Aristote : Premiers analytiques

ARISTOTE

 

PREMIERS ANALYTIQUES

LIVRE SECOND

SECTION PREMIERE.

PROPRIÉTÉS DU SYLLOGISME.

 

CHAPITRE PREMIER

livre I chapitre XLVI - livre II chapitre II

 

 

 

PREMIERS ANALYTIQUES

 

 

 

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PREMIERS ANALYTIQUES.

LIVRE SECOND.

SECTION PREMIERE.

PROPRIÉTÉS DU SYLLOGISME.

CHAPITRE PREMIER.

Un même Syllogisme peut avoir plusieurs conclusions différentes: d'abord par la conversion de la conclusion, puis par l'exposition des termes contenus sous le moyen et le mineur. — Conclusions universelles de la première et de la seconde figures. — Conclusions particulières des trois figures.

Β 1 Ἐν πόσοις μὲν οὖν σχήμασι καὶ διὰ ποίων καὶ πόσων προτάσεων καὶ πότε καὶ πῶς γίνεται συλλογισμός, ἔτι δ´ εἰς ποῖα βλεπτέον ἀνασκευάζοντι καὶ κατασκευάζοντι, καὶ πῶς δεῖ ζητεῖν περὶ τοῦ προκειμένου καθ´ ὁποιανοῦν μέθοδον, ἔτι δὲ διὰ ποίας ὁδοῦ ληψόμεθα τὰς περὶ ἕκαστον ἀρχάς, ἤδη διεληλύθαμεν. 2 πεὶ δ´ οἱ μὲν καθόλου τῶν συλλογισμῶν εἰσὶν οἱ δὲ κατὰ μέρος, οἱ μὲν καθόλου πάντες αἰεὶ πλείω συλλογίζονται, τῶν δ´ ἐν μέρει οἱ μὲν κατηγορικοὶ πλείω, οἱ δ´ ἀποφατικοὶ τὸ συμπέρασμα μόνον. Αἱ μὲν γὰρ ἄλλαι προτάσεις ἀντιστρέφουσιν, ἡ δὲ στερητικὴ οὐκ ἀντιστρέφει. Τὸ δὲ συμπέρασμα τὶ κατά τινός ἐστιν, ὥσθ´ οἱ μὲν ἄλλοι συλλογισμοὶ πλείω συλλογίζονται, οἷον εἰ τὸ Α δέδεικται παντὶ τῷ Β ἢ τινί, καὶ τὸ Β τινὶ τῷ Α ἀναγκαῖον ὑπάρχειν, καὶ εἰ μηδενὶ τῷ Β τὸ Α, οὐδὲ τὸ Β οὐδενὶ τῷ Α, τοῦτο δ´ ἕτερον τοῦ ἔμπροσθεν· εἰ δὲ τινὶ μὴ ὑπάρχει, οὐκ ἀνάγκη καὶ τὸ Β τινὶ τῷ Α μὴ ὑπάρχειν· ἐνδέχεται γὰρ παντὶ ὑπάρχειν. Αὕτη μὲν οὖν κοινὴ πάντων αἰτία, τῶν τε καθόλου καὶ τῶν κατὰ μέρος· ἔστι δὲ περὶ τῶν καθόλου καὶ ἄλλως εἰπεῖν. 3 σα γὰρ ἢ ὑπὸ τὸ μέσον ἢ ὑπὸ τὸ συμπέρασμά ἐστιν, ἁπάντων ἔσται ὁ αὐτὸς συλλογισμός, ἐὰν τὰ μὲν ἐν τῷ μέσῳ τὰ δ´ ἐν τῷ συμπεράσματι τεθῇ, 4 οἷον εἰ τὸ Α Β συμπέρασμα διὰ τοῦ Γ, ὅσα ὑπὸ τὸ Β ἢ τὸ Γ ἐστίν, ἀνάγκη κατὰ πάντων λέγεσθαι τὸ Α· εἰ γὰρ τὸ Δ ἐν ὅλῳ τῷ Β, τὸ δὲ Β ἐν τῷ Α, καὶ τὸ Δ ἔσται ἐν τῷ Α· πάλιν εἰ τὸ Ε ἐν ὅλῳ τῷ Γ, τὸ δὲ Γ ἐν τῷ Α, καὶ τὸ Ε ἐν τῷ Α ἔσται. 5 μοίως δὲ καὶ εἰ στερητικὸς ὁ συλλογισμός. 6 πὶ δὲ τοῦ δευτέρου σχήματος τὸ ὑπὸ τὸ συμπέρασμα μόνον ἔσται συλλογίσασθαι, οἷον εἰ τὸ Α τῷ Β μηδενί, τῷ δὲ Γ παντί· συμπέρασμα ὅτι οὐδενὶ τῷ Γ τὸ Β. Εἰ δὴ τὸ Δ ὑπὸ τὸ Γ ἐστί, φανερὸν ὅτι οὐχ ὑπάρχει αὐτῷ τὸ Β· τοῖς δ´ ὑπὸ τὸ Α ὅτι οὐχ ὑπάρχει, οὐ δῆλον διὰ τοῦ συλλογισμοῦ. Καίτοι οὐχ ὑπάρχει τῷ Ε, εἰ ἔστιν ὑπὸ τὸ Α· ἀλλὰ τὸ μὲν τῷ Γ μηδενὶ ὑπάρχειν τὸ Β διὰ τοῦ συλλογισμοῦ δέδεικται, τὸ δὲ τῷ Α μὴ ὑπάρχειν ἀναπόδεικτον εἴληπται, ὥστ´ οὐ διὰ τὸν συλλογισμὸν συμβαίνει τὸ Β τῷ Ε μὴ ὑπάρχειν. 7 πὶ δὲ τῶν ἐν μέρει τῶν μὲν ὑπὸ τὸ συμπέρασμα οὐκ ἔσται τὸ ἀναγκαῖον (οὐ γὰρ γίνεται συλλογισμός, ὅταν αὕτη ληφθῇ ἐν μέρει), τῶν δ´ ὑπὸ τὸ μέσον ἔσται πάντων, πλὴν οὐ διὰ τὸν συλλογισμόν· 8 οἷον εἰ τὸ Α παντὶ τῷ Β, τὸ δὲ Β τινὶ τῷ Γ· τοῦ μὲν γὰρ ὑπὸ τὸ Γ τεθέντος οὐκ ἔσται συλλογισμός, τοῦ δ´ ὑπὸ τὸ Β ἔσται, ἀλλ´ οὐ διὰ τὸν προγεγενημένον. 9 μοίως δὲ κἀπὶ τῶν ἄλλων σχημάτων· τοῦ μὲν γὰρ ὑπὸ τὸ συμπέρασμα οὐκ ἔσται,  [54] θατέρου δ´ ἔσται, πλὴν οὐ διὰ τὸν συλλογισμόν, ᾗ καὶ ἐν τοῖς καθόλου ἐξ ἀναποδείκτου τῆς προτάσεως τὰ ὑπὸ τὸ μέσον ἐδείκνυτο· ὥστ´ ἢ οὐδ´ ἐκεῖ ἔσται ἢ καὶ ἐπὶ τούτων.

 

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1 Nous venons d'expliquer les figures du syllogisme, la nature et le nombre de propositions qui le composent, les cas et les formes dans lesquels il se produit. De plus, nous avons dit les points auxquels il faut s attacher, soit qu'on établisse, soit qu'on réfute une proposition, et indiqué les méthodes à employer dans l'examen du sujet, quel qu'il soit. Enfin, nous avons montré par quelle voie on peut arriver aux principes pour chaque question. 2 Puis donc que, parmi les syllogismes, les uns sont universels et les autres particuliers, tous les universels peuvent avoir plusieurs conclusions; et, parmi les particuliers , les affirmatifs en ont plusieurs ; les négatifs n'en ont jamais qu'une seule. C'est que les propositions, autres que ces dernières, peuvent se convertir, mais la privative particulière ne se convertit pas; et la conclusion est une proposition qui exprime une chose d'une autre chose. Aussi tous les autres syllogismes peuvent avoir plusieurs conclusions. Par exemple : si l'on a démontré que A est à tout B, ou à quelque B, il est nécessaire aussi que B soit à quelque A. Et si A n'est à aucun Β , B n'est à aucun A; et cette conclusion est autre que la précédente. Mais si A n'est pas à quelque Β, il n'est pas du tout nécessaire que B ne soit pas à quelque A; car il est possible qu'il soit à tout A. C'est donc une cause commune qui fait que tous les syllogismes peuvent avoir plusieurs conclusions, soit les universels, soit les particuliers. 3 On peut encore démontrer ceci autrement pour les syllogismes universels; car il y aura un même syllogisme pour tous les termes qui sont sous le moyen ou sous la conclusion, si l'on place ceux-ci dans le moyen ou ceux-là dans la conclusion. 4 Par exemple, si A B est conclu par C, il y a nécessité que A soit attribué à tous les termes subordonnés à B ou à C ; car, si D est dans la totalité de Β, et B dans celle de A, D sera aussi dans celle de A ; en outre, si £ est dans la totalité de C, et C dans A, Ε sera aussi dans la totalité de A.  5 De même y si le syllogisme était privatif.  6 Dans la seconde figure, on ne pourra conclure que ce qui est subordonné à la conclusion. Par exemple, si A n'est à aucun Β, mais s'il est à tout C, la conclusion sera que B n'est à aucun C. Si, donc, D est subordonné à C, il est évident que B ne lui est pas attribué. Mais il n'est pas évident, par syllogisme, qu'il n'est pas aux termes subordonnés à A; cependant il ne sera pas à Ε, s'il est subordonné à A. Mais on a démontré, par syllogisme, que B ne pouvait être à aucun C; et l'on a admis, sans démonstration, qu'il n'était pas à A ; donc, il ne résulte pas de ce syllogisme que B ne soit pas à E.  7 Dans les syllogismes particuliers, il n'y aura pas nécessité de conclure ce qui est sous la conclusion; car il n'y a pas de syllogisme, puisque cette proposition est elle-même particulière. Mais il y aura nécessité de conclure tout ce qui est sous le moyen; seulement ce ne sera pas par ce syllogisme. 8 Par exemple, si A est à tout B, et B à quelque C; car il n'y aura pas de conclusion de ce qui est sous C ; mais il y en aura de ce qui est sous Β, sans que ce soit par  le syllogisme précédent.  9 De même encore pour les autres figures; il n'y aura pas conclusion nécessaire pour ce qui est sous la conclusion ; mais il y en aura pour ce qui est sous le moyen, sans que ce soit par ce syllogisme, de même qu'on a prouvé, dans les syllogismes universels, ce qui était sous le moyen par la proposition qui n'avait pas été démontrée. Ainsi, il n'y aura pas de conclusion nécessaire pour les syllogismes universels ; ou bien il y en aura aussi pour les particuliers.

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§ 1. Récapitulation de toutes ta théories du premier livre.

Nous venons d'expliquer, section première du livre.

De plus nous avons dit, section seconde du premier livre.

Enfin nous avons dit. section troisième du. premier livre. Ceci confirme la division du premier livre adoptée par les commentateurs, et que l'auteur a déjà indiquée lui-même , liv. 1, ch. 1, § 1, et ch. 32, S 1. Voir plus haut.

§ 2. La propriété, qu'ont certains syllogismes de présenter plusieurs conclusions, a deux causes : la première, c'est la conversion même des propositions dont les règles ont été exposées, liv. 1, ch. 3; la seconde, c'est l'exposition des termes contenus sous le mineur et sous le moyen. Aristote s'occupe d'abord de la conversion. Ainsi, il est clair que, quand on a obtenu pour conclusion une universelle affirmative, on peut par la conversion obtenir une particulière affirmative; car c'est ainsi que se convertit l'universelle affirmative. Quand on a obtenu une conclusion particulière affirmative, on peut, en la convertissant en ses propres termes, en obtenir une autre; et de même pour l'universelle négative. La particulière négative est la seule qui reste simple, parce qu'elle n'a pas de conversion possible.

Puis donc que parmi les syllogismes, Syllogismes est encore pris ici, comme il l'a déjà souvent été, pour conclusions.

Tous les universels, soit affirmatifs, soit négatifs.

Et la conclusion est une proposition, c'est-à-dire, déterminée et spéciale, de telle sorte que la conversion, tout en gardant les deux mêmes termes pour sujet et pour attribut, fait cependant une proposition et une conclusion nouvelles.

C'est donc là une cause commune, La conversion.

§ 3. La seconde cause est l'exposition des tenues, ou, dans le langage scholastique, la subsumption. Ainsi, quand on a démontré que tous les hommes sont des substances, on a démontré par cela même que tous les termes particuliers, contenus sous le terme universel d'hommes, c'est-à-dire, les individus, Socrate, Platon, etc., sont aussi des substances.

Un même syllogisme, c'est-à-dire, un syllogisme de même forme, une conclusion universelle.

Qui sont sous le moyen, c'est-à-dire, tous les termes qui peuvent être sujets du moyen.

Ou sous la conclusion, tous ceux qui peuvent être sujets du mineur, sujet lui-même du majeur dans la conclusion.

Si l'on place ceux-ci dans le moyen, c'est-à-dire, si l'on en fait les sujets du moyen dans d'autres syllogismes.

Ou ceux-là dans la conclusion, si l'on en fait les sujets du mineur.

§ 4. Il faut remarquer qu'ici A est le majeur, B le mineur, et C le moyen; le syllogisme est en Barbara. En résumé l'attribut de la conclusion, attribut du mineur, sera attribut de tous les termes dont le mineur est attribut : il sera également attribut de tous les termes dont le moyen est attribut. Il suffit de se rappeler ici ce que c'est que l'extension d'un terme pour voir que la règle d'Aristote est de toute évidence. Voir, liv. 1, ch. 1, § 11, et Catégories, ch. 3, § 1. Le moins étendu est renfermé dans le plus étendu ; le genre renferme l'espèce ; et l'espèce, l'individu ; le genre renferme toutes les espèces; l'espèce, tous les individus. Voir plus haut, liv. l, ch.4, § 2..

§ 5. Si le syllogisme était privatif. Syllogisme en Celarent.

§ 6. Cette règle se comprend sans peine d'après le § 4. Dans la seconde figure, le majeur n'étant pas attribut du moyen ne le renferme pas ; il ne renferme pas le mineur dans la conclusion.

— Ici A est pris pour moyen, B est le majeur, et C le mineur.

— Si A n'est à aucun B, Syllogisme en Cesare.

Il est évident que D ne lui est pas attribué, c'est-à-dire, n'est pas attribué aux termes subordonnés au mineur; mais il n'est pas évident, par syllogisme, que le majeur n'est pas aux termes subordonnés au moyen.

Mais il n'est pas évident par syllogisme, c'est-à-dire que ce n'est pas par conclusion démonstrative qu'on sait que B n'est à aucun des termes subordonnés à A : on a seulement supposé dans la majeure que A n'est à aucun B : on a donc supposé aussi implicitement par la conversion que B n'est à aucun A, ni, par conséquent, à aucun des termes subordonnés à A. Cependant il est certain que B n'est point attribué à ces termes; mais ce n'est pas par une déduction syllogitisque qu'on le sait.

§ 7. Après avoir étudié les conclusions universelles dans les deux figures qui en offrent, il font passer aux conclusions particulières : or, ici on ne peut conclure les sujets du mineur parce qu'il est lui-même particulier. On ne peut conclure que ce qui est sujet du moyen, et c'est alors par un syllogisme différent du premier.

Car il n'y a pas de syllogisme, C'est qu'en effet si l'on prend la conclusion particulière pour en faire la majeure d'un nouveau syllogisme, on ne peut construire de syllogisme dans la première figure où il faut toujours que la majeure soit universelle.

§ 8. Syllogisme en Darii : A est à tout Β; B à quelque C; Donc A est à quelque G. Par ce syllogisme on ne démontrera aucun des sujets de C, et il n'y aura pas pour eux de conclusion possible : mais il y aura, si ce n'est démonstration directe, du moins conclusion tacite pour les sujets de B. Soit, par exemple : A bipède, B nomme, et G animal. On aura : Tout homme est bipède : quelque animal est homme; Donc quelque animal est bipède. Si l'on prend un des sujets de G, c'est-à-dire, un des termes renfermés sous le terme générique d'animal: cheval, par exemple, la conclusion ne vaudra pas pour lui : car, de ce que quelque animal est bipède , il ne s'ensuit pas du tout que cheval soit bipède : mais, comme l'on a admis dans la majeure que tout homme est bipède, si l'on prend l'un des sujets de B, homme, qui est moyen, il y aura conclusion pour ce sujet. Soit Ethiopien, un des termes renfermés dans la totalité du terme générique, homme : du moment que tout homme est bipède, implicitement Ethiopien, sujet d'homme, est aussi bipède.

§ 9. La règle du § précédent, appliquée à la première figure, vaut encore pour les deux autres, c'est-à-dire qu'on pourra conclure indirectement les termes subordonnés au moyen, et non les termes subordonnés au mineur.

Mais il y en aura pour ce qui est sous le moyen, Pacius a remarqué ici avec raison que l'analyse n'était pas poussée assez loin. Cette règle ne vaut pas pour tous les modes, comme le texte le ferait croire. Parmi les syllogismes particuliers de la seconde figure, il en est un, Baroco, et parmi ceux de la troisième, il en est deux, Disamis et Brocardo, qui repoussent cette règle. En effet, si l'on prend un des termes subordonnés au moyen dans Baroco, et qu'on en fasse la mineure d'un nouveau syllogisme, on aura le mode inutile AA dans la seconde figure. De même pour Disamis, en prenant un des sujets du moyen, on a dans la première figure le mode inutile IA ; et pour Brocardo OA, mode inutile de la première figure. Ainsi voilà trois modes, Baroco ; Disamis et Brocardo, qui doivent être exceptés de la règle d'Aristote. Il ne paraît pas que cette omission ait frappé les commentateurs grecs, du moins ceux dont les ouvrages nous restent, et entre autres, Philopon; mais Averroës et Albert-le-Grand, qui discute ceci tout au long, et qui rapporte l'opinion d'Alpharabius, avaient remarqué cette lacune

Cette théorie des conclusions diverses, soit patentes, soit cachées, d'un même syllogisme, est surtout utile en dialectique, dans la discussion, où il faut faire la plus grande attention à ce qu'on accorde à l'adversaire, soit explicitement, soit implicitement.

 

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