Le droit romain à travers le temps

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Période républicaine
Des XII Tables à la fin de la République
 

L'édit du préteur

TITE-LIVE : Tite-Live est né à Padoue, mais a vécu à Rome au temps d'Auguste. C'était un honnête homme, un patriote enthousiaste, un admirateur du temps passé ; il est l'auteur d'une Histoire romaine en 142 livres allant des origines de Rome jusqu'à 9 P.C.N. et dont il reste 35 livres.

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A côté des lois dues à l'initiative d'un magistrat et visant un problème particulier, il existe également des édits publiés, dès leur entrée en fonction, par les magistrats chargés de la justice civile. Ces édits constituent une des sources essentielles du droit classique.

- Quod metus causa gestum erit, ratum non habebo.
- Quae dolo malo facta esse dicentur, si de his rebus alia actio non erit et iusta causa esse videbitur, iudicium dabo.
- Quod cum minore quam viginti quinque annis natu gestum esse dicetur, ut quaeque res erit, animadvertam.
- Si quis quid usu suum fecisset aut, quod non utendo amissum sit, consecutus (esset)... cum absens reipublicae causa non defenderetur inve vinculis hostiumque potestate esset secumve agendi potestatem non faceret ... earum rerum actionem dabo intra annum quo primum de ea re experiendi potestas erit, item si qua alia mihi iusta causa esse videbitur, in integrum restituam ; quod per leges, plebiscita, senatus consulta, edicta, decreta Principum licebit.

 vocabulaire

- Je ne tiendrai pas compte de ce qui aura été commis sous la menace.
- Si certains actes ont été, selon la rumeur publique, commis avec intention de nuire, à supposer qu'il n'y ait pas d'autres actions à ce sujet et que la cause me paraisse juste, j'accorderai un procès.
- Quand il s'agira d'une affaire impliquant, selon la rumeur, un mineur de moins de vingt-cinq ans, je lui accorderai toute mon attention, selon les circonstances.
- Si quelqu'un avait fait sien un bien par usage ou s'il s'était emparé d'un bien qui aurait été perdu par absence d'usage, pour autant que la victime de l'appropriation, absente pour le service de l'Etat, ne soit pas à même de se défendre, ou qu'elle soit en prison ou aux mains de l'ennemi et n'ait dès lors pas la possibilité d'intenter une action en justice, j'accorderai une action sur ces faits endéans l'année au début de laquelle aura existé la possibilité de faire valoir ses droits ; de même si quelque autre cause me paraît juste, je rétablirai les choses en état, dans la mesure où le permettront les lois, les plébiscites, les sénatusconsultes, les édits et les décrets des Princes.
 

(texte cité par COUSTEIX, Latin, Classe de terminale, 5e année, Scodel, p. 116)
 

aliquid ratum habere,eo,ui,itum : tenir quelque chose pour valable, tenir compte de dolus,i : la tromperie, la ruse. Sens juridique : le dol, l'intention de nuire, la machination frauduleuse
actio,ionis : l'action en justice
ut quaeque res erit : en fonction des circonstances, selon les cas
usu, utendo : celui qui détenait de bonne foi un bien meuble ou immeuble en possession ininterrompue, en devenait propriétaire légitime au bout d'un temps déterminé (de un à deux ans selon la loi des XII Tables).
si fecisset, consecutus (esset) : le temps de ces subjonctifs s'explique mal ; on attendrait plutôt un potentiel qu'un irréel.
defenderetur : sujet : la victime de l'appropriation
vinculum,i : le lien, la chaîne
experiri,ior,expertus sum : sens juridique : faire valoir son droit devant la justice
agere,o,egi,actum cum + Abl. : traiter des affaires avec, agir en justice avec
potestatem facere,io,feci,factum : donner le pouvoir de
in integrum restituere,o,ui,utum : rétablir les choses en état. - Quand il y a lieu, le préteur veille personnellement à la réparation, que l'on appelle restitutio in integrum
quod : dans la mesure où
plebiscitum,i : le décret du peuple
senatus consultum,i : le sénatusconsulte, le décret du sénat
edictum,i : la déclaration publique, l'édit (en particulier l'édit du préteur à son entrée en charge)

Définition d'un édit: au sens large, c'est une déclaration publique faite sous forme orale. Elle peut toutefois être affichée sur une table de bois peinte en blanc (album). Tout citoyen peut faire une telle proclamation mais elle n'est pas source de droit. Les magistrats, en vertu de leur potestas, peuvent prendre des édits, c'est-à-dire formuler certaines prescriptions, comme peuvent encore le faire aujourd'hui les bourgmestres, par exemple; mais seuls sont sources de droit les édits pris par les magistrats chargés de la juridiction (préteurs , édiles curules, gouverneurs de province ).

L'édit du préteur comporte essentiellement des "promesses d'actions", c'est-à-dire l'énumération d'un certain nombre de situations bien précises qui pourront donner lieu à des interventions en justice. Or c'est dans la mesure où ils peuvent obtenir une action en justice que les citoyens peuvent se dire titulaires d'un droit.

Donc le préteur transforme des situations de fait en situations de droit et crée ainsi des droits nouveaux. Toutefois, ces dispositions ne sont valables que pour la durée des fonctions du magistrat qui les a prises; le successeur n'est pas tenu de les respecter, mais le fait généralement. Ainsi s'est constitué peu à peu un ensemble de prescriptions qui se transmettaient de préteur à préteur.

Cette source de droit a permis de répondre aux besoins nouveaux de la société romaine profondément transformée à la fin de la République, et notamment à l'arrivée massive d'étrangers, car le droit prétorien n'est pas réservé aux seuls citoyens, contrairement au droit civil.

Remarque : contrairement aux lois des XII Tables qui n'envisageaient que des faits (les dettes, l'acte de violence sur autrui ), l'édit du préteur tient compte des circonstances et des motivations, sans quoi la justice pourrait être contraire à l'équité.

Lecture : M.VILLEY, Le Droit romain, Que sais-je?, pp. 33-34 :

Il convient vraiment d'admirer l'effort puissant et réaliste soutenu par les Romains pour mettre en oeuvre la justice ; le sens pratique avec lequel ils se libèrent des entraves du formalisme; les hautes conceptions morales qui les dirigent. Voit-on tant de systèmes juridiques qui règlent avec autant de minutie, pour le bon ordre de la société, les droits et les obligations de chacun, sans étouffer l'initiative individuelle?

L'organisation de la justice romaine nous apparaît comme un chef-d'oeuvre. Elle est digne de régir ces Grecs, ces Asiatiques soumis qui ont donné à Rome la culture intellectuelle, et qui n'eussent pas accepté de se soumettre à un droit archaïque. Elle a mené la société romaine à la prospérité et à l'ordre, et fait aimer par tous la paix romaine; elle est un des facteurs de ce phénomène historique étonnant : la conservation d'un si vaste empire pendant cinq siècles. Elle méritait que nous autres modernes tâchions d'en garder quelque chose, et d'en faire survivre l'essence, même si sa copie littérale, dans les circonstances nouvelles et la procédure différente qui est la nôtre, n'est plus possible.
 

absens, entis : absent
actio, onis, f. : 1. l'action 2. le procès, la plaidoirie 3. les manifestations de l'activité d'un magistrat dans l'exercice de ses fonctions 4. dans le langage judiciaire : la poursuite devant les tribunaux, la comparution
ago, is, ere, egi, actum : 1 - chasser devant soi, faire marcher, conduire, pousser, amener (en parlant des êtres animés ou personnifiés) 2. faire, traiter, agir
alius, a, ud : autre, un autre
amitto, is, ere, misi, missum : perdre
animaduerto, is, ere, ti, sum : 1. faire attention, remarquer 2. reconnaître, constater, voir 3. blâmer, critiquer, censurer, réprimander, reprendre, punir
annus, i, m. : l'année
aut, conj. : ou, ou bien
causa, ae, f. : la cause, le motif; l'affaire judiciaire, le procès; + Gén. : pour
consequor, eris, i, cutus sum : 1. venir après, suivre 2. poursuivre, rechercher 3. atteindre, obtenir, acquérir
consultum, i, n. : le décret ; senatus - : le sénatus-consulte
cum, inv. :1. Préposition + abl. = avec 2. conjonction + ind. = quand, lorsque, comme, ainsi que 3. conjonction + subj. : alors que
de, prép. + abl. : au sujet de, du haut de, de
decretum, i, n. : la décision, le décret
defendo, is, ere, fendi, fensum : défendre, soutenir
dico, is, ere, dixi, dictum : 1 - dire, affirmer, prononcer, exprimer; débiter, réciter. - 2 - dire le nom, nommer, appeler. - 3 - haranguer, plaider. - 4 - célébrer, chanter, raconter, décrire, composer, prédire. - 5 - fixer, assigner, établir, régler. - 6 - avertir, faire savoir, notifier. - 7 - signifier, vouloir dire. - 8 - nommer, élire, proclamer, élever au rang de.
do, das, dare, dedi, datum : donner
dolus, i, m. : 1 - la ruse, la supercherie, la fourberie, la tromperie, l'adresse, le tort causé, l'acte blâmable. - 2 - l'objet trompeur, le piège.
ea, 1. ablatif féminin singulier, nominatif ou accusatif neutres pluriels de is, ea, id (ce, cette, le, la...) 2. adv. : par cet endroit
earum, GEN. F. PL. de is, ea, id : ce, cette, son, sa
edictum, i, n. : l'ordre, la proclamation, l'édit du préteur
ego, mei : je
et, conj. : et. adv. aussi
experior, iris, iri, expertus sum : éprouver, essayer (expertus, a, um : éprouvé, qui a fait ses preuves)
facio, is, ere, feci, factum : faire
gero, is, ere, gessi, gestum : tr. - 1 - porter, qqf. transporter. - 2 - produire, enfanter. - 3 - au fig. porter, contenir, avoir en soi, entretenir (un sentiment). - 4 - faire (une action); exécuter, administrer, gouverner, gérer, conduire, exercer; au passif : avoir lieu. - 5 - passer (le temps). - 6 - avec ou sans se : se conduire, se comporter; jouer le rôle de, agir en.
habeo, es, ere, bui, bitum : avoir (en sa possession), tenir (se habere : se trouver, être), considérer comme
hic, haec, hoc : adj. : ce, cette, ces, pronom : celui-ci, celle-ci
hostis, is, m. : l'ennemi
in, prép. : (acc. ou abl.) dans, sur, contre
integer, gra, grum : non touché, sain et sauf ; de integro : de nouveau; ex integro : de fonds en comble; integrum est mihi : j'ai les mains libres
intra, prép. : + acc. : à l'intérieur de
item, inv. : de même
iudicium, ii, n. : le jugement, la décision, le procès (devant un tribunal)
iustus, a, um : juste, équitable, raisonnable
lex, legis, f. : la loi, la (les) condition(s) d'un traité
liceo, v. impers. : il est permis ; conj. + subj. : bien que
malus, a, um : mauvais, malheureux, méchant (malum, i, n. : le mal, le malheur, les mauvais traitements)
metus, us, m. : la peur, la crainte
minor, oris : plus petit (comp. de paruus)
natu, inv. : supin de nasci, or, naître
non, neg. : ne...pas
per, prép. : + Acc. : à travers, par
plebiscitum, i, n. : le plébiscite
potestas, atis, f. : 1. la puissance, le pouvoir 2. le pouvoir d'un magistrat 3. la faculté, l'occasion de faire qqch.
primum, adv. : d'abord, pour la première fois
princeps, ipis, n. m. et adj. : premier, chef, empereur
qua, 1. ablatif féminin singulier du relatif. 2. Idem de l'interrogatif. 3. après si, nisi, ne, num = aliqua. 4. faux relatif = et ea 5. adv. = par où?, comment?
quae, 4 possibilités : 1. nominatif féminin singulier, nominatif féminin pluriel, nominatif ou accusatif neutres pluriels du relatif = qui, que (ce que, ce qui) 2. idem de l'interrogatif : quel? qui? que? 3. faux relatif = et ea - et eae 4. après si, nisi, ne, num = aliquae
quaeque
, NFS ou NFPL ou NNPL ou ACCNPL de quisque : chaque, chacun
quam, 1. accusatif féminin du pronom relatif = que 2. accusatif féminin sing de l'interrogatif = quel? qui? 3. après si, nisi, ne, num = aliquam 4. faux relatif = et eam 5. introduit le second terme de la comparaison = que 6. adv. = combien
quid, 1. Interrogatif neutre de quis : quelle chose?, que?, quoi?. 2. eh quoi! 3. pourquoi? 4. après si, nisi, ne num = aliquid
quinque
, adj. inv. : cinq
quis, 1. pronom interrogatif N. M. S. 2. pronom indéfini = quelqu'un 3. après si, nisi, ne, num = aliquis 4. = quibus
quo
, 1. Abl. M. ou N. du pronom relatif. 2. Abl. M. ou N. du pronom ou de l'adjectif interrogatif. 3. Faux relatif = et eo. 4. Après si, nisi, ne, num = aliquo. 5. Adv. =où ? (avec changement de lieu) 6. suivi d'un comparatif = d'autant 7. conj. : pour que par là
quod, 1. pronom relatif nom. ou acc. neutre singulier : qui, que 2. faux relatif = et id 3. conjonction : parce que, le fait que 4. après si, nisi, ne, num = aliquod = quelque chose 5. pronom interrogatif nom. ou acc. neutre sing. = quel?
ratus, a, um : approuvé, adopté, ratifié
res, rei, f. : la chose, l'événement, la circonstance, l'affaire judiciaire; les biens
respublica, reipublicae : l'état, la politique
restituo, is, ere, tui, tutum : remettre debout, reconstruire, restaurer; restituer, rendre
secum, = cum se : avec soi
senatus, us, m. : le sénat
si, conj. : si
sum, es, esse, fui : être
suus, a, um : adj. : son; pronom : le sien, le leur
uideo, es, ere, uidi, uisum : voir (uideor, eris, eri, uisus sum : paraître, sembler)
uiginti, adj. num. : vingt
uinculum, i, n. : le lien, la chaîne ; la preuve. - ducere in vincula aliquem : conduire qqn dans les fers, conduire qqn en prison
ut, conj. : + ind. : quand, depuis que; + subj; : pour que, que, de (but ou verbe de volonté), de sorte que (conséquence) adv. : comme, ainsi que
utor, eris, i, usus sum : 1 - se servir de, jouir de, profiter de, recourir à. - 2 - emprunter, avoir l'usufruit de. - 3 - être en rapport avec, être en contact avec. - 4 - pratiquer, faire preuve de.
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