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table des matières de l'œuvre DE DÉMOSTHÈNE

 

DÉMOSTHÈNE

 

XVIII

 

ANDROCLÈS CONTRE LACRITE

 

 

 XVII.  Chrysippe contre Phormion TOME I XIX. Darios contre Dionysodore

 

 

 

 

 

texte grec

 

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ANDROCLÈS CONTRE LACRITE

ARGUMENT

Androclès, Athénien, a prêté à la grosse trois mille drachme à un certain Artémon, de Phasélis en Lycie. Le prêt a été fait pour un voyage d'Athènes au Pont-Euxin et retour, avec affectation sur le chargement.

De retour à Athènes, Artémon refuse de payer Androclès. Peu de temps après il meurt, laissant pour héritier son frère Lacrite. Androclès assigne Lacrite en payement.
Lacrite oppose une exception. Il soutient qu'il n'y a aucun contrat entre Androclès et lui, qu'il n'a pas cautionné Artémon et qu'il a renoncé à la succession de ce dernier.

Androclès combat la fin de non-recevoir. Il s'efforce de prouver en fait que Lacrite a cautionné Artémon, que d'ailleurs il a fait acte d'héritier, et que par conséquent sa renonciation est tardive. Puis il aborde la question du fond.

Pour bien suivre cette partie de la discussion, il est nécessaire de se rendre compte du système de défense adopté par Lacrite.

Lacrite prétendait qu'Artémon avait exécuté le contrat, qu'il avait porté le chargement à destination sur le navire convenu, qu'il avait ensuite mis sur le même navire un chargement de retour, mais que ce chargement et le navire avaient péri par fortune de mer, dans la traversée de Panticapée à Théodosie. On n'avait pu sauver du naufrage qu'une valeur de cent statères d'or. Les droits du prêteur s'étaient donc trouvés réduits à cette somme; mais dans cette limite même ils se trouvaient réduits par une autre raison. En effet, pour retourner à Athènes, Artémon avait dû prendre un autre navire, et à cet effet emprunter à la grosse au capitaine. Mais la somme prêtée était encore insuffisante pour mettre le navire en état de tenir la mer. Un second emprunt s'était trouvé indispensable, et le nouveau préteur n'avait consenti à donner ses fonds qu'à la condition qu'Artémon lui céderait son rang de privilège. Nouveau cas de force majeure qui complétait la libération d'Artémon.

Androclès s'efforce de prouver que le contrat doit être annulé pour inexécution des conditions. Il soutient qu'Artémon avait été chargé, au départ, des marchandises d'une valeur suffisante pour alimenter le risque; qu'il a fait, malgré la défense prévue au contrat, un second emprunt à Athènes sur les mêmes marchandises; enfin qu'arrivé à destination, il n'a pas pris le bâtiment en retour. En réponse au système d'Artémon, Androclès soutient en fait que le navire, au moment où il a péri, avait changé de route et entrepris un nouveau voyage ; que dans ce cas Artémon n'avait sur ce navire aucun intérêt, ni comme affecteur, ni comme préteur à la grosse; que, par conséquent, la perte de ce navire et de ce qu'il portait au moment de son retour avait pu libérer Artémon envers lui, Androclès. Dans tous les cas, Artémon lui devrait tout au moins les cent statères d'or sauvés du naufrage. Peu importe qu'Artémon ait prêté ses fonds sur un autre navire, et qu'il ait ensuite consenti une quotité sur ces fonds à un nouveau préteur. Il n'avait pas le droit d'engager ainsi Androclès à l'insu de ce dernier.

Voilà en définitive, toute la question du procès ; mais, à vrai dire elle ne paraît pas très douteuse. Comment Artémon n'aurait-il pas été le mandataire nécessaire d'Androclès, pour prendre toutes les mesures utiles, dans l'intérêt commun? La destruction du navire et des marchandises pouvait rendre indispensable un nouvel emprunt à la grosse, et on ne pouvait l'envoyer à Athènes pour demander le consentement d'Androclès. Le gage se trouve donc absorbé au profit du nouveau préteur. Artémon est resté débiteur envers Androclès, pour les cent statères, puisque le navire est arrivé à bon port, mais Artémon est mort, et Lacrité, qui seul peut être atteint par Androclès, soutient qu'il n'est tenu ni en son nom personnel, puisqu'il n'a contracté aucune obligation, ni au nom de son frère, puisqu'il renonce à la succession de celui-ci.
Aussi Libanios n'hésite pas à dire que la cause d'Androclès était mauvaise.

Les données manquent pour assigner une date à ce plaidoyer. A. Schaefer indiqua l'année 344. En effet, les faits dont il s'agit ont dû se passer avant l'explosion de la guerre contre Philippe, et, d'autre part, ils sont postérieurs à la nouvelle organisation des tribunaux de commerce, dont la procédure a été rendue plus rapide quelques années auparavant, probablement sons l'archontat d'Eubule, en 345.

Quant à l'authenticité du discours, elle était déjà contestée du temps de Libanios. La critique moderne est unanime pour exprimer les mêmes doutes, et nous ne pouvons que les partager.

PLAIDOYER

[1] La conduite de ces Phasélites (01) n'a rien qui doive vous étonner, juges, c'est l'habitude chez eux. Ils sont très habiles à se faire prêter des fonds sur notre place, mais dès qu'ils les ont reçus et qu'ils ont souscrit le contrat maritime, ils oublient aussitôt les contrats, les lois, l'obligation de rendre ce qu'ils ont reçu. [2] Rendre, pour eux, c'est perdre du leur. Aussi au lieu de rendre ils inventent des sophismes, des déclinatoires, des prétextes ; on ne saurait pousser plus loin l'improbité et la mauvaise foi. Il y a une preuve de ce fait : De tous ceux qui viennent en grand nombre dans votre port, Grecs et Barbares, les Phasélites ont toujours à eux seuls plus de procès que tous les autres ensemble. [3] Voilà comme ils sont tous: J'ai Jonc fait, juges, un prêt à la grosse à Artémon, frère de mon adversaire, conformément aux lois commerciales, pour un voyage au Pont et retour à Athènes. Artémon étant mort avant de m'avoir rendu l'argent, j'ai intenté cette action à Lacrite, que vous voyez, aux termes de ces mêmes lois (02) d'après lesquelles j'ai contracté. [4] Lacrite est le frère d'Artémon, et possède tous les biens de ce dernier, ceux qu'il a laissés ici (03) comme ceux qu'il possédait à Phasélis; il est son héritier universel et il ne peut alléguer aucune loi qui, lorsqu'il a appréhendé la succession de son frère, lorsqu'il en a disposé comme il lui a semblé bon, l'autorise à ne pas payer les dettes et à dire maintenant qu'il n'est pas héritier et qu'il s'abstient (04). [5] Telle est, l'improbité de ce Lacrite. Je vous prie donc, juges, de m'écouter avec bienveillance dans cette affaire. Si je prouve qu'il nous a fait tort, à nous prêteurs, et qu'il n'a pas moins fait tort à vous-mêmes, en ce cas, venez-nous en aide et maintenez nos droits.

[6] Personnellement, juges, je ne connaissais pas le moins du monde ces gens-là. Mais j'ai pour amis Thrasymède, fils de Diophante, j'entends celui de Sphette (05) et son frère Mélanope, et nous nous voyons le plus possible. Un jour ils vinrent me trouver, avec Lacrite que voici (d'où le connaissaient-ils, je ne sais), [7] et me prièrent de prêter de l'argent, pour un voyage au Pont, à Artémon, frère de Lacrite, et à Apollodore, afin qu'ils ne restassent pas inoccupés. Ni Thrasymède ni moi, juges, ne connaissions la mauvaise foi de ces hommes. Nous pensions avoir affaire à d'honnêtes gens, puisqu'ils se donnaient et se faisaient passer pour honnêtes, et nous ne doutions pas qu'ils ne tinssent toutes les promesses que Lacrite faisait pour eux. [8] Thrasymède se trompait fort, et ne savait pas à quels oiseaux de proie il se trouvait mêlé. Je cédai donc à ses instances, à celles de son frère, à Lacrite, qui se faisait fort que ses frères rempliraient envers moi tous leurs engagements, et avec l'aide d'un homme de Caryste (06), qui est notre hôte, je prêtai trente mines d'argent. [9] Je commencerai, juges, par vous faire entendre la lecture de l'acte qui constate ce prêt, et les dépositions des témoins qui ont assisté à la remise des fonds. Nous passerons ensuite au reste, et nous vous montrerons tous les vols commis par nos adversaires dans l'exécution du contrat. Lis d'abord l'acte et ensuite les dépositions.

[10] CONTRAT.

Androclès de Sphette et Nausicrate de Caryste ont prété à Artémon et Apollodore, de Phasélis, trois mille drachmes d'argent pour un voyage à Mendé et Scioné (08), de là au Bosphore, et même s'ils le veulent jusqu'au Borysthène, en longeant la côte à gauche, pour le retour à Athènes, à raison de deux cent vingt-cinq drachmes par mille, et de trois cents drachmes par mille (09) s'ils ne reprennent la mer qu'à l'automne (10) pour aller du Pont à Hiéron (11). Le prêt est affecté sur trois mille amphores de vin de Mendé, qui est chargé à Mendé ou à Scioné, dans le navire à vingt rames commandé par Hyblésios. [11] Il est déclaré que les objets ainsi affectés sont francs et quittes de toute autre dette et ne seront point affectés à un nouvel emprunt. Ils ramèneront à Athènes sur le même navire toutes les marchandises qu'ils auront prises en échange au Pont. Si ces marchandises arrivent à bon port à Athènes, les emprunteurs payeront aux préteurs la somme qu'ils leur devront, aux termes du contrat, dans les vingt jours de l'arrangement à Athènes, sans autre déduction que celle du jet, pour le cas où les marchandises auront été jetées à la mer, par décision des passagers délibérant en commun (12), et celle des rançons qui pourront être payées aux ennemis. Aucune autre avarie ne sera à la charge des préteurs. Le gage sera tenu intact à la disposition des préteurs, jusqu'à ce que les emprunteurs aient payé la somme due, aux termes du contrat. [12] A défaut de payement au terme convenu, les préteurs pourront se mettre en possession du gage et le vendre au prix qu'ils en trouveront. Et si le prix est insuffisant pour remplir les préteurs de la somme qu'ils devront recevoir, aux termes du contrat, les préteurs pourront poursuivre Artémon et Apollodore sur tous leurs biens de terre et de mer, en quelque lieu que ces biens se trouvent, comme s'il y avait contre eux jugement de condamnation et terme échu (13), et ce droit appartiendra à chacun des préteurs comme à tous les deux. [13] Si les emprunteurs n'entrent pas dans le Pont-Euxin, ils feront relâche dans l'Hellespont (14) pendant les dix jours après la canicule (15), remettront les marchandises à terre dans un lieu contre lequel les Athéniens n'ont pas de représailles à exercer (16), et lorsqu'ils reviendront de ce lieu à Athènes, ils payeront les intérêts portés au contrat l'année précédente (17). En cas d'accident arrivé au navire sur lequel seront transportées les marchandises, on s'efforcera de sauver les marchandises affectées à l'emprunt; et le produit du sauvetage, appartiendra par indivis aux préteurs. A l'égard de tous ces points, rien ne pourra prévaloir sur la présente convention. (18).
Témoins Phormion du Pirée, Céphisodore de Béotie, Héliodore de Pitthos (19).

[14] Lis maintenant les témoignages.

Archénomide fils d'Archédamas d'Anagyronte (20), déclare qu'un acte a été déposé chez lui par Androclès de Sphette, Nausicrate de Caryste, Artémon et Apollodore de Phasélia, et que l'acte est encore chez lui.

Lis aussi le témoignage des assistants.

TÉMOIGNAGE.

Théodote, isotèle, Charinos fils d'Épicharès dé Leucopoé (21), Phormion, fils de Céphisophon, du Pirée, Céphisodore de Béotie, Héliodore de Pitthos déclarent avoir été présents lorsque Androclés a prêté trois mille drachmes d'argent à Apollodore et Artémon et savoir que l'acte a été déposé chez Archénomide d'Anagyrponte.

[15] Aux termes de cet acte, juges, j'ai prêté les fonds à Artémon, frère de Lacrite, sur la recommandation de ce dernier, et sur la promesse qu'il m'a faite que tous les engagements pris envers moi dans l'acte de prêt seraient fidèlement remplis. C'est lui-même qui écrivit l'acte, et après l'avoir écrit il le scella avec moi. Ses frères en effet étaient encore de tout jeunes garçons, des enfants; mais lui, Lacrite de Phasélis, était un personnage, un élève d'lsocrate (22). [16] C'est lui qui conduisait toute l'affaire, et c'est sur lui qu'il m'engageait à compter. Il disait en effet qu'il pourvoirait lui-même à tout ce que j'avais le droit d'exiger, et qu'il resterait à Athènes pendant que son frère Artémon voyagerait avec l'argent. A ce moment, juges, lorsqu'il voulait se procurer notre argent, il se disait frère et associé d'Artémon, et tenait le langage le plus séduisant du monde. [17] Mais dès qu'ils eurent les fonds entre les mains, ils se les partagèrent et en firent l'usage qu'ils voulurent ; quant au contrat maritime qu'ils avaient passé pour avoir les fonds, ils n'en ont pas exécuté une seule clause, comme il est prouvé par l'évidence du fait. Toute cette trame a été ourdie par ce Lacrite que vous voyez. Je vais prendre tous les articles du contrat l'un après l'autre, et je vous montrerai que mes adversaires n'ont rien fait dé ce qu'ils auraient dû.

[18] L'acte porte en premier lieu qu'ils ont emprunté de gros trente mines sur trois mille amphores de vin, d'une valeur suffisante pour garantir encore un autre emprunt de trente mines (23). Ainsi, la valeur du vin était fixée par là même à un talent d'argent, y compris les frais à faire pour la conservation. Ces trois mille amphores devaient être portées au Pont sur le navire à vingt rames cpmmandé par Hyblésios. [19] Voilà, juges, ce qui est écrit dans l'acte dont vous avez entendu la lecture. Qu'ont fait mes adversaires? Au lieu de trois mille amphores, ils n'en ont pas chargé cinq cents sur le navire. Au lieu d'acheter la quantité de vin convenue, ils ont employé les fonds comme il leur a plu ; mais quant aux trois mille amphores, ils ne se sont jamais occupés de les charger sur le navire aux termes du contrat. Ils n'y ont même pas pensé. Pour preuve de ce que j'avance, prends le témoignage de ceux qui étaient avec eux sur le même navire.

[20] TÉMOIGNAGE.

Erasiclès déclare qu'il gouvernait le navire commandé par Hyblésios, et qu'à sa connaissante Apollodore avait mis sur ce navire quatre cent cinquante amphores de vin de Mendé, pas davantage. Apollodore n'avait d'ailleurs sur ce navire, en allant au Pont, aucune autre marchandise.

Hippias, fils d'Athénippe, d'Halicarnasse, déclare qu'il a fait naufrage sur le navire d'Hyblésios, comme contremaître, et qu'à sa connaissance Apollodore de Phasélis conduisait de Mendé au Pont dans son bâtiment, quatre cent cinquante amphores de vin de Mendé, et aucune autre marchandise.

Ont encore déposé, Archiade, fils de Mnésonide, d'Acharnes; Sostrate, fils de Philippe, d'Histiée; Eumarique, fils d'Eubée, d'Histiée; Philtiade, fils de Ctésias, de Xypété; Denys, fils de Démocratide, de Chollé (24).

[21] Telle est la fraude commise par eux au sujet de la quanttτé de vin qu'ils devaient charger sur le navire, et c'est ainsi que tout d'abord, et en commençant par le premier article, ils ont enfreint et refusé d'exécuter leurs engagements écrits. Après cela il est dit dans le contrat qu'ils affectent ces marchandises libres de toute charge, qu'ils ne doivent rien à personne, qu'ils ne feront à qui que ce soit aucun autre emprunt sur les mêmes marchandises. Cela est écrit, juges, en termes formels. [22] Or, qu'ont-ils fait? Oubliant ce qui est écrit dans l'acte, ils empruntait à je ne sais quel jeune homme, qu'ils trompent en se donnant comme ne devant rien à personne. Ainsi, ils usaient de dol envers nous en empruntant sur notre gage à notre insu, et en même temps ils trompaient ce jeune homme, leur prêteur, en donnant pour libres les biens qu'ils affectaient à ce nouvel emprunt. Telle est la fraude dont ils se sont rendus coupables, et c'est Lacrite que voici qui a tout conduit. Pour prouver que je dis vrai et qu'ils ont contracté un nouvel emprunt, contrairement au contrat, on va vous lire le témoignage du nouveau préteur lui-même. [23] Lis le témoignage.

TEMOIGNAGE.

Aratos d'Halicarnasse déclare avoir prêté à Apollodore onζe mines d'argent sur le chargement que ce dernier conduisait au Pont dans le navire d'Hyblésios, et sur celui qui devait être acheté en retour. Il n'a pas su qu'Apollodore avait déjà emprunté de l'argent à Androclès, autrement il n'aurait pas lui-même fait ce prêt à Apollodore.

[24] Telle a été la mauvaise foi de ces gens-là. Ensuite, il est écrit dans l'acte qu'après s'être défait au Pont des marchandises par eux apportées, ils les remplaceront par d'autres qu'ils chargeront en retour et qu'ils conduiront à Athènes, et qu'arrivés à Athènes ils nous rendront l'argent en bonne monnaie, dans, un délai de vingt jours. En outre, jusqu'à ce qu'ils nous aient payé; ces marchandises sont à nous, et ils sont tenus de les tenir intactes à notre disposition jusqu'à çe que nous ayons touché. [25] Tout cela est écrit dans l'acte en termes précis. C'est ici, juges, que nos adversaires ont montré de la manière la plus éclatante leur audace et leur effronterie, ne tenant aucun compte de ce qui est écrit dans l'acte, et ne voyant d'ailleurs dans tout cet acte que de vains propos et des paroles en l'air. Ils n'ont rien acheté au Pont en remplacement des marchandises vendues, et n'ont rien chargé en retour pour Athènes; et nous, prêteurs, après leur retour du Pont, nous n'avons trouvé aucun gage dont nous pussions nous saisir et nous mettre en possession en attendant que nous fassions remboursés, puisqu'ils ne rapportaient aucun chargement dans votre port. [26] Loin de là, juges, on nous a traités de la façon la plus inouïe. Dans notre propre ville, sans que nous leur eussions fait aucun tort, sans qu'ils eussent aucun jugement contre nous, ils ont exercé mur nos biens un droit de prise, eux, citoyens de Phasélis, comme si un droit de prise était reconnu aux Phasélites contre les Athéniens. Et en effet, si l'on veut appeler les choses de leur vrai nom, refuser de rendre ce qu'on a reçu n'est-ce pas la même chose que d'enlever de vive force le bien d'autrui ? Pour moi, je ne sache pas qu'il ait jamais été commis de fraude plus noire que celle dont ils se sont rendus coupables envers nous, et cela, lorsqu'ils reconnaissent qu'ils ont reçu de nous l'argent. [27] Toutes les fois qu'on n'est pas d'accord au sujet d'un contrat, en ce cas, juges, il faut qu'un tribunal décide ; mais quand les faits sont reconnus de part et d'autre, et expressément prévus par le contrat maritime, il n'y a plus de doute; tout est fini, il faut s'en tenir à ce qui est écrit. Ainsi, loin de rien faire pour exécuter le contrat, ils ont dès le début manoeuvré et conspiré pour mal faire. La preuve est faite contre eux; vous le voyez, tant par les dépositions des témoins que par leurs propres aveux.

[28] Il faut maintenant vous faire connaître le plus grave des griefs que j'ai contre Lacrite, car c'est lui qui dirigeait tout. Lorsqu'ils furent de retour ici, au lieu d'aborder dans votre port ils ont pris terre à la baie des fraudeurs, située hors des limites de votre port. Prendre terre à la baie des fraudeurs, c'est comme si l'on prenait terre à Égine ou à Mégare. On peut sortir de là pour aller où l'on veut, et au moment que l'on juge opportun. [29] Le bâtiment resta là pendant plus de vingt-cinq jours. Cependant ils allaient et venaient devant notre magasin; nous nous approchons d'eux, nous échangeons quelques paroles et nous les mettons en demeure de pourvoir à ce que nous soyons payés le plus tôt possible. Ils reconnurent la dette et dirent qu'ils s'occupaient de régler l'affaire. Nous ne les perdions pas de vue, et nous restions aux aguets pour voir s'ils ne déchargeraient rien hors du bâtiment ou s'ils ne feraient aucune déclaration en douane. [30] Cependant le temps marchait; ils étaient toujours ici, et nous n'apprenions pas qu'il eût été rien déchargé ni déclaré en leur nom. Nous commençâmes alors à réclamer avec plus d'insistance. Comme nous les pressions vivement, Lacrite, le frère d'Artémon, répond qu'il leur est impossible de nous rembourser, qu'en effet toutes les marchandises ont péri; il ajoute qu'il a un bon moyen de défense contre nous. [31] Nous fûmes indignés, juges, d'entendre un pareil langage, mais toute notre indignation ne servait de rien. Ils ne s'en souciaient nullement. Nous leur demandâmes pourtant comment les marchandises avaient péri. Lacrite nous dit que le bâtiment avait fait naufrage dans la traversée de Panticapée à Théodosie (25) ; que dans ce naufrage ses frères avaient perdu toutes les marchandises qui se trouvaient sur le navire; c'étaient des salaisons, du vin de Cos et autres choses pareilles. Ils ajoutèrent que venait leur chargement de retour et qu'ils allaient le conduire à Athènes si tout n'avait pas péri avec le navire. [32] Tel fut son langage. Voyez maintenant la mauvaise foi de ces gens et leur mensonge. D'abord ils n'avaient aucun intérêt dans le navire qui a fait naufrage ; c'était un autre de ceux qui avait prêté, à Athènes même, sur le fret à faire dans le voyage au Pont, et sur le corps et quille du navire (le nom du prêteur était Antipatros, de Kittion) (26). Quant au vin de Cos (quatre-vingts amphores de vin) et aux salaisons, tout cela appartenait à un cultivateur qui les faisait venir de Panticapée à Théodosie pour nourrir les ouvriers employés à la culture de ses terres. Pourquoi donc tous ces prétextes qui sont tous sans portée? [33] Rends-moi les témoignages, d'abord celui d'Apollonide, il déclare que le prêt fait sur ce navire avait été fait par Antipatros, et que le naufrage n'intéresse en rien nos adversaires; ensuite ceux d'Érasiclès et d'Hippias, attestent que le navire transportait seulement quatre-vingts amphores et pas davantage.

TÉMOIGNAGES.

Apollonide d'Halicarnasse déclare ce qui suit : Il est à sa connaissance qu'Antipatros de Kittion a prêté à Hyblésios, pour un voyage au Pont, sur le navire commandé par Hyblésios, et sur le retour d'Athènes au Pont. Il était copropriétaire du navire avec désios; des esclaves à lui accompagnaient le navire. Au moment du naufrage ses esclaves se trouvaient là, et lui ont porté la nouvelle. Le navire était vide lorsqu'il périt dans la traversée de Panticapée à Théodosia.

[34] Érasiclés déclare ce qui suit : Il a fait le voyage du Pont avec Hyblésios, en qualité de pilote, et il est à sa connaissance que le navire était vide lorsqu'il a fait la traversée de Panticapée à Théodosie. Il n'y avait pas, sur le bâtiment, de vin appartenant à Apollodore, le défendeur au procès actuel, mais il s'y trouait environ quatre-vingts amphores de vin de Cos, appartenant à une personne de Théodosie.

Hippias, fils d'Athénippe, d'Halicarnasse, déclare ce qui suit: Il a fait le voyage avec Hyblésios, comme surveillant, et au moment où le navire partit de Panticapée pour se rendre à Théodosie, Apollodore y chargea un ou deux ballots de laine, onze ou douze barils de salaisons et deux ou trois paquets de peaux de chèvres, rien de plus.

Ont fait les mémes déclarations, Euphilète, fils de Damotime, d'Aphidna, Hippias, fils de Timoxène de Thymoeta, Sostrate, fils de Philippe, d'Histiée, Archénomide, fils de Straton; de Thria, Philtiade, fils de Ctésiclès, de Xypété (27).

[35] Telle est l'impudence de ces gens-là. Vous, juges, réfléchissez en vous-mêmes, si vous avez jamais vu ou entendu dire qu'on ait apporté du vin du Pont à Athènes pour le vendre, et surtout du vin de Cos. Au contraire, c'est de nos environs qu'on porte du vin dans le Pont, c'est de Péparèthe et de Cos, de Thasos (28) et de Mendé, et d'autres villes encore. Ce qu'on apporte du Pont ici est toute autre chose que du vin. [36] Cependant nous les retenions, nous les pressions pour savoir si quelques effets avaient été sauvés dans le Pont; Lacrite répondit alors qu'il avait été sauvé cent statères de Cyzique (29), que son frère avait prêté cet or dans le Pont à un capitaine de Phasélis, son concitoyen et son ami, et qu'il ne pouvait le ravoir, en sorte que cela même devait être considéré comme perdu. [37] Voilà ce qu'a dit Lacrite ; mais l'acte ne dit pas cela, juges. Il prescrit à nos adversaires d'employer le prix de leur chargement à acheter un chargement de retour qu'ils rapporteront à Athènes ; il ne les autorise nullement à prêter nos fonds à qui ils voudront, dans le Pont, sans notre aveu. Ils doivent mettre à notre disposition le gage intact jusqu'à ce que nous ayons reçu le remboursement des sommes prêtées. Lis-moi le contrat encore une fois.

CONTRAT.

[38] Est-il vrai, juges, que l'acte les autorise à prêter notre chose, et cela à un homme que nous ne connaissons pas, que nous n'avons même jamais vu? Ne doivent-ils pas au contraire mettre à la place un chargement de retour, le rapporter à Athènes, nous le représenter et le tenir intact à notre disposition? [39] Aux termes du contrat, rien ne doit prévaloir sur ce qui est écrit, et il n'est permis d'alléguer ni loi, ni décret, ni quoi que ce soit contre la convention. Mais eux, dès le premier jour, n'ont eu aucun souci de cette convention, et se sont servis de nos fonds comme si ces fonds leur eussent appartenu, tant ces hommes sont habiles à employer le dol et la fraude! [40] Certes, j'en jure par le grand Jupiter et par tous les dieux, je n'ai jamais trouvé mauvais ni condamnable, juges, qu'on veuille devenir habile dans l'art de la parole, ni qu'on paye les leçons d'Isocrate. Je serais bien peu raisonnable si j'attachais à cela quelque importance. Mais, par Jupiter, je ne veux pas que ces gens-là, parce qu'ils méprisent les autres et pensent être habiles, se croient en droit de convoiter le bien d'autrui et de s'en emparer, comptant sur l'effet de leur parole. C'est là le fait d'un sophiste qui se conduit en fripon et qui aura un jour à s'en repentir. [41] Ce Lacrite, juges, ne se présente pas ici fort de son droit; non, il sait parfaitement tout ce dont ils se sont rendus coupables à l'occasion de ce prêt, il se dit qu'il est habile, qu'il trouvera facilement de belles paroles pour couvrir des actes malhonnêtes, et pense qu'il vous conduira où il voudra. C'est un art dans lequel il se vante d'être habile, il se fait payer et réunit des disciples pour l'enseigner. [42] Et pour commencer il adressé ses frères à cette manoeuvre que vous voyez, manoeuvre malhonnête et illicite, juges, qui consiste à emprunter à la grosse des fonds sur notre place, à les détourner et à ne pas les rendre. Où trouver des gens plus malhonnêtes que celui qui enseigne de pareilles choses, ou même que ceux qui reçoivent cet enseignement ? Puisqu'il est si habile, si fort de sa parole et des mille drachmes qu'il adonnées à son maître, [43] forcez-le de vous prouver qu'ils n'ont pas reçu de nous les fonds, ou qu'après les avoir reçus ils les ont rendus, ou que le contrat de prêt à la grosse n'est pas en bonne forme, ou que les fonds doivent être employés à une autre destination que celle pour laquelle ils les ont reçus d'après le contrat. Qu'il vous prouve une seule de ces choses, celle qu'il voudra, et moi tout le premier je suis prêt à le tenir pour très habile s'il parvient à vous convaincre, vous qui jugez les affaires commerciales. Mais je sais bien qu'il ne parviendra jamais ni à vous proposer cette preuve ni à vous convaincre.

[44] Mais laissons cela, et au nom des dieux, juges, supposez que le contraire fût arrivé, et qu'au lieu d'avoir pour débiteur son frère qui est mort, je dusse à ce frère un talent ou quatre-vingts mines, plus ou moins. Croyez-vous que Lacrite tint encore le langage dont il se sert aujourd'hui ? Dirait-il qu'il n'est pas héritier et qu'il a renoncé à la succession de son frère? Ne me poursuivrait-il pas sans merci comme il a poursuivi les autres débiteurs du défunt à Phasélis et ailleurs ? [45] Et si quelqu'un d'entre-nous, assigné par lui, osait opposer une exception et soutenir que l'action n'est pas recevable, comme on entendrait éclater son indignation et ses cris! A l'entendre il n'y a plus ni justice ni loi, si un seul d'entre-vous repoussait comme non recevable une action qui est bien commerciale. Eh bien, Lacrite, si cela te paraît juste pour toi, pourquoi ne le serait-ce pas aussi pour moi-même ? Est-ce que la loi n'est pas la même pour nous tous? Le droit qui régit les actions commerciales n'est-il pas le même ? [46] Mais son effronterie n'a plus de bornes, et il n'a pas son pareil pour l'improbité. Il entreprend de vous faire écarter comme non recevable la présente action commerciale, au moment même où vous siégez pour juger les actions de ce genre. Et que demandes-tu, Lacrite? Ce n'est pas assez que nous ayons perdu ce que nous vous avons prêté; tu veux encore que nous soyons conduits en prison par vous (30), si nous ne pouvons payer l'amende. [47] Ne serait-ce pas, juges, une chose triste, déplorable, honteuse pour vous, si ceux qui ont prêté à la grosse sur votre place et qui ont été dépouillés, étaient traînés en prison par ceux-là mêmes qui leur ont emprunté et qui les dépouillent? C'est là pourtant, Lacrite, ce que tu demandes à ceux qui nous écoutent. Mais à qui donc, juges, faut-il demander justice au sujet d'affaires commerciales? A quels magistrats? En quel moment (31)? Est-ce aux Onze? Mais les Onze connaissent de l'effraction, du larcin et de tous es méfaits que la loi punit de mort. [48] Sera-ce à l'archonte ? Mais l'archonte est chargé de veiller aux intérêts des filles héritières, des orphelins, des parents outragés. Ce sera donc à l'archonte roi ; mais nous ne sommes pas gymnastiarques, et nous n'accusons personne d'impiété. Eh bien, les juges seront saisis par le polémarque ! Oui, s'il s'agit d'affranchis ingrats envers leurs anciens maîtres, ou de métèques, accusés pour ne pas avoir de patrons. Restent enfin les stratéges. Mais ils désignent les triérarques et ne défèrent aux juges aucune action commerciale. [49] Or, je suis commerçant, et toi tu es frère et héritier d'un commerçant, de celui-là même à qui nous avons prêté suivant l'usage du commerce. Où faut-il donc porter cette action? Parle, Lacrite, pourvu que ta réponse soit conforme au droit et aux lois. Mais bien habile serait celui qui trouve-rait quelque chose de sensé à dire sur ce sujet.

[50] Ce n'est pas tout, juges, et j'ai encore d'autres griefs contre Lacrite. Je n'ai pas seulement été dépouillé de mon argent; je me verrais en outre exposé par son fait ant plus terribles dangers, si le contrat même que j'ai passé avec mes adversaires ne venait à mon secours et ne témoignait que j'ai prêté les fonds pour un voyage au Pont et retour à Athènes (32). Vous connaissez en effet la loi, juges, vous savez combien elle est rigoureuse pour le cas où un Athénien envoie du blé ailleurs qu'à Athènes, ou prête de l'argent à destination d'une autre place que celte d'Athènes ; vous savez quelles sont les peines en pareil cas, combien grandes et terribles. [51] Mais plutôt donne-leur lecture de la loi, pour leur faire plus exactement connaître ce dont il s'agit.

LOI.

Il est interdit à tout Athénien et à tout métèque, habitant Athènes, et à toutes personnes soumises à leur autorité, de prêter de l'argent sur un navire qui ne serait pas destiné à porter à Athènes du blé ou telles marchandises que désignerait la contestation. Si un prêt est fait contrairement à la loi, la dénonciatiot sera reçue et la confiscation de l'argent poursuivie devant les commissaires du port. (33), dans les mêmes formes que pour le navire et le blé. Le préteur n'aura pas d'action pour l'argent qu'il aura prêté à une autre destination que celle d'Athènes; et aucun magistrat n'en pourra saisir les juges.

[52] Telles sont, juges, les rigueurs de la loi; mais eux les plus infâmes de tous Ies hommes, quand le contrat porte expressément qu'il y aura retour à Athènes, ont permis à un tiers de porter à Chios ce qu'ils avaient emprunté de nous à Athènes. En effet, le capitaine Phasélite voulait contracter un nouvel emprunt étant au Pont, chez un marchand de Chios. Le Chiote ne voulait pas prêter à moins que le capitaine n'affectât à la garantie du prêt tout le chargement de son navire, et que Ies créanciers ultérieurs ne donnassent leur consentement (34) ; en conséquence, ils lui ont transféré en garantie tout ce chargement qui était à nous, et ont mis le tout entièrement à la disposition. [53] C'est ainsi qu'ils sont partis du Pont avec le capitaine Phasélite et avec le prêteur de Chios, et qu'ils ont abordé à la baie des fraudeurs au lieu de se rendre à notre port marchand. Et maintenant, juges, les fonds prêtés à Athènes pour un voyage au Pont, avec retour à Athènes, ont été portés par eux à Chios. [54] Rappelez-vous ce que je vous disais en commençant ce discours : on ne vous a pas fait moins de tort à vous qu'à nous autres qui avons prêté les fonds; et voici, juges, en quoi le dommage vous touche : c'est qu'un homme prétende se mettre au-dessus de vos lois, qu'il refuse d'exécuter un contrat maritime et le frappe d'impuissance, qu'il détourne enfin de Chios les fonds venant de nous. Agir ainsi, n'est-ce pas vous faire tort à vous-mêmes?

[55] Pour moi, juges, j'ai bien le droit de m'en prendre à eux, car c'est à eux que j'ai remis les fonds. Quant à eux, ils plaideront s'ils veulent contre ce capitaine Phasélite, leur concitoyen, à qui ils prétendent avoir prêté l'argent à notre insu, contrairement au contrat. Aussi bien, nous ne savons pas ce qui s'est passé entre eux et leur concitoyen, mais eux doivent le savoir. [56] Voilà ce qui nous paraît juste; et maintenant, juges, nous vous supplions de nous venir en aide pour le maintien de nos droits, et de punir les manoeuvres et la fraude dont ces gens donnent l'exemple. Si vous faites cela, vous vous rendrez par ce vote un service à vous-mêmes, et vous ferez disparaître en même temps tous ces actes d'improbité, toutes ces fraudes que commettent certaines gens à l'occasion des contrats maritimes.

 

 

(01) Phasélis, colonie dorienne sur la côte de Lycie, en Asie Mineure.

(02) C'est-à-dire conformément aux lois commerciales d'Athènes qui s'appliquent à toutes les expéditions faites d'Athènes ou sur Athènes, sans égard à la nationalité des contractants.

(03) C'étaient sans doute des meubles et des créances, car rien n'indique qu'Artémon fût un isotèle et eût le droit de posséder des immeubles dans l'Attique.

(04)  Les héritiers pouvaient s'abstenir, mais, une fois qu'ils s'étaient fàit envoyer en possession, ils ne pouvaient plus renoncer. Il n'y a, du reste, dans le droit hellénique, rien qui ressemble au bénéfice d'inventaire.

(05) Sphette était un dème de l'Attique, de la tribu Acamantide.

(06Caryste, ville de l'Eubée.

(07) Sur ce contrat de prêt à la grosse on peut lire les commentaires de Samuel Petit (Leges atticæ, p. 501); de Saumaise (De modo ususarum, p. 209); d'Héraud (Aninadversiones, p. 154); de Boeckh (livre I, chap. 23), et de Pardessus (Lois maritimes, t. I, p. 46). Nous suivons en tout l'explication de Boeckh.

(08) Mendé et Scioné étaient des ports de la Chalcidique, sur la côte de la Macédoine. On y chargeait des vins à destination des colonies grecques des bords de la mer Noire. Scioné était colonie Athénienne. Voy. Thucyd. III, 24 et V, 32.

(09) On a vu dans le plaidoyer contre Phormion que le taux du profit maritime était de 30 p. 100, pour les voyages dans la mer Noire.

(10) Après le lever de l'arcture, vers le 20 septembre.

(11) C'est-à-dire pour rentrer de la mer Noire dans le Bosphore et la mes Égée. Hiéron, ou le temple, était un point situé sur la côte asiatique du Bosphore, à l'entrée de la mer Noire. II appartenait aux Byzantins. C'était l'entrepôt du commerce hellénique dans la mer Noire.

(12) Ainsi les règles sur le jet et la contribution étaient d'origine grecque, comme l'indiquent d'ailleurs les jurisconsultes romains. Voy. le Digeste, XIV, 2, De lege Rhodia de jactu.

(13) C'est l'exécution parée, que nous trouvons en droit romain sous la forme de la manus injectio. On la rencontre encore dans un contrat de louage récemment découvert, et publié en 1874. Voy. l'article de M. G. Perret, dans la Revue critique, 28 novembre 1874.

(14) En d'autres termes, il y aura solidarité entre les créanciers.

(15) Cette relâche de dix jours, du 25 juillet au 5 août, est prescrite à cause des tempêtes qui sont fréquentes e ce moment de l'année.

(16) Lorsqu'un citoyen d'une ville grecque éprouvait un déni de justice dans une autre ville, il pouvait être autorisé par son gouvernement à exercer des représailles, c'est-à-dire à saisir la propriété d'un des concitoyens de son débiteur. Ces représailles s'exerçaient généralement sur mer. Leur effet ordinaire était d'amener des mesures de rétorsion, et par suite une suspension de commerce, jusqu'au règlement du différend par un traité.

(17L'année commençait au mois de juin, au solstice d'été. La saison de la navigation allait d'avril à octobre, et, par suite, les intérêts convenus au mois d'avril ne pouvaient titre payés que l'année suivante, au retour du navire. Le sens est : les intérêts qui, au jour du payement se trouveront avoir été convenus l'année précédente.

(18) En d'autres termes, la convention déroge à toutes lois et à tous usages contraires.

(19) Le Pirée était un dème de la tribu Hippothoontide, Pitthos un dème de la tribu Cécropide. Le troisième témoin est Béotien. Les témoins étaient nécessaires non pour la solennité de l'acte, mais pour la preuve à venir.

(20) Anagyronte (Ἀναγυροῦς), dème de la tribu Érechthéide.

(21) Leuconoé, dème de la tribu Léontide.

(22) Les élèves d'lsocrate paraissent souvent dans ces plaidoyers.

(23) C'est ce que les Athéniens appelaient un prêt sur double affectation, ἐπὶ ἑτέρᾳ ὑποθήκῃ. Voy. le plaidoyer contre Phormion.

(24) Acharnes, dème de la tribu Oεnéide; Histiée, de la tribu Égéide; Xypété, de la tribu Cécropide; Chollé, de la tribu Égéide.

(25) De Kertch à Kaffa, sur la côte de Crimée.

(26) Kittion, port de l'île de Chypre. Le prêt fait par Antipatros était affecté sur le navire et sur le fret, mais non sur les marchandises. En effet, le chargement d'aller était affecté à Androclès, et le chargement de retour était la propriété d'un colon de Théodosie.

(27) Aphidna, dème de la tribu Acantide; Thymseta, dème de la tribu Hippothoontide; Histiée, dème de la tribu Aegéide; Thria, dème de la tribu Oenéide; Xypété, dème de la tribu Cécropide.

(28) Péparètbe, Cos, Thasos, îles de la mer Égée qui produisaient beaucoup de vins.

(29) On a vu dans le plaidoyer précédent que le statère d'or de Cyzique valait 28 drachmes. Ainsi la valeur des effets sauvés était de 2,800 drachmes. Si Lacrite avait dit vrai, cette valeur appartenait, au moins pour partie, à Androclès. Lacrite le reconnaît, mais il soutient qu'elle a péri elle-même en voyageant aux risques d'Androclès.

(30) La contrainte par corps existait à Athènes en matière commerciale. Lacrite aurait pu l'exercer contre Androclès pour les frais et l'amende.

(31) L'énumération suivante indique la compétence des principaux magistrats d'Athènes, à l'exception des thesmothètes, qui ne siégeaient que pour les affaires civiles. Ou peut voir les détails dans Perrot, p. 252 et suiv., et dans Schoemann, t. I, p. 412 et suiv. Les Onze avaient cela de particulier, qu'ils n'étaient pas seulement présidents de tribunal, chargés d'instruire les affaires et de les introduire devant les juges. Ils jugeaient eux-mêmes, en cas de flagrant délit et d'aveu.

(32) Androclès parait craindre ici qu'on ne lui applique la loi qui interdit aux Athéniens de prêter pour des expéditions faites sur d'autres places que celle d'Athènes ; mais c'est là un artifice oratoire. La loi dont il s'agit ne pouvait pas s'appliquer aux cas de force majeure.

(33) Οἱ ἐπιμεληταὶ τοῦ ἐμπορίου. Ils étaient au nombre de dix, désignés par le sort. Voy., sur leur compétence, Meier et Schoemann, p. 86.

(34) Artémon a prêté à la grosse l'argent sauvé du naufrage. C'est un navire de Phasélis qui s'est chargé de ces fonds, sur lesquels Androclès a toujours son affectation, mais la somme était insuffisante pour les besoins du navire. Un second emprunt devient nécessaire, et pour l'obtenir les préteurs sont obligés de consentir une antériorité. La seule question est celte de savoir si ce consentement a pu être donné par Artémon pour Androclès. Or, il est difficile d'admettre que pour prendre cette mesure urgente, conservatoire de tous les intérêts, Artémon ne fût pas le mandataire nécessaire d'Androclès. C'est ainsi que chez nous le capitaine a pouvoir pour emprunter à la grosse au nom des propriétaires et des chargeurs, et que, par suite, les emprunts les plus récents passent toujours les premiers, comme étant contractés pour la conservation du gage.