entrée du site table des matières de Salluste
SALLUSTE
INVECTIVE
DE SALLUSTE CONTRE CICÉRON
ET
RÉPONSE DE CICÉRON A SALLUSTE
fragments de l'Histoire lettre de Salluste à César
Nous n'avons pas d'abord l'intention de comprendre, dans cette
édition de Salluste, les deux morceaux connus sous le titre d'Invective de
Salluste contre Cicéron, et de Cicéron contre Salluste ; mais, en y
réfléchissant, il nous a semblé qu'on ne serait pas fâché de trouver ici
ces deux pièces qui, quelquefois publiées dans les œuvres complètes de
Cicéron, ne l'ont jamais été dans celles de Salluste. Ce sont, on le sait,
deux déclamations violentes, sorties très probablement de l'école d'un
rhéteur.
(01) Liv. IV, c. 1 ; Liv .
IX, c. III. - Seneca, Controv.
INVECTIVE DE SALLUSTE CONTRE M. T. CICÉRON
I. Je serais grièvement blessé, M.
Tullius, et je supporterai impatiemment tes outrages, si je pouvais les
attribuer plutôt à une opinion réfléchie qu’à un travers d'esprit.
Toutefois, ne voyant en toi ni pudeur ni retenue, je romprai le silence et
changerai en amertume les douceurs qui tu as pu trouver à m'accabler d'injures.
Mais devant qui porterais-je mes plaintes ? à qui pourrais-je dire que la
république est déchirée, et qu'elle est à la merci des plus ambitieux ?
Sera-ce au peuple romain ? corrompu par des largesses, il a mis à l'encan sa
personne et ses biens. Sera- ce à vous, pères conscrits, à vous dont
l'autorité est devenue le jouet de tout ce qu'il y a de scélérats et de
pervers, depuis qu'un Tullius, s'arrogeait le titre de défenseur des lois et
des décrets du peuple romain, s'est constitué le chef de votre ordre, comme
s'il était le dernier rejeton de la famille la plus illustre, d'un Scipion
l'Africain, et non un homme sorti du néant, qui a usurpé le droit de cité, et
ne s'est élevé qu'à force de ramper ? II. Quoi qu'il en soit, Cicéron ne s'en vante pas moins d'avoir assisté au conseil des deux immortels, et d'avoir été envoyé par eux dans cette ville pour être le sauveur des Romains, lui qui met sa plus grande gloire à en être le bourreau ! comme si ton consulat, ô Cicéron ! n'avait pas été l'unique cause de la conjuration de Catilina ; comme si la république, dans ce temps-là même, n'avait pas été dans une perpétuelle agitation pour avoir été confiée à ta garde. Mais, à mon avis, ce qui te rend encore plus glorieux, c'est sans doute d'avoir après ton consulat, et à l'aide de ta femme Terentia, sauvé la république, lorsque, rendant chez vous des arrêts fondés sur la loi Plautia, vous condamniez les conjurés, les uns à des amendes, les autres à la mort, lorsque vous exigiez que tel vous fît bâtir une villa à Tusculum ou à Pompéies, que tel autre vous donnât un palais. Malheur à quiconque se trouvait dans l'impuissance de te satisfaire ! Livré aux tribunaux, il avait assiégé ta maison ou conspiré contre le sénat ; tu avais au besoin et à l'instant même des preuves toutes prêtes. Si mes allégations sont fausses, rends-nous tes comptes ; dis-nous de quel patrimoine tu as hérité, de combien il s'est accru par les procès que tu as eus, avec quel argent tu as acheté ta maison, et fait construire de si beaux palais à Tusculum et à Pompéies ? Si tu gardes le silence, qui pourra douter que ton immense fortune ne soit le prix du sang et des dépouilles de tes concitoyens ? mais, si je ne me trompe, l'homme nouveau d'Arpinum, cet allié de la famille de Marius, imitant les vertus de ses ancêtres, se rit de la haine des grands, ne se laisse emporter ni par la crainte ni par la faveur, et n'a d'affection que pour le peuple romain ; il ne connaît que l'aminé et la vertu. Non, il n'en est point ainsi : c'est l'homme le plus léger, souple devant ses ennemis, fier devant ses amis, tantôt d'un parti, tantôt d'un autre, infidèle à chacun ; sénateur sans dignité, avocat mercenaire, n'ayant aucune partie de son corps qui ne soit souillée : sa langue est l'organe du mensonge, ses mains sont rapaces, ses pieds fugitifs, sa bouche insatiable, et, ce qu’on ne peut honnêtement nommer, extrêmement malhonnête. III. Et toutefois c'est lui qui a le front de s'écrier Rome fortunée, en mon consulat née !
Quoi ! Cicéron, Rome fut heureuse sous ton
consulat ? Jamais elle ne fut plus malheureuse, plus digne de pitié : elle a
vu, toi consul, ses habitants proscrits, lorsqu'au milieu du trouble universel
tu contraignais les hommes paisibles, abattus par la terreur, à se soumettre à
tes ordres barbares ; lorsque la justice et la loi étaient entre tes mains une
arme à deux tranchants, et qu'après avoir abrogé la loi Porcia tu nous
ravissais la liberté en faisant dépendre de toi seul la vie ou la mort de tes
concitoyens. Il ne te suffit pas de jouir impunément du fruit de tes forfaits ;
il faut encore qu'en nous les rappelant tu en fasses le monument de notre honte,
afin qu'il ne nous soit plus permis d'oublier la servitude dans laquelle tu nous
avais plongés. Que les armes le cèdent à la toge, et les lauriers à l'éloquence !
comme si c'était en toge, et non sous les
armes, que tu as exécuté les hauts faits dont tu te glorifies, et comme si
entre ta tyrannie et celle du dictateur Sylla il y avait eu d'autre différence
que le nom. INVECTIVE CONTRE SALLUSTE ATTRIBUÉE A CICÉRON .
I. C'est donc une grande volupté pour toi,
Salluste, de mener une vie conforme à ton langage, et de ne débiter aucune
infamie à laquelle ta manière de vivre n'ait, dès tes plus jeunes ans,
répondu par toute espèce de crimes, en sorte que l'on peut affirmer que ton
discours est le miroir fidèle de tes moeurs ! Quiconque vit comme toi ne
pourrait pas s'exprimer autrement ; et quiconque se sert de termes aussi
grossiers ne saurait avoir une conduite très exemplaire. Combien ma position
est pénible, pères conscrits ! par où commencer ? J'ai à parcourir une
carrière d'autant plus difficile, que chacun de nous deux est mieux connu. Si,
pour réfuter d'atroces calomnies, je vous entretiens de ma vie et de mes
actions, je vois d'ici l'envie toute prête à m'en ravir la gloire ; et, si,
mettant au grand jour la conduite et les moeurs de mon antagoniste, je vous
dévoile sa turpitude, je tremble de tomber dans le vice odieux dont je lui fais
un crime. Toutefois, si, par hasard, il m'arrivait de dire la moindre chose qui
pût vous blesser, que votre animadversion ne tombe point sur moi ; je ne suis
point le provocateur. II. Et d'abord, puisque Salluste va chercher ses exemples et ses modèles parmi nos ancêtres, je voudrais bien qu'il nous dît si ceux qu'il nous désigne, les Scipion, les Metellus et les Fabius, étaient déjà célèbres et couverts de gloire avant que de hauts faits et une vie sans reproche les eussent signalés à la postérité. Si c'est à ces hauts faits qu'ils doivent leur gloire immortelle, pourquoi de belles actions et une vie sans tache ne nous donneraient-elles pas le même privilégie ? Ne dirait-on pas à t'entendre, Salluste, que tu descends de ces grands hommes ? Ah ! s'il en était ainsi, il est des gens qui auraient à rougir de ton infamie. Moi, j'ai par mes vertus jeté l'éclat sur le nom de mes pères, et, si avant moi ils n'étaient point encore connus, ils reçoivent de moi un commencement d'illustration. Mais, toi, Salluste, tu as par une vie dépravée enveloppé tes ancêtres dans d'épaisses ténèbres, et, supposé qu'ils aient été d'éminents personnages, on les aurait bien certainement vus tomber, grâce à toi, dans un profond oubli. Cesse donc de m'opposer des noms antiques : il me suffit de briller plutôt par mes actions que par ma naissance, et d'avoir vécu de telle sorte, que je serve d'exemple à mes derniers neveux, qui trouveront en moi le premier degré de leur noblesse. Au reste, il ne me convient pas, pères conscrits, de me mettre en parallèle avec ceux qui ne sont plus : les traits de l'envie et de la haine ne sauraient les atteindre ; toutefois je peux être comparé à ceux que j'ai eus pour collègues dans les différentes fonctions où la république m'a appelé. Mais, si j'eusse, en cherchant les honneurs, poussé trop loin l'ambition (je n'entends point parler de cette ambition patriotique dont je fais profession, mais de cette ambition dangereuse et proscrite par nos lois dont Salluste s'est proclamé le soutien), et si, dans l'exercice de mes charges, j'eusse été ou trop sévère à punir les méchants, ou trop ardent à veiller au salut de l'État (ce que tu nommes, Salluste, un régime de proscription), j'ai lieu de croire que tous ceux qui te ressemblent ne fussent point restés sains et saufs dans cette cité. Oh ! que la république serait dans une situation plus florissante, si l'on t'avait compris parmi les scélérats qui causent tes regrets et avec lesquels tu as une si grande conformité ! Est-ce donc à tort que je me suis écrié à cette époque : Que les armes le cèdent à la toge ! puisque c'est en toge que j'ai vaincu des citoyens armés et que j'ai triomphé de la guerre par la paix ; et, quand j'ai dit : 0 Rome fortunée sous mon consulat ! ai-je donc trahi la vérité, moi qui apaisai de si grandes dissensions, moi qui étouffai l'incendie qui menaçait nos foyers domestiques ? Ne devrais-tu pas rougir, ô le plus inconséquent des hommes ! de me faire aujourd’hui un crime des actions dont tu m'as loué si pompeusement dans tes histoires ? Je vous le demande, pères conscrits, est-il plus honteux de mentir en écrivant pour le public qu'en parlant devant vous ?
III. Quant aux reproches que tu fais à
ma jeunesse, toujours, j'ose le dire, j'ai cité aussi éloigné de
l'impudicité que toi de la chasteté. Mais à quoi bon me plaindre encore de
toi ? de quelle imposture auras-tu honte, après avoir eu l'audace de me faire
un crime de cette éloquence dont tu aurais eu sans cesse besoin pour te
soustraire à la rigueur des lois ? penses-tu donc qu'un citoyen puisse jamais
se rendre recommandable, s'il n'a été initié dans les lettres et dans l'art
de l'orateur ? Penses-tu donc qu'il y ait d'autres berceaux pour la vertu et
d'autres éléments capables de faire germer dans un coeur le désir de la
gloire ? Mais il n'est pont étonnant, pères conscrits, qu'un homme livré à
la mollesse et à la luxure méconnaisse ces vérités et les considère comme
des choses nouvelles ou hors d'usage. Lorsque avec une rage dont on n'a pas
d'exemple tu as attaqué ma femme et ma fille, qui gardent plus de réserve avec
les personnes d'un autre sexe que toi avec celles du tien, tu as agi avec assez
d'adresse et de prudence ; tu n’as pas craint que je te rendisse la pareille
en attaquant à mon tour et ta femme et ta fille ; mais tu
peux à toi seul fournir un texte à mes récriminations, car il n'est personne
de plus souillé que toi dans toute ta maison. Quel n'a pas encore été ton
aveuglement, lorsque tu as tenté de m'exposer aux traits de l'envie en parlant
de mes affaires domestiques ! mes richesses sont bien au-dessous de ce qu'elles
devraient être : et plût aux dieux que je fusse moins opulent que je ne le
suis, et que mes amis encore pleins de vie ne m'eussent point enrichi par leurs
testaments ! IV. Non, il n’est point surprenant que j’aie mérité la bienveillance de mes concitoyens : je ne me suis jamais fait l'esclave de personne, et mes services n'ont jamais été mis à prix ; mais, suivant ce que chaque citoyen avait fait pour la république, il devenait mon ami ou mon ennemi. Tous mes efforts tendaient à faire prévaloir la concorde ; d'autres nourrissaient de coupables espérances parmi le peuple. Je n'ai jamais craint que les lois ; d'autres voulaient qu'on ne redoutât que leur épée. Je n'ai jamais ambitionné le pouvoir que pour vous ; plusieurs d'entre vous, se confiant dans leur puissance, ont abusé contre vous de leurs forces. Ne soyez donc point étonnés si j'ai dédaigné l'amitié de quiconque ne s'est point montré l'ami constant de sa patrie. Je ne me repens ni d'avoir prêté mon ministère à Vatinius, qui, traduit en justice, me l'avait demandé, ni d'avoir gourmandé la patience de Bibulus, ni d'avoir réprimé l'insolence de Sextius, ni d'avoir applaudi aux vertus de César : tout bon citoyen en serait loué et mériterait de l'être. Si toutes ces actions sont à tes yeux des vices, tu seras puni de ta témérité ; car de pareils vices ne trouveront jamais de censeurs. J'en dirais davantage, si j'avais à me justifier devant d'autres que vous, pères conscrits, vous que j'ai toujours eus pour régulateurs de ma conduite. Au reste, quand les faits parlent, l'orateur doit se taire. V. Or maintenant, Salluste, pour en revenir à toi, j'éviterai de parler de ton père : sa vie fut sans doute irréprochable ; toutefois il fit une cruelle injure à la république, lorsqu'il engendra un fils tel que toi. J'éviterai aussi de parler de ton enfance, car ce serait peut être accuser ton père, qui dut en prendre soin ; mais j'examinerai comment tu t'es conduit dans ta jeunesse : un pareil examen donnera facilement à entendre combien fut dissolue l'enfance de celui qui, en grandissant, fut si impudique et si effronté. Quand, le honteux revenu que tu retirais du trafic le plus infâme ne put suffire à ton extrême voracité, et que, passant de mode, ton âge ne te permit plus de te livrer à une exécrable prostitution, on te vit, emporté par les mouvements les plus déréglés, essayer sur autrui ce que tu n'avais pas jugé déshonorant sur toi. Il n'est point facile, pères conscrits, de décider si de pareilles ignominies ont augmenté ou diminué sa fortune. Son père était vivant encore, quand il eut la bassesse de mettre sa maison en vente ; il la vendit, et l'on ne peut douter qu'il n'ait hâté sa mort, puisque, sans attendre qu'il eût fermé les yeux à la lumière, il disposait de tout en héritier. Et il ne rougit pas de me demander qui habite la maison de P. Crassus, lui qui ne pourrait pas dire qui habite celle de son père ! mais, s'il a failli, dira-t-on, il faut en accuser l'inexpérience de sa jeunesse ; il s'est sans doute corrigé dans la suite. Nullement, car il se jeta dans la société du sacrilège Nigidius, et, traduit deux fois en justice, il courut le plus grand danger ; toutefois il s'en tira si mal, que ses juges parurent plutôt coupables que lui ne parut innocent. Parvenu au premier degré des honneurs en obtenant la questure, il fut ensuite admis dans le sénat ; mais il ne tarda pas à mépriser une dignité dont pouvait être revêtu l'homme le plus vil, puisqu' elle lui avait été donnée. Aussi, dès qu'il fut devenu l'opprobre de toutes les mères, craignant que ses déportements vous restassent inconnus, il eut l'audace de vous confesser un adultère, et votre aspect ne le fit pas même rougir. Tu peux vivre comme il te plaît, Salluste, et faire tout ce que tu voudras ; mais qu'il te suffise de n'avoir que toi seul pour complice de tes crimes, et ne nous fais pas un reproche de notre insouciance et de notre léthargie. Quelque attentifs que nous soyons à veiller sur la chasteté de nos épouses, nous ne le sommes point encore assez pour que tu ne puisses nous surprendre ; toutes nos précautions cèdent devant ton audace : qui pourrait, en effet, retenir celui qui n'a pas eu honte de confesser en plein sénat un adultère ?
VI. Si, dédaignant de te répondre sur ce qui
me concerne, je me bornais à lire devant le monde cette sentence si
flétrissante que rendirent si légalement contre toi App. Claudius et L. Pison,
ces deux censeurs, les plus intègres de tous les hommes, ne te semblerait-il
pas que je veux imprimer sur ton front des taches que, dans tout le reste de ta
vie, tu ne parviendras point à effacer ! Après ton exclusion du sénat, on ne
t'a plus revu ; sans doute tu t'étais réfugié dans ce camp où avait reflué
toute la sentine de la république. Mais ce Salluste qui, pendant la paix, ne
sut point conserver sa place au sénat, parvint, lorsque la république,
asservie par les armes, vit des bannis reparaître en vainqueurs, à y arriver
après une nouvelle questure. Durant l'exercice de cet emploi, tout ce qui
pouvait trouver un acheteur était vénal pour lui ; tout lui paraissait juste
et légitime, pourvu que tout allât au gré de ses désirs. VII. Mais, quand il eut été nommé préteur, il se conduisit sans doute avec intégrité, avec modération ? Pont du tout lorsqu'il eut obtenu le gouvernement de l'Afrique intérieure, ne l'a-t-il pas tellement dévastée, que nos alliés, s'ils eussent été en guerre avec nous, n'auraient rien eu de pire à supporter que ce qu'ils éprouvèrent au sein de la paix ? Il soutira de ce pays tout l'argent qu'il put emporter, soit en se servant de noms empruntés, soit en remplissant ses vaisseaux. Enfin, pères conscrits, il pilla autant qu'il voulut, et, pour ne pas être mis en jugement, il composa avec César et lui donna douze cent mille sesterces. Si ce que j'avance est faux, hâte-toi de nous dire comment, toi qui ne pus pas racheter la maison de ton père, devenu tout à coup et par enchantement le plus fortuné des hommes, tu as acquis de somptueux jardins, la villa de César à Tibur, et tes autres domaines. Et tu as l'effronterie de me demander pourquoi j'ai la maison de Crassus, toi qui possèdes l'antique villa dont César était tout récemment le maître ! Mais, après avoir non pas mangé, mais dévoré ton patrimoine, comment, en un clin d'oeil, te trouves-tu si riche et si puissant ? Qui t'aurait fait son héritier, toi que nul ne voudrait avouer pour son ami, à moins qu'il ne fût ton pareil ? VIII. Mais ce sont peut-être les belles actions de tes ancêtres qui t'enflent le coeur : soit que tu leur ressembles, soit qu'ils t'aient ressemblé, on ne peut rien ajouter à la scélératesse, à la perversité de chacun de vous tous. Ce sont peut-être encore les dignités dont tu as été revêtu qui t'ont fait si insolent ! penses-tu donc, Salluste, qu'il y ait autant de gloire d'avoir été deux fois sénateur et deux fois questeur, qu'il y en a d'avoir été deux fois consul et deux fais triomphateur' ? L'accusateur doit être à l'abri de tout reproche, et celui dont la vérité peut blesser les oreilles doit garder le silence. Mais toi, le parasite de toutes les tables, toi qui, dans ta jeunesse, fut le mignon de toutes les ruelles, et qui te fis ensuite un jeu de l'adultère, tu es la honte de tous les ordres, et ton nom seul rappelle toutes nos discordes civiles. Quoi de plus humiliant pour nous que de te voir dans cette auguste enceinte ? Cesse donc de lancer les traits de ta langue envenimée sur les bons citoyens ; renonce à ta manie de médire ; ne juge plus de nos moeurs par les tiennes t avec de telles moeurs tu ne peux te faire un seul ami, et tu ne parais chercher que des ennemis. Je m'arrête, pères conscrits, car j'ai souvent remarqué qu'en dévoilant les turpitudes d'autrui on fatigue bien moins ceux qui les ont commises que ceux qui les écoutent. En définitive, j’ai cru devoir dire, non tout ce que Salluste méritait d'entendre, mais ce que je pouvais dire sans violer les bienséances. fragments de l'Histoire lettre de Salluste à César
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