Vivre ses passions : l'argent

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Un passionné d'oeuvres d'art

CICÉRON : M. Tullius Cicero fut avocat, homme politique, écrivain. Durant les dernières années de sa vie, aigri par son divorce et sa mise à l'écart de la vie politique, Cicéron va se consacrer à la rédaction d'ouvrages théoriques sur l'art oratoire et sur la philosophie. Au fil de ses lectures, Cicéron choisit son bien où il le trouve ; il est en philosophie un représentant de l'éclectisme.

autres textes de cicéron

Cicéron possédait en Italie de nombreuses villas. Pour les décorer, il chargeait son ami Atticus, qui faisait de longs séjours en Grèce, de lui ramener des objets d'art. Cette lettre date du début de l'année 66.

Quod ad me de Hermathena scribis, per mihi gratum est. Est ornamentum Academiae proprium meae, quod et Hermes commune omnium et Minerva singulare est insigne eius gymnasii. Quare velim, ut scribis, ceteris quoque rebus quam plurimis eum locum ornes. Quae mihi antea signa misisti, ea nondum vidi ; in Formiano sunt, quo ego nunc proficisci cogitabam. Illa omnia in Tusculanum deportabo. Caietam, si quando abundare coepero, ornabo. Libros tuos conserva et noli desperare eos me meos facere posse. Quod si adsequor, supero Crassum divitiis atque omnium vicos et prata contemno!

CICÉRON, Lettres à Atticus, I, 4, 3.
   vocabulaire

Ce que tu m'écris à propos de l'Hermathéna me fait le plus grand plaisir. C'est l'ornement idéal pour mon Académie, car Hermès est l'emblème de tous les gymnases et Minerve convient particulièrement au mien. Aussi voudrais-je, comme tu me l'écris, que tu décores cet endroit avec le plus possible d'autres objets. Les statues que tu m'as envoyées précédemment, je ne les ai pas encore vues. Elles sont dans ma villa de Formies où je compte me rendre maintenant. Je les transporterai toutes dans ma propriété de Tusculum. J'ornerai Caiète, si jamais je deviens riche. Conserve tes livres et ne désespère pas que je puisse te les acheter un jour. Si j'y arrive, je dépasse Crassus en richesses et je méprise les propriétés et les terrains de tous.

CICÉRON, Lettres à Atticus, I, 4, 3.

1) Cette passion pour les oeuvres d'art était partagée par les contemporains de Cicéron. Certains, comme Verrès, propréteur de Sicile en 73, n'hésitent pas à s'en procurer illégalement.

Cicéron dénonce sa cupidité.

J'en arrive maintenant à ce qu'il appelle lui-même sa passion, ou sa maladie et sa folie, comme disent ses amis, ou ses vols, comme disent les Siciliens. Moi, je ne sais de quel nom l'appeler. Je vous présenterai les faits . [...]

J'affirme que dans la Sicile tout entière, cette province si riche, si ancienne, qui comprend tant de villes, tant de familles si opulentes, il n'y a eu aucun vase d'argent, aucun vase de Corinthe ou de Délos, aucune pierre précieuse ou aucune perle, aucun objet d'or ou d'ivoire, aucune statue de bronze, de marbre, d'ivoire, il n'y a eu, je l'affirme, aucun tableau ni aucune tapisserie qu'il n'ait recherchés, examinés, dérobés. [...]

Je précise même : sur toute l'étendue de la Sicile, il n'a rien laissé dans la demeure de qui que ce soit, même celle d'un hôte, rien dans les lieux publics, même consacrés, rien chez un Sicilien, rien chez un citoyen romain, rien enfin qui lui soit tombé sous les yeux ou dont il ait appris l'existence, fût-ce un bien privé ou un bien public, un objet profane ou un objet sacré.

CICÉRON, Verrines, De signis, I, 1-2.

2) Mais, à la fin de sa vie, Cicéron semble changer d'avis et fait l'éloge de la pauvreté.

Pourquoi dès lors désirer la richesse? Et en quoi la pauvreté empêche-t-elle d'être heureux? J'admets que l'on aime les statues, les tableaux. S'il se trouve que l'on ait cette passion, n'est-il pas vrai que les petites gens sont à même de la satisfaire mieux que ceux qui possèdent un grand nombre de ces objets? Dans notre capitale, en effet, le domaine public est très riche en oeuvres d'art de toute sorte, tandis que les particuliers qui en possèdent n'en ont pas autant sous les yeux et du reste ne les voient que rarement, lors des voyages qu'ils font à leurs campagnes. Encore ne sont-ils point sans éprouver quelque remords, quand ils songent à la manière dont ils se les ont procurés. Mais je n'en finirais pas, si je voulais me faire l'avocat de la pauvreté. La question est claire en effet, et tous les jours les avertissements de la nature même nous rappellent combien ses besoins sont peu nombreux, combien ils sont peu étendus, combien ils sont peu coûteux.

CICÉRON, Tusculanes, V, 102, traduction J. HUMBERT, Les Belles Lettres.

3) Fr. et J. FOURASTIE, Les écrivains témoins du peuple, Paris, J'ai lu, 1980, p. 27.

La pauvreté Rutebeuf

Le texte qui suit est extrait de la Pauvreté Rutebeuf, poème composé pour demander l'aide du roi Saint Louis, en l'été de 1270 :

Je ne sais par où je commence
Tant ai de matière abondance
Pour parler de ma pauvreté.
Nul ne me tend, nul ne me baille :
Je tousse de froid, de faim baîlle,
Dont je suis mort et maubailliz (mal en point).
Je suis sans cottes et sans lit ;
N'a si pauvre jusqu'à Senlis.
Sire, je ne sais quel part aille :
Mon côté connaît le paillis,
Et lit de paille n'est pas lit,
Et en mon lit n'a fors la paille.
Sire, je vous fais assavoir
Je n'ai de quoi de pain avoir :
A Paris suis entre tous biens,
Et n'y a nul qui y soit mien.

abundo, as, are : être en grand nombre, être abondamment pourvu
Academia, ae
, f. : l'Académie (gymnase de Cicéron dans sa villa de Tusculum)
ad
, prép. : + Acc. : vers, à, près de
adsequor, eris, i, secutus sum
: 1. atteindre, attraper 2. parvenir à, obtenir
antea
, adv. : auparavant
atque
, conj. : et, et aussi
Caieta, ae
, f. : Caiète 1. nourrice d'Enée 2. ville et port du Latium (villa de Cicéron)
ceteri, ae, a
: pl. tous les autres
coepio, is, ere, coepi, coeptum
: (plutôt avec rad. pf et supin) : commencer
cogito, as, are
: penser, réfléchir
communis, e
: 1. commun 2. accessible à tous, affable
conservo, as, are
: garder, conserver
contemno, is, ere, tempsi, temptum :
tr. - mépriser, ne pas faire cas de, ne pas tenir compte de, tenir pour négligeable, ne pas se soucier, dédaigner; braver, ne pas craindre.
crassus, a, um
: épais, grossier (Crassus, i, m. : Crassus)
de
, prép. + abl. : au sujet de, du haut de, de
deporto, as, are
: emporter, transporter, exiler
despero, as, are
: désespérer
divitiae, arum,
f. : les biens, les richesses, la fortune.
ea
, 1. ablatif féminin singulier, nominatif ou accusatif neutres pluriels de is, ea, id (ce, cette, le, la...) 2. adv. : par cet endroit
ego, mei
: je
eius
, génitif singulier de is, ea, id : ce, cette, son, sa, de lui, d'elle
eos
, acc. m. pl. de is, ea, id : les, ceux-ci, ces
et
, conj. : et. adv. aussi
eum
, ACC M SING. de is, ea, id : il, lui, elle, celui-ci...
facio, is, ere, feci, factum
: faire
Formianus, a, um
: de Formies (Formianum : la villa de Formies)
gratus, a, um
: agréable, reconnaissant
gymnasium, i
, n. : le gymnase (lieu destiné à la promenade et aux conversations philosophiques)
Hermathena, ae
, f. : un Hermathéna (buste d'Athéna supporté par un pilier appelé communément "hermès")
Hermes, etis
, m. : Hermès
ille, illa, illud
: adjectif : ce, cette (là), pronom : celui-là, ...
in
, prép. : (acc. ou abl.) dans, sur, contre
insignis, e
: remarquable, extraordinaire (insigne, is, n. : la marque, le signe, l'insigne, la décoration)
liber, bri,
m. : le livre
locus, i
, m. : le lieu, l'endroit; la place, le rang; la situation
meus, mea, meum
: mon
Minerva, ae
, f. : Minerve
mitto, is, ere, misi, missum
: I. 1. envoyer 2. dédier 3. émettre 4. jeter, lancer II. laisser aller, congédier
noli, ite
+ inf. : = ne + impératif
nondum
, adv. : pas encore
nunc
, adv. : maintenant
omnis, e
: tout
ornamentum, i
, n. : 1. l'appareil, l'équipement 2. l'ornement, la parure
orno, as, are
: 1 - orner, décorer, parer, embellir. - 2 - décorer (d'une dignité), honorer, distinguer. - 3 - faire valoir, vanter, louer, exalter. - 4 - pourvoir, fournir, garnir, équiper, préparer, armer (des vaisseaux), mettre en état.
per
, prép. : + Acc. : à travers, par
plurimi, ae, a
: pl. superlatif de multi - très nombreux
possum, potes, posse, potui
: pouvoir
pratum, i
, n. : le pré
proficiscor, eris, i, fectus sum
: 1 - se mettre en route, partir, s’en aller. - 2 - aller vers, passer à. - 3 - provenir, dériver.
proprius, a, um
: propre, particulier
quae
, 4 possibilités : 1. nominatif féminin singulier, nominatif féminin pluriel, nominatif ou accusatif neutres pluriels du relatif = qui, que (ce que, ce qui) 2. idem de l'interrogatif : quel? qui? que? 3. faux relatif = et ea - et eae 4. après si, nisi, ne, num = aliquae
quam
, 1. accusatif féminin du pronom relatif = que 2. accusatif féminin sing de l'interrogatif = quel? qui? 3. après si, nisi, ne, num = aliquam 4. faux relatif = et eam 5. introduit le second terme de la comparaison = que 6. adv. = combien
quando
, adv. : quand; après si, nisi, ne, num = aliquando = parfois; conj. : quand, puisque
quare
, inv. : c'est pourquoi, pourquoi
qui
, 1. nominatif masculin singulier ou nominatif masculin pluriel du relatif 2. idem de l'interrogatif 3. après si, nisi, ne, num = aliqui 4. faux relatif = et ei 5. interrogatif = en quoi, par quoi
quo
, 1. Abl. M. ou N. du pronom relatif. 2. Abl. M. ou N. du pronom ou de l'adjectif interrogatif. 3. Faux relatif = et eo. 4. Après si, nisi, ne, num = aliquo. 5. Adv. =où ? (avec changement de lieu) 6. suivi d'un comparatif = d'autant 7. conj. : pour que par là
quod
, 1. pronom relatif nom. ou acc. neutre singulier : qui, que 2. faux relatif = et id 3. conjonction : parce que, le fait que 4. après si, nisi, ne, num = aliquod = quelque chose 5. pronom interrogatif nom. ou acc. neutre sing. = quel?
quoque
, adv. : aussi
res, rei
, f. : la chose, l'événement, la circonstance, l'affaire judiciaire; les biens
scribo, is, ere, scripsi, scriptum
: 1. tracer, écrire 2. mettre par écrit 3. rédiger 4. inscrire, enrôler
si
, conj. : si
signum, i,
m : 1 - la marque, le signe, l'empreinte. - 2 - le sceau, le cachet. - 3 - la marque (qui fait reconnaître), le signe, l'indice, la preuve. - 4 - le signe, le présage, le pronostic; le symptôme. - 5 - le signe, le geste. - 6 - le signal (militaire), le signe de ralliement, le point de repère. - 7 - le mot d'ordre, la consigne, l'ordre. - 8 - l'enseigne, l'étendard, le drapeau. - 9 - la statue. - 10 - le signe (du zodiaque), la constellation.
singularis, e
: seul, personnel, particulier, unique, extraordinaire
sum, es, esse, fui
: être
superus, a, um
: qui est au dessus ; Superi : les dieux; supera, orum : les corps supérieurs, célestes
Tusculanum, i
, n. : noms de plusieurs villas situées près de Tusculum
tuus, a, um
: ton
ut
, conj. : + ind. : quand, depuis que; + subj; : pour que, que, de (but ou verbe de volonté), de sorte que (conséquence) adv. : comme, ainsi que
vicus, i
, m. : le quartier, le village
video, es, ere, vidi, visum
: voir (videor, eris, eri, visus sum : paraître, sembler)
volo, vis, velle
: vouloir
texte
texte
texte
texte