Aristote : Premiers analytiques

ARISTOTE

 

PREMIERS ANALYTIQUES

LIVRE PREMIER

SECTION TROISIÈME ANALYSE DES SYLLOGISMES EN FIGURES ET EN MODES

CHAPITRE XXXVI

chapitre XXXV - chapitre XXXVII

 

 

 

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CHAPITRE XXXVI

Des cas que les termes doivent recevoir. - Règle générale : les termes pris isolément sont toujours au nominatif : dans les propositions, ils sont mis au cas que le sens de la pensée exige. - Syllogismes affirmatifs dans la première figure, avec divers cas dans les propositions. - Syllogismes négatifs dans les trois figures. - Remarques communes aux uns et aux autres.

 1 Τὸ δὲ ὑπάρχειν τὸ πρῶτον τῷ μέσῳ καὶ τοῦτο τῷ ἄκρῳ οὐ δεῖ λαμβάνειν ὡς αἰεὶ κατηγορηθησομένων ἀλλήλων [49] ἢ ὁμοίως τό τε πρῶτον τοῦ μέσου καὶ τοῦτο τοῦ ἐσχάτου. Καὶ ἐπὶ τοῦ μὴ ὑπάρχειν δ´ ὡσαύτως. λλ´ ὁσαχῶς τὸ εἶναι λέγεται καὶ τὸ ἀληθὲς εἰπεῖν αὐτὸ τοῦτο, τοσαυταχῶς οἴεσθαι χρὴ σημαίνειν καὶ τὸ ὑπάρχειν. Οἷον ὅτι τῶν ἐναντίων ἔστι μία ἐπιστήμη. 2 στω γὰρ τὸ Α τὸ μίαν εἶναι ἐπιστήμην, τὰ ἐναντία ἀλλήλοις ἐφ´ οὗ Β. Τὸ δὴ Α τῷ Β ὑπάρχει οὐχ ὥστε τὰ ἐναντία [τὸ] μίαν εἶναι [αὐτῶν] ἐπιστήμην, ἀλλ´ ὅτι ἀληθὲς εἰπεῖν κατ´ αὐτῶν μίαν εἶναι αὐτῶν ἐπιστήμην. 3 Συμβαίνει δ´ ὁτὲ μὲν ἐπὶ τοῦ μέσου τὸ πρῶτον λέγεσθαι, τὸ δὲ μέσον ἐπὶ τοῦ τρίτου μὴ λέγεσθαι, οἷον εἰ ἡ σοφία ἐστὶν ἐπιστήμη, τοῦ δ´ ἀγαθοῦ ἐστὶν ἡ σοφία, συμπέρασμα ὅτι τοῦ ἀγαθοῦ ἔστιν ἐπιστήμη· τὸ μὲν δὴ ἀγαθὸν οὐκ ἔστιν ἐπιστήμη, ἡ δὲ σοφία ἐστὶν ἐπιστήμη. 4 τὲ δὲ τὸ μὲν μέσον ἐπὶ τοῦ τρίτου λέγεται, τὸ δὲ πρῶτον ἐπὶ τοῦ μέσου οὐ λέγεται, οἷον εἰ τοῦ ποιοῦ παντὸς ἔστιν ἐπιστήμη ἢ ἐναντίου, τὸ δ´ ἀγαθὸν καὶ ἐναντίον καὶ ποιόν, συμπέρασμα μὲν ὅτι τοῦ ἀγαθοῦ ἔστιν ἐπιστήμη, οὐκ ἔστι δὲ τὸ ἀγαθὸν ἐπιστήμη οὐδὲ τὸ ποιὸν οὐδὲ τὸ ἐναντίον, ἀλλὰ τὸ ἀγαθὸν ταῦτα. 5 στι δὲ μήτε τὸ πρῶτον κατὰ τοῦ μέσου μήτε τοῦτο κατὰ τοῦ τρίτου, τοῦ πρώτου κατὰ τοῦ τρίτου ὁτὲ μὲν λεγομένου ὁτὲ δὲ μὴ λεγομένου. Οἷον εἰ οὗ ἐπιστήμη ἔστιν, ἔστι τούτου γένος, τοῦ δ´ ἀγαθοῦ ἔστιν ἐπιστήμη, συμπέρασμα ὅτι τοῦ ἀγαθοῦ ἔστι γένος· κατηγορεῖται δ´ οὐδὲν κατ´ οὐδενός. Εἰ δ´ οὗ ἔστιν ἐπιστήμη, γένος ἐστὶ τοῦτο, τοῦ δ´ ἀγαθοῦ ἔστιν ἐπιστήμη, συμπέρασμα ὅτι τἀγαθόν ἐστι γένος· κατὰ μὲν δὴ τοῦ ἄκρου κατηγορεῖται τὸ πρῶτον, κατ´ ἀλλήλων δ´ οὐ λέγεται. 6 Τὸν αὐτὸν δὴ τρόπον καὶ ἐπὶ τοῦ μὴ ὑπάρχειν ληπτέον. Οὐ γὰρ ἀεὶ σημαίνει τὸ μὴ ὑπάρχειν τόδε τῷδε μὴ εἶναι τόδε τόδε, ἀλλ´ ἐνίοτε τὸ μὴ εἶναι τόδε τοῦδε ἢ τόδε τῷδε, 7 οἷον ὅτι οὐκ ἔστι κινήσεως κίνησις ἢ γενέσεως γένεσις, ἡδονῆς δ´ ἔστιν· οὐκ ἄρα ἡ ἡδονὴ γένεσις. πάλιν ὅτι γέλωτος μὲν ἔστι σημεῖον, σημείου δ´ οὐκ ἔστι σημεῖον, ὥστ´ οὐ σημεῖον ὁ γέλως. μοίως δὲ κἀν τοῖς ἄλλοις ἐν ὅσοις ἀναιρεῖται τὸ πρόβλημα τῷ λέγεσθαί πως πρὸς αὐτὸ τὸ γένος. 8 Πάλιν ὅτι ὁ καιρὸς οὐκ ἔστι χρόνος δέων· θεῷ γὰρ καιρὸς μὲν ἔστι, χρόνος δ´ οὐκ ἔστι δέων διὰ τὸ μηδὲν εἶναι θεῷ ὠφέλιμον. ρους μὲν γὰρ θετέον καιρὸν καὶ χρόνον δέοντα καὶ θεόν, τὴν δὲ πρότασιν ληπτέον κατὰ τὴν τοῦ ὀνόματος πτῶσιν.

10 πλῶς γὰρ τοῦτο λέγομεν κατὰ πάντων, ὅτι τοὺς μὲν ὅρους ἀεὶ θετέον κατὰ τὰς κλήσεις τῶν ὀνομάτων, οἷον ἄνθρωπος ἢ ἀγαθόν ἢ ἐναντία, [49a] οὐκ ἀνθρώπου ἢ ἀγαθοῦ ἢ ἐναντίων, τὰς δὲ προτάσεις ληπτέον κατὰ τὰς ἑκάστου πτώσεις· ἢ γὰρ ὅτι τούτῳ, οἷον τὸ ἴσον, ἢ ὅτι τούτου, οἷον τὸ διπλάσιον, ἢ ὅτι τοῦτο, οἷον τὸ τύπτον ἢ ὁρῶν, ἢ ὅτι οὗτος, οἷον ὁ ἄνθρωπος ζῷον, ἢ εἴ πως ἄλλως πίπτει τοὔνομα κατὰ τὴν πρότασιν.  

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1 Quand on dit que le premier terme est attribué au moyen, et celui-ci au dernier terme, on ne veut pas dire que ces termes doivent toujours être attribués de la même manière : le premier au moyen, et celui-ci au dernier; observation qui s'applique également à la négation; mais autant de significations peut avoir le verbe : Être, et autant de significations vraies a cette expression : Telle chose est telle autre chose, autant en ont les expressions : Être et n'être pas attribué. 2 Par exemple, lorsqu'on dit : La notion des contraires est unique. Soit A la notion unique, et B les contraires réciproques; A est alors à B; mais on ne prétend pas dire par là que les contraires sont une seule notion ; on veut dire qu'on peut affirmer d'eux, avec vérité, que la notion qui les donne est unique. 3 Tantôt il se peut que le premier soit attribué au moyen, et que le moyen ne puisse l'être au troisième. Par exemple, si : La sagesse est la science, et qu'il y ait : Sagesse du bien, la conclusion est qu'il y a : Science du bien. Mais le bien n'est pas du tout la science, c'est la sagesse. 4 Tantôt le moyen terme est attribué au troisième, sans que le premier le soit au moyen. Par exemple, s'il y a : Science de tel objet quelconque ou de son contraire, et que le bien soit à la fois, et un contraire, et tel objet quelconque, la conclusion est : Il y a science du bien. Mais le bien n'est pas du tout la science, et pas plus tel bien que son contraire; mais c'est le bien seul qui est tout cela. 5 Parfois aussi il se peut que le premier ne soit pas attribué au moyen, ni celui-ci, au troisième; le premier, du reste, pouvant se dire et pouvant ne pas se dire du troisième. Par exemple, quand l'on dit : S'il y a science de telle chose, il y a un genre de cette chose; or, il y a science du bien, la conclusion est : Donc il y a genre du bien; mais ici aucun terme n'est attribué à un autre. Soit encore : La chose dont il y a science est aussi genre; or, il y a science du bien, la conclusion est : Donc le bien est aussi genre. Ainsi, le premier terme est attribué au dernier; mais ils ne sont pas attribués l'un à l'autre. 6 Il faut raisonner de la même manière pour la négation; et quand on dit que telle chose n'est pas attribuée à telle autre, on ne veut pas toujours dire que telle chose n'est pas telle autre chose, mais on veut dire, tantôt que telle chose n'est pas de telle chose, ou qu'elle n'est pas à telle chose. 7 Par exemple : Il n'y a ni mouvement de mouvement, ni production de production; mais il y a mouvement et production du plaisir : donc le plaisir n'est ni production ni mouvement. Ou encore : Il peut y avoir signe du rire, mais il n'y a pas signe du signe : donc le rire n'est pas signe. 8 Et de même pour tous les autres cas où l'on réfute la conclusion en montrant que le genre lui est attribué d'une façon quelconque. 9 Soit encore, par exemple : L'occasion n'est pas le temps opportun; car l'occasion existe aussi pour Dieu, mais pour lui le temps ne peut être opportun, parce que la Divinité n'a jamais rien qui lui soit utile. Les termes sont ici : L'occasion, le temps opportun, et Dieu; mais la proposition doit être formée avec le cas convenable du nom.

10 Nous disons donc, d'une manière générale et absolue, qu'il faut toujours mettre les termes à l'appellation directe des noms. Ainsi, l'homme, le bien, les contraires; et non pas : de l'homme, du bien, des contraires. Quant aux propositions, il faut y poser les divers cas qu'exige chaque mot. Ainsi, on dit : A cela, avec égal; de cela, avec double; cela, avec frappant ou voyant; ou même : Cet, avec homme, animal; ou enfin, l'on prend telle autre tournure que le mot demande dans la proposition.

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§ 1. Quand on dit que le majeur est au moyen, et le moyen au mineur, il ne faut pas en conclure que de part et d'autre la forme de l'attribution soit la même. Ainsi l'attribut peut être au nominatif dans la majeure, et à tout autre cas dans la mineure; ou réciproquement. Ceci est vrai, que la proposition soit d'ailleurs affirmative ou négative; ainsi, Être ou n'être pas attribué, reçoit autant de sens que être ou n'être pas. En effet l'on dit aussi bien; Telle chose est telle autre chose, au nominatif que telle chose est de telle autre chose, au génitif, ou enfin telle chose est à telle autre chose, au datif, selon les nuances de la pensée.

§ 2. Voici d'abord un exemple pour l'affirmation : Quand on dit que la notion des contraires est unique, c'est-à-dire que, par cela seul qu'on connaît l'un des contraires, on connaît l'autre au même instant, on représente, dans cette proposition, la notion unique par A, et les contraires par B en mettant ces deux termes au nominatif. Mais dans la proposition mise en forme, ils ne peuvent être posés ainsi, car alors on aurait: Les contraires sont une notion unique, tandis qu'on doit avoir au génitif : La notion des contraires est unique.

§ 3. Après avoir appliqué la règle générale à une proposition isolée, il faut l'appliquer aux propositions dans le syllogisme. -Soit attribué, Il faut ne pas perdre de vue que dans tout ce chapitre, être attribué est pris elliptiquement pour: être attribué au nominatif et non point à un cas oblique. Dans ce syllogisme : La sagesse est science; or il y a sagesse du bien, Donc il y a science du bien, la majeure est formée d'un attribut direct au nominatif; la mineure et la conclusion sont formées d'attributs obliques au génitif. Ainsi la conclusion n'est pas du tout dans ce cas : La science est bien; mais la majeure seule a cette forme : La sagesse est science.

§ 4. Autre exemple d'un syllogisme qui diffère du précèdent en ce que c'est la mineure, au lieu de la majeure qui a un attribut direct; la majeure, et la conclusion sont obliques. Voici les deux syllogismes, selon qu'on prend le bien, soit absolument, soit comme contraire d'un autre terme, qui serait le mal, par exemple : Il y a science d'un objet quelconque; or le bien est un objet quelconque : Donc il y a science du bien. - Il y a science d'un contraire; or le bien est un contraire : Donc il y a science du bien. - La conclusion est: Il y a science du bien, au génitif, et non pas au nominatif : Le bien est la science; car c'est le bien seul avec : objet quelconque et : contraire, qui peut se mettre au nominatif. - Est tout cela, c'est-à-dire: objet quelconque et contraire, au nominatif.

§ 5. Autre exemple la majeure et la mineure sont obliques; la conclusion, dans ce cas, est alors tantôt directe, tantôt oblique. Dans ce syllogisme, elle est oblique : Il y a genre de la chose dont il y a science; or il y a science du bien: Donc il y a genre du bien. - Dans celui-ci elle est directe : La chose dont il y a science est aussi genre; Il y a science du bien : Donc le bien est genre. - Est attribué au dernier, c'est-à-dire, le majeur est attribué au mineur, avec le nominatif, et non avec un cas oblique. Voir la remarque du § 3.

§ 6. Seconde partie de la règle, pour la négation, Voir § 1.

§ 7. Syllogismes où les deux prémisses sont obliques et la conclusion directe : Il n'y a pas mouvement de mouvement; il y a mouvement de plaisir: Donc le plaisir n'est pas mouvement. - Il n'y a pas production de production; il y a production de plaisir: Donc le plaisir n'est pas production. - Il y a signe du rire; il n'y a pas signe du signe : Donc le rire n'est pas signe.

§ 8. Où l'on réfute la conclusion, c'est-à-dire, où la conclusion est négative et l'attribut nié, dans la seconde figure. - En montrant que le genre, Le genre signifie ici le terme moyen, qui, dans la seconde figure, est attribué aux deux termes et joue en quelque sorte, par rapport à eux, le rôle du genre par rapport aux espèces. Alexandre va même jusqu'à croire qu'il y a ici une faute de la part des éditeurs, et Il pense qu'Il faudrait mettre : le moyen au lieu de : le genre. - D'une façon quelconque, c'est-à-dire, soit au nominatif, soit aux cas obliques.

§ 9. Voici un syllogisme de la troisième figure, où les propositions sont obliques et la conclusion directe : Il n'y a pas pour la Divinité de temps opportun; il y a occasion pour la Divinité : Donc l'occasion n'est pas le temps opportun. - Les termes sont ici, au nominatif, quand on les prend isolément; mais dans les propositions en forme, on les met aux cas divers que réclame la pensée, comme on peut le voir dans les exemples précédents.

§ 10. Règle générale présentée plus explicitement. - Ou même : cet, avec homme, animal. Le masculin au lieu du neutre, quand le mot est masculin au lieu d'être neutre. En résumé, quand l'une des prémisses est à un cas oblique, conclusion est aussi à ce cas oblique; quand les deux sont obliques, la conclusion est tantôt directe, tantôt oblique. Les termes isolés sont toujours au nominatif.

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