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SALLUSTE
FRAGMENTS DΕ LΑ GRANDE ΗΙSΤΟΙRΕ
DE LA PRÉFACE ET DU PREMIER LIVRE Dans cette préface, l'historien semblait fortement pénétré de l'importance de la tâche qu'il avait entreprise I.
Nihil tam necessarium, aut magιs cum cura dicendum
quam quod ίn manibus est. II.
Neque me diνοrsa pars in civilibus armis movit a
vero. De là, Salluste passait en revue les divers historiens qui l'avaient précédé dans la carrière : III.
Nos in tanta doctissumorum hominum copia IV.
Cato, romani generis disertissumus, paucis absolvit Il citait aussi Fannius, dont il proclamait la véracité. V.
Fannius vero veritatem Il faisait ensuite le résumé des dissensions qυi avaient agité Rome depuis l'expulsion des rois jusqu'au temps des Gracques, de Marius et de Splla . Il indiquait en même temps les causes de la grandeur romaine ; et tel est le sujet des fragments détachés qui vont suivre : VI.
Nobis primae dissensiones νitio hυmani ingenii
evetere, quod inquίes atque indomitum semper in certamine libertatis, aut
gloriae, aut dominationis agit . VII.
At discordia, et avaritia ; atque ambitio, et cetera
secundis rebus oriri sueta mala post Carthaginis excidium maxume aucta sunt. Nam
injuriae validiorum, et οb eas discessio plebis a patrίbus , aliaeque
dissensiones domi fuere jam ίnde a principio ; neque amplius quam, regibus
exactis, dum metus a Tarquinio et bellum grave cum Etruria positum est, aequo et
modesto jure agitatum : dein servili ίmperio patres plebem exercere, de
vita atque tergo, regio more, consulere ; agro pellere, et ceteris expertibus,
soli in imμerio agere. Quibus agitata saevitiis, et maxume foenoris onere
oppressa plebes ; quam assiduis bellis tributum simul et militiam toleraret,
armata montem Sacrum atque Ανentinum insedit. Tumque tribunos plebis
et alia sibi jura paravit . Discordiarum et certaminis utrimque finis fuit secundum
bellum punicum. VIII.
Rursus
gravis metus coepit urgere atque illis perturbationibus alia majore cura
cohibere animos inquietos et ad concordiam revocare civilem. Sed per
quosdam paucos, qui prο sua modo boni erant magna administrabantur, atque
illis tοleratis malis, paucorum bonorum providentia res illa crescebat. IX.
Res romana plurimum imperio νaluit : Servio Sulpicίο
et M. Marcello consulibus, omnis Gallia cis Rhenum, atquο inter mare
nostrum, atque oceanum nisi quae a paludibus fuit ίnvia perdomίta. X.
Postquam,
remoto metu punico, simultates exercere vacuum fuit, plurimae turbae, seditίones,
et ad postremum bella civilia orta sunt : dum pauci potentes, quorum in gratiam
plerique concesserant, sub honesto patrum aut plebis nomine, dominatίones
affectabant; bonique et mali cives appellati, non ob merita in rempublicam,
omnibus pariter corruptis ; sed uti quisque locupletissumus et injuria validior
quia praesentia defendebat, pro bono ducebatur. Ex quo tempore majorum mores non
paullatim, ut antea, sed torrentis modo praecipitati : adleo juventus luxu atque
avaritia cοrrupta est, uti merito dicatur genitos esse, qui neque ipsi habere
possent res familiares, neque alios pati. Salluste, poursuivant le cours de son rapide résumé, arrive aux séditions des Gracques, et c'est aux événements dont elles furent l'occasion, qu'on peut rapporter les fragments qui suivent :
XI.
XII Après les premiers démêlés de Marius et de Sy11a, venait la guerre Sociale, à laquelle se réfèrent ces deux fragments :
XIII.
XIV. Après la guerre Sociale, Sylla, consul, fut chargé par le sénat d'aller combattre Mithridate ; mais Marius, aidé du tribun Sulpicius, se fait donner ce commandement par un plébiscite. Sylla, qui était déjá en Companie, à la tëte de sοn armée, revient sur Rome, s'en rend maître, et proscrit Sulpicius, qui est mis à mort, et Marius, qui n'échappe qu'avec des périls inouïs. Après avoir rendu au sénat ses prérogatives, Sylla part pour la Grèce ; mais Cornelius Cinna, fougueux partisan de Marius, attaque à main armée Octavius, son collègue, et le parti du sénat. Vaincu et chassé de Rome, il rassemble une nouvelle armée, rappelle Marius et les autres proscrits, puis vient assiéger la capitale de l'empire . Le sénat, après la défaite de l'armée d'Octavius et de celle du proconsul Pompeius Strabon, n'avait plus à ses ordres que l'armée de Metellus Pius ; mais il était en Apulie, occupé de combattre les Samnites :
XV. Sοn arrivée tardive n'empécha point Cinna et Marίus d'entrer dans Rome, qυί devint le théâtre des plus sanglantes exécutions : les autels des dieux ne furent pas même un asile contre les proscrits :
XVI. La tyrannie de Marius fut courte : il mourut le dix-septième jour de son septième consulat ; mais Cinna et Carbon en perpétuèrent les excés : après avoir vaincu Mithridate, Sylla lui avait accordé la paix, mais à de dures conditions, quoique ce prince eût espéré que, pressé d'aller à Rome accabler ses ennemis,
XVII. Arrίvé en Italie, Sylla défit le consul Norbanus en Companie, puis attira sous ses drapeaux, près de Téanum, l'armée de Corn. Scipion Asiaticus, collègue de ce dernier.
XVIII. Cette défection fut d'autant plus prompte, que la plupart des soldats de Scipion
XIX. Cependant le jeune Cn . Pompée, ayant levé des troupes de sa propre autorité, remporta divers avantages sur les partisans de Marius, puis alla se joindre á Sylla, qui lui décerna le surnom d'imperator. Carbon, quoique vaincu, rentra dans Rome, et se fit nommer consul pour la quatriéme fois, avec le jeune Marius, qui renouvela les proscriptions de son père adoptif. Sylla marche vers Rome, bat le jeune Marius,
XX. Nouvel allié de Marius, Pondus Telesinus, chef des Samnίtes, toujours en armes depuis la guerre Sociale, dispute á Sylla l'entrée de Rome.
XXI. Telesinus est tué au moment où la victoire allait le rendre maître de Rome. Sylla fait égorger huit mille prisonniers sur le champ de bataille. Un corps de trois mille Samnites, Marses et Lucaniens lui demande quartier. Il répondit qu'il l'accorderait á ceux qui s'en rendraient dignes par la mort de leurs compagnons. Ils acceptent avec empressement cette cruelle alternative,
XXII. Bientôt commencèrent dans Rome les proscriptions de Sylla, dont le tableau tracé par Salluste est entiérement perdu, sauf deux traits, l'un relatif au supplice affreux de Marius Gratidianus, qui fut immolé sur le tombeau des Catulus ; l'autre, concernant les biens des proscrits.
XXIII
XXIV. La fureur des proscriptions ne s'arrêta point dans Rome ; le sang coula par toute la république, et la guerre civile se propagea jusqu en Afrique. Le consul Carbon, qui était aux prises avec Metellus Pius, dans la Gaule cispadane, pouvait encore résister longtemps ; mais, à la nouvelle de deux échecs peu décésifs reçus par ses lieutenants,
XXV. Il s'embarqua 0 Rimini, et fit voile vers Cossura, petite île sur la côte d'Afrique ; mais il tomba entre les mains de Pompée, qui venait de soumettre la Sicίle. Carbon semblait pouvoir tout espérer de la clémence de ce jeune lieutenant de Sylla dont il avait protégé la jeunesse . Pompée fut insensible à ses supplications : il fit périr sous ses yeux Carbon,qui, pour gagner un instant de vie,
XXVI. "Et il fut, dit Valère-Maxime, décapité dans cette posture." Cependant Domitius Ahenobarbus, lieutenant de Carbon, s'était retiré en Afrique, où Hiarbas, roi d'une partie de la Numidie, vint le joindre avec toutes ses forces, dont il s'était servi pour dépouiller Hiempsal II, autre prince de la race de Masinissa . Pompée se hâta de passer en Afrique, et débarqua à Curubis, petit port voisin de Carthage . Vainqueur de Domitius, qui fut tué dans l'action, il poursuit Hiarbas, et dissipe sans peine les Africaiιιs, qui avaïent pris les armes .
XXVII. Aprés avoir terminé en quarante jours cette campagne, Pompée, dont la gloire portait ombrage à Sylla, fut rappelé en Italie. Il obéit malgré ses troupes, qui lui offraient leurs bras s'il eùt voulu résister á cet ordre . Un ennemi moins digne de lui devait s'élever contre Sylla ; c'était M. Emilius Lepidus, qui déshonorait un nom illustre par ses vices et par sa présomptueuse impéritie. On l'avait vu zélé fauteur du parti populaire, au temps du triomphe de Marius, sous le septième consulat duquel il fut édile curule. Il fut des premiers à passer sous les drapeaux de Sylla vainqueur, et s'enrichit des biens des proscrits. Aprés ανοίr exercé la préture, il fut envoyé en Sicile, et, par ses concussions, il mérita d'ëtre traduit en justice à sοn retour ; mais ses accusateurs, cédant aux instances du peuple, se désistèrent ; et Lepidus, enhardi par l'impunité, osa briguer le consulat. Adulateur servile de Sylla, il en avait espéré la protection ; mais le dictateur, qui avait trop bien jugé ce factieux, lui défendit de se mettre sur les rangs. alors Lepidus se tourne vers Pompée, qui, flatté de voir qu'on espérait obtenir par son influence ce que Sylla ne voulait pas accorder, saisit cette occasion de montrer son crédit sur le peuple ; il fit élire Lepidus consul, par préférence á Catulus, qui ne fut nommé que le second, malgré son mérite éminent et la protection déclarée du dictateur. Sylla, déjá résolu d'abdiquer la puissance, ne parut pas très sensible á cette espèce d'affront ; il se contenta de prédire á Pompée, encore tout enorgueilli de ce triomphe, les maux qui allaient résulter de l'élection de Lepidus : "C'est à vous maintenant, dit-il, à veiller aux affaires, et à ne pas vous endormir après avoir armé contre vous-même un dangereux ennemi."Ce pronostic ne tarda pas à se vérifier. Lepidus, á peine désigné consul, conçoit le projet de se rendre maître du gouvernement à la place de Sylla. Il cabale, il murmure sourdement contre l'état présent des choses ; il rallie les familles des proscrits ; puis, exagérant ses ressources pour multiplier ses partisans, il se vante d'avoir des fauteurs en Étrurie, dans la Gaule transalpine ; enfin d'avoir tout pouvoir sur Pompée. Ainsi parlait Lepιdus, d'abord dans des entretiens particuliers . Bientôt dans une réunion générale de ses principaux partisans, tenue le plus secrétement possible, il révéla tous ses projets dans le discours qui suit :
I.
Clementia et probitas vostra, Quirites, quibus per ceteras gentis maxumi et
clari estis, plurumum timoris mihi faciunt advorsum tyrannidem L. Sullae, ne,
quae ipsi nefanda aestumatis, ea parum credundo de aliis circumveniamini --
praesertim cum illi spes omnis in scelere atque perfidia sit neque se aliter
tutum putet, quam si peior atque intestabilior metu vostro fuerit, quo captis
libertatis curam miseria eximat -- aut, si provideritis, in tutandis periculis
magis quam ulciscendo teneamini. Satellites quidem eius, homines maxumi
nominis optumis maiorum exemplis, nequeo satis mirari, qui dominationis in vos
servitium suum mercedem dant et utrumque per iniuriam malunt quam optumo iure
liberi agere.
I . Romains, votre clémence et votre
droiture, qui font, aux yeux des nations étrangères, votre supériorité et
votre gloire, m'inspirent bien des alarmes au sujet de la tyrannie de L. Sylla.
Je crains que, peu portés à supposer dans les autres ce qui vous auriez
horreur de faire vous ne vous laissiez surprendre ; je le crains d'autant plus,
que vous avez affaire à un homme qui n’a d'espoir que dans le crime et dans
la perfide, et qui ne peut se croire en sûreté qu’en se montrant plus méchant
et plus détestable, afin de vous ôter, par l'excès de vos maux, jusqu'au
sentiment de votre liberté : ou, si votre prudence veille encore, de vous tenir
plus occupés à vous défendre de vos périls , qu'à assurer votre vengeance.
Pour satellites, il a, je l'avoue, des hommes du plus grand nom, illustres par
les belles actions de leurs ancêtres, et je ne puis me lasser d 'admirer
comment, achetant par leur servitude le droit de domination sur vous, ils préfèrent
une double injustice au noble exercice d'une légitime liberté. On peut supposer que ce discours produisit peu d'effet ; du moins ne fut-il suivi d'aucune tentative contre le dictateur. Bientôt se justifièrent les rumeurs qui avaient encouragé la témérité de Lepidus Sylla résigna entre les mains du peuple romain le pouvoir dont il avait tant abusé, et alla mourir en paix au sein d'une voluptueuse retraite. Ici Salluste avait esquissé quelques traits du caractère de cet homme étonnant : témoin ce passage où notre historien est cité par Plutarque : "Sylla ne fut jamais modéré en ses concupiscences, ny par pauvreté lorsqu'il étoit jeune, ny par l'aage lorsqu'il feut devenu vieil : ainsi en faisant les ordonnances à ses citoyens touchant l'honnesteté des mariages, touchant la continence, luy cependant ne faisoit que vacquer à l'amour et commettre adultéres, ainsy que l'escript Sallustius." Le calme qui avait suivi l'abdication de Sylla, en prouvant combien il lui eût été facile de conserver le pouvoir, avait porté le dernier coup à la liberté. Il était désormais reconnu que la répub}ique pouvait impunément étre opprimée, et cette conviction détruisit le seul préjugé qui faisait encore les bons citoyens. Tont chef habile, à la tête d'une armée dévouée, crut appelé aux brillantes destinées de Sylla. Encore si une pareille ambition n'avait germé que dans les coeurs d'hommes incapables de s'élever au pouvoir par d'indignes manoeuvres, XXIX.
Ea paucis, quibus peritia et verum ingenium est, abnuentibus. Mais tel n'était pas Lepidus, qui, pour se faire des partisans, avait été chercher les débauchés du plus bas étage : XXX.
Qui lenones et vinarii laniique, quorum praeterea vulgus in dies usum habet,
pretio compositi. Sans doute, un pareil ennemi avait semblé trop méprisable au dictateur, et voilà ce qui explique l'impunité de Lepidus : XXXI.
Nam dominationem Sullae audebat.... Neque est offensus [dominationem]
Syllae. Après la mort de Sylla, ce fut au bûcher même du dictateur que Lepidus alluma le feu de la guerre civile. Ses propositions incendiaires avaient pour but l'abrogation de toutes les lois Cornéliennes : c'était remettre les factions en présence, c'était vouloir plonger dans de nouveaux désordres :
XXXII. Les tribuns, dont il prétendait faire revivre les prérogatives, les fils des proscrits, à qui il promettait la restitution de leurs biens, les alliés, qu'il voulait rappeler à l'exercice du droit de cité romaine, avaient intérét à soutenir Lepidus de tous leurs efforts ; son caractère personnel attirait à lui tous les gens qui à Rome avaient vécu de désordres et de séditions, jusqu'au moment où la main puissante de Sylla les avait forcés à l'inaction. A la téte des adhérents du factieux consul, on distinguait Cethegus, qui, bien qu'issu d'une des premières familles de Rome,
XXXIII.
Cependant Lepidus allait trouver un adversaire redoutable dans son collègue Catulus, qui,
XXXIV.
Malheureusement, la plupart des sénateurs n'opposaient qu'une timide réprobation aux projets d'un consul qui, oubliant qu'il était le chef du sénat, descendait au rôle de tribun du peuple. Plusieurs même faisaient à Lepidus un mérite de sa conduite, et, tenant la balance égale entre lui et Catulus, prétendaient que :
XXXV
Octavius, lorsque malgré
son caractère de tribun il avait engagé le peuple à renoncer aux
distributions de vivres que lui avait fait accorder Tib. Gracchus ; et Cépion,
lorsqu'en dépit de sa naissance patricienne il avait empêché Livius Drusus
detransférer la puissance judiciaire de l'ordre équestre à l'ordre sénatorial.
XXXVI.
Catulus, à qui le sort avait assigné l'Italie, était disposé à tenir son serment ; mais Lepidus, au lieu de se rendre directement dans la Gaule Cisalpine, sa province, parcourut l'Étrurie, où les restes du parti de Marius étaient encre en force. Là il vit accourir autour de lui tous les proscrits échappés aux sicaires de Sylla,
XXXVII.
De tous côtés il levait, empruntait de l'argent, et
XXXVIII. La confiance qu'il inspirait aux anciens partisans de Marius était loin d'être générale : plusieurs, pour le succès de leur entreprise,
XXXIX.
Le sénat ne crut pas encore devoir employer des mesures énergiques contre Lepidus, et le rappela à Rome pour tenir les comices consulaires ; mais Lepidus,
XL.
XLI. Puis, laissant le préteur Brutus campé
XLII. pour contenir la Gaule Cisalpine, il marche vers Rome avec toute son armée. Dans cet appareil, il demande un second consulat. On proposa encore dans le sénat des mesures conciliatrices. Vainement Catulus et quelques autres répétaient que le mal était à son comble ; que,
XLIII. il ne serait plus temps d'y remédier. On envoya á Lepidus des députations, qu'il reçut avec hauteur :
XLIV. Il déclara :
XLV. que, d'ailleurs, puisque son consulat allait expirer,
XLVI. Ce fut alors qu'un personnage consulaire, qui avait toujours secondé la fermeté de Catulus,
XLVII.
XLVIII. I. Il serait bien à souhaiter, sénateurs, que la république fût en paix, ou que, du moins, dans ses périls, elle vit ses meilleurs citoyens courir à sa défense ; enfin, que les entreprises coupables tournassent contre leurs auteurs ! Mais, loin de là, tout est en proie à des séditions excitées par même qui les premiers devraient les prévenir ; et, pour comble de maux, ce que des insensés et des furieux ont résolu, des hommes sages et vertueux sont obligés de l'exécuter. Ainsi, malgré votre éloignement pour la guerre, cependant, parce que Lepidus veut la faire, il vous faut prendre les armes à moins que l'on n'aime miens se résigner à souffrir ; sous une ombre de paix, tous les maux de la guerre. Grands dieux, qui daignez encore gouverner notre ville, quand nous l'abandonnons ! II. M. Emilius, le plus infâme des scélérats, lui, dont on ne saurait dire s'il est plus lâche que méchant, a sous ses ordres une armée pour renverser la liberté : méprisé hier, aujourd'hui redoutable ; et vous, toujours murmurant, différant toujours, c'est par des discours inutiles, de vaines prédictions que vous attendez la paix, au lieu de la défendre. Et vous ne voyez pas que la mollesse de vos décrets vous fait perdre toute dignité, et à lui toute crainte. Il a raison, en effet ; ses rapines lui ont valu le consulat, et la sédition une province avec une armée. Qu'aurait-il obtenu pour des services, celui dont vous avez si bien récompensé les crimes ? Mais ceux qui, jusqu'au dernier moment, n'ont dans leurs décrets parlé que de députations, de paix, de concorde, et d' autres choses semblables, ont apparemment trouvé grâce devant lui ! Loin de là, il les méprise et les juge indignes de participer en quoi que ce soit à la chose publique ; il ne voit en eux qu’une proie, parce qu'ils sollicitent aujourd'hui la paix aussi lâchement qui ils se la sont laissé ravir. III. Quant à moi, dès que je vis l'Étrurie se soulever, les proscrits rappelés, et le déchirement de la république préparé par des largesses, je pensai qu’il fallait se hâter, et je suivis, avec un petit nombre, l'avis de Catulus. Au reste, ceux qui, vantant les services de la maison Emilia, et cette clémence qui a contribué à l'agrandissement du peuple romain, disaient que Lepidus n'avait encore fait aucune démarche séditieuse, lors même que, de son autorité privée, il avait armé pour la ruine de la liberté ; ceux-là, dis-je, en cherchant pour eux-mêmes et du pouvoir et des appuis, faussèrent nos délibérations publiques. Cependant Lepidus n’était alors qu’un brigand à la tête de misérables valets d’armée et de quelques sicaires, tous faisant métier d'engager leur vie pour une journée de salaire. Aujourd'hui c’est un proconsul revêtu d'un commandement, non plus acheté, mais conféré par vous-mêmes ; il a des lieutenants, tenus légalement jusqu'ici de lui prêter obéissance. Vers lui sont également accourus les hommes les plus corrompus d'entre les citoyens de tous les ordres, aiguillonnés par l'indigence et par leurs passions, bourrelés par la conscience de leurs crimes, gens pour qui le repos, ce sont les séditions, et les alarmes, la paix. Ces gens-là sèment trouble sur trouble, et guerre sur guerre : autrefois satellites de Saturninus, ensuite de Sulpicius, puis de Marius et de Damasippe, de Lepidus aujourd'hui. Regardez autour de vous : l'Étrurie est prête à rallumer les feux d'une guerre mal éteinte ; on soulève les Espagnes ; Mithridate, sur les flancs de nos provinces, dont les tributs fournissent encore à notre subsistance, attend impatiemment le jour qui ramènera la guerre : enfin, à l'exception d'un chef capable, rien ne manque pour la ruine de la république. IV. Je vous et conjure, sénateurs, apportez-y la plus sérieuse attention : ne souffrez pas que la fureur contagieuse des séditions atteigne ceux qui sont encore purs de ses excès. En effet, lorsque les récompenses appartiennent aux méchants, on n'est guère d'humeur à rester gratuitement homme de bien. Attendez-vous qu'avec une armée, qui pour la seconde fois menacera vos murs, il se rende, le fer et la flamme à la main, maître de la ville ? Et, au point où il en est, n'a-t-il pas, pour en venir à cette extrémité, moins de chemin à faire qu'il n'en avait pour passer de la paix à la guerre civile, que contre toutes les lois divines et humaines il a allumée, non pour venger ses propres injures, ni ceux qu’il feint de protéger, mais pour renverser les lois et la liberté ? Dévoré, tourmenté par l'ambition, par l'effroi de ses crimes ; inconsidéré, inquiet, sans suite dans ses projets, il craint le repos et redoute la guerre ; il prévoit qu’il lui faudra renoncer à ses dissolutions, à ses désordres ; et, en attendant, il profite de votre inaction. Ce discours releva les esprits des sénateurs : la proposition de Philippe fut convertie en sénatus-consulte ; bien que chacun reconnût dans Catulus
L.
LI. on lui adjoignit Pompée dans le commandement. Tous deux allèrent camper sur le mont Janicule, et occupèrent le pont Milvius. Le chef des rebelles avait espéré qu'à son approche le peuple se soulèverait ; trompé dans son attente,
LII. Mais il n'était plus temps. Les soldats de Catulus et de Pompée,
LIII. chargèrent avec tant d'ardeur, que du premier choc ils mirent le désordre dans les rangs de l'armée ennemie. Le peuple, voyant plier les troupes de Lepidus, voulut prendre part à l'affaire,
LIV. puis à insulter leur général,
LV.
LVI. Les vaincus fuient dans toutes les directions, et, tandis que Pompée se met à leur poursuite, Catulus rentra dans Rome,
LVII. La Gaule Cisalpine se soumit sans coup férir aux armes de Pompée ; Brutus seul, dans Modène, opposa quelque résistance ; mais il capitula bientôt. Au mépris de la foi jurée, Pompée le fit mourir avec cette même cruauté froide qu’il avait montrée l'égard de Carbon . Cependant Lepidus s'était réfugié avec Perpenna sous les murs de Cosa, ville maritime d'Étrurie. Catulus les y suivit ; mais, jaloux LVIII.
Incruento
exercitu victoriam deportare, il se contenta de bloquer étroitement ses ennemis, et LIX.
Locum editiorem
quam victoribus decebat , capit. Le sénat, rassuré sur l'issue prochaine de cette guerre, s'occupa de l'élection des consuls. Junius fut élu le premier ; mais, quand on passa au scrutin pour la seconde place, les premières centuries donnèrent leurs suffrages à Mamereus Emilius ; les suivantes, au contraire, avant d'avoir voté, se déclarèrent d'avance pour Curion ; alors l'interroi Appius, qui présidait l'assemblée, LX.
Curionem quaesivit, uti adolescentior et a populi suffragiis integer, aetati
concederet Mamerci. Curion se désista, et Mamereus fut élu. Cependant un combat se livra devant Cosa entre Lepidus et Catulus. Lepidus eut d'abord l'avantage ; mais Pompée, qui revenait en ce moment de la Gaule, lui arracha la victoire, et le contraignit de fuir en Sardaigne. Là, il espérait, en interceptant tous les convois, fatiguer par la disette le peuple romain ; mais le propréteur Valerius Triarius défendit vaillamment sa province, et Lepidus, partout repoussé, tomba malade de fatigue et de chagrin. Une disgrâce domestique vint encore aggraver ses peines. Parmi les lettres qu'on lui apporta d'Italie, il s'en trouva une qu'Apuleia, sa femme, écrivait à son amant, et dans laquelle, pour obtenir de lui un service important, elle lui disait : LXI.
Nihil ob tantam mercedem sibi [abnuituros] abnuiturum. Elle s'exprimait ensuite sur son époux de la manière la plus injurieuse : LXII.
Insanum aliter sua sententia, atque aliarum mulierum. Cette lettre donna, pour ainsi dire, à Lepidus le coup de la mort. On le vit, LXIII.
Sic vero, quasi formidine attonitus, neque animo, neque auribus ; aut lingua
competere. II s'empressa d'envoyer des lettres de divorce à son épouse coupable, et, dès lors ayant perdu le peu qu'il avait montré d'énergie, il parut moins, en Sardaigne, un chef de parti qu'un fugitif. Conduit à Tharros, bourgade sur la rive occidentale de l'île, on refusa d'abord de le recevoir ; mais ses serviteurs firent une peinture si touchante de la situation de leur maître ; ils rappelèrent si vivement les égards que méritaient sa naissance et sa dignité, LXIV.
Postremo ipsos colonos per miserias et incerta humani generis orare que ceux-ci lui donnèrent asile dans leur ville, où il mourut bout de peu de jours. Sa mort, qui ne causa les regrets de personne, n'entraîna pas la ruine totale de son parti. Perpenna, qui venait d'obtenir quelque succès en Sicile, se hâta de venir en Sardaigne recueillir les débris de l'armée de Lepidus. On peut dès lors regarder la guerre civile comme terminée, du moins au centre de la république ; mais, LXV.
M. Lepido cum omnibus copiis Italia pulso, segnior neque minus gravis, sed
multiplex cura patres exercebat. LXVI.
Quippe vasta Italia rapinis, fuga, caedibus, appelait toute sa sollicitude . Des nations barbares ne cessaient d'infester les frontières de la Macédoine, que Cicéron, pour cette raison, appelait une pépiniére de triomphateurs. LXVII.
Ardebat omnis Hispania Citerior. Les pirates de Cilicie parcouraient impunément toutes les mers de la Gréce et de l'Italie, et se montraient jusque devant le port d'Ostie . Mais on avait á redouter LXVIII.
Maxumeque ferocia regis Mithridatis in tempore bellaturi. Le sénat sut par sa modération fermer les plaies intérieures de la république, qui, "étant pour ainsi dire blessée et malade, avait besoin de repos, n'importe à quel prix." Il accorda, par un décret, l'amnistie à tous ceux qui avaient pris part à la guerre civile, et ce décret fut ratifié par le peuple. César, qui était alors tribun militaire, porta la parole dans cette occasion, et contribua plus que tout autre au rappel des bannis . Il insista sur la convenance de décider promptement ces mesures de réconciliation, et observa que le moment de les prendre ne pouvait être plus favorable LXIX.
Nisi quum ira belli desenuisset. L'amnistie fut publiée, et le beau-frère de César, L. Cornelius Cinna, fils du consul, s'empressa d'en profiter et de revenir d'Espagne avec ceux qu'il avait entraînés dans le parti de Lepidus ; et, aprés tant de guerres, l'Italie jouit enfin pour quelques années d'une paix profonde. LXX.
Septimιum neque animo neque linga compotem. LXXI.
Lίberis ejus avunculus erat. LXXII.
Perpenna tam paucis prospectus (profectus ?) vera est aestimanda. Après la tenue des comices, dans lesquels avalent été élus les consuls Decimus Junius Brutus et Mamercus Emilius Lepidus Livanius, leurs prédécesseurs Appius Claudius et P. Servilius, revêtus de la dignité proconsulaire, partirent, le premier pour la Macédoine, le second pour aller combattre les pirates. Il était urgent de mettre un frein á leurs brigandages . LXXIII.
Itaque Servilius aegrotum Tarenti collegam prior transgressus. Ces forbans se nommaient Ciciliens et Isauriens, parce qu'ils avaient leurs principaux établissements dans l'Isaurie et dans la Cilice . De tout temps des pirates avaient infesté ces parages ; LXXIV.
Cares insulares populi, piratica famosi, victi a Minoe. Mais les pirates ne commercèrent à former une puissance redoutable que lors des troubles civils qui déchirèrent le royaume de Syrie, quand Tryphon, révolté contre Demetrius Nicator, trouva une place d'armes LXXV.
Apud Corγcum, Forteresse de Cilicie, bâtie sur un roc escarpé d'otù les Ciliciens couraient les mers pour s'enrichir par le brigandage. Servilius, arrivé en Orient, chassa d'abord les pirates d'un château-fort qu'ils occupaient dans l'île de Rhodes. LXXVI.
Ille vero porto solvit postquam Sadetarum paronas exarmasset
Rhodiis enim auxilium laturi venerant. Les pirates, vaincus, cherchèrent un refugeµ LXXVII.
Ad Olympum atque Phaselida. Servilius vint d'abord assiéger Olympe, que défendait Zenicetus, l'un des chefs des pirates. Il plaça son camp sur une hauteur, LXXXVIII.
Lyciae Pisidisque agros despectantem. Olympe ne se rendit qu'aprés une vigoureuse résistance. Quant à Phaselis, entiérement peuplée de Lyciens, et qui ne s'était livrée aux pirates que par force, elle fit une moins longue défense : toutefois, comme ses trois ports pouvaient offrir aux forbans un asile couvert par la place même, le proconsul la détruisit, en accordant aux habitants des conditions assez favorables. Il marcha ensuite contre Nicon, le principal chef des pirates, qui, LXXXIX.
Fessus in Pamphyliam se receperat. Mais, apprenant qu'il avait dépassé le mont Taurus, Servilίus LXXX.
Iter vortit ad Corccum urbem inclutam pastusque nemore
(specu et remore) in quo crocum gignitur. Par la prise de Coryque se terminérent, cette année, les opérations de Servilius en Cilicie . Cependant son collègue Appius était occupé contre les Mèdes, LXXXI.
Feroces Dalmatas, et d'autres peuplades thraces, LXXXII.
Genus armis ferox et servitίi insolitum. Bien que sa maladie l'eût empéché de partir pour son département aussitôt que Servilius, ses lieutenants LXXXII.
Maturaverunt exercitum Dyrrachyum cogere. Appius, rétabli, obtint quelques succès sur les Thraces, et repoussa une tribu d'origine sarmate, LXXXIII.
Gens raro egressa finibus suis,
qui venait cependant de
faire une irruption sur les frontiéres de la Macédoine. Le proconsul les
força de demander la paix ; mais ce ne fut pas lui qui en dicta les conditions
; car il mourut,L'année suivante, des fatigues qu'il avait essuyées dans cette
campagne. LXXXIV.
Post defectionem sociorum et Latii Mais il était encore éloigné du moment où il devait s'élever au premier rang dans la république, qui se voyait alors illustrée LXXXV.
Maxumis ducibus, fortibus strenuisque ministris. LXXXVII.
Magna gloria tribunus militum in Hispania T. Didio
imperante ; magno usu, bello marsico, paratu militum et armorum fuit. Multaque
tum ductu ejus curata, primo per ignobilitatem, deinde per invidiam scriptorum,
incelebrata sunt. Cominus faciem suam ostentabat, aliquot diversis cicatricibus,
et effosso oculo. Quo ille dehonestamento corporis maxume laetabatur : neque
illis anxius, quia reliqua gloriosius retinebat. De retour à Rome, il brigua le tribunal ; mais, repoussé par la faction de Sylla, il se jeta dans le parti populaire, et prit part á l'entreprise audacieuse de Cinna, du vieux Marius et de Carbon, qui rentrèrent dans Rome á main armée, dès que Sylla eut quitté l'Italie pour aller combattre Mithridate . Tandis que ses collégues ensanglantaient Rome par des massacres, Sertorius montra seul quelque modération . Il obtint la préture, puis, l'année suivante, l'Espagne pour département. Sylla, de retour en Italie avec son armée victorieuse, vint encore une fois abattre ses adversaires . Aussitôt après la défection de l'armée dιι consul Scipion Asiaticus, dont il était lieutenant, Sertorius se retira en Espagne. Il ne put d'abord s'y maintenir, Annius, l'un des généraux de Sylla, ayant forcé les Pyrénées avec une puissante armée. hors d'état de tenir la campagne, LXXXVIII
Quum Sertorius
neque erumperet,tam levi copia, navibus fugam maturabat. Il fit voile pour l'Afrique, où il demeura quelques années, et se fit connaître par d'aventureuses expéditions. Alors LXXXIX
Traditur fuganι in longuiqua Oceani agitavisse. XC.
Cujus duas insulas propinquas inter se et decem stadium
procul a Gadibus sitas, constabat suopte ingenio alimenta mortalibus gignere . XCI.
Insulae Fortunatae inclutae Homeri carminibus. Là ne se borna point le merveilleux des récits que l'on fit à Sertorius sur ces contrées lointaines. XCII
Maurique vanum genus, ut alia Africae, contendebant
antipodas ultra Aethiopiam cultu Persarum justos et egregios agere.... XCIII
Rumore primo du projet de Sertorius, une partie de ses soldats menaça de l'abandonner, et il se vit forcé d'y renoncer. Bientbt les Lusitaniens, qui espéraient trouver en lui un nouveau Viriathe, l'appelèrent á se mettre á leur tête. Mais la flotte romaine, commandée par Cotta, était là pour s'opposer á son passage. XCIV.
Itaque Sertorius, levi praesidio relicto in Mauritania, nactus
obscuram noctem, aestu secundo, furtivaque celeritate, vitare proelium in
transgressu conatus est. XCV.
Transgressos omnis recepit mons Ballaera, praceptus a
Lusitanis . Il avait sous ses ordres deux mille fantassins et sept cents cavaliers de toutes nations, qu'il appelait Romains, et auxquels vinrent aussitôt se joindre quatre mille Lusitaniens. Il défit d'abord Cotta dans un combat naval, prés de Mellaria, ville du détroit de Gadès. XCVI.
Incerta est fortitudo, dum pendet. XCVII
Militiae peritus, Sertorius résolut de surprendre l'ennemi par la rapidité de ses mouvements. Apprenant que Fusidius, gouverneur de Bétique, veut, avec des troupes, lui disputer le passage du Bétίs, il vient prendre position sur la rive méridionale de ce fleuve. XCVIII.
Et mox Fusidius adveniens cum legionihus, postquam tantas
asperitates, haud facilem pugnantihus vadum, cuncta hosti quam suis obportuniora
videri. Sertorius, profitant de son incertitude, se met en devoir de passer le fleuve dans des barques : les unes étaient de grandeur à soutenir la charge de ses troupes, et à résister au courant ; XCIX.
Earum aliae paullulum progressae nimio simul et incerto
onere, quum pavor corpora agitaverat, deprimebantur. Alors Sertorius, au moyen de câbles, C.
Nexuit catenae modo Arrivé sur l'autre rive, il exhorta ses troupes, en leur disant que, s'ils en sortaient vainqueurs, CI.
Pugnam illam pro omine belli futuram. Puis, aussitôt, il fond sur les ennemis avec une telle impétuosité, que CII.
Neque se recipere aut instuere proelio quivere. CIII.
Equi, sine rectore, exterriti, aut saucii consternantur. Après cette victoire, Sertorius continua sa route vers les confins de la Bétique, et arriva á Ébora, CIV.
Lusitaniae gravem civitatem. De là il passa dans la Celtibérie, dont les habitants l'accueillirent comme un libérateur, et il se vit maître jusqu'á l'Èbre. Cependant le proconsul Q. Cécilius Metellus Pius passa ce fleuve, á son tour, et fit quelques progrés le long de la mer, dans le pays des des Turdétans. Metellus, CV.
Doctus militiam, grâce à sa longue expérience, et, malgré son âge, CVI.
In proeliis actu promptus, était sans doute pour Sertorius un adversaire redoutable ; mais celui-ci confondit toute la science du proconsul, et rendit inutile, pour les légions romaines, l'avantage du nombre, en lui faisant cette guerre de partisans, si propre au territoire et à l'habitant de l'Espagne. Ainsi, sans avoir combattu, Metellus éprouvait tous les embarras et tous les maux des vaincus . Dans cette position, CVII.
Domίtium proconsulem ex citeriore Hispania cum
omnibus copiis, quas paraverat arcessivit. Il réclama également les secours de Lollius, préteur de la Gaule narbonnaise ; enfin il détacha Thorius, un de ses lieutenants, pour aller au-devant de L. Domitius. Hίrtuleius, questeur de Sertorius, défit L. Bomitius, puis tailla en pièces Thorius, qui fut tué dans l'action. Après ce double succès, Hirtuleius et son frère se disposent à rejoindre Sertorius. CVIII.
Itinerίs eorum Metellus per litteras gnarus.
quitte subitement la direction qu'il suit pour se
replier sur la Tarraconnaise. Ce mouvement rapide, habilement dérobé á l'ennemi, CIX.
Occpatusque
collis editissιιmus Ilerdam et cum multa opera circumdata (castra), ne purent le rassurer contre un adversaire si redoutable : CX.
Illo
profectus, vicos castellaque incendere, et, fuga cultorum deserta,
igni vastare : neque elato, aut securo esse animo, metu gentis ad
furta peridoneae. Cependant Sertorius, trouvant le camp de Metellus abandonné, se met à sa poursuite. CXI.
Dum inferior
omni via grassaretur. Les soldats romains, fatigués, voulurent forcer leur général d'accepter le combat singulier que lui proposait Sertorius pour terminer la guerre; mais Metellus ne tint pas compte de ce défi. Toutefois, voulant satisfaire son armée par quelque expédition glorieuse, il résolut de mettre le siège devant Leucobrige, dont Sertorius tirait de grands secours. Il quitta donc son camp, CXII.
Ac inde nulla
munitionis aut requiei mora processit ad oppidum. Sertorius sut déjouer son dessein : il ordonna d'emplir d'eau deux mille outres, destinées aux habitants de Lecobrige, promettant une récompense pécuniaire pour chaque outre. Nombre d'Espagnols et de Maurusiens se présentèrent. CXIII.
Quos inter
maxume, Sertorius choisit les plus dispos, et, prenant par le plus court cemin, il ravitailla promptement la place. Metellus, qui dans son camp commençait à manquer de vivres, envoie à la provi¬sion Aquinus, un de ses lieutenants, avec six mille hommes. Sertorius forme la résolution de surprendre cet officier : CXIV.
Consedit in
valle virgulata nemorosaque. La troupe d'Aquinus, attaquée à l'improviste, est mise en fuite, non sans perdre beaucoup de monde : le convoi est enlevé, et Metellus se voit contraint de lever le siège de Leucobrige. On peut juger de la joie des habitants lorsque, pour signal de départ, CXV.
Jussu Metelli
cornicines occanuere. Ce nouvel avantage remporté par Sertorius redouble pour lui l'enthousiasme des Espagnols. Rien n'égale l'attachement de ces peuples pour leurs chefs : CXVI.
Se regibus
devovent et post eum (eos) vitam refutant : adeo est illis ingenita
sanctitas regii nominis! Sertorius fit l'épreuve de leur dévouement dans les revers qu'il dut éprouver. Ayant un jour été mis en fuite près d'une ville d'Espagne, les Romains le poursuivirent vivement. Harcelé par eux, il fait volte-face, se retranche de poste en poste, CXVII.
Neque
detrusus aliquotiens terretur. Enfin arrivé, avec les siens, sous les murs de la ville, CXVIII.
Sertorius
portis turbam morantibus et nullo, ut in terrore solet, generis aut
imperii discrimine, per calonum corpora, ad medium, quasi deinsuper
adstantium manibus in murum adtollitur. Cependant le sénat de Rome juge convenable d'adjoindre à Metellus Pompée, avec le titre de proconsul. En quarante jours, celui-ci lève une armée, se fraye, par les Alpes, un chemin plus facile que celui d'Annibal, traverse la Gaule et arrive dans la province romaine. CXIX.
Narbone
concilia Gallorum lui vote des hommes et des subsides. L'arrivée de Pompée en Espagne fit briller d'un nouvel éclat les talents de Sertorius. Pour aller à la rencontre du jeune proconsul, Sertorius avait à traverser un pays CXX.
Agreste, où les Characitains étaient postés CXXI
Soliis viis qu'il lui fùt possible de traverser. Ils étaient retranchés sur une montagne inaccessible. Dans l'impuissance de les en déloger, Sertorius ne voyait d'autre parti à prendre que CXXII.
Obviam ire et
commori hostibus. Enfin il observa que la terre, au pied de la colline, était aussi légère que de la cendre, et que la bise qui règne constamment dans cette exposition, lorsque CXXIII.
Orion oritur
juxta solis aestivi pulsum donnait directement contre l'ouverture des cavernes. Il fit donc entasser en monceau, vis-à-vis de la colline, une longue tramée de cette terre friable. Dès le lendemain, au lever de l'aurore, le vent commence à chasser vers les Characitains des nuages de poussière qui devinrent intolérables, surtout CXXIV.
Medio diei, lorsque, favorisés par la bise, les soldats de Sertorius se mirent à faire passer leurs chevaux sur cet amas de terre. Les Barbares aveuglés, suffoqués par la poussière, finirent par se rendre à discrétion, et laissèrent le passage libre à Sertorius, qui se dirigea vers Lauron pour en faire le siége. Pompée, espérant le prévenir, traverse à la hâte le territoire CXXV
Saguntium, et arrive à la vue de Lauron. Il veut se saisir d'une hauteur qui dominait cette ville; Sertorius le prévient, et Pompée, loin de s'affliger de cet événement, se flatte de tenir son adversaire assiégé entre la place et sa propre armée. Il s'en vante même dans une lettre adressée aux habitants de la ville. Sertorius, à la lecture de cette dépêche interceptée, dit en souriant : " J'apprendrai bientôt à cet écolier de Sylla qu'un général doit toujours plutôt regarder derrière que devant lui. Je veux lui donner une si bonne leçon, CXXVI.
Ad Jovis
mandent nostra. En effet, six mille soldats d'élite, laissés par lui dans son ancien camp, tinrent Pompée dans la même position où il croyait avoir placé son adversaire. Les Romains n'allaient jamais à la provision sans être obligés de combattre. Pompée fait partir, sous les ordres de Tarquitius, toute sa cavalerie pour aller, le jour suivant, faire un grand fourrage. Informé de cette disposition, CXXVIII.
Quibus a
Sertorio triplices insidiae per idoneos saltus positae erant: prima
quae fronte venientes exciperet. Tout réussit à son gré.Pompée envoie aussitôt Lélius, son lieutenant, avec une légion, pour réparer le désordre : bientôt lui-même sort de son camp avec toute son armée. Alors celle de Sertorius descend de la colline en ordre de bataille. A cette vue, CXXVIII.
Dubitavit
acie pars des Romains; Pompée n'ose risquer la bataille, il opère précipitamment sa retraite. Sertorius se rapproche de Lauron, CXXIX.
Et propero
validam urbem, multos dies restantem pugnando, vicit.
Il y fit mettre le feu pour humilier son adversaire, qui put
contempler les flammes de l'incendie. CXXX.
Apud Lethe
oppidum, ainsi nommée d'une petite rivière CXXXI.
Cui nomem
Oblivionis condiderunt, il voulut s'emparer de cette place; mais, CXXXII.
Repulsus a
Lethe oppido,
il effectua sa retraite vers le pays des Vaccéens, et de là vers les
Pyrénées. CXXXIII.
Magnis
operibus profectus (petrfectis), oppidum cepit per L. Catilinam
legatum. En Italie, cette année fut marquée par des prodiges qui effrayèrent les esprits. Un tremblement de terre renversa presque en entier la ville de Réale. CXXXIV
Ventis per cava terrae citatis, rupti
aliquot montes tumulique sedere. A ce fléau se joignit la peste, qui prit naissance en Egypte. La crue du Nil y ayant dépassé les limites ordinaires, les eaux séjournèrent trop longtemps sur la terre, et, du limon formé par elles, naquit une infinité d'insectes et de reptiles. CXXXV.
Nam ex aeris et aque corruptione
frugibus infectis, gravis etiam animantius pestilentia coorta est. Le fléau pénétra en Europe, CXXXVI.
Primum modo lapydiam ingressus,
puis sur toute la côte orientale de l'Adriatique et il se répandit enfin en Italie. Des animaux, le mal gagna les hommes, et bientôt la disette et la famine vinrent s'y joindre. CXXXVI.
Inde morbi
graves ob inediam insolitam vescentibus, CXXXVIII.
Ne simplici
quidem morte moriebantur.
FRAGMENTS DU DEUXIÈME LIVRE. La famine et l'épidémie ne furent pas les seuls fléaux qui désolèrent Rome cette année. On y vit renaître les débats politiques qui avaient cessé depuis la mort de Sylla. L'année précédente, le tribun Sicinius avait voulu proposer une loi tendant à rendre au tribunat ses prérogatives. Curion, l'un des consuls, s'était vivement opposé à cette prétention, et c'est même ce qui avait retardé son départ pour la Macédoine. Sicinius et ses adhérents ne lui répondirent que par d'indécentes plaisanteries, et CXXXIX.
Quia corpore
et lingua percitum, et inquietem, nomine histrionis vix sani,
Burbuleium appellabant.
L'insolence de Sicinius le perdit : on le trouva mort peu de temps
après, et Curion passa pour n'être pas étranger à ce sinistre
événement. CXL.
Omnes qui
circum sunt praeminent altitudine millium passuum duorum. Servilius était peu disposé à attaquer les Solymes ainsi défendus par leurs montagnes inaccessibles; heureusement pour les Romains, Nicon, qui s'était réfugié dans ce pays, y avait été reçu d'une manière assez équivoque; il venait de se jeter dans Isaure. Le proconsul obtient donc sans peine la soumission des Solymes et des ôtages. Alors il entra dans l'Isaurie, et vint en assiéger la capitale, place très forte, bien approvisionnée, et que défendait une garnison résolue de résister jusqu'à la dernière extrémité; mais elle n'était alimentée par d'autre eau CXLI.
Nisi qua
flumen Lurda Tauro monte defluens
Ce siège devait occuper Servilius pendant plusieurs mois, et ce ne
fut que l'année suivante qu'il lui fut possible de retourler à
Rome. CXLIII.
Eam deditionem senatus, per nuntios
Orestis cognitam, approbat. Après la mort de Lépide, Perpenna, qui avait obtenu quelque succès en Sicile, se vit obligé de quitter cette île pour aller joindre ses troupes aux débris du parti Lépide en Sardaigne. Mon sujet semble m'inviter à donner un aperçu de la position de la Sardaigne, à rassembler quelques souvenirs sur ses antiquités. CXLIII.
Sardinia in Africo mari facie vestigii
humani, in orientem quam in occidentem latior prominet: CXLIV.
Inde Ichnusa appellata est
par les Grecs, qui y abordèrent les premiers. Elle paraît avoir été originairement peuplée d'Aborigènes, et les côtes ne paraissent avoir été visitées par des étrangers CXLV.
Trojanorum tempore,
invadendarum terrarum caussa, fuerat navigatio. Selon une autre tradition, quelques générations auparavant, CXLVI.
Sardis hercule procreatus cum
magna multitudine a Libya profectus, insulam occupavit, et ex suo
vocabulo insulae nomen indidit. Dans la suite, CXLVII.
Apollinis filius et Cyrenes,
CXLVIII.
Aristaeus, post laniatum a canibus
Actaeonem lilium, matris instinctu Thebas reliquit et Coam insulam
tenuit, primo adhuc hominibus vacuam; postea, ea relicta, cum
Daedalo in Sardiniam transitum fecit. On sait que, selon les mêmes traditions, CXLIX.
Daedalum ex
Sicilia profectum, quum Minonis fugeret iram atque opes avec Aristée. Au surplus, là ne s'arrêta point la vie errante de ce célèbre artiste CL.
Daedalus
primo Sardiniam, post delatus est Cumas. Selon certains auteurs, Aristée trouva Ille déserte, d'une ad¬mirable fertilité, et peuplée d'une innombrable quantité de gros oiseaux. Selon d'autres, une ville de Nora avait été fondée en Sardaigne par Norax, fils de Mercure et d'une fille CLI.
Geryonis, chef d'une colonie venue d'Espagne. On parle encore d'Olbia, fondée par le Thespien Jolaos, auquel s'étaient joints quelques Athéniens. Quoi qu'il en soit, la Sardaigne n'offrait sur ses côtes qu'un petit nombre d'établissements, sans aucun lien politique entre eux, jusqu'à l'arrivée de la colonie thébaine. CLII.
Mox Aristaeum
regnando his proxumum asserunt in urbe Caralis, quam condiderat
ipse, conjuncto populo utriusque sanguinis, sejuges usque ad se
gentes ad unum morem conjugasse, imperium ex insolentia nihil
aspernatas Enfin, après la ruine de Troie, la Sardaigne reçut une nouvelle colonie, CLIII.
Quum multi
evaserint trojanum periculum... orbis diversa tenuere, uti Capys
Campaniam, Hlelenus Epirum, Antenor Venetiam, alii Sardiniam. CLIV.
Terra patet
in longitudine mill, CXL, latitudine XL. CLV.
ln ea neque
serpens gignitur, neque lupus, sed solifuga tantum, animal exiguum,
hominibus perniciesum. Venenum quoque ibi non nascitur, nisi herba
[quae Sardoa dicitur] apiastro similis, quae comesa ora rictus
dolore contrahit, et quasi ridentes interimit. Un détroit assez resserré sépare la Sardaigne de la Corse, qui, dit-on, fut originairement peuplée par les Liguriens. CLVI.
Sed, ut ipsi
ferunt un taureau découvrit le premier leur île. CLVII.
Nam quaedam,
Corsa nomine, Ligus mulier, quum taurum ex grege quem prope litora
regebat, transnatare solitum, atque per intervalla. corpore aucto,
remeare videret, cupiens scire incognita sibi pabula, taurum a
ceteris degredientem usque ad insulam navigio prosequuta est. Cujus
regressu insulae fertilitatem cognoscentes Ligures, ratibus eo
profecti, eamque nomine mulieris aucttoris et ducis appellaverant. Tradition évidemment fabuleuse; car, quand on songe à la distance des deux îles, il est impossible de supposer que ces fréquentes allées et venues CLVIII.
Ne illa tauro parata
sint. Arrivé en Sardaigne, pour recueillir les débris du parti de Lépide, Perpenna grossit son armée des insulaires qui avaient servi sous ce chef de parti, CLIX.
Genus militum suetum a pueritia
latrociniis Malgré cet accroissement de forces, ne se sentant pas en état de continuer seul la guerre civile dans une île qui pouvait si promptement recevoir des secours de Rome, et d'ailleurs ne pouvant licencier ses soldats, CLX.
Nam procul et
divorsis ex regionibus et la plupart d'ailleurs n'étaient que CLXI.
Urbe
patriaque extorres il résolut de passer en Espagne. Mais Perpenna avait-il emmené de Sicile avec lui toutes ses troupes, CLXII.
Perrexere in
Hispaniam an Sardiniam? c'est ce qu'il n'est pas facile de décider, vu la contradiction des témoignages. En effet, je lis quelque part que Perpenna CLXIII.
In Gallia
civitatem, quae Cale dicitur, cepit. CLXIV.
At Sertorius,
vacuuc hieme, augere copias. CLXV.
Exercitum
(more maiorum vertere.
C'est ainsi qu'il eut bientôt sous ses ordres soixante mille
fantassins et dix mille chevaux bien disciplinés, bien armés, et
pleins d'ardeur. CLXVI.
Hispaniam
antiquam sibi patriam esse, il fut pour ce peuple, à demi civilisé, un génie créateur : il le dota des moeurs, de la discipline et des institutions romaines. Il est vrai qu'il n 'eut pas grand'peine à former à la guerre un peuple si naturellement épris de la gloire des armes. Les fêtes, la poésie nationale des Espagnols, sont toutes guerrières; les mères et les épouses contribuent à entretenir la jeunesse dans ces sentiments belliqueux. CLXVII.
Hispanorum mos erat ut in
bella euntibus juvenibus parentum facta memorarentur a matribus. CLXVIII.
Neque vlrgines nuptum a parentibus
mittebantur, sed ipsæ belli promptissumos deligebant. Il faut admirer chez Sertorius la constance de ses succès. Tout était dû à ses talents, à ses efforts personnels. Le héros de l'Espagne se faisait aimer par sa simplicité et sa modération. CLXIX.
Ea continentia vlr gravis, et nulla
arte cuiquam Inferior, il réunissait toutes les qualités du chef de parti. Cependant il était facile de prévoir que la guerre ne pourrait se terminer à son avantage. Toute la force de son parti était en lui seul, et l'on peut douter que la jonction de Perpenna eût ajouté à ses forces. Ce général, qui avait été contraint par ses troupes à se réunir à Sertorius, travaillait sourdement à détruire l'influence du col-ègue dont il était jaloux : de là un système de dénigrement tendant à diminuer l'influence de Sertorius auprès des peuples de l'Espagne. CLXX.
Ad hoc
rumoribus advorsa in pravitatem, secunda in casum, fortunam in
temeritatem declinando corrumpebant. CLXVI.
Sed Metellus
in Ulteriore provincia.
passa l'hiver, où il était tenu en observation par les troupes
d'Hirtuleius. CLXXII.
Pompeius cum
alacribus saltu, cum velocibus cursu, cum validis recte certabat.
Neque enim aliter potuisset par esse Sertorio, nisi se et milites
frequentibus exercitiis praeparavisset ad proelia, aux mouvements, aux surprises de la guerre de chicane et de montagnes. Il les formait CLXXIII.
Noctu diuque
vigilias et stationes tentare. Son armée manquait de vivres : pour y pourvoir, CLXXIV.
Argentum
mutuum arcessivit en son norn. Pour cette conduite, on doit des éloges à Pompée, qui toujours se montra CLXXV.
Modestus ad
omnia alia, nisi ad dommationem. Cette modération, au dite de ses ennemis, n'était qu'affectation ; car, selon eux, sans aucun scrupule pour parvenir, CLXXVI.
Pompeius oris
probi, anima inverecundo, sacrifiait tout, sans pudeur, à son ambition. Seul, dans sa jeunesse, il se mit au-dessus de Sylla, comme depuis il devait toujours se mettre au-dessus des lois. Lorsqu'après la défaite des partisans de Marius, en Afrique et en Sicile, Sylla lui ordonna de licencier son armée, Pompée mit en délibération s'il ne tirerait pas l'épée plutôt que d'obéir. Il eût été soutenu dans cette révolte non seulement par son armée, mais, à Rome, par un parti puissant; CLXXVII.
Nam Sullam
consulem de reditu eius legem ferentem ex composito trib. pl. C.
Herennius prohibuerat; et ce ne fut pas sans peine que l'on obtint d'Herennius CLXXVIII.
Ut actione
desisteret. CLXXIX.
Nota aestas
devait être fertile en événements. En Bétique, Hirtuleius, lieutenant de Sertorius, dut faire tête à Metellus, tandis que Sertorius marcha contre Pompée. Près d'ltalica, Hirtuleius vint présenter la bataille à Metellus. Dès le lever du soleil, il fit sortir ses troupes de ses retranchements. Metellus leur laissa supporter tout le poids du jour, et se tint longtemps immobile, CLXXX.
Post ubi
fiducia nimius, son adversaire fatigué commençait à mettre moins de vigilance dans ses mouvements, Metellus sortit enfin de ses retranchements. Ayant remarqué que les principales forces des ennemis étaient au centre, CLXXXI.
Apud latera
certos conlocaverat, et il les fit avancer de manière à attaquer les deux ailes d'Hirtuleius, tandis que son centre restait immobile. Le succès couronna cette manoeuvre : les deux ailes de l'ennemi ayant été enfoncées et poussées dans un endroit coupé de courants d'eau, les fuyards, tombant les uns sur les autres, CLXXXII.
Ictu eorum,
qui in fiumine ruebant, necabantur, En vain Hirtuleius, pour rétablir le combat, CLXXXIII.
Suos equites
hortatus, vade transmittit, et veut soutenir son infanterie ainsi enveloppée de trois côtes à la fois. Néanmoins la victoire est loin encore d'être décidée : de part et d'autre, on se la dispute avec acharnement, CLXXXIV.
Occurrere
duci et proelium accendere, adeo uti Metello in sagum, Hirtuleio in
brachium, tela venirent.
Enfin, Hirtuleius cède la victoire,
laissant vingt mille des siens sur le champ de bataille. Bientôt,
avec de nouvelles troupes, il veut prendre sa revanche près de
Ségovie, mais il est défait et tué avec son frère. CLXXXV.
Inter laeva
moenium, et dextrum flumen Turiam, quod Valentiam parvo intervallo
praetefluit. Pompée marche CLXXXVI.
Audaciter, contre eux, les défait, les force à la retraite, après une perte de plus de dix mille hommes, et la possession de Valence est le prix de sa victoire. Sans attendre l'arrivée de Metellus, qui n'était pas éloigné, il se hâte de marcher vers Sertorius, qui partageait son empressement. Sertorius craignait un second adversaire; Pompée, un rival de gloire. Aussi ne saurait-on exprimer avec quel empressement CLXXXVII.
Obviam fuere. Dès qu'ils furent en présence, près des rives du Sucron, l'action s'engagea ; mais, CLXXXVIII.
Vespera, Sertorius avait déjà fait plier l'aile que commandait Afranius, lorsqu'il fut averti que son aile droite, aux ordres de Perpenna, était en pleine déroute. Il court sur ce point, et, voyant les soldats fuir en jetant leurs armes, il leur crie qu'ils se couvrent de honte, CLXXXIX.
Neque inermes
ex proelio viros quemquam agnoturum. Ses discours, son exemple, produisent leur effet. Pompée voit la victoire lui échapper; dans la mêlée, il reçoit une blessure, et d'un revers coupe le bras à l'Africain qui vient de l'atteindre. Il n'échappa même aux Barbares qu'en abandonnant son cheval, richement enharnaché, qui tentait leur cupidité. Cependant Afranius, lieutenant de Pompée, avait, de son côté, rétabli le combat. Voyant plier l'aile gauche des Espagnols, il précipita, en quelque sorte, sa victoire CXC.
Antequam
egressus Sertorius pugnae instrueret suos, enfonça les lignes ennemies, qui, n'étant plus électrisées par la présence de Sertorius, fuyaient dans toutes les directions, et livrèrent ainsi à Afranius CXCI.
Castra sine
volnere introitum.
Sertorius, de retour, est tout étonné
de trouver son camp au pouvoir de l'ennemi ; il voit les Romains
occupés à piller; ce spectacle excite la fureur des soldats qui
viennent de vaincre sous Sertorius. Profitant de la surprise que
cause leur arrivée, ils se précipitent l'épée à la main dans toutes
les lignes du camp, et tuenttout ce qu'ils rencontrent d'ennemis.
Ainsi, dans cette journée, où les succès et les revers furent si
balancés, Setorius eut la gloire d'attirer la victoire partout où il
se montrait. Cependant, comme Perpenna abandonna son camp, Pompée se
donna pour vainqueur. Le lendemain, Sertorius aurait voulu encore en
venir aux mains ; mais il rentra dans son camp à la vue de Metellus
qui revenait de la Bétique, où il avait vaincu Hirtuleius. Cette
nouvelle, et encore plus la jonction des deux généraux, détermina sa
retraite. CXCII.
Inde ortus
sermo, percunctantibus utrimque, satin' salve? quam grati ducibus
suis, quantis familiaribus copiis augerentur.
Les deux chefs se donnèrent des
témoignages réciproques de respect et d'estime. Pompée fit baisser
ses faisceaux devant Metellus : Metellus refusa cet honneur, et
accepta seulement le droit de donner le mot d'ordre. CXCIII.
Ut tanta
repente mutatio non sine deo videretur. Les généraux romains, intimidés, se replient sur Sagonte. Quels sentiments de respect et de sympathie ne réveillèrent pas dans l'armée romaine CXCIV.
Saguntini
fide atque ærumnis inclutl, per mortalium studium majores quam
opibus; quippe queis etiam tum semiruta moenia, domus intectae,
parietesque templorum ambusti, manus punicas ostentabant; Sous les murs de Sagonte fut livrée une bataille où Sertorius fut sur le point d'arracher la victoire à ses deux adversaires. Dans cette journée, on combattit de part et d'autre CXCV.
Avidisque
ita, promptisque ducibus, uti Metellus ictu tragulae sauciaretur; et cette heureuse blessure donna la victoire aux Romains : à la vue de leur général couvert de sang, CXCVI.
Immane qantum
animi exarsere. CXCVII.
Quo cupidius
in ore ducis sese quisque bonum et strenuum ostentantes, se précipite sur les Espagnols, arrache le vieux Metellus de la mêlée, et renverse tout ce qui s'oppose à leurs efforts. CXCVIII.
Sed Metellus
in vulnere se mit sans relâche à la poursuite de Sertorius, qui, marchant à grandes journées à travers l'Édétanie, opéra sa retraite jusqu'au pays dus Vascons. Il arriva ainsi jusqu'à la rivière Bilbilis, qu'il passa en présence de l'ennemi, au moyen d'un habile stratagème. Calagurris, où il voulait s'arrêter, n'était pas éloignée : arrivé à la vue de cette ville, voyant que les Romains le serraient de trop près, il donna ordre à son armée de se disperser. CXCIX.
At illi,
quibus res (regio) incognita erat, ivere (ruere) cuncti ad portas,
in (alii) cognita tendere. Les Romains, aux yeux desquels disparut ainsi tout à coup l'armée qu'ils poursuivaient, se virent dans l'obligation de s'éloigner du pays. Sertorius, en leur coupant les vivres, les mit bientôt hors d'état de tenir la campagne. Une escadre interceptait par mer les convois des Romains, CC.
Ad hoc pauca
piratica adjungit actuaria navigia; en même temps, il tirait d'Afrique des grains qu'il faisait acheter par un transfuge important du pays, CCI.
Quem ex
Mauritania rex Leptasta proditionis insimulatum cum custodibus
miserat. Il devait être livré aux généraux romains du parti du sénat; mais il avait eu le bonheur de tromper la surveillance de ses gardes, et s'était réfugié dans le camp de Sertorius. Ainsi Sertorius sut ménager l'abondance à ses troupes et à ses partisans, tandis que les Romains étaient dans la disette. Pour eux point de convois, point de magasins, même CCII
Neque
subsidiis uti soluerat compositis
et des réquisitions particulières. CCIII.
At Metellus
in ulteriorem Hispaniam post annum regressus, magna gloria
concurrentium undique, virile et muliebre socus, per vias ac tecta
omnium visebatur. Quum quastor C. Urbinus aliique, cognita
voluntate, eum ad coenam invitaverant, ultra Romanorum et mortalium
etiam morem curabant: exornatis aedibus per aulaea et insignia,
scenisque ad ostentationem histrionum fabricatis ; simul croco
sparsa humus, et alla in modum templi celeberrumi. Praeterea quum,
sedenti, transenna demissum Victoriae simulacrum, cum machinale
strepitu tonitruum, coronam capiti imponebat: tum venienti, thure,
quasi deo,supplicabatur. Toga picta plerumque amiculo erat ei
accumbenti : edulae quaesitissumae; neque per omnem modo provinciam,
sed trans maria, ex Mauritania, volucrum et ferarum incognita antea
plura genera : queis rebus aliquantam partem glorias demserat,
maxume apud veteres et sanctas viros, superba illa, gravia, indigna
romano imperio aestumantes. Cependant Curion, l'un des consuls de l'année précédente, était en Macédoine avec l'autorité proconsulaire. Il voulait porter la guerre chez les Dardaniens, qui n'avaient pas encore subi la victoire romaine. Ces barbares, ainsi que les Bastarnes et les Scordisques, ont conservé leur férocité primitive. Comme CCIV.
Germani
intectum rhenonibus corpus tegunt: CCV.
Vestes de
pellibus rhenones vocant. Les Dardaniens ont la même origine que les Mysiens qui habitent le nord de la Phrygie. De là une partie de cette contrée est nommée CCVI.
Dardania, sic
dicta a rege Dardano rum Mida qui Phrygiam tenuit. Les Dardaniens de l'Asie sont aussi policés que ceux d'Europe sont demeurés farouches; ceux-ci inspiraient tant de terreur aux soldats romains, qu'une légion refusa de suivre Curion. Le proconsul, montrant à la tête de l'armée la fermeté qu'il avait déployée sous son consulat, casse toute la légion, CCVII.
Copiis
integra, et incorpore les soldats dans ses quatre autres légions. A la vue de leurs enseignes brisées, les légionnaires donnèrent les signes du plus violent désespoir. CCVIII.
Circumventi,
dextera unde ferrum erat, saxa aut quid tale capiti adfligebant.
Ces divers incidents empêchèrent
Curion de faire rien de mémorable durant cette campagne. CCIX.
Se angustiae
pontici oris illic dilatant;
alors les eaux tombent sans violence dans la Propontide, venues de
l'Euxin, et se déchargent ainsi perpétuellement dans la mer Égée. CCX.
Proxumum de
promontoriis Paphlagonum, quod Κριοῦ μέτωπον Graeci appellaverunt. La longue saillie de ce cap forme ce que les Grecs du pays appellent le Pli de l'arc, CCXI.
Nam speciem
efficit scythici arcus. Tout l'Euxin, renfermé dans un vaste cercle de montagnes, est presque toujours couvert de brouillards, à moins que la surface ne soit battue des vents : dans ce dernier cas, le roulis des vagues y est fort dangereux, CCXII.
Crebritate fluctuum, ut Aquilone
solet, tandis que le choc du rivage en renvoie d'autres en sens contraire. Leur rencontre élève des lames si rapides et si serrées, que, CCXIII.
Triplici fluctu,
il n'est point de barque qui puisse aborder à la côte. CCXIV.
Ipsum mare Ponticum dulcius quam
cetera, à cause du grand nombre de rivières qui s'y jettent, CCXV.
Unde hic tulit colorem
blanchâtre qui le distingue des autres mers. L'Euxin est très favorable à la pèche, surtout en été. CCXI.
Qua tempestate ex Ponte vis piscium
erumpit,
qui reflue dans le lac Méotis et dans la Propontide. CCXVII.
Namque primum Jasonem novo
itinere maris Aetae hospitis domum violasse. En parcourant les côtes du Pont-Euxin, CCXVIII.
Ergo introrsus prima Asiae Bithynia
est multis ante nominibus appellata; nam prius Bebrycia dicta,
deinde Mygdonia, mox a Bithyno rege Bithynia nuncupata est. Ipsa est
et Major Phrygia. Tout porte â croire que cette contrée fut, ainsi que les pays environnants, peuplée par différentes colonies venues de Thrace. Ce sont également des Thraces, partis des alentours du cap Tinias, qui ont occupé l'Ascanie, CCXIX.
Quem trans stagnum omnis usque ad
flumen nommé Ascan, entre la mer, le fleuve Sangar et le mont Olympe. Vous trouvez CCXX.
ln
Paphlagonia Teium oppidum, Héraclée, Sésame, Sitore, etc. Plus loin est Sinope. A l'est de la Paphlagonie se trouve le Pont avec les villes d'Amise et d'Amasie. CCXXI.
Dein campi
Themyscirii, quos habuere Amazones a Tanai flumine incertum
quamobrem digressae
Après les champs thémysciriens, se trouve le territoire de Cerasus,
puis Trapézunte. Vient enfin la Colchide, qui forme à elle seule
tout le rivage oriental de l'Euxin. Elle est arrosée par le Phase,
dont l'embouchure forme un vaste golfe. Là se trouve la ville d'Aea,
qui fut, au temps des Argonautes, la demeure du roi Aeétès. Les
Mosques, les Albaniens, habitent les bords du Phase et du Cyrus,
entre le Pont-Euxin et la mer Caspienne. Entre ces deux mers
s'élève la plus haute chaîne du Caucase. CCXXII.
Namque omnium
ferocissumi ad hoc tempus Achaei atque Tauri sunt, quod, quantum
conjicio, locorum egestater apto vivere coacti. Au milieu de tant de peuples sauvages, le petit royaume du Bosphore Cimmérien s'est maintenu pendant plus de quatre siècles, il renferme plusieurs villes très commerçantes. Le lac Méotide a son issue dans l'Euxin, au milieu du Bosphore, dont les côtes maritimes bordent en partie ce vaste lac. Là sont les villes Panticapée, sur la côte d'Europe, et Phanagor, en Asie. A l'entrée de l'isthme qui rejoint la Chersonèse Taurique au continent de l'Europe se trouve la ville de Taphré, fondée par des esclaves du continent. Ayant eu commerce avec les femmes de leurs maîtres, qui étaient alors à la guerre contre les Thraces, ils résolurent, soit par crainte, soit CCXXIII.
Ad mutandum modo in melius servitium, de se réfugier dans l'isthme, et de se fortifier dans la ville de Taphré, qu'ils bâtirent. Telle est CCXXIV.
Maetici situs
aequoris. Depuis Taphré jusqu'au Borysthène, le pays est occupé pàr des Scythes nomades qui se tiennent sur de vastes pâturages, CCXXV.
In quibus plaustra sedes sunt.
Dans l'île de Leucé, formée par des atterrissements à l'em¬bouchure du Borysthène, est un temple révéré. CCXXVI.
Primus Graecorum Achilles,
ayant traversé l'Euxin pour chercher Iphigénie, s'arrêta, dit-on, dans cette île, afin d'y célébrer des jeux. Thétis, sa mère, lui fit présent de cette terre éloignée, où s'élève encore aujourd'hui le temple de ce héros. CCXXVII.
Tota autem
insula modica, et cultoribus inanis est. De l'autre côté du Borysthène, sont les Sarmates Basilides, puis les Gètes, et plus avant les Bastarnes, dont le pays est arrosé par le Danaster. CCXXVIII.
Omnium
fluminum, quae in maria qua imperium remanum est, fluunt, quem
Graeci τὴν εἴσω θάλασσαν appellant, maxumum esse Nilum consentitur,
proxuma magnitudine est lster : ainsi l'appelèrent les Grecs et les hommes du pays, CCXXIX.
Nomenque
Danubium habet. Il est temps de revenir à l'histoire de Mithridate. CCXXX.
Artabanes
condilor regni de Pont, et fils de Darius, fils d'llystaspes, était le premier des ancêtres paternels de Mithridate. Le père de celui-ci avait été l'allié fidèle des Romains. Il mourut laissant deux fils en bas âge. Mithridate, l'acné, vit se liguer contre lui ses tuteurs, sa mère et son jeune frère. CCXXXI.
Sed
Mithridates, extrema pueritia regnum ingressus, matre veneno
interfecta, puis son jeune frère, car il fut toujours CCXXXII.
Ipse animi
atrox, s'annonça comme un roi digne de porter le sceptre. Ennemi persévérant des Romains, il manifesta sa haine contre eux en dépouillant de leurs États plusieurs princes alliés de la république. Il ne reculait devant aucune mesure atroce. On dit que, par ses ordres, Zenobius, son général, après avoir rançonné les habitants de Chios, CCXXXIII.
Omnia sacrata
corpora in ratem imposuisse. Mais ce qui surpasse tous ses crimes, c'est le massacre de plus de cent mille Romains, dans l'Asie, le même jour. Il fut une première fois châtié par Sylla, qui le força de souscrire au traité de Dardanum. Dans une seconde guerre contre la république, il eut à combattre Murena. Un mot de Sylla fit cesser cette guerre. Ce fut au sujet de la Bithynie que Mithridate prit les armes contre les Romains une troisième fois. Il produisit, comme héritier du royaume de la Bithynie, un prince né, selon lui, de Nicomède et de Moysa, soeur de Mithridate. Mais, lorsque ses partisans se mirent en devoir de le proclamer, CCXXXIV.
Quos advorsum
multi ex Bithynis volentes occurrere, falsum filium arguituri.
Le sénat opposa au Nicomède, neveu de Mithridate, un autre Nicomède surnommé Frugi, que le roi de Pont disait être fils d'une danseuse; mais le rôle de ces deux fantômes fut court. Bientôt Mithridate fit alliance avec Sertorius. Ce prince, curieux de savoir ce qui se passait dans les pays étrangers, s'entretenait volontiers avec les navigateurs. Des commerçants qui fréquentaient CCXXXV.
Tartessum
Hispaniae civitatem, quam nunc Tyrii, mutato nomine, Gadir habent,
ut alii tradiderunt, étant venus trafiquer dans l'Euxin, lui vantèrent les talents et la puissance de Sertorius. CCXXXVI.
Ibi fimbriana
seditione, qui regi per obsequelam orationis, et maxume odium
Sullae, graves carique erant, entre autres, L. Magius et L. Fannius. Ils lui inspirèrent le des sein de faire alliance avec ce chef de parti. Le roi les fit partit pour l'Espagne avec le plus intime de ses confidents. CCXXXVII.
Metrophanes
promeruit gratiam Mithridatis obsequendo;
ce prince l'employait de préférence à
tous les autres; mais comme il arrive le plus souvent aux flatteurs
des rois, Métrophane devait finir par trahir son maître. CCXXXVIII.
Cultu
corporis ornata egregio,
exerçait sur son amant un empire
absolu : elle se prêta aux vues du consul, qui se montra généreux,
et Cethegus n'eut plus à la bouche que l'éloge de Lucullus, qui
obtint ainsi le proconsulat de Cilicie, avec l'armée destinée contre
ce prince ; mais son collègue M. Cotta arracha du peuple, à force
d'instances, la Bithynie, avec le commandement d'une flotte dans la
Propontide. CCXXXIX.
Graviore
belle quo prohibituri venerant socii fregere.
Lucullus sut les discipliner et leur
apprendre ce qu'était un général. En même temps, il adoucit, par son
administration modérée, le sort des villes d'Asie, et les rattaeha
ainsi à l'obéissance de Rome. CCXL.
Ruuntque pars
magna suismet, aut proxumorum telis; ceteri vicem pecorum
obtruncabantur. Le même jour, Mithridate força la flotte romaine dans le port de Chalcédoine, sans que Cotta osât s'y opposer. Mithridate avait laissé peu de troupes dans cette place ; on conseillait à Lucullus de la châtier. Il aima mieux aller au secours de Cotta, puis ensuite parut devant Chalcédoine ; mais il ne songea pas à attaquer dès lors Mithridate : en voyant le nombre prodigieux de ses troupes, il compta d'avance le nombre de jours qu'il fallait pour les affamer. En effet, le roi fut obligé de se replier dans la Troade, où le consul le suivit. Malgré la rapidité de ces mouvements, l'armée romaine eut à souffrir, bien que CCXLI.
Frugum
pabulique laetus ager. CCXLII.
At Lucullum
regis cura machinata fames brevi fatigabat, Bientôt Mithridate vient mettre, par terre et par mer, le siège devant Cyzique. Cette ville est située sur lit côte de Phrygie, au pied du mont Arté, dans un emplacement uni au continent par un isthme. CCXLIII.
Dubium an
insula sit, quod Eurl atque Austri superjactis fluctibus,
circumlavit. La côte s'avance encore dans la mer par un autre promontoire. CCXLIV.
Unde pons in
oppidum pertinens explicetur. Mithridate n'épargna rien pour triompher de la résistance des habitants, que commandait Lysistrate, guerrier habile et courageux. Le roi avait en son pouvoir trois mille Cyzicains, pris tant devant Chalcédoine que dans d'autres rencontres; il les lit amener dans des bateaux et exposer sur le rivage, au pied des murs de Cyzique, d'où ces infortunés tendaient leurs mains suppliantes vers leurs concitoyens, les conjurant de ne pas les exposer à une mort certaine par une résistance opiniâtre. Ils restèrent ainsi entre la terre et la muraille, exposés aux coups, à la faim, aux injures de l'air, n'ayant d'autre retraite CCXLV.
Quae mapalia
sunt circumjecta civitati, suburbana aedificia. Le gouverneur de la place, dans la disette où l'on était de vivres, ne put leur y accorder un asile; leurs concitoyens prirent pitié d'eux, et, ne pouvant leur faire passer des vivres, CCXLVI.
E muris canes
sportis demittebant. Tel était, au reste, le spectacle qu'offraient toutes les campagnes de la Bithynie où l'armée pontique avait exercé les plus grands ravages ; et ce qui justifiait les sévères mesures de Lysistrate, c'est que CCXLVII.
Magna vis
hominum convenerat agris pulsa aut civitate ejecta dans Chalcédoine. Mithridate, pourvu de machines de guerre, donna plusieurs assauts à la place. A l'acharnement des assaillants, Lysistrate et sa courageuse garnison répondent par la défense la plus persévérante. Si les tours de Mithridate amènent ses soldats sur le rempart, Lysistrate CCXLVIII.
Moenibus
deturbat. La redoutable hélépole avait renversé une partie des remparts voisins d'un marais. Lysistrate, mettant à profit la soirée et la nuit, appelle au travail tous les habitants, CCXLIX.
Murum ab
angulo dextri lateris ad paludem haud procul remotum duxit. Cependant Lucullus, persuadé que le roi n'aurait pas longtemps de quoi faire subsister une si grande armée, ne s'effraya point de ces immenses moyens d'attaque; sûr de vaincre sans tirer l'épée, il se contenta de tenir en observation l'armée pontique; l'événement devait justifier ses prévisions. CCL.
Eodem anno in Macedonia C. Curio
principio veris cum exercitu profectus in Dardaniam quibus potest
modis dictas pecunias coegit; après quoi il ramena ses légions en Macédoine, et transporta ses quartiers d'hiver CCLI.
Stabos.
A Rome, la querelle du tribunat était sérieusement engagée. Ce qui augmentait encore le mécontentement publie, c'est que l'iniquité régnait sans contrôle dans les tribunaux, pour peu que des coupables fussent puissants. CCLII.
In fiducia
quam argumentis purgatiores, demittuntur.
FRAGMENTS DU TROISIÈME LIVRE.
La famine continuait à se faire sentir dans Rome. Le gouvernement se voyait sans pouvoir pour faire cesser le mal, et CCLIII.
Festinantibus in summa
inopia patribus,
étaient accusés, non pas d'impéritie, mais de malveillance.
ORATIO C. COTTA CONSULIS AD
POPULUM.
DISCOURS DU CONSUL C. COTTA AU
PEUPLE. Ce discours, prononcé avec dignité par un homme qui n'avait point la défaveur populaire, produisit une heureuse impression. La sédition s'apaisa ; mais Cotta, voulant en prévenir le retour, fit faire des distributions de grains aux dépens du trésor. Une autre concession bien importante mit le comble à sa popularité. CCLV.
Legem in concione tulit, repugnante nobilitate, magno populi studio,
ut iis qui tribuni plebis fuissent, alios quoque magistratus capere
liceret : quod lex a L. Sulla paucis ante anis prohibebat. En Espagne, les armées se trouvaient réciproquement réduites à la plus grande disette. CCLVI.
Namque his
praeter solita vitiosis magistratibus (magis aestatibus) , quum per
omnem provinciam infecunditate biennii proxumi grave pretium
fructibus esset. Pompée surtout avait en vain écrit lettres sur lettres au sénat. On ne pouvait guère satisfaire à sa demande ; car la disette était générale dans tout l'empire. CCLVII.
Quae pecunia
ad hispaniense bellum Metello facta erat, avait été employé à des achats pour nourrir le peuple de Rome. C'est dans cette circonstance que Pompée écrivit au sénat une lettre dont voici la teneur : CCLVIII.
EPISTOLA CN. POMPEII AD SENATUM.
LETTRE DE CN. POMPÉE AU SÉNAT.
Le style menaçant de cette lettre fit impression sur le sénat et sur
le peuple. Ce fut un bruit généralement répandu que Pompée allait
revenir, mais que Sertorius arriverait avant lui.
Sanctus alia; CCLX.
Sane bonus ea tempestate contra pericula et ambitionem. CCLXI.
Sed Pompeius a prima adolescentia, sermone fautorum, similem fore se
credens Alexandro regi, facta consultaque ejus quidem aemulus erat. En attendant la réponse du sénat, il fit une expédition heureuse dans un pays que sa situation au milieu d'épaisses forêts avait jusqu'alors préservé des fléaux de la guerre. CCLXII.
His saltibus
occupatis, tum externorum (Termestinorum) agros invasere,
frumentique ex inopta gravi satias facta. Cependant Sertorius avait reçu, à Dianium, les envoyés de Mithridate, à la tête desquels était le transfuge romain L. Marius. CCLXIII.
Eum atque
Metrophanem senatus magna industria perquirebat, quum per tot
scaphas quas ad ostia cum paucis fidis percunctatum miserant.
Sertorius reçut les ambassadeurs de Mithridate avec la même fierté
que s'il eût été consul à Rome, donnant audience en
plein sénat; il envoya au roi un corps de soldats romains, commandés
par M. Marius, avec le titre de proconsul. Marius fut reçu avec
respect par Mithridate, qui, dans toutes les occasions, lui donnait
le premier rang. CCLXIV.
Profectus
quidam Ligus ad requisita naturae. CCLXV.
Radicem
montis excessit. et découvrit, par une échappée de vue qui donnait sur la plaine, un chemin assez facile pour y pénétrer. De retour au camp, il rendit compte à son tribun légionnaire et de ce qu'il avait vu et de l'usage que l'on pouvait faire de sa découverte. L'officier s'empresse CCLXVI.
Duci probare l'idée conçue par le soldat, CCLXVIII.
Atque eum
Curio laudatum, accensumque praemiorum spe, quibuscum
optavisset, ire jubet
pour essayer le passage. La chose réussit; l'armée pénétra par le
défilé, et les Barbares n'osèrent tenir de toute cette année la
campagne. CCLXVIII.
Dubius consilii
qu'il avait à prendre; mais il ne tarda pas à s'apercevoir, dans quelques escarmouches, que cette tourbe d'Asiatiques n'était rien moins que redoutable, CCLXIX.
Dedecores
multique terga ab hostibus caedebantur. Aussi, plein de confiance, voulut-il tenter une action décisive, mais le ciel sembla s'y opposer, CCLXX.
Nubes
foedavere lumen. CCLXXI.
Nam tetra
tunc erat et sublima nebula caelum obscurabat. Ce phénomène effraya les deux armées, qui se retirèrent sans en venir aux mains. A peine eut-il dégagé Cotta, il suivit Mithridate. CCLXXII.
Postquam egressus angustias,
où l'armée de Mithridate aurait pu facilement l'arrêter, CCLXXIII.
Ad Cyzicum pervertit
firmatus animi. Pour faire connaître aux assiégés son approche, il eut recours à un expédient ingénieux. Un soldat des légions Valériennes, excellent nageur, se fit fort de pénétrer, par mer, jusque dans Cyzique. CCLXXIV.
Duos quam maxumos utres levi ta
bula; subjecit : qua super omni corpore quietus, invicem tractu
pedis quasi gubernaor exsisteret : ea inter molem atque insulam mari
vitabundus classem hostium, ad oppidum pervenit. Grande fut la joie des habitants en voyant l'émissaire de Lucullus ; mais, pour arriver sous les murs de Cyzique, il lui fallait traverser un défilé inexpugnable, que le roi faisait soigneusement garder. Ici encore la ruse supplée à la force : le proscrit romain Magius, que le roi avait envoyé en Espagne, prévoyant le déclin des affaires de Sertorius, désirait vivement rentrer en grâce auprès des Romains. Il écrivit plusieurs lettres au proconsul. CCLXXV.
Quarum unam
epistolam forte cum servo nacti praedatores Valeriani scorpione in
castra misere des Romains. Le proconsul promet l'amnistie à Magius; celui-cl engage le roi à laisser les Romains franchir, occuper le défilé; il l'assure que les légions Valériennes déserteraient aussitôt de son côté, et que, de la sorte, il aurait bon marché du reste de l'armée romaine. Mithridate donne dans le piège : Lucullus s'empresse d'occuper les gorges; les Valériens restent fidèles, et le roi de Pont n'était pas en état de les déloger. Il n'en fut que plus ardent à presser les travaux de siège : il fit donner un assaut général. Ses soldats mirent beaucoup d'ardeur à l'escalade; mais, CCLXXXVI.
Quum murum
hostium successisset, poenas dederat :
il était précipité du rempart. Les assiégeants de revenir à la
charge, après avoir déposé la cuirasse et le bouclier pour être plus
agiles; mais ce soin leur devint funeste : les assiégés étaient
munis de matières brûlantes qui,
ln nuda
injecta corpora, CCLXXVIII.
Ut res magis
quam verba gererentur, liberos parentesque in muris locaverant. Bientôt Mithridate renouvelle l'assaut par terre et par mer; la redoutable hélépole menace les murs de Cyzique : sur ce point se concentrent les principaux efforts des assiégés. Eux-mêmes firent de ce côté brèche à la muraille, en enlevant le ciment; CCLXXIX.
Saxaque ingentia, et trabes axe vinctae
per pronum incitabantur, axibusque eminebant, in modum ericii
militaris. veruta binum pedum. Cette construction improvisée amortit l'effort de la machine; mais, tandis que les Cyzicains obtiennent de ce côté quelque avantage, quatre soldats des plus hardis, montés sur une galère, CCLXXX.
Muras successerant.
De ce côté, le bruit de cette attaque jette les habitants dans le désespoir, CCLXXXI.
At tum
maxume, uti solet extremis in rebus, sibi quoque carissumum domi
recordari, cunctique omnium oidinum extrema munia sequi. De ce côté encore, les assiégeants sont repoussés; le lendemain, nouvel assaut. Déjà les murailles de la ville, partout ébranlées, semblaient devoir donner accès aux assiégeants, lorsqu'une tempête, qui s'éleva tout à coup, vint détruire les machines de Mithridate. CCLXXXII.
Et onere turrium incertis navibus,
furent bientôt submergés. Les cris, la confusion CCLXXXIII.
lmpediebant jussa nautarum.
Plusieurs navires furent engloutis, et presque tous les équipages
périrent.
L'Italie était alors le théâtre d'une guerre qui menaça un instant le siège de la république. Soixante-treize esclaves, détenus à Capoue dans une académie de gladiateurs, brisent leurs armes et se réfugient sur le mont Vésuve : voilà le faible commencement d'un embrasement qui, comme une lave brûlante, remplit l'Italie de sang et de ruines. Les esclaves avaient à leur tête un homme supérieur : c'était Spartacus,
CCXCVI Le préteur de la province, Claudius Pulcher, vient avec trois mille hommes les investir sur cette montagne. Les gladiateurs lui échappant par un stratagème hardi, et se répandent dans la Campanie. Là ils voient leur troupe se grossir d'une foule de montagnards et de brigands du pays . Spartacus appelle tous les esclaves à la liberté . Dans les discours qu'il leur adresse, il insiste surtout sur la mollesse et la tyrannie des maîtes, qui tirent du travail et des sueurs de leurs esclaves le moyen de vivre au sein du luxe et des voluptés. De tels hommes sont faciles à vaincre :
CCXCVII De toutes parts les esclaves accoururent sous ses drapeaux. Bientôt il compte dix mille hommes sous ses ordres, et, pour les équiper convenablement, il leur prescrit
CCXCVIII les habitants des campagnes.
CCXCIX Cette armée d'esclaves . La Campanie est le premier théâtre de leurs excès . Chacun d'eux,
CCC se livre, comme à plaisir, à tous les abus de la force. Après avoir saccagé Cora, ils se surpassent encore par les horreurs qu'ils commettent à Nucera, à Noles. A leur entrée dans cette ville, chacun d'eux courut s'attacher aux objets de sa haine ou de son ressentiment personnel. On frémit au tableau de leurs cruautés :
CCCI leur fit donner, par quelques affidés, le faux avis que le préteur Varinius Glaber arrivait avec ses troupes. Ce généreux stratagème sauva Noles d'une entière destruction. Ce préteur, en effet, n'était pas loin : Spartacus voulait, à son approche, abandonner les plaines de la Campanie et se replier en Lucanie, derrière les montagnes de l'Apennin. Trois mille fugitifs gaulois, ayant pour chef Oenomaüs, voulurent au contraire attaquer Varinius : ils furent défaits, Oenomaüs resta sur la place. Ses compagnons, émules de sa valeur, vendirent chèrement cet avantage aux Romains, et, après l'action, on trouva leurs cadavres
CCCII Alors le reste des esclaves revint à l'avis de Spartacus, et la retraite commença, inquiétée par quelques corps de cavalerie qu'avait envoyés en avant le préteur. Spartacus,
CCCIb ne songent qu'au meurtre et au pillage. Spartacus surprend Furius, lieutenant de Varius, et lui tue deux mille hommes. Varinius n'en parvint pas moins à resserrer les fugitifs dans une position désavantageuse,
CCCIc Spartacus, sorti de ce pas dangereux, s'achemine vers la mer Supérieure, où il espérait se ménager une place de refuge. Cossinius, détaché pour s'opposer à ce dessein, vient camper aux bains salants de l'Apulie, entre les rivières du Cerbale et de l'Aufide. Les gens du pays tombèrent à l'improviste sur son camp. En ce moment
CCCIII Il se sauva nu, et fut tué dans sa fuite. Bientôt les fugitifs attaquent Varinius lui -même, non qu'ils fussent tous armés en guerre, mais toute chose devenait une arme pour leur fureur : un épieu, une fourche ou tout autre outil de bois durci au feu, auxquels ils avaient donné
CCCId
CCCIe il alla en avant contre l'ennemi ; mais, ayant reçu quelques renforts, il put être maître de la campagne, resserra les fugitifs dans leurs incursions, et leur interdit l’accès de la Lucanie. Spartacus, dans la vue de rétablir ses communications avec cette province, s'approche du camp romain ; mais il était si bien fortifié, qu'il n'osa rien entreprendre.
CCCIf Dés que les romains aperçoivent de loin ceux-ci rangés en bon ordre et poussant des cris menaçants, leur courage s'ébranle.
CCCIg Ils attaquent cependant la ligne ennemie ;
CCCIV D'ailleurs, harassés de s'être tenus en haleine depuis le matin, ils étaient si accablés par la chaleur.
CCCV La défaite devient générale : Varinius donne le signal de la retraite et se replie sur la Lucanie, abandonnant aux esclaves toute la pointe de l'Italie jusqu'au détroit. FRAGMENTS DU QUATRIÈME LIVRE A Rome, les consuls avaient eu à pourvoir au soulagement du peuple, dans un moment où la cherté des blés, l'entretient de plusieurs armées employées à des guerres étrangères, et la révolte des fugitifs en Italie, avaient épuisé toutes les ressources du trésor et des contribuables. Gellius, l'un d'eux,
CCCXXVIII ne savait á quel parti s'arréter ;
CCCXXIX Cette proposition souleva tous les partisans de Sylla.
CCCXXX étaient prêts à se soulever et à renouveler la guerre civile ; car, depuis les sanglantes querelles de Sylla et de Marius,
CCCXXXI de vouloir tout décider par violence. Il fallut renoncer à cette ressource dangereuse qu'assurément,
CCCXXXII
Lentulus avait cru devoir mettre en
avant.
CCCXXXIII Pour mettre un frein à la cupidité des esclaves, il établit que, dans son camp,
CCCXXXIV
n’introduirait aucune matière d'or
ou d'argent.
CCCXXXV il ne rêve que la conquête de Rome. Ses compatriotes partageaient sa présomption. Ainsi les fugitifs
CCCXXXVI Mais la division devint plus marquée parmi eux au moment où la présence de deux consuls armés contre eux aurait dû les engager à l'union.
CCCIh de continuer son chemin pour exécuter son plan. Gellius cependant s'était avancé le long de l'Apennin. Crixus, à la tête de ses vingt mille Germains ou Gaulois, marcha au-devant de lui par la Lucanie et l'Apulie, et le joignit sur le territoire des Samnites. Là on en vint aux mains. Dans cette circonstance, la valeur impétueuse des Gaulois leur procura un avantage dont ils ne surent pas profiter. Ils avaient repoussé les Romains, qui abandonnèrent leur camp. Les Barbares y entrèrent, mais n'osèrent pas le piller entièrement pendant la nuit.
CCCXXXVII ils furent surpris par les légions aux ordres du préteur Arrius, qui les mit en complète déroute. Crixus fut tué comme il tâchait, à force de valeur, de réparer sa faute. Cependant Spartacus dirigeait sa marche par la branche des Apennins qui longe l'Étrurie. Mais il trouva le consul Lentulus disposé à lui disputer le passage. Il résolut de le forcer avant qu'il eût opéré sa jonction avec Gellius.
CCCXXXVIII mais Lentulus,
CCCXXXIX n'accepta point la bataille. Cependant Gellius approchait. Au moyen d'abatis et de tranchées pratiquées dans les défilés, Spartacus arrête la marche de cet adversaire comme il était déjà presque à la vue des légions de Lentulus, puis il attaqua ce dernier avec impétuosité.
CCCXL débouchaient de la vallée voisine, n'hésita pas à quitter les hauteurs pour accélérer sa jonction avec son collègue ; mais il ne fit que ménager à Spartacus une victoire plus facile et plus complète, à la suite de laquelle, afin d'honorer les mânes de Crixus, il força
CCCXLI quatre cents prisonniers romains de combattre comme gladiateurs autour du bûcher de ce chef. Malgré ce sucrés, Spartacus, toujours éloigné de toute présomption,
CCCXLII vers les Alpes. Arrivé sur le Pô, un débordement subit arrêta son mouvement vers les Alpes, et le força de se replier sur Rome. Le préteur Arrius, ayant recueilli les débris des légions dans le Picénum, vient au-devant des fugitifs : il leur livre bataille, il est vaincu ; et les Romains, dans une déroute complète,
CCCXLIII D'autres, ayant sur leur chemin
CCCXLIV Ce désastre jette la consternation dans Rome. La foule des citoyens, les femmes, les enfants éperdus.
CCCXLV pour les conjurer de détourner le danger qui menace la ville. Crassus, alors préteur, se présente : il s'offre à marcher contre les fugitifs . Sa confiance inspire quelque résolution aux bons citoyens ; ils viennent en grand nombre et s'enrôlent sous ses ordres. Ayant pris
CCCXLVI retirés du service, il en forme le noyau de ses nouvelles levées. Il eut avis aussi que les villes latines assemblaient une troupe
CCCXLVII A peine sorti de Rome, il envoya en avant Mummius, son lieutenant, avec ordre de recueillir les débris de l'armée d'Arrius, et d'éviter surtout une action avec Spartacus. Mummius n'obéit pas : il fut vaincu ; et Crassus, après avoir recueilli les fuyards, sévit contre les troupes de Mummius, qui avaient montré de la lâcheté. Il fait décimer les cohortes,
CCCXLVIII
CCCXLIX Fidèle au plan qu'il avait prescrit à Mummius, après s'être emparé des défilés de l'Apennin, il se contente d'observer la marche de Spartacus, le harcelant quelquefois, et ne s'arrêtant jamais
CCCL Spartacus reconnut qu'il avait un adversaire digne de lui, et il reprit le chemin de la Lucanie, suivi d'assez prés par l'armée romaine. Il voulait regagner son ancienne retraite dans l'Abruzze, avec l'espoir de s'y maintenir en prenant position sur l’Apennin. De ce côté,
CCCLI Il se flattait, à tout événement,
CCCLII Spartacus comptait, en outre, passer en Sicile sur les vaisseaux des pirates, et transporter le théâtre de la guerre dans cette île où deux fois les esclaves en révolte avaient osé faire tête aux Romains. Serrés de près par l'armée de Crassus, les fugitifs
CCCLIII Alors Spartacus entra en marché avec les pirates, pour qu'ils lui fournissent des bâtiments de passage ; mais ceux-ci, après avoir reçu l'argent, repartirent. Crassus, pour enfermer Spartacus dans la pointe méridionale de l'Italie, fit creuser un fossé d’une mer à l'autre. Dès que ce
CCCLIV qui employa plusieurs CCCLV
Luces, fut achevé, les fugitifs se virent
CCCLVI de profondeur sur autant de large ; nul moyen de s'échapper. Spartacus songe alors à passer le détroit sur des radeaux ; mais l'entreprise était impossible dans cette mer resserrée. C'est ici le lieu de parler de la situation relative de la Sicile et de l'Italie. A ce sujet, les traditions varient, et la tradition
CCCLVII d'un fond de vérité.
CCCLVIII
CCCLIX qui fut aussitôt comblée par les flots de la mer.
CCCLX
CCCLXI car, à vrai dire, le terrain
CCCLXII à l'exception des dépendances de la chaîne de l'Apennin. On prétend que, pour garantir la Sicile des débordements auxquels elle se trouvait exposée, ses habitants construisirent, à force de bras, une digue très-élevée. C'est aujourd'hui
CCCLXIII dans ces parages qui lui étaient inconnus,
CCCLXIV CCCLXV
Est autem arctissimum trium millium spatio Siciliam ab
Italia dividens, fabulosis infame monstris , quibus hinc et inde Scylla et
Charybdis ostenditur. Scyllam accolae saxum in mari imminens appellant, simile
celebratae formae procul visentibus. Unde et monstruosam speciem fabulaa illi
dederunt, quasi formam hominis capitibus succinctam caninis, qui collisi ibi
fluctus latratus videntur exprimere. CCCLXVI
Charybdis, mare
vorticosum, car elle engloutit tout ce qui s'en approche ; ce qui a donné lieu à la fable d'une femme vorace qui, pour avoir enlevé les boeufs d'Hercule, fut d'un coup de foudre précipitée dans la mer. Les courants que forment Charybde, CCCLXVII
Quod forte illata naufragia sorbens gurgitibus occultis,
millia sexaginta tauromenitana ad litora trahit, CCCLXVIII
Ubi se laniata navigia fundo emergunt. Traverser un pareil détroit sur des radeaux et de faibles embarcations était impossible. Les fugitifs revinrent donc dans la forêt Sila, résolus de forcer, les armes à la main, le fossé creusé par Crassus ; CCCLXIX
Sin vis obsistat, fer o quam fame aequius perituros. Ce coup désespéré réussit ; les fugitifs franchirent la barrière. Le dessein de Spartacus était de gagner Brindes et de faire une nouvelle tentative pour sortir d'Italie par mer ; mais les Gaulois, toujours disposés à la révolte, firent de nouveau bande à part, et allèrent camper sur les marais salans de Lucanie. Crassus marche aussitôt au-devant d'eux, les attaque, les bat ; et il en aurait fait un grand carnage, si Spartacus, qui survint, n'eut donné à ses ingrats compagnons le temps de se rallier et de se retrancher sur le mont Calamarque. Dans une seconde journée, un détachement romain, aux ordres de Pontinius et de Marcius Rufus, lieutenants de Crassus, était au moment de s"emparer, à la faveur de l'obscurité, d'une éminence qui dominait le camp gaulois : CCCLXX
Quum interim, lumine etiam tum incerto, duae Galliae
mulieres conventuum vitantis, ad menstrua solvenda,montem ascendunt d'un autre côté. Elles découvrirent la marche du détachement, et donnèrent l'alarme au camp. Les Gaulois, avertis, reçurent si bien ceux qui comptaient les surprendre, qu'ils auraient remporté à leur tour la victoire, si Crassus n'était survenu avec le gros de l'armée. Il choisit, pour les attaquer, un bas-fond humide où l'avantage du terrain était pour lui CCCLXXI
Simul eos et cunctos jam
inclinatos laxitate loci, plures cohortes, atque omnes, ut in secunda re,
pariter acre invadunt. Les Gaulois furent repoussés et perdirent dix mille hommes. Dans une seconde action, qui eut lieu le soir même, Crassus remporta une seconde victoire sur les fugitifs ; six mille des leurs restèrent encore sur le champ de bataille. Les Romains firent neuf cents prisonniers, et recouvrèrent cinq aigles romaines, vingt-six drapeaux et cinq faisceaux armés. de haches. Toutefois, à Rome, la consternation était extrême, et le peuple demandait à grands cris le rappel de Pompée. Cet heureux général, après avoir détruit ou rallié à ses drapeaux les armées ennemies, n'avait plus qu'à faire rentrer dans l'obéissance les villes jusqu'alors demeurées fidèles au parti de Sertorius. Calagurris seule opposa une résistance invincible. Les habitants, plutôt que de se rendre, eurent le courage de manger les corps de leurs femmes et de leurs enfants morts de faim ; CCCLXXII
Parte consumta, reliqua cadaverum ad diuturnitatem usus
sallerent. La ville finit par être prise d'assaut, détruite, et les habitants passés au fil de l'épée. Les romains, en entrant dans la place, trouvèrent CCCLXXIII
Reliqua cadavera salita. La ruine de Calagurris entraîna la fin de la guerre en Espagne. Metellus alors sortit de la Péninsule et CCCLXXIV
Exercitum dimisit, ut primum Alpes digressus est. Toujours épris de son importance, CCCLXXV
Pompeius, devictis Hispanis, tropaea in Pyrenaeis jugis
constituit. C'est à cela qu'il employa ses troupes ; accoutumé qu'il était à braver les lois, il n'eut garde de les licencier. Spartacus cependant s'était réfugié sur le mont Cliban, près de Pétélie. Crassus détache contre lui Tremellius Scrofa, son questeur, et Quinctius, son lieutenant ; ils sont défaits, et, cette victoire inspirant aux fugitifs une confiance funeste, ils forcent leur capitaine à les conduire en Lucanie. C'était aller au-devant des désirs de Crassus, qui voulait vaincre avant l'arrivée de Pompée. Le résultat d'une dernière bataille, que Spartacus aurait voulu éviter, fut décisif : il y perd la vie, et sa mort devient la fin de la guerre ; mais dans cette action les fugitifs ont bien fait leur devoir, et aucun d'eux CCCLXXVI
Haud impigre neque multas occiditur Après le combat, Crassus poursuvit les fugitifs jusqu'à ce qu'ils fussent détruits . On leur donna la chasse comme à des bêtes fauves. De retour à Rome, il reçut l'honneur de l'ovation : on ne crut pas devoir récompenser par le grand triomphe le vainqueur dans une guerre servile. Cependant CCCLXXVII
Unus constitit in agro lucano, gnarus loci, nomine
Publipor.
Près de cinq mille esclaves se rallièrent
autour de lui. Déjà il avait fait quelques progrès, lorsqu'un malheureux
hasard le fit tomber dans l'armée de Pompée, qui revenait d'Espagne. En une
seule action, la troupe de Publipor fut détruite, et Pompée ne craignit pas de
mettre ce facile avantage au-dessus des succès bien autrement réels de
Crassus. CCCLXXVIII.
Hi locorum pergnari, etsoliti nectere ea viminibus vasa
agrestia, ibi, tum quum inopia scutorum fuerat, ad eam artem se quisque in
formam parmae equestris armabat. Ils recouvrirent l'osier avec le cuir des bestiaux qu'ils avaient enlevés dans la campagne,
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