Aristote : Premiers analytiques

ARISTOTE

 

PREMIERS ANALYTIQUES

LIVRE PREMIER

SECTION TROISIÈME ANALYSE DES SYLLOGISMES EN FIGURES ET EN MODES

CHAPITRE XXXIII

chapitre XXXII - chapitre XXXIV

 

 

 

PREMIERS ANALYTIQUES

 

 

 

précédent

CHAPITRE XXXIII

Quantité et ressemblance des termes; confusion de l'Universel et de l'Indéterminé. - Exemples divers.

1  Πολλάκις μὲν οὖν ἀπατᾶσθαι συμβαίνει περὶ τοὺς συλλογισμοὺς διὰ τὸ ἀναγκαῖον, ὥσπερ εἴρηται πρότερον, ἐνίοτε δὲ παρὰ τὴν ὁμοιότητα τῆς τῶν ὅρων θέσεως· ὅπερ οὐ χρὴ λανθάνειν ἡμᾶς. 2 Οἷον εἰ τὸ Α κατὰ τοῦ Β λέγεται καὶ τὸ Β κατὰ τοῦ Γ· δόξειε γὰρ ἂν οὕτως ἐχόντων τῶν ὅρων εἶναι συλλογισμός, οὐ γίνεται δ´ οὔτ´ ἀναγκαῖον οὐδὲν οὔτε συλλογισμός. 3 στω γὰρ ἐφ´ ᾧ Α τὸ ἀεὶ εἶναι, ἐφ´ ᾧ δὲ Β διανοητὸς Ἀριστομένης, τὸ δ´ ἐφ´ ᾧ Γ Ἀριστομένης. ληθὲς δὴ τὸ Α τῷ Β ὑπάρχειν· ἀεὶ γάρ ἐστι διανοητὸς Ἀριστομένης. λλὰ καὶ τὸ Β τῷ Γ· ὁ γὰρ Ἀριστομένης ἐστὶ διανοητὸς Ἀριστομένης. Τὸ δ´ Α τῷ Γ οὐχ ὑπάρχει· φθαρτὸς γάρ ἐστιν ὁ Ἀριστομένης. Οὐ γὰρ ἐγίνετο συλλογισμὸς οὕτως ἐχόντων τῶν ὅρων, ἀλλ´ ἔδει καθόλου τὴν Α Β ληφθῆναι πρότασιν. Τοῦτο δὲ ψεῦδος, τὸ ἀξιοῦν πάντα τὸν διανοητὸν Ἀριστομένην ἀεὶ εἶναι, φθαρτοῦ ὄντος Ἀριστομένους. 4 Πάλιν ἔστω τὸ μὲν ἐφ´ ᾧ Γ Μίκκαλος, τὸ δ´ ἐφ´ ᾧ Β μουσικὸς Μίκκαλος, ἐφ´ ᾧ δὲ τὸ Α τὸ φθείρεσθαι αὔριον. ληθὲς δὴ τὸ Β τοῦ Γ κατηγορεῖν· ὁ γὰρ Μίκκαλός ἐστι μουσικὸς Μίκκαλος. λλὰ καὶ τὸ Α τοῦ Β· φθείροιτο γὰρ ἂν αὔριον μουσικὸς Μίκκαλος. Τὸ δέ γε Α τοῦ Γ ψεῦδος. Τοῦτο δὴ ταὐτόν ἐστι τῷ πρότερον· οὐ γὰρ ἀληθὲς καθόλου, Μίκκαλος μουσικὸς ὅτι φθείρεται αὔριον· τούτου δὲ μὴ ληφθέντος οὐκ ἦν συλλογισμός.  5 Αὕτη μὲν οὖν ἡ ἀπάτη γίνεται ἐν τῷ παρὰ μικρόν· ὡς γὰρ οὐδὲν διαφέρον εἰπεῖν τόδε τῷδε ὑπάρχειν ἢ τόδε τῷδε παντὶ ὑπάρχειν, συγχωροῦμεν.  Αὐτῷ πλείω ἐνεδέχετο ὑπάρχειν, ἐνεδέχετο καὶ ἀλλήλοις.  

suite  

1 Souvent donc l'on est trompé dans les raisonnements par ce caractère même de nécessité que je viens de dire; mais c'est quelquefois aussi par la ressemblance dans la forme des termes, chose qu'il ne faut pas perdre de vue. 2 Soit, par exemple, A attribué à B, et B à C; on pourrait croire qu'avec des termes ainsi disposés, il y a syllogisme; et cependant il n'y a là ni conséquence nécessaire, ni syllogisme. 3 Soit, par exemple, A représentant : Être toujours, B : Aristomène imaginable, et C Aristomène. Il est vrai que A est à B, car Aristomène est toujours imaginable; mais, en outre, B est à C, car Aristomène est Aristomène imaginable; mais A n'est pas à C, car Aristomène est mortel. En effet, on a vu qu'il n'y a pas de syllogisme avec des termes de cette forme; et il fallait que la proposition A B fût universelle. Mais ce serait une erreur de croire que tout Aristomène imaginable est immortel, puisque Aristomène est mortel. 4 Soit encore, C : Miccale, B : Miccale musicien, et A : Mourir demain. B peut être, avec vérité, attribué à C, car Miccale est Miccale musicien; mais A peut aussi être attribué à B, car Miccale musicien mourra demain; mais A attribué à C est une erreur. Cet exemple est identique au premier, parce qu'il n'est pas vrai universellement que Miccale musicien mourra demain; et, sans cette universalité, il n'y avait pas de syllogisme. 5 L'erreur ici vient d'une nuance à peine sensible, et de ce que nous accordons qu'il n'y pas de différence à dire: Cette chose est à cette autre, ou à dire : Cette chose est à toute cette autre.  

suite

§ 1. La ressemblance dans la forme des termes, La ressemblance dans la forme fait souvent confondre les termes universels et les termes indéfinis. Il en résulte que la proposition indéterminée est vraie, tandis que la même proposition, prise universellement, devient fausse.

§ 2. Il faut supposer ici, ce que ne dit pas expressément Aristote, que les propositions AB, BC sont indéterminées; car, autrement, le syllogisme serait régulier.

§ 3. L'exemple donné ici doit paraître assez bizarre. Il est à croire, comme le suppose Pacius, que cet exemple était vulgaire au temps d'Aristote, et que les sophistes en faisaient ordinairement usage dans leurs discussions. - Imaginable, c'est-à-dire, que l'intelligence peut concevoir quand elle veut. Voici le syllogisme entier : Aristomène imaginable est toujours; or, Aristomène est Aristomène imaginable; Donc Aristomène est toujours, conclusion fausse; car Aristomène est mortel. Pour qu'il y eût syllogisme régulier. il faudrait que la majeure fût universelle : Tout Aristomène imaginable est toujours, et alors elle serait fausse. - Avec des termes de cette forme, c'est-à-dire, indéterminés, ch. 24, § 1.

§ 4. Cet exemple est aussi bizarre que le précédent. et Aristote l'emploie sans doute pour les mêmes raisons. Miccale, musicien, mourra, c'est-à-dire, que Miccale mourra comme musicien, ou, en d'autres termes, qu'il cessera d'être musicien. Voici le syllogisme entier: Micalle, musicien, mourra demain; or, Miccale est Micalle musicien ; Donc Miccale mourra demain, conclusion fausse car on lui suppose une vie beaucoup plus longue. Pour que le syllogisme fût régulier, il faudrait que la majeure fût universelle; et alors elle serait fausse. Alexandre propose, comme exemple plus clair, celui qui suit: A bon, B commode, C plaisir; A est attribué à B, c'est-à-dire que le commode est bon; B est dit de C, car le plaisir est commode; mais on ne peut conclure A de C, c'est-à-dire que le plaisir est bon, parce que bon n'a pas été attribué à tout ce qui est commode universellement. L'attribution a été tout indéterminée.

§ 5. L'erreur vient uniquement de ce qu'on confond l'universel et l'indéterminé, séparés par une nuance très faible d'expression, qu'on ne doit pas cependant négliger.