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table des matières de l'œuvre DE DÉMOSTHÈNE

 

DÉMOSTHÈNE

 

XVII

 

CHRYSIPPE CONTRE PHORMION

 

 

 

 XVI.  Démon contre Zénothémis TOME I XVIII.  Androclès contre Lacrite

 

 

 

 

 

texte grec

 

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XVII

CHRYSIPPE CONTRE PHORMION

ARGUMENT

Chrysippe et son frère, négociants étrangers établis à Athènes, ont prêté deux mille drachmes à Phormion, étranger comme eux, pour un voyage au Bosphore, aller et retour. Phormion s'est engagé à rendre deux mille six cents drachmes, y compris le profit maritime, si le navire revient à bon port. Comme sûreté, il s'est obligé à charger des marchandises d'une valeur double du capital prêté, et cela sous une clause pénale de cinq mille drachmes. Il prétend s'être réservé la faculté de se libérer par un payement anticipé.

Phormion est parti sur un navire appartenant à un nommé Dion, et commandé par le capitaine Lampis. Le voyage d'aller s'est effectué heureusement, mais Phormion ne trouve pas à se défaire de son chargement au Bosphore, et il renvoie Lampis sans chargement de retour. Lampis fait naufrage et se sauve avec une partie de l'équipage.

Phormion et Lampis étant de retour à Athènes, Chrysippe et son frère demandent leur payement. A la vérité le navire n'est pas arrivé à bon port; mais selon eux, Phormion ne s'est pas conformé au contrat, qui lui imposait l'obligation de charger des marchandises d'une valeur suffisante pour répondre du prêt; Phormioh reconnaît qu'il n'a rien chargé en retour, mais il soutient qu'il a usé de la faculté d'anticiper le payement, et qu'il s'est libéré au Bosphore, en remettant à Lampis une somme comprenant le capital prêté, le profit maritime et la clause pénale.

La clause pénale dont il s'agit ici n'est pas celle de 5,000 drachmes stipulée pour le cas de non-chargement : c'est une indemnité due pour l'anticipation de payement et les frais de retour de la somme payée. La lettre de change était inconnue en tant que papier de circulation ; les compensations ne se trouvaient pas toujours. Il fallait faire voyager les espèces et les faire accompagner par un esclave. Nous trouvons une stipulation de ce genre dans un contrat à la grosse qui est cité au Digeste. La clause est ainsi conçue : « Aut si infra diem suprascriptam non reparasset merces, nec enavigasset de ea civitate, redderet universam continuo pecuniam quasi perfecto navigio, et prœstaret sumptus omnes prosequentibus eam pecuniam ut in urbem Romam eam deporterent (01). »

En conséquence, Phormion oppose à la demande de Chrysippe une παραγραφή. Il prétend que Chrysippe n'a plus d'action contre lui, puisque, s'il y a eu contrat entre eux, ce contrat n'existe plus, et que toutes les obligations sont éteintes par le payement.

Chrysippe répond qu'il s'agit précisément de savoir s'il y a eu payement. Dès lors, on est bien dans les termes de la loi qui donne une action devant les juges athéniens pour tout contrat fait entre commerçants pour expédition à faire d'Athènes ou sur Athènes. Cette partie de son argumentation paraît bien fondée. Au fond, y a-t-il eu payement? Rien n'est moins prouvé. Phormion n'apporte d'autre preuve qu'une affirmation de Lampis qui avait commencé par dire le contraire, et qui n'est pas là pour donner son témoignage en personne. Le payement d'ailleurs est invraisemblable, car Phormion n'avait pas d'intérêt à payer par anticipation, au Bosphore, plus qu'il ne devait payer à Athènes. En effet, il lui aurait suffi de payer à Athènes 2,600 drachmes pour éviter le payement de la clause pénale.

Ce plaidoyer est prononcé par deux personnes parlant tour à tour. Chrysippe parle le premier, puis son frère lui succède, et enfin Chrysippe reprend la parole.

Chrysippe parle de l'expédition d'Alexandre contre Thèbes en 335, et de faits postérieurs à cette expédition. En conséquence , A. Schaefer assigne à ce plaidoyer la date approximative de 329. Il ajoute que ce plaidoyer ne lui paraît pas être de Démosthène. Nous nous abstenons d'examiner cette question.

PLAIDOYER

Discours de Chrysippe.

[1] Nous vous demanderons, juges, une chose juste, c'est de nous écouter l'un après l'autre (01) avec bienveillance. Vous connaissez notre inexpérience. Il y a longtemps que nous venons sur votre place ; nous y avons fait beaucoup d'affaires, et pourtant nous ne nous sommes jamais présentés devant vous pour plaider, ni comme demandeurs, ni comme défendeurs. [2] Aujourd'hui même, soyez-en sûrs, Athéniens, si nous pouvions penser que les fonds prêtés par nous à Phormion ont péri sur le bâtiment naufragé, nous n'aurions pas fait ce procès à notre débiteur. Nous ne sommes pas acharnés à ce point, et nous savons supporter une perte. Mais nous recevons des reproches de tous côtés, surtout des gens qui se sont trouvés avec Phormion au Bosphore et qui savent que les fonds n'ont pas péri avec le navire. Il nous paraît trop dur de nous abandonner nous-mêmes et de nous laisser dépouiller par Phormion.

[3] En ce qui touche l'exception, il y a peu de chose à dire. En effet, nos adversaires ne nient pas qu'il y ait eu un contrat fait sur votre place, mais ils soutiennent qu'il n'y a plus de contrat qui puisse leur être opposé, et qu'ils n'ont rien fait, d'ailleurs, que ce qui était convenu dans l'acte écrit. [4] Or, les lois en vertu desquelles vous siégez ne disent pas cela. Lorsqu'il n'existe pas de contrat fait à Athènes, ou en vue de la place d'Athènes, elles donnent l'exception ; mais si l'existence du contrat n'est pas déniée, si le défendeur se borne à soutenir qu'il a exécuté ses engagements, elles lui enjoignent de plaider au fond, en suivant la procédure ordinaire, et ne lui permettent pas de prendre le rôle d'agresseur. Au surplus, j'espère bien vous montrer, par le fait même, que mon action est recevable. [5] Voyez, Athéniens, ce que nos adversaires reconnaissent et ce qu'ils contestent, c'est le meilleur moyen de découvrir la vérité. Ils reconnaissent avoir emprunté les fonds et avoir constaté l'emprunt par un acte écrit, mais ils prétendent avoir payé la somme en or à Lampis, esclave de Dion (02), au Bosphore (03). Eh bien, nous allons prouver d'abord que Phormion n'a pas fait ce payement, et ensuite qu'il ne pouvait même pas le faire; mais il est nécessaire de vous raconter en peu de mots ce qui s'est passé depuis le commencement.

[6] J'ai fait à Phormion, que voici, Athéniens, un prêt de vingt mines pour un voyage au Pont et retour, avec affectation sur un chargement d'une valeur double (04), et j'ai déposé l'acte chez le banquier Kittos (05). Aux termes de l'acte, il devait être chargé sur le navire des marchandises d'une valeur de quatre mille drachmes (06). Au lieu de cela, Phormion commet la fraude que voici : sur-le-champ , et à notre insu, il emprunte encore au Pirée quatre mille cinq cents drachmes de Théodore le Phénicien (07), et mille du capitaine Lampis. [7] Il aurait dû acheter à Athènes pour cent quinze mines de marchandises (08), s'il avait voulu remplir les engagements qu'il avait pris par les actes à l'égard de ses divers créanciers, mais il n'en a acheté que pour cinq mille cinq cents drachmes, y compris les vivres ; or il doit soixante et quinze mines (09). Tel a été, Athéniens, le premier acte de la fraude
dont nous sommes les victimes. Il n'a pas fourni l'affectation convenue, il n'a pas chargé les effets sur le navire, comme l'acte lui en imposait l'obligation. Prends-moi
l'acte.

ACTE

Prends maintenant la déclaration reçue par les receveurs du cinquantième (10), et les dépositions des témoins.

DÉCLARATION, DÉPOSITIONS.

[8] Phormion arrive donc au Bosphore, avec des lettres que je lui avais données pour les remettre à mon esclave, qui passait là l'hiver, et à un associé que j'ai là (11). Dans ces lettres, j'avais indiqué la somme prêtée et les marchandises sur lesquelles le prêt était affecté ; je donnais ordre de reconnaître ces marchandises aussitôt après le déchargement, et d'en suivre la vente. Il s'est bien gardé de remettre ces lettres qu'il avait reçues de moi ; il ne voulait pas que l'on connût ses pratiques. Cependant, les affaires étaient devenues difficiles au Bosphore, à cause de la guerre survenue entre Parisade et les Scythes (12) ; le chargement que Phormion avait apporté ne se vendait pas; lui-même se trouvait dans un grand embarras , pressé par les créanciers qui avaient prêté à la grosse pour le voyage d'aller (13). Aussi, quand le capitaine le mit en demeure de charger sur le navire, aux termes du contrat, les marchandises achetées avec mes fonds, ce même Phormion, qui prétend aujourd'hui avoir payé la somme en or, répondit qu'il ne pouvait pas mettre d'effets sur le navire, le chargement n'ayant pu être vendu. Il ordonna en conséquence au capitaine de reprendre la mer (14), ajoutant qu'il partirait lui-même sur un autre navire dès qu'il se serait défait de son chargement. Lis-moi le témoignage qui constate ce fait.

TÉMOIGNAGE.

[10] En conséquence, Athéniens, Phormion resta dans le Bosphore. Lampis prit la mer et fit naufrage à peu de distance du port (15). On dit que son navire étant déjà chargé outre mesure, il avait encore reçu un millier de peaux sur le tillac (16). Ce fut la cause de la perte du navire. Lampis se sauva lui-même dans le canot, avec les autres esclaves de Dion ; mais il perdit plus de trente esclaves, sans parler du reste. L'émotion fut grande au Bosphore lorsqu'on apprit cette perte. Tout le monde félicitait Phormion de n'avoir pas pris place sur ce navire et de n'y avoir rien mis. Voilà ce que tout le monde disait, ce qu'il disait lui-même. Lis-moi les témoignages sur ce fait.

TÉMOIGNAGES.

[11] Lampis lui-même, à qui il prétend avoir remis la somme en or (j'appelle toute votre attention sur ce point), à peine arrivé à Athènes après son naufrage, fut interrogé par moi sur ce qui s'était passé (17). Il déclara que Phormion n'avait rien chargé sur le navire, comme il y était tenu par le contrat, et ne lui avait remis aucune somme au Bosphore. Lis-moi la déposition des témoins.

TÉMOIGNAGES.

[12] Lorsqu'à son tour Phormion fut ici, arrivé à bon port sur un autre navire, j'allai le trouver et je lui réclamai le montant du prêt. A ce premier moment, Athéniens, bien loin de tenir le langage qu'il tient aujourd'hui, il promettait constamment de me payer. Mais quand il se fut entendu avec ceux qui l'assistent maintenant et font avec lui cause commune, je le trouvai tout changé ; ce n'était plus le même homme. [13] Voyant bien que j'étais joué, je vais trouver Lampis ; je lui dis que Phormion ne remplit  pas ses engagements et ne paye pas sa dette; je lui demande en même temps s'il connaît la demeure de ce dernier pour que je puisse l'assigner en justice. Lampis me dit de le suivre, et nous trouvons Phormion près de l'endroit où l'on vend les parfums; j'avais des recors avec moi, je l'assignai. [14] Lampis était là présent, Athéniens, au moment où je donnai mon assignation, et il n'a pas osé dire qu'il avait reçu l'or de Phormion. C'était pourtant bien facile à dire. « Tu ne sais ce que tu fais, Chrysippe ; pourquoi assignes-tu Phormion ? Il m'a remis la somme en or. » Et non seulement Lampis n'a pas ouvert la bouche, mais Phormion lui-même n'a pas jugé à propos de parler en présence de Lampis, à qui il dit avoir payé la somme en or. [15] Et cependant, Athéniens, il était bien aisé de dire : « Pourquoi m'assignes-tu ? J'ai remis la somme en or à Lampis, ici présent, » et de faire attester le fait par Lampis lui-même. Aucun des deux n'a dit un seul mot, à un moment si décisif. Et pour preuve de ce que j'avance , prends-moi le témoignage des recors.

TÉMOIGNAGE.

[16] Prends maintenant le libelle de l'action que j'ai intentée contre lui l'année dernière, preuve non moins forte qu'à ce moment encore Phormion n'avait pas prétendu avoir payé à Lampis la somme en or.

LIBELLE DE L'ACTION.

J'ai intenté cette action, Athéniens, sans autre renseignement que le rapport de Lampis, affirmant que Phormion n'avait pas chargé de marchandises sur son navire, et que lui, Lampis, n'avait reçu aucune somme en or. Je n'aurais pas été, croyez-le bien, assez stupide, assez insensé pour rédiger ma demande en ces termes si Lampis eût reconnu avoir reçu la somme en or et si j'eusse été exposé à me voir convaincre de mensonge par son témoignage.

[17] Considérez encore ceci, Athéniens : mes adversaires eux-mêmes, lorsqu'ils ont opposé l'exception, l'année
dernière, n'ont pas osé écrire dans cette exception qu'ils ont payé la somme en or à Lampis. Prends-moi l'exception que voici.

EXCEPTION.

Vous le voyez, Athéniens , il n'est dit nulle part dans l'exception que Phormion a payé la somme en or à Lampis, et pourtant j'avais écrit tout au long, dans ma demande dont vous venez d'entendre la lecture, que Phormion n'avait ni chargé des effets sur le navire, ni payé la somme en or. Quel témoin vous faut-il encore, quand vous avez un tel témoignage émané de mes adversaires eux-mêmes ?

DISCOURS DU FRÈRE DE CHRYSIPPE (18).

[18] Au moment où l'action allait être introduite devant le tribunal, ils nous prièrent de constituer un arbitre, et nous fîmes un compromis constituant Théodote, isotèle (19). Alors, Lampis s'avisa que devant l'arbitre il pouvait impunément déclarer ce qu'il voudrait. Il partagea donc mon or avec Phormion et déclara le contraire de ce qu'il avait dit jusque-là. [19] En effet, Athéniens, ce n'est pas la même chose, lorsqu'on fait un faux témoignage, de vous regarder en face ou de n'avoir devant soi qu'un arbitre. Devant vous, les faux témoins ne rencontrent que de l'indignation et un châtiment assuré; devant l'arbitre, ils témoignent tout ce qu'ils veulent, sans danger et sans pudeur. Je me récriai, Athéniens, je me plaignis de l'audace de Lampis, [20] je produisis devant l'arbitre le même témoignage que je produis aujourd'hui devant vous, celui des personnes qui l'avaient abordé avec nous, qui l'avaient entendu déclarer qu'il n'avait pas reçu la somme en or, et que Phormion n'avait rien chargé sur le navire. Lampis , ainsi manifestement convaincu de faux témoignage et de mauvaise foi, reconnut qu'il avait en effet tenu ce langage à Chrysippe (20), mais sans savoir ce qu'il disait. Lis-moi ce témoignage.

TÉMOIGNAGE.

[21] Après nous avoir entendu à plusieurs reprises, Athéniens , Théodote, bien convaincu que Lampis avait fait un faux témoignage, ne prononça pas la décharge de Phormion et nous renvoya devant le tribunal. Il ne voulut pas condamner Phormion, parce qu'il était lié avec lui, comme nous l'avons su depuis, mais il n'osa pas nous débouter de notre action, par respect pour son serment. [22] Maintenant, juges, rappelez-vous toutes les circonstances du fait, et demandez-vous par quels moyens Phormion aurait pu remettre cet or. Il était parti d'ici sans avoir chargé les marchandises sur le navire et sans avoir fourni l'affectation convenue ; il avait même emprunté sur le chargement qui m'appartenait. Arrivé au Bosphore, il ne trouva pas d'acheteurs pour ses marchandises et eut grand'peine à satisfaire les créanciers qui avaient prêté pour le voyage d'aller. [23] Or, Chrysippe lui a prêté deux mille drachmes pour l'aller et le retour, et doit recevoir à Athènes deux mille six cents drachmes. Phormion prétend qu'il a payé à Lampis, au Bosphore, cent vingt statères de Cyzique (écoutez bien ceci), empruntés par lui au taux de l'intérêt terrestre, c'est-à-dire au denier six (21); or, le statère de Cyzique valait au Bosphore vingt-huit drachmes attiques (22). [24] Vous pouvez voir par là quelle est la somme qu'il dit avoir payée. Les cent vingt statères font trois mille trois cent soixante drachmes. Or l'intérêt terrestre, au denier six, de trente-trois mines et soixante drachmes est de cinq cent soixante drachmes ; la somme totale est facile à calculer. [25] Maintenant, juges, existe-t-il, existera-t-il jamais un homme qui, au lieu de payer deux mille six cents drachmes, préfère en payer trois mille trois cent soixante, empruntées par lui à un intérêt de cinq cent soixante drachmes ? c'est la somme qu'il prétend avoir payée à Lampis ; en sorte qu'il a déboursé en tout trois mille neuf cent vingt drachmes (23). Quand il pouvait ne payer qu'à Athènes, après le double voyage d'aller et retour, il a payé au Bosphore treize mines de plus ! [26] A ceux qui avaient prêté pour le voyage d'aller, tu as eu grand'peine à rendre le capital, et pourtant ils avaient fait le voyage avec toi et ne te perdaient pas de vue (24) ; et Chrysippe, absent, aurait reçu de toi non seulement le capital et les intérêts, mais encore le montant de la clause pénale portée au contrat, sans qu'il y eût pour toi aucune nécessité ! [27] Tu ne redoutais pas ceux de tes créanciers qui, aux termes de leurs contrats, pouvaient te forcer à payer au Bosphore, et tu prétends avoir pris souci de celui à qui tu avais commencé par porter préjudice en ne chargeant, au mépris du contrat, aucune marchandise sur ton navire, au départ d'Athènes ! Aujourd'hui, de retour sur la place où les conventions ont été passées, tu ne crains pas de refuser le payement à ton créancier, et en même temps tu prétends avoir fait au Bosphore plus que tu n'étais tenu de faire, alors que le prêteur n'avait pas d'action contre toi ! [28] En général, ceux qui ont emprunté à la grosse pour voyage d'aller et retour, au moment de quitter la place où ils se sont rendus, appellent des témoins en grand nombre pour certifier que les marchandises sont désormais aux risques du prêteur (25); mais toi, tu n'invoques à l'appui de ton dire qu'un seul témoin, ton complice. Tu n'as appelé ni notre esclave en résidence au Bosphore, ni notre associé ; tu ne leur as pas remis les lettres dont nous t'avions chargé pour eux, par lesquelles nous leur mandions de surveiller tous tes actes. [29] De quoi n'est-il pas capable, juges, celui qui se chargé d'une lettre et ne la remet pas fidèlement, exactement ? Pouvez-vous douter de la fraude quand vous voyez ce qu'il a fait? Et cependant, au nom des dieux, lorsqu'il payait une si forte somme en or, supérieure à la somme empruntée, ne convenait-il pas de rendre la chose publique sur toute la place, d'appeler tout le monde, et avant tous autres l'esclave et l'associé de Chrysippe ? [30] Vous savez tous que pour emprunter on se contente d'un petit nombre de témoins, mais pour payer on en appelle un grand nombre, afin de montrer qu'on est exact à remplir ses engagements. Et toi, qui payais le capital et les intérêts d'aller et retour, quoique tu n'eusses employé les fonds que pour un seul voyage, et qui payais treize mines de plus que la somme due, n'aurais-tu pas dû faire intervenir plusieurs témoins? Si tu avais fait cela, tu te serais fait parmi les gens de mer une réputation sans égale. [31] Au lieu de prendre beaucoup de témoins, tu as tâché de te soustraire à tous les regards, comme pour commettre une mauvaise action. Si tu avais payé entre mes mains, il n'aurait pas fallu de témoins, il aurait suffi, à moi, ton prêteur, d'anéantir l'acte écrit pour te libérer de tous tes engagements. Mais ce n'est pas à moi que tu faisais ce prétendu payement, c'est à un autre agissant en mon nom, et non pas à Athènes, mais au Bosphore ; l'acte écrit qui te liait envers moi était déposé à Athènes, et l'homme à qui tu payais cet or était mortel, il avait une grande étendue de mer à traverser, et cependant tu n'as pris aucun témoin, ni esclave, ni libre. [32] « L'acte, dit-il, m'obligeait à payer entre les mains du capitaine. » Mais, à coup sûr, cet acte ne t'empêchait ni d'appeler des témoins, ni de rendre les lettres. Enfin tes prêteurs ont rédigé en double l'acte qui constate leurs conventions (26), tant ils avaient peu de confiance, et toi tu prétends avoir payé l'or entre les mains du capitaine, étant seul avec lui. Tu savais bien pourtant qu^il restait à Athènes un exemplaire de l'acte qui te liait envers Chrysippe.

DISCOURS DE CHRYSIPPE.

[33] Phormion dit que l'acte l'oblige à rendre les fonds seulement au cas où le navire sera de retour à bon port. Mais il t'oblige aussi à charger sur le navire des marchandises achetées avec ces fonds, à peine de payer cinq mille drachmes. Loin d'obéir à cette clause de l'acte, tu l'as enfreinte dès le début et, n'ayant rien chargé sur le navire, tu te prévaux d'un mot du contrat, quand tu t'es ôté à toi-même le droit de t'en prévaloir. Tu reconnais que tu n'as rien chargé sur le navire, au Bosphore, mais tu prétends avoir remis l'or au capitaine. En ce cas, pourquoi parler du navire ? Tu n'avais aucune part dans les risques du navire, puisque tu n'y mettais rien. [34] D'abord, Athéniens, il s'est emparé de ce prétexte, comme s'il eût chargé des marchandises sur le navire ; mais, se voyant sur le point d'être de toute part convaincu de mensonge, soit par les registres des receveurs du port au Bosphore, soit par le témoignage des gens qui se trouvaient en ce moment sur cette place, alors changeant de système, il s'entend avec Lampis et affirme lui avoir payé la somme en or. [35] Il s'appuie sur la clause de l'acte qui lui impose cette obligation, et il croit que nous aurons de la peine à découvrir ce qu'ils ont fait entre eux, seuls, sans témoins. Quant à Lampis, tout ce qu'il m'a dit avant de s'être vendu à Phormion, il prétend l'avoir dit sans savoir ce qu'il faisait. Mais aujourd'hui qu'il a reçu sa part de l'or qui m'appartient, il sait bien ce qu'il fait et ses souvenirs sont très précis.

[36] Maintenant, juges, si Lampis n'avait eu de mauvais procédés qu'envers moi seul, ce serait chose sans importance; mais il a fait bien pis, et au préjudice de vous tous. Parisade avait publié au Bosphore que quiconque voudrait porter du blé à Athènes, pour approvisionner le marché athénien , serait affranchi de tout droit d'exportation (27). Lampis, qui se trouvait alors au Bosphore, se chargea d'une expédition de ce genre, et jouit de la franchise accordée au peuple athénien. Il remplit de blé un grand navire, transporta ce blé à Acanthe (28) et l'y vendit, en donnant à Phormion une part de ce bénéfice fait à vos dépens. [37] Voilà ce qu'il a fait, juges, et pourtant il avait son domicile à Athènes, il y avait laissé sa femme et ses enfants, et les lois menaçaient des peines les plus sévères quiconque demeurant à Athènes porterait du blé ailleurs qu'au port athénien (29). Dans ce même moment, ceux d'entre vous qui habitent la ville recevaient des rations de farine à l'Odéon (30), ceux qui demeurent au Pirée achetaient leurs pains au prix d'une obole, t l'arsenal maritime, et se pressaient en foule au grand portique pour obtenir par tète un demi-setier (31) de farine. En preuve de ce que j'avance, prends-moi le témoignage et la loi.

TÉMOIGNAGE, LOI.

[38] Avec Lampis pour associé et pour témoin, Phormion prétend nous dépouiller, nous qui avons passé notre vie à amener du blé sur votre place, qui, par trois fois, en des circonstances pressantes pour la République, avons constamment écouté l'appel fait par vous au dévouement des amis du peuple. Lorsque Alexandre marcha sur Thèbes (32), nous vous donnâmes un talent d'argent. [39] Déjà auparavant, le prix du blé s'étant élevé jusqu'à seize drachmes, nous avions introduit plus de dix mille médimnes de grains et nous les avions distribués au prix ordinaire de cinq drachmes le médimne (33). Vous le savez, puisque vous avez tous participé à cette distribution dans le magasin des fêtes publiques (34). L'année dernière, enfm, lorsqu'on fit venir du blé pour la nourriture du peuple, nous donnâmes un talent, mon frère et moi. Lis-moi les témoignages.

TÉMOIGNAGES.

[40] Certes, s'il y a des présomptions à tirer de ces faits, il n'est pas vraisemblable qu'après vous avoir tant donné pour acquérir vos bonnes grâces, nous venions faire un méchant procès à Phormion, pour perdre la bienveillance dont nous jouissons. Venez-nous donc en aide, juges, nous l'avons bien mérité. Quant à Phormion, il n'a pas, dès le début, chargé sur le navire des marchandises en quantité suffisante pour garantir les sommes empruntées par lui à Athènes. Celles qu'il a vendues au Bosphore ont à peine produit de quoi payer les créanciers qui avaient prêté pour le voyage d'aller. [41] Il n'était donc pas en état de me payer, et n'était pas d'ailleurs assez insensé pour donner trente-neuf mines au lieu de deux mille six cents drachmes. Enfin, quand il a fait le prétendu payement à Lampis, il n'a appelé ni mon esclave, ni mon associé résidant au Bosphore. Je vous ai prouvé tout cela. Lampis lui-même, avant d'être suborné par Phormion, a déclaré, comme vous le voyez, qu'il n'avait pas reçu l'or. [42] Si Phormion eût tout prouvé comme moi, article par article, c'eût été la meilleure manière de me réfuter. Quant à la recevabilité de l'action, le débat est tranché par la loi elle-même. Elle porte que les actions commerciales seront données pour toutes conventions faites à Athènes ou en vue de la place d'Athènes ; ainsi, non seulement pour celles qui sont passées à Athènes, mais encore pour toutes celles qui intéressent la navigation à destination d'Athènes. Prends-moi les lois.

LOIS.

[43] Qu'il y ait entre Phormion et moi une convention passée à Athènes, ils ne le nient point ; mais ils opposent une exception et veulent faire déclarer l'action non-recevable. A quel tribunal irions-nous donc, juges, si ce n'est devant vous, au lieu où nous avons contracté? Eh quoi ! s'il s'agissait simplement d'un voyage à destination d'Athènes, je pourrais m'adresser à vous pour obtenir justice contre Phormion, et aujourd'hui qu'il s'agit d'un contrat passé sur votre place vous pourriez déclarer que nos adversaires ne sont pas tenus de procéder devant vous ? [44] Quand nous avons mis l'affaire en arbitrage devant Théodote, ils ont reconnu que mon action contre eux était recevable. Aujourd'hui, leur langage est Je contraire de celui qu'ils ont tenu jusqu'ici ; ils disent que devant Théodote, un isotèle, ils étaient tenus de défendre à l'action, sans pouvoir opposer d'exception ; mais que l'action n'est plus recevable du moment où nous l'introduisons devant un tribunal athénien. [45] Si l'on en croit Phormion, malgré la sentence par laquelle Théodote nous a renvoyés devant le tribunal, l'action n'est pas recevable devant vous, qui en êtes saisis par ce renvoi. Quel langage tiendrait-il donc à l'appui de son exception si Théodote se fût prononcé en sa faveur (35)? Certes, je serais bien malheureux si, en présence des lois qui donnent action devant les Thesinothètes pour contrats passés à Athènes, vous repoussiez ma demande, vous qui avez juré de juger selon les lois.

[46] Ainsi, le prêt que nous leur avons fait est prouvé par l'acte et par l'aveu de Phormion lui-même. Quant au payement, il n'a pas eu d'autre témoin que Lampis, le complice de Phormion. Et tandis que Phormion prétend prouver ce payement par l'unique témoignage de Lampis, moi j'invoque, outre l'aveu de Lampis lui-même, le témoignage de ceux qui l'ont entendu déclarer qu'il n'avait pas reçu le payement. Ce n'est pas tout, Phormion peut discuter mes témoins, s'il prétend qu'ils ne disent pas la vérité ; mais moi, que puis-je faire des siens, qui rapportent que Lampis a déclaré avoir reçu le payement? Si l'on produisait le témoignage même de Lampis, mes adversaires pourraient être fondés à dire que je dois le discuter; mais je n'ai pas ce témoignage, et Phormion prétend se tirer d'affaire sans laisser aucune garantie solide de la vérité des faits qu'il veut faire déclarer constants (36). [47] Ne serait-ce pas vraiment une chose étrange? Quand Phormion reconnaît l'emprunt, mais allègue un prétendu payement, vous écarteriez le fait qu'il avoue lui-même, et vous tiendriez pour vrai celui que nous contestons (37) ? Et quand Lampis, sur le témoignage duquel il s'appuie, après avoir nié d'abord le fait du payement, apporte aujourd'hui une déclaration contraire, vous qui savez qu'il n'a rien reçu, vous refuseriez de me rendre ce témoignage (38)? [48] Ce que Lampis a dit de conforme à la vérité , vous le repousseriez comme ne formant pas preuve ; et les mensonges qu'il a débités ensuite, depuis qu'on l'a suborné, vous les trouveriez plus dignes de foi ? Non, Athéniens, il est beaucoup plus juste de s'attacher aux premières dépositions qu'à celles qui ont été concertées depuis. La première fois, Lampis a parlé sans artifice, il a tenu le langage de la vérité; la seconde fois, il a menti et cherché son propre intérêt. [49] Rappelez-vous ceci. Athéniens : Lampis lui-même ne nie pas qu'il ait déclaré n'avoir pas reçu l'or; il avoue qu'il a dit cela, il prétend seulement qu'il ne savait ce qu'il disait. Des deux parts de son témoignage, pourriez-vous croire celle qui est favorable au débiteur infidèle et repousser celle qui profite au créancier malheureux? [50] Non, juges. N'êtes-vous pas les mêmes hommes qui avez prononcé la peine de mort contre un accusé traduit devant le peuple (39) pour avoir fait chez vous, coup sur coup, plusieurs emprunts à la grosse, et pour n'avoir pas remis aux prêteurs les objets affectés? et pourtant il était votre concitoyen, et son père avait été stratège (40). [51] A vos yeux, ces sortes de gens ne font pas seulement tort à ceux que le hasard met en relations avec eux ; leurs fraudes sont une calamité publique pour la place tout entière. Vous avez raison. En effet, ce ne sont pas les emprunteurs, ce sont les prêteurs qui font la prospérité de toutes les professions maritimes. Il n'y a plus de navire, plus de capitaine, plus d'équipage qui puisse prendre la mer si vous ne faites pas aux prêteurs la part qui leur revient. [52] Sans doute, les lois contiennent beaucoup de belles dispositions en leur faveur, mais il faut que vous aussi vous preniez leurs intérêts en main, et que vous ne laissiez pas le champ libre à la fraude. C'est le plus sûr moyen d'assurer la prospérité de votre place, et la chose est faite si vous protégez ceux qui avancent leur argent, si vous ne les livrez pas à ces gens-là comme une proie à dévorer.

Maintenant, j'ai dit tout ce que j'étais capable de dire. Je vais appeler quelque autre de mes amis, si vous le désirez.
 

 

 

(01) L. 122, § 1, D. De verborum obtigationibus (XLV, I). Le contrat cité par le jurisconsulte Scaevola est un contrat grec fait au profit d'un certain Callimaque, pour un voyage de Bérytos à Brindes et retour. La même stipulation se rencontre dans d'autres textes; voy. I. 23, D. De obligationibus et actionibus, et 1. 4, § 1, C. De nautico fenore.

(01)  Chrysippe parle le premier, puis son frère prend la parole, et enfin Chrysippe la reprend en dernier lieu.

(02) Il paraît que le navire nolisé par Phonnion appartenait à Dion, et que tout l'équipage, y compris le capitaine Lampis, était esclave, ou tout au moins affranchi de Dion.

(03) Il s'agit ici du Bosphore Cimmérien, royaume dont la capitale était Panticapée (Kerteh, en Crimée).

(04)   Ἐπὶ ἑτέρᾳ γε ὑποθήκη. Ce passage est très difficile et a donné lieu à un grand nombre d'explications différentes. Voy. de Vries, p. 50. Nous avons nous-même proposé, dans notre Dissertation sur le prêt à la grosse chez les Athéniens, une interprétation que nous croyons devoir abandonner aujourd'hui.

(05) Ce Kittos est sans doute le même que celui qui, plusieurs années auparavant, servait en qualité de commis dans la banque de Pasion. (Isocrate, Trapézitique.)

(06) Le capital prêté par Chrysippe devait être garanti par un gage d'une valeur double, tandis que les antres prêteurs qui prêtaient pour un seul voyage se contentaient d'une garantie simple.

(07) Théodore est la traduction grecque du nom phénicien Ionathan ou Nathaniel, ou du nom carthaginois Baalitan ou Mathanélim.

(08) Pourquoi 115 mines, quand le capital emprunté s'élève seulement à 75? C'est qu'il faut ajouter à cette dernière somme d'abord 20 mines pour la double affectation due à Chrysippe, et ensuite 20 autres mines pour le profit maritime des 75, calculé à 30 p. 100 pour le prêt de Chrysippe et à 25 p. 100 pour les autres prêts. Bœckh croit que les 26 mines représentent les vivres (t. I, p. 188;, mais cette explication nous paraît moins naturelle.

(09) 75 mines en capital, sans compter le profit maritime qui s'élève à environ 20 mines.

(10) Toutes les marchandises payaient un droit de 2 p. 100 à l'entrée el à la sortie. La perception était constatée sur des registres qui étaient souvent invoqués comme moyens de preuve.

(11) Chrysippe avait au Bosphore un associé et un facteur ou préposé qui lui servait de cosignataire.

(12)  Parisade, roi du Bosphore Cimmérien de 348 à 310: Voy. Grote, t. XII, p. 652.

(13) C'est-à-dire par Théodore et Lampis.

(14) Les contrats à la grosse stipulaient en général le délai dans lequel le navire devait mettre à la voile pour le retour. Voy. par exemple le contrat rapporté au Digeste (1. 22, § 1, D. de Verborum obligationibus, XLV, 1).

(15) C'est sans doute le port du Pirée.

(16) Ces peaux de bœuf étaient l'objet d'un grand commerce dans la mer Noire, comme aujourd'hui le cuir de Russie (Büchsenschütz, p. 423). On faisait aussi dans ces parages la traite des esclaves.

(17) Le capitaine fait ainsi son rapport de mer sous la forme d'un interrogatoire que les créanciers lui font subir.

(18) Le frère de Chrysippe prend ici la parole. Libanius place le commencement de ce plaidoyer un peu plus bas, à ces mots : « Après nous avoir entendus. » G. Schœfer et Vœmel le placent plus bas encore, à ces mots : « Maintenant, juges, rappelez-vous toutes les circonstances du fait ». Nous suivons l'opinion d,'A. Schaefer, qui remarque avec raison qu'ici l'orateur commence à parler au pluriel.

(19) L'isotèle était un étranger auquel un décret avait conféré la faculté d'épouser une Athénienne et de posséder des immeubles en Attique, ἐπιγαμία et ἔγτησις, connubium et commercium.

(20) Πρὸς τοῦτον. Ce mot ne désigne pas l'arbitre, comme le croient G. Schaefer et Vœmel, car la déclaration dont il s'agit n'a pas été faite devant l'arbitre. Ce ne peut être que Chrysippe. Raison de plus pour admettre que c'est le frère de Chrysippe qui parle en ce moment.

(21) L'intérêt terrestre était de 18 p. 100, le profit maritime de 30 p. 100. Mais l'explication n'est pas là, puisque Phormion paye d'avance tout le profit maritime et même une clause pénale. Aussi ne voit-on pas bien quel intérêt Phormion aurait pu avoir à faire cette opération. Nous ne chercherons pas non plus à savoir si, comme le suppose A. Schœfer, Phormion a donné à ses nouveaux prêteurs une hypothèque sur un immeuble situé en Attique.

(22) Le statère athénien valait de 20 à 22 drachmes. (Bùchsenschütz, p. 247.) La monnaie de Cyzique n'était pas au même titre;  A. Schaefer suppose que la différence provient de variations dans le cours du change.

(23) Les interprètes ont vainement essayé de se rendre raison de ce compte. Pourquoi Phormion remet-il à Lampis les 560 drachmes qui forment l'intérêt du nouvel emprunt?

(24) On a déjà vu, dans le plaidoyer précédent, que les prêteurs à la grosse montaient ordinairement sur le navire et accompagnaient leur débiteur pour le surveiller, ou du moins le faisaient accompagner par un subrécargue.

(25) En d'autres termes : pour certifier qu'il y a un chargement de retour qui représente la somme prêtée et lui sert de gage.

(26) L'acte de prêt fait par Chrysippe a été rédigé en double. Un exemplaire est resté à Athènes, en dépôt chez Kittos, l'autre exemplaire a sans doute été remis au capitaine Lampis, qui était le mandataire de Chrysippe.

(27) Sur l'approvisionnement d'Athènes, les lois et les traités qui l'assuraient, voy. le plaidoyer de Démosthène contre Leptine.

(28) Acanthe, sur la côte de Macédoine, près du mont Athos. C'était probablement la patrie de Phormion et de Dion.

(29) Sur ces lois voy. Büchsenschütz, p. 546.

(30) L'ancien Odéon, remplacé par celui de Périclès, servait de grenier à blé. C'était là que siégeaient les inspecteurs du marché, et que se jugeaient les actions d'aliments, δίκαι σιτοῦ.

(31) L'hémiecte ou demi-setier était le douzième du médimne et valait en litres 4,315.

(32) En l'année 335.

(33) Le médimne valait à peu prés un demi-hectolitre (51,190). Ainsi le prix moyen du blé à Athènes était de dix francs l'hectolitre. Mais ce prix était sujet à des variations considérables.

(34) Le πομπεῖον était l'édifice où l'on gardait le matériel destiné aux fêtes publiques.

(35) C'est-à-dire combien Phormion n'abuserait-il pas de son avantage si la sentence de l'arbitre lui eût été favorable, et que Chrysippe eût néanmoins saisi le tribunal?

(36) Cette garantie serait précisément le témoignage de Lampis, et par suite l'action en faux témoignage qui pourrait être intentée contre lui.

(37) Héraud voit ici une tentative pour diviser l'aveu de Phormion. Mais l'aveu n'est pas indivisible quand le fait principal sur lequel il porte se trouve prouvé d'une autre façon.

(38) Je suis ici le texte et l'explication de G. Schaefer, tout en reconnaissant que la pensée est obscure, mais je ne puis adopter les corrections proposées soit par Reiske, soit par Vœmel.

(39) L'εἰσαγγελία, dit M. Perrot (p. 321), « avait pour objet et pour caractère de porter à la connaissance du peuple les actes que la loi n'avait point prévus ni définis, mais qui menaçaient la sûreté de l'État. Comme pour toutes les autres matières dont avait à connaître l'Assemblée, le Conseil des Cinq-cents était d'abord saisi par le dénonciateur ou par le magistrat qui avait recueilli sa déposition ; le Conseil, après eu avoir délibéré, mettait le peuple au courant et lui donnait son avis. Le peuple, quand il avait entendu la communication des prytanes, décidait s'il y avait lieu à suivre ; dans le cas où l'affaire lui semblait mériter d'être retenue, il indiquait devant quelle juridiction devait comparaître le prévenu. »

(40) Les stratèges ou généraux étaient au nombre de dix, et élus tous les ans par le peuple. Voy. sur leurs fonctions Schœmann, t. I, p. 422.