Les relations familiales

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PARENTS ET ENFANTS

Le noceur repenti

CICERON : M. Tullius Cicero fut avocat, homme politique, écrivain. Durant les dernières années de sa vie, aigri par son divorce et par sa mise à l'écart de la vie politique, Cicéron va se consacrer à la rédaction d'ouvrages théoriques sur l'art oratoire et sur la philosophie. Au fil de ses lectures, Cicéron choisit son bien où il le trouve ; il est en philosophie, un représentant de l'éclectisme.
Nous avons gardé de Cicéron une correspondance très importante. Elle contient beaucoup de renseignements sur sa vie familiale.
Cicéron junior est à Athènes. Des bruits peu flatteurs ont couru sur son compte. Il prétend s'être assagi.

Le noceur repenti

Gratos tibi optatosque esse, qui de me rumores adferuntur, non dubito, mi dulcissime Tiro, praestaboque et enitar, ut in dies magis magisque haec nascens de me duplicetur opinio. Quare, quod polliceris, te bucinatorem fore existimationis meae, firmo id constantique animo facias licet; tantum enim dolorem cruciatumque attulerunt errata aetatis meae, ut non solum animus a factis, sed aures quoque a commemoratione abhorreant. (...) [Cicéron junior fait l'éloge des gens qu'il fréquente.] De Gorgia, autem quod mihi scribis, erat quidem ille in cotidiana declamatione utilis, sed omnia postposui dum modo praeceptis patris parerem; diarr®dhn enim scripserat ut eum dimitterem statim. Tergiversari nolui, ne mea nimia spoude suspicionem ei aliquam importaret. Deinde illud etiam mihi succurrebat, grave esse me de iudicio patris iudicare. (...) [Suivent quelques considérations sur l'achat fait par Tiron d'une maison de campagne.] Sed peto a te, ut quam celerrime mihi librarius mittatur, maxime quidem Graecus; multum mihi enim eripitur operae in exscribendis hypomnematis.

CICÉRON, Lettres familières, 16, 21, 2, 6, 8 (sept. 44)

   vocabulaire

Le noceur repenti

Les bruits qui circulent sur mon compte te font plaisir et correspondent à ton attente, je n'en doute pas, mon très cher Tiron, et, de toutes mes forces, je fais en sorte que cette opinion naissante croisse chaque jour de plus en plus. Donc, comme tu me le promets, tu peux corner ma réputation à tous les coins de rue avec conviction et en toute occasion. Les erreurs de ma jeunesse m'ont peiné et chagriné à un point tel que non seulement ma tête a horreur de mes actes passés, mais encore mes oreilles répugnent à les entendre rappeler. [...] Tu m'écris au sujet de Gorgias; bien sûr, il m'était fort utile pour la pratique quotidienne de la déclamation, mais j'ai balayé tout cela plutôt que de désobéir aux ordres de mon père. Il m'avait écrit formellement que je m'en débarrasse sur l'heure. Je n'ai pas voulu tergiverser de peur qu'un zèle excessif de ma part ne lui fasse concevoir quelque soupçon. Ensuite, il m'est venu à l'esprit qu'il était grave de juger le jugement d'un père. [...] Je te demande de m'envoyer au plus vite un copiste, surtout un Grec bien sûr. En effet, je perds beaucoup de temps à transcrire mes notes.

CICÉRON, Lettres familières, 16, 21, 2, 6, 8 (sept. 44)

Gorgias : rhéteur athénien dont le jeune Cicéron avait suivi les leçons.
Accusant le rhéteur Gorgias d'inspirer au jeune homme le goût des plaisirs et de la boisson, Cicéron l'écarta de la compagnie de son fils. [...] Il est vrai que les reproches à Gorgias sont bien mérités, puisque ledit Gorgias était un individu vil et débauché, semble-t-il. PLUTARQUE, Cicéron, 24

Notice de commentaire

Les quatre extraits ci-dessus de la correspondance de Cicéron (Fiches 1. 2 - 5) méritent peut-être quelques remarques. En effet, il s'agit de textes particuliers et ils appellent sans doute un commentaire spécifique.

1. Les extraits en question ne sont pas tous de Cicéron, mais appartiennent à sa correspondance, c'est-à-dire que
a) deux sont de la main de Cicéron et Atticus, l'ami intime, en est le destinataire;
b) une est de Trébonius et c'est Cicéron qui en est le destinataire;
c) la quatrième est de l'intéressé (Cicéron junior) et c'est Tiron qui en est le destinataire.

Les relations qu'implique cet ensemble de textes sont donc complexes :
a) deux lettres (celles de Cicéron lui-même) sont des confidences à un ami intime (le style est quelque peu relâché; voir le début de ad Att., 15, 16);
b) la lettre que Trébonius adresse à Cicéron relève de la correspondance mondaine (le style le démontre);
c) la lettre de Cicéron junior est adressée à l'humilis amicus de la famille.

2. Contrairement aux lettres de la main de Cicéron, les autres sont susceptibles de contenir une stratégie (sociale chez Trébonius, intéressée -dans tous les sens du terme- de Cicéron junior).

3. Les faits sont imprécis; en quoi Cicéron junior se conduit-il mal ? Quels sont les signes exacts d'un changement?

4. Les dates sont importantes : le 2/5, Cicéron manifeste son inquiétude; le 25/5, Trébonius lui envoie une lettre rassurante (?); le 11/6, Cicéron se dit plus confiant (mais ne mentionne pas la lettre de Trébonius, qui ne lui est peut-être pas encore parvenue); en sept., Cicéron junior fait amende honorable.

5. Le commentaire qui pourrait être fait de ces quatre extraits implique probablement une approche très différente de celle qui est habituellement utilisée, en ce sens qu'ici, l'important n'est pas ce qui est dit, mais ce qui est dit à couvert ou passé sous silence.

En gros,

a) Cicéron est inquiet; il a reçu une lettre élogieuse de Léonidès, mais une restriction lui met la puce à l'oreille; en fait, cette restriction détruit le ton globalement élogieux du reste (pour autant que nous puissions le deviner en l'absence de la lettre en question). De plus, un de ses correspondants ne répond pas : Cicéron en déduit qu'Hérode ne lui écrit pas parce qu'il n'aurait rien de rassurant à lui annoncer.

b) Trébonius écrit d'Athènes à Cicéron; la lettre est rassurante : tout va bien, mais Trébonius s'empresse de dire qu'il ne fait pas l'éloge de Cicéron junior pour faire plaisir à son père, preuve que Cicéron pourrait penser que ce sont là les motivations de Trébonius. La conclusion est alambiquée : il faudrait aimer Cicéron junior quel que soit son comportement, mais Trébonius et Cicéron ont toutes les raisons de l'aimer puisqu'il se conduit bien. L'embarras de la formule ne traduit-il pas l'embarras de l'expéditeur ?

c) Cicéron a reçu une lettre de son fils. Le style le montre en progrès, ce qui est corroboré par tout le monde, sauf Léonidès, qui conserve la prudence qui inquiétait tant Cicéron le mois précédent. Hérode s'est manifesté et ne tarit pas d'éloges. Cicéron est content, mais pas rassuré, car il redoute de croire volontiers ce qu'il a envie de croire.

d) Cicéron junior dit lui-même que sa réputation s'améliore. Il se montre fils soumis, puisqu'il a éliminé une mauvaise relation (encore que pas tout à fait négative, selon lui) pour obéir à son père. Il termine en demandant de l'argent pour un bon motif (les études). La demande finale n'est-elle pas la justification de la stratégie déployée envers Tiron ?

 

a, prép. : + Abl. : à partir de, après un verbe passif = par
abhorreo, es, ere, horrui, - : s'éloigner avec effroi, éprouver de l'horreur (+ Abl.)
adfero, fers, ferre, attuli, allatum : apporter
aetas, atis, f. : 1. le temps de la vie, la vie 2. l'âge 3. la jeunesse 4. te temps, l'époque (in aetatem : pendant longtemps)
affero, fers, ferre, attuli, allatum : apporter
aliqui, qua, quod : quelque
animus, i, m. : le coeur, la sympathie, le courage, l'esprit
auris, is, f. : l'oreille
autem, conj. : or, cependant, quant à -
bucinator, oris, m. : le sonneur de trompette (à l'armée)
celerrime : très vite
commemoratio, ionis, f. : le rappel
constans, antis : ferme, constant, conséquent
cotidianus, a, um : quotidien
cruciatus, us, m. : la torture, le supplice, la souffrance
de, prép. + abl. : au sujet de, du haut de, de
declamatio, ionis, f. : la déclamation
deinde, adv. : ensuite
diarr®dhn: formellement
dies, ei, m. et f. : le jour
dimitto, is, ere, misi, missum : 1. envoyer dans tous les sens 2. disperser 3. renvoyer, laisser partir 4. renoncer à, abandonner
dolor, oris, m. : la douleur
dubito, as, are : douter, hésiter
dulcissimus, a, um : superlatif de dulcis, e : doux
dum, conj. : 1. + ind. = pendant que, jusqu'à ce que 2. + subj. : pourvu que, le temps suffisant pour que
duplico, as, are : doubler
ego, mei : je
ei, DAT. SING ou NOM. M. PL. de is,ea,id : lui, à celui-ci, ce,...
enim, conj. : car, en effet
enitor, eris, i, nisus ou nixus sum : faire un effort, accoucher, mettre bas
eripio, is, ere, ere, ripui, reptum : arracher, enlever
erratum, i, n. : l'erreur
et, conj. : et. adv. aussi
etiam, adv. : encore, en plus, aussi, même, bien plus
eum, ACC M SING. de is, ea, id : il, lui, elle, celui-ci...
existimatio, ionis, f. : l'opinion, le jugement, la réputation
exscribo, is, ere, scripsi, scriptum : transcrire
facio, is, ere, feci, factum : faire
firmo, as, are : consolider
fore, infinitif futur de esse
Gorgias, ae
, m. : Gorgias
Graecus, a, um : Grec
gratus, a, um : agréable, reconnaissant
gravis, e : sérieux, triste, lourd, alourdi
hic, haec, hoc : adj. : ce, cette, ces, pronom : celui-ci, celle-ci
hypomnemata, um, n. : les notes (hypomnematis : Abl. pl.)
id, NOM-ACC N. SING. de is, ea, is : il, elle, le, la, ....
ille, illa, illud : adjectif : ce, cette (là), pronom : celui-là, ...
importo, as, are : importer, apporter, faire naître
in, prép. : (acc. ou abl.) dans, sur, contre
in dies : de jour en jour
iudicium, ii, n. : le jugement, la décision
iudico, as, are : 1. juger, faire office de juge 2. rendre un jugement 3. requérir 4. décider
librarius, i, m. : le copiste
licet, v. impers. : il est permis ; conj. + subj. : bien que
magis, adv. : plus
maxime, adv. : surtout
meus, mea, meum : mon
mi, = mihi (datif de ego); vocatif de meus, a, um
mitto, is, ere, misi, missum : I. 1. envoyer 2. dédier 3. émettre 4. jeter, lancer II. laisser aller, congédier
modo, adv. : seulement ; naguère, il y a peu
multum, adv. : beaucoup
nascor, eris, i, natus sum : 1. naître 2. prendre son origine, provenir
ne, adv. : ... quidem : pas même, ne (défense) ; conj. + subj. : que (verbes de crainte et d'empêchement), pour que ne pas, de ne pas (verbes de volonté)
nimius, a, um : excessif
nolo, non vis, nolle, nolui : ne pas vouloir, refuser
non, neg. : ne...pas
omnis, e : tout
opera, ae, f. : le soin, l'effort (operam dare : se consacrer à)
opinio, onis, f : l'opinion, l'idée préconçue, le préjugé, l'illusion
opto, as, are : souhaiter
pareo, es, ere, ui, itum : paraître, apparaître, se montrer; obéir
pater, tris, m. : le père, le magistrat
peto, is, ere, ivi, itum : 1. chercher à atteindre, attaquer, 2. chercher à obtenir, rechercher, briguer, demander
polliceor, eris, eri, pollicitus sum : promettre
postpono, is, ere, posui, positum :placer après, mettre en dessous, faire moins de cas de
praeceptum, i, n. : le précepte, la règle, la leçon
praesto, as, are : l'emporter sur, être garant, fournir (praestat : imp. : il vaut mieux) - ut : faire en sorte que
quam, 1. accusatif féminin du pronom relatif = que 2. accusatif féminin sing de l'interrogatif = quel? qui? 3. après si, nisi, ne, num = aliquam 4. faux relatif = et eam 5. introduit le second terme de la comparaison = que 6. adv. = combien
quare, inv. : c'est pourquoi, pourquoi
qui, 1. n N.M.S ou N.M.PL. du relatif 2. idem de l'interrogatif 3. après si, nisi, ne, num = aliqui 4. Faux relatif = et ei 5. interrogatif = en quoi, par quoi
quidem, adv. : certes (ne-) ne pas même
quod : quant au fait que
quod, 1. pronom relatif nom. ou acc. neutre singulier : qui, que 2. faux relatif = et id 3. conjonction : parce que, le fait que 4. après si, nisi, ne, num = aliquod = quelque chose 5. pronom interrogatif nom. ou acc. neutre sing. = quel?
quoque, adv. : aussi
rumor, oris, m. : le bruit, la rumeur (attraction du relatif dans la prop. rel.)
scribo, is, ere, scripsi, scriptum : 1. tracer, écrire 2. mettre par écrit 3. rédiger 4. inscrire, enrôler
sed, conj. : mais
solum, i, n. : le sol
spoude : le zèle, la hâte
statim, adv. : aussitôt
succurro, is, ere, succurri, cursum : affronter, venir à l'esprit, courir au secours
sum, es, esse, fui : être
suspicio, ionis, f. : le soupçon
tantus, a, um : si grand ; -... ut : si grand... que
tergiversor, aris, ari : tourner le dos, tergiverser
Tiro, onis, : Tiron (Marcus Tullius Tiro, affranchi et secrétaire de Cicéron)
tu, tui : tu, te, toi
ut, conj. : + ind. : quand, depuis que; + subj; : pour que, que, de (but ou verbe de volonté), de sorte que (conséquence) adv. : comme, ainsi que
utilis, e : utile

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