Aristote : Génération des animaux

ARISTOTE

 

TRAITE DE LA GÉNÉRATION DES ANIMAUX

ΑΡΙΣΤΟΤΕΛΟΥΣ ΠΕΡΙ ΖΩΙΩΝ ΓΕΝΕΣΕΩΣ Α

LIVRE I. CHAPITRE II

livre I chapitre I - livre I chapitre III
 

 

 

TRAITE DE LA GÉNÉRATION DES ANIMAUX

LIVRE PREMIER

 

 

 

 

précédent

CHAPITRE II

Indication d'études sur la génération des plantes ; génération spéciale des animaux; distinction de la femelle et du mâle; formation du sperme; définition du mâle; définition de la femelle; organes nécessaires à la génération et à l'accouplement: parties du corps qui constituent ces organes et qui font précisément la dilférence des sexes ; des matrices et des testicules dans les animaux «jui ont du sang; parties semblables ou analogues dans les animaux exsangues; conséquences considérables qu'entraîne le moindre changement dans le principe ; vérification par la dissection ; le mâle se rapproche de la femelle par le plus léger changement.

1 [716b] Περὶ μὲν οὖν φυτῶν αὐτὰ καθ´ αὑτὰ χωρὶς ἐπισκεπτέον. Περὶ δὲ τῶν ἄλλων ζῴων τῆς γενέσεως λεκτέον κατὰ τὸν ἐπιβάλλοντα λόγον καθ´ ἕκαστον αὐτῶν, ἀπὸ τῶν εἰρημένων συνείροντας.

2 Καθάπερ γὰρ εἴπομεν τῆς γενέσεως ἀρχὰς ἄν τις οὐχ ἥκιστα θείη τὸ θῆλυ καὶ τὸ ἄρρεν, τὸ μὲν ἄρρεν ὡς τῆς κινήσεως καὶ τῆς γενέσεως ἔχον τὴν ἀρχήν, τὸ δὲ θῆλυ ὡς ὕλης. Τοῦτο δὲ μάλιστ´ ἄν τις πιστεύσειε θεωρῶν πῶς γίγνεται τὸ σπέρμα καὶ πόθεν· ἐκ τούτου μὲν γὰρ τὰ φύσει γιγνόμενα συνίσταται, τοῦτο δὲ πῶς ἀπὸ τοῦ θήλεος καὶ τοῦ ἄρρενος συμβαίνει γίγνεσθαι δεῖ μὴ λανθάνειν. Τῷ γὰρ ἀποκρίνεσθαι τὸ τοιοῦτον μόριον ἀπὸ τοῦ θήλεος καὶ τοῦ ἄρρενος καὶ ἐν τούτοις τὴν ἀπόκρισιν εἶναι καὶ ἐκ τούτων, διὰ τοῦτο τὸ θῆλυ καὶ τὸ ἄρρεν ἀρχαὶ τῆς γενέσεώς εἰσιν. 3 Ἄρρεν μὲν γὰρ λέγομεν ζῷον τὸ εἰς ἄλλο γεννῶν, θῆλυ δὲ τὸ εἰς αὑτό· διὸ καὶ ἐν τῷ ὅλῳ τὴν τῆς γῆς φύσιν ὡς θῆλυ καὶ μητέρα νομίζουσιν, οὐρανὸν δὲ καὶ ἥλιον ἤ τι τῶν ἄλλων τῶν τοιούτων ὡς γεννῶντας καὶ πατέρας προσαγορεύουσιν. 4 Τὸ δ´ ἄρρεν καὶ τὸ θῆλυ διαφέρει κατὰ μὲν τὸν λόγον τῷ δύνασθαι ἕτερον ἑκάτερον, κατὰ δὲ τὴν αἴσθησιν μορίοις τισίν· κατὰ μὲν τὸν λόγον τῷ τὸ ἄρρεν μὲν εἶναι τὸ δυνάμενον γεννᾶν εἰς ἕτερον, καθάπερ ἐλέχθη πρότερον, τὸ δὲ θῆλυ τὸ εἰς αὑτό, καὶ ἐξ οὗ γίγνεται ἐνυπάρχον ἐν τῷ γεννῶντι τὸ γεννώμενον.  5 Ἐπεὶ δὲ δυνάμει διώρισται καὶ ἔργῳ τινί, δεῖται δὲ πρὸς πᾶσαν ἐργασίαν ὀργάνων, ὄργανα δὲ ταῖς δυνάμεσι τὰ μέρη τοῦ σώματος, ἀναγκαῖον εἶναι καὶ πρὸς τὴν τέκνωσιν καὶ πρὸς τὸν συνδυασμὸν μόρια, καὶ ταῦτα διαφέροντ´ ἀλλήλων καθὸ τὸ ἄρρεν διοίσει τοῦ θήλεος. Εἰ γὰρ καὶ καθ´ ὅλου λέγεται τοῦ ζῴου τοῦ μὲν τὸ θῆλυ τοῦ δὲ τὸ ἄρρεν, ἀλλ´ οὐ κατὰ πᾶν γε αὐτὸ θῆλυ καὶ ἄρρεν ἐστὶν ἀλλὰ κατά τινα δύναμιν καὶ κατά τι μόριον, ὥσπερ καὶ ὁρατικὸν καὶ πορευτικόν, — ὅπερ καὶ φαίνεται κατὰ τὴν αἴσθησιν. 6 Τοιαῦτα δὲ τυγχάνει μόρια ὄντα τοῦ μὲν θήλεος αἱ καλούμεναι ὑστέραι τοῦ δ´ ἄρρενος τὰ περὶ τοὺς ὄρχεις καὶ τοὺς περινέους ἐν πᾶσι τοῖς ἐναίμοις· τὰ μὲν γὰρ ὄρχεις ἔχει αὐτῶν τὰ δὲ τοὺς τοιούτους πόρους. Εἰσὶ δὲ διαφοραὶ τοῦ θήλεος καὶ [717a] τοῦ ἄρρενος καὶ ἐν τοῖς ἀναίμοις ὅσα αὐτῶν ἔχει ταύτην τὴν ἐναντίωσιν, διαφέρει δ´ ἐν τοῖς ἐναίμοις τὰ μέρη τὰ πρὸς τὴν μίξιν τοῖς σχήμασιν.

7 Δεῖ δὲ νοεῖν ὅτι μικρᾶς ἀρχῆς μετακινουμένης πολλὰ συμμεταβάλλειν εἴωθε τῶν μετὰ τὴν ἀρχήν. Δῆλον δὲ τοῦτο ἐπὶ τῶν ἐκτεμνομένων· τοῦ γεννητικοῦ γὰρ μορίου διαφθειρομένου μόνον ὅλη σχεδὸν ἡ μορφὴ συμμεταβάλλει τοσοῦτον ὥστε ἢ θῆλυ δοκεῖν εἶναι ἢ μικρὸν ἀπολείπειν, ὡς οὐ κατὰ τὸ τυχὸν μόριον οὐδὲ κατὰ τὴν τυχοῦσαν δύναμιν θῆλυ ὂν καὶ ἄρρεν τὸ ζῷον. Φανερὸν οὖν ὅτι ἀρχή τις οὖσα φαίνεται τὸ θῆλυ καὶ τὸ ἄρρεν· πολλὰ γοῦν συμμεταβάλλει μεταβαλλόντων ᾗ θῆλυ καὶ ἄρρεν, ὡς ἀρχῆς μεταπιπτούσης.

suite


 

 

 

1 [716b] On aura a étudier les plantes en elles-mêmes et sans y mêler aucun autre objet. Mais maintenant, c'est de la génération des animaux qu'il faut traiter, dans la mesure qui convient à chacun d'eux, en rattachant cette étude à celles qui précèdent.

2 Ainsi que nous l'avons déjà dit, on a toute raison de considérer comme principes et causes de la génération la femelle et le mâle ; le mâle, comme ayant le principe moteur et générateur; la femelle, comme ayant le principe de la matière. C'est ce dont on peut surtout se convaincre en observant comment se forme le sperme, et d'où il vient. C'est le sperme qui constitue tout ce qui naît dans la nature ; et il importe de bien connaître comment il vient de la femelle et du mâle ; car, c'est parce que cette sécrétion provient de la femelle et du mâle, et qu'elle s'accomplit en eux et en sort, que la femelle et le mâle sont les principes et les causes de la génération. 3 Nous entendons par mâle l'être qui engendre dans un autre être, et par femelle. celui qui engendre en lui-même. Voilà comment, lorsqu'on parle de l'ensemble du monde, on prend parfois la nature de la terre pour la femelle et la mère, et comment on regarde comme générateurs et pères le Ciel, et le Soleil, ou tel autre corps de même ordre.  4 Le mâle et la femelle diffèrent entre eux aux yeux de la raison, parce qu'ils remplissent l'un et l'autre une fonction diverse, et ils diffèrent, sous le rapport de l'observation sensible, par certaines parties qui sont diverses chez tous deux. Rationnellement, le mâle est l'être qui peut engendrer dans un autre être, ainsi qu'on vient de le dire; la femelle est l'être qui peut engendrer en lui-même, et de qui sort l'être engendré, qui est déjà dans le générateur. 5 Mais, comme tout se détermine par une certaine puissance et par un certain acte; et comme pour tout acte il est besoin d'instruments, et que les instruments des facultés diverses sont des organes du corps, il s'ensuit nécessairement qu'il y a pour l'enfantement et pour l'accouplement des parties spéciales. Ces parties diffèrent entre elles, et ce sont elles qui constituent précisément la différence du mâle et de la femelle. On dit bien, en parlant de l'animal entier, que l'un est femelle, et que l'autre est mâle; cependant ce n'est pas tout l'animal qui est femelle, ou qui est mâle ; mais il est l'un des deux par une certaine faculté et dans une certaine partie, comme on dit de lui qu'il a des organes pour voir et pour marcher. C'est ce que nous atteste le simple témoignage de nos sens. 6 Ces parties sont dans la femelle ce qu'on nomme les matrices; et dans le maie, chez tous les animaux qui ont du sang, ce sont les testicules et la verge. Dans ces animaux, en effet, on trouve, tantôt des testicules, et tantôt des canaux qui y répondent. On retrouve même encore ces différences de la femelle [717a] et du mâle dans les animaux qui n'ont pas de sang, et qui présentent cette opposition de sexes. Dans les animaux qui ont du sang, les parties qui doivent concourir à l'union sont toujours de formes différentes.

7 Du reste, il faut bien se dire qu'il suffit du plus petit changement dans le principe pour que d'ordinaire une foule de conséquences considérables suivent ce changement initial. On peut s'en convaincre par les effets de la castration, il suffit que l'organe générateur soit légèrement altéré pour que la forme presque tout entière de l'animal vienne, par suite, a changer, à tel point que le mâle paraisse être une femelle ou peu s'en faut. Ceci prouve bien que ce n'est pas au hasard, par une partie quelconque de son corps ou par une de ses facultés quelconques, que l'animal est femelle ou qu'il est mâle. Ainsi donc, bien évidemment la femelle et le mâle sont un principe très spécial ; et, quand l'être est ou femelle ou mâle, beaucoup d'autres changements se produisent à la suite de celui-là, parce que le principe est complètement changé.

suite

§ 1. Etudier les plantes en elles-mêmes. On ne peut pas douter qu'Aristote ne se fût beaucoup occupé de botanique, en même temps que de zoologie, et ce passage-ci le prouverait de reste ; mais il n'avait pas pu pousser aussi loin qu'il l'aurait voulu ses recherches sur cette partie de la nature ; il en avait chargé son disciple Théophraste, qui s'est acquitté admirablement de cette tache ; voir ma traduction de l'Histoire des Animaux, t. I, p. cxcxii. Le traité des Plantes qui nous est resté sous le nom d'Aristote n'est pas digne de lui; il est apocryphe.

A celles qui précèdent. C'est-à-dire le Traité des Parties et l'Histoire des Animaux; voir plus haut le début du premier chapitre.

§ 2. Nous l'avons déjà dit. Plus haut, ch. i, § 5.

Principes et causes. Il n'y a qu'un seul mot dans le texte.

Principe moteur et générateur... principe de la matière. Voir plus haut, ch. i, § 4. Le mouvement se confond avec la génération. Dans tout ce qui va suivre, Aristote prêtera toujours le même rôle à la femelle ; selon lui, elle ne fait que fournir la matière ; c'est le mâle qui donne la vie.

Comment se forme le sperme. Ce sera l'objet d'une très longue discussion dans les chapitres suivants, ch. x et suiv. de ce livre.

C'est le sperme qui constitue... Il faut se rappeler que, dans la langue grecque, le même mot exprime la liqueur séminale des animaux et la semence des plantes. C'est là comment Aristote peut dire d'une manière générale que tout ce qui nait dans la nature vient de sperme.

De la femelle et du mâle. Dans les théories d'Aristote, les menstrues dans les femelles correspondent à la liqueur séminale dans le mâle. Voir plus loin chapitre xix.

Les principes et les causes. Ici encore il n'y a qu'un seul mot dans le grec; mais ce mot a les deux sens que je crois devoir exprimer formellement.

§  3. Nous entendons par mâle. Cette définition mérite grande attention; et aujourd'hui nous aurions peine à en trouver une plus exacte.

Dans un autre... en lui-même. L'expression d'Engendrer n'est peut-être pas très juste ; mais c'est celle même dont se» sert Aristote ; la pensée d'ailleurs est fort claire.

Voilà comment, lorsqu'on parle de l'ensemble du monde. Ces métaphores mythologiques et littéraires ne sont guère habituelles à l'auteur : et Ion peut croire, non sans vraisemblance, que ce passade est une interpolation.

§ 4. Aux yeux de la raison. Aristote a sans cesse rapproché l'observation des faits et la raison intelligente, qui les explique; ce sont les deux éléments essentiels de la science.

Par certaines parties. Ce sont les organes sexuels, dont la différence est indispensable à la fonction qu'ils doivent remplir.

Rationnellement. Au paragraphe suivant, les organes considérés dans leur fonction seront opposés à la raison, qui comprend la différence du mâle et de la femelle.

Ainsi qu'on vient de le dire. L'auteur semble vouloir excuser cette répétition, qui aurait pu être aisément évitée.

Qui est déjà dans le générateur. Il semble que ceci est en contradiction avec la théorie qui vient d'être indiquée, et qui attribue à la femelle seule la matière de l'être engendré. Mais le texte ne peut pas avoir un autre sens que celui que je lui donne.

§ 5. Par une certaine puissance. Ou une certaine faculté. Le mot de Puissance répond peut-être mieux aux formules aristotéliques. Le mot de Force pourrait aussi être employé, s'il n'était pas si moderne.

Des parties spéciales. Ce sont les organes sexuels, qui diffèrent dans le mâle et dans la femelle.

On dit bien en parlant de l'animal entier... La remarque est très juste; et cette faute de langage est si naturelle qu'on la commet aujourd'hui, comme on la commettait du temps d'Aristote.

Le simple témoignage de nos sens. Qu'Aristote oppose à la raison, comme il vient de le faire plus haut, § 4. La fonction des organes sexuels est aussi évidente que la fonction des yeux ou des jambes.

§ 6. Ce qu'on nomme les matrices. Cette forme d'expression semble indiquer que le mot était d'un usage assez, récent dans la langue grecque.

Et la verge. Le mot grec n'est pas aussi précis.

Des canaux qui y répondent. Le fait est exact et 1res bien observé.

Dans les animaux qui n'ont pas de sang. Ce sont surtout les insectes.

Qui ont du sang... de formes différentes. Les animaux qui ont du sang ne font pas exception à cet égard. Chez les autres animaux aussi, les organes du mâle et de la femelle sont toujours différents.

§ 7. Il suffit du plus petit changement. Toutes ces considérations sont profondes, et aujourd'hui nous ne saurions y rien ajouter. Seulement la castration n'est pas un petit changement : l'organe n'est pas considérable par rapport au reste de l'animal; mais l'organe enlevé, une fonction essentielle disparait avec lui; et c'est là un changement très important.

Légèrement altère. La castration fait plus qu'altérer l'organe; elle le détruit.

Le mâle paraisse être une femelle. Ceci est parfaitement exact des eunuques; la remarque a été cent fois reproduite depuis Aristote. Dans l'ordre animal, le bœuf se rapproche aussi de la vache, en cessant d'être taureau.

Par une partie quelconque. Ceci vient d être dit sous une autre forme, au §5.

Ainsi donc. Résumé de la discussion commencée au § 2.

Beaucoup d'autres changements. Par exemple, les mamelles et les menstrues.

suite