σχεδὸν γὰρ περὶ τῆς τοιαύτης οὐσίας καὶ τὰς ἀρχὰς καὶ τὰς αἰτίας ζητοῦσι μόνης)· 20 ὅσοι δὲ περὶ μὲν ἁπάντων τῶν ὄντων ποιοῦνται [25] τὴν θεωρίαν, τῶν δ' ὄντων τὰ μὲν αἰσθητὰ τὰ δ' οὐκ αἰσθητὰ τιθέασι, δῆλον ὡς περὶ ἀμφοτέρων τῶν γενῶν ποιοῦνται τὴν [27] ἐπίσκεψιν· διὸ μᾶλλον ἄν τις ἐνδιατρίψειε περὶ αὐτῶν, τί καλῶς ἢ μὴ καλῶς λέγουσιν εἰς τὴν τῶν νῦν ἡμῖν προκειμένων σκέψιν. 21 Οἱ μὲν οὖν καλούμενοι Πυθαγόρειοι ταῖς μὲν [30] ἀρχαῖς καὶ τοῖς στοιχείοις ἐκτοπωτέροις χρῶνται τῶν φυσιολόγων (τὸ δ' αἴτιον ὅτι παρέλαβον αὐτὰς οὐκ ἐξ αἰσθητῶν· τὰ γὰρ μαθηματικὰ τῶν ὄντων ἄνευ κινήσεώς ἐστιν ἔξω τῶν περὶ τὴν ἀστρολογίαν), διαλέγονται μέντοι καὶ πραγματεύονται περὶ φύσεως πάντα· 22 γεννῶσί τε γὰρ τὸν οὐρανόν, [990a] [1] καὶ περὶ τὰ τούτου μέρη καὶ τὰ πάθη καὶ τὰ ἔργα διατηροῦσι τὸ συμβαῖνον, καὶ τὰς ἀρχὰς καὶ τὰ αἴτια εἰς ταῦτα καταναλίσκουσιν, ὡς ὁμολογοῦντες τοῖς ἄλλοις φυσιολόγοις ὅτι τό γε ὂν τοῦτ' ἐστὶν ὅσον αἰσθητόν ἐστι καὶ περιείληφεν ὁ [5] καλούμενος οὐρανός. 23 Τὰς δ' αἰτίας καὶ τὰς ἀρχάς, ὥσπερ εἴπομεν, ἱκανὰς λέγουσιν ἐπαναβῆναι καὶ ἐπὶ τὰ ἀνωτέρω τῶν ὄντων, καὶ μᾶλλον ἢ τοῖς περὶ φύσεως λόγοις ἁρμοττούσας. 24 Ἐκ τίνος μέντοι τρόπου κίνησις ἔσται πέρατος καὶ ἀπείρου μόνων ὑποκειμένων καὶ περιττοῦ καὶ ἀρτίου, οὐθὲν [10] λέγουσιν, ἢ πῶς δυνατὸν ἄνευ κινήσεως καὶ μεταβολῆς γένεσιν εἶναι καὶ φθορὰν ἢ τὰ τῶν φερομένων ἔργα κατὰ τὸν οὐρανόν. 25 Ἔτι δὲ εἴτε δοίη τις αὐτοῖς ἐκ τούτων εἶναι μέγεθος εἴτε δειχθείη τοῦτο, ὅμως τίνα τρόπον ἔσται τὰ μὲν κοῦφα τὰ δὲ βάρος ἔχοντα τῶν σωμάτων; Ἐξ ὧν γὰρ ὑποτίθενται [15] καὶ λέγουσιν, οὐθὲν μᾶλλον περὶ τῶν μαθηματικῶν λέγουσι σωμάτων ἢ τῶν αἰσθητῶν· διὸ περὶ πυρὸς ἢ γῆς ἢ τῶν ἄλλων τῶν τοιούτων σωμάτων οὐδ' ὁτιοῦν εἰρήκασιν, ἅτε οὐθὲν περὶ τῶν αἰσθητῶν οἶμαι λέγοντες ἴδιον. 26 Ἔτι δὲ πῶς δεῖ λαβεῖν αἴτια μὲν εἶναι τὰ τοῦ ἀριθμοῦ πάθη καὶ τὸν ἀριθμὸν [20] τῶν κατὰ τὸν οὐρανὸν ὄντων καὶ γιγνομένων καὶ ἐξ ἀρχῆς καὶ νῦν, ἀριθμὸν δ' ἄλλον μηθένα εἶναι παρὰ τὸν ἀριθμὸν τοῦτον ἐξ οὗ συνέστηκεν ὁ κόσμος; Ὅταν γὰρ ἐν τῳδὶ μὲν τῷ μέρει δόξα καὶ καιρὸς αὐτοῖς ᾖ, μικρὸν δὲ ἄνωθεν ἢ κάτωθεν ἀδικία καὶ κρίσις ἢ μῖξις, ἀπόδειξιν δὲ λέγωσιν ὅτι [25] τούτων μὲν ἕκαστον ἀριθμός ἐστι, συμβαίνει δὲ κατὰ τὸν τόπον τοῦτον ἤδη πλῆθος εἶναι τῶν συνισταμένων μεγεθῶν διὰ τὸ τὰ πάθη ταῦτα ἀκολουθεῖν τοῖς τόποις ἑκάστοις, 27 πότερον οὗτος ὁ αὐτός ἐστιν ἀριθμός, ὁ ἐν τῷ οὐρανῷ, ὃν δεῖ λαβεῖν ὅτι τούτων ἕκαστόν ἐστιν, ἢ παρὰ τοῦτον ἄλλος; Ὁ μὲν γὰρ [30] Πλάτων ἕτερον εἶναί φησιν· καίτοι κἀκεῖνος ἀριθμοὺς οἴεται καὶ ταῦτα εἶναι καὶ τὰς τούτων αἰτίας, ἀλλὰ τοὺς μὲν νοητοὺς αἰτίους τούτους δὲ αἰσθητούς. 28 Περὶ μὲν οὖν τῶν Πυθαγορείων ἀφείσθω τὰ νῦν (ἱκανὸν γὰρ αὐτῶν ἅψασθαι τοσοῦτον)· [990b] [1] 29 οἱ δὲ τὰς ἰδέας αἰτίας τιθέμενοι πρῶτον μὲν ζητοῦντες τωνδὶ τῶν ὄντων λαβεῖν τὰς αἰτίας ἕτερα τούτοις ἴσα τὸν ἀριθμὸν ἐκόμισαν, ὥσπερ εἴ τις ἀριθμῆσαι βουλόμενος ἐλαττόνων μὲν ὄντων οἴοιτο μὴ δυνήσεσθαι, πλείω δὲ ποιήσας ἀριθμοίη (σχεδὸν γὰρ ἴσα - ἢ οὐκ [5] ἐλάττω - ἐστὶ τὰ εἴδη τούτοις περὶ ὧν ζητοῦντες τὰς αἰτίας ἐκ τούτων ἐπ' ἐκεῖνα προῆλθον· 30 καθ' ἕκαστον γὰρ ὁμώνυμόν τι ἔστι καὶ παρὰ τὰς οὐσίας, τῶν τε ἄλλων ἔστιν ἓν ἐπὶ πολλῶν, καὶ ἐπὶ τοῖσδε καὶ ἐπὶ τοῖς ἀϊδίοις)· 31 ἔτι δὲ καθ' οὓς τρόπους δείκνυμεν ὅτι ἔστι τὰ εἴδη, κατ' οὐθένα φαίνεται τούτων· [10] ἐξ ἐνίων μὲν γὰρ οὐκ ἀνάγκη γίγνεσθαι συλλογισμόν, ἐξ ἐνίων δὲ καὶ οὐχ ὧν οἰόμεθα τούτων εἴδη γίγνεται. Κατά τε γὰρ τοὺς λόγους τοὺς ἐκ τῶν ἐπιστημῶν εἴδη ἔσται πάντων ὅσων ἐπιστῆμαι εἰσί, καὶ κατὰ τὸ ἓν ἐπὶ πολλῶν καὶ τῶν ἀποφάσεων, κατὰ δὲ τὸ νοεῖν τι φθαρέντος τῶν φθαρτῶν· φάντασμα [15] γάρ τι τούτων ἔστιν. 32 Ἔτι δὲ οἱ ἀκριβέστεροι τῶν λόγων οἱ μὲν τῶν πρός τι ποιοῦσιν ἰδέας, ὧν οὔ φαμεν εἶναι καθ' αὑτὸ γένος, οἱ δὲ τὸν τρίτον ἄνθρωπον λέγουσιν. 33 Ὅλως τε ἀναιροῦσιν οἱ περὶ τῶν εἰδῶν λόγοι ἃ μᾶλλον εἶναι βουλόμεθα [οἱ λέγοντες εἴδη] τοῦ τὰς ἰδέας εἶναι· συμβαίνει γὰρ μὴ [20] εἶναι τὴν δυάδα πρώτην ἀλλὰ τὸν ἀριθμόν, καὶ τὸ πρός τι τοῦ καθ' αὑτό, καὶ πάνθ' ὅσα τινὲς ἀκολουθήσαντες ταῖς περὶ τῶν ἰδεῶν δόξαις ἠναντιώθησαν ταῖς ἀρχαῖς. 34 Ἔτι κατὰ μὲν τὴν ὑπόληψιν καθ' ἣν εἶναί φαμεν τὰς ἰδέας οὐ μόνον τῶν οὐσιῶν ἔσται εἴδη ἀλλὰ πολλῶν καὶ ἑτέρων (καὶ γὰρ τὸ [25] νόημα ἓν οὐ μόνον περὶ τὰς οὐσίας ἀλλὰ καὶ κατὰ τῶν ἄλλων ἐστί, καὶ ἐπιστῆμαι οὐ μόνον τῆς οὐσίας εἰσὶν ἀλλὰ καὶ ἑτέρων, καὶ ἄλλα δὲ μυρία συμβαίνει τοιαῦτἀ· 35 κατὰ δὲ τὸ ἀναγκαῖον καὶ τὰς δόξας τὰς περὶ αὐτῶν, εἰ ἔστι μεθεκτὰ τὰ εἴδη, τῶν οὐσιῶν ἀναγκαῖον ἰδέας εἶναι μόνον. Οὐ [30] γὰρ κατὰ συμβεβηκὸς μετέχονται ἀλλὰ δεῖ ταύτῃ ἑκάστου μετέχειν ᾗ μὴ καθ' ὑποκειμένου λέγεται (λέγω δ' οἷον, εἴ τι αὐτοδιπλασίου μετέχει, τοῦτο καὶ ἀϊδίου μετέχει, ἀλλὰ κατὰ συμβεβηκός· 36 συμβέβηκε γὰρ τῷ διπλασίῳ ἀϊδίῳ εἶναἰ, ὥστ' ἔσται οὐσία τὰ εἴδη· ταὐτὰ δὲ ἐνταῦθα οὐσίαν σημαίνει κἀκεῖ· [991a] [1] ἢ τί ἔσται τὸ εἶναι τι παρὰ ταῦτα, τὸ ἓν ἐπὶ πολλῶν; Καὶ εἰ μὲν ταὐτὸ εἶδος τῶν ἰδεῶν καὶ τῶν μετεχόντων, ἔσται τι κοινόν (τί γὰρ μᾶλλον ἐπὶ τῶν φθαρτῶν δυάδων, καὶ τῶν πολλῶν μὲν ἀϊδίων δέ, τὸ [5] δυὰς ἓν καὶ ταὐτόν, ἢ ἐπί τ' αὐτῆς καὶ τῆς τινός;)· εἰ δὲ μὴ τὸ αὐτὸ εἶδος, ὁμώνυμα ἂν εἴη, καὶ ὅμοιον ὥσπερ ἂν εἴ τις καλοῖ ἄνθρωπον τόν τε Καλλίαν καὶ τὸ ξύλον, μηδεμίαν κοινωνίαν ἐπιβλέψας αὐτῶν. 37 Πάντων δὲ μάλιστα διαπορήσειεν ἄν τις τί ποτε συμβάλλεται τὰ εἴδη τοῖς [10] ἀϊδίοις τῶν αἰσθητῶν ἢ τοῖς γιγνομένοις καὶ φθειρομένοις· 38 οὔτε γὰρ κινήσεως οὔτε μεταβολῆς οὐδεμιᾶς ἐστὶν αἴτια αὐτοῖς. Ἀλλὰ μὴν οὔτε πρὸς τὴν ἐπιστήμην οὐθὲν βοηθεῖ τὴν τῶν ἄλλων (οὐδὲ γὰρ οὐσία ἐκεῖνα τούτων· ἐν τούτοις γὰρ ἂν ἦν), οὔτε εἰς τὸ εἶναι, μὴ ἐνυπάρχοντά γε τοῖς μετέχουσιν· οὕτω μὲν [15] γὰρ ἂν ἴσως αἴτια δόξειεν εἶναι ὡς τὸ λευκὸν μεμιγμένον τῷ λευκῷ, ἀλλ' οὗτος μὲν ὁ λόγος λίαν εὐκίνητος, ὃν ᾿Αναξαγόρας μὲν πρῶτος Εὔδοξος δ' ὕστερον καὶ ἄλλοι τινὲς ἔλεγον (ῥᾴδιον γὰρ συναγαγεῖν πολλὰ καὶ ἀδύνατα πρὸς τὴν τοιαύτην δόξαν)· 39 ἀλλὰ μὴν οὐδ' ἐκ τῶν εἰδῶν ἐστὶ τἆλλα [20] κατ' οὐθένα τρόπον τῶν εἰωθότων λέγεσθαι. Τὸ δὲ λέγειν παραδείγματα αὐτὰ εἶναι καὶ μετέχειν αὐτῶν τἆλλα κενολογεῖν ἐστὶ καὶ μεταφορὰς λέγειν ποιητικάς. Τί γάρ ἐστι τὸ ἐργαζόμενον πρὸς τὰς ἰδέας ἀποβλέπον; Ἐνδέχεταί τε καὶ εἶναι καὶ γίγνεσθαι ὅμοιον ὁτιοῦν καὶ μὴ εἰκαζόμενον [25] πρὸς ἐκεῖνο, ὥστε καὶ ὄντος Σωκράτους καὶ μὴ ὄντος γένοιτ' ἂν οἷος Σωκράτης· ὁμοίως δὲ δῆλον ὅτι κἂν εἰ ἦν ὁ Σωκράτης ἀΐδιος. 40 Ἔσται τε πλείω παραδείγματα τοῦ αὐτοῦ, ὥστε καὶ εἴδη, οἷον τοῦ ἀνθρώπου τὸ ζῷον καὶ τὸ δίπουν, ἅμα δὲ καὶ τὸ αὐτοάνθρωπος. 41 Ἔτι οὐ μόνον τῶν αἰσθητῶν [30] παραδείγματα τὰ εἴδη ἀλλὰ καὶ αὐτῶν, οἷον τὸ γένος, ὡς γένος εἰδῶν· ὥστε τὸ αὐτὸ ἔσται παράδειγμα καὶ εἰκών. 42 [991b] [1] Ἔτι δόξειεν ἂν ἀδύνατον εἶναι χωρὶς τὴν οὐσίαν καὶ οὗ ἡ οὐσία· ὥστε πῶς ἂν αἱ ἰδέαι οὐσίαι τῶν πραγμάτων οὖσαι χωρὶς εἶεν; Ἐν δὲ τῷ Φαίδωνι οὕτω λέγεται, ὡς καὶ τοῦ εἶναι καὶ τοῦ γίγνεσθαι αἴτια τὰ εἴδη ἐστίν· καίτοι τῶν εἰδῶν [5] ὄντων ὅμως οὐ γίγνεται τὰ μετέχοντα ἂν μὴ ᾖ τὸ κινῆσον, 43 καὶ πολλὰ γίγνεται ἕτερα, οἷον οἰκία καὶ δακτύλιος, ὧν οὔ φαμεν εἴδη εἶναι· ὥστε δῆλον ὅτι ἐνδέχεται καὶ τἆλλα καὶ εἶναι καὶ γίγνεσθαι διὰ τοιαύτας αἰτίας οἵας καὶ τὰ ῥηθέντα νῦν. 44 Ἔτι εἴπερ εἰσὶν ἀριθμοὶ τὰ εἴδη, πῶς αἴτιοι ἔσονται; [10] Πότερον ὅτι ἕτεροι ἀριθμοί εἰσι τὰ ὄντα, οἷον ὁδὶ μὲν <ὁ> ἀριθμὸς ἄνθρωπος ὁδὶ δὲ Σωκράτης ὁδὶ δὲ Καλλίας; Τί οὖν ἐκεῖνοι τούτοις αἴτιοί εἰσιν; Οὐδὲ γὰρ εἰ οἱ μὲν ἀΐδιοι οἱ δὲ μή, οὐδὲν διοίσει. 45 Εἰ δ' ὅτι λόγοι ἀριθμῶν τἀνταῦθα, οἷον ἡ συμφωνία, δῆλον ὅτι ἐστὶν ἕν γέ τι ὧν εἰσὶ λόγοι. Εἰ δή [15] τι τοῦτο, ἡ ὕλη, φανερὸν ὅτι καὶ αὐτοὶ οἱ ἀριθμοὶ λόγοι τινὲς ἔσονται ἑτέρου πρὸς ἕτερον. Λέγω δ' οἷον, εἰ ἔστιν ὁ Καλλίας λόγος ἐν ἀριθμοῖς πυρὸς καὶ γῆς καὶ ὕδατος καὶ ἀέρος, καὶ ἄλλων τινῶν ὑποκειμένων ἔσται καὶ ἡ ἰδέα ἀριθμός· καὶ αὐτοάνθρωπος, εἴτ' ἀριθμός τις ὢν εἴτε μή, ὅμως ἔσται λόγος [20] ἐν ἀριθμοῖς τινῶν καὶ οὐκ ἀριθμός, οὐδ' ἔσται τις διὰ ταῦτα ἀριθμός. 46 Ἔτι ἐκ πολλῶν ἀριθμῶν εἷς ἀριθμὸς γίγνεται, ἐξ εἰδῶν δὲ ἓν εἶδος πῶς; Εἰ δὲ μὴ ἐξ αὐτῶν ἀλλ' ἐκ τῶν ἐν τῷ ἀριθμῷ, οἷον ἐν τῇ μυριάδι, πῶς ἔχουσιν αἱ μονάδες; Εἴτε γὰρ ὁμοειδεῖς, πολλὰ συμβήσεται ἄτοπα, εἴτε μὴ ὁμοειδεῖς, [25] μήτε αὐταὶ ἀλλήλαις μήτε αἱ ἄλλαι πᾶσαι πάσαις· τίνι γὰρ διοίσουσιν ἀπαθεῖς οὖσαι; Οὔτε γὰρ εὔλογα ταῦτα οὔτε ὁμολογούμενα τῇ νοήσει. 47 Ἔτι δ' ἀναγκαῖον ἕτερον γένος ἀριθμοῦ κατασκευάζειν περὶ ὃ ἡ ἀριθμητική, καὶ πάντα τὰ μεταξὺ λεγόμενα ὑπό τινων, ἃ πῶς ἢ ἐκ τίνων [30] ἐστὶν ἀρχῶν; Ἢ διὰ τί μεταξὺ τῶν δεῦρό τ' ἔσται καὶ αὐτῶν; 48 Ἔτι αἱ μονάδες αἱ ἐν τῇ δυάδι ἑκατέρα ἔκ τινος προτέρας δυάδος· καίτοι ἀδύνατον. [992a] [1] Ἔτι διὰ τί ἓν ὁ ἀριθμὸς συλλαμβανόμενος; 49 Ἔτι δὲ πρὸς τοῖς εἰρημένοις, εἴπερ εἰσὶν αἱ μονάδες διάφοροι, ἐχρῆν οὕτω λέγειν ὥσπερ καὶ ὅσοι τὰ στοιχεῖα τέτταρα ἢ δύο λέγουσιν· καὶ γὰρ τούτων ἕκαστος οὐ [5] τὸ κοινὸν λέγει στοιχεῖον, οἷον τὸ σῶμα, ἀλλὰ πῦρ καὶ γῆν, εἴτ' ἔστι τι κοινόν, τὸ σῶμα, εἴτε μή. 50 Νῦν δὲ λέγεται ὡς ὄντος τοῦ ἑνὸς ὥσπερ πυρὸς ἢ ὕδατος ὁμοιομεροῦς· εἰ δ' οὕτως, οὐκ ἔσονται οὐσίαι οἱ ἀριθμοί, ἀλλὰ δῆλον ὅτι, εἴπερ ἐστί τι ἓν αὐτὸ καὶ τοῦτό ἐστιν ἀρχή, πλεοναχῶς λέγεται τὸ ἕν· ἄλλως [10] γὰρ ἀδύνατον. 51 Βουλόμενοι δὲ τὰς οὐσίας ἀνάγειν εἰς τὰς ἀρχὰς μήκη μὲν τίθεμεν ἐκ βραχέος καὶ μακροῦ, ἔκ τινος μικροῦ καὶ μεγάλου, καὶ ἐπίπεδον ἐκ πλατέος καὶ στενοῦ, σῶμα δ' ἐκ βαθέος καὶ ταπεινοῦ. 52 Καίτοι πῶς ἕξει ἢ τὸ ἐπίπεδον γραμμὴν ἢ τὸ στερεὸν γραμμὴν καὶ ἐπίπεδον; Ἄλλο [15] γὰρ γένος τὸ πλατὺ καὶ στενὸν καὶ βαθὺ καὶ ταπεινόν· ὥσπερ οὖν οὐδ' ἀριθμὸς ὑπάρχει ἐν αὐτοῖς, ὅτι τὸ πολὺ καὶ ὀλίγον ἕτερον τούτων, δῆλον ὅτι οὐδ' ἄλλο οὐθὲν τῶν ἄνω ὑπάρξει τοῖς κάτω. Ἀλλὰ μὴν οὐδὲ γένος τὸ πλατὺ τοῦ βαθέος· ἦν γὰρ ἂν ἐπίπεδόν τι τὸ σῶμα. 53 Ἔτι αἱ στιγμαὶ ἐκ [20] τίνος ἐνυπάρξουσιν; Τούτῳ μὲν οὖν τῷ γένει καὶ διεμάχετο Πλάτων ὡς ὄντι γεωμετρικῷ δόγματι, ἀλλ' ἐκάλει ἀρχὴν γραμμῆς - τοῦτο δὲ πολλάκις ἐτίθει - τὰς ἀτόμους γραμμάς. Καίτοι ἀνάγκη τούτων εἶναί τι πέρας· ὥστ' ἐξ οὗ λόγου γραμμὴ ἔστι, καὶ στιγμὴ ἔστιν. 54 Ὅλως δὲ ζητούσης τῆς σοφίας περὶ [25] τῶν φανερῶν τὸ αἴτιον, τοῦτο μὲν εἰάκαμεν (οὐθὲν γὰρ λέγομεν περὶ τῆς αἰτίας ὅθεν ἡ ἀρχὴ τῆς μεταβολῆς), τὴν δ' οὐσίαν οἰόμενοι λέγειν αὐτῶν ἑτέρας μὲν οὐσίας εἶναί φαμεν, 55 ὅπως δ' ἐκεῖναι τούτων οὐσίαι, διὰ κενῆς λέγομεν· τὸ γὰρ μετέχειν, ὥσπερ καὶ πρότερον εἴπομεν, οὐθέν ἐστιν. 56 Οὐδὲ δὴ ὅπερ ταῖς [30] ἐπιστήμαις ὁρῶμεν ὂν αἴτιον, δι' ὃ καὶ πᾶς νοῦς καὶ πᾶσα φύσις ποιεῖ, οὐδὲ ταύτης τῆς αἰτίας, ἥν φαμεν εἶναι μίαν τῶν ἀρχῶν, οὐθὲν ἅπτεται τὰ εἴδη, 57 ἀλλὰ γέγονε τὰ μαθήματα τοῖς νῦν ἡ φιλοσοφία, φασκόντων ἄλλων χάριν αὐτὰ δεῖν πραγματεύεσθαι. [992b] [1] Ἔτι δὲ τὴν ὑποκειμένην οὐσίαν ὡς ὕλην μαθηματικωτέραν ἄν τις ὑπολάβοι, καὶ μᾶλλον κατηγορεῖσθαι καὶ διαφορὰν εἶναι τῆς οὐσίας καὶ τῆς ὕλης ἢ ὕλην, οἷον τὸ μέγα καὶ τὸ μικρόν, ὥσπερ καὶ οἱ φυσιολόγοι [5] φασὶ τὸ μανὸν καὶ τὸ πυκνόν, πρώτας τοῦ ὑποκειμένου φάσκοντες εἶναι διαφορὰς ταύτας· ταῦτα γάρ ἐστιν ὑπεροχή τις καὶ ἔλλειψις. 58 Περί τε κινήσεως, εἰ μὲν ἔσται ταῦτα κίνησις, δῆλον ὅτι κινήσεται τὰ εἴδη· εἰ δὲ μή, πόθεν ἦλθεν; 59 Ὅλη γὰρ ἡ περὶ φύσεως ἀνῄρηται σκέψις. Ὅ τε δοκεῖ ῥᾴδιον [10] εἶναι, τὸ δεῖξαι ὅτι ἓν ἅπαντα, οὐ γίγνεται· τῇ γὰρ ἐκθέσει οὐ γίγνεται πάντα ἓν ἀλλ' αὐτό τι ἕν, ἂν διδῷ τις πάντα· καὶ οὐδὲ τοῦτο, εἰ μὴ γένος δώσει τὸ καθόλου εἶναι· τοῦτο δ' ἐν ἐνίοις ἀδύνατον. 60 Οὐθένα δ' ἔχει λόγον οὐδὲ τὰ μετὰ τοὺς ἀριθμοὺς μήκη τε καὶ ἐπίπεδα καὶ στερεά, οὔτε ὅπως ἔστιν ἢ [15] ἔσται οὔτε τίνα ἔχει δύναμιν· ταῦτα γὰρ οὔτε εἴδη οἷόν τε εἶναι (οὐ γάρ εἰσιν ἀριθμοί) οὔτε τὰ μεταξύ (μαθηματικὰ γὰρ ἐκεῖνἀ οὔτε τὰ φθαρτά, ἀλλὰ πάλιν τέταρτον ἄλλο φαίνεται τοῦτό τι γένος. 61 Ὅλως τε τὸ τῶν ὄντων ζητεῖν στοιχεῖα μὴ διελόντας, πολλαχῶς λεγομένων, ἀδύνατον εὑρεῖν, ἄλλως [20] τε καὶ τοῦτον τὸν τρόπον ζητοῦντας ἐξ οἵων ἐστὶ στοιχείων. Ἐκ τίνων γὰρ τὸ ποιεῖν ἢ πάσχειν ἢ τὸ εὐθύ, οὐκ ἔστι δήπου λαβεῖν, ἀλλ' εἴπερ, τῶν οὐσιῶν μόνον ἐνδέχεται· ὥστε τὸ τῶν ὄντων ἁπάντων τὰ στοιχεῖα ἢ ζητεῖν ἢ οἴεσθαι ἔχειν οὐκ ἀληθές. 62 Πῶς δ' ἄν τις καὶ μάθοι τὰ τῶν πάντων στοιχεῖα; [25] Δῆλον γὰρ ὡς οὐθὲν οἷόν τε προϋπάρχειν γνωρίζοντα πρότερον. Ὥσπερ γὰρ τῷ γεωμετρεῖν μανθάνοντι ἄλλα μὲν ἐνδέχεται προειδέναι, ὧν δὲ ἡ ἐπιστήμη καὶ περὶ ὧν μέλλει μανθάνειν οὐθὲν προγιγνώσκει, οὕτω δὴ καὶ ἐπὶ τῶν ἄλλων, 63 ὥστ' εἴ τις τῶν πάντων ἔστιν ἐπιστήμη, οἵαν δή τινές φασιν, [30] οὐθὲν ἂν προϋπάρχοι γνωρίζων οὗτος. Καίτοι πᾶσα μάθησις διὰ προγιγνωσκομένων ἢ πάντων ἢ τινῶν ἐστί, καὶ ἡ δι' ἀποδείξεως ἡ δι' ὁρισμῶν (δεῖ γὰρ ἐξ ὧν ὁ ὁρισμὸς προειδέναι καὶ εἶναι γνώριμἀ· ὁμοίως δὲ καὶ ἡ δι' ἐπαγωγῆς. 64 Ἀλλὰ μὴν εἰ καὶ τυγχάνοι σύμφυτος οὖσα, [993a] [1] θαυμαστὸν πῶς λανθάνομεν ἔχοντες τὴν κρατίστην τῶν ἐπιστημῶν. 65 Ἔτι πῶς τις γνωριεῖ ἐκ τίνων ἐστί, καὶ πῶς ἔσται δῆλον; Καὶ γὰρ τοῦτ' ἔχει ἀπορίαν· ἀμφισβητήσειε γὰρ ἄν τις ὥσπερ καὶ περὶ ἐνίας [5] συλλαβάς· οἱ μὲν γὰρ τὸ ζα ἐκ τοῦ ς καὶ δ καὶ α φασὶν εἶναι, οἱ δέ τινες ἕτερον φθόγγον φασὶν εἶναι καὶ οὐθένα τῶν γνωρίμων. 66 Ἔτι δὲ ὧν ἐστὶν αἴσθησις, ταῦτα πῶς ἄν τις μὴ ἔχων τὴν αἴσθησιν γνοίη; Καίτοι ἔδει, εἴγε πάντων ταὐτὰ στοιχεῖά ἐστιν ἐξ ὧν, ὥσπερ αἱ σύνθετοι φωναί εἰσιν ἐκ τῶν [10] οἰκείων στοιχείων. 67 Ὅτι μὲν οὖν τὰς εἰρημένας ἐν τοῖς φυσικοῖς αἰτίας ζητεῖν ἐοίκασι πάντες, καὶ τούτων ἐκτὸς οὐδεμίαν ἔχοιμεν ἂν εἰπεῖν, δῆλον καὶ ἐκ τῶν πρότερον εἰρημένων· ἀλλ' ἀμυδρῶς ταύτας, καὶ τρόπον μέν τινα πᾶσαι πρότερον εἴρηνται τρόπον [15] δέ τινα οὐδαμῶς. 68 Ψελλιζομένῃ γὰρ ἔοικεν ἡ πρώτη φιλοσοφία περὶ πάντων, ἅτε νέα τε καὶ κατ' ἀρχὰς οὖσα [καὶ τὸ πρῶτον], ἐπεὶ καὶ ᾿Εμπεδοκλῆς ὀστοῦν τῷ λόγῳ φησὶν εἶναι, τοῦτο δ' ἐστὶ τὸ τί ἦν εἶναι καὶ ἡ οὐσία τοῦ πράγματες. Ἀλλὰ μὴν ὁμοίως ἀναγκαῖον καὶ σάρκας καὶ τῶν ἄλλων [20] ἕκαστον εἶναι τὸν λόγον, ἢ μηδὲ ἕν· διὰ τοῦτο γὰρ καὶ σὰρξ καὶ ὀστοῦν ἔσται καὶ τῶν ἄλλων ἕκαστον καὶ οὐ διὰ τὴν ὕλην, ἣν ἐκεῖνος λέγει, πῦρ καὶ γῆν καὶ ὕδωρ καὶ ἀέρα. Ἀλλὰ ταῦτα ἄλλου μὲν λέγοντος συνέφησεν ἂν ἐξ ἀνάγκης, σαφῶς δὲ οὐκ εἴρηκεν.
69
Περὶ μὲν οὖν τούτων δεδήλωται καὶ [25] πρότερον· ὅσα δὲ περὶ τῶν
αὐτῶν τούτων ἀπορήσειεν ἄν τις, [26] ἐπανέλθωμεν πάλιν· τάχα γὰρ ἂν
ἐξ αὐτῶν εὐπορήσαιμέν τι πρὸς τὰς ὕστερον ἀπορίας. |
1 Un premier point de toute évidence, c'est qu'on commet des erreurs de plus d'un genre quand on s'imagine que, dans l'univers entier, il n'y a qu'un seul principe, qu'une seule et unique nature, laquelle est matière, et quand on fait cette nature corporelle et étendue. C'est là s'attacher exclusivement aux éléments des corps, et c'est supprimer les éléments des choses incorporelles, bien que, dans le monde, il y ait aussi des choses qui ne sont pas des corps. 2 De plus, en essayant d'expliquer ainsi les causes de la production et de la destruction des êtres, et tout en prétendant traiter de la nature universelle, on omet la cause du mouvement. 3 Puis, on oublie totalement de considérer comme des causes la substance et l'essence des choses. 4 Enfin, une dernière erreur, c'est qu'on adopte trop facilement pour principe un des corps simples quelconque, la terre exceptée néanmoins, sans expliquer comment la génération ou le changement des choses peut venir des éléments qu'on admet, ni comment se fait la transformation des éléments les uns dans les autres ; je veux dire les transmutations réciproques du feu et de l'eau, de la terre et de l'air, qui peuvent en effet se produire les uns les autres mutuellement, de deux manières, soit en se combinant, soit en se séparant entre eux. 5 Or, il est de la plus grande importance de fixer les rangs entre les éléments, et de mettre celui-ci d'abord, et celui-là ensuite, puisqu'à ce point de vue le corps qui semblerait avoir le caractère d'élément plus complètement que tous les autres, ce serait celui d'où primitivement tout le reste pourrait venir par combinaison. [989a] 6 Mais le corps qui paraît devoir le mieux remplir ce rôle, c'est celui dont les parties sont les plus ténues et les plus légères. Aussi, les philosophes qui adoptent le feu pour principe, semblent être d'accord pour s'appuyer plus particulièrement sur cette considération. 7 Du reste, tout le monde, même parmi les autres philosophes, convient que l'élément des corps doit avoir cette ténuité; et c'est justement parce que les particules de la terre sont de grosse dimension, que personne, parmi les philosophes postérieurs, même ceux qui soutiennent le système de l'unité, n'a prétendu faire de la terre l'élément unique, tandis que chacun des trois autres éléments ont trouvé des partisans pour soutenir leur cause, ceux-ci adoptant le feu, ceux-là adoptant l'eau, d'autres enfin adoptant l'air. 8 Et cependant, comment se fait-il que personne n'ait jamais songé à la terre, à la façon du vulgaire, qui se figure que tout est de la terre ; ou à la façon d'Hésiode, qui soutient que la terre a été la première formée entre tous les corps ? Tant cette supposition était ancienne et populaire. En se plaçant à ce point de vue, on peut trouver que tous ceux qui ont admis un autre élément que le feu, ou qui même ont pris pour élément un corps plus dense que l'air et plus léger que l'eau, sont tombés dans l'erreur. 9 Mais, d'autre part, si ce qui est postérieur dans l'ordre de production est antérieur dans l'ordre de la nature, et si évidemment tout mélange et toute combinaison ne peuvent être que postérieurs dans l'ordre de la production, il s'ensuit que la vérité est tout le contraire de ces systèmes, et que l'eau est certainement antérieure à l'air et que la terre aussi est antérieure à l'eau. 10 Nous nous bornerons à ces remarques sur les doctrines qui ne reconnaissent qu'une seule cause, du genre de celle que nous venons de discuter. 11 Mais on peut élever aussi les mêmes objections contre ceux qui reconnaissent plusieurs éléments, comme le fait Empédocle, qui admet que quatre corps composent la matière. Les critiques générales qu'on vient d'exposer sont tout aussi valables contre son système ; mais il y a nécessairement aussi d'autres critiques qui s'appliquent à lui plus particulièrement. Ainsi, l'observation nous fait voir que les éléments naissent les uns des autres, et que, par conséquent, ni le feu ni la terre ne demeurent constamment les mêmes corps. Ce sont là des transmutations dont nous avons déjà parlé dans nos ouvrages de Physique; nous y avons également traité de la cause des moteurs et examiné s'il faut reconnaître une seule cause motrice ou deux causes. Ce qu'Empédocle a dit à cet égard ne nous paraît ni tout à fait exact, ni tout à fait faux. 12 Nous pouvons même ajouter que, quand on soutient de telles doctrines, on en arrive de toute nécessité à supprimer complètement l'altération, qui transforme les choses; car, avec ces hypothèses, le froid ne peut plus venir du chaud, pas plus que le chaud ne peut venir du froid. Quel est alors, en effet, le sujet qui pourrait éprouver les contraires, et quelle est la nature unique qui pourrait devenir tour à tour eau et feu? C'est ce qu'Empédocle s'est bien abstenu de nous dire. 13 Quant à Anaxagore, si l'on peut lui prêter le système des deux éléments, ce ne serait pas en s'appuyant sur des raisons qu'il ait personnellement développées, mais c'est en s'autorisant de considérations qu'il aurait été forcé lui-même d'accueillir, de ceux qui l'eussent un peu vivement pressé. Ainsi, il est absolument insoutenable de dire « qu'à l'origine des choses tout était a confus » ;[989b] et cela par divers motifs, par celui-ci entre autres, qu'il a dû nécessairement y avoir primitivement et avant tout des éléments qui n'étaient pas mélangés; et, en second lieu, que les lois de la nature s'opposent à ce que le premier élément venu se mêle indifféremment à un élément quelconque. 14 Une autre conséquence de l'opinion d'Anaxagore, c'est que, dans son système, les qualités et les accidents seraient séparables de leurs substances, puisque, si les choses peuvent se mélanger, elles peuvent aussi par cela même se désunir. 15 En dépit de ces objections, si l'on y regarde de près et que l'on analyse en détail ce qu'Anaxagore a voulu dire, on pourra trouver que ses théories sont plus neuves et plus acceptables qu'elles ne le semblent. Ainsi, il est évident que, lorsque les choses n'étaient pas encore divisées, il était bien impossible de donner à cette substance une appellation qui pût véritablement lui convenir. Par exemple, en fait de couleur, elle n'était ni blanche, ni noire, ni grise, ni d'une autre nuance; de toute nécessité, elle était absolument incolore, puisque autrement elle aurait eu une quelconque des couleurs que nous venons de nommer. Par la même raison aussi, cette substance était dénuée de toute saveur. En un mot, elle ne pouvait présenter aucune des qualités de cet ordre. Il était donc impossible qu'elle eût alors un attribut quelconque, ni une quantité, ni aucun des caractères analogues; car elle aurait par là-même possédé une des qualités ou espèces particulières qu'on vient d'énumérer. 16 Mais, quand tout était mêlé, cette distinction était tout à fait impossible ; car il y aurait eu dès lors une division des choses. Or, Anaxagore affirme que tout était confondu, sauf l'Intelligence, qui seule était en dehors du mélange et parfaitement pure. 17 De tout cela, on peut conclure que, d'après Anaxagore, il y a deux principes : un premier, qui est l'unité simple et sans aucun mélange ; et un second, qui est l'Autre, ou cette sorte d'être que nous appelons l'Indéterminé, avant qu'il n'ait reçu aucune détermination ni l'empreinte d'aucune forme. 18 On le voit donc, Anaxagore n'est dans tout ceci ni fort exact, ni fort clair; mais pourtant il n'est pas très loin des systèmes qui l'ont suivi, et il se rapproche davantage des diverses opinions qui ont cours de notre temps. 19 Un reproche commun qu'on peut adresser à tous ces philosophes, c'est qu'ils n'ont convenablement étudié que la production des choses et leur destruction avec leur mouvement, et que, pour eux, les principes et les causes, objets de leurs recherches, ne concernent absolument que la substance ainsi comprise. 20 Mais ceux qui étendent leurs investigations à la totalité des êtres, et qui, parmi les choses, savent distinguer celles qui tombent sous nos sens et celles qui leur échappent, appliquent évidemment leur examen à ces deux ordres d'idées à la fois ; et c'est là pour nous un motif de nous arrêter plus longuement à leurs systèmes, afin de voir ce qu'ils renferment de vrai ou d'erroné, par rapport aux questions dont nous nous sommes ici proposé l'étude. 21 Ainsi, les philosophes qu'on nomme les Pythagoriciens, appliquent leurs principes et leurs éléments d'une manière plus étrange encore que les Naturalistes. Leur méprise est venue de ce qu'ils n'ont pas emprunté leurs principes aux choses sensibles, puisque leurs êtres mathématiques sont absolument immobiles, si ce n'est en astronomie, et que néanmoins ils parlent de tout dans la nature, et prétendent l'embrasser tout entière dans leurs travaux. 22 En effet, ils créent et ils organisent le ciel ; [990a] ils consacrent de longues observations à ses parties diverses, à ses révolutions et à tous les phénomènes qui s'y passent; et ils épuisent dans ces recherches leurs principes et leurs causes, comme s'ils étaient d'accord avec les autres Naturalistes, pour admettre que l'Être n'est que ce qui tombe sous nos sens et est renfermé dans ce qu'ils appellent du nom de Ciel. 23 Mais les causes et les principes, tels que les reconnaissent les Pythagoriciens, pourraient suffire, nous le répétons, à nous expliquer les choses les plus relevées, et ils conviendraient à cet objet supérieur bien plutôt qu'à l'étude de la nature. 24 D'ailleurs, les Pythagoriciens, dans leur système, omettent de nous dire d'où pourrait venir le mouvement, avec les seuls éléments qu'ils supposent, le Fini et l'Infini, l'Impair et le Pair. Ils ne nous apprennent pas non plus comment, sans mouvement et sans changement, la production et la destruction des choses sont possibles, non plus que les phénomènes présentés par les corps qui roulent perpétuellement dans le ciel. 25 Même en leur accordant que, des principes admis par eux, on puisse faire sortir l'étendue des corps, ou qu'ils l'aient eux-mêmes démontré, il leur restera toujours à expliquer comment, parmi les corps, les uns sont légers et les autres sont pesants ; car, d'après leurs hypothèses et leurs propres déclarations, ils n'accordent pas plus cette propriété aux corps sensibles qu'aux êtres mathématiques. Aussi, n'ont-ils dit quoi que ce soit, ni du feu, ni de la terre, ni des autres corps de ce genre, parce qu'à notre sens ils n'ont pas de doctrine particulière sur les choses sensibles. 26 Et puis, comment peut-on comprendre que les modifications du nombre et le nombre lui-même soient les causes de tout ce qui existe, et de tout ce qui se produit dans le monde, aussi bien depuis l'origine des choses qu'actuellement, et qu'il n'y ait pas cependant d'autre nombre en dehors de ce nombre même dont l'univers a été formé? En effet, lorsque, dans tel ou tel point du ciel, les Pythagoriciens croient trouver l'Opinion et l'Occasion, qu'un peu plus haut ou un peu plus bas, ils trouvent encore l'Injustice, la Division, le Mélange, et qu'ils s'efforcent de démontrer que chacune de ces choses est un nombre, on peut leur répondre qu'il y a déjà, dans ce lieu même du ciel, une multitude de grandeurs qui l'occupent, parce que ces modes particuliers des nombres appartiennent à chacun de ces lieux. 27 Et alors, est-ce ce même nombre qui est dans le ciel qu'il faut considérer comme la cause de chacune de ces choses? Ou bien est-ce un autre nombre indépendant de celui-là? Platon assure que c'est un autre nombre ; ce qui ne l'empêche pas, lui aussi, de croire que ces choses-là et leurs causes sont des nombres ; mais, pour lui, il n'y a que les nombres intelligibles qui soient des causes véritables, tandis que les autres nombres sont purement sensibles. 28 Quoi qu'il en soit, laissons maintenant les doctrines des Pythagoriciens pour ce qu'elles sont, et contentons-nous de les avoir effleurées, comme nous venons de le faire. [990b] 29 Quant aux philosophes qui ont pris les Idées pour la cause des êtres, tout en cherchant d'abord à connaître les causes des êtres réels, ils n'ont fait qu'y ajouter d'autres êtres en nombre égal, absolument comme si quelqu'un, ayant à compter un assez petit nombre de choses et pensant ne pas pouvoir en venir à bout, allait multiplier ce nombre en s'imaginant par là les compter plus aisément. En effet, les Idées sont aussi nombreuses, à peu près, ou, si l'on veut, ne sont pas moins nombreuses que les choses mêmes d'où l'on est parti pour en connaître les causes, et arriver jusqu'aux Idées. 30 Chaque objet a ainsi son Idée homonyme; et à côté des substances de toutes les autres choses réelles, il y a, de plus, une Idée pour l'unité appliquée à la pluralité, soit qu'il s'agisse des choses de ce monde, soit qu'il s'agisse des choses éternelles. 31 On peut dire encore que, parmi toutes les démonstrations que l'on essaie de nous donner de l'existence des Idées, il n'y en a pas une qui soit décisive. Quelques-unes ne portent pas en elles de conclusion nécessaire; quelques autres établissent des Idées même pour des choses où nous ne les admettons guère. Ainsi, d'après l'argument qu'on tire de la nature des sciences, il y aurait des Idées pour tout ce qu'on peut savoir; d'après l'argument tiré de l'unité dans la multiplicité, il y aurait des Idées même pour des négations; enfin, par cela seul qu'on peut penser à une chose détruite, il y aurait des Idées pour des choses sujettes à la destruction, puisqu'on peut toujours se former une image quelconque de ces choses.32 On doit même remarquer que, parmi ces démonstrations les plus rigoureuses, les unes admettent des Idées pour des choses purement relatives, auxquelles cependant on ne veut pas accorder la réalité d'un genre en soi; et les autres vont jusqu'à la supposition du Troisième homme. 33 En général, tous ces arguments en faveur des Idées tendent à supprimer bien des choses auxquelles, cependant, les partisans de cette théorie accordent encore plus volontiers l'existence qu'aux Idées elles-mêmes. Par exemple, il en résulte que ce n'est plus la dualité, la Dyade, qui tient la première place ; c'est le nombre, c'est le relatif qui prend le rang de l'Être en soi, de l'absolu, sans compter tant d'autres contradictions, où tombent quelques-uns des défenseurs du système des Idées, en se mettant en opposition avec leurs propres principes. 34 Même, si nous admettons la supposition, bien gratuite de notre part, qu'il existe des Idées, nous verrons qu'il y en aura non pas seulement pour les substances, mais pour une foule d'autres choses encore. C'est qu'en effet l'acte de la pensée qui réduit les choses à l'unité a lieu, non pas seulement pour atteindre les substances, mais pour atteindre aussi tout le reste; nous ne connaissons pas exclusivement la substance; mais nos connaissances s'étendent fort au-delà d'elle, et il y aurait à citer des milliers d'exemples de ce genre .35 Or, de toute nécessité et comme conséquence de la doctrine même, si les Idées sont susceptibles de participation, il ne peut y avoir d'Idées que pour les substances toutes seules, puisque en effet la participation ne peut pas être indirecte, et que chaque substance réelle ne participe à son Idée qu'en ce sens que cette substance ne peut jamais devenir l'attribut de quoi que ce soit. Par exemple, si un objet quelconque participe de l'Idée du double en soi, il participe aussi de l'Idée de l'éternel; mais ce n'est qu'indirectement, parce que c'est indirectement que le double peut être éternel. 36 La conséquence de ceci, c'est que les Idées sont la substance même des choses, puisque, des deux parts, dans le monde des Idées et dans ce monde-ci, la substance est désignée de la même manière. [991a] Si cela n'était pas, que voudrait-on dire en affirmant qu'en dehors des êtres il existe une autre chose, à savoir, l'Unité au-dessus de la Pluralité? Mais s'il n'y a qu'un seul et même genre pour les Idées et pour les êtres qui en participent, il y aura dès lors un terme commun entre les Idées et les êtres qui participent des Idées; car entre les Dyades sensibles sujettes à périr, et les Dyades qui, tout en étant multiples, n'en sont pas moins éternelles, la Dyade ne peut pas être plus une et plus identique qu'elle ne l'est entre la Dyade en soi et une Dyade particulière. Que si au contraire le genre n'est pas le même entre les Idées et les choses, il n'y a plus là qu'une simple homonymie, et une ressemblance, qui n'a pas plus de valeur que si l'on appelait du seul et même nom d'homme Callias, je suppose, et un morceau de bois, sans qu'on pût découvrir entre eux la moindre condition commune, 37 La critique la plus grave à élever contre la théorie des Idées, c'est de rechercher en quoi les Idées peuvent servir à expliquer les choses sensibles, soit dans ce que ces choses on t d'éternel, soit dans ce qu'elles ont de passager et de périssable. 38 Ainsi, les Idées ne peuvent jamais être pour les choses, ni causes d'un mouvement, ni causes d'un changement quelconque. Elles ne peuvent pas davantage servir, ni à nous faire comprendre et savoir les autres choses, puisqu'elles n'en sont pas la substance et que, pour être la substance des choses, elles devraient être dans les choses elles-mêmes ; ni servir à faire exister les choses, puisqu'elles ne se trouvent pas dans les êtres qui en participent. À toute force, on pourrait supposer qu'elles en sont les causes, comme la blancheur est une cause dans l'objet blanc auquel elle est mêlée. Mais cette explication est trop facile à réfuter, bien que ce soit Anaxagore qui l'ait avancée le premier, suivi ensuite par Eudoxe et par bien d'autres après lui. Rien ne serait plus aisé que d'accumuler une foule d'objections insurmontables contre cette théorie. 39 Du reste, quoi qu'on en pense, les Idées ne peuvent donner naissance aux autres choses d'aucune des manières où l'on entend ordinairement cette relation. Ainsi, dire que les Idées sont des exemplaires des êtres et que tout le reste des choses en participe, ce sont des mots parfaitement vides et de simples métaphores, bonnes pour la poésie. Qu'est-ce que c'est que de produire une chose quelconque, en ayant les regards fixés sur les Idées? Une chose peut très bien ressembler ou devenir semblable à une autre, sans même avoir été modelée sur elle : par exemple, que Socrate existe ou qu'il n'existe pas, il peut très bien y avoir quelqu'un qui lui ressemble ; et il en serait évidemment de même si l'on supposait que Socrate est éternel. 40 II pourrait en outre y avoir ainsi plusieurs Exemplaires pour une seule et même chose; et, par suite, il pourrait y avoir également pour elle plusieurs Idées : pour l'homme, si l'on prend cet exemple, il y aurait l'Idée de l'animal, l'Idée du bipède, et en même temps encore l'Idée de l'homme en soi. 41 [991b] Ajoutez que les Idées ne sont pas seulement les exemplaires des choses sensibles ; elles sont leurs propres exemplaires ; et, par exemple, le genre est un exemplaire à l'égard des espèces dont il est formé. Il en résulte alors qu'une seule et même chose peut être tout à la fois exemplaire et copie. 42 Une impossibilité, non moins forte, à ce qu'il semble, c'est que la substance puisse être en dehors de la chose dont elle est la substance ; et par conséquent, comment les Idées, qui sont les substances des choses pourraient-elles en être séparées? On prétend bien, dans le Phédon, que les Idées sont causes de l'existence et de la production des choses; mais pourtant les Idées elles-mêmes ont beau exister, les êtres qui en participent ne se produisent pas sans l'action d'une cause qui puisse les mettre en mouvement.43 Et puis, une foule de choses sont produites par la main de l'homme, une maison, par exemple, un anneau, pour lesquelles nous ne disons pas néanmoins qu'il y ait des Idées. Pourtant, il est bien clair qu'une foule d'objets peuvent, ou exister, ou se produire, par des causes du genre de celles qui produisent les choses que nous venons de citer. 44 D'une autre part, si les Idées sont des nombres, peuvent-ils être les causes des choses? Est-ce en ce sens que chacun des êtres serait des nombres différents, et qu'ainsi tel nombre serait l'homme, tel autre serait Socrate, tel autre Callias? Mais comment ceux-là seraient-ils causes de ceux-ci? Il importe peu d'ailleurs que les uns soient éternels, et que les autres ne le soient pas. 45 Si l'on prétend que les êtres d'ici-bas sont des proportions et des rapports de nombres, comme l'est en musique l'accord des sons, il est incontestable alors qu'il doit y avoir une certaine unité dont les choses sont les rapports; et si cette unité est la matière, il en résulte que les nombres eux-mêmes ne sont plus que des rapports d'une chose à une autre chose. Je m'explique : si Callias est un certain rapport numérique de feu et de terre, d'eau et d'air, et s'il est aussi l'homme en soi, l'Idée sera le nombre de quelques autres objets ; l'Idée nombre et l'homme en soi, qu'en réalité ce soit ou que ce ne soit pas là un nombre déterminé, ne seront plus qu'un rapport numérique entre certaines choses ; ce ne sera plus un nombre proprement dit; l'Idée, par cela même, cessera absolument d'être un nombre quelconque. 46 Autre objection. De plusieurs nombres, on peut toujours former un seul nombre. Mais comment de plusieurs Idées peut-il se former une seule Idée? Si l'on dit que ce n'est pas avec les Idées que se forme le nombre total, mais que c'est avec les unités dénombrées, comme le nombre dix mille, par exemple, se compose des unités qui le forment, que sont alors les unités des Idées les unes par rapport aux autres? Ici l'on va se créer de bien étranges difficultés, soit qu'on les fasse d'espèces dissemblables, et qu'elles ne soient pas les mêmes les unes par rapport aux autres unités, soit que toutes les autres uni tés d'Idées différentes ne se ressemblent pas davantage. En effet, puisque les Idées sont dénuées de toute qualité, en quoi pourraient-elles différer entre elles? Tout cela n'est guère raisonnable, et c'est en contradiction avec la pensée générale du système. 47 Bien plus, on sera nécessairement conduit à imaginer un nombre d'espèce nouvelle, qui deviendra l'objet propre de l'arithmétique, et à créer tous ces Intermédiaires, pour les appeler du nom qui leur a été donné par quelques philosophes. Mais ces intermédiaires, comment existent-ils, et que sont-ils? De quelle source peuvent-ils venir? A quoi bon, d'ailleurs, des intermédiaires entre les choses sensibles de ce monde et les Idées? 48 II faut supposer aussi que les unités qui entrent dans l'une et l'autre Dyade viennent de quelque Dyade antérieure. Mais c'est là quelque chose d'absolument impossible ; [992a] et puis, comment peut-il se faire que le nombre totalisé devienne une unité? 49 Veut-on encore après toutes ces objections que les unités soient différentes les unes des autres? Alors, il fallait le dire avec précision, comme le font ceux qui reconnaissent quatre éléments ou deux éléments; car ces philosophes, loin de prendre pour principe un terme commun et vague, comme celui de Corps, qui pourrait convenir à tous les éléments, spécifient le feu ou la terre, laissant de côté la question de savoir si le mot de Corps est ou n'est pas quelque chose de commun à tous les éléments qu'ils admettent. 50 Mais ici l'on nous parle de l'unité, qui serait composée de parties semblables comme le sont le feu ou l'eau, dont toutes les parties sont similaires. Or, s'il en est ainsi, les nombres ne peuvent plus être des substances ; et il est évident que, si l'on croit avoir l'Unité en soi, et qu'on en fasse un principe, c'est qu'on prend le terme d'Unité en plusieurs sens ; car autrement cette unité serait impossible à comprendre. 51 En voulant ramener les réalités à des principes, les partisans des Idées composent les longueurs avec le long et le court, c'est à dire avec le Petit et le Grand ; la surface, avec le large et l'étroit; et le corps, avec l'épais et le mince. Mais comment la surface peut-elle contenir la ligne? Ou, comment le solide contien-drait-if la ligne et la surface, puisque le large et l'étroit sont des genres différents, comme le sont également l'épais et le mince ? 52 Ainsi donc, de même qu'il n'y a pas de nombre dans tout cela, parce que le Peu et le Beaucoup sont aussi toute autre chose, de même il est clair qu'aucun des termes supérieurs, par exemple, le large, n'est pas le genre de l'épais; car alors le corps se réduirait à une surface d'une certaine espèce. 53 Et puis, d'où viennent les points qui sont dans les corps? Platon lui-même combattait cette conception particulière du point, comme étant purement géométrique; mais il appelait le point le principe delà ligne; et il le considérait souvent de cette façon, pour expliquer les lignes indivisibles. Du reste, comme il faut nécessairement que ces lignes aussi aient une limite, le même raisonnement qui, d'après lui, démontrait l'existence de la ligne, démontrait également l'existence du point. 54 Une objection générale contre la théorie des Idées, c'est que, le but de la philosophie étant de rechercher la cause de tout ce qu'on peut observer, nous avons négligé ici cet objet capital, puisque nous ne disons rien de la cause d'où vient le principe du changement, et que, tout en croyant expliquer l'essence des choses visibles, nous ne faisons qu'imaginer d'autres substances à côté de celles-là. 55 Quant à savoir comment celles-ci sont les substances de celles-là, nous ne répondons à cette question que par des mots tout à fait vides de sens, puisque le mot de Participation est, ainsi que nous l'avons déjà remarque, une expression qui ne signifie absolument rien. 56 Les Idées laissent également tout à fait de côté le principe qui est la base de toutes nos connaissances, le principe par lequel agissent l'Intelligence et la Nature entière, et que nous plaçons, à titre de cause, parmi les principes que nous admettons. 57 C'est que les mathématiques sont devenues de nos jours toute la philosophie, parce qu'il faut, dit-on, les cultiver pour pouvoir comprendre le reste des choses. [992b] On pourrait trouver, en outre, que la substance prétendue qu'on donne aux choses comme leur matière, est encore plus mathématique que réelle, et qu'elle peut être, comme le Grand et le Petit, un attribut et une différence de la substance et de la matière, bien plutôt qu'elle n'est la matière elle-même. C'est également ainsi qu'aux yeux des Naturalistes la substance des choses est le Rare et le Dense, qu'ils regardent comme les premières différences du sujet, tandis que le Rare et le Dense ne sont que des rapports de plus ou de moins. 58 Quant au mouvement, si le Plus et le Moins sont du mouvement véritable, il est clair que les Idées aussi doivent être en mouvement. Mais si les Idées sont immobiles, d'où le mouvement pourrait-il venir ? 59 Or, en supprimant le mouvement, on anéantit du même coup toute étude de la nature. On ne peut plus même démontrer, ce qui semblait pourtant bien facile, que la totalité des choses considérées forme une unité, puisque, par ce procédé de l'abstraction, l'on ne fait pas que toutes les choses qu'on réunit forment une unité réelle, mais on ajoute seulement une certaine unité, en supposant qu'on puisse embrasser aussi la totalité des choses qu'on prétend réunir. Cette conclusion même n'est possible que si l'on accorde que l'universel est le genre; ce qui, dans quelques cas, n'est pas exact. 60 On ne donne également aucune explication pour ce qu'on met à la suite des nombres, à savoir : les longueurs, les surfaces et les solides ; et l'on ne dit, ni comment elles sont, ni comment elles pourraient être, ni quelles propriétés elles peuvent présenter. Or, il n'est pas possible que ce soient là aussi des Idées, puisque ce ne sont plus des nombres. Les êtres intermédiaires ne sont pas davantage des Idées, puisque ces intermédiaires sont des entités mathématiques; et enfin, les êtres périssables ne sont pas des Idées non plus. II y aurait donc là, à ce qu'il semble, un quatrième genre à ajouter à tous les autres. 61 En un mot, quand on étudie les éléments de tout ce qui est, sans faire des distinctions indispensables entre les sens multiples où le mot d'Être peut être conçu, il est impossible de découvrir ces éléments. C'est surtout impossible quand on cherche à savoir de quels éléments les choses sont formées, en suivant la méthode des partisans des Idées. On est hors d'état, avec ces procédés, de dire d'où viennent dans les choses la passivité ou l'action, ni d'où vient qu'une chose est droite ; et si l'on y parvient, ce n'est absolument que pour les substances toutes seules. Donc, chercher de cette façon les éléments de toutes choses, ou s'imaginer qu'on les possède, c'est être également éloigné de la vérité. 62 Comment, en effet, apprendre quels sont les éléments de toutes choses sans exception? Évidemment il est impossible qu'on possède à cet égard absolument aucunes données préliminaires; car, de même que, quand on apprend la géométrie, on peut bien posséder préalablement d'autres notions que celles-là, mais qu'on ne sait rien à l'avance des choses spéciales que la science géométrique doit enseigner, et qu'on désire apprendre, de môme aussi pour toutes les autres sciences. 63 Par conséquent, s'il est vrai qu'il y ait une science de toutes choses, ainsi qu'on nous l'affirme quelquefois, celui qui rechercherait cette science universelle ne devrait donc posséder aucune espèce de connaissance préalable. Or, rien ne peut s'apprendre qu'à la condition de certaines notions antérieures, soit sur toute la chose qu'on veut étudier, soit sur quelques-unes de ses parties, que d'ailleurs ces notions préliminaires viennent de démonstrations ou de définitions. En effet, les éléments au moins dont se compose la définition doivent être antérieurement connus et avoir une clarté suffisante, condition à laquelle est soumise également la science qu'on acquiert par l'induction. 64 Cependant, si cette connaissance préalable de l'ensemble des choses est naturellement en nous, il est [993a] bien étrange que nous possédions cette science, qui est la plus haute de toutes, sans nous douter même que nous la possédions. 65 Et encore, comment sera-t-il donné à quelqu'un de connaître les éléments dont cette science primordiale se compose? Et comment les expli-quera-t-on clairement? C'est là un difficile problème, et l'on pourrait fort bien se poser ici les questions qu'on se pose quelquefois sur les syllabes formées par certaines lettres. Soit, par exemple, la syllabe D S A. Les uns soutiennent qu'elle est formée du D, de l'S et de l'A ; d'autres au contraire soutiennent qu'il y a là un son différent, qui n'est aucun de ceux qu'on connaît. 66 Mais peut-on demander encore : Pour les choses qu'on ne connaît qu'à la condition de les sentir, comment les connaître si l'on n'en a pas la sensation ? Cependant, il faudrait qu'on les connût sans les sentir, si, en effet, les éléments de toutes choses sont identiques, de même que les syllabes composées se forment avec les lettres ordinaires. 67 En résumé, il résulte de ce que nous venons d'exposer que tous les philosophes, à ce qu'il semble, se sont bien occupés comme nous des causes qui sont énumérées dans notre Physique, et en dehors desquelles nous ne saurions en reconnaître aucune autre. Mais les études dont ces divers principes ont été l'objet sont bien vagues; et si, à certains égards, on lésa tous entrevus et indiqués avant nous, à d'autres égards on peut affirmer qu'on n'en a rien dit, 68 Sur toutes choses, la philosophie première n'a guère fait, ce semble, que bégayer, parce qu'elle était jeune alors, et qu'elle en était à ses débuts et à ses premiers pas. C'est ainsi, par exemple, qu'Empédode expliquait la constitution des os, en disant que c'est une proportion. Il nous donne cela pour l'essence et la substance de la chose qu'il prétend décrire. Mais nécessairement l'explication serait tout aussi bonne, par exemple, .pour la 'chair et pour toute autre chose, lesquelles sont également des proportions, à moins que rien au monde ne soit une proportion ; car c'est grâce à la proportion que la chair, les os et tout autre corps quelconque sont ce qu'ils sont; ce n'est plus par la matière qui pourtant, selon Empédocle, est le feu et la terre, l'air et l'eau. Si quelque autre philosophe eût avancé ces théories, Empédocle lui aurait fait nécessairement les mêmes objections que nous lui faisons; mais il est vrai qu'à cet égard il ne s'est pas prononcé très clairement. 69 Quant à nous, quoique nous ayons bien assez longuement discuté tous ces points dans ce qui précède, nous aurons à revenir sur ce sujet, afin de lever tous les doutes qui pourraient encore subsister pour quelques esprits; et nos recherches ultérieures profiteront certainement aux éclaircissements que nous aurons à en tirer.
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§ 1. Des erreurs de plus d'un genre. Aristote en compte jusqu'à quatre, qu'il énumère dans les §§ suivants. — Quand on s'imagine. Cette nuance d'ironie est dans le texte. — C'est là s'attacher exclusivement aux éléments des corps. Première erreur; Âristote, en la signalant, combat le matérialisme. § 2. De plus. Seconde erreur, au moins aussi grave que la première : on laisse de côté la cause motrice. § 3. Puis, on oublie totalement Troisième erreur, qui consiste à oublier la cause essentielle, comme on a oublié la cause motrice. § 4. Une dernière erreur, C'est la quatrième. — La terre exceptée. Voir plus loin, § 7, ce qui est dit de la terre considérée comme élément de toutes choses. — Les transmutations réciproques. Il n'y a pas à insister sur cette étrange physique ; c'est le point où en est la science à ses débuts et au temps d'Aristote.
— Soit en se combinant, soit en
se séparant. C'est, au fond, le § 5. De fixer les rangs. La question subsiste encore tout entière aujourd'hui; seulement les éléments sont plus nombreux, et les distinctions à faire entre eux, plus délicates. — Pourrait venir par combinaison. C'est supposer toujours que les éléments peuvent se transformer les uns dans les autres. § 6. Dont les parties sont tes plus ténues. C'est le feu évidemment, dans le système d'Artstote, — Qui adoptent le feu pour principe. Comme Heraclite § 7. Ont trouvé des partisans. Voir une pensée et di.js expres-sions toutes pareilles, Traité de l'Ame, liv. I, ch. ii, § 19, p. 118 de ma traduction. § 8. Ou à la façon d'Hésiode. Voir plus haut, ch. iv, § 1, où Aristote cite des vers d'Hésiode, qui fait naître la terre avant tous les autres éléments. — Plus dense que l'air et plus léger que l'eau. Voir plus haut, ch. vi, § 19. § 9. Ce qui est postérieur dans l'ordre de production. Voir plus loin, liv. IX, ch. viii, §§ 8 et 9, une discussion approfondie sur ce point. C'est ainsi que l'homme mûr, postérieur à l'enfant comme production, est antérieur par nature à l'enfant, puisque l'enfant tend à devenir homme. § 11. Contre ceux qui reconnaissent plusieurs éléments. Dans tout ce qui précède, Aristote s'est occupé exclusivement des philosophes qui ne reconnaissent qu'un seul principe, la matière. Mais Empédocle en admet au moins deux. — Qu'on vient d'exposer. Le texte n'est pas tout à fait aussi précis. — Ainsi. Première ohjection contre Empédocle. Les éléments se transforment les uns dans les autres et ne sont pas séparés aussi complètement qu'Empédocle le prétend. Il n'y a au fond qu'un seul élément, qui présente quatre formes différentes, et non point quatre éléments. — Dans nos ouvrages de Physique. Il ne s'agit pas ici de l'ouvrage qui porte le nom spé-cial de Physique; car ce passage se rapporte au Traité du Ciel, liv. III, ch. vii, § 4, p. 267 de ma traduction, et aussi au Traité de la Production et de la Destruction des choses, liv. II, ch. vi, § 1, p. 147. Ceci prouve, comme le re-marque M. Bonite, qu'Aristote comprenait sous le nom général de Physique tous les ouvrages où il avait traité de la nature. — La cause des moteurs. C'est l'expression méme du texte, que j'ai conservée; mais cela revient à dire : La cause motrice. — Une seule cause motrice ou deux causes. Voir plus haut la méme critique adressée à Empédocle, au milieu d'éloges assez grands, qu'elle tempère, ch. iv, § 9. § 12. Quand on soutient de telles doctrines. Ce § ne fait que reproduire sous une autre forme l'objection présentée dans le § précédent. Il y a des manuscrits qui omettent ce § tout entier, et Alexandre d'Aphrodise ne le commente pas. On a donc pu croire que c'est une interpolation; mais il n'y a pas cependant de motif suffisant pour retrancher du texte tout ce passage. — Le froid ne peut plus venir du chaud, puisque l'on suppose que le feu peut se changer en eau, et réciproquement; et qu'on suppose par là que ni le feu ni l'eau ne subsistent à l'état de corps séparés. — Quel est alors en effet le sujet. Plusieurs éditeurs ont adopté la forme positive au lieu de la forme interrogative ; mais cette différence n'importe pas beaucoup. § 13. Quant à Anaxagore. Pour atténuer les critiques adressées ici à Anaxagore, voir le magnifique éloge qu'en fait Aristote, plus haut, ch. iii, § 28. — Tout était confus. Ces objections contre cette théorie d*Anaxagore sont plus longuement développées et plus approfondies dans la Physique, liv. I, ch. v, § 4, p. 455 de ma traduction ; et aussi Traité de la Production, liv. I, ch. x, § 1, p. 105 de ma traduction. Il ne peut y avoir mélange, en effet, que s'il y a eu d'abord séparation. — Les lois de la nature s'opposent. On a trouvé souvent, et non sans raison, que ces objec-tions d'Aristote, comparées aux Fragments qui nous restent d'Anaxagore, ne sont ni très justes, ni même très exactes. § 14. Les accidents seraient séparables. C'est une conséquence excessive qu'Anaxagore 'n'a pas tirée lui-même de son principe. § 15. Ses théories sont plus neuves. Voir plus loin, § 18. Anaxagore semble, en effet, se rapprocher par là des doctrines platoniciennes, qui ne sont venues qu'après lui. — En fait de couleur. J'ai ajouté ceci pour plus de précision. — Elle ne pouvait présenter aucune des qualités. C'était l'Indéterminé du Platonisme ; et en cela les opinions d'Anaxagore étaient, comme le dit Aristote, plus avancées qu'on ne le croit d'ordinaire.
§ 16. Sauf VIntelligence. Voir la même pensée attribuée à
Ana-xagore, Traité, de F Ame, liv. I, ch. H, § 13, p. 115 de ma
traduction, et liv. III, ch. iv, §3, p. 292; et aussi Physique, liv.
VIII, ch. v, § 13, p. 495.
lie du texte. M. Schwegler la conserve au contraire, et la justifie
avec toute raison. Il y a bien alors une répétition, comme le
remarque M. Bonitz; mais cette redite n'a rien de choquant; et elle
ne fait que confirmer ce qui précède, notamment le § 15.
cipes aux choses sensibles. Aristote ne leur en fait pas un reproche
; loin de là, comme la suite le prouve; mais il reproche aux
Pythagoriciens de n'avoir pas su tirer de leurs principes
ra-tionnels toutes les conséquences que ces principes comportent.
èloge du Pythagorismeenméme temps qu'une critique. teur ni légèreté, ne peuvent communiquer ces propriétés aux corps qu'ils sont censés former. La même critique est reproduite dans le Traité du Ciel, liv. III, ch. i", § 8, p. 228 de ma traduction. — Aux êtres mathématiques, auxquels ils accordent la grandeur ou la quantité, mais non la pesanteur. § 26. Et puis, comment peut-on comprendre? Aristote semble, par cette critique, désespérer de comprendre ce que les Pythagoriciens ont prétendu établir par des théories. Un découragement du même genre a pris plus d'un commentateur; et M. Bonitz, entre autres, renonce, après de grands efforts et malgré toute sa science et sa sagacité, à bien saisir le sens de ce § et des §§ suivants. Je ne me flatte pas non plus de les avoir rendus parfaitement intelligibles. Si nous avions les ouvrages pythagori-ciens auxquels Aristote fait allusion, il est probable que toutes ces obscurités se dissiperaient poar nous. — Les modifications du nombre. En d'autres termes, les nombres divers dans la série infinie. — Et le nombre lui-même. Pris dans toute sa généralité. — Les causes de tout ce qui existe. C'est peut être exagérer la portée des théories pythagoriciennes. -- D'autre nombre. Cet autre nombre, tel que l'entend Platon, cité un peu plus bas, est le nombre idéal. — Tel point du ciel. J'ai ajouté ces mots ." du ciel », que justifie le contexte et qui éclaircissent un peu la pensée, qui reste toujours fort obscure. § 27. Ce même nombre qui est dans le ciel, qui représente et constitue l'organisation et l'harmonie de l'univers. — Platon assure que c'est un autre nombre. C'est-à-dire que Platon imagine un nombre idéal, qui sert d'intermédiaire entre les Idées et les choses réelles. Je ne saurais dire oh se trouve précisément cette pensée dans les Dialogues de Platon. — Ces choses-là et leurs causes sont des nombres. C'est peut-être exagérer la doctrine de Platon, comme on vient d'exagérer celle des Pythagoriciens. — Les nombres intelligibles. Ou les nombres idéaux, dans la théorie platonicienne. § 28. Laissons... les doctrines des Pythagoriciens. Aristote y est revenu très-longuement, ainsi qu'à la théorie des Idées dans les deux derniers livres, XIII et XIV, de la Métaphysique. Voir la Dissertation sur la composition de la Métaphysique. — Contentons-nous. Du moins pour le moment. § 29. Quant aux philosophes. C'est Platon et son école. Toute cette argumentation est reproduite presque textuellement plus loin, liv. XIII, ch. iv et v. Aristote avait discuté spécialement la théorie des Idées dans plusieurs ouvrages, qui ne sont pas venus jusqu'à nous, mais que citent assez fréquemment Alexandre d'Aphrodise et les autres commentateurs : d'abord son ouvrage Sur les Idées, qui avait au moins quatre livres ; puis ses ouvrages Sur le Bien, Sur la Philosophie. Il se peut que ces trois ouvrages se retrouvent en partie dans la Métaphysique elle-même. — D'autres êtres en nombre égal. Première objection contre la théorie des Idées, et une des plus fortes qu'on puisse y opposer. Du § 29 au § 43 inclusivement, la discussion qui y est contenue se trouve répétée plus loin, mot pour mot à peu près, livre XIII, ch. iv et v. C'est un désordre difficile à comprendre. Voir la Préface. § 30. De toutes tes autres choses. Ce sont les attributs et les accidents des substances, qui, eux aussi, peuvent être compris sous certains genres universels, et dont la multiplicité se réduit à l'unité : par exemple, les idées de la blancheur, de la beauté, etc., etc., qui s'appliquent à de simples attributs et non plus aux substances, comme les idées d'animal, d'homme, de table, etc. Ce sens me paraît le plus naturel et le plus clair de tous ceux qu'on peut tirer du texte, en le rectifiant d'après la version qui en est reproduite presque identiquement, liv. XIII, ch. îv, §§ 4 et suiv. § 31. Où nous ne les admettons guère. Il y a des traducteurs qui ont rapporté ceci aux Plato-niciens; mais, dans ce passage, Aristote parle à la première personne du pluriel; et il est clair que c'est sa propre pensée et celle de ses amis qu'il exprime. Il est vrai qu'au début du § 29, il semble bien parler au nom des Platoniciens, tout en employant aussi la première personne. C'est qu'il se regarde sans doute encore comme disciple de Platon. Voir plus loin, même ch., § 51, et aussi §§ 32 et 34. — Pour tout ce qu'on peut savoir. Aristote ne fait qu'indiquer sa pensée; il faut la compléter en ajoutant qu'on conclut l'existence nécessaire des Idées de ce que, les choses sensibles et réelles étant passagères et perpétuellement mobiles, il n'y a pas de science pour elles, et qu'il n'y en a que pour les Idées, qui sont immobiles. — Il y aurait des idées même pour des négations. Parce qu'en effet, les attributs et les accidents, dont la multiplicité se réduit à l'unité du genre, peuvent être négatifs aussi bien qu'aftirmatif8. § 32. Du Troisième homme. C'est une théorie assez bizarre; mais comme entre l'Idée de l'homme, immobile, une et isolée, et l'homme, individu réel, Socrate, Callias, etc., il y a une sorte d'abîme, puisque l'individu ne représente l'Idée que très imparfaitement, on imaginait un troisième homme qui participait des deux autres et qui les unissait. Ce troisième homme était ce qu'il y a de commun entre l'individu et l'Idée, qui sont également hommes, chacun dans leur genre. M. Bonitz blâme ici Aris-tote d'avoir prêté à Platon des théories, qui ne sont pas tout à fait les siennes, et entre autres celle du Troisième homme, que Platon a pris soin de réfuter lui-même dans le Porménide, p. 12 et 18 de la traduction de M. V. Cousin. § 33. La Dyade. Composée, selon les théories platoniciennes, du Grand et du Petit, la Dyade, le nombre deux, était la cause matérielle des choses ; voir plus loin liv. XIV, ch. ier § 3. Mais, comme la Dyade est un nombre, Aristote en tire cette consé-quence, que c'est le nombre qui est le principe, et que ce n'est pas la Dyade, comme le dit Platon. — C'est le relatif. Auquel cependant les Platoniciens ne veulent pas accorder une existence propre. § 34. La supposition, bien gratuite de notre part. Le texte n'est pas aussi précis; mais il me semble qu'il y a dans l'expression d'Aristote la nuance que j'y donne. — Une foule d'autres choses. C'est-à-dire les attributs et les accidents des substances. — Qui réduit tes choses à l'unité. En comprenant sous un genre unique la multiplicité des qualités que la substance peut avoir, ou la multiplicité des individus auxquels le genre s'applique. — Tout le reste. Les attributs et les qualités des êtres, outre leur substance. § 35. Que pour les substances toutes seules. Et cependant les Platoniciens, du moins selon Aristote, admettent des Idées pour des choses autres que les substances. — Chaque substance réelle. Le texte est ici un peu obscur, parce que les expressions dont se sert Aristote sont trop peu déterminées; et l'on ne peut fixer le sens de ce passage que d'après les théories générales, soit d'Aristote lui-même, soit de Platon, qu'il critique. — Qu'en ce sens que cette substance. Des commentateurs ont compris au contraire qu'il s'agissait de l'Idée, qui ne peut jamais devenir un attribut. Cette propriété est éminemment celle de la substance, d'après les Catégories, ch. v, § 1, p. 60 de ma traduction. — Par exemple. L'exemple cité par Aristote ne concorde pas exactement avec ce qui précède, quel que soit d'ailleurs le sens qu'on y donne. Cet exemple prouve seulement que l'objet qui est double participe immédiatement à l'idée du double, et qu'il ne participe qu'indirectement à l'idée de l'éternel. § 36. Les Idées sont la substance même des choses. Ce sens, qui n'est pas tout à fait conforme au texte reçu, est emprunté au Commentaire d'Alexandre ; et il est justifié par le § précédent, où il est dit qu'il n'y a d'Idées que pour les seules substances. — Si cela n'était pas. C'est-à-dire, si la substance des Idées était autre que la substance des choses réelles. — S'il n'y a qu'un seul et même genre. C'est-à-dire, si la substance s'entend des choses réelles, de même qu'elle s'entend des Idées. — Il y aura dès lors un terme commun. Alors les deux mondes des Idées et des réalités sensibles s'expliquent mutuellement, en se confondant. — Les Dyades sensibles. C'est-à-dire, tous les objets qui se comptent deux par deux, comme nos mains, nos pieds, nos yeux, etc., et qui sont destinés à périr, par opposition aux dualités mathématiques, qui sont éternelles, mais qui ont de commun avec les dualités sensibles que c'est également le nombre Deux qui les constitue les unes et les autres. Si ce point est commun entre ces deux genres de dualités, pourquoi la dualité idéale et une dualité réelle quelconque se-raient-elles moins identiques ?
— Si... le
genre n'est pas le même. C'est-à-dire, si la substance idéale § 38. Causes d'un mouvement. Voir plus haut, ch. vi, § 20. — Bien que ce soit Anaxagore. Voir plus haut, § 13. Il semblerait résulter de ce passage que c'est Anaxagore qui a le premier in-venté la théorie des Idées, même avant Platon; mais il n'en est rien, et il s'agit uniquement ici de la théorie du mélange originel des choses, à laquelle Anaxagore a attaché son nom. — Eudoxe, platonicien, un des élèves directs du maître. Aristote en parle encore comme d'un astronome ; voir plus loin, liv. XII, ch. vin, § 10. § 39. Donner naissance aux autres choses. C'est-à-dire, être causes de leur essence ou de leur existence. — D'aucune des manières. Sur les différentes manières dont une chose peut venir d'une autre, voie plus loin, liv. V, ch. xxiv. Ces différents points de vue sont ceux qu'adopte Aristote lui-même. — De simples métaphores, bonnes pour la poésie. Cette critique est devenue célèbre sous cette forme, et elle a été mille fois répétée. Aristote lui-même y est revenu & plusieurs reprises ; voir les Derniers Analytiques, liv. II, ch. XIII, § 26, p. 265 de ma traduction; Topiques, liv. IV, ch. in, § 5, et liv. VI, ch. ii, § 4, page 214; Météorologie, liv. II, ch. iii, § 12, p. 126 de ma traduction. — Les regards fixés sur les idées. Dans le Timée, p. 134 de la traduction de M. V. Cousin, il est dit que Dieu, en créant et en ordonnant le monde, avait les yeux fixés sur les Idées. C'est sans doute à ce passage qu'Àristote fait allusion.
— Que Socrate est
éternel. Comme le sont les Idées, afin ' de servir éternellement
d'exemplaire à tous ceux qui lui ressembleraient. Il y a des
traducteurs qui ont fait de cette phrase le commencement de la § 40. Plusieurs Exemplaires. Objection fort grave contre la théorie des Idées. Cette objection est suivie de plusieurs autres qui n'ont pas le moindre rapport à Socrate, non plus que celle-ci. § 41. A l'égard des espèces dont il est formé. Ce sens se justifie par la leçon que donne la reproduction textuelle de ce passage au liv. XIII, ch. v, § 4. Les derniers éditeurs de la Métaphysique, MM. Schwegler et Bonitz, ont peut-étre poussé le scrupule trop loin en .refusant de profiter de cette variante autorisée par le livre XII I. C'est la seule qui soit d'accord avec la pensée de ce § 41. — Exemplaire et copie. Ainsi le genre est une copie de l'Idée, et il est un exemplaire pour les espèces qui lui sont subordonnées. § 42. Une impossibilité non moins forte. Voir plus loin, liv. VII, ch. vi, § 7, et ch. xiv, § 2, la méme critique plus développée. Voir aussi Derniers Analytiques, liv. I, ch. xi, § 1, p. 64 de ma traduction. — Dans le Phédon. Voir le Phédon, p. 283 de la traduction de M. V. Cousin ; voir aussi le Traité de la Production, liv. II, ch. ix, § 4, p. 166 de ma traduction. § 43. Nous ne disons pas. Aristote, en s'exprimant è la première personne, se fait plusplatonicien qu'il n'est, ou plutôt il parle au nom des Platoniciens ; voir plus haut § 31. — Qu'il y ait des Idées. On a reproché à Aristote d'avoir ici mal rendu la pensée de Platon, qui affirme au contraire qu'il y a des Idées mêmes pour les produits de l'art sortant de la main de l'homme. Voir la République, liv. X, p. 239 de la traduction de M. V. Cousin. — Avec le § 43 cesse Ja reproduction textuelle de toute cette discussion dans le liv. XIII, ch. iv et v ; voir plus haut, § 29. § 44. Si les Idées sont des nombres. Voir plus haut, § 27, la théorie du nombre idéal, prêtée à Platon. — Ceux-là. Les nombres idéaux. — Ceux-ci. Les nombres ordinaires. § 45. Sont des proportions et des rapports de nombres. Et non plus des nombres mêmes. La symphonie en musique n'est qu'un certain rapport de nombres, elle n'est pas un nombre proprement dit. — Dont les choses sont les rapports. C'est la traduction exacte du texte; mais il vaudrait peut-être mieux traduire : « Où les nombres expriment les rapports des parties ». — Un certain rapport numérique. C'est-à-dire que Callias est formé d'une certaine quantité de particules de feu, de terre, d'eau et d'air; et il n'est nombre qu'au-tant que les rapports de ces parties peuvent être exprimés par des nombres proportionnels. — L'idée sera le nombre. M. Bonitz remarque avec raison qu'Aristote aurait dû dire : « Rapport numérique », au lieu de Nombre. Tout ce § est loin d'être net; mais les manuscrits n'of-rent pas de variante qui puisse éclaircirces obscurités. — L'idée... cessera. Le texte n'est pas tout à fait aussi précis. § 46. De plusieurs nombres. Tout nombre quelconque peut être joint à un autre nombre; et l'addition de ces nombres forme un nombre nouveau. Mais une Idée ne peut pas se joindre à une autre Idée, celle de l'homme à celle du cheval; et c'est là une profonde différence entre les Idées et les nombres, qu'on veut cependant identifier. — Si l'on dit. Le texte n'est pas aussi formel; mais j'ai cru pouvoir ajouter ces mots pour rendre la pensée plus claire. — Des idées. J'ai ajouté encore ces mots, qui sont indispensables. Toute la fin de ce § est d'une concision extrême, et j'ai dû le développer un peu pour le rendre plus compréhensible. — Tout cela n'est guère raisonnable. Le jugement est sé-vère ; mais on ne saurait le dé-sapprouver, en supposant que l'analyse d'Aristote soit exacte. § 47. Un nombre dune nouvelle. espèce. C'est ce que, selon Aristote, Platon appelait les Intermédiaires; voir plus haut, ch. vi, § 8. — Par quelques philosophes. Aristote désigne exprèssèment Platon, ch. vi, § 8. — Comment... et que sont-ils J'ai admis ici la variante qu'a adoptée M. Bonite, et qu'il a tirée de quelques manuscrits. § 48. L'une et l'autre Dyade. Dans le système platonicien, la Djade ne représente pas le nombre Deux; elle représente le Grand et le Petit ; voir plus haut, ch. vi, § 11 ; ici cependant il semble bien qu'il s'agit du nombre Deux, puisque Aristote parle des unités qui le composent. Mais, pour comprendre cette objection d'Aristote, il faut se rappeler que Platon a fait de la Dyade le principe de tous les nombres. Aristote demande alors d'où viennent les unités qui la for-ment. Elles doivent venir nécessairement, d'après le principe platonicien, d'une autre Dyade, et ainsi à l'infini. § 49. Veut-on. Le texte est moins précis. C'est la seconde partie de l'alternative; la première partie, celle qui suppose les unités semblables entre elles a été exposée plus haut, § 46. — Quatre éléments. C'est Empédocle. — Ou deux éléments. C'est Anaxagore. — Et vague. J'ai ajouté ces mots. — Qui pourrait convenir à tous les éléments. Même remarque. § 50. Ici. C'est-à-dire, dans la doctrine platonicienne. — Composée de parties semblables. Voir plus haut, § 46. — Ne peuvent plus être des substances, parce que les choses, les substances réelles, sont toujours composées d'éléments divers, et que toutes leurs parties ne sont pas similaires. — Si l'on croit avoir l'Unité en soi. Le texte n'est pas aussi précis ; mais j'ai dû le développer pour rendre la pensée plus claire. — On prend... en plusieurs sens. De telle façon qu'en un sens il y a vraiment unité, et qu'en un autre sens, l'unité est factice. — Cette unité. L'expression du texte est toute indéterminée. § 51. Les partisans des Idées. Aristote ne parle plus ici à la première personne, comme s'il était lui-même partisan de la théorie des Idées ; voir plus haut, § 31. — Peut-elle contenir. En d'autres termes : « Comment de la surface pourra-t-on faire dériver la ligne? » puisque ce sont des genres différents. D'ailleurs, cette objection, qui est fort sérieuse, ne semble pas ici tenir assez étroitement à ce qui précède. § 52. Il n'y a pas de nombre dans tout cela. Ainsi, Aristote lui-même semble reconnaître qu'il se laisse aller à une digression. — Toute autre chose. Que des lignes et des surfaces ; toute autre chose que le solide, l'épais ou le mince, le large ou l'étroit. — Des termes supérieurs. Le solide est un terme supérieur à celui de surface, de même que la surface est supérieure à la ligne. — Le large. Le large répond à la surface ; l'épais répond au corps. § 53. D'où viennent les points. La digression, commencée un peu plus haut, continue jusqu'à la fin du §. — Platon... combattait. On a remarqué que rien de pareil ne se retrouve dans les Dialogues tels que nous les avons; et l'on en conclut que la théorie indiquée ici devait avoir été exposée de vive voix par Platon, et qu'elle n'avait pas été écrite par lui. Elle faisait sans doute partie de ces « théories non écrites de Platon », auxquelles Aristote avait consacré un ouvrage spécial, qui n'est pas dans le catalogue de Diogène de Laërce, éd. Firmin-Didot, p. 116. — Combattait. C'est le mot même dont se sert Aristote; mais par là il veut dire seulement que Platon renvoyait à la géométrie, et non à la philosophie, la question de savoir ce que c'est que le point. § 54. Nous avons négligé. Dans tout oe passage, Aristote ne cesse de parler à la première personne comme s'il était par-tisan de la théorie des Idées ; voir plus haut, §§ 31 et 51. — Le principe du changement. Et du mouvement; voir plus haut, § 38, et ch. vi, § 20. — Imaginer d'autres substances. Voir plus haut, § 29. § 55. Des mots tout à fait vides. Aristote a déjà employé cette expression sévère; voir plus haut, § 39. — Ainsi que nous l'avons déjà remarqué. Voir plus haut, ch. vi, §§ 6 et 7. § 56. Le principe qui est la base. La cause finale. Voir plus haut, ch. vi, § 21. — Par lequel. Peut être vaudrait-il mieux dire : « Pour lequel ». Mais l'expression grecque n'est pas aussi précise. La nuance est d'ailleurs peu importante, et la pensée ne peut faire le moindre doute. § 57. Toute la philosophie. Ceci s'applique plutôt aux Pythagoriciens qu'à l'école de Platon. C'est, d'ailleurs, un reproche qu'on a fait souvent aux mathématiques et non sans raison. Elles le méritent encore de nos jours à certains égards; et, par exemple, elles ont essayé plus d'une fois de s'attribuer la logique, et même la métaphysique. Descartes, le grand mathématicien, les avait cependant averties de n'en rien faire, Discours de la Méthode, p. 128, édition V. Cousin. Mais Pascal n'avait pas tenu compte de ce sage conseil ; et bien d'au-tres après lui l'ont imité. — Dit-on. Voir la République de Platon, liv. VII, p. 89. traduction de M. V. Cousin. — La substance prétendue. J'ai ajouté ce dernier mot pour éclaircir la pensée; voir plus loin, liv. XIV, § 1. — Aux yeux des Naturalistes. Les philosophes de l'école d'Ionie. Voir plus haut, ch. ii, § 12. Voir aussi la Physique, liv. I, ch. v, § i, p. 453 de ma traduction. § 58. Si le Plus et le Moins. L'expression du texte est tout à fait indéterminée ; j'ai dû la préciser. — Si les Idées sont immobiles. C'est un des reproches que leur fait Aristote ; voir plus haut, ch. vi, § 20. § 59. En supprimant le mou-vement. Le texte n'est pas aussi formel. — Toute étude de la nature. C'est ce que Aristote a prouvé dans tout le cours de son ouvrage, la Physique. Sans le mouvement, il n'y a pas de phénomènes; et par conséquent, la science n'a plus de matière. — La totalité... forme une unité. C'est-à-dire, comme la suite le prouve, que tous les caractères communs observés dans les individus puissent former une unité. — Ce procédé d'abstraction. Le texte dit positivement : « d'exposition ». Voir sur le sens de ce mot plus loin, liv. III, ch. vi, § 8; liv. XIII ch. ix, § 12; liv. XIV, ch. in, § 4; et dans les Réfutations des Sophistes, ch. xxii, § 18, p. 406 de ma traduction. — L'universel. C'est-à-dire le caractère commun aux individus du mème genre. — Dans quelques cas. Aristote aurait dû spécifier ces cas ; mais on pourrait suppléer assez aisément à son silence. Le genre représente l'essence de la chose, tandis que les choses peuvent souvent avoir un attribut commun, qui ne représente pas le genre de ces choses, ni leur essence. § 60. A la suite des nombres. Les longueurs, les surfaces, les solides sont considérés idéale-ment comme les nombres par les Platoniciens ; mais, à l'égard de ces nouvelles entités, ils ne se sont pas prononcés; et Aristote cri-tique ce silence. — Un quatrième genre. Les trois premiers sont : les Idées confondues avec les nombres; les intermédiaires ou nombres idéaux; et enfin les choses telles que l'observation sensible nous les donne. § 61. Les sens multiples où le mot d'Être peut être conçu. Voir plus loin, liv. V, ch. 7, consacré tout entier à l'explication des divers sens où Ton peut concevoir la notion de l'Etre. — Des partisans des Idées. Le texte est moins formel. — La passivité ou l'action. Ce sont des modes de la substance; ce ne sont pas des substances. — Les éléments de toutes choses. Le texte n'est pas plus précis ; mais la suite montre que Aristote veut dire ici qu'on ne doit pas chercher les principes de tout sans exception, parce qu'il y a des principes qui sont la condition préalable de toute connaissance et qu'on n'a pas besoin d'étudier spécialement. § 62. Sans exception. J'ai ajouté ces mots pour préciser la pensée, qui n'est pas aussi nette dans le texte. § 63. S'il est vrai qu'il y ait une science de toutes choses. On apprend les solutions de la science spéciale qu'on étudie; mais on n'a pas besoin d'apprendre les axiomes et les principes universels. — Au moins. J'ai ajouté ces mots. Pour comprendre une définition, il faut préalablement savoir au moins le sens des mots dont se sert celui qui la donne. C'est un préliminaire absolument indispensable. — La science qu'on acquiert par l'induction. Voir pour l'induction, les Premiers Analytiques, liv. II, ch. xxm, § 1, p. 325 de ma traduction. Voir, pour tout ce pas-sage et pour l'acquisition desprincipes, les Derniers Analytiques. liv. I, ch. i, § i, p. 2, et liv. II, ch. xix, § 4, p. 287 ; voir aussi la Morale à Nicomaque, liv. VI, ch. II, § 3, p. 199 de ma traduction. § 64. Cependant, si cette connaissance. La même phrase est reproduite textuellement dans les Derniers Analytiques, liv. II, ch. xix, § 4. Je ne saurais dire si c'est la Métaphysique qui en a la priorité. § 65. Qu'on se pose quelquefois sur les syllabes. Ce rapprochement est assez inattendu et assez bizarre. — La syllabe DSA. La leçon ordinaire est SMA, au lieu de DSA ; mais déjà Alexandre d'Aphrodise la corrige, et il admet la syllabe ZA par Zêta, qui se prononçait DS ou SD. Voir plus loin, liv. XIV, ch. vi, ce qui est dit des trois lettres doubles de l'alphabet grec, Zêta, Xi et Psi. Il est clair qu'il s'agit ici de la même question ; mais on pourrait croire que cette fin du g est une interpolation. § 66. Mais, peut-on demander encore. Le texte n'est pas aussi précis; j'ai cru indispensable de marquer clairement que c'est une dernière objection faite à la théorie des Idées. — Sans les sentir. J'ai ajouté ces mots. — Sont identiques. Comme le prétendent les Platoniciens. V. plus haut, § 46. § 67. Dans notre Physique. Voir la Physique, liv. II, ch. iii, § 10 , p. 23 de ma traduction. Ce sont les quatre causes que Aristote a réduites en système, et qui, selon lui, suffisent à expli-quer tous les phénomènes. — On les a tous entrevus. Il semble, au contraire, d'après tout ce qui précède que les philosophes antérieurs avaient vu tout au plus deux des quatre causes : la cause matérielle et la cause motrice. § 68. La philosophie première. Il faut entendre ici la philosophie première, au sens où Aristote lui-même l'a précédemment définie, en d'autres termes, la Métaphysique. — Que bégayer. Voir plus haut, ch. ni, § 28, le passage où Aristote, faisant le plus grand éloge d'Anaxagore, compare ses devanciers divers à des gens qui auraient été dénués presque de toute raison. — Empédocle. Aristote prend ici Empédocle pour exemple de l'insuffisance de toute la philosophie antérieure. Cette préférence est peut-être injuste; et bien d'autres philosophes ont été moins raisonna-bles encore que lui. Cette critique ne paraît pas tout à fait d'accord avec l'estime qui a été exprimée plus haut pour Empédocle, ch. iv, § 8. — La constitution des os. Aristote revient sur cette théorie de la proportion selon Empédocle, Traité de l'Ame, liv. I, ch. iv, § 6, page 138 de ma traduction, et Traité de la Production des choses, liv. II, ch. vi, § 5, p. 150 de ma traduction. Il parle encore de la constitution des os d'après cette théorie, Traité des parties des animaux, liv. I, ch, i, p. 642, a, 20, édition de Berlin. — Si quelque autre philosophe. Àristote a déjà fait une objection de ce genre à Anaxagore, plus haut, § 13. § 69. Afin de lever tout les doutes. MM. Bonitz et Schwegler sont d'accord pour trouver que ce passage annonce formelle-ment le IIIe livre, et ils en con-cluent que le 11e livre est mal placé ici, et qu'il interrompt toute la suite de la pensée. Ceci est incontestable. Au fond, il ne fait que traiter à peu près le même sujet que le Ier livre, et c'est là ce qui justifie le titre que lui ont donné les éditeurs grecs : « Le petit-premier livre " (Alpha élatton). Voir pour cette question, la Dissertation sur la composition de la Métaphysique. Le IIIe livre au contraire se ra-tache étroitement au premier, et il en est la continuation régulière. Le IIe livre contient des pensées qui sont d'Aristote sans doute, mais ce n'est pas son style ; c'est peut-être une rédaction d'un de ses élèves comme la Grande Morale et la Morale à Eudème. Voir, sur ces deux ouvrages, mes Dissertations spéciales.
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