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table des matières de l'œuvre d'Aristote

 

table des matières dU TRAITE DU CIEL

 

 

 

 

ARISTOTE

 

 

TRAITE DU CIEL

 

LIVRE QUATRE

 

 

préface - livre I - livre II - livre III

texte grec

 

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TRAITÉ DU CIEL.

LIVRE IV.

CHAPITRE PREMIER.

De la pesanteur et de la légèreté des corps. Définition de l'une et de l'autre; un corps pesant est celui qui se dirige vers le centre; un corps léger est celui qui s'en éloigne naturellement. — Pesanteur absolue; pesanteur relative. Erreur de quelques philosophes, qui n'ont pas fait cette distinction. Le monde a un haut et un bas ; les Antipodes. Notion vraie de la légèreté et de la pesanteur des corps dans la nature.

[308a] § 1. Il faut voir maintenant ce que c'est que la pesanteur et la légèreté des corps, quelle est la nature particulière de chacune, et à quelle cause on doit rapporter les forces qui les distinguent.

§ 2. En effet, la théorie destinée à les expliquer est une partie essentielle des recherches sur le mouvement, puisque nous disons d'un corps qu'il est pesant, ou léger, selon que ce corps peut se mouvoir naturellement de telle ou telle façon. On n'a pas donné de noms spéciaux aux phénomènes que produisent la pesanteur et la légèreté, à moins qu'on ne prenne le mot de direction ou tendance naturelle pour une expression de ce genre. [308b] Mais comme l'étude de la nature s'applique au mouvement, et que la pesanteur et la légèreté renferment, en elles-mêmes, comme les étincelles et le foyer du mouvement, tout le monde est habitué à parler des forces de l'une et de l'autre . Mais on ne s'est guère occupé de les définir, sauf quelques rares philosophes. Ainsi donc, après avoir apprécié d'abord ce que les autres en ont dit et après avoir discuté toutes les questions qu'il est indispensable de résoudre dans cette étude, nous exposerons aussi ce que nous pensons nous-mêmes sur ce sujet.

§ 3. La pesanteur et la légèreté peuvent s'entendre tantôt d'une manière absolue, et tantôt d'une manière relative et par comparaison d'un corps avec un autre corps; et c'est ainsi que, parmi les choses qui ont toutes de la pesanteur, nous disons que l'une est plus légère, et l'autre plus lourde ; par exemple, que l'airain est plus lourd que le bois. Les anciens n' ont rien dit de la pesanteur et de la légèreté prises au sens absolu ; ils n'ont parlé que du sens relatif; car ils n'ont pas dit ce que sont en soi le pesant et le léger ; mais ils ont simplement étudié ce qui est plus lourd et ce qui est plus léger, parmi les choses qui ont de la pesanteur.

§ 4. Ce qui pourra nous rendre la question plus claire, c'est de reconnaître qu'il y a des choses qui, naturellement, s'éloignent toujours du centre, et d'autres qui, non moins naturellement, sont toujours portées vers le centre. Je dis donc que ce qui est emporté loin du centre est porté en haut, et que ce qui est emporté vers le centre est porté en bas; car il est absurde de nier qu'il y ait dans le ciel un haut et un bas, ainsi que quelques philosophes croient pouvoir le faire. Il n'y a, disent-ils, ni haut ni bas, puisque l'on est partout sur le globe dans la même position, et qu'on est de tous côtés son propre antipode, et qu'on va partout à sa propre rencontre.

§ 5. Quant à nous, nous entendons par le haut, l'extrémité de l'univers, point qui en effet est bien en haut par sa position, et qui par sa nature est le premier.. Mais s'il y a une extrémité et, un milieu du ciel, il est évident qu'il y aura aussi un haut et un bas, comme le dit le vulgaire, sans savoir d'ailleurs bien exactement ce qu'il dit. La cause« de cette opinion du vulgaire, c'est qu'il pense que le ciel n'est pas pareil de tous côtés, et que l'hémisphère qui est audessus de nous est le seul et unique. Mais en se disant- en outre que cet hémisphère aussi est circulaire, et que le centre est dans un même rapport avec le tout, on arrivera à comprendre que l'un est le haut et que le centre est le bas.

§ 6. Ainsi donc, nous disons qu'un corps est léger d'une manière absolue, quand il est porté en haut et vers l'extrémité; et nous disons qu'il est absolument lourd., quand il va en bas, c'est-à-dire, vers le centre. Nous appelons relativement léger, et plus léger qu'un autre, celui de deux corps pesants qui, à masse égale, est naturellement emporté en bas avec plus de vitesse que l'autre.

 

Livre IV, Ch. I, § 1. Simplicius atteste que plusieurs commentateurs déplaçaient ce quatrième livre, et le retranchant du Traité du ciel, l'attribuaient au traité de la Production et de la destruction. Quant à lui, il n'approuve pas ce changement, et il essaie de démontrer comment le quatrième livre tient aux précédents. On ne peut pas dire que le lien soit très étroit; mais tout en le trouvant assez peu justifié, on serait fort embarrassé de déplacer ce livre; car on ne saurait comment le mettre ailleurs d'une manière plus plausible. Je le laisse donc ici, comme le fait Simplicius, sans accepter toutes les raisons qu'il donne de son opinion. — Les forces, le texte dit mot à mot : « les puissances. » -- Qui les distinguent, j'ai ajouté ces mots.

§ 2. Des recherches sur le mouvement, je crois que cette expression est générale; mais il est possible aussi qu'elle désigne la Physique, qui n'est qu'une longue théorie du mouvement. --- Aux phénomènes que produisent la pesanteur et la légèreté, le texte dit simplement : « leurs actes. » — Direction ou tendance naturelle, il n'y a qu'un seul mot dans le texte. — Comme l'étude de la nature s'applique au mouvement, voir la Physique, et ma préface, p. II. — Les étincelles et le foyer, il n'y a qu'un mot dans le texte; mais l'expression est aussi recherchée dans l'original que dans ma traduction. Aristote atténue lui-même cette métaphore, autant qu'il le peut. Ces prétentions de style ne sont guère dans
ses habitudes. -- Des forces, ou : « des puissances. » Ce que les autres en ont dit, c'est la manière constante d'Aristote ; et dans toutes les questions qu'il a traitées, il a d'abord passé en revue les opinions de ses devanciers. On a pu en voir des preuves nombreuses et frappantes dans le présent ouvrage. — Ce que nous pensons nous-même, il y a modestie et prudence à ne parler que le dernier.

§ 3. D'une manière absolue, c'est-à-dire, en considérant la pesanteur et la légèreté, chacune en elles-mêmes. — D'une manière relative, et par comparaison, le texte n'est pas aussi explicite. — Qui ont toutes, j'ai ajouté ce dernier mot. — Plus légère, bien qu'elle ait de la pesanteur. — Les anciens n'ont rien dit, l'assertion est peut-être un peu trop générale. — En soi, j'ai ajouté ces mots pour marquer plus fortement la pensée.

§ 4. S'éloignent toujours, j'ai ajouté ce dernier mot. — Ce qui est emporté loin du centre, c'est le feu et toutes les choses légères. — Ce qui est emporté vers le centre, c'est la terre et toutes les choses pesantes. — Sur le globe, ces mots, que j'ajoute, sont la paraphrase de celui qui précède. — Dans la même position, le texte n'est pas aussi précis. -- Son propre antipode, c'est vrai, en ce sens que, de quelque point de la surface qu'on parte, on arrive au centre. — On va partout à sa propre rencontre, soit en allant de la surface au centre, soit en faisant le tour de la surface.

§ 5. L'extrémité de l'univers, l'expression est bien vague, et elle ne peut indiquer ici que la région supérieure de l'air. — Qui par sa nature est le premier, c'est à l'extrémité de la circonférence qu'Aristote place le premier moteur immobile; voir la Physique, livre VIII, ch. 15, § 24, page 567 de ma traduction. — Le vulgaire, ou peut-être aussi : « la plupart des philosophes. » J'ai préféré l'autre sens, parce qu'il s'agit d'une erreur qui est assez probablement en effet celle du vulgaire, s'arrêtant au témoignage le plus apparent des yeux. — N'est pas pareil de tous côtés, ainsi qu'on doit le croire, quand on se représente la terre comme sphérique et isolée dans l'espace. — Est seul et unique, il vaut mieux attribuer cette opinion grossière au vulgaire qu'à des philosophes. — Mais en se disant en outre, le texte n'est pas tout à fait aussi précis. — On arrivera à comprendre, même remarque. — L'un, l'hémisphère placé au-dessus de nos têtes. — Et que le centre est le bas, ce qui est à peu près toute la théorie d'Aristote lui-même.

§ 6. Ainsi donc, résumé sur la définition de la pesanteur et de la légèreté. — Et vers l'extrémité, de la sphère céleste. -- Qu'il est absolument lourd, l'opposition n'est pas aussi marquée dans le texte. — A masse égale, la condition est indispensable pour que la comparaison des deux corps soit possible. — Naturellement, et non par force; cette seconde condition n'est pas moins indispensable que l'autre.

CHAPITRE II

Les philosophes antérieurs n'ont .expliqué que la pesanteur et la légèreté relatives et non la légèreté et la pesanteur absolues. Insuffisance de ces théories; objections diverses qu'on leur peut opposer. Autres explications de la pesanteur et de la légèreté, par la quantité plus ou moins grande de vide que les corps renferment. Objections contre ces nouvelles théories. Anaxagore et Empédocle, qui ont nié le vide, n'ont pas étudié la question de la pesanteur. Conséquences absurdes de la théorie qui fait dépendre du vide la pesanteur et la légèreté des corps, et de cette autre théorie qui les fait dépendre simplement de la grandeur et de la petitesse. Fausseté de la théorie qui réduit toutes les substances à une seule et même matière.

§ 1. Parmi les philosophes qui ont essayé d'aborder avant nous cette étude, la plupart, pour ainsi dire, n'ont parlé des corps pesants [309a] et légers qu'en ce sens où, de deux corps pesants, l'un est plus léger que l'autre. Ils s'imaginent, après cette recherche, avoir étudié le pesant. et le léger d'une manière absolue ; mais l'explication qu'ils donnent ne peut pas convenir à ces derniers phénomènes, comme on le verra à mesure que nous avancerons davantage dans cette discussion.

§ 2. En effet, les uns entendent qu'un corps est plus pesant et plus léger, en ce sens, qui est aussi le sens qu'on trouve dans le Timée, que le plus lourd est le corps qui, étant composé de parties identiques à celles d'un autre corps, a un plus grand nombre de ces parties ; et le plus léger, celui qui en a moins. Ainsi, un morceau de plomb est plus pesant qu'un autre, quand il en a une plus grande quantité; un airain est plus pesant qu'un autre airain, au même titre. Il en est ainsi pour chacune des choses qui sont de la même espèce, puisque, dans chaque espèce, c'est la chose qui contient le plus de parties égales qui est la plus pesante. C'est encore ainsi qu'on dit que le plomb est plus lourd que le bois, quand on admet que tous les corps sans exception sont composés de certains éléments, qui sont les mêmes, et qu'ils sont formés d'une seule et même matière, bien que cette identité ne soit pas apparente.

§ 3. Mais, dans ces définitions, il n'est pas du tout question de la pesanteur et de la légèreté prises absolument, bien que, dans l'état actuel des choses, le feu soit toujours léger et qu'il se porte en haut, tandis que la terre et tous les corps terrestres sont toujours portés en bas et vers le centre. Par conséquent, ce n'est pas à cause de la petitesse des triangles dont chaque corps est composé, comme le disent nos philosophes, que le feu se porte naturellement en haut ; car alors plus le feu serait en grande quantité, moins il aurait de mouvement ; et il serait d'autant plus pesant qu'il serait composé d'un plus grand nombre de triangles. Mais, dans l'ordre présent des phénomènes, il en est tout autrement; plus le feu est en masse considérable, plus il est léger ; et plus il se porte rapidement en haut ; et quand par hasard le mouvement du feu a lieu de haut en bas, une plus petite quantité est portée d'autant plus vite en bas ; et une plus grande, d'autant plus lentement.

§ 4. On peut ajouter une dernière remarque ; et la voici. Comme ils appellent plus léger le corps qui contient moins de parties homogènes, et plus pesant celui qui en a davantage ; et comme, pour eux, l'air, le feu, l'eau sont composés des mêmes triangles et ne diffèrent que par le plus et le moins grand nombre de ces triangles, il s'ensuit que, l'un étant plus léger et l'autre plus lourd, il pourra se faire qu'une certaine quantité d'air soit plus lourde que de l'eau. Or, il en est tout le contraire précisément; car plus l'air est en masse, plus il se porte en haut ; et en général une partie quelconque d'air se porte en haut, quand elle sort de l'eau. C'est donc ainsi que quelques philosophes ont parlé de la pesanteur et de la légèreté des corps.

§ 5. Mais il en est d'autres qui n'ont pas trouvé ces divisions suffisamment exactes ; et, quoique plus anciens par l'époque où ils ont vécu, ils ont dit cependant des choses beaucoup plus neuves sur le sujet qui nous occupe. Ainsi, l'on observe que certains corps ont un plus petit volume, et qu'ils sont néanmoins plus pesants que d'autres. Il est donc évident qu'il n'est plus possible de dire que les corps de poids égal sont composés d'éléments primitifs égaux ; car alors leur volume devrait être égal aussi.

§ 6. Quand on admet le système des surfaces, dont les corps pesants sont, dit-on, composés, il est absurde de croire que les surfaces soient les éléments primitifs et indivisibles des corps. Mais ceux qui admettent que les éléments primitifs sont solides peuvent dire, avec plus de raison, que le corps le plus grand est aussi le plus lourd. Cependant, comme il n'en est point absolument ainsi pour tous les composés, et que nous pouvons observer que beaucoup de corps plus pesants ont un volume plus petit, et par exemple l'airain comparé à la laine, il a fallu imaginer une explication différente, qu'ont donnée d'autres philosophes.

§ 7. Selon eux, le vide renfermé dans les corps est ce qui leur donne de la légèreté, et ce qui rend les plus grands parfois plus légers, parce qu'ils ont plus de vide; car c'est aussi pour cela que souvent les corps composés de solides en nombre égal, ou en nombre moindre, ont un volume plus grand. En un mot, la cause qui fait qu'un corps est plus léger, c'est, d'après eux, qu'il y a dans ce corps une plus grande quantité de vide. Telles sont donc leurs théories.

[309b] § 8. Mais il faut ajouter nécessairement à ce système que non seulement le corps doit avoir plus de vide, du moment qu'il est plus léger, mais aussi que le solide doit y être en moindre quantité ; car si le solide l'emporte dans cette partie de la proportion, le corps cesse d'être plus léger. C'est là encore ce qui leur fait dire que, si le feu est le plus léger de tous les corps, c'est qu'il contient aussi le plus de vide. On en conclura donc que beaucoup d'or, s'il a plus de vide, sera plus léger qu'un peu de feu, si l'on oublie d'ajouter que l'or a aussi beaucoup plus de solide ; car c'est là la conclusion qu'il
faudrait accepter.

§ 9. Quelques-uns des philosophes qui ont nié l'existence du vide, n'ont rien dit ni de la pesanteur ni de la légèreté; tels sont Anaxagore et Empédocle. D'autres qui en ont parlé, tout en niant le vide, n'ont pas expliqué pourquoi les corps sont absolument ou pesants ou légers, ni pourquoi les uns vont toujours en haut, et les autres toujours en bas. Ils n'ont pas expliqué non plus comment il se fait que certains corps d'un volume plus grand sont plus légers que d'autres corps d'un volume plus petit ; et l'on ne voit pas bien comment, d'après ce qu'ils ont dit, leurs théories pourraient jamais s'accorder avec les faits.

§ 10. Du reste, quand on attribue la légèreté du feu à la quantité de vide qu'il renferme, on retombe à peu près dans les mêmes difficultés ; car le feu aura bien à la fois, si l'on veut, moins de solide que les autres corps et plus de vide ; mais néanmoins il pourra toujours se trouver une certaine quantité de feu où le solide et le plein l'emporteront sur les solides contenus, par exemple, dans une petite quantité de terre. Mais même en admettant ici l'action du vide, comment expliqueront-ils la pesanteur absolue ? Le corps sera-t-il pesant, parce qu'il aura plus de solide, ou parce qu'il aura moins de vide ? S'ils admettent [310a] la première explication, on en conclura qu'il peut y avoir alors une quantité de terre tellement petite que le solide qui y sera compris, sera moindre qu'il ne serait dans une grande quantité de feu. De même encore, en expliquant les choses par le vide, on arrive à dire qu'il peut y avoir quelque chose de plus léger que le léger absolu, et que ce qui se porte toujours en bas peut être plus léger que ce qui se porte toujours en haut. Or, ceci est impossible ; car le corps qui est absolument léger est toujours plus léger que les corps qui ont un poids quelconque, et qui sont portés en bas. Mais un corps plus léger n'est pas toujours léger, puisque, même parmi les corps qui sont pesants, l'un est dit plus léger que l'autre; et par exemple, l'eau est plus légère que la terre.

§ 11. Cette difficulté même que nous venons de soulever ici, n'est pas résolue en disant que, dans les corps, le vide est en un certain rapport proportionnel avec le plein. On arriverait encore par cette même théorie à une impossibilité non moins évidente. En effet, dans une quantité de feu plus grande et dans une quantité moins grande, le rapport du solide au vide sera bien toujours le même; cependant une plus grande quantité de feu se porte avec plus de vitesse en haut qu'une quantité plus petite. Et de même, mais à l'inverse, une plus grande quantité d'or se porte toujours plus vite en bas, de même encore que le plomb et tous les corps qui ont de la pesanteur. Mais ce phénomène ne devrait pas se produire ainsi, du moment que l'on définit de cette manière le lourd et le léger.

§ 12. Il n'est pas moins absurde encore de croire que les corps soient portés en haut par l'action du vide, et que le vide lui-même n'y soit pas porté. Mais si le vide est naturellement porté en haut, et si le plein est porté en bas, et que ce soit là la cause du mouvement de tous les autres corps dans l'un ou l'autre sens, il n'y aurait plus besoin de rechercher pourquoi, parmi les corps composés, les uns sont pesants, et les autres légers. Mais il n' y aurait plus qu'à expliquer seulement, pour le vide et pour le plein, pourquoi l'un est léger, et l'autre a de la pesanteur.

§13. Il faudrait dire aussi quelle est la cause qui fait que le plein et le vide ne se séparent pas l'un de l'autre. Il n'est pas moins absurde de faire une place spéciale au vide, comme si le vide lui-même n'en était pas une d'un certain genre. Mais si l'on accorde que le vide est en mouvement, il faut bien qu'il y ait dans ses déplacements un lieu d'où il parte, et un lieu vers lequel il se dirige. D'un autre côté, quelle est avec cette théorie la cause du mouvement? Ce n'est certes pas le vide, puisqu'il n'est pas le seul à se mouvoir, et que le solide se meut aussi bien que lui.

§ 14. On retombe d'ailleurs ici dans les mêmes difficultés que quand on essaie d'expliquer ces phénomènes d'une autre manière, et qu'on dit que les corps sont plus lourds ou plus légers les uns que les autres, à cause de leur grandeur et de leur petitesse, et qu'on en donne telle autre théorie quelconque, où l'on n'attribue qu'une seule et même matière à tous les corps, ou bien où on leur attribue plusieurs matières qui seraient contraires entre-elles. En effet, s'il n'y en a qu'une seule, il n'y aura dès lors pas plus de lourd ni de léger absolus dans cette théorie que dans le système de ceux qui expliquent la composition des corps par les triangles. Si la matière des corps est contraire, [310b] comme le prétendent ceux qui admettent le plein et le vide, il n'y aura plus moyen d'expliquer, pour les éléments qui sont intermédiaires entre les éléments absolument lourds et -les éléments absolument légers, comment il se peut qu'ils soient plus légers ou plus lourds les uns que les autres, et que les corps simples.

§ 15. Se borner à définir la pesanteur et la légèreté des corps par la grandeur et la petitesse, c'est encore plus illusoire que tout ce qui précède. Ce qu'il y a de plus sûr, dans la difficile question que l'on discute ici, c'est de constater qu'on peut reconnaître la différence qui distingue chacun des quatre éléments. Mais admettre une seule et même nature pour tous les corps, qui ne différeraient plus que par leur grandeur, cela revient nécessairement au même que de n'admettre qu'une seule matière. Dès lors, il n'y a plus de corps qui soit absolument léger, il n'y a plus de corps qui se porte en haut; mais il y a seulement un corps qui se meut plus lentement, ou qui est comprimé et lancé par d'autres. Enfin un grand nombre de petites choses accumulées peuvent alors devenir plus pesantes qu'un petit nombre de grandes. Or, si cela est, il en résulte que beaucoup d'air et beaucoup de feu pourront être plus pesants que de l'eau et de la terre en petite quantité. Mais c'est là une chose qui est tout à fait impossible.

En résumé, voilà tout ce qu'ont dit nos devanciers ; et l'aspect sous lequel ils ont étudié les choses.
 

Ch. Il, § 1. N'ont parlé des corps pesants qu'en ce sens, voir la même pensée plus haut, ch. 1, § 3. Simplicius remarque aussi cette répétition.

D'une manière absolue, tandis qu'ils ne l'ont étudié que d'une manière relative.

A ces derniers phénomènes, le texte n'est pas aussi formel; mais le sens ne peut pas être douteux, et Aristote veut dire que l'explication donnée pour la pesanteur relative ne peut pas rendre compte de la pesanteur absolue.

§ 2. Les uns, il sera question des autres un peu plus bas, § 5.

Dans le Timée, je ne retrouve pas cette pensée dans la théorie de la pesanteur et de la légèreté donnée par Timée ; voir la traduction de M. V. Cousin, pages 181 et suiv. ; voir aussi la théorie générale des triangles élémentaires, p. 161 et suiv., ibid.

Identiques à celles d'un autre corps, le texte n'est pas aussi explicite.

De parties égales, j'ai conservé le mot d'Égales parce qu'il est dans le texte; mais, évidemment, c'est Semblables qu'il faudrait dire. — D'une seule et même matière, c'est l'opinion de Démocrite, qui compose l'univers entier d'atomes identiques ; c'est aussi une opinion qui semble se faire jour plus d'une fois dans le Timée.

-- Bien que cette identité ne soit pas apparente, le texte n'est pas aussi formel ; voir le Timée de Platon, p. 167 de la traduction de M. V. Cousin.

§ 3. Prises absolument, c'est-à-dire, comme on peut les observer dans les corps essentiellement pesants ou légers, la terre ou le feu. C'est toujours une pesanteur ou une légèreté relatives, puisqu'elles varient avec le nombre des triangles.

Dans l'état actuel des choses, le texte dit mot à mot : « maintenant. »

Toujours léger, et il représente alors la légèreté absolue. — La terre, qui représente la pesanteur absolue.

Comme le disent nos philosophes, et particulièrement Platon, dans le Timée, aux passages cités plus haut, p. 161 et 167 de la traduction de M. V. Cousin.

Et quand par hasard le mouvement du feu a lieu de haut en bas, le texte est beaucoup moins explicite.

Une plus petite quantité, on ne comprend pas bien ce que peut être le mouvement du feu en bas, puisque son mouvement naturel est toujours en haut. Peut-être Aristote veut-il faire allusion à certains phénomènes atmosphériques, l'éclair, par exemple, où le feu, poussé par une force invisible, parait, en effet, se diriger en bas.

§ 4. On peut ajouter une dernière remarque, et la voici, le texte n'est pu aussi formel.

-- Sont composés des mêmes triangles, voir le Timée de Platon, p. 161 et 167.

Une certaine quantité d'air soit plus lourde que de l'eau, le fait est possible ; et il serait facile de s'en rendre compte, en comparant la pesanteur spécifique de l'air à celle de l'eau, prise pour unité.

-- Plus l'air est en masse, comme on vient de le dire du feu, un peu plus haut.

Quand elle sort de l'eau, ceci fait sans doute allusion aux bulles d'air qui s'élèvent parfois au-dessus de l'eau.

§ 5. Mais il en est d'autres, Démocrite et Leucippe, selon Simplicius. -- Beaucoup plus neuves, et aussi plus exactes.

Ainsi, l'on observe, Aristote est fidèle à sa méthode, et c'est en s'adressant à l'observation des faits qu'il réfute les théories contraires à la sienne.

Que ce n'est plus possible de dire, comme le disent, en effet, les philosophes qu'Aristote combat : « Les corps sont de même poids, quand leurs éléments primitifs sont en nombre égal. »

§ 6. Le système des surfaces, voir les deux derniers chapitres du IIIe livre. Ce système parait celui de Platon dans le Timée, et il l'avait sans doute emprunté aux Pythagoriciens ; voir la traduction de M. V. Cousin, p. 167 et suiv.

Que les surfaces, qui n'ont aucune solidité. -- Primitifs et indivisibles, comme les atomes.

Que les éléments primitifs sont solides, le texte n'est pas aussi explicite. Dans le système de Démocrite, les atomes, tout indivisibles qu'ils sont, n'en ont pas moins une certaine solidité, qui peut constituer les corps tels que nous les observons.

Que le corps le plus grand, qui a, par conséquent, plus d'éléments primitifs qu'un corps plus petit. — Et que nous pouvons observer, Aristote répète ici l'observation qu'il vient d'indiquer un peu plus haut, au § précédent.

§ 7. Selon eux, voir la théorie du vide, exposée et réfutée, dans la Physique, livre IV, ch. 8 et suiv., p. 184 de ma traduction.

De solides en nombre égal, j'ai conservé l'expression du texte, qui est assez obscure. Les Solides veulent dire ici, sans doute, les éléments solides.

Ou en nombre moindre, comme les corps qui ont un grand volume, et qui pèsent moins. — D'après eux, j'ai ajouté ces mots que justifie la phrase suivante.

§ 8. Mais aussi que le solide, le solide est ici opposé au vide. J'ai cru pouvoir adopter cette expression dans notre langue, pour me rapprocher davantage de l'expression grecque.

Dans cette partie de la proportion, le corps peut avoir plus de vide ; et, alors, il semblerait devoir être plus léger; mais s'il a plus de solide que le corps auquel on le compare, c'est-à-dire s'il a plus de parties solides, il aura aussi plus de lourdeur.

C'est qu'il contient le plus de vide, selon Aristote, cette explication n'est pas suffisante, et il faudrait ajouter que le feu a aussi moins de parties solides que tout autre corps.

-- Qu'il faudrait accepter, dans le système de ceux qui rendent compte de la légèreté des corps uniquement par le vide que les corps renferment. .

§ 9. Anaxagore, voir la Physique, livre 4, ch. 8, § 3, p. 186 de ma traduction. -- Empédocle, dans le mémo passage de la Physique, Empédocle n'est pas nommé ; mais il est sans doute désigné sous l'expression générale dont se sert Aristote.

-- D'autres qui en ont parlé, Simplicius pense que c'est Platon qu'Aristote veut indiquer ici.

Sont absolument ou pesants, ou légers, dans le système d'Aristote, la terre est toujours absolument pesante, et le feu est toujours absolument léger, parce que l'un se dirige toujours en bas, et l'autre toujours en haut.

S'accorder avec les faits, Aristote en revient sans cesse à l'observation pour la recommander et la pratiquer autant qu'il dépend de lui. Ceci ne veut pas dire que lui-même observe bien les faits; mais, du moins, il sent qu'il faut les observer, pour bâtir des théories irréprochables.

§ 10. On retombe à peu près dans les mêmes difficultés, et il faut ajouter que, si le feu est le plus léger des corps, c'est qu'il contient aussi le moins de parties solides ; voir plus haut, § 8.

A la fois, si l'on veut, j'ai ajouté ces mots pour rendre la pensée plus claire ; et ils sont implicitement compris dans le contexte.

Le solide et le plein, ces deux mots ont, ici, le même sens.

Une certaine quantité de feu, qu'on augmentera à volonté, ne fût-ce qu'en imagination. — Dans une petite quantité de terre, qu'on pourra de même réduire de plus en plus, et tant qu'on voudra.

En admettant ici l'action du vide, le texte n'est pas tout à fait aussi formel. « Si l'on fait intervenir le vide pour expliquer la pesanteur et la légèreté relatives des corps, comment expliquera-t-on leur pesanteur et leur légèreté absolues? Sera-ce encore en disant que le corps a plus de vide, ou qu'il a moins de solide? »

Le corps sera-t-il pesant, on peut trouver toutes ces discussions bien subtiles; mais il faut se reporter au temps d'Aristote, où l'on n'avait pu encore observer beaucoup, et où les théories étaient nécessairement plus nombreuses que les observations des faits.

S'ils admettent la première explication, le texte n'est pas aussi formel. Cette première explication consiste à dire que le corps est plus pesant, parce qu'il a plus de parties solides.

-- Une quantité de terre tellement petite, répétition de ce qui vient d'être dit un peu pins haut.

— En expliquant les choses par le vide, c'est-à-dire en admettant que le corps pèse davantage, parce qu'il a moins de vide.

Le léger absolu, le feu, qui se porte toujours en haut.

Que ce qui se porte toujours en bas, la terre se porte toujours en bas ; mais on peut imaginer une petite quantité de terre qui sera plus légère que le feu, s'il est vrai que la légèreté des corps tient uniquement à ce qu'ils renferment moins de solide.

Le corps qui est absolument léger, c'est le feu, qui se porte toujours en haut par son mouvement naturel.

-- Est dit plus léger, l'expression plus convenable serait : « Est dit moins pesant.»

§ 11. Que nous venons de soulever ici, voir plus haut, § 9 et § 10.

Dans les corps, j'ai ajouté ces mots, qui m'ont paru indispensables pour éclaircir la pensée.

-- Un rapport proportionnel, et l'on explique par là la pesanteur et la légèreté des corps. Mais la proportion reste toujours la même; et, cependant, la pesanteur et la légèreté varient avec la masse même des corps légers ou pesants.

Une quantité de feu, le texte n'est pas tout à fait aussi précis.

Une plus grande quantité d'or, même remarque. Plus la masse de l'or, du plomb on de tout autre corps pesant, est considérable, plus sa chute est rapide; et, cependant, elle devrait être toujours égale, si, en effet, la proportion seule du vide et du plein était la cause de la chute des corps pesants. -- De cette manière, c'est-à-dire par la proportion du plein et du vide.

§ 12. Il n'est pas moins absurde de croire, autre objection contre la théorie qui supposait que le vide et le plein, dans une certaine proportion, font la pesanteur et la légèreté des corps.

--- Et que le vide lui-même n'y soit pas porté, il est difficile de comprendre que le vide puisse avoir un mouvement quelconque.

Les corps composés, soit de divers éléments admis par tout le monde, soit du plein et du vide, comme l'admet le système qu'Aristote combat.

-- Pour le vide et pour le plein, l'expression du texte est indéterminée; mais le sens est évident, ainsi que le donne Simplicius.

Pourquoi l'un est léger, la question passe alors des corps au plein et au vide, qui, seuls, sont causes de la pesanteur et de la légèreté.

§ 13. Il faudrait dire aussi, autre argument.

-- Ne se séparent pas l'un de l'autre, puisque l'un va nécessairement en haut, et l'autre nécessairement en bas.

Il n'est pas moins absurde, argument nouveau.

-- Une place spéciale, j'ai Ajouté ce dernier mot.

--- Comme si le vide lui-même n'en était pas une, le texte n'est pas tout à fait aussi formel; j'ai, d'ailleurs, adopté la leçon que donne l'édition de Berlin, dans ses variantes, d'après quelques manuscrits, et que semblent avoir eue Simplicius et saint Thomas.

D'un certain genre, on définit généralement le vide, un espace privé de corps ; voir la Physique, livre IV, ch. 8, § 1, p. 185 de ma traduction.

-- Dans ses déplacements, j'ai ajouté ces mots, qui correspondent, d'ailleurs, assez bien à un pronom indéterminé que le texte emploie.

--- Avec cette théorie, ces mots, que j'ai encore ajoutés, m'ont paru indispensables pour éclaircir la pensée.

§ 14. On retombe d'ailleurs ici, le texte n'est pas aussi explicite.

Que quand on essaie, même remarque.

A cause de leur grandeur, Aristote a déjà combattu cette théorie, plus haut, livre III, ch. 5, § 2.

Une seule et même matière, c'est la théorie des atomes de Démocrite, et, peut-être, celle d'Anaxagore dans les homaeoméries.

-- De lourd ni de léger absolus, la matière étant identique pour tous les corps, il n'y aura plus de corps absolument légers, ni de corps absolument lourds, comme dans le système d'Aristote, où la terre est lourde d'une manière absolue, et où le feu est léger absolument aussi.

Qui expliquent la composition des corps par les triangles, c'est Platon et son école; voir le Timée, p. 167 et suiv. de la traduction de M. V. Cousin; et aussi la réfutation de cette théorie, dans le livre précédent, livre III, ch. 7, § 6 et suiv.

Ceux qui admettent le plein et le vide, voir plus haut, § 7.

Et que les corps simples, il y avait ici une autre leçon que Simplicius rappelle, d'après Alexandre d'Aphrodisée. Elle consistait dans le changement d'une seule lettre, e: le sens était : « Et que les corps qui sont lourds ou légers d'une manière absolue. » C'est la leçon que Simplicius semble préférer; et, peut-être, ferait-on bien de l'adopter. L'édition de Berlin ne l'a pas notée dans ses variantes.

§ 15. Se borner à définir, tout ce paragraphe parait une répétition de ce qui précède, ou, peut-être même, une interpolation. Simplicius, cependant, l'a commenté comme à l'ordinaire et n'y a fait aucune objection.

Par la grandeur et la petitesse, voir plus haut, livre III, ch. 5, § 2.

Chacun des quatre éléments, le feu se porte toujours en haut ; la terre se porte toujours en bu; l'air et l'eau, éléments intermédiaire., ont des mouvements qui participent d'une certaine façon à ceux des deux autres éléments.

Une seule et même nature, j'ai conservé l'expression grecque, toute vague qu'elle est. Ceci veut dire que tous les corps, s'ils étaient composés de la même matière, ne pourraient avoir qu'un seul mouvement, soit en bas, soit en haut.

Dès lors, ce sont les conséquences insoutenables qui sortiraient d'un faux principe.

Qui soit absolument léger, comme le feu, attendu que selon la matière dont les corps seraient composés, dans cette théorie, ils seraient tous plus ou moins pesants.

Qui se porte en haut, par son mouvement naturel.

Un corps qui se meut plus lentement, c'est-à-dire, qui descend avec moins de vitesse que les autres, et qui, par cela seul, parait monter quand les autres paraissent descendre.

-- De petites choses, j'ai conservé le mot du texte; mais, évidemment, Petites est pris ici pour Légères; voir plus haut, § 10.

Beaucoup d'air et beaucoup de feu, on pourrait supposer que telle quantité de feu accumulée pèserait plus qu'une petite quantité de terre; mais il a été remarqué plus haut, § 11, que plus le feu est en grande quantité, plus il se porte vivement en haut.

Qui est tout à fait impossible, comme on l'a démontré antérieurement; voir dans ce chapitre plus haut, § 10.

CHAPITRE III.

Théorie personnelle de l'auteur sur la pesanteur et la légèreté des corps ; généralités sur les trois espèces de mouvements, et sur les différents mouvements qui appartiennent aux différents corps, Ce que c'est que le lieu propre des éléments ; subordination réciproque des éléments les uns aux autres. Citation d'études antérieures sur le mouvement.

§ 1. Quant à nous, nous rechercherons d'abord, en nous attachant à la question qui est pour quelques philosophes la plus embarrassante, pourquoi, parmi les corps, les uns se portent toujours naturellement en haut et les autres en bas, et pourquoi d'autres se portent en haut et en bas tour à tour. Nous parlerons ensuite de la pesanteur et de la légèreté, et nous expliquerons la cause de tous les phénomènes qui se rapportent à ces deux propriétés des corps.

§ 2. D'abord, il faut admettre que ce qui se passe pour les autres générations des choses et pour les autres mouvements, se passe aussi quand chaque corps est porté dans le lieu qui lui est propre. Ainsi, l'on sait qu'il y a trois mouvements divers : l'un en grandeur, l'autre en qualité, et le troisième dans l'espace ou le lieu. Or, nous voyons que, pour chacun de ces mouvements, le changement se produit en allant des contraires aux contraires et aux intermédiaires, et qu'il n'y a jamais indifféremment un changement fortuit d'un objet quelconque en un objet quelconque. Il n'y a pas non plus de moteur qui, fortuitement et au hasard, puisse communiquer le mouvement au premier corps venu. Mais, de même que le corps qui s'altère par une simple modification de qualité, et que le corps qui s'accroît, sont des corps différents, de même aussi ce qui cause l'altération n'est pas la même chose que ce qui cause l'accroissement. C'est encore de la même manière qu'il faut comprendre le rapport du moteur dans l'espace à l'objet mu dans l'espace, et ils ne sont pas non plus dans un pur rapport de hasard l'un à l'égard de l'autre. Ainsi, la cause qui détermine le mouvement en haut et en bas, est également celle qui produit la pesanteur et la légèreté des corps. Dans ce cas, le mobile qui est mu est ce qui est lourd et léger en simple puissance. Or, quand on dit qu'un corps est porté dans son lieu propre, cela revient à dire qu'il est porté à la perfection de sa propre forme ; [311a] et c'est en ce sens qu'il faut plus particulièrement entendre ce que disaient les anciens, à savoir que le semblable est porté vers le semblable. Mais ce phénomène ne se produit pas toujours et absolument; et si l'on déplaçait la terre et qu'on la mît là où est maintenant la lune, chacune des parties qui composent la terre ne se porterait pas vers la lune, mais elles se porteraient là où elles se portent maintenant. Il faut donc nécessairement que ce soit le même mouvement qui produise cet effet, pour tous les objets qui sont pareils et qui n'offrent pas de différence entr' eux, de telle sorte que, là où se porte une simple partie d'un corps par les lois de la nature, là aussi se porte le corps tout entier.

§ 3. Mais comme le lieu des corps est la limite du contenant, et que l'extrémité et le centre embrassent et contiennent tous les corps qui se meuvent, soit en haut soit en bas, il en résulte en quelque sorte que c'est là la forme du contenu, et que se porter vers son lieu spécial, c'est, pour un corps, se porter vers le semblable, puisque les substances qui se suivent mutuellement entr'elles, sont semblables les unes aux autres, et qu'ainsi l'eau est semblable à l'air, et celui-ci semblable au feu. On peut admettre cette réciprocité à l'inverse pour les corps intermédiaires, mais non plus pour les extrêmes : par exemple, l'air est analogue à l'eau, et l'eau est analogue à la terre ; car le corps qui est supérieur à un autre est toujours, par rapport au corps qui vient inférieurement au-dessous de lui, comme la forme est à la matière.

§ 4.  Mais chercher pourquoi le feu se porte en haut et la terre en bas, cela revient tout à fait à chercher pourquoi un corps qui se guérit de la maladie, quand il éprouve un certain mouvement et un certain changement, en tant que susceptible de se guérir, revient à la santé et non pas à la blancheur. On en peut dire autant pour tontes les choses qui souffrent une altération quelconque. De même aussi, le corps qui s'accroît, quand il change en tant que susceptible d'accroissement, ne gagne pas la santé, mais bien un simple développement de grandeur. Ainsi donc, de même que chacune de ces choses éprouvent un changement, l'une en qualité, l'autre en quantité, de même aussi dans l'espace les corps légers vont en haut et les corps pesants vont en bas. La seule différence qu'on puisse signaler ici, c'est que, parmi les corps, les uns paraissent avoir en eux-mêmes le principe du changement qu'ils éprouvent, et j'entends les corps qui sont pesants et légers, tandis que les autres corps n'ont pas ce principe intérieur et qu'ils obéissent à un principe qui est en dehors d'eux, comme on le voit pour le corps qui se guérit et pour le corps qui s'accroît et s'augmente. Parfois cependant, ces derniers corps aussi changent d'eux-mêmes et tout seuls ; et quoiqu'il n'y ait qu'un très petit mouvement dans les causes extérieures, l'un peut recouvrer la santé, et l'autre gagner de l'accroissement. Mais, tandis que le même corps qui peut, tout à la fois, être susceptible de guérison et susceptible de maladie, peut, s'il est mis en mouvement en tant que guérissable, aller à la santé, et s'il est mu en tant que susceptible de maladie, aller à la maladie, le grave et le léger paraissent davantage avoir en eux-mêmes le principe de leurs mouvements, parce que leur matière est rapprochée, autant que possible, de leur essence. La preuve, c'est que la chute est le mouvement naturel des corps libres et complets ; et que, sous le rapport de la génération, c'est le dernier de tous les mouvements. Par conséquent, ce mouvement doit être regardé comme le premier de tous sous le rapport de l'essence.

[311b] § 5. Lors donc que de l'air se forme en venant de l'eau, et qu'un corps devient léger de pesant qu'il était, ce corps se porte en haut. Mais en ce même moment, il est léger ; donc il ne le devient pas, et il reste dans le lieu où il doit être. Ainsi, il est évident que le corps qui était en puissance et qui va vers sa réalisation parfaite ou son entéléchie, se rend avec la quantité et la qualité qu'il a, au lieu où cette entéléchie s'accomplit, avec la quantité, la qualité et le lieu qui lui appartiennent. C'est là aussi ce qui fait que les corps qui sont déjà ce qu'ils doivent être de toutes .pièces, terre et feu, se dirigent vers le lieu qui leur est propre, si nul obstacle ne s'y oppose. C'est encore ainsi que la nutrition, quand le mal qui pourrait l'empêcher est écarté, et que le corps susceptible de guérir, quand ce qui s'oppose à la guérison n'existe plus, se portent vivement l'un et l'autre là où ils doivent se porter. Alors le mouvement vient, soit de ce qui a fait la chose dès l'origine, soit de ce qui a supprimé l'obstacle, soit de ce qui a fait rebondir le corps, ainsi qu'on l'a dit dans les études antérieures, où il a été démontré que, dans aucun de ces cas, le corps ne se meut réellement pas lui-même.

§ 6. On voit donc maintenant quelle est la cause qui fait que chacun des corps qui se meuvent peuvent se mouvoir, et ce que l'on doit entendre quand on dit qu'un corps se dirige et est porté dans le lieu qui lui appartient.
 


 

 




 

 



 

Ch. III, § 1. La plus embarrassante, cette question embarrasse la science moderne tout aussi bien qu'elle embarrassait l'antiquité; et l'on se borne à constater les effets de la pesanteur, sans en rechercher la cause.

Tour à tour, j'ai ajouté ces mots.

A ces deux propriétés des corps. le texte n'est pu tout à fait aussi formel.

§ 2. Les autres générations des choses, la suite explique que, par les générations, il faut entendre les mouvements, et c'est en ce sens qu'Aristote a défini le mouvement : « l'acte du possible. » Voir la Physique, livre III, ch. t, § 7, et ch. 3, § 2, p. 70 et 86 de ma traduction.

Il y a trois mouvements, voir la Physique, livre V, ch. 3, § 1, p . 287 de ma traduction.

Et aux intermédiaires, le mouvement peut partir aussi des intermédiaires pour aller à l'un des deux extrêmes; et c'est toujours aller, en quelque sorte, du contraire au contraire.

D'un objet quelconque en un objet quelconque, le mouvement reste toujours dans la même catégorie, et ne peut point passer d'une catégorie à l'autre.

-- Fortuitement et au hasard, il n'y a qu'un seul mot dans le texte.

Par une simple modification de qualité, j'ai dû ajouter tout ceci, pour rendre l'expression grecque aussi clairement que possible. L'altération est le changement dans la qualité ; voir la Physique, livre V, ch. 3, § 11 p.295 de ma traduction.

Du moteur dans l'espace, c'est le mouvement de translation.

-- Dans un pur rapport de hasard, le texte n'est pu aussi formel.

-- La cause qui détermine le mouvement en haut, l'explication peut paraître bien insuffisante ; mais il faut se rappeler la difficulté de la question; et la science moderne ne serait guère moins embarrassée à déterminer la cause de la pesanteur et de la légèreté.

Dans ce cas, j'ai ajouté ces mots.

A la perfection de sa propre forme, le texte dit simplement : « Dans sa forme. » Le sens que j'ai donné est emprunté au commentaire de Simplicius.

Et c'est en ce sens, cette phrase, qui interrompt un peu le cours de la pensée, est peut-être une interpolation.

Ne se porterait pas vers la lune, d'après les lois de l'attraction, ce serait tout le contraire de ce que suppose Aristote ; et, dans cette hypothèse, les parties de la terre se porteraient vers le centre de la lune. Mais il faut se rappeler qu'Aristote faisait de la terre le centre du monde, et que, selon lui; tous les corps pesants se portent irrésistiblement au centre de toutes les parties de l'univers.

 ---Qui sont pareils, c'est-à-dire pour tous les corps pesants, qui se dirigent vers le centre, et pour tous les corps légers, qui se dirigent vers l'extrémité.

Et qui n'offrent pas de différence entr'eux, si ce n'est celle de la quantité de matière dont ils sont composés, sans aucune différence essentielle.

§ 3. Le lieu des corps, j'ai ajouté les deux derniers mots, pour que l'expression fût plus claire.

La limite du contenant, ceci veut dire, comme la suite le prouve, que le lieu d'un élément enveloppé dans un autre, d'après le système d'Aristote, est la limite même de l'élément qui l'enveloppe; ainsi, le lieu de la terre est la limite de l'eau; le lieu de l'eau est la limite de l'air; le lieu de l'air est la limite du feu, parce que le feu enveloppe l'air, comme l'air enveloppe l'eau et comme l'eau enveloppe la terre ; voir la Météorologie, livre 1, ch. 2, § 1, p. 5 de ma traduction, sur la position respective des éléments.

Que c'est là la forme du contenu, l'expression est très obscure, et je n'ai pas cru devoir la modifier, parce que je n'ai rien trouvé qui l'expliquât dans le commentaire de Simplicius. La Forme est prise ici dans le même sens qu'un peu plus haut, dans le paragraphe précédent : « A la perfection de sa propre forme. » Le feu est la forme définitive et la perfection de l'air; l'air est la forme de l'eau, etc.

-- Vers le semblable, dans la mesure où le feu ressemble à l'air, et l'air ressemble à l'eau. — Sont semblables, c'est l'expression même du texte; mais il vaudrait mieux dire : « Analogues, » comme je l'ai fait un peu plus bas.

A l'inverse, c'est-à-dire que, de même que l'air est analogue à l'eau, de même l'eau est analogue à l'air; mais l'air n'est pas analogue à l'eau, non plus que le feu ; la terre et le feu étant les extrêmes, qui n'ont aucune analogie directe, et n'en peuvent avoir que par les intermédiaires.

Comme la forme est à la matière, ainsi, la terre est la matière de l'eau, et l'eau est la forme de la terre; l'eau, à son tour, est la matière de l'air, et l'air est la forme de l'eau, etc.

§ 4. Cela revient tout à fait à chercher, c'est comme une fin de non-recevoir, plutôt qu'une explication de la pesanteur. il est vrai que le problème est bien difficile à résoudre, et que toutes les solutions, même les plus récentes, reviennent à dire que les corps sont pesants, parce qu'ils sont pesants. Aristote ici ne semble guères dire autre chose.

A la santé, qui est dans le même genre que la maladie.

-- Et non pas à la blancheur, qui est dans un genre différent. — Un simple développement, ou « une supériorité. »

--- L'une en qualité, c'est ce qu'Aristote appelle l'altération.

-- L'autre en quantité, c'est l'accroissement ou la décroissance, mouvement dans la quantité, de même que l'altération est le mouvement dans la qualité; voir la Physique, livre v, ch.§ 11 p. 295 de ma traduction,

-- Qu'on puisse signaler ici, j'ai ajouté ces mots, pour plus de clarté.

Avoir en eux-mêmes le principe du changement, cela revient encore à dire que les corps sont pesants, parce qu'ils sont pesants.

Pour le corps qui te guérit et pour le corps qui s'accroît, il semble cependant que, dans bien des cas, la guérison et l'accroissement partent d'un principe intérieur plutôt que d'un principe étranger. Aristote lui-même le remarque dans la phrase suivante.

Parfois cependant, cette restriction efface à peu près complètement la différence qu'on a voulu établir, plus haut, entre les corps pesants et les autres.

 — Rapprochée autant que possible de leur essence, l'expression est obscure, et les éclaircissements qu'en ont essayés les commentateurs ne sont pas suffisants. Aristote veut dire que la pesanteur dans les corps graves se confond à peu près complètement avec leur essence, tandis que le mouvement d'altération ou celui d'accroissement ne sont que de simples changements de forme, qui ne touchent point à l'essence de la chose qui s'accroît ou qui s'altère.

Le mouvement naturel des corps, il n'y a qu'un seul mot dans le texte.

Libres et complets, il n'y a ici aussi dans le texte qu'un seul mot, qui n'est pas non plus assez clair.

Sous le rapport de la génération, c'est-à-dire que le mouvement de translation est le dernier à se produire; et que l'être s'accroît et s'altère, avant de se déplacer dans l'espace.

Par conséquent, la conséquence n'est pas parfaitement évidente.

§ 5. De l'air se forme en venant de l'eau, par exemple, par suite de la vaporisation, la vapeur de l'eau, plus légère que l'eau, monte dans une partie de l'atmosphère plus élevée que celle où reste l'eau.

-- Et qu'un corps devient léger, c'est le même cas pris dans toute sa généralité.

Dans le lieu où il doit être, d'après la nouvelle nature qu'il vient d'acquérir par sa transformation. — Vers sa réalisation parfaite ou son entéléchie, il n'y a que ce dernier mot dans le texte grec ; j'ai ajouté les autres, qui en sont une explication et une paraphrase.

C'est là aussi ce qui fait, ces explications de la pesanteur et de la légèreté des corps peuvent paraître fort embarrassées; mais il faut toujours se souvenir que la question est une des plus difficiles qu'on puisse agiter.

De toutes pièces, j'ai ajouté ces mots pour compléter et éclaircir la pensée.

-- La nutrition, ou « la nourriture; » car ces deux nuances sont dans le mot grec. La première m'a semblé préférable. La nutrition représente, d'ailleurs, ici le mouvement d'accroissement.

--- Le corps susceptible de se guérir, ceci se rapporte au mouvement de simple altération, c'est-à-dire le mouvement de qualité.

De ce qui a fait la chose dès l'origine, c'est le principe moteur, ou plutôt le principe générateur.

Soit de ce qui a fait rebondir le corps, cette allusion au mouvement des balles, lancées d'abord par le joueur et rebondissant ensuite contre le mur, est plus claire quand on la rapproche du passage de la Physique, livre VIII, ch. 4, § 21, p. 489 de ma traduction.

Dans les études antérieures, ceci indique la Physique, livre VIII, ch. 4, § 18, p. 487 et suiv. de ma traduction. En effet, le présent paragraphe 5 ne semble être qu'un abrégé de tout ce passage de la Physique.

Réellement, j'ai ajouté ce mot; voir la Physique, livre VIII, ch. 4, § 22, p. 489.

§ 6. Qui se meuvent peuvent se mouvoir, cette répétition est dans le texte.

Se dirige et est porte, il n'y a qu'un seul mot dans l'original. On peut trouver toute cette théorie de la pesanteur bien insuffisante ; mais elle n'en est pu moins curieuse pour l'histoire de la science.

CHAPITRE IV.

Explication plus développée de la pesanteur et de la légèreté absolues et relatives. Distinction des éléments selon ces différences. Le feu se dirige toujours en haut; c'est le léger absolu; la terre se dirige toujours en bas; c'est le pesant absolu. L'eau et l'air sont ou pesants ou légers, selon qu'on les compare ou au feu ou à la terre. Pesanteur relative des corps selon le milieu où ils se trouvent ; pesanteur relative de l'air : le feu est sans pesanteur, et la terre sans légèreté. Démonstration de l'existence d'un centre vers lequel se dirigent tous les corps graves; rapports du contenant et du contenu, de la forme et de la matière.

§ 1. Expliquons maintenant les différences et les phénomènes que présentent ces propriétés des corps. Mais avant tout, définissons le corps absolument pesant, comme le définit tout le monde en disant que c'est celui qui reste au-dessous de tous les autres corps, et le corps absolument léger, en disant que c'est celui qui reste à la surface de tous les autres. Quand je dis, Absolument, c'est en regardant uniquement au genre des substances, et en ne voulant parler de que celles qui n'ont pas les deux propriétés à la fois. Ainsi, une quantité quelconque de feu se porte toujours au haut, ainsi qu'on peut l'observer, si rien n'y fait obstacle ; une quantité quelconque de terre se porte toujours en bas; et c'est encore de la même façon qu'une plus grande quantité de l'un ou de l'autre, se meut avec plus de vitesse. Dans un autre sens, qui n'a plus rien d'absolu, on entend par pesants et légers, des corps qui ont ces deux propriétés à la fois, et qui, comme l'air et l'eau, sont tantôt à la surface et tantôt au-dessous de certaines autres substances.

§ 2. Mais, absolument parlant, ni l'un ni l'autre de ces éléments n'est léger ni pesant. Tous les deux, en effet, sont plus légers que la terre, puisqu'une partie, quelle qu'elle soit, de ces corps reste toujours à la surface de la terre ; mais ils sont l'un et l'autre plus lourds que le feu, puisqu'une de leurs parties quelconque reste toujours au-dessous du feu. Mais comparés entr'eux, l'un est léger et l'autre est pesant; car l'air, quelle que soit sa quantité, reste à la surface de l'eau ; et l'eau, quelle que soit aussi sa quantité, reste au-dessous de l'air.

§ 3. Mais comme, même parmi le reste des corps, les uns ont de la pesanteur, et les autres de la légèreté, il est évident que la cause qui agit sur eux tous, c'est la différence que présentent les corps non-composés ; car selon que les corps auront plus ou moins de ces éléments, les uns seront légers, et les autres seront pesants. Il faut donc d'abord étudier la nature de ces éléments primitifs; car tout le reste n'est qu'une conséquence des premiers principes ; et c'est là précisément, avons-nous dit, ce qu'auraient dû faire ceux qui expliquent le pesant par le plein, et le léger par le vide.

[312a] § 4. On peut remarquer que les mêmes corps ne paraissent pas partout pesants et légers, par suite de la différence seule des éléments primitifs qui les composent. Ainsi dans l'air, un morceau de bois qui pèse un talent, sera plus lourd qu'un morceau de plomb qui ne pèse qu'une mine; mais dans l'eau, il sera plus léger. La cause de cette variation, c'est que tout corps, excepté le feu, a de la pesanteur, et que tout corps, excepté la terre, a de la légèreté. Ainsi la terre même, et tous les corps qui, en majeure partie, sont de terre, doivent avoir nécessairement partout de la pesanteur. L'eau en a partout, excepté dans la terre ; l'air en a partout aussi excepté dans la terre et dans l'eau.

§ 5. C'est que tous les corps, quand ils sont en leur lieu propre, ont de la pesanteur, excepté le feu. L'air lui-même est pesant. La preuve c'est qu'une outre, quand elle est gonflée, a plus de poids que quand elle est vide, de telle sorte que, soit qu'elle ait alors plus d'air ou plus de terre et d'eau, elle peut être dans l'eau plus légère que telle autre substance ; mais dans l'air elle est plus lourde, puisqu'elle ne surnage pas à la surface de l'air et qu'elle surnage à la surface de l'eau.

§ 6. Voici ce qui prouve bien qu'il y a une pesanteur absolue, et une absolue légèreté. J'appelle absolument léger, le corps qui se dirige toujours en haut ; et absolument lourd, celui qui se dirige naturellement en bas, quand il n'y a aucun obstacle ; car il y a certaines choses de ce genre ; et tous les corps n'ont pas de poids, comme l'affirment certains philosophes.

§ 7. Il est vrai qu'en effet, il y a certains corps différents qui semblent n'avoir que de la pesanteur, et qui sont toujours portés vers le centre; mais il y a également des corps qui n'ont que de la légèreté; car nous voyons, ainsi qu'on l'a déjà dit auparavant, que les corps formés de terre restent toujours au-dessous de tous les autres, et qu'ils se portent sans cesse vers le centre ; or, le centre est limité. Si donc il y a un corps qui reste à la surface de tous les autres, comme semble y rester le feu, et qui soit porté en haut même dans l'air, l'air demeurant en repos, il est évident que ce corps se dirige et se porte vers l'extrémité. Par conséquent, il ne peut pas avoir de poids quelconque ; car alors il serait porté au-dessous de quelqu'autre corps. Mais si cela était, il faudrait alors qu'il y eût quelque autre corps qui, à la place de celui-là, serait porté vers l'extrémité, et qui serait capable de rester à la surface de tous les corps en mouvement. Or, on n'observe actuellement rien de semblable. Donc le feu n'a pas de pesanteur, ni la terre de légèreté, puisqu'elle est au-dessous de tous les corps, et que le corps inférieur à tous les autres est porté vers le centre.

§ 8. On peut se convaincre de bien des façons qu'il y a nécessairement un centre, où se dirigent les corps qui sont pesants, et d'où s'éloignent les corps légers. La première raison qui le prouve, c'est qu'aucun corps ne peut avoir un mouvement à l'infini ; car de même que rien de ce qui existe réellement, ne saurait être impossible, de même non plus l'impossible ne peut jamais se produire. Or, la direction et le mouvement d'un corps est un phénomène qui se produit d'un lieu vers un autre. Un second argument, c'est que le feu paraît se porter en haut suivant des angles égaux, et que la terre se porte de même en bas, ainsi que tous les corps pesants. Il faut donc nécessairement que ces corps se dirigent vers le centre. [312b] Quant à savoir si c'est vers le centre de la terre ou vers le centre du monde, qui se confondrait avec lui, qu'ils se dirigent, c'est une autre question.

§ 9. Puis donc que tout corps qui reste au-dessous des autres se porte vers le centre, il faut nécessairement aussi que le corps qui se tient à la surface de tous les autres corps, soit porté vers l'extrémité de la région dans laquelle ils font leurs mouvements ; car le centre est le contraire de l'extrémité, de même que le corps qui reste au-dessous des autres est le contraire de celui qui se tient à la surface. Voilà comment on peut fort bien concevoir que le pesant et le léger sont deux choses tout à fait distinctes; car les lieux qu'ils occupent sont deux aussi, à savoir, le centre et l'extrémité. Il y a de plus entr'eux quelque chose d'intermédiaire, qui peut être dit indifféremment l'un ou l'autre, relativement à tous deux ; car le lieu intermédiaire est en quelque sorte une extrémité et un centre à l'égard de tous les deux ; et c'est là ce qui fait qu'il y a en outre quelqu'autre chose de lourd et de léger, comme le sont l'eau et l'air.

§ 10. Nous disons que, le contenant se rapportant à la forme, et le contenu à la matière, cette même distinction se retrouve dans tous les genres de catégories, puisque, dans la qualité et dans la quantité, on peut regarder telle partie plutôt comme forme, et telle autre partie comme matière. De même aussi dans les rapports d'espace, le haut représente le défini et le limité, et le bas représente la matière. Par suite, on peut également distinguer, dans la matière même du pesant et du léger, une matière du pesant, en tant que le corps est pesant seulement en puissance, et une matière du léger en tant qu'il est en réalité effectivement léger. La matière alors est bien la même certainement; mais son mode d'existence n'est pas le même. C'est comme le corps qui est malade et le corps qui est sain sont bien le même corps ; mais la manière d'être n'est pas la même, et aussi n'este-ce pas du tout la même chose d'être malade ou d'être en santé.









 

Ch. IV, § 4 . Les phénomènes que présentent ces propriétés des corps, le texte n'est pas aussi explicite.

Le corps absolument pesant, c'est la terre, comme la suite le prouve.

Celui qui reste au-dessous de tous les autres corps, les corps dont il est question ici ne sont que les éléments, la terre, l'eau, l'air et le feu, tout le reste des corps étant composés de ceux-là dans des proportions différentes.

Le corps absolument léger, c'est le feu.

Au genre des substances, cette expression est bien vague; mais je n'ai pas cru devoir la préciser.

Une quantité quelconque de feu, quelque considérable qu'elle soit; et même, plus elle est considérable, plus elle se porte rapidement en haut.

De l'un ou de l'autre, j'ai ajouté ces mots.

Qui n'a plus rien d'absolu, j'ai ajouté également ceci pour compléter la pensée et l'éclaircir.

-- Substances, ou éléments. L'expression grecque, ici comme plus haut, est tout à fait indéterminée.

§ 2. N'est léger ni pesant, d'une manière absolue, comme la terre ou le feu.

Comparés entr'eux, et par conséquent, d'une manière relative.

L'air.... reste à la surface de l'eau, il s'agit de l'air pris en masse.

§ 3. Le reste des corps, c'est-à-dire tous les corps qui ne sont pas des éléments.

Dans les corps non-composés, c'est-à-dire les éléments; mais j'ai dû conserver l'ex-pression du texte.

De ces éléments, surtout de terre ou de feu.

-- Primitifs, j'ai ajouté ce mot.

Avons-nous dit, voir plus haut ch. 2, § 12.

§ 4. Partout, en d'autres termes: « dans tous les milieux. »

-- Un talent, c'est à peu près 52 livres ou 26 kilogrammes.

Une mine, à peu près une demi-livre, ou un quart de kilogramme.

Il sera plus léger, ceci n'est pas exact; mais il est certain que le morceau de bois surnagera, tandis que le morceau de plomb ira au fond.

Excepté le feu, qui monte toujours en haut.

 -- Excepté la terre, qui descend toujours en bas.

Excepté dans la terre, c'est l'expression même du texte; mais elle est obscure, et il est difficile de voir à quel phénomène naturel il est fait ici allusion. « L'eau dans la terre » peut vouloir dire : « l'eau quand elle est sur la terre; » ou cela peut vouloir dire aussi : «l'eau quand elle filtre dans la terre. » De l'une ou l'autre façon, l'eau reste pesante; seulement elle est toujours moins pesante que la terre.

§ 5. Quand ils sont en leur lieu propre, le feu étant en haut, la terre eu bas, enfin l'eau et l'air étant intermédiaires.

-- Gonflée a plus de poids, Simplicius conteste l'exactitude de cette expérience, et il déclare que, l'ayant essayée plus d'une fois, il a constaté que l'outre gonflée d'air n'a pas plus de poids et qu'elle en aurait peut-être moins que quand elle est vide. Il a cependant quelque peine à contredire Aristote; et il suppose que le philosophe n'aura sans doute pas fait attention en gonflant l'outre, que l'haleine qui y soufflait l'air y introduisait aussi de l'humidité et un peu d'eau. Il paraît, d'ailleurs, que Simplicius ne faisait ici que répéter une objection de Ptolémée. Saint Thomas, en rapportant cette discussion, y fait figurer Thémistius à la place de Ptolémée.

-- Soit qu'elle ait alors, ceci est obscur, et je n'ai pas trouvé d'éclaircissement dans les commentaires. — Que telle autre substance, même observation.

-- Qu'elle ne surnage pas à la surface de l'air, c'est-à-dire qu'elle ne monte pas dans l'air, et qu'au contraire elle monte et reste à la surface de l'eau.

§ 6. Voici ce qui prouve bien, ce n'est pas une preuve nouvelle qu'Aristote apporte à l'appui de sa théorie, et ce qui suit n'est guère qu'une répétition..

 – Qui se dirige toujours en haut, c'est le feu.

Qui se dirige toujours naturellement en bas, c'est la terre.

-- Certaines choses de ce genre, la terre et le feu, comme l'atteste l'observation.

-- Tous les corps n'ont pas de poids, ceci est vrai, si l'on considère le feu comme un corps.

-- L'affirment certains philosophes, Démocrite et son école.

§ 7. Certains corps différents, ceci ne se comprend pas très bien, et je n'ai rien trouvé dans les commentateurs qui éclaircît ce passage. Il semble qu'il aurait suffi de dire : « certains corps qui semblent, etc. » Peut-être, faut-il entendre : « différents les uns des autres. » Les corps absolument légers seraient différents des corps absolument pesants.

N'avoir que de la pesanteur, le texte n'est pas tout à fait aussi formel.

Toujours portés vers le centre, à cause de leur pesanteur même.

Qui n'ont que de la légèreté, même observation qu'un peu plus haut. -

-- On l'a déjà dit auparavant, voir plus haut ch. 3, § 4.

-- Formés de terre, sous cette désignation générale, l'antiquité comprenait sans distinction une foule de corps très divers.

-- Au-dessous de tous les autres, tels que l'eau ou l'air, et tous leurs composés.

-- Le centre est limité, et par conséquent, les corps qui y tendent ne peuvent aller au-delà, et ils s'y arrêtent. Le centre étant limité, l'extrémité qui y est opposée le sera également.

Reste à la surface de tous les autres, on « surnage au-dessus de tous les autres. »

Se dirige et se porte, il n'y a qu'un seul mot dans le texte.

-- Le feu n'a pas de pesanteur, et il est absolument léger, de même que la terre est absolument lourde.

§ 8. Nécessairement, j'ai ajouté ce mot pour compléter la pensée.

-- Au centre où se dirigent.... et d'où s'éloignent, cette définition du centre ne se comprend bien que dans la théorie d'Aristote, où la terre est prise pour le centre du monde, et y reste immobile.

-- Un mouvement à l'infini, c'est ce qui a été longue. ment prouvé dans la Physique, Livre Vlll, ch. 13, § 4, page 551 de ma traduction; mais il ne s'agit que du mouvement en ligne droite; car le mouvement en ligne circulaire peut être infini, si ce n'est en étendue, du moins en durée.

De ce qui existe réellement, le texte n'est pas tout à fait aussi formel.

Ne saurait être impossible, par cela seul qu'il existe.

La direction et le mouvement d'un corps, il n'y a qu'un seul mot dans le texte.

Un phénomène qui se produit, le texte dit mot à mot, « une génération. »

-- Suivant des angles égaux, de quelque partie de la terre que le feu s'élève, c'est toujours suivant des angles égaux qu'il se porte dans la région supérieure, c'est-à-dire en ligne droite.

De la même façon, c'est-à-dire suivant des angles égaux aussi. Toutes ces lignes convergent vers le centre, ou s'en éloignent dans la même direction.

C'est une autre question, qu'Aristote sans doute n'a traitée dans aucun autre de ses ouvrages.

§ 9. Qui reste au-dessous des autres, à cause de sa pesanteur.

-- Se porte vers le centre, où il est entraîné par son propre poids.

-- Vers l'extrémité, qui est l'opposé du centre, et qui est limitée comme le centre.

-- Le contraire de l'extrémité, « supérieure « sous-entendu ; car le centre lui-même est une extrémité, puisqu'il est aussi une limite.

Entr'eux, soit entre le lourd et le léger, soit entre le centre et l'extrémité. J'ai conservé dans ma 'traduction l'équivoque qui est dans le texte.

— Indifféremment dit l'un ou l'autre, voir la Physique, livre V, ch. 1, § 12, p. 280 de ma traduction.

-- C'est là ce qui fait, la raison ne doit pas paraître très concluante.

L'eau et l'air, c'est-à-dire que l'eau est légère par rapport à la terre, et lourde par rapport à l'air et au feu; de même que l'air est léger par rapport à l'eau, et lourd par rapport au feu. De là, la subordination des quatre éléments; voir plus loin le début du chapitre suivant, et dans la Météorologie, livre I, ch. 3, p. 7 et suiv. de ma traduction.

§ 10. Nous disons que le contenant, ce paragraphe tout entier peut sembler avoir peu de rapport à ce qui précède ; je n'ose pas dire précisément que ce soit une interpolation, puisque Simplicius le connaît déjà et le commente. Mais, certainement, les idées se suivent mal, et le rapport de la matière à la forme n'a rien à voir ici.

Le contenant se rapporte à la forme, ceci semble vouloir dire que la terre et le feu se trouvant aux extrémités et contenant tout le reste, sont la forme du monde, et que l'eau et l'air, qui sont contenus entre les deux, en sont la matière. Le contenu, à la matière, voir des théories analogues dans la Physique, livre IV, ch. 4, §§ 2 et suiv., p. 149 de ma traduction.

De catégories, j'ai ajouté ces mots, qui m'ont paru indispensables.

-- On peut regarder telle partie, ceci est bien vague ; mais je n'ai pas voulu préciser davantage, et j'ai dû garder l'indécision du texte.

-- Dans les rapports de l'espace, le texte dit simplement : « Dans les choses de l'espace. »

-- Le haut représente le défini, il semble que le bas ne le représente pu moins; car le haut et le bas sont l'un et l'antre le contenant; et c'est l'intermédiaire seul qui est le contenu.

Par suite, on peut également distinguer, ce sont toujours là des subtilités, qui ne portent sur rien de réel.

Une matière du pesant.... Une matière du léger, ceci est obscur; et l'exemple même qui suit, n'éclaircit pas beaucoup ce passage.

-- La matière alors, j'ai ajouté ce dernier mot.

Son mode d'existence, distinction familière au Péripatétisme.

-- Sont bien le même corps, ceci est vrai; mais alors, on ne distingue pas le corps de la maladie et le corps de la santé; par suite, il semble qu'il n'aurait pas fallu distinguer les deux aspects de la matière.

D'être malade et d'être en santé, ceci est tellement clair qu'il est à peine nécessaire de le dire. J'ai admis ici la division de chapitre ordinairement reçue; mais Simplicius, dans son commentaire, rattache le premier paragraphe du chapitre suivant à ce § 10. La plupart des éditeurs ont adopté la division que j'ai suivie.

CHAPITRE V.

Subordination des éléments; la terre, l'eau, l'air et le feu ; deux sont extrêmes, et deux sont intermédiaires. Rapports des éléments entr'eux ; phénomène de l'ébullition de l'eau. Impossibilité de supposer une matière unique pour tous les corps. Nouvelle explication de la pesanteur et de la légèreté par le vide ; pesanteur absolue de la terre, et légèreté absolue du feu.

§ 1. Ainsi donc, le corps qui a l'espèce de matière qui convient est léger ; et il est toujours porté en haut. Le corps qui a la matière contraire, est pesant, et il est porté toujours en bas. Mais il y a aussi le corps qui a des matières différentes de celles-là, et qui sont entr'elles dans le même rapport, c'est-à- dire absolument portées tantôt en haut et tantôt en bas. Voilà comment l'eau et l'air ont tous deux de la légèreté et de la pesanteur ; et comment l'eau, si l'on en excepte la terre, se tient au-dessous de tous les autres corps, et l'air, si l'on en excepte le feu, se tient à la surface de tous également.

§ 2. Mais comme il n'y a réellement qu'un seul corps qui soit à la surface de tous les autres, et un seul aussi qui se tienne au-dessous, il faut nécessairement qu'il y ait deux autres corps qui puissent être, et au-dessous d'un certain corps, et à la surface d'un certain autre corps. Par conséquent, il faut que les matières soient comme ces éléments eux-mêmes, au nombre de quatre, et qu'elles soient quatre en ce sens qu'il n'y a bien qu'une seule matière, commune à tous les corps sans exception; puisqu'après tout ils sortent les uns des autres, et que la manière d'être de cette matière soit seule différente.

§ 3. Rien n'empêche, en effet, que les contraires n'aient un ou plusieurs intermédiaires, [313a] comme on peut le remarquer pour les couleurs ; car l'intermédiaire et le milieu peuvent avoir une foule d'expressions et de nuances. Ainsi, chacun des corps qui ont pesanteur et légèreté a, dans son lieu propre, un certain poids, tandis que la terre a du poids dans tous les corps; et ils n'ont jamais de légèreté, si ce n'est dans les éléments à la surface desquels ils surnagent. Aussi quand on retire ce qui les soutient, ils descendent sur le champ dans l'espace inférieur et se portent en bas ; l'air, alors, vient à la place de l'eau, et l'eau, à la place de la terre.

§ 4. Mais le feu aurait beau disparaître, l'air ne monterait pas à la place du feu, si ce n'est par force, de même que l'eau est attirée en haut, quand la surface devient une, et qu'on l'attire en haut, par le mouvement qu'on lui imprime, plus vite qu'elle même ne se dirige en bas. L'eau ne viendra pas non plus davantage à la place de l'air, si ce n'est de la façon que nous venons d'indiquer. Mais la terre n'éprouve pas cet effet, parce que sa surface n'est point une. voilà pourquoi l'eau, quand on la fait chauffer dans un vase, se développe et s'échappe, et que la terre au contraire ne s'échappe pas. Mais de même que la terre ne va point en haut, le feu non plus ne va point en bas, si l'on retire l'air qui est dessous, parce que le feu n'a point de pesanteur, même quand il est en son lieu propre, non plus que la terre, dans son lieu spécial, n'a point de légèreté. Mais les deux éléments de l'air et de l'eau sont portés en bas, si l'on retire ce qui est dessous. Voilà aussi pourquoi le corps qui est pesant d'une manière absolue, est celui qui reste au-dessous de tous les autres corps ; et le pesant relatif, soit dans sa place spéciale, soit par rapport aux choses à la surface desquelles il demeure, n'est pesant que par la ressemblance de sa matière à celle du pesant absolu.

§ 5. On voit donc sans peine qu'il faut nécessairement admettre entre les éléments des différences égales à leur nombre. En effet, s'il n'y a qu'une seule et même matière pour les éléments, soit le vide, soit le plein, soit la grandeur ou les triangles, tous les éléments alors seront nécessairement portés en haut, ou tous seront portés en bas ; et il n'est plus possible qu'il y ait pour eux un mouvement différent de celui-là. Par suite encore il n'y aura plus de corps qui soit léger absolument, s'il est vrai que tous les corps tombent avec plus de vitesse, parce qu'ils sont composés de parties plus grandes, ou de parties plus nombreuses, ou même parce qu'ils sont pleins. Or nous voyons, et il a été démontré, que certains corps sont toujours et en tous lieux également portés en bas, et d'autres toujours portés en haut. Mais si c'est le vide ou tel autre principe qui est toujours porté en haut, il n! y aura plus rien dès lors qui soit toujours porté en bas. Il y aura même des éléments intermédiaires qui pourront être portés en bas plus vite que la terre ; ou dans une grande masse d'air il y aura plus de triangles, soit qu'on les suppose solides, soit qu'on les suppose aussi petits qu'on le voudra. Or on ne voit jamais aucune parcelle de l'air se porter en bas. 11 en serait tout à fait encore de même pour le léger, en supposant qu'un élément l'emportât sur un autre élément par une plus grande quantité de matière.

§ 6. Mais s'il n'y a, en effet, que deux propriétés, comment alors les éléments intermédiaires, l'air et l'eau, pourront-ils agir comme ils agissent, en admettant par exemple [313b] que l'une de ces propriétés est le vide et que l'autre est le plein ? Dans cette hypothèse, le feu serait le vide, et voilà pourquoi il irait constamment en haut ; la terre serait le plein, et voilà pourquoi elle irait sans cesse en bas. Mais pour l'air, il faudrait dire alors qu'il a plus de feu et que l'eau a plus de terre ; car il pourrait y avoir une certaine quantité d'eau qui aurait plus de feu qu'une petite quantité d'air ne peut en contenir; et une grande quantité d'air, qui aurait plus de terre que n'en a une petite quantité d'eau. Par conséquent, il faudrait qu'une certaine quantité d'air descendit plus rapidement en bas qu'une petite quantité d'eau; or c'est là un phénomène qui ne se voit jamais nulle part. Il faut donc admettre nécessairement que, de même que le feu est porté en haut, parce qu'il a quelque chose comme par exemple le vide, tandis que les autres éléments ne l'ont pas, et que de même que la terre est portée en bas, parce qu'elle a le plein ; de même aussi l'air se rend à sa place et reste au-dessus de l'eau, parce qu'il a quelque chose de convenable à cette fonction, et qu'enfin l'eau reste en dessous, parce qu'elle est ainsi faite. Mais si les éléments intermédiaires n'avaient tous deux qu'une seule propriété, ou s'ils avaient les deux, il s'ensuivrait ces deux conséquences pour l'un et pour l'autre, qu'il pourrait y avoir dès lors, pour chacun des deux, une certaine masse qui ferait que l'eau l'emporterait sur une petite quantité d'air, pour être portée en haut, et que l'air aussi l'emporterait sur l'eau, pour être porté en bas, ainsi qu'on l'a déjà dit si souvent.





 

 


 

Ch. V, § 1. L'espèce de matière qui convient, le texte n'est pas tout à fait aussi précis.

Qui a la matière contraire, la matière de la terre est supposée le contraire de celle du feu, puisqu'elle est toujours et absolument portée en bas.

-- Mais il y a aussi le corps, dans l'original, la phrase n'est pas grammaticalement très correcte. Il paraît, d'après Simplicius, qu'Alexandre d'Aphrodisée avait une leçon un peu différente; mais cette autre leçon n'est pas plus régulière que l'autre. Le sens que j'ai adopté est d'accord avec le reste du contexte.

 -- C'est-à-dire, l'original n'est pas aussi explicite.

Absolument, il semble que ce serait Relativement et non Absolument qu'il aurait fallu dire, puisque les deux corps intermédiaires, l'air et l'eau, sont tantôt légers et tantôt lourds, selon qu'on les compare à la terre et au feu.

Se lient au-dessous de tous les autres corps, en tant que plus lourde.

A la surface de tous également, en tant que plus léger.

§ 2. Réellement, j'ai ajouté ce mot pour compléter la pensée.

Un seul corps qui soit à la surface, c'est le feu.

Un seul qui se tienne au-dessous, c'est la terre.

Deux autres corps, l'eau et l'air.

Et au-dessous d'un certain corps, l'air est au-dessous du feu, et l'eau est au-dessous de l'air.

Et à la surface d'un certain autre corps, l'eau est à la surface de la terre; l'air est à la surface de l'eau.

--- Les matières soient comme ces éléments eux-mêmes, on ne voit pas l'utilité de distinguer les matières et les éléments.

Une seule matière, ceci est plus vrai dans la théorie d'Aristote ; la matière est unique ; mais ses propriétés sont diverses.

La manière d'être de cette matière, le texte n'est pas aussi précis ; voir la fin du chapitre précédent.

§ 3. N'aient un ou plusieurs intermédiaires, le nombre des intermédiaires peut être infini; et, par exemple, dans le genre de la couleur, il peut y avoir une multitude de nuances entre le blanc et le noir, pris pour les deux contraires.

 — D'expressions et de nuances, il n'y a qu'un seul mot dans le texte.

--- Qui ont pesanteur et légèreté, c'est-à-dire l'eau et l'air, et non point la terre et le feu, qui n'ont qu'une pesanteur ou une légèreté absolues.

-- Tandis que la terre a du poids dans tous les corps, cette phrase incidente est peu utile, et elle manque dans plusieurs traductions, celle des Coïmbrois entr'autres et celle d'Argyropoulo.

Dans let éléments, le texte n'est pas tout à fait aussi net.

Ils surnagent, comme l'eau est à la surface de la terre, et l'air à la surface de l'eau.

On retire ce qui les soutient, l'eau étant à la surface de la terre, si l'on retire la terre qui la supporte l'eau descend dans l'espace que la terre vient d'abandonner ; et de même, pour l'air par rapport à l'eau.

§ 4. L'air ne monterait pas, ce fait n'est pas aussi certain que l'autre.

-- Si ce n'est par force, il semble au contraire que l'air, en se dilatant, pourrait monter à la place du feu tout naturellement.

Quand la surface devient une, je n'ai rien trouvé dans les commentaires qui éclaircisse ce passage d'une manière satisfaisante. Les uns imaginent une expérience où l'on applique sur la surface de l'eau un corps plat et bien uni ; quand on l'élève, l'eau s'élève avec lui, parce que sa surface s'unit et s'identifie avec celle de ce corps. D'autres supposent un vase à orifice étroit et à large ventre. Si l'on chauffe ce vase, et qu'ou dilate ainsi l'air qu'il contient, l'eau monte dans l'orifice, qu'on aura renversé à sa surface. Le texte est assez vague pour pouvoir se plier à ces diverses interprétations.

-- Plus vite, ceci semblerait indiquer qu'on imprime un mouvement rapide au vase dans lequel l'eau est renfermée, et qu'on l'empêche ainsi de tomber.

Que nous venons d'indiquer, c'est-à-dire par force.

N'éprouve pas cet effet, c'est-à-dire qu'elle ne monte pas comme le fait l'eau, et qu'elle ne vient pas prendre la place de l'air, qui se retire par une cause ou par une autre.

N'est point une, comme celle de l'eau, et qu'elle ne s'identifie pas avec la surface du corps qu'on applique dessus.

Quand on la fait chauffer dans un vase, ceci semble se rapporter à l'expérience du vase chauffé, dont il a été question plus haut; mais le phénomène de l'ébullition tient à des causes que l'antiquité n'a pas pas pu connaître.

Se développe et s'échappe, il n'y a qu'un seul mot dans le texte.

Si l'on retire l'air qui est dessous, peut-être la pensée aurait-elle été plus complète en disant : « Si l'on suppose que l'air qui est dessous soit retiré. »

-- N'a point de pesanteur, puisqu'il est la légèreté absolue.

-- N'a point de légèreté, puisqu'elle est l'absolue pesanteur.

De l'air et de l'eau, j'ai ajouté ces mots pour que la pensée fût tout à .fait claire.

-- Si on retire ce qui est dessous, ceci n'est pas assez explicite ; mais je n'ai pu essayer d'être plus précis que le texte.

-- Ce qui est pesant d'une manière absolue, c'est-à-dire « la terre. »

Le pesant relatif, c'est-à-dire l'eau et l'air.

A celle du pesant absolu, j'ai ajouté ces mots, pour compléter la pensée. Le gens en est d'accord avec le commentaire de Simplicius.

§ 5. A leur nombre, j'ai ajouté ces mots, qui m'ont paru indispensables; et il y a entre les éléments des différentes, au nombre de quatre, comme ces éléments eux-mêmes. C'est là le sens que Simplicius donne à ce passage.

--- Qu'une seule et même matière, cette théorie a été combattue plus haut, Livre III, chap. 5.

Soit le vide, soit le plein, soit la grandeur, voir plus haut ch. 2, où ces différentes théories ont été exposées et réfutées. Qui soit léger absolument, comme le feu, qu'on suppose d'une légèreté absolue ; voir plus haut, ch. 2, § 13.

Et il a été démontré, l'expression est aussi vague dans le texte. On peut entendre qu'il s'agit de la démonstration par l'observation des phénomènes, ou bien d'une théorie antérieure; voir plus haut, chap. 1, § 4.

Également portés en bas, ce sont les corps lourds et composés de terre.

D'autres toujours portés en haut, les corps qui se rapprochent de la nature du feu.

-- Si c'est le vide, qui entre dans la composition de tous les corps, et en est le principe unique.

-- Certains intermédiaires, l'air et l'eau.

-- Il y aura plus de triangles, voir plus haut, Livre III, ch. 7.

--- Soit qu'on les suppose solides, le texte n'est pas tout à fait aussi précis.

En supposant qu'un élément l'emportât, le texte est ici obscur à force de concision. On peut, en supposant une plus grande quantité de matière, en obtenir une plus grande aussi de vide, et alors le corps deviendrait plus léger; de même que tout à l'heure on le supposait plus lourd par une plus grande quantité de triangles.

§ 6. S'il n'y a en effet que deux propriétés, le texte est encore ici très-obscur, par trop de concision.

-- En admettant par exemple, cette phrase incidente n'est pas bien placée, et quelques traducteurs l'ont reportée un peu plus haut, pour rendre la suite des pensées plus claire. On pourrait refaire alors toute la phrase de cette façon : « Mais s'il n'y a que deux propriétés, en admettant par exemple que l'une est le plein et que l'autre est le vide, comment alors les éléments intermédiaires » pourront-ils agir, etc. » J'aurais pu faire aussi ce déplacement ; mais j'ai préféré conserver le léger désordre du texte, sauf à le signaler comme je le fais dans cette note. ---Dans cette hypothèse, le texte n'est pas aussi formel.

Le feu serait le vide, et alors son mouvement en haut s'expliquerait tout naturellement. La terre serait le plein, et son mouvement eu bas ne serait pas moins naturel. Mais l'explication ne serait pas suffisante pour les deux éléments intermédiaires; et il resterait à dire que l'air participe davantage de la nature du feu, et l'eau de la nature de la terre.

-- Car il pourrait y avoir, cette même pensée a été déjà plusieurs fois exprimée, comme le remarque l'auteur lui-même à la fin du chapitre.

--- Or, c'est là un phénomène, ainsi l'observation est contraire à la théorie par laquelle on essaie d'expliquer la chute des corps.

-- Que de même que, toute cette phrase est longue et embarrassée, bien que le sens eu soit assez clair ; mais je n'ai pas cru devoir la refaire, parce que j'aurais trop changé les allures de l'original.

De convenable à cette fonction, le texte n'est pas aussi formel.

Parce qu'elle est ainsi faite, et de cette façon, il y a autant de propriétés diverses que d'éléments, et chacun d'eux a la sienne ; voir plus haut, § 5.

-- N'avaient tous deux qu'une seule propriété, soit le plein, soit le vide séparément.

-- Ou s'ils avaient les deux, c'est-à-dire que l'air et l'eau eussent tous deux du
plein et du vide à la fois, mais dans des proportions diverses.

-- Ces deux conséquences, j'ai précisé le texte ; mais tout ce passage est tellement concis que je ne suis pas assuré de l'avoir bien rendu, même avec l'aide des commentaires de Simplicius, de Saint Thomas et des Coimbrois.

-- Ainsi qu'on l'a déjà dit si souvent, cette pensée s'est en effet représentée déjà bien des fois.

 

CHAPITRE VI.

Les formes des corps influent sur la lenteur ou la rapidité de leurs mouvements. Exemples divers : parcelles de fer, de plomb, de terre et de poussière, surnageant à la surface de l'eau. Erreur de Démocrite, réfutation de son système. Explication de la chute plus ou moins rapide des corps, d'après les milieux qu'ils traversent, et d'après la forme que ces corps affectent.

Fin de la théorie de la pesanteur.

§ 1. Les formes des corps ne sont pas les causes de leur mouvement absolu, soit en haut soit en bas ; mais ces formes font seulement que les corps se meuvent avec plus de vitesse, ou avec plus de lenteur. Il n'est pas difficile de voir pourquoi. Ainsi, on se demande comment des morceaux de fer qui sont plats, et même le plomb en feuille, peuvent surnager sur l'eau, tandis que des morceaux plus petits et moins lourds, s'ils sont ronds et épais, par exemple une pointe de flèche, vont au fond sur le champ. On demande aussi pourquoi certains corps surnagent et flottent dans l'air, à cause de leur petitesse, comme les poudres de divers corps, et les grains de terre et de poussière. Admettre que les causes de tous ces phénomènes sont telles que les suppose Démocrite, ce serait se tromper; car il prétend que les parties chaudes, qui s'élèvent de l'eau, [314a] soutiennent ceux des corps pesants qui sont plats, et que les corps qui sont étroits tombent et descendent à fond, parce qu'il y a peu de ces parties chaudes qui s'opposent à eux et les soutiennent.

§ 2. Mais alors ce phénomène devrait se produire dans l'air encore bien davantage. C'est une objection que Démocrite se fait à lui-même. Mais tout en se la faisant, il y répond imparfaitement; car il prétend que l'élan ne se réunit pas en un seul et unique point, entendant par le mot d'Élan, le mouvement des parties chaudes qui se portent en haut.

§ 3. Mais comme, parmi les corps continus, les uns sont facilement divisibles et les autres le sont moins, et que, de la même manière, les choses qui peuvent diviser les continus les divisent tantôt mieux et tantôt moins bien, ce sont là, à ce qu'on doit supposer, les vraies causes qui font que les corps tombent avec plus ou moins de vitesse. Ce qui se divise aisément est aussi ce qui se délimite aisément ; et plus un corps est l'un, plus il est aussi l'autre. Or l'air est plus facilement divisible que l'eau, et l'eau, plus que la terre. Ajoutez que, dans chaque genre, plus l'objet est petit, plus il est facilement divisible, et plus il se sépare aisément.

§ 4. Ainsi donc, les corps qui ont une grande largeur demeurent à la surface, et se soutiennent, parce qu'ils embrassent un plus grand espace et qu'une quantité plus grande d'espace ne se disperse pas aisément. Les corps, au contraire, qui ont une forme différente, précisément parce qu'ils embrassent moins d'espace, sont portés en bas, en ce qu'ils divisent sans peine l'obstacle qui s'oppose à leur chute. Le phénomène se produit d'autant plus aisément dans l'air que l'air est plus facilement divisible que l'eau.

§ 5. Mais comme, d'une part, la pesanteur a une certaine force qui entraîne les corps en bas, et que, d'autre part, les corps continus en ont une qui fait qu'ils ne se séparent pas, il faut nécessairement que ces conditions luttent et concourent entr'elles; car si la force de la pesanteur l'emporte sur celle qui est dans le continu, pour en amener la division et la séparation, le corps sera porté d'autant plus vite et plus violemment en bas ; et si la pesanteur est la plus faible, le corps surnagera à la surface.

§ 6. Telles sont dont les considérations que nous avions à présenter sur la pesanteur et la légèreté des corps, ainsi que sur tous les phénomènes qui les accompagnent et qui en résultent.


 

Ch. VI, § 1. Les formes des corps, c'est une question curieuse, qui se rattache à toutes les précédentes et qu'Aristote ne pouvait pas omettre.

De leur mouvement absolu, la cause de la chute des corps, c'est la pesanteur ; leur forme leur imprime seulement un mouvement relatif de vitesse plus ou moins grande.

-- En feuille, j'ai cru devoir ajouter ces mots, qu'autorise tout le conteste.

Sur le champ, j'ai aussi ajouté ces mots.

Les poudres de divers corps, Simplicius dit précisément de la poudre d'or.

-- Démocrite, il serait difficile de savoir dans quel ouvrage de Démocrite se trouvaient ces détails; voir les fragments de Démocrite par M. Müllach, page 385.

Les parties chaudes, il est difficile de voir quel fait Démocrite voulait désigner par là.

Tombent et descendent à fond, il n'y a qu'un seul mot dans le texte.

De ces parties chaudes, j'ai cru devoir répéter ces mots pour plus de précision.

§ 2. Encore bien davantage, parce que l'air est censé contenir encore plus de parties chaudes que l'eau.

Imparfaitement, le texte dit : Mollement.

L'élan, le mot dont se sert Démocrite, n'est pas moins singulier en grec que celui-ci ne l'est dans notre langue.

Des parties chaudes, le texte n'a pas ces mots, que j'ai cru devoir reproduire pour plus de clarté.

§ 3. Mais comme parmi les corps continus, Aristote donne sa théorie particulière, après celle de Démocrite qu'il combat. Les corps continus sont ici l'eau et l'air plus spécialement.

Qui peuvent diviser les continus, comme les corps graves, qui tombent dans l'air ou dans l'eau.

Qui font de vitesse, j'ai ajouté tout ceci pour compléter la pensée.

-- Se délimite aisément, comme l'eau par exemple, et surtout comme l'air.

Plus un corps est l'un, j'ai conservé toute l'indécision du texte.

-- Plus l'objet est petit, ceci n'est peut-être pas fort exact. La suite montre dans quel sens Aristote en-tend ce qu'il dit ici.

§ 4. Demeurent à la surface et se soutiennent, il n'y a qu'un seul mot dans le texte.

Un plus grand espace, le texte n'est pas tout à fait aussi précis.

Ne se disperse pas aisément, le phénomène peut sembler assez douteux; mais il est vrai que plus la surface est large, plus le corps doit se soutenir dans les conditions où on le place.

L'obstacle qui s'oppose à leur chute, j'ai cru devoir ajouter tout ceci, pour éclaircir complétement la pensée.

La pesanteur a une certaine force, on peut voir par cette seule phrase toute la distance qui sépare les théories d'Aristote sur la pesanteur, de celles de Newton.

Les corps continus, il s'agit de l'air et de l'eau, considérés comme des continus.

Luttent et concourent entr'elles, il n'y a qu'un seul mot dans le texte. On peut traduire aussi : « Il faut comparer ces forces entr'elles. »

Surnagera à la surface, ou « flottera. »

§ 6. Telles sont les considérations, ce résumé se rapporte aux chapitres qui précèdent;, mais on aurait voulu en outre un résumé de tout le Traité du ciel. Ce résumé manque ici; et il faut dire que ces récapitulations générales, tout utiles qu'elles seraient, ne sont guère dans les habitudes d'Aristote.

FIN DU TRAITÉ DU CIEL.