retour à l'entrée du site

 

Table des matières des seconds anaLytiques

 

table des matières de l'œuvre d'Aristote

 

 

ARISTOTE

 

 

ΑΝΑΛΥΤΙΚΩΝ ΥΣΤΕΡΩΝ

 

LIVRE SECOND.

 

PLAN GÉNÉRAL DES DERNIERS  ANALYTIQUES  - livre I

 

texte grec

 

Si vous voulez avoir le texte grec d'un paragraphe, cliquer sur le paragraphe

 


 

 

DERNIERS ANALYTIQUES.

 

LIVRE SECOND.

 

SECTION PREMIÈRE.

DU CHANGEMENT

DE LA DÉMONSTRATION EN DÉFINITION.

CHAPITRE PREMIER.

Quatre espèces de questions : la qualité de la chose et la cause de cette qualité; l'existence et la définition de la chose. Les deux premières questions sont complexes, les deux dernières sont simples. — Exemple des unes et des autres.

Le nombre des questions est égal au nombre même des connaissances qu'on peut avoir sur les choses.
 

§ 1. [90a] Le nombre des choses qu'on cherche est précisément égal au nombre même des choses que l'on sait. Or il y a quatre choses que l'on peut chercher à savoir, si la chose est telle chose, pourquoi elle est telle chose, si elle est, ce qu'elle est.

§ 2. En effet, lorsque nous cherchons si une chose est telle ou telle chose, en impliquant toujours ici un certain nombre de choses, par exemple si le soleil s'éclipse ou ne s'éclipse pas, alors nous cherchons l'attribut de la chose. La preuve de ceci, c'est que nous nous arrêtons dès que nous savons que le soleil s'éclipse ; et que, si nous savions dès le début qu'il s'éclipse, nous ne chercherions pas à savoir s'il s'éclipse. Une fois que nous savons que la chose est telle chose, nous cherchons pourquoi elle est telle chose. Par exemple, sachant que le soleil s'éclipse et que la terre tremble, nous cherchons pourquoi il s'éclipse et pourquoi elle tremble. Voilà donc dans quel ordre nous cherchons la solution de ces questions.

§ 3. Il en est d'autres que nous cherchons à résoudre d'une manière différente, par exemple quand nous cherchons s'il y a ou s'il n'y a pas de centaure, s'il y a ou s'il n'y a pas de Dieu. Je dis d'une manière absolue si la chose est ou n'est pas, et non point si l'homme est blanc ou s'il n'est pas blanc. Une fois que nous savons que la chose est, nous cherchons ce qu'elle est; et nous nous demandons par exemple ce que c'est que Dieu, ce que c'est que l'homme.

§ 4. Ainsi donc, les choses que nous cherchons et celles que nous savons après les avoir trouvées, sont telles et aussi nombreuses que je viens de le dire.

 

§ 1. Le nombre des choses que l'on cherche, des questions que l'on se pose et qui peuvent être résolues scientifiquement ; car il y a beaucoup de questions que l'on se pose et qui ne peuvent être résolues. Dans ce sens donc, le nombre des questions est beaucoup plus considérable que celui des démonstrations ou solutions. Sous le rapport  de la forme, au contraire, il y a précisément autant de questions que de solutions. -- Que la chose est telle chose, j'ai ajouté : telle chose, pour être clair, et, d'ailleurs, le g suivant prouve que cette addition est nécessaire. --- Pourquoi elle est telle chose, même remarque. Les deux premières questions sont complexes, parce qu'elles supposent un attribut outre le sujet; les deux autres sont simples, parce qu'elles ne supposent que le sujet tout seul. Ainsi, quand il s'agit d'une chose toute seule, sans aucun attribut, l'homme, par exemple, les deux seules questions qu'on puisse se poser, c'est de savoir si l'homme est et ce qu'il est, c'est-à-dire son existence et sa définition. S'il s'agit d'une chose et de son attribut, par exemple, l'homme est un être raisonnable, les deux seules questions qu'on puisse se poser, c'est de savoir qu'il est un être raisonnable et pourquoi il l'est : ces deux dernières questions sont celles que la scholastique a nommées, d'après le grec, quaestio quod et quaestio propter quid.

§ 2. Si une chose est telle ou telle chose, exemple des deux questions complexes : il ne s'agit point lei de l'existence de la chose et de sa définition ; mais de l'existence et de la cause de l'attribut. — Un certain nombre de choses, c'est-à-dire deux au moins, le sujet et l'attribut. — Par exemple, si le soleil s'éclipse, il y a dans cette proposition sujet et attribut : on cherche donc à savoir d'abord si l'attribut est bien dans le sujet, et l'on cherche plus tard pourquoi il y est. — Nous cherchons l'attribut de la chose, j'ai cru devoir ici préciser le sens et l'expression un peu plus que ne le fait le texte : il dit seulement que la chose est. — Pourquoi elle est telle chose, après la question de l'existence de l'attribut, vient la question de la cause de cet attribut. — Et que la terre tremble, et non point qu'elle se meut, comme je l'ai dit par erreur dans mon Mémoire, t. 1, p. 312. Pacius laisse le sens douteux, et le mot grec pourrait se prêter aux deux explications. — La solution de ces questions, des deux dernières, qui sont toutes deux complexes, commençant par l'existence de l'attribut et passant ensuite à la cause de cet attribut.

§ 3. Il en est d'autres, les deux questions simples où il s'agit de l'existence et de la définition de la chose prise isolément et sans attribut. -- S'il y a ou s'il n'y a pas de centaure, question où il s'agit seulement de l'existence de la chose. -- D'une manière absolue, c'est-à-dire simple, en ne considérant que la chose toute seule, indépendamment de tout attribut. — Et non point si l'homme est blanc, c'est-à-dire sans attribut affirmatif ou négatif. — Que la chose est, l'existence absolue de la chose. — Nous cherchons ce qu'elle est, c'est-à-dire la définition. — Ce que c'est que Dieu, Zabarella remarque avec raison qu'Aristote ne reprend plus ici l'exemple du centaure, parce que la première recherche a dû prouver que le centaure n'existe pas. Les scholastiques ont distingué deux définitions : la première, toute nominale, la définition du mot, quid nominis; et la seconde, tout essentielle, la définition proprement dite, quid rei. Aristote n'a étudié que la seconde, parce que la première est nécessairement sous entendue dans tous les cas, comme il l'a dit lui-même, liv. I, ch. 1, § 4. La seconde est la seule qui importe à la démonstration. Sans la première, d'ailleurs, soit implicite, soit explicite, toute recherche ultérieure serait impossible : la condition indispensable de toute question étant d'abord que les mots qui l'expriment soient bien compris.

 

CHAPITRE II.

Les quatre espèces de questions se réduisent à une seule, celle de la cause.

1° Dans les deux premières questions, on recherche s'il y a un moyen, et dans les deux autres, on recherche quel est ce moyen.

2° Le moyen se confond avec la cause, soit dans les questions complexes, soit dans les questions simples.

3° La définition et la cause sont toujours identiques.

4° Les phénomènes sensibles attestent que c'est toujours le moyen ou la cause que l'on cherche.

Réduction de toutes les questions à une seule, celle de la cause.

§ 1. Quand nous cherchons à savoir d'une chose qu'elle est telle autre chose, ou simplement si elle est, nous cherchons s'il y a un terme moyen pour cette chose, ou s'il n'y en a pas. Mais une fois que sachant, ou que. la chose est telle chose ou qu'elle. est, c'est-à-dire sachant son existence soit particulière soit absolue, nous voulons en outre savoir pourquoi elle est et ce qu'elle est; alors nous cherchons aussi quel est ce moyen. Voici, du reste, ce que j'entends en disant que la chose est telle chose ou qu'elle est, c'est-à-dire qu'elle est en particulier, et qu'elle est d'une manière absolue. En particulier, c'est, par exemple, de savoir si la lune s'éclipse ou si elle s'accroît ; car ici nous cherchons si la chose est ou n'est pas telle chose. D'une manière absolue, c'est, par exemple, de savoir s'il y a ou s'il n'y a pas de lune ou bien de nuit. Ainsi donc, dans toutes les questions, on arrive à chercher l'une de ces deux choses : ou s'il y a un moyen terme, ou quel est ce moyen terme.

§ 2. En effet, la cause est le moyen, et c'est la cause qu'on cherche en toutes choses. Ainsi, la lune est-elle éclipsée? Y a-t-il ou n'y a-t-il pas quelque cause à l'éclipse? Sachant ensuite qu'il y en a une, nous cherchons alors quelle est cette cause ; car la cause qui fait qu'une chose est, non pas telle ou telle chose, mais qu'elle est absolument substance, ou qu'elle n'est pas absolument mais qu'elle est un des attributs essentiels ou accidentels, c'est le moyen. Ce qui est absolument, je l'appelle le sujet ; et c'est, par exemple, la lune ou la terre, ou le soleil, ou le triangle ; et la qualité que possède la chose, c'est l'éclipse, l'égalité, l'inégalité, ou bien c'est d'être ou de n'être pas au centre.

§ 3. En effet dans tous ces cas, il est clair que la question de savoir ce qu'est la chose, et la question de savoir pourquoi est la chose, sont identiques. Qu'est-ce que l'éclipse? c'est une privation de lumière pour la lune causée par l'interposition de la terre. Et pourquoi l'éclipse ? ou pourquoi la lune s'éclipse-t-elle? parce que la lumière lui manque quand la terre vient à s'interposer. Qu'est-ce que l'harmonie? C'est un rapport numérique entre les tons aigus et les tons graves. Pourquoi l'aigu s'accorde-t-il avec le grave? Parce que le grave et l'aigu ont entre eux un rapport numérique. Le grave et l'aigu peuvent-ils s'accorder ? Existe-t-il un rapport numérique qui les unisse? Ceci une fois admis, nous nous demandons : Quel est ce rapport ?

§ 4. Où l'on peut bien se convaincre que c'est toujours le moyen terme qu'on cherche, c'est dans toutes les choses où le moyen est saisissable aux sens. En effet nous ne cherchons jamais que ce que nous ne sentons pas; par exemple l'éclipse, et alors nous cherchons si elle est ou si elle n'est pas. Mais si nous étions au-dessus de la lune, nous ne chercherions ni si l'éclipse a lieu ni pourquoi elle a lieu, attendu que cela nous serait sur-le-champ de toute évidence; car ce serait de notre. sensation même que nous viendrait la connaissance de l'universel. La sensation nous atteste qu'actuellement la terre s'interpose, parce qu'il est évident qu'actuellement la lune s'éclipse ; et c'est de là que nous viendrait la conception de l'universel.

§ 5. Ainsi donc, nous le répétons, savoir ce qu'est la chose, se confond avec savoir pourquoi elle est; et cela, quand la chose est absolument et sans être un des attributs essentiels, ou bien quand elle est un de ces attributs, comme, par exemple, quand on dit que la chose en question est égale à deux angles droits, ou bien qu'elle est plus. grande ou plus petite que telle autre. Il  est donc clair que toutes les recherches ne sont au fond que la recherche du terme moyen.

§ 1. Si elle est telle autre chose, ou simplement si elle est, c'est la première et la troisième question réunies ensemble, parce que le rapport est le même de la première à la seconde que de la troisième à la quatrième; la cause de l'attribut répond à la définition, comme l'existence de l'attribut répond à l'existence absolue de la chose. — Soit particulière, soit absolue, particulière, quand l'idée totale de la chose est restreinte par un attribut; absolue, quand la chose est prise toute seule et dans toute son extension. — Nous cherchons aussi, d'abord nous cherchons s'il y a un moyen, et en second lieu quel est ce moyen : c'est-à-dire que nous cherchons pour la cause et le moyen ce que nous cherchons aussi pour la chose elle-même, dans la troisième et la quatrième question. — Quel est ce moyen, ou la. cause ; car le moyen se confond ici avec la cause. — Ainsi donc, réduction des quatre questions à deux, et même à une seule, la recherche de la cause ou du moyen ; l'existence de l'attribut est à la cause de l'attribut, comme l'existence absolue de la chose est à son essence. Rechercher l'existence de l'attribut et l'existence de la chose, c'est rechercher aussi implicitement la cause de l'un et de l'autre ; c'est rechercher s'il y a une cause, un moyen ; rechercher la cause de l'attribut et l'essence de la chose, c'est rechercher quelle est la cause, quel est le moyen. En résumé, toute recherche se réduit à celle du moyen ou de la cause.

§ 2. La cause est le moyen, le moyen et la cause se confondent. — En toutes choses, dans les quatre questions qu'on peut se poser. — La lune est-elle éclipsée ? question de la première espèce, relative à l'existence de l'attribut. — Quelque  cause à l'éclipse, question de la seconde espèce, relative à la cause de l'attribut. -- Ou accidentels, dans le sens où l'éclipse est un attribut accidentel de la lune. Voir plus haut, ch. 8, § 3. --Je l'appelle le sujet, le sujet c'est la substance qui est en elle-même, et qui ne peut jamais servir d'attribut. Voir les Catégories, ch. 2, § 2. — La lune ou la terre, des individus. — La qualité que possède la chose, l'attribut. — L'éclipse, pour la lune, l'égalité ou l'inégalité, pour le triangle, d'être ou de n'être pas au centre du monde, pour la terre.

§ 3. En effet, exemples divers pour démontrer que les deux ordres de questions se confondent, celle de l'existence de l'attribut avec celle de la cause de l'attribut, celle de l'existence de la chose avec celle de son essence. — Pourquoi l'éclipse? question de l'existence de la chose. — Pourquoi la lune s'éclipse-t-elle? question de l'attribut de la chose. Aristote confond avec intention ces deux questions, pour en indiquer la ressemblance. La définition se confond avec la cause. — Ceci une fois admis, c'est-à-dire l'existence une fois prouvée, on prouve la cause ou l'on donne la définition.

§ 4. C'est toujours le moyen terme, ou la cause. — Où le moyen est saisissable aux sens, où la cause peut être connue par les sens. — Ce que nous ne sentons pas, et dans le cas spécial, ce que nous ne voyons pas. — Au-dessus de la lune. Voir plus haut, liv. I, ch. 31, § 4. — La connaissance de l'universel, par la répétition même du phénomène. --  Actuellement, au moment où nous observerions.

§ 5. Se confond avec savoir pourquoi elle est, la définition et la cause se confondent, soit qu'il s'agisse des sujets, soit qu'il s'agisse des attributs. — Quand la chose est absolument, quand il s'agit des sujets. — Quand elle est un de ses attributs, quand il s'agit des attributs. — Est égale à deux angles droits, attribut essentiel du triangle. — Plus grande ou plus petite que telle autre, attribut indéterminé supposé essentiel. --- Toutes les recherches, l'une des quatre dont il a été question au chapitre précédent.

 

CHAPITRE III.

La définition et la démonstration sont parfaitement distinctes l'une de l'autre, et. ne doivent pas être confondues.

1° Tout démontrable n'est pas définissable, car toute définition est universelle et affirmative, tandis que parmi les syllogismes il y en a de particuliers et de négatifs : il n'y a 'pas même définition pour tous les syllogismes universels affirmatifs, puisque alors on pourrait savoir le démontrable autrement que par démonstration; c'est l'induction et non la définition qui nous fait connaître les attributs essentiels et les accidents des choses; enfin la définition s'applique à la substance, et les démontrables ne sont jamais des substances.

2° Tout définissable n'est pas démontrable, car alors on saurait le démontrable autrement que par démonstration ; de plus, les définitions sont les principes des démonstrations, et à ce titre elles ne peuvent être démontrées, car ce serait le progrès à l'infini.

3° Aucun démontrable n'est définissable ; la définition s'applique à l'essence qu'admet toujours et que suppose la démonstration; la démonstration' fait toujours une attribution ; il n'y en a pas dans la définition : la démonstration ne s'occupe que de l'attribut de la chose ; la définition, de son essence.

Donc, la démonstration et la définition sont tout à fait différentes, et elles ne rentrent point l'une dans l'autre.

 

§ 1. Comment montre-t-on ce qu'est la chose ? Comment doit-on ramener la définition à la démonstration? Qu'est-ce que la définition, et à quoi s'applique-t-elle? C'est ce que nous allons dire, après nous être posé d'abord sur tout ceci quelques doutes à résoudre.

§ 2. Commençons donc ce que nous avons à dire [91a] par la question qui tient de plus près à tout ce qui précède, et cette première question est celle-ci : Est-il possible de savoir par la définition et la démonstration la même chose et relativement à une même chose ?

§ 3. Ou bien est-ce impossible? D'une part, la définition, ce semble, explique ce qu'est la chose, et tout ce qui explique ce qu'et la chose est universel et affirmatif. Au contraire, les syllogismes sont les uns privatifs, les autres non universels; par exemple, tous ceux de la seconde figure sont privatifs, et il n'en est pas un de la troisième qui soit universel.

§ 4. Ensuite, la définition ne s'applique même pas à tous les syllogismes affirmatifs de la première figure; et, par exemple, elle ne s'applique pas à cette conclusion que tout triangle a ses angles égaux à deux droits.

§ 5. Le motif de ceci, c'est que savoir une chose démontrable, c'est en posséder la démonstration. Si donc la démonstration s'applique aux choses de ce genre, il est évident par cela même que la définition ne s'y applique pas; car alors on pourrait savoir quelque chose par la définition toute seule, sans en avoir la démonstration, puisque rien ne s'oppose à ce qu'on puisse avoir la définition sans avoir en même temps la démonstration.

§ 6. L'induction peut aussi nous donner une certitude suffisante; car ce n'est jamais par une définition antérieure que nous connaissons, ni les attributs essentiels de l'objet, ni ses accidents.

§ 7. En outre, la définition peut bien être une manière de faire connaître la substance; mais il est évident que les choses démontrables ne sont pas des substances.

Donc il est clair qu'il n'y a pas définition pour tout ce dont il y a démonstration.

§ 8. Mais est-ce à dire qu'il y ait démonstration pour tout ce dont il y a définition ?

§ 9. Ou bien n'y en a-t-il pas? A ces deux questions, il n'y a qu'une seule réponse; et c'est la même que je viens de donner; car, pour une chose une, en tant qu'une, il ne peut y avoir qu'une seule manière de la savoir : si donc, savoir une chose démontrable, c'est en avoir la démonstration, on arrivera à cette impossibilité qu'il suffit d'avoir la définition pour savoir sans la démonstration.

§ 10. D'autre part, les principes des démonstrations sont les définitions pour lesquelles, ainsi qu'on l'a prouvé précédemment, il n'y a pas de démonstration possible. De deux choses l'une, ou bien les principes seront démontrables, et le principe des principes aussi, et cela à l'infini; ou bien les primitifs seront des définitions indémontrables.

§ 11. Mais si la définition et la démonstration ne s'appliquent pas simultanément à tous les objets, peut-être en est-il au moins quelques-uns auxquels elles s'appliquent.

§ 12. Ou bien cela est-il impossible? Non, il n'y a pas démonstration pour ce dont, il y a définition. La définition en effet s'attache à ce qu'est la chose, à l'essence, tandis qu'évidemment toutes. les démonstrations sans exception supposent et admettent l'essence de la chose. Ainsi les démonstrations mathématiques supposent l'essence de l'unité, de l'impair; et les autres. espèces de démonstrations font comme elles.

§ 13. De plus, toute démonstration démontre une chose d'une autre chose, par exemple, qu'elle est ou qu'elle n'est pas telle chose. Dans la définition, au contraire, une chose n'est pas du tout attribuée à une autre. Par exemple, animal n'est point attribué à bipède ni bipède à animal; non plus que la figure à la surface, car la surface n'est pas figure ni la figure surface.

§ 14. On peut ajouter que c'est tout différent de montrer ce qu'est la chose, et de démontrer qu'elle est telle chose. [91b]  La définition montre ce qu'est la chose, tandis que la démonstration prouve seulement que telle chose est ou n'est pas à telle autre. Or, la démonstration de l'une diffère de la démonstration de l'autre; car il ne s'agit pas ici d'une partie relativement à une totalité; je dis, par exemple, qu'il a été démontré que l'isocèle a ses angles égaux à deux droits, du moment qu'on a démontré que tout triangle les a ; car l'un est une partie, l'autre le tout : mais l'existence de la chose et son essence ne sont pas du tout dans ces rapports entre elles; car l'une n'est pas une partie de l'autre.

§ 15. Donc d'abord, évidemment, il n'y a pas démonstration pour tout ce dont il y a définition; ensuite, il n'y a pas définition pour tout ce dont il y a démonstration; et enfin, l'une et l'autre ne peuvent jamais être à la fois à une seule et même chose.

§ 16. Il est donc tout aussi clair que la définition et la démonstration ne se confondent pas, et qu'elles ne sont pas comprises l'une dans l'autre ; car autrement les sujets de toutes deux seraient dans cette même relation .

§ 17. Je terminerai ici les questions préliminaires que je voulais examiner.

§ 1. Comment doit-on ramener la définition à la démonstration, il vient d'être prouvé, dans le chapitre précédent, que la question de la définition se confond avec celle de la cause ; ainsi la définition se rattache à la démonstration ; et le moyen terme qui donne l'une devra donner aussi l'autre; tel est le lien de la théorie de la définition à la théorie de la démonstration. — À quoi s'applique-t-elle ? ceci restreint la définition, dont Aristote entend faire ici la théorie, aux attributs, en excluant les sujets. La démonstration ne s'applique non plus qu'aux attributs, et on ne doit considérer ici la définition qu'en tant qu'elle se rapporte à la démonstration et s'occupe des mêmes objets qu'elle. Voir plus loin, chapitre 10, § 8.

§ 2. La même chose, la science que donne la définition est-elle la même que celle que donne la démonstration ? Sait-on par l'une précisément ce que l'on sait par l'autre ? — Et relativement â une même chose, nouvelle preuve qu'il s'agit ici des attributs seulement et non point des sujets.

§ 3. D'une part, première différence de la définition et de la démonstration, ou, comme dit Aristote, du syllogisme, en prenant un terme plus étendu et moins précis. -- Tous ceux de la seconde figure. Voir Premiers Analytiques, chap. 5, § 29. — Il n'en est pas un de la troisième, id., chap. 6, § 24.

§ 4. Ensuite, la définition..., développement et confirmation de la première différence. La définition ne peut même se confondre avec le syllogisme universel affirmatif, et la démonstration qu'il donne.

§ 5. C'est en posséder la démonstration. Voir plus haut, liv. I, ch. 1, $ 8. -- Aux choses de ce genre, aux choses démontrables. On pourrait savoir, dans le sens le plus exact et le plus précis de ce mot : savoir démonstrativement.

§ 6. L'induction peut aussi nous donner, second motif pour distinguer la définition de la démonstration : si l'on confondait la définition avec la démonstration, il faudrait la confondre aussi avec l'induction, qui nous fournit les éléments des démonstrations ; or, il est évident que c'est sans-le secours de la définition, et par un procédé tout différent, que nous connaissons les attributs essentiels ou accidentels des choses.

§ 7. En outre, troisième différence de la définition et de la démonstration. La première s'applique aux sujets; la seconde ne s'applique qu'aux attributs. L'une donne l'essence de la chose, l'autre prouve que tel attribut est dans tel sujet. -- Donc il est clair, première conclusion : Tout démontrable n'est pas définissable.

§ 8. Mais est-ce à dire... ? question inverse de la première conclusion : si tout démontrable n'est pas définissable, il est possible que tout définissable soit démontrable.

§ 9. Et c'est la même que je viens de donner au § précédent. — Pour une chose une en tant qu'une, pour une seule et même chose considérée sous un seul et même aspect. -- Une seule manière de la savoir, par sa cause, c'est-à-dire par démonstration. -- Voir liv. I, ch. 1 et 2. — C'est en avoir la démonstration, id., ibid. — On arrivera à cette impossibilité, en effet, si tout définissable est démontrable; il s'ensuit que quelque démontrable est définissable ; et alors il y a des démontrables qu'on peut savoir sans démonstration ; ce qui est contradictoire et absurde.

§ 10. D'autre part les principes des démonstrations, second argument pour prouver que tout définissable n'est pas démontrable : les définitions, qui sont le principe des démonstrations, sont elles-mêmes indémontrables; autrement il y aurait progrès à l'infini, c'est-à-dire qu'il n'y aurait pas de démonstration. -- Ainsi qu'on l'a prouvé précédemment, liv. I, ch. 1 et 2, et passim. — Donc tout définissable n'est pas démontrable; c'est la seconde conclusion.

§ 11. Peut-être en est-il au moins quelques-uns, après avoir prouvé que tout démontrable n'est pas définissable, et que tout définissable n'est pas démontrable, il reste à prouver qu'aucun démontrable n'est définissable et réciproquement, c'est-à-dire que la définition. ne s'applique pas du tout à la même chose que la démonstration.

§ 12. Il n'y a pas démonstration, premier argument : la démonstration s'applique à toute autre chose que. la définition. La définition. explique l'essence que la démonstration admet toujours préalablement. --- Admettons l'essence de la chose. Voir plus haut, liv. 1, ch. 1, § 4. — L'essence de l'unité, de l'impair, id., ibid.

§ 13. De plus, toute démonstration..., second argument : toute démonstration suppose un attribut affirmé ou nié d'un sujet ; dans la. définition, il n'y a point de proposition proprement dite. — Une chose n'est pas attribuée à une autre, une partie, dans la définition, n'est pas attribuée à une autre partie ; la définition est une totalité où tout se tient, sans qu'aucune des parties rentre dans l'autre ; la démonstration, au contraire, est une totalité dont les parties sont subordonnées. — Animal n'est point attribué à bipède, dans cette définition de l'homme : l'homme est un animal bipède, etc. bipède n'est point attribué à animal, ni réciproquement. — Non plus que la figure à la surface, non plus que dans cette définition du cercle : le cercle est une figure dont la surface, etc., surface n'est point attribué à figure, ni figure à surface.

§ 14. On peut ajouter, troisième argument : la définition ne se propose pas le même résultat que la démonstration : l'une, veut faire connaître ce qu'est la chose ; l'autre que la chose. a tel attribut. -- Or la démonstration de l'une, Zabarella remarque, avec raison, que le mot de démonstration, appliqué ici à la définition, n'est pas très exact. Le résultat de la définition et celui de la démonstration étant différents, il faut que les procédés de l'une et de l'autre le soient aussi ; autrement elles seraient entre elles dans le rapport de la partie au tout, du particulier à l'universel ; mais tel n'est point le rapport de l'une à l'autre. — Mais l'existence de la chose, il serait peut-être mieux de dire l'attribut de la chose.

§ 15. Donc d'abord, conclusion relative aux §§ 2 et suivants jusqu'à 7. — Ensuite, conclusion relative aux §§ 8, 9 et 10. -- Et enfin conclusion relative aux §§ 11 et suivants, jusqu'à 14 inclusivement.

§ 16. Il est donc tout aussi clair, résumé général de ce chapitre : la définition et la démonstration sont essentiellement différentes. — Les sujets de toutes deux, la question de l'essence et celle de l'attribut. — Seraient dans cette même relation, comme il a été prouvé au g 14.

§ 17. Les questions préliminaires. Voir plus haut, § 1.

 

 

CHAPITRE IV.

L'essence de la chose ne peut pas être démontrée par syllogisme.

1° Pour obtenir la définition comme conclusion d'un syllogisme, il faut que les trois termes soient réciproques l'un à l'autre, et' alors la définition se trouve déjà dans la mineure avant d'être dans la conclusion. — Exemple.

2° On ne peut ainsi démontrer l'essence par syllogisme qu'en faisant une pétition de principe. — Exemple.

3° Il faut se garder de confondre une simple attribution avec l'attribution essentielle qui forme la définition proprement dite.

 

§ 1. Y a-t-il syllogisme et démonstration de l'essence ou n'y a-t-il ni l'un ni l'autre, ainsi que le suppose la présente discussion? Le syllogisme, en effet, démontre, à l'aide du moyen terme, une chose d'une autre chose; mais l'essence de la chose est tout fait propre à la chose, et lui est attribuée dans sa définition même. Or, il y a nécessité que ces propositions soient réciproques entre elles ; car si A est propre à c, il est évident qu'il l'est aussi à B,  comme celui-ci est propre à C ; par conséquent ces trois termes peuvent être pris réciproquement l'un pour l'autre. C'est qu'en effet, si A est à tout B dans son essence, et que B soit universellement dit de tout C dans son essence aussi, il est nécessaire que A soit également dit de C dans son essence. Mais si l'on ne redouble pas ce genre d'attribution, dans les deux propositions, il ne sera plus nécessaire que A soit attribué à C dans son essence ; car A est à B dans son essence, et il n'est pas essentiellement à toutes les choses auxquelles est B. Ainsi, ces deux termes, A et B, exprimeront ce qu'est essentiellement la chose, et B sera donc tout aussi bien attribué à C dans son essence. Mais si toutes les deux expriment l'essence et l'identité de la chose, l'identité de la chose sera dans le moyen avant d'être dans la conclusion.

§ 2. Pour prendre un exemple général, supposons qu'on ait à démontrer ce qu'est l'homme. Supposons C l'homme, A ce qu'il est, soit animal bipède, soit toute autre définition. Si l'on veut faire un syllogisme, il faudra nécessairement que A soit attribué à tout B ; mais il y aura dans ce terme moyen une autre définition, et par conséquent il exprimera encore ce que c'est que l'homme. On suppose donc précisément ce qu'il s'agit de démontrer, puisque B est ce qu'est l'homme.

§ 3. C'est dans deux propositions seulement qu'il faut observer ce défaut, et avec les termes primitifs et immédiats ; car c'est ainsi qu'on pourra le voir avec le plus de clarté.

Ainsi donc, quand on prétend. démontrer par la réciprocité des termes ce que c'est que l'âme, ce que c'est que l'homme ou toute autre chose, on ne fait qu'une pétition de principes. C'est tout à fait comme lorsqu'on suppose que l'âme est ce qui est à soi-même cause de sa propre existence, et qu'on ajoute qu'être cause de sa propre existence, c'est être un nombre qui se meut lui-même; car alors il faut nécessairement supposer que l'âme est identiquement ce qu'est le nombre qui se meut lui-même, de telle sorte que l'âme et ce nombre ne sont qu'une seule et même chose.

§ 4. En effet, si A est conséquent de B, et celui-ci de C, A ne sera pas pour cela seul à c dans son identité essentielle; il ne pourra qu'en être dit avec vérité, et non pas même en supposant que A soit une chose attribuée essentiellement à tout B. En effet, l'essence de l'animal est attribuée à l'essence de l'homme; car cette préposition est vraie, que tout ce qui est. essentiellement homme est aussi essentiellement animal, de même que celle-ci : tout homme est animal ; mais on ne peut pas dire que ces deux termes soient ici une seule et même chose.

Si donc on ne fait pas une supposition du genre que nous avons dit, on ne peut pas conclure que A est à C en identité et en essence; et si l'on fait cette supposition, on aura admis, antérieurement à la conclusion, que B est à c en identité, de telle sorte qu'on n'aura point fait de démonstration; car on n'aura fait qu'une pétition de principes.
 

§ 1. Y a-t-il syllogisme, continuation des doutes dont l'expos¬tion a commencé au chapitre précédent. -- Le syllogisme, en effet, la seule manière dont le syllogisme puisse démontrer l'essence, c'est que les prémisses soient toutes deux essentielles comme la conclusion elle-même, et qu'elles soient de même extension qu'elle. Soit, en effet, A la définition de C : comme le défini et la définition sont toujours réciproques, il s'ensuit que dans la conclusion AC, supposée obtenue par syllogisme, l'attribut et le sujet sont de même extension; il faut donc que le moyen terme soit étendu précisément comme eux; car il faut que A soit à tout B, et B à tout C, pour que A soit à tout C. Si B était plus étendu que Al A ne pourrait lui être attribué universellement ; et si B était moins étendu que C, il ne pourrait davantage lui être attribué. Donc B, le moyen, est précisément de la même extension que les extrêmes, et leur est réciproque. — Or, il y a nécessité que ces propositions, qui suivent. --Car si A est propre â C, car si A est la définition de C, de manière qu'on ait dans la conclusion A est à tout C. — Pris, réciproquement l'un pour l'autre, puisqu'ils sont tous trois de même extension — Si A est à tout B dans son essence, c'est-à-dire, si A est la définition essentielle de B, et que B soit la définition essentielle de C, il est nécessaire que A soit aussi la définition essentielle de C. -- Si l'on ne redouble pas, si la mineure n'est pas la définition de la chose comme la majeure. -- Que A soit attribué à C dans son essence, que A soit la définition essentielle de C. - Ainsi, il faut donc, pour conclure par syllogisme que A est la définition essentielle de C, que A soit la définition essentielle de B, et que B soit lui–même la définition essentielle de C. Mais alors la définition de la chose sera dans le moyen terme lui–même, avant d'être dans la conclusion ; en effet, la mineure : B est la définition essentielle de C, donne la définition essentielle de C, sans qu'il soit besoin d'aller jusqu'à la conclusion. Donc la démonstration de l'essence ainsi entendue est absurde; il faut chercher une autre explication.

§ 2. A démontrer ce qu'est l'homme, qu'on cherche à conclure par . syllogisme la définition de l'homme. — A ce qu'il est, c'est-à-dire la définition de l'homme. — Une autre définition, une seconde définition, celle qu'on cherche à obtenir dans la conclusion étant considérée comme la première ; et il exprimera encore ce que c'est que l'homme, la mineure donnera la définition. — Puisque B est ce qu'est l'homme, en effet, la mineure a cette forme : B est la définition essentielle de C ; donc il est inutile de pousser jusqu'à la conclusion, puisqu'on a déjà la définition dans la mineure.

§ 3. C'est dans deux propositions seulement, tel est le sens que donne Eustrate, et qui me semble conforme à la pensée d'Aristote. Pour voir plus clairement en quoi pèche le syllogisme de la définition, il faut ne prendre que deux propositions immédiates, o'est-à-dire sans prosyllogismes; et on verra bien alors que la définition est déjà dans la mineure avant d'être dans la conclusion. — Comme lorsqu'on suppose, il s'agit ici, suivant Eustrate, de la définition de lime donnée par Xénocrate. Xénocrate supposait une première définition de l'âme dans la mineure de son syllogisme; puis, comme dans la majeure il avait donné un attribut à cette définition même, il en tirait dans la conclusion une nouvelle définition de l'âme, qui ne différait de la précédente que par la forme. Voici le syllogisme de Xénocrate : Tout ce qui est cause à soi-même de sa propre vie est un nombre qui se meut lui-même ; or l'âme est cause à elle-même de sa propre vie; donc l'âme est un nombre qui se meut lui-même. Mais comme une chose n'a jamais qu'une seule défiition, et que, selon Xénocrate, l'âme est ce qui est cause de sa propre. vie, l'âme est déjà définie dans la majeure. — L'âme et ce nombre ne sont qu'une seule et même chose, en effet, le mineur égale le moyen, le moyen égale le majeur : on ne fait qu'une pétition de principe dans la conclusion.

§ 4. En effet, si A est conséquent de B, si A est simplement attribut de B, sans en être la définition essentielle. — Et celui-ci de C, et si B est simplement attribut de C, sans en être la définition essentielle, ces propositions, sous cette forme, ne suffiront pas pour conclure que A soit la définition essentielle de C.— Il ne pourra qu'en être dit avec vérité, elles suffiront seulement à prouver que A est attribut de C. -- Attribuée essentiellement à tout B, l'attribution dans la majeure peut être une définition; mais, si elle ne l'est pas également dans la mineure, la conclusion ne peut être une définition. — Que les deux termes soient ici une seule et même chose, c'est-à-dire que l'un soit la définition de l'autre. L'homme est essentiellement animal ; mais animal ne suffit pas à la définition de l'homme. — Une supposition du genre que nous avons dit, c'est-à-dire, si l'on ne met pas la définition essentielle dans la majeure et dans la mineure, on ne peut pas conclure que A est à C, que A est la définition essentielle de C ; et si l'on fait cette supposition, si on place déjà la définition essentielle dans la mineure, on ne fera dans la conclusion que répéter, en d'autres termes, que faire une pétition de principe. -- En identité, parce que la définition se confond avec le défini. -- On n'aura point fait de démonstration, donc l'essence est indémontrable par le procédé qu'on vient d'indiquer. En existe-t-il un autre?

 

CHAPITRE V.

La méthode de division ne peut démontrer l'essence.

1° La méthode de division ne conclut pas nécessairement comme le syllogisme, elle procède uniquement par concession.

2° Elle ne prouve pas que la réunion des différences soit la définition vraie de l'essence.

3° Elle est sujette à une foule d'erreurs, et même en admettant qu'on parvienne à éviter ces erreurs,

4° Elle n'a pas force de syllogisme parce qu'elle ne donne jamais la cause, et que sa définition n'est pas démontrée.

 

§ 1. La méthode de division ne parvient même pas à faire de syllogisme, ainsi que je l'ai déjà dit dans l'analyse relative aux figures. Par elle, n'y a jamais nécessité que telles choses soient parce que telles autres choses sont; elle ne démontre pas plus que l'induction. En effet, il ne faut pas que la conclusion soit une interrogation, ni qu'elle soit parce qu'on veut bien la concéder. Il faut qu'elle soit de toute nécessité, les principes étant une fois admis, quand bien même celui qui répond refuserait d'en convenir. L'homme est-il un être animé ou un être inanimé ? On admet qu'il est un être animé, mais cela n'a point été conclu par syllogisme. En outre, tout être animé est, ou terrestre, ou aquatique. On suppose l'homme un être animé terrestre. Mais que l'homme soit le tout formé de la combinaison d'animal et de terrestre, cela ne résulte pas nécessairement de ce qui a été dit d'abord; c'est uniquement une nouvelle supposition que l'on fait. Il n'importe du reste en rien qu'il s'agisse d'un grand nombre de divisions on de quelques divisions seulement, le résultat est toujours le même.

Ainsi donc, en suivant cette méthode, on ne parvient pas à faire de syllogisme même pour les choses où le syllogisme serait cependant possible.

§ 2. En effet, qui empêche que tout cela soit vrai de l'homme, sans exprimer toutefois ni son essence, ni son identité ?

§ 3. Qui empêche encore ou d'ajouter quelque terme, ou de retrancher, ou d'omettre quelque élément indispensable de la substance?

§ 4. Ce sont là des défauts dont on peut ne pas tenir compte dans la méthode de division, mais qu'il serait possible d'éviter en ne prenant que les attributs qui sont essentiels et en continuant toute la suite par la division, après avoir supposé. le primitif, et en ayant soin le n'omettre aucun élément; le résultat aurait alors quelque chose de nécessaire, si tous les éléments sont renfermés dans la division et que. rien n'y manque ; car il faut alors que la totalité à laquelle on est parvenu soit spécifiquement indivisible.

§ 5. Mais pourtant, il n'y a pas encore de syllogisme, et si par cette méthode on connaît quelque chose, on le connaît tout autrement que par syllogisme. Du reste, il n'y a rien là de bien étrange puisque par l'induction on ne démontre pas davantage, et que pourtant par elle on connaît bien quelque chose.

§ 6. Ce n'est pas un syllogisme que l'on fait quand de la division on tire une définition; car, de même que dans les conclusions obtenues sans leur moyen terme, si l'on dit que telles choses étant, il faut nécessairement que telles autres choses soient, on peut toujours demander le pourquoi, de même on peut le faire aussi dans les définitions par division. Qu'est-ce [92b] que l'homme? Un être mortel qui a des pieds, qui est bipède et qui est sans ailes. Pour  quoi cela? peut-on demander à chaque qualité qu'on ajoute. On dira, et l'on démontrera même, à ce qu'on croit, par la division, que tout être est mortel ou immortel ; mais cette expression dans sa totalité n'est pas une définition. Ainsi, en supposant que l'on démontre quelque chose par la division, la définition qu'elle donne n'est certainement pas un syllogisme.

§ 1. Ne parvient pas même à faire de syllogisme, la démonstration de l'essence, telle qu'elle est indiquée au chapitre précédent, n'est pas une véritable démonstration ; mais au moins elle est un syllogisme régulier, concluant par la forme, si ce n'est par la matière. La méthode de division ne fait même pas un syllogisme régulier. — Je l'ai déjà dit dans l'analyse relative aux figures. Voir Prem. Analyt., liv. I, ch. 31. — Il n'y a jamais nécessité, la conclusion ne résulte pas nécessairement des prémisses. Voir la définition du syllogisme, Prem. Analyt., liv. I, ch. 1, § 8. --- Telles autres choses, les prémisses. — Elle ne démontre pas plus que l'induction, l'induction est un syllogisme, mais n'est point une démonstration proprement dite. Voir la théorie de l'Induction, Premiers Analytiques, liv. II, ch. 23. — L'homme est-il un être animé, exemple de la division appliquée à la définition de l'homme. -- C'est uniquement une nouvelle supposition, ainsi, chacun des éléments de la définition obtenue par la division est une hypothèse ; et la totalité de ces éléments réunis n'est encore qu'une hypothèse. — Ainsi donc..., premier argument contre la, méthode de division : elle n'a aucune force de conclusion nécessaire ; elle n'est, à vrai dire, qu'un impuissant syllogisme.

§ 2. En effet, qui empêche..., second argument : rien ne prouve que les attributs donnés par la division. soient la définition cherchée.

§ 3. Qui empêche encore, troisième argument : rien ne preuve que l'énumération soit complète : on peut avoir retranché quelques éléments, ou en avoir sauté quelques-uns.

§ 4. Mais qu'il serait possible d'éviter, réponse aux objections pré¬édentes ; il est bien vrai que l'on peut commettre toutes ces fautes dans la méthode de division ; mais l'on peut aussi les éviter. -- En ne prenant que les attributs qui sont essentiels, en omettant les attributs qui ne sont pas indispensables à la définition, c'est-à-dire, toutes les différences accidentelles. -- En continuant toute la suite, c'est-à-dire en dégageant par la division les attributs qui viennent après le primitif, ou le genre qu'on a d'abord posé et qui est le défini. -- Et en ayant soin de n'omettre aucun élément, réponse au troisième argument. — Quelque chose de nécessaire, comme le syllogisme lui-même. -- Si tous les éléments sont renfermés dans la division, en effet, tout ce qui est compris sous le genre divisé tombe dans l'une ou l'autre partie de la division. — La totalité à laquelle on est parvenue, la totalité des attributs réunis. -- Soit spécifiquement indivisible, la réunion des attributs donnés par la division ne peut être divisée ; car c'est la totalité et non l'une de ses parties qui forme la définition. Pacius et l'édition de Berlin n'ont point le mot : spécifiquement; il est remplacé dans l'un et dans l'autre par l'adverbe : déjà. En adoptant cette leçon, il faudrait traduire ainsi : c'est que dès lors on est parvenu à la totalité indivisible. J'ai préféré le premier sens, bien que le second soit tout aussi acceptable, sans avoir cependant pour lui ni Philopon, ni Eutraste.

§ 5. Mais pourtant il n'y a pas encore de syllogisme, réponse nouvelle d'Aristote et confirmation de ses précédentes objections : la méthode de division, tout en évitant les erreurs signalées, n'aboutit point cependant à une conclusion syllogistique. — Puisque par l'induction. Voir plus haut, § 1.

§ 6. Obtenues sans leur moyen terme, sans le moyen terme qui est propre à la chose et qui en est la cause. -- On peut toujours demander le pourquoi, précisément parce que le moyen n'est pas le moyen propre, et qu'il ne donne pas la cause. -- On peut le faire aussi dans les définitions par division, c'est-à-dire, on peut toujours demander pourquoi l'homme est mortel ou immortel ; et pourquoi on choisit le 'terme de mortel plutôt que celui d'immortel; et comme ce ne sont pas toujours des propositions immédiates que l'on fait ainsi, il y a besoin de les démontrer elles-mêmes par un moyen terme; or, la division. ne donne pas ce moyen terme ; et il reste, pour chacune de ses propositions, à chercher la cause. — N'est pas une définition, ainsi, ce que démontre la division, si toutefois elle démontre, n'est pas ce qu'elle cherche, c'est-à-dire une définition. -- Certainement pas un syllogisme, ou bien, selon d'autres éditions : la définition qu'elle donne ne se produit certainement pas par un syllogisme. La première leçon est celle de Philopon et d' Eustrate, et probablement aussi celle de l'anonyme. L'édition de Berlin l'adopte, ainsi que Sylburge. La seconde est donnée par Isingrinius et Pacius, et par un seul manuscrit de Paris, indiqué dans l'édition de Berlin.

 

CHAPITRE VI.

La démonstration de l'essence ne peut se faire ni par la définition même de la définition, ni par la définition du contraire de la chose dont on cherche l'essence.

1° En prenant la définition de la définition pour majeure, on fait toujours une pétition de principe dans la mineure.

2° Dans le syllogisme, on ne fait jamais la définition du syllogisme ; on ne doit pas faire davantage la définition de la définition dans la démonstration de l'essence; on doit toujours supposer, à part du syllogisme sa définition, et l'essence à part de la démonstration.

3° On ne peut pas davantage démontrer l'essence d'une chose en démontrant l'essence de son contraire, non plus que dans le syllogisme on n'attribue jamais une chose à elle-même.

4° Les attributs donnés par la méthode des contraires ne forment pas plus une unité que les attributs obtenus par la méthode de division.

 

§ 1. Mais peut-on démontrer autrement ce qu'est la chose dans son essence, en posant, par hypothèse, d'abord que la définition d'une chose est ce qui résulte en propre pour elle de ses attributs essentiels ; en second lieu, qu'il n'y a pas d'autres attributs que ceux qu'on indique pour la chose en question, et que leur totalité est uniquement propre à la chose; enfin, que c'est là véritablement l'essence de la chose ?

§ 2. Ou bien, n'a-t-on pas supposé encore ici l'essence même qu'on cherche, et n'est-elle pas le terme moyen par lequel seul on peut démontrer ?

§ 3. On peut ajouter que, de même que, dans le syllogisme, on ne pose pas la définition du syllogisme, car la proposition y est toujours tout ou partie, parmi les éléments dont on tire le syllogisme ; de même, il ne faut pas non plus que la définition de l'essence soit placée dans le syllogisme de l'essence, niais elle est nécessairement séparée des données qui le forment. Si l'on doute qu'une chose soit ou non conclue par syllogisme; il faut répondre qu'elle l'est, car le' syllogisme est régulier, suivant la définition même du syllogisme ; et si l'on doute que l'essence ait été conclue par syllogisme, il faut répondre que sans aucun doute c'est bien là une définition, car elle est bien ce que l'on avait donné comme définition. Ainsi donc, il y a nécessité, quand on conclut par syllogisme, de conclure, et sans la définition du syllogisme, et sans la définition de ce que c'est que l'essence.

§ 4. Même résultat, si l'on prétend démontrer par hypothèse que, par exemple, si l'essence du mal consiste à être . divisible, et que l'essence du contraire consiste, dans le contraire, pour les choses du moins qui ont des contraires, comme le bien est le contraire du mal et l'indivisible du divisible, il en résulte que l'essence du bien est d'être indivisible. Mais ici. même on ne démontre encore qu'en supposant l'essence de la chose, c'est-à-dire qu'on prend cette essence pour démontrer cette essence.

§ 5. Toutefois l'on peut, dire qu'ici il y a quelque différence de part et d'autre. Je l'accorde ; mais dans les démonstrations on admet bien que telle chose est attribuée à telle autre; on n'y admet jamais ni la chose même, ni une autre chose dont le rapport soit pareil et qui lui soit réciproque.

§ 6. L'objection faite contre la démonstration par la division, peut se répéter contre le syllogisme qui se forme par la méthode précédente. Pourquoi l'homme sera-t-il animal bipède terrestre, et non point animal et terrestre? Or, c'est qu'en effet il n'y a aucune nécessité, d'après les données, que l'attribut forme un tout, mais il peut en être comme lorsqu'on dit d'un seul et même homme qu'il est et musicien et grammairien.

§ 1. Peut-on démontrer autrement, autre méthode pour démontrer l'essence; elle consistera à comprendre dans le syllogisme de l'essence la définition même de la définition, et on formerait alors le syllogisme ainsi : Animal bipède terrestre sans plumes, etc., est l'énonciation de tous les attributs essentiels de l'homme, et la totalité de ces attributs n'appartient qu'à lui seul ; or l'énonciation formée de tous les attributs essentiels d'une chose, dont la totalité n'appartient qu'à cette seule chose, est la définition essentielle de cette chose : donc animal bipède terrestre sans plumes, etc., est la définition essentielle de l'homme. Ici encore on fait évidemment une pétition de principe dans la majeure : et cette démonstration de l'essence est aussi mauvaise ;que les précédentes. — Ce qu'est la chose dans son essence, la définition de l'essence. — En posant par hypothèse, parce que ce principe n'est pas lui-même prouvé. — D'abord, dans la majeure si l'on veut, de même qu'en renversant les termes qui sont réciproques, on pourrait mettre cette hypothèse dans la mineure, comme je l'ai fait dans la supposition ci-dessus. -- En second lieu, dans la mineure, ou si l'on veut aussi dans la majeure en renversant les rapports. Et enfin, dans la conclusion où l'on donne comme démontrée la définition de la chose.

§ 2. N'a-t-on pas supposé encore ici, n'a-t-on pas fait comme plus haut, ch.4, §, et ch. 5, § 12 — Et n'est-elle pas le terme moyen, comme on peut le voir dans les exemples du $ précédent. Premier argument contre cette prétendue démonstration de l'essence.

§ 3. On peut répondre, second argument. Dans le syllogisme ordinaire on ne donne pas la définition du syllogisme : de même, dans le syllogisme de la définition, il ne faut point donner la définition de la définition. — La proposition y est toujours tout ou partie, ainsi, en Barbara, le majeur est le tout dont le moyen est une partie, de même que le mineur : la majeure est, par conséquent, un tout dont la mineure n'est qu'une partie. — Elle est nécessairement séparée, elle est admise antérieurement à tout syllogisme. Ainsi dans les Premiers Analytiques, liv. I, ch. 1, § 8, le syllogisme est défini avant qu'on ne mette en forme aucun syllogisme, et cette définition ne reparaît jamais dans le syllogisme. — Si l'on doute qu'une chose..., si parce que le syllogisme ne présente pas la définition du syllogisme, on doute que la conclusion soit bonne, il faut répondre qu'elle l'est parce que le syllogisme est régulier, et conforme aux principes posés. -- Et si l'on doute que l'essence, de même pour la définition conclue par syllogisme ; si l'on doute que ce soit bien une définition qu'on a obtenue, il faut répondre que c'en est une, si elle est conforme à la définition même de la définition, bien que cette définition de la définition n'ait point été formulée dans le syllogisme qui a donné la définition cherchée. -- Quand on conclut par syllogisme, soit une conclusion ordinaire, soit une définition. — Et sans la définition de ce que c'est que l'essence, c'est-à-dire, sans la définition de la définition.

§ 4. Même résultat, si au lieu de donner directement la définition de la chose, on pose dans le syllogisme la définition de son contraire dont on tire plus tard la définition spéciale qu'on cherche. -- Et que l'essence du contraire consiste dans le contraire, la définition du contraire est le contraire de la définition de l'autre contraire. -- Qu'en supposant l'essence de la chose, les définitions des contraires tenant nécessairement l'une à l'autre et pouvant être obtenues l'une par l'autre.

§ 5. Quelque différence de part et d'autre, ainsi la définition du mal est dans les prémisses, tandis que c'est la définition du bien qui est dans la conclusion. - Mais dans les démonstrations, réponse à l'objection précédente : dans les démonstrations, on n'admet jamais pour moyen terme ni la chose qui est à démontrer, ni une autre chose aussi peu connue, et que le démontré puisse faire connaître tout aussi bien qu'elle le fait connaître lui-même. -- Dont le rapport soit pareil, qui soit aussi peu connue. — Et qui lui soit réciproque, ainsi la définition du mal donne celle du bien tout comme celle du bien pourrait donner celle du mal, parce que les contraires sont relatifs et réciproques.

§ 6. L'objection faite contre la méthode de division, voir plus haut, ch. précédent, § 6. -- Que l'attribut, ou pour mieux dire la définition. -- Qu'il est et musicien et grammairien, car l'homme peut être musicien ou grammairien séparément : il n'est l'un et l'autre à la fois que par accident.

 

CHAPITRE VII.

La définition même ne peut faire connaître l'essence.

1° Elle ne procède en effet ni comme le syllogisme, ni comme l'induction, seuls moyens de connaissance.

2° Elle devrait faire connaître à la fois, bien qu'elle ne puisse montrer qu'une seule chose, l'essence de la chose, et . l'existence de la chose.

3° C'est la démonstration et non point la définition qui fait connaître l'existence de la chose ; il n'y a pas de science qui démontre l'essence; toutes la posent ; la définition ne fait jamais connaître l'existence de la chose.

4° Il est absurde de soutenir que la définition ne fait qu'expliquer le mot qui représente la chose ; car alors la définition pourrait s'appliquer à ce qui n'est pas, et elle serait tout à fait arbitraire; les sciences ne font jamais de simples définitions de mots.

Donc il ne faut pas confondre la définition avec la démonstration ; mais ni l'une ni l'autre ne font connaître l'essence.

 

§ 1. Comment donc, par la définition, pourra-t-on faire connaître l'essence ou ce qu'est la chose ? Certes on ne pourra pas, comme lorsqu'on démontre en partant de principes dont la vérité est accordée, faire voir évidemment qu'il y a nécessité que telle chose étant, telle autre chose soit, procédé ordinaire de la démonstration. On ne pourra pas davantage montrer comme dans l'induction par les objets particuliers qui sont évidents, que le tout est de telle espèce, puisque aucune partie n'est d'une autre espèce; car l'on prouve ainsi, non pas [93a] ce qu'est la chose, mais seulement qu'elle est ou qu'elle n'est pas. Quelle méthode reste-t-il donc pour montrer l'essence ? Certes, ou ne la montrera pas par la sensation, on ne la montrera pas au doigt.

§ 2. Par exemple, comment démontrera-t-on ce qu'est l'homme? D'abord il y a nécessité, quand on sait ce qu'est l'homme ou tel autre être, de savoir aussi qu'il est;. car pour ce qui n'est pas, personne ne peut savoir ce qu'il est : ce que l'on sait alors, c'est tout au plus ce que signifie l'énonciation ou le nom de cette chose, comme lorsque je dis un bouc-cerf ; mais il est impossible de savoir, ce qu'est un bouc-cerf. Or, si l'on démontre à la fois ce qu'est la chose, et qu'elle est, comment démontrera-t-on cela par une seule et même énonciation? La définition, de même que la démonstration, n'apprend qu'une seule et unique chose; mais ce qu'est l'homme, par exemple, et que l'homme est, ce sont là deux choses toutes différentes.

§ 3. Nous disons encore que c'est nécessairement. par une démonstration qu'on doit démontrer que la chose est, quand cette chose n'est pas substance ; mais l'être n'est jamais l'essence de quoi que ce soit ; car l'être n'est jamais genre : donc, c'est la démonstration uniquement qui prouve que la chose est.

§ 4. C'est bien là aussi ce que les sciences se bornent à faire. Le géomètre admet préalablement la définition du triangle, et il démontre ensuite que le triangle est. Mais que démontrera donc le géomètre, quand il définira ce que c'est que le triangle? Serait-ce le triangle lui-même ? Mais il résulterait de là qu'on pourrait savoir par la définition ce que c'est que le triangle sans savoir qu'il est, ce qui est impossible.

§ 5. Il est évident que, d'après les méthodes actuelles de définition, on ne parvient même pas en les suivant à démontrer que la chose est. En effet, bien que l'égalité des lignes menées du centre à la circonférence soit vraie, on peut toujours demander pourquoi le définiexiste ?et pourquoi cette définition est-elle celle du cercle? car on pourrait tout aussi bien appliquer cette définition au bronze, par exemple . Ainsi donc, les définitions ne vont jamais jusqu'à démontrer, 'ni que la chose en question soit possible, ni que les choses qu'elles prétendent définir existent réellement ; on peut toujours demander : pourquoi cela est-il ?

§ 6. Si l'on reconnaît que la définition ne peut que montrer ou ce qu'est la chose ou ce que signifie le nom qui l'exprime ; et si, de fait, elle ne peut du tout montrer ce qu'est la chose, reste qu'elle ne soit qu'une expression de même signification que le nom de la chose ; mais cela est absurde.

§ 7. Car d'abord elle s'appliquerait, à ce qui n'est pas substance, c'est-à-dire, à ce qui n'est pas, puisqu'on peut nommer des choses qui ne sont pas.

§ 8. De plus, toutes les énonciations seraient dans ce cas des définitions ; car on pourrait toujours imposer à une énonciation quelconque tel nom que l'on voudrait : et il s'ensuivrait que nous ne ferions jamais que des définitions en parlant ; et que l'Iliade, par exemple, pourrait tout entière n'être qu'une définition.

§ 9. Enfin, j'ajoute qu'aucune science ne doit démontrer ce que les mots signifient; aussi n'est-ce pas là ce que les définitions font connaître.

§ 10. Donc, en résumé, il ne semble pas que la définition et le syllogisme soient du tout une même chose, ni que la définition et le syllogisme puissent du tout s'appliquer à une même chose; enfin, que la définition ne montre ni ne démontre rien, et qu'il n'est pas possible de connaître l'essence de la chose, ni par, définition, ni par démonstration.

§ 1. Confinent donc par la définition., la définition elle-même ne fait point connaître l'essence : car elle ne procède ni comme le syllogisme d'un principe à une conséquence, ni comme l'induction du particulier à l'universel : et le syllogisme et l'induction sont nos seuls moyens d'information. Enfin, la définition ne s'adresse point davantage à la sensibilité ; l'essence n'est comprise que par l'entendement, elle n'est point perçue par les sens. — Il y a nécessité que telles choses étant, voir la définition du syllogisme, Premiers Analytiques, liv. 1, ch. 1, § 8. -- Procédé ordinaire de la démonstration, et du syllogisme. — Comme dans l'induction, voir la théorie de l'Induction, Premiers Analytiques, liv. II, ch. 23. — Que le tout est de telle espèce, l'universel, le genre.... L'on prouve ainsi, soit par le syllogisme, soit par l'induction.Zabarella ne fait rapporter ces mots qu'à l'induction : je crois qu'il faut en étendre le sens jusqu'au syllogisme.

§ 2. Par exemple, comment démontrera-t-on, second argument : on ne peut savoir l'essence d'une chose sans auparavant en savoir l'existence : or la définition ne peut démontrer que la chose est : donc elle ne peut démontrer davantage ce qu'elle est. — Ce que signifie l'énonciation, c'est une définition nominale, quid nominis, et non point réelle, quid rei. -- Par une seule et même énonciation, ce qu'est la définition. — Qu'une seule et unique chose, la démonstration prouve que la chose est : la définition essaie de prouver ce qu'elle est : donc elle ne peut démontrer l'existence de la chose, et ce n'est pas d'ailleurs ce qu'elle cherche.

§ 3. Nous disons encore, autre argument pour prouver que la définition ne peut jamais démontrer l'existence : c'est toujours une démonstration, et la démonstration seule, qui prouve l'existence de la chose. — Quand cette chose n'est pas substance, c'est-à-dire, la démonstration prouve l'existence de l'attribut dans le sujet ; mais elle ne prouve pas l'existence même du sujet : elle l'admet, et c'est là son point de départ. -- Mais l'être n'est jamais l'essence, on ne peut pas confondre l'existence avec l'essence. .-- Car l'être n'est jamais genre, précisément parce qu'il est le genre suprême de tout. Lorsque l'être signifie l'existence, il n'est plus genre, mais simple accident des choses. — Qui prouve que la chose est telle chose, c'est-à-dire que le sujet a tel attribut.

§ 4. Que le triangle est doué de telles ou telles propriétés, et non pas seulement l'existence absolue du triangle, comme Averroés et Zabarella semblent l'entendre, en trouvant l'exemple d'Aristote peu exact, et qui le serait en effet s'il devait être compris ainsi. — Ce qui est impossible, voir plus haut, § 2.

§ 5. Les méthodes actuelles de définition, et particulièrement les définitions adoptées en géométrie. — En effet, bien que l'égalité des lignes, définition du cercle. — Pourquoi le défini existe, en effet, la définition, en tant que définition, ne donne jamais la cause même de la définition, sa propre cause, ni la cause de l'existence du défini; donc la définition ne prouve ni l'existence, ni l'essence de ce qu'elle prétend définir. -- Pourquoi cela est-il, soit pour l'essence, soit pour l'existence de la chose.

§ 6. Si l'on recensait que la définition ne peut être que réelle ou nominale, et si l'on a prouvé qu'elle n'est point réelle, il reste seulement à dire qu'elle est nominale; mais alors elle est vaine et ne fait point connaître l'essence. -- Mais cela est absurde, c'est une absurdité de croire que la simple définition nominale puisse faire connaître l'essence.

§ 7. Car d'abord, premier argument contre la définition nominale : la définition s'appliquerait alors à ce qui n'est pas tout aussi bien qu'à ce qui est : car on peut donner des noms à des choses qui ne sont pas, qui n'ont pas d'existence réelle.

§ 8. De plus, second argument: toutes les énonciations, quelque longues qu'elles fussent, toute expression dé la pensée, seraient une définition; et, par exemple, l'Iliade avec tous ses développements ne serait qu'une définition du mot même : Iliade, qui est le nom du poème.

§  9. Enfin, j'ajoute..., troisième argument : les sciences ne font point des définitions nominales : elles vont aux choses et ne s'arrêtent pas aux mots qui nomment les choses. -- Ce que les définitions font connaître, le sens des mots doit être supposé compris ; c'est une connaissance antérieure qu'on suppose ordinairement, et qui ne peut d'ailleurs être seule. Voir plus haut, liv. I, ch. 1, § 4.

§ 10. Donc en résumé, résumé du ch. 4, du ch. 6 et de celui-ci. -- Ne montre, ni ne démontre, ne montre comme le syllogisme, ni ne démontre comme la démonstration. -- Du reste, ce ne sont guère que des doutes qu'Aristote a exposés jusqu'ici : dans le chapitre suivant, il fera la part de l'erreur et celle de la vérité.
 

 

CHAPITRE VIII.

Théorie véritable de la démonstration de l'essence.

1° On peut démontrer une des définitions de la chose par une autre de ses définitions; mais ce n'est point une démonstration vraie de l'essence ; ce n'est qu'une démonstration dialectique et imparfaite.

2° Pour savoir ce qu'est une chose, il faut d'abord savoir qu'elle est ; mais on peut savoir qu'une chose est, de deux manières, soit par un des accidents de cette chose, soit par sa cause.

3° Quand on ne connaît l'existence de la chose que par un de ses accidents, on ne connaît point du tout son essence.

4° Ce n'est que quand on connaît l'existence de la chose par sa cause, qu'on possède la démonstration de son essence.

5° Quand on démontre l'existence de la chose par sa cause, le moyen terme est la définition même de la chose, et en fait par conséquent connaître l'essence.

Exemples divers; définitions des phases de la lune, du tonnerre, etc.

 

§ 1. Reprenons cette discussion pour examiner ce qu'elle offre de vrai, et ce qu'elle offre d'erroné, voir ce que c'est que la définition, et rechercher s'il y a quelque démonstration et définition possibles de l'essence, ou s'il ne peut pas du tout y en, avoir.

§ 2. D'abord, savoir l'essence d'une chose se confond, ainsi que nous l'avons dit, avec savoir la cause de l'existence de cette chose. La raison de ceci, c'est qu'il y a toujours quelque cause à cette chose, et cette cause est ou la chose même, ou une autre chose. Si c'en est une autre, cette cause est démontrable ou indémontrable. Si donc c'en est une autre, et qu'on puisse démontrer, il faut nécessairement que la cause soit le moyen terme, et que la démonstration ait lieu dans la première figure; car le démontré est universel et affirmatif. Ainsi donc, voilà déjà une manière d'arriver au but que nous cherchons : c'est de démontrer la définition d'une chose au moyen d'une autre définition. En effet, pour prouver des essences, il faut nécessairement que le moyen soit une essence, et une propriété pour prouver des propriétés ; de telle sorte que de deux définitions essentielles de la même chose, on démontrera l'une et on ne démontrera pas l'autre.

§ 3. Cette méthode, comme on l'a dit précédemment, n'est pas une démonstration, ce n'est que le syllogisme logique de l'essence.

§ 4. Maintenant, reprenant la question posée dès le principe, expliquons comment on peut arriver à la démonstration de l'essence.

§ 5. De même que, quand nous savons qu'une chose est, nous cherchons pourquoi elle est, et que parfois l'existence et la cause de la chose nous sont toutes deux connues en même temps, sans que du reste on puisse jamais savoir pourquoi une chose est avant de savoir qu'elle est ; de même, évidemment, l'essence de la chose ne peut jamais aller sans son existence; car il est impossible de savoir ce qu'est une chose, quand on ignore même si elle est.

§ 6. Tantôt ce n'est que par l'accident que nous savons l'existence de la chose, et tantôt c'est en connaissant une partie essentielle de cette même chose. Par exemple, nous savons du tonnerre qu'il est du bruit dans les nuages ;. de l'éclipse, qu'elle est une privation de lumière ; de l'homme, qu'il est un être animé ; et de l'âme, qu'elle est ce qui se meut soi-même.

§ 7. Ainsi donc, pour toutes les choses dont nous ne connaissons l'existence que par l'accident, il y a nécessité que nous en ignorions complètement l'essence, puisque nous n'en savons même pas précisément l'existence. Or, chercher ce qu'est une chose, quand on ignore qu'elle est, c'est ne rien chercher. Mais, pour les choses dont nous connaissons du moins une partie essentielle, la recherche est plus facile. Ainsi donc, autant nous savons de l'existence des choses, autant nous en savons l'essence.

§ 8. Occupons-nous donc des choses à l'égard desquelles nous savons une partie de l'essence ; et supposons ce premier exemple : L'éclipse représentée par A ; la lune par C; l'interposition de la terre par B. Ici donc, chercher si la lune s'éclipse, ou si elle ne s'éclipse pas, c'est chercher si B existe ou n'existe pas; ce qui revient précisément à chercher si la cause de l'éclipse B existe; et quand cette cause existé, nous disons que l'éclipse existe aussi. Ou bien encore, nous recherchons à laquelle des deux parties d'une contradiction la cause peut s'appliquer ; par exemple, valoir ou ne valoir pas deux angles droits.

§ 9. Une fois que nous avons trouvé la cause cherchée, nous savons à la fois et que la chose est, et pour  quoi elle est, si la démonstration a lieu par des moyens termes.

§ 10. Autrement, nous savons bien que la chose est, mais nous ne savons pas pourquoi elle est. Soit la lune C, l'éclipse A, et B, cette proposition qu'il ne peut y avoir aucune ombre à l'époque de la pleine lune, s'il n'y a rien d'interposé entre la lune et nous. Si donc B est à C, B signifiant qu'il ne peut y avoir aucune ombre à l'époque de la pleine lune, quand il n'y a rien d'interposé entre la lune et nous; et si A, s'éclipser, est à C, il est évident que la lune s'éclipse ; mais on ne sait pas encore pourquoi elle s'éclipse ; nous savons bien que l'éclipse est ; mais nous ne savons pas ce qu'elle est.

§ 11. Quand une fois il est évident que A est à C, chercher pourquoi il y est, c'est chercher ce qu'est B, c'est-à-dire, s'il est l'interposition de la terre, ou le mouvement de la lune sur elle-même, ou l'extinction de la lumière; or c'est. là précisément la définition de l'autre extrême. Et dans les démonstrations de ce genre, c'est, d'une part, la définition de A; car l'éclipse n'est que l'interposition de la terre. D'autre part, qu'est-ce que le tonnerre? c'est l'extinction du feu dans les nuages. Pourquoi tonne-t-il ? parce que le feu s'éteint dans les nuages. Nuages C, tonnerre A, extinction du feu B ; B est à C le nuage ; car c'est dans le nuage que s'éteint le feu. Mais A, c'est-à-dire le bruit, est à B, et B est la définition de A qui est le premier extrême.

§ 12. Que s'il faut encore un autre terme moyen pour prouver B, la définition de A sera toujours le résultat des définitions antérieures.

§ 13. On a donc exposé comment on atteint l'essence, et nomment l'on parvient à la connaître. A proprement parler, il n'y a ni démonstration ni syllogisme de l'essence ; et pourtant c'est par le syllogisme et par la démonstration que l'essence devient évidente. De sorte qu'à la fois on ne peut sans démonstration connaître l'essence d'une chose, dont une autre est cause, et qu'il n'y a pas non plus de démonstration de l'essence, ainsi que nous l'avons dit dans nos doutes préliminaires.
 

§ 1. Ce qu'elle offre de vrai, ce qu'elle offre d'erroné, ainsi, tout ce qui précède ne représente pas la théorie proprement dite : ce n'est qu'une discussion préliminaire. Voir plus haut, ch. 3, § 1.

§ 2. Ainsi que nous l'avons dit. Voir plus haut, ch. 2, § 5. — La cause de l'existence de cette chose, Pacius et l'édition de Berlin donnent une autre leçon : la cause de l'essence. Cette variante, prise de l'édition d'Isingrinius, est vicieuse, et ne s'accorde pas avec la théorie qu'Aristote rappelle ici. Zabarella ne s'y est pas trompé. — Et cette chose est ou la chose même, quand il s'agit d'une substance, ou une autre chose, quand il s'agit d'un accident. En effet, la substance a en elle-même la cause de sa propre essence ; l'accident, au contraire, a pour cause de son essence une chose autre que lui. -- Démontrable ou indémontrable, démontrable, s'il s'agit d'un attribut non essentiel ; indémontrable, si c'est un attribut essentiel et immédiat. -- Que la cause soit le moyen terme, comme il a été prouvé plus haut, ch. 2. -- Car le démontré est universel et affirmatif, puisque la définition est universelle et affirmative, relativement à son sujet. -- Au moyen d'une autre définition, de cette même chose, les deux définitions n'étant alors que partielles l'une et l'autre. — Que le moyen soit une essence et une propriété, parce que le moyen doit toujours être du même genre que les extrêmes, comme on l'a prouvé, liv. I, ch. 7. Voir aussi plus haut, dans ce livre,. ch. 4, § 1.

§ 3. Comme on l'a dit précédemment. Voir plus haut, dans ce livre, ch. 4. — Le syllogisme logique, ou dialectique, c'est-à-dire apparent, mais non réel. Il y a pétition de principe dans la mineure. Voir plus haut, ch. 4, § 1.

§ 4. Posée dès le principe. Voir plus haut,. ch. 3, § 1.

§ 5. Quand nous savons qu'une chose est. Voir plus haut, la distinction des quatre questions, ch. 1, § 1 et suiv. — Jamais aller sans son existence, Pacius a remarqué qu'Aristote se sert ici du même mot qu'il vient d'employer pour exprimer l'existence de l'attribut, et qu'il confond ainsi la troisième question avec la première. Pacius a raison, et, pour rendre ce passage plus clair, en voici la paraphrase, qui fera mieux ressortir le sens : De même que, quand nous savons qu'une chose a tel attribut, nous cherchons pourquoi elle a cet attribut, et que parfois l'existence et la cause de l'attribut nous sont toutes deux connues en même temps, sans que, du reste, on puisse jamais savoir la cause de l'attribut avant de savoir qu'il existe; de même, évidemment, etc.

§ 6. Ce n'est que par l'accident, c'est-à-dire sans la cause. — Une partie essentielle, c'est-à-dire avec la cause. — Par exemple, tous ces exemples se rapportent à la connaissance de la chose, sans la cause qui la fait être ce qu'elle est -- Qu'il est d bruit dans les nuages, sans savoir pourquoi ce bruit a lieu. — Qu'elle est une privation de lumière, sans savoir pourquoi la lune est ainsi privée de la lumière du soleil. — De l'homme, les deux exemples suivants sont relatifs à des substances, de même que les deux premiers s'appliquaient à des accidents de substances. — Qu'il est un être animé, sans savoir ce qu'est cet être animé, raisonnable ou non, etc. --- Qu'elle est ce qui se meut soi-même, sans savoir ce qu'est ce qui se meut soi-même.

§ 7. Que par l'accident, sans la cause. — Même pas précisément l'existence, puisque nous ne la savons pas par la cause. — C'est ne rien chercher. Voir plus haut, § 5. -- Du moins une partie essentielle, c'est-à-dire la cause. — La recherche, de l'essence. Autant nous savons de l'existence, quand nous savons la cause de la chose, nous sommes beaucoup plus près d'en savoir l'essence, que lorsque nous savons seulement l'existence de la chose sans en connaître la cause.

§ 8. Une partie de l'essence, c'est-à-dire la cause. — Si la lune s'éclipse, c'est-à-dire le grand extrême..-- Si B existe ou n'existe pas, si la cause du grand extrême existe ou non. — Nous disons que l'éclipse existe aussi, ainsi, on conclut l'existence de l'effet ou attribut, de l'existence de la cause ou moyen terme. — A laquelle des deux parties d'une contradiction, le triangle a-t-il ou n'a-t-il pas ses angles égaux à deux droits? Nous cherchons s'il les a ; et dès que nous avons trouvé qu'il les a, c'est que nous avons trouvé aussi la cause qui fait qu'il les a.

§ 9. Par des moyens termes, c'est-à-dire par des causes vraies.

§ 10. Autrement, si le moyen dont on se sert n'est pas la cause vraie, si ce n'est qu'un accident, un effet, on ne sait pas pourquoi la chose est, on sait seulement qu'elle est. — Si donc B est à C, voici le syllogisme : Quand la lumière de la lune ne porte point d'ombres, à l'époque de la pleine lune, c'est qu'il y a éclipse ; or la lumière de la lune ne porte point d'ombres à l'époque de la pleine lune; donc la lune est éclipsée. Ne point porter d'ombres n'est qu'un effet de l'éclipse; ce n'en est pas la cause : on sait bien que l'éclipse a lieu; mais on ne sait pas pourquoi elle a lieu. -- Nous ne savons pas ce qu'elle est, parce que nous ne le savons pas par sa cause. L'éclipse ne consiste point à ce que les corps ne portent point d'ombres; elle consiste dans l'interposition de la terre entre la lune et le soleil, qui en est la cause propre.

§ 11 Ce qu'est B, le moyen ou la cause. est l'interposition, de la terre : il parait, d'après ce passage, qu'il y avait au temps d'Aristote trois explications des phases de la lune : 1° C'est l'interposition de la terre qui ôte à la lune sa lumière; 2° C'est la lune qui, tournant sur elle-même, présente tantôt sa face lumineuse, tantôt sa face obscure ; 3° Les vapeurs élevées de la terre éteignent la lumière de la lune. — C'est là précisément la définition de l'autre extrême, le moyen est la définition du majeur. — Dans les. démonstrations de ce genre, où le moyen est la véritable cause. — Car l'éclipse n'est que l'interposition de la terre. Voir le syllogisme, comme on aurait pu l'établir aussi au § 8. Le corps auquel la terre vient s'interposer est éclipsé; or la lune est un corps auquel la terre vient actuellement s'interposer ; donc la lune est éclipsée. -  Qu'est-ce que le tonnerre, même syllogisme : L'extinction du feu cause le tonnerre ; or c'est dans les nuages que le feu s'éteint ; donc c'est dans les nuages qu'est le tonnerre. -- B est la définition de A, l'extinction du feu est la définition du tonnerre. — Qui est le premier extrême, le majeur.

§ 12. Pour prouver B, si le moyen lui-même n'était pas immédiat, il faudrait encore une autre démonstration pour prouver la mineure ; ainsi, on pourrait chercher, d'une part; la cause de l'interposition de la terre ; et de l'autre, la cause de l'extinction du feu. -- Sera toujours le résultat des définitions antérieures, j'ai précisé le sens un peu plus que ne le fait le texte, d'après Alexandre d'Aphrodise, cité par Eustrate, et suivi par Zabarella. Peu importe donc que le moyen qui est la définition du majeur ait besoin lui-même d'être défini : cette seconde définition et toutes les autres, qu'on pourrait faire en remontant de moyens en moyens, aboutiraient à la dernière, qui est celle du majeur, la seule dont on ait à s'occuper ici.

§ 13. On a donc exposé, conclusion de tout ce qui précède. — Ni démonstration, ni syllogisme, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de syllogisme démonstratif. -- L'essence devient évidente, le syllogisme démonstratif ne conclut pas l'essence; mais il conclut la cause sans laquelle l'essence ne serait pas connue. — Dont une autre est cause, c'est-à-dire dont la cause peut être démontrée. — Ainsi que nous l'avons dit. Voir plus haut dans ce livre, ch. 3, § 1.

 

CHAPITRE IX.

Distinction entre l'essence qui se démontre et celle qui ne peut pas se démontrer. Il faut distinguer entre les choses celles qui n'ont de causes qu'elles-mêmes, ce sont les substances; et celles qui ont une cause étrangère à elles, ce sont les accidents ; l'essence des premières, des substances, ne peut pas se démontrer ; on ne démontre que l'essence des secondes, des accidents.

 

§ 1. Parmi les choses, les unes ont une cause étrangère à elles-mêmes, et les autres n'ont point une cause de ce genre.

§ 2. De là il résulte évidemment que, parmi les essences aussi, les unes sont immédiates et sont des principes; et pour celles-là on doit admettre par hypothèse et qu'elles sont, et ce qu'elles sont, ou bien les faire connaître de toute autre façon que la démonstration, comme fait, par exemple, l'arithméticien, qui suppose à la fois, et ce qu'est l'unité, et que l'unité est.

§ 3. Mais quant aux choses qui ont un moyen terme et dont une autre est la cause essentielle, on peut les prouver, comme nous l'avons dit, par démonstration, sans cependant démontrer l'essence.

§ 1. Une cause étrangère â elles-mêmes, ce sont les accidents. — N'ont point une cause de ce genre, ce sont les substances. Cette différence dans les choses doit se retrouver aussi dans lés définitions des choses; et comme la démonstration, qui donne quelquefois la définition, exige que le moyen terme soit la cause, il s'ensuit que, là où il n'y a pas de cause ni de démonstration, la définition doit être obtenue par un autre procédé.

§ 2. Les unes sont immédiates, ce sont celles des substances. — Par hypothèse, il faut poser l'essence sans la démontrer. — De toute autre façon que la démonstration, puisqu'il n'y a pas de cause par laquelle on pourrait démontrer. — Et ce qu'est l'unité, l'essence de l'unité, la définition. -- Et que l'unité est, l'existence de l'unité, sans la démontrer davantage.

§ 3. Mais quant aux choses qui ont un moyen terme, les accidents. -- Comme nous l'avons dit, dans le chapitre précédent. -- Sans cependant en démontrer l'essence, l'essence n'est pas conclue par la démonstration de la cause; mais on peut de celte démonstration tirer la définition, comme il sera dit au chapitre suivant, § 4.

 

 

CHAPITRE X.

Des diverses espèces de la définition. 1° Définition de mot, 2° définition de chose. — La définition de mot n'indique pas la cause de la chose, et voilà pourquoi elle ne démontre pas. -- La définition de chose n'est au fond qu'une démonstration où les termes sont seulement disposés d'une autre manière. — La définition des choses qui né peuvent se prouver par un moyen terme, n'est que la thèse indémontrable de l'essence.

Il y a donc trois espèces de définitions : la définition de mot qui est la conclusion même du syllogisme de l'essence ; la définition de chose qui est le syllogisme entier sous une autre forme : la définition indémontrable qui est le principe même de la démonstration.

Résumé général de la théorie de la démonstration et de la définition de l'essence.

 

§ 1. Puis donc que la définition est regardée comme l'explication de l'essence, il est évident qu'il y aura une explication de ce que signifie le nom de la chose, ou telle explication de mot différente; par exemple, ce sera l'explication de ce que signifie triangle, de ce qu'est la chose en tant que triangle. Une fois que nous savons que le triangle est, nous cherchons pourquoi il est. Or, il est difficile de recevoir ainsi l'explication de choses dont nous ne savons même pas l'existence, et nous avons dit plus haut quelle était la cause de cette difficulté : c'est que nous ne savons de ces choses qu'elles sont où ne sont pas, que par accident.

§ 2. Une énonciation peut être une de deux manières : d'abord par la liaison des éléments qui la composent, comme l'Iliade ; puis ensuite, parce qu'elle énonce une seule chose d'une seule autre chose, autrement que par accident.

§ 3. Voilà donc une première définition de la définition, et c'est celle que nous venons de dire. Mais il y en a encore une autre, et c'est l'énonciation qui indique la cause de la chose.

§ 4. Ainsi, la première [94b] indique bien ce qu'est la chose, mais elle ne le démontre pas. L'autre, au contraire, sera comme une démonstration de l'essence, et ne différera de la démonstration ordinaire que par la position des termes. En effet, il y a une différence à dire pourquoi il tonne, à dire ce qu'est le tonnerre. D'une part, on dit qu'il tonne parce que le feu s'éteint dans les nuages ; et d'autre part, qu'est-ce que le tonnerre? c'est le bruit du feu qui s'éteint dans les nuages. On voit donc que c'est la même énonciation qui se présente sous une forme différente. D'un côté, c'est une démonstration continue ; de l'autre, c'est une définition.

§ 5. De plus, le bruit dans les nuages, voilà la définition du tonnerre ; et c'est en même temps la conclusion de la démonstration qui prouve l'essence de la chose.

§ 6. Quant à la définition des termes immédiats. c'est la thèse indémontrable de l'essence.

§ 7. Ainsi donc, la définition peut se distinguer en trois espèces : l'une est l'énonciation indémontrable de ce qu'est la chose ; l'autre est le syllogisme de ce qu'est la chose, ne différant de la démonstration que par l'arrangement des termes ; et la troisième est la conclusion de la démonstration qui prouve ce qu'est la chose.

§ 8. Tout ce qui précède fait donc voir évidemment, comment il y a et comment il n'y a pas démonstration de l'essence. On voit à quelles choses elle peut s'appliquer et à quelles choses elle ne s'applique pas. On sait de plus, en combien de sens divers on peut entendre la définition ; comment elle démontre, et comment elle ne démontre pas l'essence; pour quelles choses elle la démontre, et pour quelles choses elle ne la démontre point. On voit enfin quel est son rapport à la démonstration, et comment elle peut et ne peut pas s'appliquer au même objet qu'elle.

§ 1. Est regardée comme l'explication de l'essence, c'est qu'elle ne l'est pas réellement quand elle se borne à expliquer le sens du mot, et non l'essence de la chose. -- Ou telle explication de mot différente, c'est-à-dire différente de l'explication que donne le sens du mot; et, par exemple, une explication tirée de l'étymologie du mot : le triangle est une figure qui a trois angles. Nous avons dit plus haut, Voir plus haut, ch. 8, § 7.

§ 9. Une énonciation..., Zabarelia renvoie ce § à la fin du § 4 .- Comme l'Iliade, ajoutez d'Homère; car autrement il n'y a point de liaison entre les éléments de l'énonciation, puisqu'il n'y a qu'un seul mot. Philopon entend la liaison de toutes les parties dont se compose l'Iliade entière ; mais alors on ne peut pas dire en ce sens que l'Iliade soit une énonciation. Zabarella suit l'explication de Philopon. — Une seule chose d'une seule autre chose, elle énonce la définition du défini. -- Autrement que par accident, essentiellement.

§ 3. Celle que nous venons de dire, la définition nominale. -- Une autre, la définition de chose, la définition réelle ou obtenue au moyen de la cause.

§ 4. Ce qu'est la chose, par l'explication du mot qui la désigne. — Elle ne le démontre pas, parce qu'elle n'exprime pas la cause. — Que par la position des termes, dans la démonstration, les termes seront placés comme ils doivent l'être dans tout syllogisme, et formeront deux prémisses et une conclusion; dans la définition, ils formeront une unité indivisible. — Une démonstration continue, c'est-à-dire dont toutes les parties s'enchaînent et se réunissent dans un terme commun, qui est le moyen, d'après la définition même du continu donnée dans les Catégories, ch. 6, § 5.

§ 5. Voilà la définition du tonnerre, voir plus haut, ch. 8, § 11.

§ 6. La définition des termes immédiats, c'est-à-dire, qui n'ont pas de moyens par lesquels on puisse les démontrer.

§ 7. Ainsi donc, résumé des trois §§ qui précèdent. — L'une est l'énonciation, § 6. — L'autre est le syllogisme, § 4. — Et la troisième, § 5. — Il y a donc, en résumé, trois espèces de définitions : l'une relative au sujet qu'on pose et qu'on définit, sans que la définition qu'on en donne puisse être démontrée, ni rapportée à la démonstration; la seconde, relative à l'attribut, le fait connaître par sa cause, et elle contient alors tous les éléments, disposés seulement d'autre façon, d'une véritable démonstration ; la troisième, enfin, relative aussi à l'attribut, ne donne que la conclusion du syllogisme de la cause, et c'est alors une simple définition nominale. Tel est, je crois, le véritable sens de ce passage. Zabarella veut trouver ici quatre espèces et non trois ; en en divisant une, il est vrai, en deux. Pacius prétend qu'il ne s'agit plus ici de définition nominale.

§ 8. Tout ce qui précède, résumé de toutes les discussions antérieures, depuis le ch. 3, § 1 sur la définition et la démonstration.

 

SECTION DEUXIÈME.

DES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE CAUSES

EMPLOYÉES

COMME MOYENS TERMES DANS LA DÉMONSTRATION.

CHAPITRE XI.

Toutes les espèces de causes peuvent servir à la démonstration ; la cause essentielle, la cause matérielle, la cause motrice, et la cause finale.

1° Exemple de la cause matérielle : dans la forme même du syllogisme; dans la démonstration de la valeur de l'angle inscrit à la demi-circonférence.

2° La cause essentielle se confond avec la cause matérielle.

3° Exemple de la cause motrice ; motif de la guerre médique.

4° Exemple de la cause finale; la promenade après dlner. — Comparaison de la cause motrice et de la cause finale ; différence de l'une et de l'autre dans l'ordre des termes. — Comparaison de la cause matérielle et de la cause finale.

Un même effet peut être prouvé par deux causes différentes; l'une matérielle, l'autre finale. — Un même effet peut être à la fois, nécessaire, et relatif à une cause finale.

Effets naturels, tantôt nécessaires, tantôt en vue d'une cause finale.

Effets volontaires et dépendant de l'intelligence ; intervention du hasard.

Tout effet dont le but est bon est produit en vue d'une cause finale.

 

§ 1. Nous ne pensons savoir une chose que quand nous en connaissons la cause; or il y a quatre causes: la première, qui se rapporte à l'essence de la chose ; la seconde, qui fait que, du moment que certaines circonstances existent, il faut nécessairement que la chose soit ; la troisième, qui est pour la chose le principe du mouvement; et la quatrième enfin, qui est le but, en vue duquel la chose a lieu.

Toutes ces causes, sans exception., servent à démontrer comme moyens termes.

En effet, pour démontrer que, cela étant, il en résulte nécessairement que ceci est,, une seule proposition ne suffit pas, il en faut au moins deux ; et pour que la démonstration soit possible, il faut que ces deux propositions aient un seul et même moyen ; et il suffit qu'il y ait ce moyen terme unique pour que la conclusion devienne nécessaire.

§ 2. Ceci peut encore se prouver de la manière suivante : soit à savoir pourquoi l'angle inscrit dans la demi-circonférence est un angle droit ; ou bien, qu'est-ce qui doit être pour que cet angle soit droit ? Représentons droit par A ; la moitié de deux angles droits par B, et l'angle qui est dans la demi-circonférence par C. B est la. cause qui fait que A, droit, est à C, qui est l'angle inscrit,dans la demi-circonférence. En effet, cet angle est égal à A ; mais C est égal à B, puisque C est la moitié de deux angles droits. Donc B étant, c'est-à-dire la moitié de deux angles droits étant, A est à c et c'est précisément ce qu'on supposait, à savoir que l'angle inscrit dans un demi-cercle était un angle droit.

§ 3. Or, ceci se confond avec l'essence, parce que l'essence est exprimée par la définition ; et c'est encore le moyen terme qui est la cause de l'essence, ainsi qu'on l'a démontré.

§ 4. Pourquoi la guerre médique a-t-elle été faite aux Athéniens? Quelle a été la cause de la guerre contre les Athéniens? C'est qu'ils avaient attaqué la ville de Sardes de concert avec les Érétriens ; car c'est là le premier motif de la guerre. Représentons la guerre par A ; avoir attaqué les premiers par B ; les Athéniens par C.. Ainsi B est à C, c'est-à-dire qu'avoir attaqué les premiers est attribué aux Athéniens. De plus, A est à B, c'est-à-dire que la guerre est faite à ceux qui, les premiers, ont été d'injustes agresseurs. Ainsi A est à B, c'est-à-dire qu'on fait la guerre à ceux qui ont commencé l'attique. Mais B est à. C, C étant les Athéniens, car ce .sont eux qui ont commencé l'agression ; donc ici aussi la cause, qui a mis d'abord tout le reste en mouvement, est le terme moyen.

§ 5. Il en est de même des cas où c'est la cause finale dont il s'agit. Ainsi ; pourquoi se promène-t-on ? Afin de de se bien porter. Pourquoi y a-t-il une maison? our conserver les meubles. D'une part, se bien porter est la cause finale ; de l'autre part, c'est conserver les meubles. Pourquoi faut-il se promener après-dîner ? Ou bien, en vue de quelle fin faut-il se promener ? Ce sont là des interrogations qui n'offrent aucune différence.

§ 6. Promenade après-dîner C ; les aliments ne pas flotter à l'entrée de l'estomac B ; se bien porter A. Attribuons donc à la promenade après dîner de faire que les aliments ne flottent pas à l'entrée de l'estomac, et que ce soit là ce qui est bon à la santé. Car B, c'est-à-dire les aliments ne pas flotter, semble être à c se promener ; et A, c'est-à-dire ce qui est sain, est à C. Quelle est donc la cause qui fait que A soit à c, A étant la cause finale où il tend? C'est B, c'est-à-dire les aliments ne pas flotter. Mais B est en quelque sorte la définition de A ; car c'est ainsi que A pourrait être expliqué. Mais Pourquoi B est-il à C? Parce que c'est se bien porter que d'être dans cet état. Ainsi, il faut intervertir les propositions ; et alors tout devient beaucoup plus clair.

§ 7. Mais le développement des choses se fait, pour les causes finales, à l'inverse de la manière dont il se fait pour les causes de mouvement. Dans ces dernières causes, en effet, il faut que le moyen se produise le premier; dans les causes finales au contraire, c'est C, c'est-à-dire l'extrême, qui se produit le premier ; et le dernier de tous est la cause finale.

§ 8. Or, il se peut faire qu'une chose soit à la fois produite en vue de quelque cause finale, et qu'elle soit nécessaire. Par exemple, pourquoi la lumière traverse-t-elle le verre de la lanterne? C'est d'abord que nécessairement, ce qui a les parties plus ténues passe au travers de ce qui a les pores plus grands, si toutefois il est vrai que la lumière se produit au dehors. parce qu'elle traverse les pores du verre. Et ensuite, la lumière se produit au dehors pour quelque but final, qui est que nous ne nous heurtions pas dans l'obscurité. Ainsi donc, il est possible qu'une chose qui est nécessaire tende aussi vers une cause finale. Par exemple, s'il tonne quand le feu s'éteint dans les nuages, c'est une chose nécessaire qu'il y ait sifflement et bruit; mais il se peut aussi, comme le prétendent les Pythagoriciens, que le tonnerre ne soit qu'une menace aux méchants qui sont dans le Tartare, afin de leur inspirer une terreur salutaire.

§ 9. Ces exemples sont du reste fort nombreux, et surtout dans les choses dont la constitution et la formation sont toutes naturelles ; car la nature agit tantôt pour quelque cause finale, et tantôt nécessairement.

§ 10. Or, la nécessité est de deux sortes, l'une est conforme à la nature et à la direction naturelle, l'autre est violente et contraire à cette direction; par exemple, c'est bien par nécessité que la pierre est portée soit en haut, soit en bas ; mais ce n'est pas du tout une nécessité du même genre.

§ 11. Quant aux choses qui dépendent .de l'intelligence, les unes ne se produisent jamais, ni spontanément, comme une maison, une statue, ni par nécessité; mais elles sont toujours faites en vue de quelque but; les autres relèvent aussi du hasard, comme la santé et la vie.

§ 12. Mais c'est surtout dans celles qui peuvent être à la fois de telle façon, et aussi de telle autre, que quand la production ne dépend pas du hasard, celles dont le but est bon, sont toujours faites en vue de quelque cause finale, que ce soit ou la nature ou l'art qui les produise. Mais rien de ce que produit le hasard n'a lieu en vue de quelque but déterminé.

§ 1. Nous ne pensons savoir, Aristote reprend, à partir de ce chapitre, et dans les suivants, quelques-uns des principes qu'il a indiqués antérieurement, et qu'il veut .développer davantage. Dans celui-ci, il explique les sens divers attachés au mot de cause. C'est une théorie toute pareille à celle de la Métaphysique, liv. IV, ch. 2, pag. 1013, a, édit. de Berlin. Ce passage de la Métaphysique et cette même théorie se trouvent reproduits dans la Physique, liv. II, ch. 3, p. 194, b. et suiv. — Voir en outre, pour le début même de ce §, plus haut, dans les Dern. Analyt., liv. 1, ch. 2, § 1. — La première qui se rapporte à l'essence de la chose, c'est la cause formelle. — Du moment que certaines circonstances existent, la cause matérielle : pour que l'effet existe, il faut que la matière dans laquelle il doit être existe avant lui : c'est la cause sine qui non, comme dit la scholastique. -- Le principe du mouvement, la cause motrice. — Le but en vue duquel la chose a lieu, la cause finale. -- Servent à démontrer comme moyens termes, j'ai précisé ici le sens plus que ne le fait le texte : il dit seulement, et d'une manière peu exacte : toutes ces causes sont démontrées par un moyen terme. Voir plus haut le ch. 2, où Aristote a prouvé que toute recherche était. relative au terme moyen. — Que cela étant, première démonstration pour la cause matérielle : l'exemple est pris de la forme même du syllogisme, ou de la démonstration dans laquelle le moyen terme est la matière de la conclusion ; car la conclusion est du moment que le moyen terme existe lui-même.

§ 2. Ceci, c'est-à-dire l'emploi de la cause matérielle comme terme moyen. — Peut encore se prouver, Zabarella remarque avec raison que ce second exemple de la cause matérielle est mieux choisi que le premier. — Pourquoi l'angle inscrit, question de la cause matérielle.— Ou bien, qu'est-ce qui doit être, c'est la formule même qui vient d'être employée dans le § précédent pour exprimer la cause matérielle. — B est la cause qui fait, voici tout le syllogisme : La moitié de deux angles droits est un angle droit ; or l'angle inscrit dans la demi-circonférence est la moitié de deux angles droits; donc l'angle inscrit dans la demi-circonférence est un angle droit. — En effet, cet angle est égal â A, majeure. -- Mais C est égal à B, mineure. — Pour faire cette démonstration géométrique, il suffit de remarquer que l'un des côtés de l'angle, prolongé en dehors de la demi-circonférence, fait avec l'autre côté deux angles droits, dont un est compris dans la demi-circonférence. Les deux côtés sont perpendiculaires l'un à l'autre.

§ 3. Or ceci, c'est-à-dire le moyen terme est la définition même du grand extrême. — Qui est la cause matérielle. -- Ainsi qu'on l'a démontré. Voir plus haut, ch. 8, § 2.

§ 4. Exemple de la cause motrice ou efficiente, le moyen étant toujours la cause du majeur. -- Représentons la guerre par A, voici tout. le syllogisme : Ceux qui les premiers sont d'injustes agresseurs ont la guerre ; or les Athéniens les premiers ont été d'injustes agresseurs ; donc les Athéniens ont eu la guerre médique. -- Ainsi, B est à, mineure. -- A est à B, majeure. -- La cause qui a mis tout le reste en mouvement, la cause motrice : l'injuste agression contre Sardes.

§ 5. Exemple de la cause finale. --- Pourquoi faut-il se promener, position de la question. — Ou bien en vue de quelle fin, ce sont les termes mêmes dont il s'est servi plus haut, § 1.

§ 6. Promenade après dîner C, Aristote mêle ici la cause finale et la cause efficiente, et prouve qu'elles peuvent tour à tour être prises pour définition l'une de l'autre. 1° Quand les aliments ne flottent pas à l'entrée de l'estomac, c'est une chose saine ; or la promenade après dîner fait que les aliments ne flottent pas; donc la promenade après dîner est une chose saine. Ici c'est la promenade qui .fait que .les aliments ne flottent pas; et c'est afin qu'ils ne flottent pas qu'on se promène après dîner. -- Attribuons donc à la promenade, mineure du syllogisme. -- Et que ce soit là ce qui est bon à la santé, majeure du syllogisme. — Car B, c'est-à-dire les aliments..., mineure du syllogisme exprimé plus explicitement. — Et A, c'est-à-dire ce qui est sain, conclusion du syllogisme. — Mais B est en quelque sorte la définition de A, on peut en effet définir la santé l'état dans lequel les aliments ne flottent pas à l'entrée de l'estomac. — Mais pourquoi B est-il à C. 2° Second syllogisme : Ce qui est sain fait que les aliments ne flottent pas à l'entrée de l'estomac; or la promenade après dîner est saine ; donc la promenade après dîner fait que les aliments ne flottent pas à l'entrée de l'estomac. Ainsi, la cause finale prouve la cause efficiente, comme tout à l'heure la cause efficiente prouvait la cause finale. --- Il faut intervertir les propositions, ainsi ; dans le second syllogisme, on a pris pour majeur le terme qui était moyen dans le premier.

§ 7. Mais le développement des choses, c'est-à-dire la cause est antérieure à l'effet : la cause finale est postérieure au moyen par lequel on l'atteint. Dans le temps, vient d'abord la promenade après dîner ; puis la promenade cause cet effet que les aliments ne flottent pas à l'entrée de l'estomac ; puis, enfin, cet effet produit lui-même la santé, qui est la cause finale et le dernier effet. — Il faut que le moyen se produise le premier, c'est-à-dire que la promenade est le premier fait en date. — C'est C, c'est-à-dire l'extrême mineur qui est le premier; le majeur est le second, et le moyen ou cause finale le dernier.

§ 8. Et qu'elle soit nécessaire, c'est-à-dire : il se peut faire qu'un même effet soit produit en vue d'une cause finale, et par une cause efficiente ou matérielle. -  Ainsi donc il est possible..., j'ai précisé le sens un peu plus que ne le fait le texte. Aristote dit seulement : Ainsi donc s'il est possible qu'une chose soit, il est possible aussi que cette même chose devienne. — C'est une chose nécessaire, résultat de la cause efficiente, matérielle. — Mais il se peut aussi, que cet effet nécessaire de la matière soit produit en vue de quelque cause finale, de quelque but auquel il tend.

§ 9. Ces exemples, ces effets produits à la fois et nécessairement, et en vue de quelque cause finale.

§ 10. Ce § semble un hors-d'oeuvre, et pourrait être une interpolation ; rien d'ailleurs n'autorise cette conjecture, que l'inutilité même de cette réflexion, qui est juste et profonde, bien que déplacée ici.

§ 11. Ni par nécessité, parce que la volonté de l'homme est libre.

§ 12. En vue de quelque but déterminé, parce que la cause finale et le hasard sont choses contradictoires.
 

 

CHAPITRE XII.

Les causes, c'est-à-dire, les moyens termes dans la démonstration, varient dans le temps, avec le temps même des effets; passées avec des effets passés, présentes avec des effets présents, futures avec des effets futurs. — La cause qui est moyen terme dans la démonstration est toujours contemporaine de l'effet. — Quand la cause précède l'effet, soit au passé, soit au futur, on ne peut pas démontrer l'effet par la cause, parce qu'il y a. toujours de l'un à l'autre un intervalle de temps qui les sépare : c'est alors l'effet qui peut servir à démontrer la cause, soit au passé, soit au futur :

Exemples divers.

Quelquefois la cause et l'effet peuvent se démontrer l'un par l'autre, et alors la démonstration est circulaire : Exemple des nuages et de la pluie.

Quand la démonstration s'applique à un fait qui n'est point universel, mais qui est le plus ordinairement, le moyen doit avoir aussi ce caractère, et être le plus ordinairement.

 

§ 1. La cause est toujours pour les choses qui se font, pour celles qui ont été faites, ou pour celles qui se feront, la même que pour les choses qui sont; car c'est toujours le moyen terme qui est cause ; seulement, quand les choses sont, la cause est; quand elles se font, la cause se fait; quand elles ont été, la cause a été; quand elles seront, la cause sera. Par exemple, pourquoi l'éclipse a-t-elle eu lieu? Parce que l'interposition de la terre a eu lieu. L'éclipse a lieu parce que l'interposition a lieu ; elle aura lieu, parce que l'interposition aura lieu; et elle est, parce que l'interposition est. Qu'est-ce que la glace? Supposons que ce soit de l'eau congelée. L'eau représentée par C ; congelée par A. Le moyen terme, ou la cause, représenté par B, qui est la disparition complète de la chaleur. Ainsi B est bien à C; et se coaguler représenté par A est à B. La glace se forme quand B se forme ; elle s'est formée, quand B s'est formé; elle se formera quand B se formera.

§ 2. Ainsi donc la cause dont il s'agit ici, et ce dont elle est cause, ont lieu en même temps, quand ils ont lieu; ils sont en même temps, quand ils sont ; et il en est de même pour le passé et pour le futur.

§ 3. Mais dans les cas où il n'y a pas simultanéité, se peut-il que ce soit dans un temps continu, comme nous le croyons, que certaines choses soient causes de certaines autres? De telle sorte, par exemple, que quand une chose se fait, la cause en soit une autre qui se fait; que quand une chose sera, la cause en soit une autre qui sera aussi, et que quand une chose a été, la cause en soit une autre chose qui a été antérieurement.

§ 4. Le syllogisme ne part jamais ici que du fait postérieur. Mais le principe, dans ce cas même, est toujours un fait passé ; et c'est ce qui fait aussi qu'il en est de même pour les choses qui se font.

§ 5. Mais il n'y a pas de syllogisme possible. en partant du fait antérieur; et, par exemple, on ne peut pas conclure de ce que telle chose a eu lieu, que telle autre chose a eu lieu après elle. Et de même pour les choses qui doivent être. En effet, soit qu'on ne détermine point le temps, soit qu'on le détermine, il ne sera jamais permis d'affirmer que, par cela seul qu'il est vrai de dire que telle chose a eu lieu ; il soit vrai de dire aussi qu'une chose postérieure à celle-là ait eu lieu ; attendu que pendant tout le temps qui s'écoule de l'une à l'autre, il y aura erreur à dire que la seconde chose soit parce que l'autre est déjà faite.

Même remarque encore, s'il s'agissait d'un temps à venir.

§ 6. Car l'on ne peut pas dire davantage que telle chose sera, parce que telle chose a été ; il faut que le moyen terme ait une origine commune avec la chose dont il est le moyen : passé avec les choses passées; à venir avec les choses à venir ; arrivant avec les choses qui arrivent ; étant avec les choses qui sont. Or, il n'y a pas d'origine commune entre ce qui a été et ce qui sera.

§ 7. Et de même aussi, le temps qui s'écoule de l'un à l'autre ne peut être ni indéterminé, ni déterminé; [96a] car ce serait une erreur de dire que l'effet futur soit durant tout cet intervalle.

§ 8. Il faudrait étudier ce que c'est qu'une continuité qui fait que, dans les choses, telle chose ayant eu lieu, telle autre a lieu aussi ; ou bien est-il évident que ce qui a lieu actuellement ne tient pas du tout à ce qui a eu lieu antérieurement?' En effet, ce qui a eu lieu ne tient pas davantage à ce qui a eu lieu, car les faits passés sont des limites et des individus. De même qu'en géométrie les points ne se continuent pas les uns les autres, de même les choses passées ne se continuent pas davantage entre elles. De part et d'autre ce sont des individus. Et par le même motif, ce qui a lieu ne continue pas ce qui a eu lieu, car ce qui a lieu est divisible ; et ce qui a eu lieu est indivisible. Ainsi donc, le rapport de la ligne au point est aussi le rapport de ce qui a lieu à ce qui a eu lieu; car dans ce qui a lieu, il y a une série infinie de choses qui ont eu lieu. Du reste, on doit expliquer ceci plus clairement dans le Traité général du mouvement.

§ 9. Bornons-nous ici à établir comment, dans la supposition de la génération successive des choses, doit être le moyen terme, qui est cause de la conclusion. Nécessairement il faut que, même dans ces cas, le primitif et le moyen terme soient immédiats. Par exemple, A a eu lieu puisque C a eu lieu. C est arrivé postérieurement, et A avant lui. C est le principe, parce qu'il est plus rapproché de l'instant présent, qui est le principe même du temps. Or, C a eu lieu si D a eu lieu ; donc D avant eu lieu, il y a nécessité que A ait eu lieu aussi ; et C alors est la cause ; car D ayant eu lieu, il y a nécessité que C ait eu lieu également ; et du moment que C a eu lieu, il y a nécessité que A ait eu lieu avant lui.

Mais en prenant ainsi le moyen terme, pourra-t-on s'arrêter enfin à un terme immédiat? Ou bien viendra-t-il toujours s'insérer des moyens, dont le nombre serait infini ? En effet, ainsi qu'on l'a dit, ce qui est arrivé ne tient pas à ce qui est arrivé antérieurement ; mais il n'y en a pas moins nécessité de commencer par le moyen terme et par l'instant primitif.

§ 10. Même raisonnement pour une chose à venir ; car, s'il est vrai de dire que D sera, il y a nécessité qu'il soit vrai d'abord de dire que A sera. Mais C en est la cause, car si D doit être, C sera auparavant; et si C doit être aussi, A sera également avant lui. Ici donc encore la division peut aller à l'infini, car les choses qui doivent être ne tiennent pas davantage les unes aux autres ; mais pour elles aussi, il faut partir d'un principe qui soit immédiat.

§ 11. Il en est de même encore pour les faits réels. Si la maison a été faite, il est nécessaire que les pierres aient été taillées ; et si l'on a taillé des pierres, pourquoi cela ? c'est nécessairement pour les fondements, puisqu'il y a aussi une maison ; et s'il y a eu des fondements, il a fallu qu'on taillât antérieurement des pierres.

§ 12. De même aussi, s'il doit y avoir une maison, les pierres seront antérieurement taillées. Et l'on démontre encore de la même façon par le terme moyen; car les fondements seront antérieurs à la maison qu'ils soutiennent.

§ 13. Mais, comme nous voyons dans certaines choses qui se produisent, une .sorte de génération circulaire, cela se retrouve dans le syllogisme lorsque le moyen et les extrêmes se suivent mutuellement ; car ils peuvent se convertir les uns dans les autres réciproquement., or, il a été démontré dans nos premières études, que les conclusions sont alors réciproques, et que c'est là ce qu'on nomme la démonstration circulaire. Les faits réels eux-mêmes reproduisent cette réciprocité. La terre ayant été mouillée, il se produit nécessairement de la vapeur; la vapeur ayant été produite, le nuage se produit ; et le nuage s'étant produit, la pluie se produit nécessairement ; et la pluie une fois produite, il y a nécessité que la terre soit mouillée. Or, c'était là précisément le point de départ, et le cercle se trouve parcouru. 'En effet, l'une quelconque de ces choses étant, il a fallu qu'une autre fût; et celle-ci étant, une autre a été, et cette dernière ayant lieu, la première s'est reproduite à son tour.

§ 14. Il y a certaines choses qui sont attribuées universellement parce qu'elles sont ou arrivent toujours et dans tous les cas de telle façon. D'autres arrivent non pas toujours, mais le plus souvent d'une certaine manière; par exemple, l'individu mâle dans l'espèce humaine, n'a pas sans exception de la barbe au menton, mais il en a le plus souvent.

§ 15. Or, il faut nécessairement que, le moyen terme relatif aux choses de ce genre soit marqué comme elles de ce caractère d'être le plus souvent. En supposant en effet que A soit attribué universellement à B, et celui-ci universellement à C, il faut nécessairement aussi que A. soit toujours attribué à c et attribué à tout C; car c'est le propre de l'universel d'être attribué à toute la chose et toujours. Or, ici, l'on supposait seulement que la chose était le plus souvent ; donc, il y a nécessité que le moyen représenté par B soit aussi le plus souvent.

§ 16. Donc, pour les choses qui sont le plus souvent, il y aura aussi des principes immédiats ; et ce seront les choses qui sont ou se produisent le plus souvent de telle façon donnée.

§ 1. La cause, tout ce chapitre traite des rapports de la cause à l'effet qui entrent dans la démonstration. La cause et l'effet employés dans la démonstration sont toujours contemporains, soit au passé, soit au présent, soit au futur. Lorsque la cause précède l'effet on ne peut plus démontrer l'effet par la cause; mais on démontre, au contraire, la cause par l'effet. Enfin il y a des causes qui peuvent devenir effets de leurs propres effets, et, par conséquent, il y a des effets qui peuvent devenir causes de leurs propres causes. Dans ce cas, la démonstration est circulaire. -- Les choses qui se font, c'est-à-dire, qui n'ont qu'une existence transitoire. Que pour les choses qui sot, c'est-à-dire, qui sont d'existence éternelle. --- Seulement quand les choses sont, la cause est, en d'autres termes, la cause et l'effet dans la démonstration sont toujours contemporains. -- Ainsi B est bien à C, voici .tout le syllogisme dont la mineure est, dans le texte, donnée la première : Ce qui perd toute sa chaleur se congèle : or l'eau perd toute sa chaleur : donc l'eau se congèle.

§ 2. Ont lieu en même temps, résumé du § précédent. La cause dont il s'agit ici est celle qui dans la démonstration fait connaître pourquoi l'attribut est au sujet.

§ 3. Mais dans les cas où il n'y a pas simultanéité, lorsque la cause et l'effet ne sont pas contemporains, la cause peut-elle encore servir à démontrer l'effet? Pour qu'elle le puisse, il faut supposer que l'effet suit la cause dans un temps continu, sans qu'on puisse de la cause à l'effet remarquer aucune solution de continuité dans le temps. Mais comment ces causes entrent-elles dans la démonstration? — Que certaines choses soient causes, qu'il y ait cause et effet. — De telle sorte que dans les divers moments du temps, le rapport d'antériorité de la cause à son effet reste toujours le même. — Qui a été antérieurement, antérieurement doit être rapporté à tout ce qui précède, et sous-entendu dans chacun des membres de la phrase.

§ 4. Le syllogisme, c'est-à-dire la démonstration, dans le cas où la cause précède l'effet, ne peut avoir lieu qu'en prenant l'effet pour moyen terme. — Que d'un fait postérieur, de l'effet qui n'est venu qu'après la cause. Ainsi, l'on peut bien alors démontrer la cause par l'effet ; mais on ne plus démontrer l'effet par la cause. — Mais le principe dans ce cas même, c'est-à-dire la cause qui est le principe de l'effet. — Est toujours un fait passé, puisqu'on suppose ici la cause antérieure à l'effet.

§ 5. En partant du fait antérieur, il n'est pas possible de démontrer l'effet par la cause qui lui est antérieure. — De ce que telle chose a eu lieu, et il n'est pas plus permis de faire cette démonstration pour un fait passé que pour un fait à venir. — Soit qu'on ne détermine pas le temps, qui s'écoule entre la cause et l'effet. — Il y a erreur â dire..., parce que l'on ne peut pas dire, bien que l'effet existe, qu'il soit l'effet nécessaire de la cause qui l'a précédé, du moment qu'un espace quelconque de temps les sépare l'un de l'autre et qu'ils ne sont pas simultanés.

§ 6. Que telle chose sera, ce qu'on vient de dire d'un effet passé peut s'appliquer aussi à l'effet qui est à venir, puisqu'il y a toujours, même au futur, la même relation entre la cause qui précède l'effet et l'effet qui suit la cause. -- Il faut que le moyen terme ait une origine commune, parce que, dans la majeure, le grand extrême est attribué au moyen qui est la cause ; et que la relation de sujet à attribut place nécessairement les deux termes au même instant de la durée. Entre ce qui a été et ce qui sera, le passé et l'avenir.

§ 7. Ne peut être ni indéterminé ni déterminé, l'expression du texte n'est pas très exacte, à force de concision ; voici le sens : Peu importe que le temps, entre la cause à venir et l'effet à venir, soit déterminé ou qu'il soit indéterminé, on ne peut pas davantage dire dans cet intervalle que l'effet soit produit nécessairement par la cause. — L'effet futur, j'ai ajouté futur, pour plus de clarté.

§ 8. Ne tient pas du tout à ce qui a eu lieu, par une continuité de temps indivisible. — Ce qui a eu lieu ne tient pas davantage, le fait passé ne tient pas plus à un fait passé antérieurement à lui, que le présent ne tient au passé. -- Sont des limites, des termes parfaitement définis et indépendants les uns des autres, comme les individus entre lesquels il n'y a pas de continuité possible. -- Les points ne se continuent pas, parce que dans une ligne on peut toujours concevoir une infinité de points distincts et individuels. --- Ce qui a lieu, le présent ne continue pas le passé, n'est pas uni au passé d'une manière continue. -- Il y a une série infinie, comme dans la ligne une série infinie de points. Le passé est un point ; le présent une ligne. -- Dans le Traité général du mouvement, c'est la Physique, liv. V, et liv. VI. Ce titre mérite d'être remarqué.

§ 9. Le moyen terme qui est cause, syllogistiquement parlant, c'est-à-dire qui est cause de la conclusion, comme j'ai cru devoir rajouter, puisque le moyen ici, loin d'être la cause réelle, est au contraire l'effet. - Même dans ces cas, où le moyen terme est l'effet et non la cause. -- Le primitif, c'est-à-dire la cause qui est alors le majeur. — Soient immédiats, il faut que la majeure soit immédiate. -- Par exemple, voici le syllogisme pour prouver que l'effet peut être la cause de la démonstration même de la cause dont il est l'effet : Si C a eu lieu, il faut nécessairement que A ait eu lieu auparavant; mais si D a eu lieu, il faut nécessairement que C ait eu lieu auparavant; donc, si D a eu lieu, il faut nécessairement que A ait eu lieu auparavant. — A a eu lieu, puisque C a eu lieu, majeure du syllogisme. — Et A avant lui, puisque A est la cause de C. — C'est le principe, c'est-à-dire, le moyen terme à l'aide duquel on démontre. — Or C a eu lieu, si D a eu lieu, mineure du syllogisme. — Donc D ayant eu lieu, conclusion du syllogisme. -- Et C alors est cause, et l'effet est alors le moyen pour. la démonstration de la cause. — Car D ayant eu lieu, l'effet D ayant eu lieu, il faut que la cause C ait eu lieu. — Il y a nécessité que A, et si l'effet C a eu lieu, il faut que sa cause réelle A ait eu lieu avant lui. -- Mais en prenant ainsi le moyen terme, c'est-à-dire en prenant l'effet au lieu de la cause pour moyen terme. — Dont le nombre serait infini, comme les faits passés ne tiennent pas les uns aux autres, comme l'effet ne continue pas la cause, il est possible de supposer dans l'intervalle, une infinité de moyens, comme entre deux points on peut toujours supposer une infinité de points. — Ainsi qu'on l'a dit, au § précédent. — Commencer par le moyen, commencer la démonstration par l'effet qui est le moyen terme, et qui, à un certain moment donné, a suivi la cause de manière qu'entre eux il n'y eût pas d'autre effet du même genre produit par elle. — Et par l'instant primitif, le moment où l'effet a paru pour la première fois à la suite de la cause, à quelque intervalle d'ailleurs que ce moment se soit trouvé.

§ 10. Pour une chose à venir, le raisonnement qu'on vient de faire pour le passé s'applique aussi bien à l'avenir. -- S'il est vrai de dire que D sera, voici tout le syllogisme : Si C doit être, A sera auparavant ; or si D doit être, C sera auparavant ; donc si D doit être, A sera auparavant. — Ne tiennent pas davantage. Voir plus haut, § 6. - D'un principe qui soit immédiat, c'est-à-dire d'un effet qui soit le premier en date après la cause, et la suive sans interposition d'aucun autre effet.

§ 11. Pour les faits réels, c'est-à-dire qu'on va démontrer sur des réalités ce qu'on a démontré d'abord par des lettres. --- Si la maison a été faite, voici le syllogisme pour le passé : Si les fondements de la maison ont été faits, il a fallu d'abord que les pierre fussent taillées; et si la maison a été faite, il a fallu d'abord que les fondements fussent faits ; donc si la maison a été faite, il a fallu que les pierres fussent d'abord taillées. — Si la maison a été faite, conclusion du syllogisme. — C'est nécessairement pour les fondements, mineure. — Et s'il y a eu des fondement:, majeure.

§ 12. S'il doit y avoir une maison, voici le syllogisme pour le futur : S'il doit y avoir des fondements, les pierres seront auparavant taillées ; or s'il doit y avoir une maison, les fondements seront faits auparavant ; donc s'il doit y avoir une maison, les pierres seront auparavant taillées.

§ 13. Dans nos premières études. Voir plus haut, liv. II ch. 3; et dans les Prem. Analyt., liv. II, ch. 5, 6 et 7. -- Les conclusions sont alors réciproques, c'est-à-dire qu'elles peuvent devenir des propositions, et que les propositions peuvent devenir des conclusions.

§ 14. Attribuées universellement, j'ai précisé le sens un peu plus que ne le fait le texte ; il dit seulement : Certaines choses qui arrivent universellement. Il s'agit ici des accidents, ou attributs, dont les uns sont universellement à leurs sujets, et les autres, le plus souvent sans y être toujours ni dans tous les cas. — Parce qu'elles sont, d'existence éternelle et immuable ; ou arrivent, d'existence passagère. — D'autres arrivent non pas toujours, c'est la seconde espèce d'accidents.

§ 15. Or, il faut nécessairement que le moyen terme, en d'autres termes, la majeure doit être éternelle ; mais la mineure exprime seulement l'idée du plus souvent et non de la perpétuité. En effet, si les deux propositions étaient éternelles, la conclusion le serait comme elles, ce qui est contre l'hypothèse : il faut donc que l'une des propositions exprime le plus souvent pour que la conclusion l'exprime aussi. -- En supposant, en effet, majeure du syllogisme réduisant à l'absurde. — Et celui-ci universellement à C, mineure. — Il faut nécessairement aussi, conclusion. — Or, ici l'on supposait, l'hypothèse était relative à un accident qui est le plus souvent, et non à un accident éternel.

§ 18. Des principes immédiats, des moyens termes qui expriment le plus souvent comme les conclusions mêmes : mais l'expression du plus souvent ne peut être que dans la mineure. Ainsi, en reprenant l'exemple cité plus haut, et donnant pour cause à la production de la barbe la vigueur de la puberté, on ferait ce syllogisme : Quand la puberté est vigoureuse, l'homme a de la barbe ; or la puberté dans l'homme est ordinairement vigoureuse ; donc l'homme a ordinairement de la barbe. La majeure est de vérité perpétuelle ; la mineure seule exprime l'idée. du plus souvent ; et la conclusion l'exprime comme elle, elle a le même caractère de caducité,

 

SECTION TROISIÈME.

THÉORIE DE LA DÉFINITION.

CHAPITRE XIII.

Théorie générale de la définition. — La définition d'une chose est la réunion de tous les attributs essentiels de cette chose, qui, chacun pris à part, peuvent être plus étendus qu'elle, mais dont l'ensemble a précisément la même étendue que le défini. — Exemple de la définition d'une espèce; définition de la triade. La définition ainsi conçue est nécessaire, car les attributs essentiels sont universels et par conséquent nécessaires ; elle donne bien l'essence de la chose, car elle ne peut appartenir qu'à la chose, et n'en. est point le genre, puisque elle n'est pas plus étendue qu'elle. -- Exemple de la définition d'un genre : il faut définir d'abord les espèces que le genre contient, et les attributs communs que présenteront les définitions des espèces formeront la définition du, genre. La méthode de division, bien qu'impuissante à donner seule des définitions exactes et nécessaires, peut être utile pour' les définitions formées par la méthode de composition. 1° Si d'abord elle observe avec grand soin l'ordre régulier des attributs essentiels.. 2° Si elle n'en omet aucun. -- Il n'est pas nécessaire d'ailleurs pour définir ainsi une chose de connaître toutes les autres choses, ainsi que l'ont affirmé quelques philosophes. De plus, il n'y a point pétition de principe, si les contraires choisis par la division n'ont point de termes intermédiaires entre eux. — Trois règles à observer pour que la division puisse servir à la définition par composition : -- 1° Elle ne doit prendre qu'un des attributs essentiels; — 2° Elle doit les classer ; — 3° Elle doit les donner tous. -- Règles générales de la définition par composition : — 1° Réunir les attributs communs des individus pour en faire ceux des espèces et des genres, en prenant garde aux homonymies : Exemples de la définition de la magnanimité. — 2° Être clair avant tout ; — 3° Éviter les métaphores.

 

§ 1. Nous avons dit antérieurement comment l'essence est donnée dans les termes du syllogisme, et de quelle manière il y a et il n'y a pas démonstration ou définition de l'essence. Disons maintenant comment il faut rechercher les attributs essentiels.

§ 2. Parmi les attributs qui appartiennent toujours à la chose, quelques-uns dépassent la chose elle-même, mais cependant sans sortir du genre. Je dis que les attributs dépassent la chose, lorsque, tout en lui appartenant universellement, ils sont cependant -aussi à une autre chose qu'elle. Par exemple, il y a tel attribut qui appartient à toute triade et qui cependant appartient aussi à ce qui n'est pas triade. Ainsi l'être est un attribut qui appartient à la triade, mais il appartient de plus à ce qui n'est pas nombre. L'impair est un attribut de toute triade, mais il dépasse le nombre trois, puisqu'il appartient également au nombre cinq; toutefois il ne sort pas du genre; car cinq est bien un nombre, mais hors du nombre il n'y a rien d'impair.

§ 3. Ce sont donc des attributs de cette sorte qu'il faut prendre, jusqu'à ce qu'on soit arrivé précisément à ce point, que tout en dépassant chacun à part l'extension de la chose, ils n'aient pas cependant, quand ils sont tous pris ensemble, plus d'étendue qu'elle; car alors ils représentent nécessairement l'essence même de la chose.

§ 4. Par exemple, toute triade a pour définition d'être un nombre, un nombre impair, et un nombre premier à double titre; d'abord en ce qu'aucun nombre ne la divise, et ensuite en ce qu'elle n'est pas formée de nombres; donc, en résumé, l'essence de la triade est d'être un nombre impair premier, et premier comme je viens de le dire. Or, de tous ces attributs, les uns appartiennent à tous les nombres impairs indistinctement, [97a] le dernier appartient aussi à la dyade; mais tous ces attributs pris ensemble n'appartiennent qu'à la triade.

§ 5. Mais comme nous avons démontré plus haut que les attributs essentiels sont nécessaires, parce que les attributs universels sont nécessaires ; et comme les attributs essentiels, soit pour la triade, soit pour toute autre chose, sont des attributs universels, il faut de toute nécessité que la triade elle-même soit précisément la collection de ces attributs.

§ 6. Que ce soit bien là l'essence de la triade, voici ce qui le prouve : En effet, si ce n'est pas là l'essence de la triade, il faut nécessairement que ce soit une sorte de genre de la triade, qui peut d'ailleurs avoir ou ne pas avoir un nom déterminé ; ce genre sera donc plus étendu que la triade qu'il dépassera; car nous devons admettre que le propre du genre, c'est de pouvoir être plus étendu que la chose dont il est le genre. Si donc ce genre ne peut appartenir à aucune autre chose qu'aux triades individuelles, il sera alors l'essence même de la triade ; car nous pouvons encore admettre que l'essence de chaque chose est précisément cette sorte d'attribution dernière aux individus, et les attributs qui seront démontrés, à ce titre, appartenir à une chose quelconque, seront de la même façon l'essence de cette chose.

§ 7. Il faut, quand on s'occupe de quelque sujet complexe, diviser le genre en individus spécifiquement primitifs, et par exemple diviser le nombre en triade et eu dyade. Puis ensuite, il faut essayer de faire les définitions des individus ainsi choisis ; et par exemple de définir la ligne droite, le cercle, l'angle droit; et enfin recherchant ce qu'est le genre de la chose, selon qu'elle est, par exemple une quantité ou une qualité, il faut étudier les affections propres des espèces d'après les premiers attributs communs à toutes. C'est qu'en effet, les attributs des genres qui ne se composent que d'individus se montrent avec une pleine évidence par les définitions mêmes des individus, attendu que la définition et l'élément simple sont le principe de tout, et que les attributs ne sont essentiellement qu'aux individus simples, et que c'est uniquement par eux que ces attributs peuvent être aux autres divisions.

§ 8. Du reste, les divisions qui se font suivant les différences, sont également utiles pour procéder, comme on vient de dire, à la définition.

§ 9. Toutefois nous avons dit plus haut jusqu'à quel point elles démontrent; et c'est uniquement si elles démontraient qu'elles pourraient servir à donner la conclusion de l'essence.

§ 10. Mais elles ne paraissent rien faire autre chose que d'admettre sur-le-champ et sans preuve, tous les attributs de la chose, comme on pourrait le faire dès le principe et sans division.

§ 11. Or, il y a de la différence à ce que tel attribut soit placé le premier, et tel autre le dernier ; par exemple, il y a de la différence à dire animal doux bipède, ou bien de dire bipède animal doux. En effet, si la définition de toute chose se forme de deux parties et qu'animal apprivoisé en soit une, de sorte que de cette première partie et de la différence bipède, se compose la définition de l'homme, ou telle autre totalité que pourra former la définition, il faut nécessairement que dans la division on fasse une pétition de principe.

§ 12. On doit ajouter que le seul moyen de n'omettre aucune partie de l'essence est celui-ci : une fois admis le premier genre, si l'on prend quelqu'une des divisions inférieures, le genre tout entier ne pourra pas 'rentrer dans cette division. Par exemple, tout animal n'a pas ou des ailes pleines ou des ailes divisées ; mais c'est seulement tout animal ailé qui les a de l'une ou de l'autre façon ; car c'est là précisément [97b] une différence de cet animal. Mais la première différence de l'animal est celle dans laquelle rentre sans exception tout animal. Et de même pour tous les autres genres, aussi bien pour les genres en dehors de celle d'animal que pour les genres subordonnés à celui-là. Par exemple, la première différence de l'oiseau est celle dans laquelle rentre tout oiseau ; pour le poisson, celle dans laquelle rentre tout poisson. C'est en procédant de cette manière qu'on peut être assuré de n'avoir rien omis ; de toute autre façon, on est conduit de toute nécessité à omettre certains attributs, sans même savoir qu'on les omet.

§ 13. Il n'est pas du reste besoin pour définir et diviser, de connaître tous les êtres sans exception, bien que quelques-uns prétendent qu'il est impossible de connaître les différences de la chose, relativement. à chaque autre chose, si l'on ne connaît aussi chaque autre chose; et que sans ces différences, on ne saurait connaître une chose quelconque, attendu que ce dont une chose ne diffère pas se confond avec elle, et que ce dont elle diffère est tout autre qu'elle.

§ 14. Mais d'abord cette dernière assertion est fausse ; car une chose ne diffère pas d'une autre selon toute espèce de différences, puisqu'il y a beaucoup de différences entre des choses d'espèces identiques, sans que ces différences soient essentiellement à ces choses, ni à ces choses. en elles-mêmes.

§ 15. De plus; quand on prend par division les attributs opposés et la différence, et qu'on suppose que tout le genre rentre dans l'un ou dans l'autre des opposés, si l'on admet que l'attribut qu'on. cherche est dans l'un des deux et qu'on le sache, il n'importe en rien de savoir ou de ne pas savoir toutes. les autres choses auxquelles ces différences sont attribuées; car il est bien clair que, si l'on arrive, en procédant ainsi, à des éléments qui n'ont plus de différence possible, on aura atteint la définition de l'essence. Mais supposer que tout le genre rentre sous la division, quand les attributs opposés n'ont pais de termes intermédiaires, ce n'est pas faire une pétition de principe ; car. il faut de toute nécessité que l'attribut se trouve dans l'une ou l'autre des deux parties de la division, si cette division est bien la différence de la chose.

§ 16. Mais, pour construire la définition par la division, il faut remplir trois conditions : d'abord il faut prendre les attributs essentiels, ensuite il faut les placer en ordre l'un le premier, l'autre le second, et enfin il faut les prendre tous sans en omettre aucun.

§ 17. On remplit la première condition, par cela seul qu'on peut construire la définition par le genre, de même qu'on peut par conclusion affirmer de l'accident qu'il est à la chose.

§ 18. Quant à la vraie manière de classer les attributs, la première règle c'est de prendre le premier de tous les attributs; et ce premier attribut sera précisément celui qui est la conséquence de tous les autres, tandis qu'aucun des autres ne le suit, car il faut nécessairement qu'il y ait un attribut de ce genre. Une fois ce terme posé, il suffit d'observer la même règle pour les attributs inférieurs; car le second attribut sera le premier parmi ceux qui restent, et le troisième, le premier 'parmi les suivants ; c'est-à-dire qu'en séparant toujours le terme supérieur, le suivant sera le premier parmi les autres, et de même pour tout le reste.

§ 19. Que l'on ait bien tous les attributs de la choe, on en sera sûr si l'on a admis que le premier terme de la division doit tout entier avoir l'un ou l'autre des deux attributs opposés, et qu'il a tel attribut déterminé; si l'on a pris ensuite la différence de cet attribut tout entier ; et reconnu enfin qu'il n'y a plus de différence pour le dernier terme, ou plutôt qu'en prenant tout ensemble la définition avec la dernière différence, elle ne diffère pas spécifiquement du terme total.

§ 20. [98a] Car il est évident d'abord qu'il n'y a aucun attribut de trop, parce qu'en effet tous ces attributs ont été pris comme essentiels ; et ensuite qu'il n'en manque aucun, car celui qui manquerait serait ou le genre ou la différence; or, le genre est et le primitif de la définition, et ce qui est formé avec les différences qu'on ajoute ; mais toutes les différences sont énoncées, car il n'y en a plus après celles-là, puisque autrement le dernier terme différerait spécifiquement du défini; et l'on a dit qu'il n'en différait pas.

§ 21. Il faut rechercher, en regardant aux choses qui sont semblables et sans différence entre elles, ce que toutes peuvent avoir de commun. II faut ensuite faire la même recherche pour les choses qui faisant partie du même genre, sont entre elles d'espèce identique, mais qui diffèrent en espèce des premières que l'on a étudiées. Une fois qu'on a trouvé pour toutes ces choses le rapport commun qu'elles peuvent avoir, et qu'on l'a trouvé également pour les autres, il faut rechercher de nouveau dans les choses ainsi rapprochées quelle identité elles ont entre elles, jusqu'à ce qu'on arrive à une expression unique pour toutes. Cette expression unique est alors la définition vraie de la chose; et si au lieu d'arriver à une seule expression, on arrive à deux ou à plusieurs, il est alors évident que ce qu'on cherche n'est pas unique et qu'il est multiple.

§ 22. Je dis, par exemple, que si l'on cherche la définition de la grandeur d'âme, il faut d'abord regarder à quelques hommes magnanimes que nous connaissons bien pour tels, et rechercher le seul point qu'ils aient tous de commun, en tant que doués de grandeur d'âme. Prenant donc pour vraiment magnanimes, Alcibiade, Achille, Ajax, je me demande ce qu'ils ont de commun? C'est de ne pouvoir supporter un affront. En effet, l'un a fait la guerre à sa patrie, l'autre a eu son célèbre courroux, le troisième s'est tué de sa propre main. Prenons-en d'autres encore, Lysandre ou Socrate; et si ces derniers ont ceci de commun d'être indifférents à la bonne comme à la mauvaise fortune, je considère ces deux qualités puisque je les trouve; et je cherche ce que peuvent avoir de commun, d'une part l'indifférence pour les fortunes diverses, et de l'autre l'impossibilité de supporter les affronts. Si ces deux qualités n'ont rien de commun, c'est qu'il y aura deux espèces distinctes de la grandeur d'âme.

§ 23. C'est que toute définition est toujours universelle; car le médecin ne dit pas seulement ce qui est bon à tel oeil en particulier, mais il dit ce qui est bon à tout oeil en général, ou du moins à tout oeil de telle espèce.

§ 24. Il est plus facile de définir le particulier que l'universel, et voilà pourquoi il faut toujours passer des choses particulières aux choses universelles ; car les homonymies peuvent se cacher bien plus aisément dans les choses universelles que dans les choses qui n'ont plus de différence entre elles.

§ 25. De même que dans les démonstrations, il faut toujours qu'il y ait une force de conclusion, de même il faut de la clarté dans les définitions; et l'on obtiendra cette clarté, si au moyen (le chacune des choses particulières, on peut définir séparément ce qui appartient à chaque genre; et, par exemple, définir non pas toute ressemblance en général, mais à part celle qui se trouve dans les couleurs et celle qui se trouve dans les figures, comme l'aigu pour les sons de la voix. C'est en suivant cette marche qu'il faut arriver au point commun, en ayant toujours bien soin de ne pas tomber dans l'homonymie.

§ 26. Que s'il faut ne jamais employer les métaphores dans la discussion, il est tout aussi évident qu'il ne faut pas davantage définir par métaphore, ni définir rien de ce qui est exprimé métaphoriquement, puisque alors ou serait forcé de transporter aussi la métaphore dans la discussion.

§ 1. Nous avons dit antérieurement. Voir plus haut, ch. 4 et suivants, jusqu'à 10. — Dans les termes du syllogisme, ch. 4. — Et il n'y a pas démonstration, ch. 9. -- Ou définition, ch. 6. — Rechercher les attribut: essentiels, en d'autres termes, faire la définition.

§ 2 Qui appartiennent toujours à la chose, qui sont essentiels. -  Dépassent la chose elle-même, parce qu'ils s'appliquent aussi à d'autres choses, et ne sont pas propres au défini. — Sans sortir du genre, comme plus bas l'attribut d'impair qui s'applique à d'autres nombres que la triade ; mais qui ne sort pas cependant du genre nombre. — Mais il appartient de plus â ce qui n'est pas nombre, et sort par conséquent du genre. -- Toutefois il ne sort pas du genre, il y a donc des attributs non sentiels de deux sortes : les uns qui font partie du genre; les autres qui sont en dehors du genre dont le défini fait partie.

§ 3. Des attributs de cette sorte, c'est-à-dire qui font partie du genre en question. -- Qu'il faut prendre, qu'il faut réunir en une totalité qui sera la définition cherchée. — Chacun à part, comme on peut le voir dans l'exemple cité plus bas au § suivant, dans la définition donnée de la triade.

§ 4. A pour définition, j'ai précisé le sens un peu plus que ne le fait le texte ; il dit seulement : A toute triade appartient d'être, etc. -- Premier a double titre, Aristote explique lui-même ce qu'il entend par là : Un nombre est premier 1° quand aucun autre ne le divise ; 2° quand il n'est pas formé par la réunion de deux autres. Or le nombre trois n'est divisé par aucun nombre ; de plus, il n'est pas formé par la réunion de deux autres nombres ; car l'unité ne doit jamais être considérée comme un nombre. — L'essence de la triade, la définition essentielle de la triade. — Or, de tous ces attributs, les deux premiers appartiennent à tous les nombres impairs ; car ils sont tous nombres et impairs. -- Le dernier, c'est-à-dire d'être premier à double titre; car le nombre deux est formé par l'unité prise deux fois, et l'unité n'est pas un nombre ; mais le nombre deux n'est pas impair; donc l'ensemble des attributs indiqués n'appartient qu'à la triade, et lui est propre.

§ 5. Démontré plus haut, liv. I, chap. 4. — Parce que les attributs universels sont nécessaires, le texte dit : Mais les attributs universels, etc. J'ai interprété la conjonction: mais, dans le sens de : car, comme l'ont fait les commentateurs grecs, et Zabarella et Pacius après eux. — Les attributs essentiels, sont universels : ce qui . a été prouvé, liv. I, ch. 4, § 9: -- Soit précisément la collection de ces attributs, en d'autres termes, que la collection de ces attributs soit la définition essentielle de la triade.

§ 6. Une sorte de genre de. la triade, un attribut essentiel ne peut être que la définition ou le genre de la chose : s'il n'est pas le genre, il est la définition. -- Un nom déterminé, c'est-à-dire un nom représenté par un seul mot au lieu de l'être par plusieurs. — C'est de pouvoir être plus étendu, parce que le genre contient nécessairement plusieurs espèces, et est, par con¬séquent, plus étendu que chacune d'elles prises à part. -- Si donc ce genre, si donc cette définition qu'on regarde comme genre. -- Qu'aux triades individuelles, aux triades prises chacune à part. -- Cette sorte d'attribution dernière, cette collection d'attributs, depuis le premier jusqu'au dernier, qui s'appli¬que aux individus et ne convient qu'à eux seuls.

§ 7. Quand on s'occupe de quelque sujet complexe, quand on cherche la définition d'un genre. — Diviser le genre en individus spécifiquement primitifs, en d'autres termes, diviser le genre en ses espèces, qui sont les premières en ordre, et qu'on peut, relativement au genre qui les comprend, considérer comme autant d'individus. -- Les définitions des individus ainsi choisis, les espèces une fois classées, il faut, les définir chacune séparément, en prenant les attributs essentiels de chacune d'elles, comme on l'a dit dans les §§ précédents. -- Définir la ligne droite, et les autres espèces de lignes. — Le cercle, et les autres espèces de figures renfermées par une seule ligne. -- L'angle droit, et les autres espèces d'angles, aigus, obtus, etc. -- Par exemple, une quantité ou une qualité, selon que ce genre est une des catégories. — Les affections propres, les at¬tributs essentiels des espèces, dont la collection formera la définition cherchée. — D'après les premiers attributs communs à toutes, il faut rechercher les attributs communs à toutes les espèces et les premiers en ordre, et laisser de côté les attributs spéciaux de chacune d'elles : ces attributs spéciaux doivent servir à la définition même des espèces ; mais ils ne peuvent servir à celle du genre. — Qui ne se composent que d'individus, en d'autres termes, que d'espèces. — Par les définitions mêmes, j'ai ajouté, pour être clair : des individus. — La définition et l'élément simple, c'est-à-dire la définition et l'individu. — Sont le principe de tout, le principe de la définition du genre qui en est tirée. — Ne sont essentiellement, n'existe véritablement que dans les individus, parce que l'universel, le genre, n'a point d'existence séparée et distincte. — Aux autres divisions, en remontant de genres en genres, jusqu'au genre supérieur qui comprend les espèces et les individus.

§ 8. Du reste, les divisions..., après avoir indiqué la véritable méthode de la définition, Aristote examine les méthodes antérieurement proposées, et en particulier la méthode de division, qui seule est impuissante à donner la définition, mais qui peut aider utilement la méthode de composition. — Comme on vient de dire, en exposant la méthode de composition.

§ 9. Nous avons dit plus haut, ch. 5 de ce livre. —Si elles démontraient, mais il a été prouvé qu'elles ne démontraient pas. On peut voir aussi le ch. 31 du 1er livre des Premiers Analytiques.

§ 11. Or, il y a de la différence, la méthode de division a cet avantage, qu'elle peut classer dans l'ordre régulier les diverses parties qui forment la définition, en procédant toujours du genre à la différence, c'est-à-dire en restreignant de plus en plus l'extension des attributs.—Se forme de deux parties, les deux parties de la définition sont ton–jours le genre le plus prochain; qui peut d'ailleurs être exprimé dans sa totalité, par un nombre plus ou moins grand d'attributs réunis, et de la dernière différence qui, réunie au genre, complète la définition. -- On fasse une pétition de principe, c'est ce qui a été déjà prouvé dans les deux passages cités plus haut. La méthode de division pose toujours, sans les démontrer, les différences qu'elle adopte ; or, ce sont précisément ces différences qui sont en question. Ainsi, la division ne démontre pas ; mais précisément parce qu'en divisant elle procède toujours du général au particulier, elle peut donner l'ordre véritable des attributs que toute bonne définition doit toujours conserver.

§ 12. N'omettre aucune partie de l'essence, la division a ce second avantage, qu'en l'observant exactement, on peut être sûr de n'omettre aucune des parties de la définition. Il suffit de regarder si les deux termes de toute division, à quelque degré qu'on la prenne, renferment bien tout entier le genre immédiatement supérieur. -- Le premier genre, c'est-à-dire le genre qui est divisé, et qui est antérieur à la division même dans laquelle on prétend le répartir tout entier. -- Quelqu'une des divisions inférieures, parce qu'on a omis quelqu'une des divisions intermédiaires. -- Le genre tout entier ne pourra pas rentrer, et ceci montrera que la division a sauté quelque attribut intermédiaire qu'il faut rétablir. --Tout animal ailé, et non point tout animal en général : il faudra donc rétablir l'intermédiaire, ailé et non ailé, qu'on avait d'abord omis. — En dehors de celui d'animal, supérieurs ou étrangers à ce genre-là. — On est conduit de toute nécessité, cette expression d'Aristote est peut-être trop forte. On peut, sans la division, et par l'effet seul d'un heureux hasard, être conduit à n'omettre aucun attribut, et à les classer tous dans l'ordre naturel ; mais il est vrai qu'alors on n'est pas sûr du résultat obtenu.

§ 13. Bien que quelques-uns, d'après Thémistius et tous les commentateurs grecs, il s'agit ici de Speusippe. L'objection de Speusippe s'adresse non seulement à la division, mais encore à la définition en général. La division et la définition, selon lui, sont impossibles, parce qu'il faudrait, pour les faire complètes, connaître la totalité infinie des choses, afin d'assigner, relativement à toutes ces choses, les différences de la chose à définir.

§ 14. Mais d'abord, première réponse à l'objection de Speusippe. Il n'y a pas besoin de connaître toutes les différences ; car il y a des différences pour des choses qui sont identiques à d'autres égards, et par exemple par l'espèce ; et ces différences ne font pas de ces choses des choses essentiellement diverses.

§ 15. De plus, seconde réponse, qui s'adresse à l'assertion principale de Speusippe : Peu importe de savoir à quoi s'applique la différence que donne la division : l'important c'est de savoir si cette différence s'applique bien an 'défini. -- Ces attributs opposés, les deux différences qui comprennent le genre entier. — Et la différence, on peut comprendre ici, avec Zabarella, que différence est une expression synonyme de celle qui précède : attributs opposés ; ou bien comprendre aussi qu'Aristote désigne par ce mot celle des deux différences qu'on applique an défini. -- Des éléments qui n'ont plus de différence possible, en d'antres termes, qui ne peuvent plus être divisés. --  La définition de l'essence, la définition essentielle de l'objet à définir. -- Ce n'est pas faire uns pétition de principe, il y a, dans la division, deux choses qu'on admet toujours sans démonstration ; 1° première, c'est que toutes les espèces du genre qu'on divise rentrent dans l'une ou l'autre partie de la division : ainsi, tout animal est raisonnable ou irraisonnable ; la seconde, c'est que le défini rentre dans l'une des deux parties de la division. Il n'y a de véritable pétition de principe que dans ce second cas ; dans le premier, Il n'y en a point, parce que le principe posa est de toute évidence, quand il n'y a point de termes intermédiaires entre les attributs opposés, et qu'il faut nécessairement qu'une des deux parties de la contradiction soit vraie. — La différence, c'est-à-dire l'ensemble des attributs opposés.

§ 16. Pour construire, et non pour démontrer. — Trois conditions, ce sont les mêmes qui ont été déjà indiquées plus haut, ch. 5, § 4.

§ 17. Construire la définition par le genre, c'est-à-dire par le genre du défini, et. par conséquent, ses attributs essentiels, comme on conclut syllogistiquement l'accident. -- De même, par des raisonnements dialectiques, et simplement probables, et non point démonstratifs. Voir les Topiques, liv. II, III et VI. On ne peut donc point démontrer, à proprement parler, les attributs essentiels d'une chose ; on ne peut faire qu'un syllogisme logique de l'essence. Voir plus haut, ch.8, § 3.

§ 18. Qui est la conséquence de tous les autres, c'est-à-dire qui est l'attribut commun de tous les autres termes, sans être lui-même sujet d'aucun ; c'est donc le terme le plus large, celui qui contient tous les autres. Le second attribut sera celui qui, contenu par le premier seulement, contiendra tous les autres, et ainsi de suite.

§ 19. Que l'on ait bien tous les attributs de la chose, c'est la troisième condition. — Le premier terme de la division, le genre supérieur sous lequel on classe d'abord le défini. — L'un des deux attributs opposés, j'ai cru devoir, pour être clair, préciser le sens un peu plus que ne le fait le texte, qui dit seulement : Qui est tout entier cela ou cela, et qui est cela. — De cet attribut tout entier, les deux parties. de la division dans laquelle se partage nécessairement ce premier attribut. — Plus de différence pour le dernier terme, que le dernier terme auquel on s'est arrêté ne peut plus en effet être divisé, ni recevoir des attributs opposés comme les précédents. — La définition avec la dernière différence, c'est-à-dire l'ensemble de tous les attributs obtenus antérieurement avec celui qu'on obtient en dernier lieu. -- Elle ne diffère pas spécifiquement du terme total, le terme total, c'est le défini auquel la définition doit être identique spécifiquement.

§ 20. Car il est évident, la définition est complète ; car il n'y a ni un élément de trop ni un élément de moins : il n'y en a pas un de trop, puisque tous sont supposés essentiels : il n'y en a pas un de moins, puisque la totalité de la définition est parfaitement égale au défini. Le primitif de la définition, le genre supérieur sous lequel a d'abord été rangé le défini. — Et ce qui est formé avec toutes les différences qu'on ajoute, les différences successivement ajoutées par la division forment, moins la dernière qui reste différence, le genre total du défini. — Autrement le dernier terme, c'est-à-dire, la totalité de la définition que le dernier élément vient compléter eu se joignant à tous ceux qui précèdent.

§ 21. Il faut rechercher, Aristote reprend, dans ce §, la théorie de la méthode de composition qu'il avait commencée dans le § 7, et qu'il avait interrompue pour exposer la méthode de division, et en indiquer les défauts et les mérites. Aussi Thémistius a-t-il déplacé toute cette partie du chapitre et l'a-t-il placée après le § 7. La série logique des idées justifie assez bien ce déplacement que n'autorise d'ailleurs aucun manuscrit. -- Aux choses qui sont semblables, aux individus d'une seule espèce. — Faire la même recherche, pour une autre espèce du même genre. — Une fois qu'on a trouvé, le rapport commun des individus dans la première espèce, et le rapport commun des individus dans la seconde, il faut comparer ces rapports et voir si on peut les classer à leur tour sous une seule et même notion. — La définition vraie de la chose, la définition vraie de l'espèce ou du genre, si des espèces distinctes on peut remonter à un genre commun.

§ 22. Deux espèces distinctes, qui ne peuvent pas être réunie sous un seul et même genre.

§ 23. C'est que toute définition est toujours universelle, avec Averroès et Zabarella, je crois qu'il vaut mieux faire rapporter ce § à celui qui précède, plutôt que de le prendre comme l'énoncé d'une règle générale. Comme la définition doit toujours s'appliquer au défini tout entier, et qu'ici la définition ne comprend pas la magnanimité tout entière, il s'ensuit qu'il faut distinguer deux sortes de magnanimité. Du reste rien n'empêche de regarder la règle énoncée ici comme étant à la fois générale pour toute définition, et spéciale pour les deux définitions précédentes.

§ 24. Des choses particulières aux choses universelles, des individus aux espèces, des espèces aux genres. — Qui n'ont plus de différences entre elles, soit les individus qui ne diffèrent plus en espèces, soit les espèces qui ne diffèrent plus en genres.

§ 25. De chacune des choses particulières, soit individus, soit espèces. — Et par exemple définir non pas toute ressemblance, et, s'il s'agit, par exemple, de définir la ressemblance, il ne faut pas la définir d'abord d'une manière générale, mais la définir séparément dans chaque genre où elle se trouve, dans les couleurs, dans les figures, etc. — Comme l'aigu, et s'il s'agit de définir l'aigu, il faut le définir séparément dans chaque genre où il se trouve, dans les sons, dans les corps, dans les sensations de diverse nature, etc.

§ 26. La métaphore dans la discussion dialectique, voir les Topiques, liv. VI, ch. 2, § 4.
 

 

CHAPITRE XIV.

Règles pour déterminer le sujet dont il faut démontrer un attribut :

1° Quand ce sujet est un genre qui porte un nom commun aux espèces que ce genre renferme.

2° Quand ce sujet est un genre qui n'a point reçu de nom spécial, mais dont les attributs sont communs.

3° Quand ce sujet n'est un ni par le nom ni par l'essence, mais seulement par analogie.

 

§ 1. [98b] Pour bien établir les questions qu'on doit démontrer, il faut choisir les sections et les divisions ; il faut, en admettant d'abord le genre, choisir l'attribut commun de tous les êtres que l'on étudie, de telle sorte, que, si ces êtres par exemple sont des animaux, on suppose d'abord les attributs qui appartiennent à tut animal. Ceux-ci une fois admis, il faut chercher, pour le premier de tous les termes qui restent, les attributs qui appartiennent à ce terme tout entier ; et, par exemple, s'il s'agit de l'oiseau, il faut de nouveau rechercher quels sont les attributs de tout oiseau. On doit toujours continuer de même, en allant de proche en proche ; car évidemment il nous sera possible alors de dire la cause de tous les attributs des êtres placés sous le genre commun, et par exemple pourquoi les attributs de l'animal sont à l'homme ou au cheval. Soit donc l'animal A; B, les attributs appartenant à tout animal; et C D E certaines espèces d'animaux. On voit clairement pourquoi B est à D ; c'est par A. Et de même pour les autres espèces ; car le raisonnement serait identique pour tout le reste. Nous venons ici de parler seulement des noms qu'on appelle noms communs.

§ 2. Mais ce n'est pas uniquement à ceux-là qu'il faut regarder. Si l'on découvre encore quelque chose de commun autre que le nom, il faut, après l'avoir pris, voir ensuite ce dont il est le conséquent et ce qui en est le conséquent. Par exemple, pour les animaux qui ont des cornes, c'est un conséquent des cornes que d'avoir un estomac ruminant et de n'avoir pas de dents aux deux parties de la mâchoire ; mais il faut en outre ici rechercher ce dont avoir des cornes est conséquent ; alors on verra évidemment pourquoi la propriété en question appartient à ces animaux ; car ce sera, précisément parce qu'ils ont des cornes.

§ 3. Il est encore un autre moyen que celui-ci, c'est de choisir d'après l'analogie; car il n'est pas possible, par exemple, de trouver un seul et même terme qui exprime les idées d'arêtes, d'épines et d'os, et pourtant toutes ces choses ont certains attributs qui leur appartiennent en commun, comme si elles étaient toutes trois d'une seule et même nature.

§ 1. Pour bien établir les questions qu'on doit démontrer, j'ai été un peu plus précis que le texte qui dit seulement : pour avoir les questions. Si l'on a une conclusion donnée à démontrer, il faut, pour trouver la cause, et, par conséquent, le moyen terme de la démonstration, voir quelles sont les divisions et les espèces du genre auquel appartient le sujet ; puis, il faut rechercher si l'attribut à démontrer se trouve parmi les attributs essentiels de ce genre ; et, s'il y est, c'est par ce genre qu'on démontrera l'attribut donné du sujet donné. — Il faut choisir les sections, quand un tout est divisé dans ses parties. — Les divisions, quand un genre est divisé dans ses espèces. — En admettant d'abord le genre, dans lequel est compris le sujet de la conclusion. On arrive ainsi à connaître le primitif auquel s'applique l'attribut. -- Pour le premier de tous les termes qui restent, c'est-dire, pour le sujet de la conclusion donnée ; on passera ensuite à un second sujet, s'il y a deux conclusions; puis à un troisième, etc. -- En allant de proche en proche, en descendant d'espèces plus étendues à des espèces qui le sont moins, les premières étant genres relativement aux secondes. -- La cause de tous les attributs, ce sera le genre lui-même sous lequel les espèces sont placées. — B est à D, ou à C, ou à E. -- Et de même pour les autres espèces, sur trois Aristote n'en a, en effet, cité qu'une seule. -- Qu'on appelle noms communs, le nom spécial du genre est commun à toutes les espèces : animal, par exemple, est un nom commun parce qu'il s'étend à l'homme, au cheval, au boeuf, etc.

§ 2. Ce n'est pas uniquement à ceux-là, il peut se faire que le genre n'ait point un mot unique pour nom, et que son nom soit composé de plusieurs mots. La règle n'en est pas moins applicable. — Quelque chose de commun autre que le nom, une qualité commune qui n'est point exprimée par un mot générique. — Ce dont il est le conséquent, toutes les espèces auxquelles appartient cette qualité. -- Ce qui en est le conséquent, toutes les propriétés qui suivent celle-là, comme d'avoir un estomac ruminant, de n'avoir point de dents à la mâchoire supérieure. -- Ce dont avoir des cornes est conséquent, c'est-à-dire, les animaux qui ont des cornes. Parce qu'ils ont des cornes, Zabarella remarque, avec raison, qu'il ne faut point comprendre ici' qu'il s'agisse de la cause qui fait que certains animaux ont des cornes : seulement il faut entendre que c'est seulement en tant qu'animaux à cornes qu'ils ont un estomac ruminant et le système dentaire établi d'une certaine façon. Le syllogisme se construirait ainsi : Toutes les bêtes à cornes ruminent; or, le boeuf, la chèvre, le mouton, etc., ont des cornes ; donc le boeuf, la 'chèvre, le mouton, etc., ruminent.

§ 3. C'est de choisir, le sujet auquel s'applique l'attribut qu'on doit démontrer.— Toutes ces choses ont certains attributs, et, par conséquent, la réunion de ces choses peut former un sujet unique dont on pourrait démontrer les attributs. Il est assez difficile de rattacher la théorie de ce chapitre aux théories précédentes : Zabarella croit qu'elle est le complément de celle qui a été présentée dans le premier livre, ch. 4 et 5, sur la forme des propositions démonstratives. Pacius pense, avec plus de raison, qu'après la théorie de la définition doit suivre la théorie de la cause, et qu'après avoir montré comment on peut trouver la première, il ne reste plus qu'à donner, par la découverte de la seconde, les moyens de démontrer. Ce chapitre 14, qui traite du vrai sujet de la démonstration, n'est donc qu'une préparation aux suivants où il est traité du moyen terme de la démonstration, ou de la cause. De plus, il est une conséquence du précédent, puisqu'une fois qu'on sait ce qu'est la chose, il ne reste plus qu'à prouver pourquoi elle est ce qu'elle est.

 

CHAPITRE XV.

Rapport des questions entre elles relativement à leurs termes moyens :

1° Deux ou plusieurs questions peuvent avoir un seul moyen terme identique pour toutes ;

2° Elles peuvent avoir un moyen terme identique en genre et différent en espèce.

3° Le moyen terme de l'une peut être subordonné au moyen terme de l'autre et en dépendre.

 

§ 1. Parmi les questions à prouver, les unes sont identiques parce qu'elles ont un même terme moyen, c'est par exemple quand on dit d'un certain ordre de faits que tous sont le résultat d'une répercussion.

Et parmi ces questions, quelques-unes sont identiques seulement en genre, et ce sont celles qui ne diffèrent entre elles que parce qu'elles sont relatives à d'autres choses, ou parce que les faits se passent autrement. Par exemple, pourquoi y a-t-il de l'écho, ou pourquoi l'image paraît-elle dans le miroir, ou pourquoi l'arc-en-ciel se produit-il ? Toutes ces questions en effet ne sont génériquement qu'une même question, puisque tous ces phénomènes ne sont que des effets de réfraction ; mais elles différent en espèces.

En second lieu, certaines questions diffèrent uniquement en ce que le terme moyen de l'une est subordonné au terme moyen (le l'autre. Par exemple, pourquoi le Nil coule-t-il plus abondamment à la fin du mois? C'est que le mois est plus humide quand il est à son terme. Mais pourquoi sur la fin le mois est-il ainsi? C'est parce que la lune disparaît. Et en effet, le rapport de ces phénomènes entre eux est celui que nous indiquons.

§ 1. Parce qu'elles ont un même terme moyen, lorsque deux ou plusieurs conclusions différentes peuvent se démontrer par un même terme moyen, on dit que les conclusions sont identiques, en tant qu'elles n'ont qu'une seule et même cause. -- Le résultat d'une répercussion, les phénomènes qui pourraient être expliqués par une répercussion seraient, par exemple, les suivants, que j'emprunte aux commentateurs, et en particulier à Philopon : Pourquoi, en hiver, digère-t-on mieux ? Pourquoi respire-t-on plus fort pendant le sommeil ? Pourquoi les lieux souterrains sont-ils plus chauds dans l'hiver? Tous ces faits peuvent s'expliquer par la répercussion intérieure de la chaleur. Ainsi, la répercussion, en admettant que cette explication soit la bonne, est la cause de ces phénomènes ; elle pourrait servir comme cause à les démontrer tous; donc toutes ces questions sont identiques par leur moyen terme. -- Et parmi ces questions, qui sont identiques par le terme qui sert à les démontrer. --- Sont identiques en genre seulement, ou mieux, ont des moyens termes qui sont identiques en genre, bien que différents en espèce. -- Des effets de réfraction, ici le son qui se brise contre les parois de quelque corps ; là, les rayons lumineux partis de l'objet, qui reviennent à l'oeil de l'observateur, après avoir frappé le miroir; et enfin, les rayons du soleil qui se brisent dans les vapeurs qui forment les nuages. —Elles diffèrent en espèce, le genre est le même, puisque c'est toujours la réfraction ; mais les espèces sont différentes, puisqu'il y a réfraction de son, réfraction de rayons lumineux, réfraction de rayons solaires. -- En second lieu, les questions peuvent être dites identiques, 1° lorsque le moyen est le même, soit en genre et en espèce, soit en genre seulement ; 2° lorsque le moyen de l'une est subordonné au moyen de l'autre. — Le rapport de ces phénomènes, ainsi, la cause du grossissement du Nil, c'est qu'il pleut; la cause de la pluie, c'est la disparition de la lune ; donc la disparition de la lune est la cause éloignée du grossissement des eaux, comme la pluie en est la cause immédiate. On peut donc dire de ces questions : Pourquoi le Nil grossit-il? et pourquoi pleut-il ? qu'elles sont identiques, en tant que la cause qui répond à la première est subordonnée à la cause qui répond à la seconde. — Il s'agit du reste ici de mois lunaires.

 

SECTION QUATRIÈME.

RAPPORTS

DE LA CAUSE ET DE L'EFFET DANS LES DÉMONSTRATIONS.

CHAPITRE XVI.

La cause et l'effet peuvent 'se démontrer réciproquement l'un par l'autre.

1re Objection : Si la cause et l'effet se démontrent l'un par l'autre, les démonstrations seront circulaires. -- Réponse : les démonstrations ne seront pas circulaires ; car elles ne seront pas semblables, l'une prouvera le fait, et l'autre la cause du fait.

2e Objection. Un même effet peut avoir plusieurs causes, et alors, on ne sait laquelle des causes on doit démontrer par cet effet. — Réponse : Un effet n'a jamais qu'une cause qui lui soit vraiment égale, parce qu'il faut que le terme moyen soit universel comme la conclusion.

 

§ 1. Quant à la cause et à l'effet dont elle est cause, on peut douter si lorsque l'effet causé existe, la cause existe aussi; et, par exemple, l'arbre perdant [99a] ses feuilles: ou la lune s'éclipsant, on peut douter si la cause qui fait tomber les feuilles et celle qui produit l'éclipse existent; et pour l'arbre la cause est, si l'on veut, d'avoir des feuilles larges, et pour l'éclipse que la terre s'intepose. Si ces causes n'existent point, il y en aurait donc d'autres que celles qu'on a indiquées; mais si la cause existe, l'effet qu'elle cause existe en même temps qu'elle et, par exemple, quand la terre est interposée, la lune s'éclipse; et l'arbre perd ses feuilles, quand il a des feuille larges.

§ 2. S'il en est ainsi, la cause et l'effet existeront en même temps, et ils pourront se démontrer l'un par l'autre. En effet, soit le phénomène de perdre ses feuilles représenté par A; avoir des feuilles larges représenté par B, et la vigne par C. Si A est à B, attendu que tout arbre à feuilles larges perd ses feuilles, et si B est à C, attendu que toute vigne a des feuilles larges, on en conclut que A est à c, c'est-à-dire que toute vigne perd ses feuilles-; et la cause est ici B qui est le terme moyen. Réciproquement, on peut démontrer que la vigne a des feuilles larges par ce moyen terme, perdre ses feuilles. Soit D, plante à feuilles larges, E, perdre ses feuilles, et la vigne, F. E est à F, puisque toute vigne perd ses feuilles, et D est à E, puisque tout arbre qui perd ses feuilles est un arbre à feuilles larges. Donc toute vigne est à feuilles larges; et la cause de cette conclusion, c'est la perte même de ses feuilles.

§ 3. Mais si ces termes ne peuvent être mutuellement causes les uns des autres, la cause étant toujours antérieure à ce dont elle est cause, et l'interposition de la terre étant la cause de l'éclipse, loin que l'éclipse soit cause de l'interposition; si, en outre, la démonstration qui se fait par la cause, démontre pourquoi la chose est, tandis que celle qui ne se fait pas par la cause  démontre seulement que la chose est ; et, par exemple, l'on sait seulement que la terre est interposée, sans savoir pourquoi elle l'est ; car il est évident que l'éclipse n'est pas la cause de l'interposition- de la terre, mais qu'au contraire c'est l'interposition de la terre qui est cause de l'éclipse, puisque, dans la définition même de l'éclipse, il faut essentiellement faire entrer l'interposition de la terre ; il en résulte clairement que l'effet est connu au moyen de la cause, et que la cause ne l'est pas au moyen de l'effet.

§ 4. Mais un seul et même effet ne peut-il pas avoir plusieurs causes? Sans aucun doute, et c'est quand il est possible qu'une même chose soit attribuée immédiatement à plusieurs. Soit A attribué à B immédiatement et à C immédiatement aussi : soit en outre ces deux derniers termes attribués à DE. A sera donc à D E; mais c'est B qui est cause qu'il est à D, et C qu'il est à E. Ainsi donc, du moment que la cause existe, il y a nécessité que l'effet existe aussi ; mais, l'effet existant, il n'y a pas nécessité que tout ce qui peut en être cause existe. Il faut bien qu'il y ait une cause à cet effet, mais il n'est pas besoin que toutes les causes de cet effet existent.

§ 5. On peut répondre : Si la question est universelle,  il faut aussi que la cause soit entière et universelle; et l'effet dont elle est cause doit être également universel. Par exemple, perdre ses feuilles est l'attribut d'un certain genre d'êtres déterminé, bien que ce genre d'ailleurs ait plusieurs espèces; et cet attribut appartient aussi à toutes les espèces universellement, soit aux plantes, soit à toutes les plantes de telle espèce. Dans ces cas divers, il faut donc. que le moyen, et ce dont il est cause, soient d'étendue égale, et que ces deux termes puissent être pris réciproquement l'un pour l'autre. Ainsi, pourquoi les arbres perdent-ils leurs feuilles ? En admettant comme cause la coagulation de l'humidité, soit que les arbres perdent leurs feuilles, il faut que la coagulation ait lieu ; soit que la coagulation ait lieu, non pas pour une chose quelconque, mais pour l'arbre, il faut que l'arbre perde ses feuilles.

§ 1. On peut douter si..., en d'autres termes, peut-on démontrer la cause par l'effet, de même qu'on démontre l'effet par la cause? De l'effet, peut-on conclure à la cause nécessairement, comme de la cause on conclut nécessairement à l'effet? — Si l'on veut, plus bas, § 5, il donnera une autre cause à la chute des feuilles, la coagulation de l'humidité. -- Si ces causes n'existent point, si, lorsque les effets existant, on ne peut pas conclure à l'existence des causes, il faut qu'il y ait d'autres causes que celles qu'on a d'abord indiquées ; car il n'y a pas d'effet sans cause. Il y en aurait donc d'autres, ce qui est contre l'hypothèse. — Si la cause existe, on peut toujours conclure de la cause à l'effet. — Quand il a les feuilles larges, en supposant toujours que ce soit là la vraie cause de la chute des feuilles. Ainsi, quand on connaît la cause, on connaît l'effet; et, réciproquement, quand on connaît l'effet, on connaît la cause ; mais alors on ne connaît pas la cause démonstrativement.

§ 2. S'il en est ainsi, si le rapport de la cause à l'effet est bien celui qu'on vient de dire -- Se démontrer l'un par l'autre, première objection : la démonstration serait alors circulaire, théorie qui a été combattue au ch. 3 du 1er livre. -  En effet, soit le phénomène. Voici le premier syllogisme, où l'effet est prouvé par la cause : Tout végétal à feuilles larges perd ses feuilles or la vigne a ses feuilles larges donc la vigne perd ses feuilles. – Et réciproquement, second syllogisme, où la cause est prouvée pas l'effet : Tout végétal qui perd se feuilles a des feuilles larges ; or la vigne perd ses feuilles ; donc la vigne a ses feuilles larges. — E est à F, mineure. -- Et D est à E majeure. Aristote a changé les lettres, afin de mieux distinguer les deux démonstrations.— Donc toute vigne est à feuilles larges, conclusion. — La cause de cette conclusion, le texte dit seulement : la cause; j'ai ajouté : de cette conclusion, parce que le moyen n'est pas la cause réelle du phénomène; mais il est seulement la cause de la conclusion syllogistique.

§ 3. Mais si, réponse à cette première objection : On ne peut pas dire que ces démonstrations soient circulaires ; car les deux démonstrations ne sont pas pareilles : d'une part, le moyen terme est antérieur; et de l'autre, il est postérieur à l'attribut qu'il démontre ; de plus, dans un cas on démontre la cause, dans l'autre on ne démontre que l'effet ; donc on ne doit pas dire que la démonstration est circulaire ; pour qu'elle le soit, il faudrait que les deux démonstrations s'appliquassent tontes deux à la cause. -- Il y a seulement le retour, ou, comme disent les scholastiques, regressus, de l'effet à la cause, après qu'on est allé d'abord de la cause à l'effet. -- Que l'effet est connu, il faut ajouter : démonstrativement.

§ 4. Mais un seul et même effet, seconde objection : Un même effet peut avoir plusieurs causes ; et dans ce cas, comment savoir quelle est la cause qu'on doit prendre pour démontrer l'effet ? L'effet alors n'est réciproque à aucune de ses causes, et on ne peut le prendre pour prouver chacune d'elles. -- A attribué à B, A est l'effet, B une cause à laquelle il est attribué immédiatement, C une autre cause ; D et E sont des sujets auxquels est A par ces deux causes. — Ainsi donc, du moment qu'une des causes existe, l'effet existe nécessairement. Mais quand on n'a que l'effet, on ne sait alors à laquelle des deux causes le rapporter, puisqu'il peut être également produit par l'une ou par l'autre. Tout ce qui peut en are cause, soit B, soit C.

§ 5. On peut répondre, réponse à la seconde objection : Un effet n'a jamais qu'une seule cause qui lui soit adéquate. J'ai cru devoir être plus précis que le texte qui procède par interrogation seulement, et marquer mieux qu'il ne le fait que c'est là une réponse à l'objection précédente. -- Si la question est universelle, toute conclusion démonstrative . doit être universelle, au sens des ch. 4 et 6 du premier livre. -- Que la cause soit entière, que le terme moyen s'applique tout entier au mineur. — Et l'effet dont elle est cause, la majeure doit être universelle puisque l'effet y est attribué à la cause. Le moyen et ce dont il est cause, la cause et l'effet. — La coagulation de l'humidité, cause plus vraie que celle qui a été indiquée au §1. -- Soit que les arbres perdent leurs feuilles, soit qu'on démontre la cause par l'effet. --- Soit que la coagulation ait lieu, soit qu'on démontre l'effet par la cause, parce que l'effet est parfaitement adéquat à la cause.

 

CHAPITRE XVII.

Un même effet peut-il avoir plusieurs causes. dans plusieurs sujets différents ?

1° Quand l'effet est un attribut essentiel de la chose et qu'il est démontré comme tel, il ne peut y avoir qu'une seule cause de cet effet, même dans des sujets différents.

Quand l'effet n'est qu'un attribut accidentel de la chose, il peut avoir des causes diverses dans des sujets différents.

Dans les questions qui portent sur un attribut accidentel de la chose, et non sur un attribut universel, le moyen terme est toujours semblable aux extrêmes, ou homonyme comme eux, ou s'adressant comme eux à l'espèce et non au genre primitif. -- Exemples de ces deux sortes de questions.

Dans les questions universelles, le sujet, la cause et l'attribut sont des termes réciproques ; dans les questions d'accident; cette réciprocité des trois termes ne peut avoir lieu parce que l'attribut s'adresse non plus au sujet primitif, mais à des espèces de ce sujet. -- Exemple général par les lettres.

Dans ce dernier cas, il peut y avoir plusieurs causes d'un même effet, et ces causes peuvent être subordonnées ; le moyen terme pour la démonstration particulière est la cause la plus rapprochée des espèces.

 

§ 1. [99b] La cause d'un même attribut peut-elle ne pas être la même pour tous les sujets et être différente, ou bien ne le peut-elle pas?

§ 2. Quand l'attribut démontré est essentiel à la chose, c'est-à-dire, s'il n'es démontré ni comme signe, ni comme accident de la chose, n'est-il pas impossible que la cause ne soit pas la même, puisque la définition de l'extrême est le moyen terme? ou bien cela se peut-il, quand l'attribut démontré n'est pas essentiel?

§ 3. II est possible d'étudier seulement sous le rapport de l'accident et ce dont la cause est cause, et ce relativement à quoi elle est cause; mais ce ne sont pas là, à ce qu'il semble, des questions proprement dites.

§ 4. Si l'on fait des questions de ce genre, le moyen sera semblable aux extrêmes. S'ils sont homonymes, le moyen sera homonyme; et s'ils sont considérés comme compris dans un genre, il en sera de même pour le moyen. Ainsi, par exemple, pourquoi dans certaines choses y a-t-il proportion multiple ? Sans aucun doute, la cause est différente pour les ligues et pour les nombres, mais au fond c'est la même cause. En tant que ce sont des nombres dont il s'agit, elle est différente; mais en tant que cette proportion est un accroissement de telle espèce, la cause est parfaitement identique. Il en est de même pour tous les autres cas. Mais c'est une cause différente, seulement parce qu'elle est dans un objet différent, que celle qui fait que la couleur est semblable à la couleur, et la figure est semblable à la figure, puisque semblable est un terme homonyme pour ces deux cas. D'une part, dans les figures, la ressemblance consiste peut-être à avoir les côtés proportionnels et les angles égaux ; d'autre part, dans les couleurs, la ressemblance consiste à ce que la sensation qu'elles produisent soit tout à fait pareille, ou telle autre explication de ce genre. Ainsi les choses qui ne sont identiques que proportionnellement, auront aussi un terme moyen proportionnellement identique.

§ 5. Il est bien vrai que la cause, et ce dont elle est cause, et ce relativement à quoi elle est cause, sont des termes qui se suivent réciproquement; mais en prenant des cas particuliers, ce dont la cause est cause a plus d'extension. Ainsi, par exemple, avoir les angles extérieurs égaux à quatre angles droits est un attribut qui dépasse le triangle ou le quadrilatère ; mais c'est un attribut égal en extension à tous les sujets, c'est-à-dire, à toutes les figures qui ont les angles extérieurs égaux à quatre angles droits; et il en est de même du terme moyen.

§ 6. Or, le moyen terme est la définition du premier extrême, et voilà pourquoi toute science s'obtient par des définitions. Ainsi, perdre ses feuilles est à la fois un conséquent de la vigne, et un terme plus étendu qu'elle; car c'est encore un conséquent du figuier, bien qu'il soit également plus étendu que lui. Pourtant cet attribut, loin de dépasser tous ces termes pris ensemble, leur est parfaitement. égal. Si donc l'on prend le terme moyen primitif, il sera la définition même de l'attribut, perdre ses feuilles. En effet, il y aura bien dans l'autre cas un moyen primitif qui sera que ces arbres sont tous faits de telle façon. Mais ensuite le moyen de cette proposition elle-même sera que l'humidité se coagule, ou telle autre explication. Qu'est-ce donc alors que perdre ses feuilles? Ce n'est pas autre chose que la coagulation du suc générateur dans la commissure de la feuille à la branche,

§ 7. Pour exprimer par les figures la liaison de la cause et de ce dont elle est cause, voici comment on procédera. Soit supposé A à tout B, et B à chacun des D, et plus étendu que chacun d'eux : B sera donc universellement aux D ; car j'appelle universel ce qui n'est pas réciproque, et primitif universel, ce à quoi chaque terme isolé n'est pas réciproque, mais ce à quoi tous pris ensemble sont réciproques parce qu'ils ne le dépassent pas. Ainsi B est cause que A est aux D. Il faut donc que A soit plus étendu que B, autrement pourquoi celui-ci serait-il cause de celui-là plutôt que celui-là de celui-ci? Si donc A est à tous les E, tous ensemble ils formeront une unité différente de B. Sinon comment pourrait-on dire que A est à tout ce à quoi est E, et que E n'est pas à tout ce à quoi est A? Pourquoi n'y aurait-il pas quelque cause comme celle qui fait que A est à tous les D ? Mais les E formeront-ils aussi quelque unité ? C'est là ce qu'il faut examiner ; et supposons que ce soit, par exemple, C. On sait qu'il peut y avoir plusieurs causes d'une même chose, mais non pas cependant pour des sujets identiques en espèce. Ainsi, par exemple, la cause de la longévité, c'est pour les quadrupèdes de n'avoir pas de fiel; et pour les oiseau, c'est d'être secs, ou telle autre raison.

§ 8. Mais si l'on ne parvient pas sur-le-champ à un terme indivisible, et qu'il y ait plusieurs moyens au lieu d'un seul, c'est-à-dire qu'il y ait plusieurs causes, parmi ces moyens termes, quel est celui qui est cause pour les individus? Est-ce celui qui se rapproche le plus du primitif universel, ou celui qui se rapproche davantage des individus?

§ 9. Il est évident que ce sont les moyens qui sont les plus proches des individus dont ils sont causes; car ce sont eux qui font que le primitif est contenu sous l'universel; par exemple, C'est cause que B est à D; donc C est cause que A est à D. C'est B qui est cause que A est à C, et B est cause lui-même que A est à lui.

§ 1. Peut-elle ne pas être la même, c'est la question posée au chapitre précédent, § 4, et à laquelle Aristote répond ici. Soit donc un attribut, qui est un effet, attribué à plusieurs sujets différents. Cet attribut peut-il avoir plusieurs causes, différentes selon les sujets, ou bien n'en a-t-il qu'une seule, malgré la diversité des sujets? — Pour tous les sujets, j'ai cru, comme je l'ai déjà fait souvent, devoir être plus pré¬cis que le texte, qui dit seulement: La cause d'une même chose peut-elle ne pas être la même pour toutes les choses? etc.

§ 2. Quand l'attribut, réponse : Quand l'attribut démontré est essentiel et que la démonstration se fait en soi, et non par l'accident ou le signe de la chose, il n'est pas possible que cet attribut soit démontré par plusieurs causes, même dans des sujets différents. Il est à tous ces sujets par une seule et même cause. — Puisque la définition de l'extrême est le moyen terme, en effet, comme dans la démonstration essentielle, le moyen est toujours la définition du grand extrême ; et comme une chose ne peut nécessairement avoir qu'une seule définition, comme elle n'a qu'une seule essence, il s'ensuit que le moyen terme ou la cause pour l'attribut démontré de plusieurs sujets, est une seule et même cause, un seul et même moyen. Voir plus haut, ch. V, § 11. -- Ou bien cela se peut-il, c'est-à-dire se peut-il que la cause varie avec les sujets quand l'attribut n'est pas essentiel non plus que la démonstration?

§ 3. Sous le rapport de l'accident, il est possible que la conclusion, la question, au lieu d'être universelle, comme elle doit toujours l'être dans une vraie démonstration, ne soit qu'accidentelle : c'est-à-dire que l'attribut ne soit pas essentiel au sujet et ne lui soit point, par conséquent, universellement attribué. — Ce dont la cause est cause, le grand extrême ou l'attribut. -- Et ce relativement à quoi elle est cause, le petit extrême ou le sujet. — Des questions proprement dites, au sens que l'on a indiqué plus haut, chap. 16, § 5. Les vraies questions démonstratives sont universelles.

§ 4. Des questions de ce genre, des questions accidentelles et non universelles. La question peut être accidentelle de deux façons : d'abord, si l'attribut démontré est un mot homonyme, à plusieurs sens, le moyen sera de même un mot à plusieurs sens; et si, en second lieu, l'attribut est attribué, non au primitif, mais à une espèce de ce primitif, la cause sera spécifique et non générale. — Et s'ils sont considérés nomme compris dans un genre, c'est-à-dire si le sujet, au lieu d'être genre lui-même, fait partie d'un genre dont il est une espèce.— Ainsi, par exemple, premier exemple de la seconde espèce de question accidentelle : les sujets sont des espèces, et non point des genres. — Proportion multiple, proportion par équiquotient, de telle sorte qu'on peut changer les termes du rapport sans que le rap¬port change : le premier est au deuxième comme le troisième est au quatrième; ou bien : le premier est au troisième comme le deuxième est au quatrième, etc. La proportion est multiple parce qu'on la fait permuter de plusieurs façons. — Pour les lignes et pour les nombres, selon que ce sont des lignes ou des nombres qu'on met en proportion. — Un accroissement de telle espèce, ce serait là, si l'on veut, le genre dont l'accroissement . des lignes, ou celui des nombres, ne serait que des espèces.— Mais c'est une cause différente, exemple de la première espèce de question accidentelle : l'attribut est homonyme; la cause l'est comme lui. — La ressemblance consiste peut-être, c'est encore aujourd'hui la définition que la géométrie donne des figures semblables. Le doute même d'Aristote semblerait prouver que c'est à lui qu'il faut rapporter cette définition. — Qui ne sont identiques que proportionnellement, identiques sous un certain point de vue, comme la ressemblance dans les couleurs n'est identique que sous un certain point de vue, à la ressemblance dans les figures.— Un terme proportionnellement identique, c'est-à-dire homonyme.

§ 5. Il est bien vrai. Quelques manuscrits, qu'a suivis Pacius, donnent une autre leçon, qui peut aussi être adoptée : Il en est ainsi parce que la cause, etc. J'ai adopté là leçon de Zabarella, qu'a conservée aussi l'édition de Berlin.— La cause et ce dont elle est cause, la cause, l'attribut, et le sujet, sont trois termes d'extension égale dans la dé¬monstration proprement dite. Voir plus haut, ch. 16, § 5.-- Mais en prenant des cas particuliers, c'est-à-dire, quand la démonstration n'est pas universelle, et que le sujet, au lieu d'être le genre primitif, n'en est qu'une espèce. — Ce dont la cause est cause, l'attribut. — A plus d'extension, que le sujet. — Avoir les angles extérieurs, les angles formés sur la ligne d'un seul côté, par le prolongement des deux autres lignes : parce qu'une ligne droite tombant sur une autre, for-me toujours avec elle deux angles équivalant à deux droits. — A tous les sujets, c'est-à-dire, à toutes les figures rectilignes, ou à la figure rectiligne en général. — Il en est de même du terme moyen, c'est-à-dire il est égal en extension aux extrêmes.

§ 6. La définition du premier extrême, le moyen est la définition de l'attribut ; voir plus haut, § 9. — Toute science, sous-entendez : obtenue par démonstration. Le texte dit : toutes les sciences  J'ai préféré le singulier, comme plus clair. — Est un conséquent de la vigne, est un attribut universel de la vigne. -- Tous ces termes pris ensemble, toutes les espèces de plantes qui perdent leurs feuilles. — Leur est parfaitement égal, a la même extension qu'eux. — Le terme moyen primitif, la cause adéquate à l'effet. -- Il y aura bien, dans l'autre cas, il faut distinguer ici deux syllogismes, dont l'un a son moyen terme primitif relativement au sujet, et dont l'autre l'a primitif relativement à l'attribut. Voici le premier : Tout ce qui a de larges feuil-les perd ses feuilles,; or, la vigne a ses feuilles larges; donc elle perd ses feuilles. La cause ici est la largeur des feuilles, mais ce n'est pas la définition du grand extrême : la perte des feuilles; cette définition, c'est la coagulation du suc générateur; et c'est là la cause primitive de la chute des feuilles. Voici le second syllogisme : Toutes les plantes où le suc se coagule entre l'aisselle des feuilles et la tige perdent leurs feuilles; or, la vigne, le figuier, etc, sont des plantes où, etc ; donc la vigne, le figuier, etc., perdent leurs feuilles. — Sont tous faits de telle façon, c'est-à-dire, qu'ils ont les feuilles larges et sont des espèces dans le genre qui comprend toutes les plantes ainsi faites. — Le moyen de cette proposition elle-même, à savoir, que tous les arbres à larges feuilles perdent leurs feuilles. — Ou telle autre explication, parce qu'Aristote ne veut pas affirmer que ce soit là la vraie cause de la chute des feuilles. Voir plus haut, ch. 14, § 1.

§ 7. Par les figures, afin de traiter la question avec une complète généralité. — La liaison de la cause, pour montrer qu'un même effet peut avoir plusieurs causes. — Soit supposé A, il y a ici deux syllogismes dont l'attribut est le même, mais dont les moyens et les sujets sont différents. A est l'attribut, c'est-à-dire, l'effet à démontrer, B et C sont deux causes distinctes de cet effet; D et E sont deux sujets distincts auxquels A est attribué. L'effet n'est alors réciproque à aucune des deux causes ; car A peut être donné soit par B soit par C.. Voici les deux syllogismes : A est à tout B ; or, B est à, tout D ; donc A est à tout D. — A est à tout C ; or, C est à tout E; donc A est à tout E. — A à tout B, majeure du premier syllogisme. — Et B à chacun des D, mineure. -- Plus étendu que chacun d'eux, B sera égal au nombre total des espèces, au genre, mais sera par conséquent plus étendu que chacune des espèces prises à part. B sera donc universellement aux D, c'est-à-dire que la mineure peut être réciproque si D est le sujet, et n'être pas réciproque, si le sujet n'est qu'une espèce de D. C'est ce qu'Aristote entend par universel et primitif universel.— Parce qu'ils ne le dépassent pas, l'édition de Berlin supprime la négation d'après quelques manuscrits et ne cite même pas les variantes des autres. J'ai conservé la négation ; c'est la véritable leçon ; tous les commentateurs sont d'accord sur je sens; et si l'on supprime la négation, il faut donner au verbe grec une signification forcée qu'il ne peut avoir. -- Soit plus étendu que B, car on a supposé que A avait plusieurs causes, et que, par conséquent, il ne pouvait être réciproque avec son effet B. — Si donc A est à tous les E, second syllogisme. — Une unité différente de D, c'étaient tous les D qui, en se réunissant, formaient B ; tous les E, en se réunissant, formeront une totalité différente. — Comment pourrait-on dire que E n'est pas réciproque à A; ce qui est l'hypothèse, puisque A est aussi à D. -- Quelque cause, en d'autres termes, quelque moyen. -- Que ce soit par exemple C, cause et moyen terme dans ce second syllogisme. -- Il peut donc y avoir, résumé de l'exemple exposé par les lettres. — Mais non pas cependant pour des sujets identiques, ainsi D et E sont spécifiquement différents. — La cause de la longévité, longévité des quadrupèdes D, n'avoir pas de fiel B, oiseaux E, être secs C.

§ 8. A un terme indivisible, c'est-à-dire à une proposition immédiate. -- Parmi ces moyens termes, Pacius commence ici le chapitre 18 ; J'ai cru devoir plutôt suivre Zabarelia, qui ne voit ici, comme tous les autres commentateurs, que la continuation et la fin de ce qui précède. -- Pour les individus, ou les espèces telles que D ou E. — Se rapproche le plus du primitif universel, comme B de A. — Se rapproche davantage du individus, comme C de D.

§ 9. Il est évident, que, pour démontrer, il faut prendre la cause qui est la plus proche des individus, des espèces, et non celle qui est la plus rapprochée de l'attribut ou du genre. — Le primitif, c'est-à-dire, ici, les espèces. — Sous l'universel, c'est-à-dire, l'attribut. — Par exemple, si on veut démontrer A de D, il y a deux causes intermédiaires. B et C. C est sujet de B, comme B l'est de C. Laquelle doit-on prendre? C'est C, qui est plus près de D. — Et B est cause lui-même que A est à lui, c'est-à-dire, que AB est une proposition immédiate, et qu'il n'y a plus de cause ou moyen terme entre A et B.

CHAPITRE XVIII.

Résumé général des Analytiques Premiers et Derniers.

 

§ 1, On voit donc clairement pour le syllogisme et pour la démonstration ce qu'est chacun d'eux, et comment l'un et l'autre se forment. L'on voit en même temps ce que c'est que la science démontrée, laquelle se confond avec la démonstration elle-même.

§ 1. On voit donc clairement, voir les Premiers Analytiq., liv. I, c. 1, $1. La démonstration est le but commun des Premiers et des Derniers Analytiques; c'est, de plus, l'objet spécial des Derniers, comme le syllogisme a été l'objet spécial des Premiers.

 

SECTION CINQUIÈME.

DE L'ACQUISITION DES PRINCIPES.

CHAPITRE XIX.

Des principes : théorie générale du mode de connaissance par lequel on les acquiert, et de la faculté spéciale qui les connaît.

1° Les principes ne sont pas innés en nous, ils ne peuvent non plus venir de connaissances antérieures comme toute science produite par la démonstration. — Les principes nous viennent par la sensation; râle général de la sensibilité dans l'animal ; formation des universaux à la suite de la sensation.

La sensation contient toujours de l'universel : c'est par l'induction que l'esprit connaît les universaux, les principes.

2° L'entendement est la seule faculté qui soit en rapport avec les principes ; il n'y a pas de science proprement dite des principes, parce qu'il n'y a point de démonstration pour eux ; l'entendement est le principe de la science.

 

§ 1 . Quant à savoir comment les principes peuvent être connus, et quelle est la faculté qui nous les fait connaître, ce qui nous l'apprendra clairement, c'est la solution de quelques doutes qu'il nous faut d'abord discuter.

§ 2. Nous avons établi précédemment qu'il n'est possible de rien savoir par la démonstration, qu'à la condition de connaître les premiers principes, les principes immédiats.

§ 3. Mais cette connaissance des principes immédiats, peut-on se demander, est-elle ou n'est-elle pas de même nature que la connaissance des conclusions ? Y a-t-il science des uns et des autres, ou n'y en a-t-il point? Y a-t-il science pour celle-ci ; et quelque mode différent de connaissance pour ceux-là? Les facultés qui font connaître les principes sont-elles acquises par nous sans être en nous primitivement? ou bien, tout en étant en nous primitivement, demeurent elles d'abord cachées pour nous?

§ 4. Croire que nous les possédions ainsi, c'est chose absurde; car il s'ensuit que, tout en ayant des connaissances plus exactes que la démonstration elle-même, nous les ignorons; et d'autre part, si nous les acquérons sans les avoir antérieurement, comment pourrions-nous les connaître, comment pourrions-nous les apprendre sans, une connaissance antérieure ? C'est en effet ce qui est impossible, ainsi que nous l'avons fait voir aussi pour la démonstration. Donc, évidemment, il n'est possible, ni que nous ayons primitivement ces principes, ni qu'ils se forment en nous sans que nous en ayons aucune connaissance ni aucune faculté de les acquérir.

§ 5. Ainsi, il faut nécessairement que nous ayons quelque puissance de les acquérir, sans que cependant cette faculté possédée par nous soit supérieure en exactitude aux principes eux-mêmes. Or, c'est là en effet ce qui semble se retrouver dans tous les animaux; ils ont tous cette puissance innée de juger que l'on appelle sensibilité. La sensibilité étant une faculté innée de tous les animaux, elle est chez quelques-uns accompagnée de la persistance de la sensation, et chez certains autres elle ne l'est pas. Pour ceux en qui cette persistance n'a point lieu, la connaissance, soit d'une manière générale, soit du moins dans les cas où la perception est aussitôt effacée, ne va point en eux au-delà de la sensation même. D'autres, au contraire, conservent après la sensation quelque chose dans l'âme; et beaucoup d'animaux sont ainsi constitués. Mais il y a toutefois entre eux cette différence que, dans les uns, se forme la raison par cette persistance des sensations, et que dans les autres la raison ne se forme pas. Ainsi donc la mémoire, comme nous le disons, vient de la sensation, et de la mémoire plusieurs fois répétée d'une même chose vient l'expérience; car les souvenirs peuvent être numériquement très multipliés, mais l'expérience qu'ils forment est toujours une. De l'expérience, ou bien de tout l'universel qui s'est arrêté dans l'âme, unité, qui, outre les objets multiples subsiste toujours, et qui est une et identique dans tous ces objets, vient le principe de l'art et de la science : de l'art, s'il s'agit de produire des choses; de la science, s'il s'agit de connaître les choses qui sont.

§ 6. Ainsi donc ces connaissances des principes ne sont pas en nous toutes déterminées ; elles ne viennent pas non plus d'autres connaissances plus notoires qu'elles; elles viennent uniquement de la sensation. A la guerre, au milieu d'une déroute, quand un fuyard vient à s'arrêter, un autre s'arrête, puis un autre encore, jusqu'à ce que se reforme l'état primitif de l'armée; de même l'âme est ainsi faite qu'elle peut éprouver quelque chose de semblable.

§ 7. C'est ce qui déjà vient d'être dit. Mais comme cela ne l'a pas été très clairement, nous ne craindrons pas de le répéter. Au moment où l'une de ces idées qui n'offrent aucune différence entre elles, vient à s'arrêter dans l'âme, aussitôt l'âme a l'universel; l'être particulier est bien senti, mais la sensibilité s'élève jusqu'au général. C'est la sensation de l'homme, par exemple, et non pas de tel homme individuel, de Caillas. Ces idées servent donc de point d'arrêt jusqu'à ce que s'arrêtent aussi dans l'âme les idées indivises, c'est-à-dire, universelles. Ainsi, par exemple, s'arrête l'idée de tel animal jusqu'à ce que se forme l'idée d'animal, qui elle-même sert aussi de point d'arrêt à d'autres idées. Iτὸ Γ τὸ Β ἐνδέχεται, καὶ καθ´ οὗ τὸ Β τὸ Α, τίς ἔσται καὶ ποῖος συλλογισμός· οὕτω γὰρ αἱ προτάσεις ἀμφότεραι λαμβάνονται l est donc bien évident que c'est nécessairement l'induction qui nous fait connaître les principes; car c'est ainsi que la sensation elle-même produit en nous l'universel.

§ 8. Quant aux facultés de l'intelligence par lesquelles nous atteignons la vérité, comme les unes sont toujours vraies, et que les autres sont susceptibles d'erreur, par exemple l'opinion et le raisonnement, tandis que la science et l'entendement sont éternellement vraies; comme il n'y a pas d'espèce de connaissance autre que l'entendement qui soit plus exacte que la 'science ; comme en outre les principes sont plus évidents que les démonstrations, et que toute science est accompagnée de raisonnement, il s'ensuivrait que la science ne peut s'appliquer aux principes; mais comme il n'y a que l'entendement qui puisse être plus vrai que la science, c'est l'entendement qui s'applique aux principes. Tout ce qui précède le prouve, mais ce qui le prouve encore, c'est que le principe de la démonstration n'est pas une démonstration, et que par suite, le principe de la science n'est pas la science. Donc, si nous n'avons pas au-dessus de la science d'autre espèce de connaissance vraie, c'est l'entendement qui est le principe de la science. Or, le principe doit s'appliquer au principe, et la science est toujours dans un rapport semblable avec tous les objets qu'elle embrasse.
 

§ 1. Comment les principes peuvent être connus, la théorie de la connaissance des principes a été plusieurs fois réservée. Liv. I, chap. §§ 10 et 11, ch. 3, et ch. 9,  § 5.La démonstration tout entière consiste à savoir passer des principes à la conclusion. Cette méthode a rempli les Derniers Analytiques; reste à savoir ce que sont les principes, et ce dernier chapitre était indispensable pour compléter la théorie.

§ 2. Établi précédemment, liv. I, chap. 1 et 2. — Savoir par la démonstration.... connaîtra les premiers principes, il n'y a pas de science proprement dite pour les premiers principes; il y a pour eux un autre mode de connaissance. La science est la connaissance acquise par démonstration. Voir liv. I, c. 2, § 1.

§ 3. Y a-t-il science des uns, c'est-à-dire, peut-on démontrer les principes comme on démontre les conclusions. Y a-t-il science pour celles-ci, la science proprement dite s'applique exclusivement à la connaissance des conclusions démontrées. — D'abord, j'ai ajouté ce mot pour plus de clarté.

§ 4. Que nous les possédions ainsi, c'est-à-dire, bien qu'ils soient cachés pour nous. -- Plus exacts que la démonstration elle-même, voir liv. I, ch. 1, § 16. — Sans une connaissance antérieure, voir la théorie des notions antérieures, établie au début du 1er livre. Nous l'avons fait voir, liv. I, chap. 1, toute connaissance rationnelle est médiate.

§ 5. Soit supérieure en exactitude, ainsi la sensibilité est au-dessous de l'entendement, bien qu'elle lui fournisse les matériaux de la connaissance. -- Conservent quelque chose, ainsi la mémoire succède à la sensation chez quelques animaux, comme, chez quelques autres, à la mémoire succède la raison. — Comme nous le disons, comme nous venons de le dire. --- De la mémoire vient l'expéience, un peu plus haut, Aristote faisait succéder la raison à la mémoire; c'est qu'il comprend l'expérience et l'entendement sous le mot général de raison. — De tout l'universel, les souvenirs plusieurs fois répétés forment une connaissance universelle qui les comprend tous; ils se sont successivement effacés ; mais l'universel qu'ils ont produit s'est arrêté dans l'âme et y est demeuré. -- Outre les objets multiples, Aristote ne met pas l'universel en dehors des individus ; il ne le fait pas indépendant d'eux, comme l'a fait Platon. L'universel s'ajoute aux individus qui le constituent, il ne s'en sépare pas.

§ 6. Ces connaissances du principes, le texte dit seulement : les possessions, et, comme traduit la scholastique obscurément mais dans un exact mot à mot : habitus principiorum.

§ 7. Vient d'être dit, § 5, plus haut. — Qui n'offrent aucune différence, les individus qui sont tous identiques entre eux relativement à l'universel dont ils sont des parties. — L'être particulier est bien senti, Aristote distingue ici, comme il l'a déjà fait liv. II ch. 31, § 1, entre la faculté de sentir, la sensibilité qui s'adresse à l'universel, et l'acte de la sensation qui s'adresse au particulier. En voyant Callias, la sensibilité reconnaît que c'est un homme; et l'acte spécial de la sensation qui s'adresse à cet homme nous fait reconnaître que cet homme particulier est Callias. -- Les idées indivises, le texte dit : sans parties. L'universel est une totalité indivise qui se retrouve dans chaque être particulier ; mais ce n'est que peu à peu, et par suite des sensations particulières, que nous acquérons la notion complète de l'universel. -- A d'autres idées, qui sont plus générales que l'idée d'animal, et qui sont à cette idée comme à l'idée de tel animal particulier, cheval, homme, etc., est l'idée universelle d'animal. — C'est nécessairement l'induction, puisqu'on acquiert la notion -des principes en passant du particulier à l'universel voir liv. I, chap. 13.

§ 8. Quant aux facultés de l'intelligence, ce paragraphe répond à première question posée plus haut, § 3. — Par exemple, l'opinion, voir plus haut, liv. I, chap. 30, la distinction de la science et de l'opinion, et ch. 16, § 1, les erreurs du raisonnement. — Tandis que la science, obtenue par démonstration, la conclusion démontrée et la connaissance qu'elle produit. — Sont éternellement vraies, voir plus haut, liv. I, ch. 8. — Autre que l'entendement, au-dessus de cette faculté de l'âme qui nous donne la science, il n'y a plus que l'entendement, qui nous fournit les principes comme la science nous fournit les conclusions.— Plus évident que les démonstrations, c'est la théorie exposée liv. I, ch. 2 § 16. — Toute science est accompagnée de raisonnement, puisque la science ne s'acquiert que par démonstration. -- La science ne peut s'appliquer aux principes, il y a un mode spécial de connaissance par l'entendement et non plus par la science, — N'est pas une démonstration, en d'autres termes, que le principe duquel on est parti pour démontrer n'est pas démontrable. — Le principe de la science n'est pas la science, c'est l'entendement. — Or, le principe, doit s'appliquer au principe, l'entendement, principe de la science, doit s'appliquer aux principes d'où est tirée la conclusion, qui constitue la science. — Avec tous les objets qu'elle embrasse, la science est aux conclusions comme l'entendement est à la science.

FIN DU SECOND LIVRE ET FIN DES DERNIERS ANALYTIQUES.