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DENYS D'HALICARNASSE

ANTIQUITÉS ROMAINES

ΔΙΟΝΥΣΙΟΥ ΑΛΙΚΑΡΝΑΣΕΩΣ ΡΩΜΑΙΚΗΣ ΑΡΧΑΙΟΛΟΓΙΑΣ

ΛΟΓΟΣ ΠΡΩΤΟΣ.

Biographie des historiens cité par Denys

 


 

AGATHYLLUS (᾿Αγάθυλλος), d'Arcadie, un poète élégiaque grec, qui est cité par Denys d'Halicarnasse en référence à l'histoire d'Énée et à la fondation de Rome. Certains de ses vers sont conservés par Denys d'Halicarnasse. (i. 49, 72.) 

AELII : voir TUBERO

ALIMENTUS, L. CINCIUS, un célèbre annaliste romain, spécialiste de l'antiquité et juriste, qui fut préteur en Sicile en 209 av. J.-C., avec le commandement de deux légions. Il écrivit le récit de son emprisonnement lors de la seconde guerre punique, et une histoire de Gorgias de Léontium; mais ces travaux font probablement partie de ses Annales. (Liv. xxi 38.) Il est fréquemment cité par Festus, et les fragments qui ont été ainsi préservés ont été rassemblés par Wasse, et peuvent être trouvés dans le Salluste de Corte.
   Niebuhr (I. p. 272) fait l'éloge d'Alimentus comme le chercheur vraiment critique de l'antiquité qui mit en lumière l'histoire de son pays par la recherche de ses monuments anciens. Il est clair qu'il possédait des qualités personnelles éminentes, puisque Hannibal, qui traitait ses prisonniers romains avec beaucoup de sévérité, fit exception pour lui et lui fit un exposé de son passage par Gaule et de sa traversée des Alpes, qu'Alimentus incorpora à son histoire. C'est uniquement dans ses fragments que nous trouvons un récit distinct de la relation ancienne entre Rome et le Latium, qui dans toutes les annales était mal exposée par fierté nationale. Le point cependant sur lequel Niebuhr s'étend le plus, est la différence remarquable entre Alimentus et tous les autres chronologues en datant la fondation de la ville la quatrième année de la 12ème olympiade.

   Cette différence est de la plus haute importance du point de vue historique, venant d'Alimentus ayant écrit sur le vieux calendrier romain et ayant soigneusement examiné la plus ancienne chronologie étrusque et  romaine. Niebuhr l'explique astucieusement, en supposant que notre auteur avait  ramené les années cycliques antiques, se composant de dix mois, à un nombre équivalent d'années ordinaires de douze mois. A cette époque, les pontifes comptaient 132 années cycliques avant le règne de Tarquin l'Ancien, au moment où, selon Julius Gracchanus, l'utilisation du vieux calendrier cessa. Cette réduction fait une différence de 22 ans : 132 -132.10/12 = 22, et 22 ans ajoutés à la chronologie de Polybe et de Népos, c.a.d Ol. 7. 2, donnent la véritable date d'Alimentus, Ol. 12. 4.
   Alimentus composa un taité De Officio Jurisconsulti, comprenant au moins deux livres ; un De Verbis priscis, un De Consulum Potestate, un De Comitiis, un De Fastis, deux, au moins, Mystagogicon, et plusieurs De Re Militari. Dans cette dernière oeuvre il traite des levées militaires, des cérémonies de déclaration de guerre, et et en général du Jus Feciale. (Gell. xvi. 4; Voss. Hist. Gr. iv. 13, fin.. Hist. Lat. i. 4; F. Lachmaim, de Fontib. Histor. Tit. Livii Com. i. 17, 4to. 1822; Zimmern, Röm. Rechts-qesch. i. § 73.) [J. T. G.]

ANAXIMENES (᾿Αναξιμένης) de Lampasque, fils d'Aristoclès, et élève de Zoilus et de Diogène le Cynique. Il était contemporain d'Alexandre le Grand : on dit qu'il l'instruisit, et qu'il l'accompagna dans son expédition asiatique. (Suidas, s. v.; Eucloc. p. 51; voir Diog. Laert. v. 10; Diod. xv. 76..) Une jolie anecdote est rapportée par Pausanias (vi. 18, § 2) et par Suidas, sur la manière dont il sauva sa ville natale de la colère d'Alexandre pour avoir épousé la cause des Perses. Ses citoyens reconnaissants le récompensèrent d'une statue à Olympie. Anaximène écrivit trois oeuvres historiques: 
   1.
Une Histoire de Philippe de Macédoine, qui comportait au moins en huit livres. (Harpocrat. s. v. Καβύλη, ῾Αλόννησος; Eustratius. ad Aristot. Eth. iii. 8.) 
   2.
Une histoire d'Alexandre le Grand. (Diog. Laert. II. 3; Harpocrat. s. v. ᾿Αλκίμαχος, qui cite son 2ème livre.) 
   3.
Une histoire de la Grèce, que Pausanias (vi. 18. § 2) appelle τὰ ἐν ῞Ελλησι ἀρχαῖα, qui, cependant, s'appelle généralement πρώται ἱστορίαι ou πρώτη ἱστορία. (Athen. vi. p. 231; Diod. xv 89.) Elle comprenait en douze livres l'histoire de la Grèce des âges mythiques les plus anciens àla bataille de Mantinée et à la mort d'Epaminondas. C'était un rhéteur très habile, et il écrit une oeuvre calomniant les trois grandes villes de la Grèce, Sparte, d'Athènes et Thèbes, qu'il édita sous le nom de Théopompe, son ennemi personnel, et dont il imita le style tellement bien que tous pensèrent que c'était vraiment l'oeuvre de Timée. Anaximène envoya cette oeuvre à ces trois villes, et il créa ainsi de l'animosité dans toute la Grèce sontre son ennemi. (Paus. vi. 8. § 3; Suid. l. c.) Les histoires d'Anaximenes, dont nous ne possèdons que peu de fragments furent critiquées par Plutarque (Praec. Pol. 6) pour les nombreux discours prolixes et rhétoriques qu'il avait indsrés. (Comp. Dionys. Hal. De Isaeo, 19; De adm. vi dic. Demosth. 8.) Le fait que nous possédons si peu de ses histoires, montre que les anciens ne les considéraient pas beaucoup et qu'elles étaient plus rhétoriques qu'historiques. Il était réputé comme professeur de rhétorique et comme orateur, dans l'assemblée du peuple et dans les Cours de Justice (Dionys. Hal. I. c. ; Paus. I. c.), et écrivit également des discours pour d'autres, tel que celui d'Euthias contre Phryne. (Athen. xiii. p. 591; voir Harpocr. s. v. Εὐθίας.)
   Il y a des critiques, tels que Casaubon (ad Diog. Laert. ii. 3), qui pensent qu'Anaximène le rhéteur et l'historien étaient deux personnes distincts; mais leur identité est prouvée par des arguments très valables. Ce qui le rend très important dans l'histoire de la littérature grecque, c'est (et cela a été absolument établi par les recherches critiques de notre époque) qu'il est le seul rhéteur précédant la période d'Aristote dont le traité scientifique sur la rhétorique soit encore existant. C'est les prétendus
῾Ρητορικὴ πρὸς ᾿Αλέξανδρον qui sont habituellement imprimés parmi les travaux d'Aristote, à qui, cependant, ils ne peuvent appartenir, comme en conviennent tous les critiques. L'opinion que c'est l'oeuvre d'Anaximène a été exprimée la première fois par P. Victorius dans sa préface à la rhétorique d'Aristote, et a été fermement confirmée par Spengel dans son Συναγωγή τεχνῶν "Sive Artium Scriptores ab initiis usque ad editos Aristotelis de rhetorica libros," Stuttgard, 1828, p. 182. &c. (voir Quintil. iii. 4. § 9 avec les notes de Gesner et de Spalding.). Cette rhétorique est précédée par une lettre qui est manifestement d'origine postérieure, et était probablement prévue comme introduction à l'étude de la rhétorique d'Aristote. Il y a beaucoup d'interpolations dans l'oeuvre, mais il est en tout cas clair qu'Anaximène prolongea son sujet au delà des limites adoptées par ses prédécesseurs, dont il connaissait bien les oeuvres. Il divise l'éloquence en éloquence judiciaire et délibérative, mais il suggère une troisième subdivision, l'epideictique, séparée des deux premières. En ce qui concerne le plan et la construction du travail, il est évident que son auteur n'était pas un philosophe: le tout est une série de suggestions pratiques : comment tel ou tel sujet sera traité dans des circonstances diverses, l'importance de l'argumentation, de l'expression, et de l'arrangement des parties dans un discours. (Vossius, de Histor. Graec, p. 92, &c., ed. Westermann; Ruhnken, Hist. Crit. Orat. Gracec p. 86 ; Westermann, Gesch. der Griech. Beredtsamkeit, § 69.) [L. S.] 

Ἀναξιμένης, Ἀριστοκλέους, Λαμψακηνὸς, ῥήτωρ: μαθητὴς Διογένους τοῦ Κυνὸς καὶ Ζωί̈λου τοῦ Ἀμφιπολίτου γραμματικοῦ, τοῦ κακίζοντος Ὅμηρον, διδάσκαλος δὲ τοῦ Μακεδόνος Ἀλεξάνδρου. εἵπετο δὲ αὐτῷ ἐν τοῖς πολέμοις. οὗτος βασιλέα Ἀλέξανδρον, θυμῷ χρώμενον ἐς Λαμψακηνοὺς, τέχνῃ περιεῖλε τοιᾷδε. φρονούντων Λαμψακηνῶν τὰ Περσῶν, ὑπερζέων τῷ θυμῷ Ἀλέξανδρος ἠπείλει τὰ μέγιστα κακὰ ἐργάσασθαι. οἱ δὲ, ἅτε περὶ γυναικῶν καὶ παίδων καὶ τῆς πατρίδος θέοντες, ἀποστέλλουσιν Ἀναξιμένην ἱκετεύσοντα. Ἀλέξανδρος δὲ γνοὺς καθ' ἥντινα αἰτίαν ἥκοι, κατωμόσατο θεοὺς, ἦ μὴν αὐτοῦ ταῖς δεήσεσι τἀναντία ἐργάσεσθαι. Ἀναξιμένης δέ, χάρισαί μοι, ἔφη, ὦ βασιλεῦ, τὴν χάριν, γυναῖκας καὶ τέκνα τῶν Λαμψακηνῶν ἀνδραποδίσασθαι καὶ τὰ ἱερὰ ἐμπρῆσαι καὶ τὴν πόλιν ἐς ἔδαφος καταβαλεῖν. Ἀλέξανδρος δὲ οὐκ ἔχων τι πρὸς τοῦτο σοφίσασθαι ἢ ἀντιμηχανήσασθαι καὶ ἐνεχόμενος τῇ ἀνάγκῃ τοῦ ὅρκου, συγγνώμην ἔνεμεν οὐκ ἐθέλων Λαμψακηνοῖς. ἠμύνατο δὲ καὶ Θεόπομπον, τὸν Δαμοστράτου, ἐχθρὸν ὄντα Ἀναξιμένης οὐκ ἀμαθέστατα, ἀλλ' ἐπιφθονώτατα. σοφιστὴς γὰρ ὢν καὶ σοφιστῶν λόγους μιμούμενος, γράφει βιβλίον ἐς Ἀθηναίους καὶ ἐπὶ Λακεδαιμονίους, συγγραφὴν λοίδορον ἐς τὸ ἀκριβέστατον μιμησάμενος: καὶ ἐπιγράψας Θεοπόμπου τὸ ὄνομα ἔπεμπεν ἐς τὰς πόλεις. καὶ ἐκ τούτου τὸ ἔχθος τὸ ἐς Θεόπομπον ἀνὰ πᾶσαν τὴν Ἑλλάδα ηὔξετο. οὐ μὴν οὐδὲ εἰπεῖν τις αὐτοσχεδίως Ἀναξιμένους πρότερός ἐστιν εὑρηκώς. (SUIDAS)

ANTIAS.  un cognomen de la Gens Valeria , provenant de la colonie romaine d'Antium.

1. L. VALERIUS ANTIAS, fut envoyé avec cinq bateaux en 215 av. J.-C.  pour transporter à Rome les ambassadeurs carthaginois, qui avaient été capturés par les Romains sur leur chemin vers Philippe de Macédoine, (Liv. xxiii. 34.) 

(9) Pour cela, on fit choix de cinq vaisseaux les plus légers de tous. L. Valérius Antias en reçut le commandement; il eut ordre de faire garder les ambassadeurs séparément sur chaque vaisseau, et d'empêcher qu'ils eussent entre eux aucun entretien ni aucun moyen de se concerter.

2. Q. VALERIUS ANTIAS, l'historien romain, était un descendant de précédent, ou tirait son surnom d'Antias pour être né à Antium, comme le dit Pline (H. N. Praef.) Il était contemporain de Quadrigarius, de Sisenna, et de Rutilius (Vell. Pat. ii. 9), et vécut dans la première moitié du premier siècle avant le Christ. Krause, sans mentionner ses sources, dit qu'Antias était praetor en u. c. 676. (68 av. J.-C.) Il écrivit l'histoire de Rome de la période la plus ancienne, racontant les histoires d'Amulius, de Rhea Silvia et autres, jusqu'à la période de Sylla. La dernière période doit avoir été traitée beaucoup plus que l'ancienne, puisqu'il a parlé de la questure de Ti. Gracchus (137 av. J.-C.) au début de son douzième livre (ou selon quelques indications dans le vingt-deuxième), et son oeuvre comprenait soixante-quinze livres au moins. (Gell. vii. 9.)
Valerius Antias est fréquemment cité par Tite-Live, qui parle de lui comme le plus menteur de tous les annalistes, et mentionne rarement son nom sans lui faire des reproches. (voir iii. 5, xxvi. 49, xxxvi. 38.) Aulu-Gelle (vi. 8, vii. 19) mentionne aussi les cas où les récits d'Antias s'opposent à ceux de tous autres auteurs, et il y a peu doute que le jugement de Tite-Live soit correct. Antias n'avait aucun problème sur aucune détail de l'histoire ancienne: il inventait les récits les plus circonstanciels, et se distinguait par ses exagérations dans les chiffres. Il semble que Plutarque ait tiré beaucoup de son histoire ancienne, et que Tite-Live ait repris plusieurs de ses récits, bien qu'il se soit rendu compte du manque de confiance de ses sources. Il est plutôt curieux que jamais Cicéron ne cite Valerius Antias. (Voir. Niebuhr, Hist, of Rome, i. pp. 237, 501, 525, &c., ii. p. 9, i. 570, iii. pp. 124, 358 ; Krause, Vitae et Fragm. vet. Historic. Latin, p. 266, &c.)


Sisenna, encore dans sa jeunesse, écrivait déjà comme historien, mais il ne publia son ouvrage sur les guerres civiles et les guerres de Sylla que plusieurs années après, à un âge assez avancé. Caelius vécut avant Sisenna ; Rutilius, Claudius Quadrigarius et Valérius Antias furent ses contemporains. 
Vell. Pat. ii. 9

Nous trouvons le même terme dans Ennius et dans le soixante-quinzième livre des Histoires de Valérius Antias.
Gell. vii. 9.

Il est difficile, pour des événements si loin de nous, de préciser avec exactitude le nombre des combattants et celui des morts. Valérius d'Antium, cependant, n'hésite point dans ses calculs. Tite-Live, iii. 5
(3) On prit environ soixante scorpions grands et petits, si j'en crois Silenus, historien grec; Valerius Antias les porte jusqu'à six mille grands et treize mille petits, tant on se fait peu de scrupule de mentir. xxvi. 49
(6) Si l'on en croit Valérius Antias, il leur tua vingt-huit mille hommes, leur fit trois mille quatre cents prisonniers, et s'empara de cent vingt-quatre enseignes militaires, de douze cent trente chevaux et de deux cent quarante-sept chars; la perte des vainqueurs ne fut que de quatorze cent quatre-vingt-quatre hommes. xxxvi. 38

Ce sont probablement ces vers qui ont porté Valerius Antias à contredire l'opinion de tous les autres écrivains sur les moeurs de Scipion, car il dit que la jeune captive dont nous venons de parler, loin d'avoir été rendue à son père, fut retenue par Scipion, et qu'il la fit servir à ses plaisirs et à ses amours. Aulu-Gelle VI, 8
Toutefois Valérius Antias, en opposition avec la tradition de ces décrets et avec l'autorité des anciennes annales, prétend que cette intervention de Tib, Gracchus en faveur de Scipion l'Asiatique eut lieu après la mort de l'Africain. Aulu-Gelle VII, 19

 

ANTIOCHUS (Ἀντίοχος ὁ Συρακούσιος), de Syracuse, fils de Xénophane, est appelé par Denys d' Halicarnasse (Ant. Rom. i. 12) un très ancien historien. Il vivait dans les annnées 423 av. J.-C.  et était donc contemporain de Thucydide et de la guerre du Péloponnèse. (Joseph. c. Apion. i. 3.) On ne connaît rien de sa vie mais ses travaux historiques étaient fort estimés par les anciens en raison de sa précision. (Dionys. i. 73.) Voici ses oeuvres :
1. Une histoire de Sicile, en neuf livres, depuis le reigne du roi Cocalus, c'est-à-dire depuis les temps les plus reculés juqu'aux années 424 ou 425 av. J.-C. (Diod. xii. 71.) Il est cité par Pausanias (x. 11. § 3), Clément d'Alexandrie (Protrept. p. 22), et Theodoret. (p. 115.)
2. Une histoire d'Italie, qui est très souvent citée par Strabon (v. p. 242, vi. pp. 252, 254, 255, 257, 262, 264, 265, 278), par Denys (ll. cc., et i. 22, 35 ; voir. Steph. Byz. s. v. Βρέττιος ; Hesych, s. v. Χώνην ; Niebuhr, Hist, of Rome, i. p. 14, &c. Les fragments d' Antiochus sont repris chez C. et T. Müller, Fragm. Histor. Graec. Paris, 1841, pp. 181 - 184.) [L. S.]

AULU-GELLE : voir GELLUS

CALLIAS (Καλλίας) de Syracuse, un historien grec qui écrivit un grand livre d'histoire de la Sicile. Il vécut, comme Josèphe (c. Apion. i. 3) l'indique, longtemps après Philistus, mais avant Timée. En ce qui concerne la nature de son oeuvre, il est clair qu'il était contemporain d'Agathocle : cependant il lui survécut puisqu'il mentionne la mort du tyran. Son oeuvre est souvent appelée  τὰ περὶ ᾿Αγαθοκλέα ou περὶ ᾿Αγαθοκλέα ἱστορίαι et quelquefois aussi par les Romains " Historia de Rebus Siculis." (Athen. xii. p. 542 ; Aelian, Hist. An. xvi. 28 ; Schol. ad Apollon. Rhod. iii. 41 ; Macrob. Sat. v. 19 ; Dionys. i. 42 ; Fest. s. v. Romam.) Il embrassait l'histoire de Sicile depuis le règne d'Agathocle, depuis 317 av. J.-C. à 289, et contenait trente-deux livres. (Diod. xxi. Exc. 12. p. 492.) Le peu de fragments que nous possédons de son oeuvre ne nous permet pas de nous faire une opinion sur lui mais Diodore (xxi. Exc. p. 561) prétend que Callias fut corrompu par Agathocle par de riches présents; et qu'il sacrifia la vértité historique à l'appas du gain; et qu'il travertit  tellement la vérité qu'il fit passer les crimes et la violation des lois humaines et divines, dont Agathocle se rendit coupable, pour des actions dignes déloge. (Comp. Suid. s. v. Καλλίας.)

CALLISTRATUS. (Καλλίστρατος) était un grammairien grec, disciple d'Aristophane de Byzance, fréquemment surnommé ῾Ο ᾿Αριστοφάνειος, (Athénée, I, p. 21, VI, p. 263). Il vécut probablement au milieu du IIe siècle av. J.-C., et fut contemporain du célèbre Aristarque. Il semble s'être particulièrement consacré à l'étude des grands poètes de la Grèce, tels Homère, Pindare, les tragiques, Aristophane, et de quelques autres encore. Le fruit de ses études fut consigné dans des commentaires qui sont perdus mais dont on retrouve quelques traces dans nos scholies. Tzetzès (Chil. XI, 61) affirme que Callistrate fut le premier qui engagea les Samiens à adopter l'alphabet de 24 lettres : mais la chose n'est pas certaine (Comp. Schol. ad Hom. II, 7, 185.) Plusieurs écrits qui lui sont attribués sont mentionnés par les Anciens. Athénée (III, p. 125) cite le septième livre d'un traité intitulé Σύμμιτικα, ainsi qu'un ouvrage (XIII, p. 591), relatif aux courtisanes (περὶ ἑταιρῶν), tous deux devant être l'œuvre de Callistrate le grammarien. Harpocration (s. v. Μενεκλῆς ἢ Καλλίστρατος) parle d'un écrit περὶ ᾿Αθηνῶν, que certains attribuent à Ménéclès et d'autres à Callistrate ; cependant, la lecture du passage d'Harpocration prête à confusion, et Preller (Polem. Fragm. p. 173, &c.) pense qu'à la place de Καλλικράτης on devrait plutôt lire Καλλίστρατος. 
Un commentaire de Callistrate sur le Θρατταί de Cratinos est cité par Athénée (XI, p. 495). On ne sait pas si le Callistrate auteur d'une Histoire de Samothrace citée par Dionysios d'Halicarnasse (I, 68 ; comp. Schol. ad Pind. Nem. VII, 150) est le même auteur que notre grammairien. (R. Schmidt, Commentatio de Cattistrato Aristophaneo) Halae, 1838, 8 vo.; Clinton, Fast, Hellen. III, p. 530). 

CALPURNIUS : voir PISO  

CATO. M. Porcius Cato Censorius naquit à Tusculum, une ville municipale du Latium : ses ancêtres y demeuraient depuis plusieurs générations. Son père avait la réputation d'être un soldat courageux, et son grand-grand-père avait reçu une distinction honorifique de l'état pour cinq chevaux tués sous lui lors d'une bataille. Aucun patricien même le plus hautain de Rome ne se vanta plus de la splendeur de la noblesse la plus pure avec un esprit plus fier que Caton quand il rappelait les exploits guerriers et la respectabilité municipale de sa famille, à laquelle il attribuait une ancienneté extrême. Pourtant les Porcii de Toscane n'avaient jamais obtenu les honneurs de la magistrature romaine. Leur descendant illustre, au commencement de sa carrière dans la grande ville, fut considéré comme un homo novus, et le sentiment de sa basse condition, augmenté de la conscience de sa supériorité innée, contribua à l'exaspérer et stimula son âme ambitieuse. Tôt dans la vie, il éclipsa tellement la première étincelle vacillante de sa race, qu'il parla constamment de lui, non seulement en tant que chef, mais en tant que fondateur de la Gens Porcia. 
   Ses ancêtres trois générations auparavant s'appelaient M. Porcius, et Plutarque dit (Cato Maj.  1), que d'abord il fut connu par le cognomen de Priscus, mais qu'ensuite il fut appelé Cato - un mot dénotant cette sagesse pratique qui est le résultat d'une sagacité normale, combinée avec l'expérience des affaires civiles et politiques. Cependant, on peut se demander si Priscus, comme Maior, n'étaient pas simplement une épithète utilisée pour le distinguer plus tard de Caton d'Utique, et nous n'avons aucune information précise quant à la date où il reçut pour la première fois l'appellation de Cato, qui a pu lui été accordée dans l'enfance plutôt comme présage d'éminence, que comme hommage au passé désert. Les qualités implicites dans le mot Cato étaient admises par la majorité des gens et le titre moins ancien de Sapiens, par lequel il était si connu dans sa vieillesse, dont parle Cicéron (Amic. 2), est devenu chez lui comme un cognomen. Pour le nombre et l'éloquence de ses discours, il fut surnommé orator (Justin, xxxiii. 2; Gell. xvii 21), mais Caton le censeur ou Cato Censorius, est resté son nom le plus commun, aussi bien que son appellation la plus caractéristique, puisqu'il exerça la fonction de censeur avec une réputation extraordinaire, et ce fut la seule que Caton ait jamais exercée. 
   Pour établir la date de la naissance de Caton, on doit se baser sur le témoignage des écrivains antiques en se basant surl'âgequ'il avait à sa mort : on sait qu'elle eut lieu en 149 av. J.-C. Jusqu'où devons-nous remonter à partir de cette date est une question sur laquelle les spécialistes ne sont pas unanimes. Si l'on se base sur la chronologie cohérente de Cicéron (Senect. 4), Cato nacquit en 234 av. J.-C., l'année précédant le premier consulat de Q. Fabius Maximus, et mourut à l'âge de 85 ans, sous le consulat de L. Marcius et de M. Manilius. Pline (H. N. xxix. 8) est d'accord avec Cicéron. D'autres auteurs exagèrent l'âge de Caton. Selon Valère-Maxime (viii. 7. § 1) il dépassa quatre-vingt-six ans; selon Tite-Live (xxxix. 40) et Plutarque (Cat. Maj. 15) il avait 90 ans à sa mort. Ce grand âge est cependant en contradiction avec le récit rapporté par Plutarque (Cat. Maj. 1) avec l'autorité de Caton lui-même.
  Il représente Caton disant qu'il avait fait sa première campagne lors de sa 17ème année, quand Hannibal attaquait l'Italie. Plutarque, qui avait les oeuvres de Caton devant lui, mais qui ne faisait pas attention aux dates, ne s'est pas rendu compte que le calcul de Tite-Live faisait remonter  la 17ème année de Caton à 222 av. J.-C., alors qu'il il n'y avait pas un Carthaginois en Italie, tandis que le décompte de Cicéron réconciliait la vérité du récit de Caton avec la date de la première invasion d'Hannibal.
  Caton était tout jeune homme quand la mort de son père le mit en possession d'un petit domaine héréditaire dans le territoire de la Sabine, à quelque distance de son village natal. C'est là qu'il passa la plus grande partie de son enfance, endurcissant son corps par des exercices sains, surveillant et partageant les travaux de la ferme, étudiant la façon dont se traitaient les affaires, et se passionnant pour les règles de l'économie rurale. Près de son domaine il y avait une humble petite maison qui avait été habitée, après ses trois triomphes, par son propriétaire M. Curius Dentatus, dont les exploits guerriers et le caractère rigoureusement simple étaient restés dans la mémoire des anciens, et on parlait souvent de lui avec admiration dans le voisinage. L'ardeur du jeune Caton s'enflamma. Il résolut d'imiter le caractère, et espéra rivaliser avec la gloire de Dentatus. L'occasion ne se fit pas attendre : à l'école d'Hannibal il prit ses premières leçons militaires, lors de la campagne de 217 av. J.-C.. Il y a une certaine contradiction chez les historiens sur le déroulement du début de la carrière militaire de Caton. En 214 av. J.-C. il servit à Capoue, et Drumann (Gesch. Roms, V. p. 99) imagine que déjà, à 20 ans, il était tribun militaire. Fabius Maximus commandait alors en Campanie, l'année de son quatrième consulat. Le vieux général honora le jeune soldat de  son intimité. Quand Fabius communiquait les résultats précieux de son expérience militaire, il n'oubliait  pas d'y  faire passer ses propres penchants personnels et politiques et ses animosités dans les oreilles de son élève qui l'accompagnait. Au siège de Tarente, en 209 av. J.-C.  Caton, était encore aux côtés de Fabius. Deux ans après, Caton faisait partie des troupes d'élites qui accompagnaient le consul Claudius Nero dans sa marche vers le nord venant de Lucanie pour vérifier la progression d'Hadrubal. On raconte que les exploits de Caton contribuèrent beaucoup à la victoire décisive de Sena sur le Métaure, où Hasdrubal fut massacré.
   Dans les intervalles de la guerre, Caton revient dans sa ferme de Sabine, utilisant  l'habit le plus simple, travaillant et allant avec ses ouvriers. Quand il était jeune, les fermiers voisins aimaient son mode de vie robuste, savourant ses paroles pittoresques et sententieuses, et reconnaissant ses capacités. Son propre tempérament actif le rendait disposé et impatient d'utiliser sa puissance au le service de ses voisins. On le prenait parfois comme arbitre dans des querelles, et parfois comme avocat dans les causes locales, qui étaient probablement jugées devant des recuperatores dans le pays. Ainsi il sut renforcer par la pratique ses facultés oratoires, gagner la confiance en soi, observer les façons des gens, plonger dans les méandres de la nature humaine, appliquer les règles de la loi, et étudier par la pratique les principes de la justice.
  À proximité de la ferme sabine  s'étendait le domaine de L. Valerius Flaccus., un jeune noble à l'influence considérable, et d'une grande famille patricienne. Flaccus ne fut pas sans remarquer remarquer l'énergie de Caton, son talent militaire, son éloquence, sa vie sobre et simple, et ses principes désuets. Flaccus lui-même était un de ces  traditionalistes qui professait une adhérence aux vertus plus sévères du caractère romain antique. On était en train de passer de la rusticité Samnite à la civilisation grecque et aux délices orientaux. Les hautes magistratures de l'état étaient devenues presque le patrimoine de quelques familles distinguées, dont la richesse correspondait à leur naissance illustre. Populaires par leurs dépenses somptueuses, par leurs façon d'agir élégante mais d'une munificence corruptrice, par leurs manières engageantes, et par le charme des honneurs héréditaires, ils ajoutaient à l'influence de leur charge la puissance matérielle que leur conférait un nombreux cortège de clients et de partisans, et l'ascendance intellectuelle que leur conférait le monopole de l'éducation philosophique, le goût pour les beaux arts et la connaissance de la littérature élégante. Néanmoins, la réaction était forte. Les nobles moins fortunés, jaloux de cette oligarchie exclusive, et à qui n'échappaient pas la dégénérescence et le désordre qui suivait ce mode de vie se mirent à la tête d'un parti qui professait sa détermination à recourir à des modèles plus purs et à revenir à des façons de faire anciennes. A leurs yeux, la rusticité, l'austérité, et l'ascetisme étaient les marques de la solidité et de la religion Sabine, de la vieille intégrité romaine et de l'amour de l'ordre. Marcellus, la famille des Scipion et les deux Flaminini, peuvent être considérés comme les représentants de cette nouvelle civilisation. Les amis de Caton, Fabius et Flaccus, étaient les principaux représentants du parti  de la simplicité antique.
  Flaccus était un de ces politiciens clairvoyants qui cherchaient et patronnaient les capacités remarquables chez les jeunes et les hommes qui montent. Il avait observé l'esprit martial et l'éloquence de Caton. Il savait combien le courage et l'éloquence étaient estimés à Rome. Il savait que les distinctions reçues sur un champ de bataille ouvraient la voie au succès du barreau; et pour un étranger comme Caton provenant d'un municipe, le succès au forum était presque la seule voie possible pour accéder aux honneurs de la magistrature. En conséquence, il recommanda à Caton de transférer son ambition sur un sol plus convenable et sur le champ plus étendu de Rome. Ce conseil fut suivi avec ardeur. Invité à la maison urbaine de Flaccus, et accépté grâce à son appui, Caton commença à se distinguer dans le forum, et devint candidat à une magistrature.
  Nous avons insisté sur les aléas des débuts de son histoire, puisqu'ils ont affecté la marche entière de la vie de Caton. Nous avons vu un jeune indomptable, actif et résolu -- l'ouvrier-type et l'oracle de la rusticité -- n'ayant pas dû s'abaisser au besoin de la pratique et de l'encouragement, mais donnant son amitié par opportunité et toujours à la hauteur des exigences de sa position, éduqué dans la meilleure école des armes, favori de son général, écouté avec des applaudissements dans les tribunaux de Rome, et présenté immédiatement dans un cercle politique d'élite. Quoi d'étonnant que, dans de telles situations, l'esprit de Caton reçut une meilleure formation pour commander  et un succès marériel que celle qu'il aurait reçue par une éducation plus traditionnelle? Il n'y a rien d'étonnant que sa force et son originalité fussent teintées de dogmatisme, de vulgarité, de rudesse, la vanité, d'auto-satisfaction et de préjugé, -- qu'il ait eu  peu de sympathie pour ceux qui poursuivaient des études calmes et contemplatives, -- qu'il dédaignait ou détestait ou dépréciait les talents qu'il n'a pas le liosir de maîtriser, -- qu'il raillait et se rebellait contre les élégances conventionnelles d'une société trop polie à laquelle lui et son parti étaient opposés, -- qu'il confondait la délicatesse de sentiment avec la faiblesse efféminée, et l'amélioration des conditions de vie avec la luxure?
   En 205 av. J.-C., Caton est désigné questeur, et l'année suivante il commence les fonctions de sa charge, et il suit P. Scipio Africanus en Sicile. Scipion, ayant obtenu, après beaucoup d'opposition, la permission du sénat, transporta ses troupes de l'île en l'Afrique. Caton et C. Laelius furent nommés pour convoyer les bagages. Il n'y avait pas la bonne entente entre Caton et Scipion qui doit exister entre un questeur et son proconsul. Fabius s'était opposé à la permission donnée à Scipio de porter l'attaque dans les terres de l'ennemi, et Caton, dont la charge était de contrôler Scipion, adopta les vues de son ami. Plutarque rapporte la discipline relâchée des troupes commandées par Scipion, et les frais exagérés du général lui amenèrent des remontrances de Caton; sur quoi Scipion lui répondit d'une manière hautaine, qu'il donnerait un exposé des victoires, en non un exposé sur lui-même.  Caton, revenant à Rome, dénonça devant sénat la prodigalité de son général ; et alors, à la demande commune de Caton et de Fabius, une commission des tribuns fut envoyée en Sicile pour contrôler la conduite de Scipio, qui fut acquitté quand ils virent ses préparatifs considérables et judicieux pour le transport des troupes. (Cat. Maj. 3 ) Ce récit ne correspond  pas à celui de Tite-Live, et semblerait attribuer à Caton la faute d'avoir quitté son poste avant son temps. Si Tite-Live a raison, la commission fut envoyée sur la plainte des habitants de Locres, qui avaient été cruellement opprimés par Pleminius, le légat de Scipion. Tite-Live ne dit pas un mot de l'intervention de Caton dans cette affaire, mais mentionne l'acrimonie avec laquelle Fabius accusait Scipion de corrompre la discipline de militaires, et d'avoir abandonné illégalement sa province pour prendre la ville de Locres. (Liv. xxix. 19, &c.) Avant tous, Quintus Fabius accusait Scipion d'être né pour corrompre la discipline militaire : 

4. ainsi, disait-il, en Espagne, on avait presque plus perdu par les révoltes des soldats que par la guerre; suivant l'usage étranger, l'usage des rois, Scipion était à la fois complaisant pour la licence des soldats et rigoureux envers eux.  5. A ces considérations, Quintus Fabius ajouta un projet de décision aussi rude que son discours : le légat Pleminius devait être amené, enchaîné, à Rome, y plaider sa cause enchaîné, et, si les plaintes des Locriens étaient fondées, être mis à mort dans sa prison, tandis que ses biens seraient confisqués; 6. Publius Scipion, pour avoir quitté sa province sans ordre du sénat, serait rappelé, et l'on négocierait avec les tribuns de la plèbe pour qu'ils proposent au peuple d'abroger son commandement; 7. aux Locriens, le sénat répondrait, de vive voix, que les outrages dont ils se plaignaient, ni le sénat, ni le peuple ne les approuvaient; on les appellerait hommes d'honneur, alliés et amis; on leur rendrait leurs enfants, leurs femmes, et les autres biens qui leur avaient été enlevés; tout l'argent enlevé au trésor de Proserpine, on le rechercherait, on remettrait à ce trésor le double de cette somme, 8. et l'on ferait une cérémonie expiatoire, après avoir demandé au collège des pontifes, pour le déplacement, l'ouverture, la violation de ce trésor sacre, quelle expiation, à quels dieux et avec quelles victimes il jugeait bon de faire; 9. les soldats qui étaient à Locres seraient tous transportés en Sicile; quatre cohortes d'alliés latins seraient amenées à Locres en garnison.
10. On ne put demander ce jour-là l'avis de tous les sénateurs, les passions étant enflammées pour et contre Scipion. 11. Outre le forfait de Pleminius et le malheur des Locriens, le genre de vie, non seulement peu romain, mais peu militaire, du général lui-même était fort discuté
12. il se promenait, disait-on, en manteau et en souliers grecs au gymnase, il s'appliquait à des livres méprisables, aux exercices de la palestre; avec une paresse, une mollesse égales, tout son état-major goûtait les agréments de Syracuse; 13. Carthage et Hannibal étaient sortis de leur mémoire; toute l'armée, gâtée par la licence, comme elle l'avait été sur le Sucro, en Espagne, comme maintenant à Locres, était plus redoutable pour les alliés que pour l'ennemi. (Tite-Live)

   L'auteur du résumé de la vie de Caton (on considère généralement que c'est l'œuvre de Cornelius Nepos), déclare que Caton, à son retour d'Afrique, débarqua en Sardaigne, et ramena le poète Ennius dans ses propres bateaux de l'île en Italie; mais la Sardaigne n'était pas sur la route pour rentrer à Rome, et il est plus probable que la première rencontre d'Ennius et de Caton se soit produite à une date ultérieure, quand ce dernier était préteur en Sardaigne. (Aur. Vict. De Vir. Ill.. 47.)

Il signala sa préture par une justice incorruptible, et par la conquête de la Sardaigne, où il se fit instruire dans les lettres grecques par le poète Ennius. (Aurelius Victor)

  En 199 av. J.-C., Caton était édile, et avec son collègue Helvius, il restaura les jeux plébéiens, et donna à cette occasion un banquet en l'honneur de Jupiter. L'année suivante il a fut nomme préteur, et obtint comme province la Sardaigne, avec le commandement  de 3.000 fantassins et de 200 cavaliers. C'est alors qu'il saisit la première occasion d'illustrer ses principes par la pratique. Il diminua les dépenses officielles, fit ses tournées avec un simple serviteur, et, par l'absence étudiée de splendeur, il mit sa propre frugalité en contraste saisissant avec le magnificence tyrannique des magistrats provinciaux ordinaires. Les rites religieux étaient accomplis avec parcimonie; la justice était administrée avec une stricte impartialité; l'usure était poursuivie avec sévérité, et les usuriers bannis. La Sardaigne fut  pendant un certain temps complètement soumise, mais si nous devons croire le témoignage improbable et non-fondé d'Aurelius Victor (De Vir Ill. 47), une insurrection fut réprimée dans l'île par Caton durant sa charge de préteur.
  Caton s'était fait alors une réputation de moralité stricte et de vertu ancienne absolue. Il était considéré comme le type et le représentant vivant de l'idéal romain antique. Ses défauts mêmes portaient l'empreinte du caractère national, et ménageaient le préjugé national. Contre  l'ascension d'un tel d'homme toute opposition était vaine. En 195 av. J.-C., à 39 ans, il fut élu consul avec son vieux ami et patron L. Valerius Flaccus.
   Pendant ce consulat une scène étrange se passa, particulièrement représentative de la façon de faire  des romain. En 215 av. J.-C., à l'apogée de la guerre punique, une loi passa à la demande du tribun Oppius, par laquelle aucune femme ne devait posséder plus de la moitié d'une once d'or, ni de porter de vêtements colorés, ni d'aller en char avec des chevaux à moins d'un mille de la ville, excepté pour  se rendre à une célébration publique de fêtes religieuses. Maintenant Hannibal était vaincu, Rome regorgeait de la richesse carthaginoise et il n'y avait plus aucune raison pour que les femmes contribuent aux demandes d'un trésor appauvri en épargnant leurs parures et leurs plaisirs : les tribuns T. Fundanius et de L. Valerius, pensèrent que c'était le moment de proposer l'abolition de la lex Oppia; mais ils furent attaqués par leurs collègues, M. Brutus et T. Brutus. Les affaires importantes de l'État excitèrent beaucoup moins d'intérêt et d'ardeur que cette simple contestation. Les matrones descendirent dans les rues, bloquèrent chaque avenue du forum, et arrêtèrent leurs maris à leur arrivée, les sollicitant de redonner aux matrones romaines leurs parures antiques. Bien plus elles allèrent jusqu'à aborder et implorer les préteurs, les consuls et d'autres magistrats. Même Flaccus hésita, mais son collègue Caton fut inexorable, et fit un discours caractéristique, dont la substance, transformée et modernisée, fut reprise par Tite-Live. Finalement  elles remportèrent la partie. Vaincus par leurs sollicitations, les tribuns réfractaires abandonnèrent leur opposition. La loi détestée fut supprimée par le suffrage de toutes les tribus, et les femmes montrèrent leur exultation et leur triomphe en entrant en cortège par les rues et le forum, ornées de leurs parures maintenant légitimes.

(7) Déjà même elles osaient s'adresser aux consuls, aux préteurs, aux autres magistrats, et les fatiguer de leurs sollicitations. Mais elles trouvèrent dans l'un des deux consuls, M. Porcius Caton, un adversaire inflexible, qui prononça le discours suivant en faveur de la loi qu'on proposait d'abroger. [34,2] (1) "Romains, si chacun de nous avait eu soin de conserver à l'égard de son épouse ses droits et sa dignité de mari, nous n'aurions pas affaire aujourd'hui à toutes les femmes. (2) Mais après avoir, par leur violence, triomphé de notre liberté dans l'intérieur de nos maisons, elles viennent jusque dans le forum l'écraser et la fouler aux pieds; et, pour n'avoir pas su leur résister à chacune en particulier, nous les voyons toutes réunies contre nous. (3) Je l'avoue, j'avais toujours regardé comme une fable inventée à plaisir cette conspiration formée par les femmes de certaine île contre les hommes dont elles exterminèrent toute la race. (4) Mais il n'est pas une classe de personnes qui ne vous fasse courir les plus grands dangers, lorsqu'on tolère ses réunions, ses complots et ses cabales secrètes. En vérité, je ne saurais décider ce qui est le plus dangereux de la chose en elle-même ou de l'exemple que donnent les femmes. (5) De ces deux points, l'un nous regarde nous autres consuls et magistrats; l'autre, Romains, est plus spécialement de votre ressort. C'est à vous en effet à déclarer par le suffrage que vous porterez si la proposition qui vous est soumise est avantageuse on non à la république. (6) Quant à ce rassemblement tumultueux de femmes, qu'il ait été spontané ou que vous l'ayez excité, M. Fundanius et L. Valérius, il est certain qu'on doit en rejeter la faute sur les magistrats; mais je ne sais si c'est à vous, tribuns, ou à vous autres, consuls, que la honte en appartient. (7) Elle est pour vous, si vous en êtes venus à prendre les femmes pour instruments de vos séditions tribunitiennes; pour nous, si la retraite des femmes nous fait, comme autrefois celle du peuple, adopter la loi. (8) Je l'avoue, ce n'est pas sans rougir que j'ai traversé tout à l'heure une légion de femmes pour arriver au forum; et si, par égard et par respect pour chacune d'elles en particulier plutôt que pour toutes en général, je n'eusse voulu leur épargner la honte d'être apostrophées par un consul, je leur aurais dit: (9) Quelle est cette manière de vous montrer ainsi en publie, d'assiéger les rues et de vous adresser à des hommes qui vous sont étrangers? Ne pourriez-vous, chacune dans vos maisons, faire cette demande à vos maris? (10) Comptez-vous plus sur l'effet de vos charmes en public qu'en particulier, sur des étrangers que sur vos époux? Et même, si vous vous renfermiez dans les bornes de la modestie qui convient à votre sexe, devriez-vous dans vos maisons vous occuper des lois qui sont adoptées on abrogées ici? (11) Nos aïeux voulaient qu'une femme ne se mêlât d'aucune affaire, même privée, sans une autorisation expresse; elle était sous la puissance du père, du frère ou du mari. Et nous, grands dieux!, nous leur permettons de prendre en main le gouvernement des affaires, de descendre au forum, de se mêler aux discussions et aux comices.(12) Car aujourd'hui, en parcourant les rues et les places, que font- elles autre chose que d'appuyer la proposition des tribuns et de faire abroger la loi? (13) Lâchez la bride aux caprices et aux passions de ce sexe indomptable, et flattez-vous ensuite de le voir; à défaut de vous-mêmes, mettre des bornes à son emportement. (14) Cette défense est la moindre de celles auxquelles les femmes souffrent impatiemment d'être astreintes par les moeurs ou par les lois. Ce qu'elles veulent, c'est la liberté la plus entière, ou plutôt la licence, s'il faut appeler les choses par leur nom. Qu'elles triomphent aujourd'hui, et leurs prétentions n'auront plus de terme!" [34,3] (1) "Rappelez-vous toutes les lois par lesquelles nos aïeux ont enchaîné leur audace et tenté de les soumettre à leurs maris: avec toutes ces entraves à peine pouvez-vous les contenir. (2) Que sera-ce si vous leur permettez d'attaquer ces lois l'une après l'autre, de vous arracher tout ce qu'elles veulent, en un mot, de s'égaler aux hommes? Pensez-vous que vous pourrez les supporter? Elles ne se seront pas plutôt élevées jusqu'à vous qu'elles voudront vous dominer. (3) Mais, dira-t-on, elles se bornent à demander qu'on ne porte pas contre elles de nouvelles lois: ce n'est, pas la justice, é'est l'injustice qu'elles repoussent. (4) Non, Romains, ce qu'elles veulent, c'est que vous abrogiez une loi adoptée par vous, consacrée par vos suffrages et sanctionnée par une heureuse expérience de plusieurs années, c'est-à-dire qu'en détruisant une seule loi vous ébranliez toutes les autres. (5) Il n'y a pas de loi qui ne froisse aucun intérêt; on ne consulte ordinairement pour les faire que l'utilité du plus grand nombre et le bien de l'état. Si chacun détruit et renverse celles qui le gênent personnellement, à quoi bon voter des lois en assemblée générale, pour les voir bientôt abroger au gré de ceux contre qui elles ont été faites? (6) Je voudrais savoir cependant pour quel motif les dames romaines parcourent ainsi la ville tout éperdues, pourquoi elles pénètrent presque au forum et dans l'assemblée? (7) Viennent-elles demander le rachat de leurs pères, de leurs maris, de leurs enfants ou de leurs frères faits prisonniers par Hannibal? Ces malheurs sont loin de nous, et puissent-ils ne jamais se renouveler! Pourtant, lorsqu'ils nous accablaient, vous avez refusé cette faveur à leurs pieuses instances. (8) Mais à défaut de cette piété filiale, de cette tendre sollicitude pour leurs proches, c'est sans doute un motif religieux qui les rassemble? Elles vont sans doute au-devant de la déesse Mère de l'Ida qui nous arrive de Pessinonte, en Phrygie? car enfin quel prétexte peut-on faire valoir pour excuser cette émeute de femmes? (9) On me répond: Nous voulons être brillantes d'or et de pourpre; et nous promener par la ville, les jours de fêtes et autres, dans des chars de triomphe, comme pour étaler la victoire que nous remportons sur la loi abrogée, sur vos suffrages surpris et arrachés; nous voulons qu'on ne mette plus de bornes à nos dépenses, à notre luxe." [34,4] (1) "Romains, vous m'avez souvent entendu déplorer les dépenses des femmes et des hommes, celles des simples citoyens comme celles des magistrats; (2) souvent j'ai répété que deux vices contraires, le luxe et l'avarice, minaient la république. Ce sont des fléaux qui ont causé la ruine de tous les grands empires. (3) Aussi, plus notre situation devient heureuse et florissante, plus notre empire s'agrandit, et plus je les redoute. Déjà nous avons pénétré dans la Grèce et dans l'Asie, où nous avons trouvé tous les attraits du plaisir; déjà même nous tenons dans nos mains les trésors des rois. Ne dois-je pas craindre qu'au lieu d'être les maîtres de ces richesses, nous n'en devenions les esclaves? (4) C'est pour le malheur de Rome, vous pouvez m'en croire, qu'on a introduit dans ses murs les statues de Syracuse. Je n'entends que trop de gens vanter et admirer les chefs-d'œuvre de Corinthe et d'Athènes, et se moquer des dieux d'argile qu'on voit devant nos temples. (5) Pour moi, je préfère ces dieux qui nous ont protégés, et qui nous protégeront encore, je l'espère, si nous les laissons à leur place. (6) Du temps de nos pères, Cinéas, envoyé à Rome par Pyrrhus, essaya de séduire par des présents les hommes et même les femmes. Il n'y avait pas encore de loi Oppia pour réprimer le luxe des femmes; et pourtant aucune n'accepta. (7) Quelle fut, à votre avis, la cause de ces refus? La même qui avait engagé nos aïeux à ne point établir de loi à ce sujet. Il n'y avait pas de luxe à réprimer. (8) De même que les maladies sont nécessairement connues avant les remèdes qui peuvent les guérir, de même les passions naissent avant les lois destinées à les contenir. (9) Pourquoi la loi Licinia a-t-elle défendu de posséder plus de cinq cents arpents? Parce qu'on ne songeait qu'à étendre sans cesse ses propriétés. Pourquoi la loi Cincia a-t-elle prohibé les cadeaux et les présents? Parce que le sénat s'habituait à lever des impôts et des tributs sur les plébéiens.(10) Il ne faut donc pas s'étonner qu'on n'eût besoin ni de la loi Oppia, ni d'aucune autre pour limiter les dépenses des femmes, à une époque où elles refusaient et la pourpre et l'or qu'on venait leur offrir. (11) Aujourd'hui, que Cinéas parcoure la ville, il les trouvera toutes dans les rues et disposées à recevoir. (12) J'avoue qu'il y a des caprices que je ne puis expliquer et dont je cherche en vain la raison. Qu'une chose fût permise à l'une et défendue à l'autre, il y aurait peut-être là de quoi éprouver un sentiment naturel de honte ou de colère. Mais quand l'ajustement est le même pour toutes, quelle humiliation chacune de vous peut-elle redouter? (13) C'est une faiblesse condamnable que de rougir de son économie ou de sa pauvreté; mais la loi vous met également à l'abri de ce double écueil, en vous défendant d'avoir ce que vous n'aurez pas. (14) Eh bien! dira cette femme riche, c'est cette inégalité même que je ne puis souffrir. Pourquoi ne m'est-il pas permis de me vêtir d'or et de pourpre? Pourquoi la pauvreté des autres se cache- t-elle si bien à l'ombre de cette loi qu'on pourrait les croire en état d'avoir ce qu'elles n'ont pas, n'était la défense qui existe? (15) Romains, répondrais-je, voulez-vous établir entre vos femmes une rivalité de luxe, qui pousse les riches à se donner des parures que nulle autre ne pourra avoir, et les pauvres à dépenser au-delà de leurs ressources pour éviter une différence humiliante? (16) Croyez-moi, si elles se mettent à rougir de ce qui n'est pas honteux, elles ne rougiront plus de ce qui l'est réellement. Celle qui en aura le moyen, achètera des parures; celle qui ne le pourra pas, demandera de l'argent à son mari. (17) Malheur alors au mari qui cédera et à celui qui ne cédera pas! Ce qu'il aura refusé sera donné par un autre. (18) Ne les voit-on pas déjà s'adresser à des hommes qui leur sont étrangers, et, qui pis est, solliciter une loi, des suffrages, réussir même auprès de quelques-uns, sans s'inquiéter de vos intérêts ni de ceux de votre patrimoine et de vos enfants? Dès que la loi cessera de limiter leurs dépenses, vous n'y parviendrez jamais. (19) Romains, n'allez pas croire que les choses en resteront au point où elles étaient avant la proposition de la loi, Il est moins dangereux de ne pas accuser un coupable que de l'absoudre; de même le luxe serait plus supportable, si on ne l'avait jamais attaqué; mais à présent, il aura toute la fureur d'une bête féroce que les liens ont irritée et qu'on a ensuite déchaînée. (20) Mon avis est donc qu'il ne faut point abroger la loi Oppia. Fassent les dieux que votre décision, quelle qu'elle soit, tourne à votre avantage!"

   À peine cette affaire importante terminée Caton, qui avait gardé pendant sa progression une constance rude et vigoureuse en dehors, sans, sans doute, aucun dommage sérieux à sa popularité, fit voile vers sa province désignée, l'Espagne citérieure 
   Durant sa campagne d'Espagne, Caton montra un génie militaire extraordinnaire. Il vécut sobrement, partageant la nourriture et les travaux du simple soldat. Avec un zèle et une vigilance infatigable, il donnait non seulement les ordres requis, mais, quand c'était possible, il surveillait personnellement leur exécution. Ses mouvements étaient intrépides et rapides, et il ne négligeait jamais de récolter les fruits de la victoire et de pousser les avantages qu'il avait obtenus. L'ordre de ses opérations et leur combinaison harmonieuse avec les plans des autres généraux dans d'autres régions de l'Espagne semblent avoir été excellemment conçus. Ses stratagèmes et ses manoeuvres étaient originaux, brillants et réussis. Les plans de ses batailles étaient établis avec une compétence consommée. Il parvint à opposer tribu contre tribu, usa de la trahison des indigènes et  prit des mercenaries indigènes à sa solde. 
   Les détails de la campagne, comme le rapporte Tite-Live (lib
.
xxxiv.), et illustrés par les anecdotes fortuites de Plutarques, sont remplis d'horreur. Nous lisons que des multitudes d'Espagnols, après qu'on leur ait enlevé leurs armes, se tuèrent de honte; que des  victimes qui s'étaient rendues furent massacrées en masse, et qu'il fit de fréquentes razzias impitoyables. Les principes politiques du patriotisme romain inculquaient la maxime que le bien de l'état primait tout, et que c'est pour lui que le citoyen était obligé de sacrifier ses sentiments normaux et la sa moralité individuelle. Tels étaient les principes de Caton. Il n'était pas l'homme à avoir des remords de conscience dans l'exécution complète d'une tâche publique rigoureuse. Ses démarches en Espagne n'étaient pas en désaccord avec l'idée reçue du bon vieux soldat romain, ou avec son tempérament sévère et rigoureux. Il se vanta d'avoir détruit plus de villes en Espagne qu'il n'avait passé de jours dans ce pays.
   Quand il eut soumis provisoirement  l'ensemble du pays situé entre l'Iberus et les Pyrénées, il se tourna vers les réformes administratives, et augmenta les revenus de la province par des améliorations dans le fonctionnement des mines de fer et d'argent. Pour ses exploits en Espagne, le sénat décréta trois jours de remerciement. Au cours de l'année 194 av. J.-C., il revint à Rome, et obtint le triomphe, où il exhiba une quantité extraordinaire de fer, d'argent et d'or, en pièces de monnaie et en lingot. Dans la distribution du butin à ses soldats, il était plus libéral qu'on aurait pu s'attendre d'un défenseur de l'économie parcimonieuse. (Liv. xxxiv. 46.) On dit que le retour de Caton semble avoir été accéléré par l'hostilité de P. Scipio Africanus, qui était consul en 194 av. J.-C. et qui convoitait le commandement de la province dans laquelle Cato avait obtenu sa renommée. Il y a un désaccord entre Népos (ou le pseudo-Népos), et  Plutarque (Cat. Maj. 11), dans leurs récits de cette affaire. Le premier affirme que Scipion échoua dans sa tentative d'obtenir la province, et, irrité de son échec, resta après la fin de son consulat, à titre privé à Rome. Le second assure que Scipion, dégoûté par la sévérité de Caton, obtint réellement la province, mais, ne pouvant obtenir du sénat un vote de censure contre l'administration de son rival, passa la période de son commandement dans l'inactivité totale. Selon Tite-Live (xxxiv. 43), en 194 av. J.-C., Sex. Digitius obtint la province de l'Espagne citérieure.  Il est probable que Plutarque se soit trompé en assignant cette province à Scipion l'Africain. L'idée que l'Africain ait été nommé comme successeur de Caton en Espagne peut être le résultat d'une double confusion du nom et de l'endroit, parce que P. Scipio Nasica fut nommé en 194 av. J.-C. dans la province ultérieure.
   Quoiqu'il  en soit, Caton se justifia avec succès par son
éloquence et par la présentation détaillée de ses comptes contre les attaques faites sur sa conduite comme consul; et les fragments existants des discours, (ou du même discours sous différents noms) faits après son retour, montrent la vigueur et la hardiesse de sa défense.
   Plutarque (Cat. Maj. 12), déclare qu'après son consulat, Cato accompagna Tib. Sempronius Longus comme légat en Thrace, mais ici il semble y avoir une erreur, parce que bien que Scipion l'Africain était d'avis qu'un des consuls devait avoir Macédoine, nous retrouvons bientôt Sempronius en Gaule Cisalpine (Liv. xxxiv. 43, 46), et en 193 av. J.-C., nous voyons Caton à Rome consacrant à la Victoria Virgo un petit temple qu'il avait juré de faire deux ans auparavant. (Liv. xxxv. 9.)
   La carrière militaire de Caton n'est pas encore terminée. En 191 av. J.-C. il est nommé tribun militaire (ou légat? Liv. xxxvi. 17, 21), sous le consul M'. Acilius Glabrio, qui fut envoyé en Grèce pour s'opposer à l'invasion d'Antiochus le grand, roi de Syrie. Dans la bataille décisive des Thermopyles, qui amena la chute d'Antiochus, Caton se comporta avec son courage coutumier, et bénéficia de la bonne fortune qui accompagne généralement le génie. Par une attaque audacieuse et difficile, il surprit et délogea un corps d'auxiliaires étoliens, qui était posté sur le Callidromus, le plus haut sommet de la chaîne de l'Oeta. Alors il dévala soudainement des collines sur le camp royal, et la panique occasionnée par ce mouvement inattendu renversa le cours de la bataille en faveur des Romains. Après le combat, le général embrassa Caton très chaleureusement et lui attrubua tout le crédit de la victoire. Ce fait est raconté par Caton lui-même, qui, comme Cicéron, prit souvent l'habitude, choquante pour le goût moderne, de faire ses propres éloges. Après un moment passé à la poursuite d'Antiochus et à la pacification de la Grèce, Caton fut envoyé à Rome par le consul Glabrio pour annoncer la réussite de la campagne, et il y alla avec une telle rapidité qu'il commença son rapport dans le sénat avant l'arrivée de L. Scipio, (le vainqueur suivant d'Antiochus) qui avait été envoyé de Grèce quelques jours avant lui. (Liv. xxxvi. 21.)

[36,17] (1) Le consul, voyant les hauteurs occupées par les Étoliens, envoya pour les déloger M. Porcius Caton et L. Valérius, ses lieutenants consulaires, avec deux mille hommes d'infanterie d'élite; Flaccus devait attaquer Rhoduntia et Tichiunta, Caton Callidrome. (Tite-Live) 

[36,21] (4) De son camp, le consul dépêcha Caton à Rome, pour porter au sénat et au peuple, la nouvelle certaine des succès qu'on avait obtenus. (5) Caton partit de Créuse, port de Thespies au fond du golfe de Corinthe, et se rendit à Patras en Achaïe; de Patras à Corcyre il longea les côtes de l'Étolie et de l'Acarnanie, et alla débarquer à Hydronte, en Italie. (6) Cinq jours après, grâce à la rapidité de sa marche, il arriva à Rome par la route de terre. Il entra de nuit dans la ville, et alla tout droit chez le préteur M. Junius. (7) Celui-ci convoqua les sénateurs dès le matin même. L. Cornélius Scipio, que le consul avait fait partir plusieurs jours auparavant, ayant appris à son arrivée que Caton l'avait devancé au sénat, y survint au milieu de la narration de ce dernier. (Tite-Live)

   Il était pendant la campagne de Grèce sous les ordres de Glabrio, et, il semblerait du récit de Plutarque, (rejeté par Drumann) qu'avant la bataille des Thermopyles, Caton fut chargé de garder Corinthe, Patras, et Aegium, contre l'offensive d'Antiochus. C'est alors qu'il visita Athènes, et, pour empêcher les Athéniens de répondre aux ouvertures du roi syrien, il leur adressa un discours en latin, qui leur fut traduit par un interprète. Déjà peut-être il avait des notions vagues de Grec, parce que, dit Plutarque, alors qu'il était à Tarente durant sa jeunesse, il eut des relations étroites avec Néarque, un philosophe grec, et Aurelius Victor dit que pendant qu'il était préteur en Sardaigne, il apprit le Grec d'Ennius. Ce n'était pas tellement, sans doute, par son mépris toujours professé pour le grec, mais parce que son discours était une affaire d'État, qu'il s'est servi du latin, conformément à la coutume romaine, qui était considéré comme une marque diplomatique de la majesté romaine (Val. Max. II. 2. § 2.) 

2. Combien nos anciens magistrats étaient attentifs à soutenir leur propre dignité et celle du peuple romain ! Ce souci de maintenir leur autorité peut se reconnaître, entre autres indices, à ce fait qu'ils gardaient avec une grande persévérance, l'habitude de ne donner leurs décisions aux Grecs qu'en latin. On fit plus : sans égard pour cette facilité de parole par quoi ils excellent, on les forçait eux-mêmes à ne parler devant les magistrats que par l'organe d'un interprète, non seulement à Rome, mais encore en Grèce et en Asie. C'était dans le dessein sans doute de répandre la langue latine et de la mettre en honneur chez toutes les nations. Ce n'est pas que le goût de s'instruire fît défaut à nos ancêtres, mais ils pensaient qu'en tout, le manteau grec devait se subordonner à la toge romaine, regardant comme une indignité de sacrifier aux attraits et aux charmes de la littérature la puissance et le prestige de la souveraineté. (Valère-Maxime)

  Après son arrivée à Rome, il n'y a aucune preuve certaine que Caton s'engagea de nouveau dans une guerre. Scipion, qui avait été légat sous Glabrio, était consul en 190 av. J.-C, et la province la Grèce lui fut attribuée par le sénat. Il y a une expression chez Cicéron (pro Muren. 14), qui pourrait faire croire que Caton retourna en Grèce, et combattit sous L. Scipion, mais sur un tel événement, l'histoire est silencieuse "Nunquam cum Scipione esset profectus [M. Cato], si cum mulierculis bellandum esse arbitraretur." Que Cicéron ait fait une erreur semble plus probable que de rapporter cela au moment où Caton et L. Scipion servaient ensemble sous Glabrio, ou de dire que les mots "cum Scipione," comme l'ont pensé quelques critiques, sont une interpolation..

C'est aussi dans cette guerre que se distingua M. Caton, votre bisaïeul; et cet illustre citoyen que je me représente avec le caractère que je vous connais, n'eût jamais accompagné Scipion, s'il avait cru n'avoir que des femmes à combattre. (Cicéron)

   En 189 av. J.-C., M. Fulvius Nobilior, le consul, obtint l'Étolie comme province, et Caton y fut envoyé après lui, comme nous apprenons d'un extrait (préservé par Festus, s. v. Oratores) de son discours de suis Virtutibus contre Thermum. Il semble que sa légation fut plutôt civile que militaire, et qu'il fut envoyé pour s'entretenir avec Fulvius sur la demande des Étoliens, qui se trouvaient dans une situation malheureuse : ne pas être suffisamment protégés par Rome s'ils restaient fidèles, et être punis s'ils en venaient à aider ses ennemis.

Caton, par exemple dit, dans le discours qu'il a écrit sur ses mérites contre Thermus : M. Fulvio consuli legatus sum in Aetoliam, propterea quod ex Aetolia complures venerant : Aetolos pacem velle : de ea re oratores Romam profectos. (Festus)

   Nous avons vu Caton dans son rôle de soldat éminent et capable: nous allons maintenant l'observer dans son rôle de citoyen actif et de premier plan. Si Caton était en 190 av. J.-C. avec L. Scipio Asiaticus (comme Cicéron semble le dire), et en 189 av. J.-C. en Étolie avec Fulvius, il doit quand même avoir passé une partie de ces années à Rome. Nous le trouvons en 190 av. J.-C. très actif en s'opposant aux demandes de Q. Minucius Thermus pour un triomphe. Thermus avait été remplacé par Caton dans le commandement de l'Espagne citérieure, et avait pris part après à la répression des incursions des Ligures, qu'il soumit, et exigeait alors un triomphe comme récompense. Caton l'accusa de batailles inventées et d'exagérer le nombre d'ennemis massacrés lors de vraies batailles, et l'accusa de l'exécution cruelle et honteuse de dix magistrats (decemviri) Boïens, sans aucune forme de justice, sous prétexte qu'ils étaient lents à fournir les approvisionnements exigés. (Gell. xiii. 24, x. 3.) L'opposition de Caton fut couronnée de succès ; mais le passage de Festus déjà cité montre qu'après son retour d'Étolie en 189, il dut défendre sa propre conduite contre Thermus, qui était le tribun en 189 av. J.-C. et qui mourut au combat en 188 av. J.-C.

Cet artifice de style par lequel on rend une accusation plus véhémente en accumulant des expressions sévères, a été employé avec succès par notre vieux M. Caton. Par exemple, dans son discours qui a pour titre les Dix Victimes, dans lequel il accuse Thermus d'avoir envoyé à la mort le même jour dix hommes libres, il simule des expressions qui ont toutes la même signification. Comme ce sont les premières étincelles de l'éloquence latine, alors à son début, je me ferai un plaisir de rappeler ce passage :
Tuum nefarium facinus pejore facinore operire postulas ; succidias humanas facis, tantas trucidationes facis, decem funera facis, decem capita libera interficis, decem hominibus vitam eripis, indicta causa, injudicatis, indemnatis,
c'est par une action plus criminelle encore que tu demandes à couvrir ton crime: tu envoies des hommes à la mort, tu commets un si grand nombre de meurtres, tu fais dix funérailles, tu fais tomber dix têtes libres, tu arraches la vie à dix hommes sans les entendre, sans les juger, sans les condamner. (Aulu-Gelle)

   En 189 av. J.-C., Caton et son vieil ami L. Valerius Flaccus étaient parmi les candidats pour la censure, et, parmi leurs concurrents, il y avait leur ancien général M'. Acilius Glabrio. Glabrio, qui ne possédait pas l'avantage de la noblesse, décida d'essayer ce que pouvait l'influence de l'argent. Afin de contrecarrer ses efforts, il fut accusé d'avoir utilisé les trésors d'Antiochus à son propre usage, et fut finalement obligé de retirer sa demande. Caton s'activait à favoriser l'opposition à son vieux général, et racontait qu'il avait vu des récipients en or et en argent parmi le butin royal dans le camp, mais qu'il ne les avait pas vu lors du défilé triomphal de Glabrio. Ni Caton ni Flaccus ne furent élus. Le choix tomba sur deux personnes du parti opposé, T. Flamininus et M. Marcellus.
   Caton ne se laissa pas abattre par un échec. En 187 av. J.-C, M. Fulvius Nobilior revint d'Etolie, et demanda l'honneur d'un triomphe. De nouveau, Caton se trouva à son poste d'opposant. Fulvius était indulgent envers ses soldats. C'était un homme de goût littéraire, et il fréquentait Ennius, qui était son compagnon dans les moments qu'il ne consacrait pas au devoir militaire. Tout cela répugnait aux vieux principes romains de Caton, qui, entre d'autres charges, accusa Fulvius de maintenir des poètes dans son camp (Cic. Tusc. I. 2), et d'altérer la discipline militaire, en donnant des couronnes à ses soldats pour des services énormes tels que creuser des puits ou élever un retranchement. (Gell. v. 6.) De nouveau Caton échoua et Fulvius obtint le triomphe recherché.

Mais ce qui fait bien voir qu'alors les poètes étaient peu estimés, c'est que Caton lui-même, dans une de ses oraisons, reproche à un consul de son temps, comme quelque chose de honteux, d'avoir mené des poètes avec lui dans la province où il commandait. Il y avait mené Ennius.(Cicéron)

M. Caton reprocha un jour à M. Fulvius Nobilior de décerner des couronnes à ses soldats, dans des vues d'ambition, choses les plus frivoles. Voici les paroles mêmes de Caton : "Qui dans les premiers temps a vu décerner des couronnes avant que la ville fût prise, ou le camp des ennemis dévoré par les flammes ?" Or, Fulvius, auquel s'adressaient les reproches de Caton, avait distribué des couronnes à ses soldats pour avoir élevé un retranchement ou creusé des puits. (Aulu-Gelle)

   Quand P. Scipio Africanus fut accusé d'avoir reçu des sommes d'argent d'Antiochus, qui n'avait pas été dûment rendues à l'état, et d'avoir permis au malheureux monarque de s'en sortir avec trop d'indulgence, on dit que ce fut Caton qui fut à la base de l'accusation. (Liv. xxxviii. 54.) Chacun sait comment le fier conquérant déchira de ses propres mains les registres de comptabilité que son frère Lucius produisait au sénat; et comment, le jour de son propre procès, il demanda au peuple de le suivre des rostres jusqu'au Capitole pour rendre grâce aux dieux immortels de l'anniversaire de la bataille de Zama. Peu accoutumé à  se soumettre aux questions et conscient des grands bénéfices qu'il avait rendu à l'état, il se considérait presque au-dessus des lois. Bien que Caton ait laissé à d'autres l'opprobre d'accuser l'Africain, il n'hésita pas à préconiser une proposition qui était calculée pour préparer le chemin à la poursuite réussie d'une accusation semblable contre L. Scipio Asiaticus. A cause de son influence il y eut un plébiscite, demandant au sénat de nommer un commissaire pour enquêter sur les chefs d'accusation au sujet de l'argent d'Antiochus. Le résultat fut que Lucius et d'autres furent condamnés. Quant aux dates et aux détails de ces affaires, il y a complet désaccord chez les auteurs anciens.

[38,54] (1) La mort de l'Africain enhardit les ennemis: à leur tête se distinguait M. Porcius Caton, qui, même de son vivant, n'avait cessé de crier contre sa grandeur.(2) Ce fut, dit-on, à son instigation que les Pétillius l'attaquèrent pendant sa vie, et, après sa mort, firent une proposition ainsi conçue: (3) "Voulez- vous, ordonnez-vous qu'il soit fait une enquête sur l'argent pris, enlevé, extorqué au roi Antiochus et aux peuples de sa dépendance, (4) et que sur la portion qui n'en a point été versée dans le trésor public, Ser. Sulpicius, préteur de la ville, fasse son rapport au sénat? ensuite, que le sénat nomme à son choix, pour poursuivre l'affaire, l'un des préteurs actuels? " (5) Cette proposition fut d'abord combattue par Q. et L. Mummius: que le sénat se contentât de rechercher les détenteurs des deniers publics, comme cela s'était toujours fait, ils ne trouvaient rien de plus juste. (6) Les Pétillius s'élevaient contre le rang éminent, le règne des Scipions dans le sénat. Le consulaire L. Furius Purpurion, l'un des dix commissaires d'Asie, (7) voulait étendre davantage la proposition: ce n'était pas, selon lui, sur l'argent tiré d'Antiochus seulement, mais de tous les rois et peuples de l'Orient, que devait porter l'enquête. C'était à Cn. Manlius qu'il en voulait. (8) L. Scipion, qui semblait devoir plus songer à se défendre qu'à attaquer la loi, se présenta pour la combattre. "C'était après la mort de son père l'Africain, le plus illustre des hommes, qu'on venait proposer une pareille enquête, s'écriait-il douloureusement! (9) C'était peu d'avoir laissé mourir Publius l'Africain sans faire son éloge à la tribune: il fallait encore le calomnier! Les Carthaginois s'étaient bornés à exiler Hannibal; (10) et le peuple romain n'en avait pas assez de la mort de P. Scipion! Il fallait qu'il descendît, la calomnie à la bouche, jusque dans son tombeau; il fallait que son père partageât avec lui les coups de l'envie et devînt sa seconde victime." (11) M. Caton fit passer la proposition (nous avons encore son discours sur l'argent du roi Antiochus), et l'autorité de sa parole en imposa aux Mummius qui se désistèrent de leur opposition. (12) L'obstacle étant donc levé, toutes les tribus votèrent l'enquête. (Tite-Live)

   Caton fut de nouveau candidat pour la censure, avec son vieil ami L. Valerius Flaccus et six autres, parmi lesquels étaient les patriciens P. et L. Scipio, et le plébéien L. Fulvius Nobilior. Il était violent dans ses promesses ou menaces de réforme, et disait que, s'il obtenait la magistrature,  il ne démentirait  pas les déclarations de sa vie passée. La crainte de son succès alarma tous ses ennemis personnels, qui étaient tous connus pour leur luxe, et qui tous avaient tiré profit de la mauvaise gestion des finances publiques. Malgré l'opposition combinée des six autres candidats, il obtint la censure en 184 av. J.-C., faisant entrer par sa propre influence L. Valerius Flaccus comme collègue.
  Ce fut une grande époque dans la vie de Caton. Il s'appliquait énergiquement aux fonctions de sa charge, sans s'occuper des ennemis qu'il se faisait. Il répara les cours d'eau, pava les réservoirs, nettoya les canalisations, détruisit les dérivations par lesquelles les particuliers retiraient  illégalement l'eau publique pour alimenter leurs logements et pour irriguer leurs jardins, augmenta les loyers payés par les publicains pour la ferme des impôts, et diminua les prix des contrats payés par l'état aux entrepreneurs de travaux publics. On peut se demander s'il n'est pas allé trop loin dans ses réformes, quand il considérait plutôt le bas prix d'une offre que la sécurité offerte par le caractère et les circonstances du demandeur; mais il ne peut y avoir aucun doute que de grands abus existaient, contre lesquels rien ne pouvait s'opposer avec succès sauf  le courage sans peur et les facultés administratives extraordinaires de Caton. Il dérangeait un nid de frelons, et toute sa vie future fut troublée par leur bourdonnement et leurs tentatives de le piquer. Après sa censure, il fut poursuivi par certains tribuns, à l'instigation de T. Flamininus, pour la mauvaise conduite dans le ministère de sa charge, et condamné à payer une amende de deux talents (Plut. Cat. Maj. 10), ou en monnaie romaine 12.000 as. Bien qu'il fut accusé pas moins de  44 fois durant sa vie, c'est le seul exemple rapporté où ses ennemis l'emportèrent.
   Les dispositions contre le luxe, contenues dans son édit censorial, étaient sévères et rigoureuses. Il ordonna d'enlever des endroits publics les statues non autorisées érigées en l'honneur d'hommes indignes, se récria contre l'indécence éhontée et contre la façon irréligieuse dont on utilisait, comme des meubles ordinaires pour orner les manoirs des nobles, les images des dieux pris dans les temples des pays conquis. Il décida que les esclaves, âgés de moins de vingt ans, qui avaient été vendus depuis le dernier lustre dix mille as au plus, seraient estimés dix fois plus qu'ils n'avaient coûté, et frappa tous ces objets d'un droit de trois as par mille-- une façon détournée d'imposer un taux de trois pour cent. Il enjoignit aux citoyens de comprendre dans la déclaration de leurs revenus les bijoux, les parures de femmes et les voitures dont la valeur excéderait la somme de quinze mille as (Liv. xxxix. 44.). 

[39,44] (1) En faisant la revue des chevaliers, les censeurs privèrent Scipion l'Asiatique de son cheval. Ils ne se montrèrent pas moins sévères ni moins rigoureux à l'égard de tous les ordres pour l'opération du cens. (2) Ils enjoignirent aux citoyens de comprendre dans la déclaration de leurs revenus les bijoux, les parures de femmes et les voitures dont la valeur excéderait la somme de quinze mille as. (3) Ils décidèrent que les esclaves, âgés de moins de vingt ans, qui avaient été vendus depuis le dernier lustre dix mille as au plus, seraient estimés dix fois plus qu'il n'avaient coûté, et frappèrent tous ces objets d'un droit de trois as par mille. (4) Ils supprimèrent toutes les eaux que les particuliers tiraient des aqueducs pour leurs maisons ou leurs champs, et obligèrent tous ceux qui avaient des maisons en saillie sur la voie publique, commencées ou achevées, à les démolir dans l'espace de trente jours. (5) Ils employèrent ensuite à des travaux publics l'argent décrété pour cet objet, firent paver les abreuvoirs et nettoyer les égouts qui en avaient besoin; ils en construisirent aussi de nouveaux sur l'Aventin et dans les autres quartiers qui n'en avaient pas. (6) Ils travaillèrent aussi séparément. Flaccus fit élever, dans l'intérêt du peuple, une chaussée qui conduisait aux eaux de Neptune, et percer un chemin à travers la montagne de Formies. (7) Caton acheta pour l'état deux vestibules, celui de Maenius et celui de Titius, dans les Lautumies, ainsi que quatre boutiques; il en fit la basilique appelée Porcia. Ils affermèrent les impôts à un très haut prix, et les travaux publics au rabais. (8) Mais le sénat, vaincu par les prières et les larmes des publicains, ayant ordonné qu'on procédât à une nouvelle adjudication de la ferme des impôts, les censeurs écartèrent de la concurrence par un édit ceux qui avaient éludé leurs premiers engagements, et firent une nouvelle adjudication avec une légère baisse de prix. (9) Ce fut une censure célèbre que celle de ces deux magistrats; mais elle excita beaucoup de haine contre Caton, à qui l'on attribuait tous les actes de sévérité, et il ne cessa plus d'être en butte aux attaques de ses ennemis. (Tite-Live)

   Dans l'exercice du pouvoir énorme de la nota censoria, il fut également intransigeant. Il chassa justement du sénat L. Quintius Flamininus (le frère de Titus, son ancien adversaire chanceux dans la course à la censure), pour avoir commis (si nous acceptons la version de l'histoire) un acte de la plus abominable cruauté  accompagné de dégoûtantes débauches (Liv. xxxix. 42, 43;  Plut. Cat. Maj. 17; Cic. Senect. 12); pourtant l'état de dégénérescence morale à Rome était déjà tel qu'on pouvait acheter  la populace pour inviter le malheureux dégradé à reprendre son ancienne place au théâtre dans les sièges répartis aux consulaires. 

(7) Mais aucun sans contredit ne renferme de reproches plus graves que celui qu'il fit contre L. Quinctius. Si Caton eût parlé ainsi comme accusateur, avant d'avoir mis son apostille, et non comme censeur pour la justifier, T. Quinctius lui-même n'aurait pu, en supposant qu'il eût été censeur à ce moment, maintenir son frère Lucius dans le sénat. (8) Entre autres infamies, il lui reprocha d'avoir séduit par de magnifiques promesses et emmené de Rome dans son département de la Gaule, un jeune débauché fort célèbre alors, nommé Philippe le Carthaginois. (9) Ce jeune homme, qui voulait se faire aux yeux de son amant un mérite de sa complaisance, lui reprochait assez ordinairement, par forme de plaisanterie, dans l'intimité de leur commerce, de l'avoir emmené de Rome la veille d'un combat de gladiateurs. (10) Un jour qu'ils étaient tous deux à table, et qu'ils avaient la tête échauffée par le vin, on vint annoncer au consul qu'un noble Boïen s'était présenté au camp comme transfuge avec ses enfants, et qu'il demandait à voir Quinctius pour recevoir de lui personnellement l'assurance de sa protection. (11) Introduit dans la tente, il s'adressa au consul par l'organe d'un interprète. Tout à coup Quinctius l'interrompit: "Veux-tu, dit-il au complice de ses débauches, pour te dédommager du spectacle que je t'ai fait manquer, voir mourir ce Gaulois?" (12) À peine Philippe avait-il fait un signe d'assentiment, sans croire l'offre sérieuse, que pour lui complaire le consul tira du fourreau l'épée qui était suspendue auprès de lui, et en frappa d'abord le Gaulois à la tête pendant qu'il parlait; puis, voyant qu'il fuyait en implorant la protection du peuple romain et de tous ceux qui se trouvaient là, il le poursuivit et lui perça le flanc. (Tite-Live)

   Il chassa Manilius, un homme de rang prétorien, parce que après avoir embrassé son épouse en présence de sa fille un jour ouvert. Si l'étrange affirmation de Caton sur sa propre façon de faire (Plut. Cato, 17) doit être prise comme recommandation hyperbolique de sa réserve décente, ou être expliqué comme Balzac (cité par Bayle, s. v. Porcius) nous le dit, nous le recherchons encore. Il chassa  L. Nasica (ou, comme certains le conjecturent, L. Porcius Laeca) pour une plaisanterie déplacée et irrévérencieuse en réponse à une question solennelle. (Cic. de Orat. II. 64.) 

La réponse que L. Nasica fit à Caton le censeur, n'est pas moins plaisante. Avez-vous une femme à votre gré? lui demandait celui-ci : - Oui, répondit-il, mais non pas à mon gré. (Cicéron)

Afin de détecter si quelqu'un était célibataire (c'était le devoir des censeurs d'y mettre terme ou de le punir), on faisait venir les hommes en âge de se marier, "Ex tui animi sententia, tu uxorem habes ?" "Non hercule," fut  la réponse de L. Nasica, "ex mei animi sententia." Au passage en revue des chevaliers, il priva L. Scipio Asiaticus de son cheval pour avoir accepté des dessous de table d'Antiochus. L. Scipio était sénateur, mais les sénateurs, qui étaient en âge de servir, possédaient toujours le cheval public du chevalier, et participaient  à la revue. (Dict. Ant. s. v. Equites.). Il priva L. Veturius de son cheval pour avoir omis un sacrifice établi, et pour être devenu trop corpulent pour être utile dans le combat. (Fest. s. v. Stata.).  Il chassa plusieurs et les priva de leurs chevaux, et, non content de cela, il exposa publiquement, avec une âpre véhémence, les vices de ses victimes.

STATA SACRIFICIA. On appelle ainsi des sacrifices qui doivent se faire en des jours déterminés. Caton dans le discours qu'il écrivit contre L. Verrius, au sujet du sacrifice commencé, lorsqu'il lui ôta son cheval : Quod tu, quod in te fuit, sacra stata, solemnia, caste sancta, deseruisti. (Festus)

   Il n'est pas avéré que, dans l'exercice de la puissance théoriquement exorbitante et anormale de la censure, Caton ait agi injustement, bien que des motifs personnels et des innimitiés privées ou des antipathies partisanes aient pu parfois s'opposer à ses vues du devoir politique et moral.
   La censure remarquable de Caton fut récompensée par une statue publique, avec une inscription commémorative et élogieuse.
   Désormais la vie publique de Caton se déroula principalement dans des procès, des débats au sénat et des discours au peuple. Les fragments de ses discours montrent son activité incessante, et la cohérence de sa carrière. Il poursuivit ses adversaires politiques avec une animosité implacable; pour lui, en vrai Italien qu'il était, la vengeance était une vertu. Selon ses propres mots, les obsèques les plus honorables qu'un fils pouvait rendre à la mémoire de son père étaient la condamnation et les larmes des ennemis de ce père. Avec ses yeux gris-vert, ses cheveux blonds, sa charpente de fer et sa voix de stentor, il exprimait de injures tellement violentes qu'elles amenèrent la piquante épigramme grecque rapportée par Plutarque. (Cato, 1)
Πυρρὸν, πανδακέτην, γλαυκόμματον, οὐδὲ θανόντα
Πόρκιον εἰς ἀίδην Περσεφόνη δέχεται.
   Son opposition au luxe continua. En 181av. J.-C., il soutint l'adoption de la Lex Orelia qui voulait limiter limiter le nombre d'invités aux banquets. En 169 av. J.-C. (selon Cicero, Senect. 5, ou plusieurs années plus tôt, selon l'epitome du livre xli de Tite-Live..) il appuya la proposition de la Lex Voconia, dont les dispositions étaient destinées à empêcher l'accumulation de la richesse dans les mains des femmes.
   Dans quelques questions de politique étrangère nous le trouvons du côté des opprimés. Les gouverneurs proconsulaires des deux Espagne contraignirent les habitants de la province à payer leurs impôt de blé en argent à un change arbitrairement élevé, et ensuite ils forcèrent les fermiers provinciaux à fournir le blé aux Romains à un prix extrêmement bas. Quand les députés espagnols vinrent à Rome en 171 av. J.-C.  pour se plaindre de telles exactions injustes, Caton fut choisi comme avocat de son ancienne province, l'Espagne citérieure, et instruisit l'affaire avec un tel esprit qu'il souleva contre lui une hostilité puissante, bien que les gouverneurs coupables, M. Matienus et P. Furius Philus, échappèrent à la condamnation par un exil volontaire, (Liv. xliii. 2.)
   De nouveau quand les Rhodiens sollicitèrent le sénat de ne pas punir toute l'île pour les actes faits sans autorisation par quelques individus factieux, sur prétexte de neutralité générale pour les armes romaines lors des guerres contre Antiochus et Persée, Caton plaida la cause des Rhodiens devant le sénat par un discours talentueux et efficace. Les critiques minutieuses et artificielles de Tiron, le secrétaire de Cicéron, sur des parties de ce discours, sont rapportées et réfutées par Aulu-Gelle (vii. 3). Cicéron lui-même parlant par la bouche d'Atticus (Brutus, 85), avait beaucoup de peine à apprécier l'éloquence vigoureuse, rugueuse, sentencieuse, passionnée, pleine de verve de Caton. Elle était empreinte de quelques affectations d'expressions saisissantes -- avec des bizarreries, des grossièretés, des archaïsmes et des néologismes. Si nous pouvons juger Caton par ses fragments, il possédait  l'esprit vigoureux et le très grand sérieux de Démosthène, sans son élévation de pensée, sans l'harmonie de la langue, et sans la perfection de la forme qui couronnaient l'éloquence de l'Athénien.

Ton Caton, je l'admire comme citoyen, comme sénateur, comme général, enfin comme un homme éminent par la sagesse, l'activité, toutes les vertus. Ses discours me plaisent fort pour leur temps, ils témoignent d'un certain génie naturel, mais sans politesse et vraiment barbare. Quant à ses "Origines", en les prétendant remplies de mérites oratoires, en comparant Caton à Philiste et à Thucydide, pensais-tu vraiment obtenir l'assentiment de Brutus ou le mien? A ces orateurs, que les Grecs eux-mêmes n'ont pu imiter, tu vas comparer un paysan de Tusculum, qui ne soupçonne pas encore ce qu'est l'abondance et l'éclat oratoire? (Cicéron).

  La vigueur des solides préjugés nationaux de Caton semble avoir diminué en vieillissant et en devenant plus sage. Il s'est appliqué dans sa vieillesse à l'étude de la littérature grecque, qu'il ne connaissait pas dans sa jeunesse, bien qu'il n'ait pas ignoré la langue grecque. Lui-même était historien et orateur et les qualités de Démosthène et de Thucydide lui avaient laissé une impression profonde dans son esprit. Cependant dans beaucoup d'affaires importantes, durant sa vie, sa conduite fut guidée par des préjugés contre les classes et les nations, dont il considérait  l'influence hostile à la simplicité du vieux caractère romain. Il est probable qu'il ait eu une certaine part dans le senatusconsultum qui, à l'arrivée d'Eumène, roi de Pergame, à Brindisie en 166 av. J.-C., interdit aux rois d'entrer dans Rome, alors qu'Eumène, lors de sa visite précédente, après la guerre contre Antiochus, ait été reçu avec les honneurs par le sénat, et traité magnifiquement par les nobles, Caton indigné des égards  rendus au monarque, refusa d'aller près de lui, et dit :  "Les rois sont des animaux naturellement carnivores." Il avait une antipathie contre les médecins, parce qu'ils étaient la plupart du temps des Grecs, et donc on ne pouvait leur faire confiance en leur confiant des vies romaines, puisque tous les Grecs méprisaient les barbares, y compris le Romains, en tant qu'ennemis naturels. Il mit fort en garde son fils aîné contre des médecins, et se passa de leurs services. Il n'était pas mauvais médecin lui-même quand il recommandait comme régime vraiment salutaire, des canards, des oies, des pigeons et des lièvres, bien que les lièvres, dit-il, sont susceptibles de provoquer des rêves. Malgré toute son antipathie, il n'y a aucune preuve chez les auteurs antiques sur ce qui a été souvent répété, à savoir qu'il rédigea une loi pour expulser les philosophes de la ville. Quand Athènes envoya Carnéade, Diogène et Critolaüs pour négocier avec Rome une remise des 500 talents que les Athéniens devaient payer en dédommagement aux Oropiens, Carnéade provoqua une grande attention par sa conversation et ses conférences philosophiques, dans lesquelles il prêchait la doctrine pernicieuse d'un opportunisme de la justice, et illustrait sa doctrine en touchant à un sujet dangereux et sensible -- l'exemple de Rome elle-même "Si on enlevait à Rome  tout ce qu'elle n'avait pas justement gagné, les Romains pourraient retourner dans leurs huttes." Caton, offensé par ces principes, et jaloux de l'attention prêtée à ce Grec, donna des conseils que le sénat suivit :  "Donnez le plus tôt possible une réponse à ces députés et renvoyez-les poliment." Lors de la victoire contre Persée, les principaux hommes de la ligue achéenne, au nombre de presque 1.000, y compris l'historien Polybe, furent emmenés à Rome en 167 av. J.-C., comme otages pour que les Achéens se tiennent tranquilles, et, ensuite, sans aucune preuve de sécession de la part des Achéens, ils furent retenus en exil hors leur pays, et dispersés dans les coloniae et les municipia de l'Italie. Quand leurs nombres fut réduit à environ 300, après un exil de 16 ans, l'intercession du second Africain, l'ami de Polybe, permit avec Caton de faire voter l'autorisation de retourner dans leur pays. La conduite du vieux sénateur -- il avait maintenant 83 ans -- fut plus aimable que ses mots. Il n'intervint pas jusqu'à la fin d'une longue discussion, et alors il approuva la proposition sur le fond en disant que c'était une affaire complètement indifférente : "Nous n'avons rien de mieux à faire que de nous reposer ici toute la journée à discuter si un groupe de Grecs usés jusqu'à la corde aura sa tombe ici ou en Achaïe?" Quand les exilés sollicitèrent le sénat de pouvoir recouvrer leur ancien statut et les honneurs dans leur propre pays, Caton laissa entendre qu'ils étaient des imbéciles de rentrer chez eux, et était bien mieux comme ils étaient. Il a dit en souriant que Polybe était comme Ulysse retournant à la caverne du Cyclope pour reprendre son chapeau et sa ceinture. Les facultés actives de Caton furent tellement plus développées que ses affections, qu'il semble avoir presque manqué de sympathie et de sentiments fins et tendres, bien qu'on puisse penser qu'il feignait parfois l'indélicatesse dans son comportement, afin de maintenir son caractère catonien. Nulle part dans ses écrits ou ses discours nous ne voyons des sentiments généreux et élevés. Sa volonté forte et  ses emportements violents de colère et d'ambition ont été guidés par une intelligence vive et froide, et un bon sens pratique et utilitaire.
   Même dans les dernières années de sa longue vie, Caton ne prit aucun repos. En sa quatre-vingt-unième année, 153 av. J.-C. , il fut accusé par C. Cassius pour un capitale crimen (on n'en sait pas la nature), et se défendit en personne avec une force intacte, une voix assurée, et une mémoire inébranlable : "Comme il est dur," dit-il, "pour quelqu'un dont la vie s'est passée dans une génération précédente, de plaider sa cause devant des hommes du présent!" (Val. Max. viii. 7. § 1 ; Plut. Cato, 15.)

1. Caton, à l'âge de quatre-vingt-six ans, gardait encore pour les affaires publiques une ardeur de jeune homme. Accusé par ses ennemis d'un crime capital, il plaida lui-même sa cause sans qu'on pût remarquer en lui ni un ralentissement de la mémoire, ni le moindre affaiblissement de la poitrine, ni quelque embarras dans la prononciation : c'est qu'il maintenait ses facultés en bon état par une activité régulière et constante. Sur le point même de terminer une si longue carrière, dans une accusation intentée à Galba, I'un des plus éloquents orateurs d'alors, il prit la défense de l'Espagne. (An de R. 604.)
Le même Caton eut un vif désir d'étudier la littérature grecque sur le tard. Évaluons son âge à ce moment d'après ce fait qu'il n'étudia même la littérature latine qu'à l'approche de la vieillesse. Il s'était déjà fait une grande réputation d'orateur, lorsqu'il s'appliqua à se donner aussi une connaissance approfondie du droit civil. (Valère-Maxime)

  L'année juste avant sa mort, il fut un des instigateurs en chef de la troisième guerre punique. L'inquiétude du sénat avait été éveillée par le rapport qu'une grande armée, commandée par Ariobarzane, s'était rassemblée sur le territoire carthaginois. Caton recommanda une déclaration immédiate de guerre contre les Carthaginois, pour la raison que leur vrai but en obtenant l'aide des Numides était leur hostilité à l'égard de Rome, bien que le prétexte fut la défense de leur frontière contre la prétention de Masinissa sur une partie de leur empire. Scipion Nasica pensait qu'il n'y avait pas prétexte à un casus belli, et on se disposa à envoyer une ambassade en Afrique pour s'informer sur la situation réelle. Quand les dix députés, dont Caton, arrivèrent sur le territoire contesté, ils offrirent leur arbitrage, qui fut accepté par Masinissa, mais rejeté par les Carthaginois, qui n'avaient aucune confiance dans la justice des Romains. Les députés observèrent avec soin les préparatifs guerriers, et les défenses de la frontière. Ils entrèrent alors dans la ville, et virent la force et la population qu'elle avait acquise depuis sa prise par le premier Africain. Sur le chemin du retour, Caton fut le premier à penser que Rome ne serait jamais sauve, aussi longtemps que Carthage serait si puissante et si hostile. Un jour il tira  une grappe de figues mûres de sous sa robe, et  la jeta sur le plancher du Sénat, en disant aux sénateurs assemblés, qu'il était étonné de la fraîcheur et de la finesse de ces fruits, "Ces figues ont été cueillies il y a trois jours à Carthage; c'est le temps pour les ennemis d'arriver à nos murs." Depuis lors, chaque fois qu'il devait voter au sénat, bien que le sujet de du débat n'ait aucune relation avec Carthage, il disait toujours : "Je vote pour que Carthage ne soit plus" ou, selon la version plus admise de Florus : "Delenda est Carthago" (ii. 15)" Scipio Nasica, d'autre part, pensant que Carthage dans son état affaibli était plutôt un rempart utile qu'une formidable rivale de Rome, votait toujours "Laissez vivre Carthage." (Liv. Epit. xlviii. xlix.; Appian, de Bell. Pun. 69 ; Plin. H. N. xv. 17..) Cette histoire doit sembler étrange à ceux qui ne savent pas que, durant la république, c'était l'usage des sénateurs romains, après leur vote, d'exprimer -- quelle que soit la question -- toute opinion qu'ils considéraient comme fort importante pour le bien-être de l'état. (Tac. Ann. ii. 33). 
   La dernière année de sa vie, Caton a pris une part remarquable mais infructueuse dans l'accusation contre de S. Sulpicius Galba. Ce général perfide, après la reddition de l'armée de Lusitanie, en l'infraction flagrante avec sa parole donnée, mit à la mort certains des soldats, et en vendit d'autres comme esclaves en Gaule, alors que quelques uns s'échappaient, parmi lesquels Viriathe, le futur vengeur de sa nation. Galba prétendait avoir découvert que, sous couvert de reddition, les Lusitaniens consertaient une attaque; mais il fut acquitté principalement par la compassion provoquée par le défilé théâtral de ses jeunes fils en pleurs et de ses pupilles orphelins. Caton prononça un discours violent contre Galba, et l'inséra dans le 7ème livre de ses Origines, quelques jours ou quelques mois avant sa mort, en 149 av. J.-C., à l'âge de 85 ans. (Cic. Brutus, 23.)
   Cato se maria deux fois; d'abord à Licinia, une dame de petite fortune mais de naissance noble dont ils eut un fils, M. Porcius Cato Licinianus, le juriste, et qui vécut jusqu'à un âge avançé. Après sa mort il cohabita secrètement avec une esclave; bien qu'il fût un mari fidèle, et comme voeuf il fût inquiet de préserver sa réputation, la citation célèbre "sententia dia Catonis." montre qu'il attachait peu devaleur à la vertu du chasteté. Quand son amour fut découvert par son fils, il se décida à se remarier et choisit la fille de son scribe et client, M. Salonius. La manière dont un patron pouvait commander son client, et un père se débarasser de sa fille, est désagréablement amplifiée dans le récit imagé de Plutarque de l'entrevue entre Caton et Salonius au sujet du mariage. Le vieil homme vigoureux terminait sa 80ème année quand Salonia eut un fils, M. Porcius Cato Salonianus, le grand-père de Caton d'Utique. Envers son fils aîné il se comporta comme un bon père, et prit en charge la totalité de son éducation. Pour ses esclaves il était un maître sévère. Sa conduite envers eux (si elle n'est pas trop noircie par Plutarque) était vraiment détestable. La loi les tenait comme comme de simples biens mobiliers, et il les ttaitait en tant que tels, sans aucun respect pour les droits de l'homme. " Lingua mali pars pessima servi" ainsi il leur apprennait à être secrets et silencieux. Il leur donnait le sommeil quand ils ne savaient plus faire autrement. Afin d'empêcher qu'ils s'associent et pour les diriger plus facilement, il semait intentionnellement la zizanie et la jalousie entre eux, et permettait aux mâles d'acheter avec leur peculium la permission d'avoir des rapports sexuels avec les servantes de son ménage. En leur nom, ils achetaient de jeunes esclaves, qu'ils formaient, et s'est puis vendaient avec un bénéfice pour lui-même. Après avoir soupé avec ses invités, il punissait souvent sévèrement avec des lanières pour des faits insignifiants de négligence, et parfois les faisait mettre à mort. Quand ils devenaient  faibles et inutiles, il les vendait  ou les mettait à la porte. Il ne traitait pas mieux les animaux inférieurs. Son cheval de guerre qui l'accompagnait lors de sa campagne en Espagne, il le vendit en quittant le pays, parce que l'état ne voulait pas se charger des dépenses de son transport. Ces excès de caractère tyrannique et insensible n'entraina aucun scruple dans sa propre conscience, et  ne trouva aucune critique d'un opinion publique qui tolérait les jeux de gladiateurs. C'était simplement des exemples de la saine sévérité des bons vieux paterfamilias de la Sabine. Dans sa jeunesse l'austérité de sa vie fut beaucoup plus grande que dans sa vieillesse, et peut-être sa rigueur se serait encore atténuée, car il n'estimait pas qu'il avait un caractère à continuer, et sa frugale simplicité ne l'avait pas mené à l'acquisition de la richesse. Les années avançant, il rechercha le gain avec de plus en plus d'ardeur; bien que, et c'est tout à son honneur, au milieu de multiples tentations, il n'essaya jamais essayé de d'abuser de ses fonctions publiques. Il n'accepta aucun dessous de table, il ne garda aucun butin pour son propre usage; mais, insatisfait de son retour à l'agriculture, qui dépendait des aléas de Jupiter, il devint un spéculateur, non seulement d'esclaves, mais en bâtiments, eaux artificielles, et terrains. Il avait un énorme esprit mercantile. Lui qui avait été la terreur des usuriers en Sardaigne devint prêteur d'argent à intérêt nautique sur la sécurité des entreprises commerciales, alors qu'il faisait tout son possible de se protéger contre la possibilité de perte en exigeant que le risque soit divisé, et que son propre agent devrait contribuer à la gestion.



To those who admitted his superiority he was affable and social. His conversation was lively and witty. He liked to entertain his friends, and to talk over the historical deeds of Roman worthies.

The activity of this many-sided man found lei­sure for the composition of several literary works. He lived at a time when the Latin language was in a state of transition, and he contributed to en­rich it.

Cum lingua Catonis et Enni Sermonem patrium ditaverit, et nova rerum Nomina protulerit.

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CATO.

He was contemporary with some of the earliest writers of eminence in the adolescence of classical literature. Naevius died when he was quaestor under Scipio, Plautus when he was censor. Before his own death the more cultivated muse of Terence, who was born in his consulship, had appeared upon the stage.
   Le De Re Rustica, que nous possédons maintenant sous le nom de Cato, est probablement en gros de lui, bien qu'il ne soit certainement pas exactement sous la forme qui sortit de sa plume. Il se compose de matériaux très divers, concernant reliant principalement l'économie domestique et rurale. Nous pouvons y trouver des règles pour des libations et les sacrifices; des préceptes médicaux,  une recette pour un gâteau; la forme d'un contrat; la description d'un outil; la façon de s'occuper des fleurs de jardin. Les meilleures éditions de cette oeuvre sont celles qui se trouvent dans les Scriptores Rei Rusticae de Gesner (lèvres 1773-4) et de Schneider. (Lips. 1794) 
   Les instructions de Cato à son fils aîné, éditées sous forme de lettres, traitaient de divers sujets convernant l'éducation de la jeunesse romaine. Elles ont été divisées en livres, qui, cités sous divers noms, ont été considérés comme des traités séparés. Les Apophthegmata, par exemple, étaient peut-être un des livres de la collection générale. Des instructions de Cato à son fils quelques fragments demeurent, que l'on peut trouver dans les Catoniana de H. Alb. Lion, Gott. 1826, un critique de peu de mérite .
   Les fragments de ses dicours ont été repris parMeyer dans ses Oratorum, Romanorum Fragmenta, Turici, 1842.
   Les quelques passages dans le Digeste où Caton est cité sont commentés par Majansius (ad XXX JCtos); mais il est probable que les citations dans le Digeste ne se réfèrent pas au censeur, mais à son fils aîné, qui s'est spécialisé plus exclusivement dans la jurisprudence que son père. D'autres fragments juridiques de Caton sont donnés par Dirksen dans son "Bruchstücke aus den Schriften le der Römischen Juristen," p.44, &c.
   Caton, déjà à un âge avancé, commença un travail historique intitulé "
Origines," dont on conserve beaucoup de fragments. Il a été probablement édité au fur et à mesure que les nombreux livres se terminaient. Tite-Live (xxxiv. 5), dans un discours qu'il met dans la bouche du tribun Valerius pendant le consulat de Caton, dit que Valerius cite les Origines en répondant à Caton; mais on pense que c'est un anachronisme. 

(7) Car enfin qu'y a-t-il d'étrange à voir les dames romaines se réunir en masse dans les rues pour une affaire qui leur est personnelle? Ne les y a-t-on jamais vues jusqu'ici? J'en appelle contre vous, Caton, à vos 'Origines'. 

Le premier livre contenait l'histoire des rois romains; le deuxième et le troisième traitaient de l'origine des villes italiennes, et c'est de ces deux livres que vient le titre de l'ensemble de l'œuvre. Il y avait un trou dans l'histoire depuis l'expulsion des rois jusqu'au commencement de la première guerre punique, qui  formait le sujet du quatrième livre. Les événements de la deuxième guerre punique se trouvaient dans le cinquième livre, et le sixième et le septième continuaient le récit jusque l'année de la mort de Caton. (Nepos, Cato. 3.)  

Devenu vieux, il se mit à écrire des Histoires, dont il existe sept livres. Le premier contient les actions des rois du peuple romain ; le second et le troisième marquent d’où est née chaque ville d’Italie, et c’est sans doute pour cela qu’il appela tous ces livres Origines. Dans le quatrième, il renferme la première guerre punique ; dans le cinquième, la seconde. Tous ces objets sont racontés sommairement. Il a traité de la même manière les autres guerres des Romains, jusqu’à la préture de Servius Galba, qui pilla les Lusitaniens. Il n’a point nommé les généraux qui eurent la conduite de ces guerres ; il a cité les faits, sans mentionner leurs auteurs. Il a exposé dans ces mêmes livres tous les objets merveilleux qu’on voyait en Italie et dans les Espagnes

Nepos, Aulu-Gelle et Pline (H. N. viii. 5), disent qu'il a supprimé les noms des généraux qui ont participé aux guerres qu'il rapporte; mais les fragments qui nous restent montrent qu'il a fait au moins quelques exceptions à cette règle. Il est unanimement reconnu par les anciens pour avoir été un très grand travailleur et un antiquaire instruit; mais Tite-Live, dans ses premières décades, ne se sert jamais des Origines. Selon Denys (i. 74) Caton place la fondation de Rome lors de la 132ème année après la guerre de Troie, ou dans la première année de la 7ème olympiade, 751 av. J.-C.. La meilleur recueil des fragments des Origines se trouve dans les  Vitae et Fragmenta Vet. Hist. Rom. de Krause, Berlin, 1833.
   La vie de cet homme extraordinaire a été écrite par Cornélius Népos, Plutarque et Aurelius Victor. On peut retrouver beaucoup de détails supplémentaires de son histoire chez Tite-Live, qui dépeint son caractère dans un passage splendide et célèbre (xxxix. 40). 

(4) Ce célèbre personnage avait une grande force d'âme, une grande énergie de caractère, et dans quelque condition que le sort l'eût fait naître, il devait être lui-même l'artisan de sa fortune. Doué de tous les talents qui honorent le simple citoyen ou qui font l'habile politique, il possédait tout à la fois la science des affaires civiles et l'économie rurale. (5) Les uns se sont élevés au faîte des honneurs par leurs connaissances en droit, les autres par leur éloquence, d'autres enfin par l'éclat de leur gloire militaire. Caton avait un génie souple et flexible; il excellait dans tous les genres au point qu'on l'eût dit exclusivement né pour celui dont il s'occupait. (6) À la guerre, il payait courageusement de sa personne, et il se signala par plusieurs actions brillantes; parvenu au commandement suprême, ce fut un général consommé. En temps de paix, il se montra très habile jurisconsulte et très fameux orateur, (7) non pas de ceux dont le talent brille d'un vif éclat, pendant leur vie, et qui ne laissent après eux aucun monument de leur éloquence. Car la sienne lui a survécu, elle respire encore dans des écrits de tous les genres. (8) Nous avons un grand nombre de plaidoyers qu'il prononça soit pour lui-même, soit pour d'autres, soit contre ses adversaires; car il savait terrasser ses ennemis, non seulement en les accusant, mais en se défendant lui-même. (9) S'il fut en butte à trop de rivalités jalouses, il poursuivit aussi vigoureusement ses rivaux, et il serait difficile de décider si la lutte qu'il soutint contre la noblesse, fut plus fatigante pour elle que pour lui. (10) On peut, il est vrai, lui reprocher la rudesse de son caractère, l'aigreur de son langage et une franchise poussée jusqu'à l'excès; mais il résista victorieusement aux passions, et, dans sa rigide probité, il méprisa toujours l'intrigue et les richesses. (11) Économe, infatigable, intrépide, il avait une âme et un corps de fer. La vieillesse même, qui use tout, ne put le briser; (12) à l'âge de quatre-vingt-six ans il fut appelé en justice, composa et prononça lui-même son plaidoyer; à quatre-vingt-dix ans, il cita Ser. Galba devant le peuple.

   Quelques faits d'importance peuvent être glanés chez Cicéron, particulièrement dans son Cato Major ou de Senectute, et dans son Brutus. Pour les  écrivains postérieurs il  était considéré comme un modèle de la vertu romaine, et peu de noms sont plus souvent cités chez les classiques que le sien. Les modernes ont beaucoup écrit sur lui. Il y a quelques vers latins sur Caton  dans les Juvenilia de Theodore Beza. Majansius (ad XXX JCtos) a écrit sa vie avec un zèle remarquable, rassemblant et comparant presque toutes les autorités ancienens, sauf quelques unes qui discréditaient son héros. (voir également l'Excursus  de Wetzel dans son édition de Cic. de Senect. p. 256, &c.; De M. Porcii Catonis Vita Studiis et Scriptis, dans   "Scriptores Rei Rusticae," de Schneider vol. i. pars ii. init.; Bayle, Dict. s. v. Porcius ; Krause, Vitae et Fragm. &c. pp. 89-97; G. E.Weber, Commentatio de M. Porcii Catonis Censorii Vita et Moribus, Bremae, 1831; et Gerlach, Scipio und Cato, in Schweitzerisches Museum für Historische Wissenschaften, 1837; et au-dessus de tous, Drumann, Gesck, Roms, v. pp. 97 - 148.)

CEPHALON (Κεφάλων ), appelé ὁ Γεργίθιος or Γεργθιος  d'une ville située dans le territoire de Cume appelée Γέργηθες or Γέργιθες. (Strab. xiii. p. 589.) Il écrivit un récit sur les aventures d'Enée aorès la prise de Troie, appelé Troica (Τρωικά). Sa date est inconnue, mais il est appelé par Denys d'Halicarnasse (i. 72) συγγραφεὺς παλαιὸς πάνυ. Athenée (ix. 393, d.) l'appelle Cephalion, et fait remarquer que les Troica qui sont publiées sous son nom, étaient en réalité un ouvrage d'Hegesianax d'Alexandrie. (Vossius, de Hist. Graec. p. 412, ed. Westermann.) [G. E. L. C.]

DAMASTES DE SYGEE (Δαμαστὴς ὁ Σιγεὺς). Denys dans son Thucydide classe Damaste de Sigée parmi les historiens du Veme siècle dont la méthode et le style s'apparentent à ceux d'Hellanicos de Lesbos. 
Damastes (ca. 400) wrote the genealogies of the Greek leaders before Troy; also a description of the earth and its peoples, to accompany his map of the world.

DEMAGORAS (Δημαγόρας), de Samos, est mentionné par Denys d'Halicarnasse (A. R. I. 72), ainsi qu'Agathyllus, en tant qu'auteur qui était d'accord avec Cephalon sur la date de la fondation de Rome. Mais, que Demagoras ait été un poète comme Agathyllus ou pas, est incertain. Il est souvent mentionné par les grammairiens. (Bekker, Anecd. p. 377; Bachmann, Anecd. I. p. 68; Eustath. ad Il. ix 558; Eudoc. p. 35; Apostol. Prov. ii. 51; Schol. ad Eurip. Phoen.7.) [ L. S. ] 

DENYS DE CALCHIS (Διονύσιος ὁ Χαλκιδεὺς) : un historien grec qui vécur avant l'ère chrétienne. Il écrivit un livre sur la fondation des villes (κτίσεις) en cinq livres qui est souvent cité par les anciens. On a conservé un nombre considérable de gragments de son oeuvre, mais autrement cet auteur est inconnu. (Marcian. Heracl. Peripl. p. 5; Suid. s. v. Χαλκιδίνη ; Harpocrat. s. v. ῾Ηραῖον τεῖχος ; Schol. ad Apollon. Rhod. i. 558, 1024, iv.264, ad Aristoph. Nub. 397 ; Dionys.Hal. A. R. i. 72 ; Strab. xii. p. 566 ; Plut. de Malign. Herod. 22 ; Scymnus, 115; Clem. Alex. Strom. i. p. 144; Zenob. Proverb, v. 64; Apostol. xviii. 25 ; Photius, s. vv. Πραξιδίκη, Τελμισεῖς ; Eudoc. p. 438.)

A. GELLIUS,  et non Agellius comme l'imaginent Lipsius et d'autres, un grammairien latin, sur qui nous ne possédons aucune source d'information sauf son propre livre. De celui-ci nous supposons qu'il était  de bonne famille et avait de bonnes relations, probablement originaire de Rome; qu'il avait voyagé beaucoup, particulièrement en Grèce, et qu'il avait résidé pendant une période considérable à Athènes; qu'il avait étudié la rhétorique sous la férule de T. Castricius et Sulpicius Apollinaris, la philosophie sous celle de Calvisius Taurus et de Peregrinus Proteus, lié également d'amitié et ayant reçu des leçons de Favorinus, Herode Atticus, et Cornelius Fronto; qu'il avait durant sa  jeunesse été nommée par le préteur pour juger en tant qu'arbitre dans des causes civiles; et que plus tard une grande partie du temps qu'il aurait heureusement consacré aux activités littéraires fut occupé par des fonctions juridiques du même genre. La date précise de sa naissance, comme celle de sa mort, sont inconnues; mais à partir des noms de ses précepteurs et de ses compagnons nous concluons qu'il doit avoir vécu sous Hadrien, Antonin le Pieux, et Marc Aurèle (117 - 180 ap. J.-C.).
   Son oeuvre bien connue s'intitule Noctes Atticae, parce qu'il la composa dans une maison près d'Athènes pendant les longues nuits de l'hiver, c'est une sorte de mélange, contenant de nombreux extraits d'auteurs grecs et romains, sur une grande variété de matières liées à l'histoire, aux antiquités, à la philosophie et à la philologie, entremêlés de remarques originales, de dissertations et de discussions, le tout rassemblé en vingt livres, sans aucun ordre ou arrangement. Nous y trouvons une multitude de passages curieux et intéressants d'auteurs dont les travaux ont disparu, et de vastes fonds d'information sur des questions qui autrement seraient demeurées obscures; mais le style est déformé par cette espèce d'affectation qui a été poussée à l'excès par Apulée -- introduction fréquente de mots désuets et d'expressions reprises pour la plupart aux anciens poètes comiques. Le huitième livre est entièrement perdu sauf l'index, et quelques lignes au début du sixième manquaient, jusqu'à ce que le trou fut bouché à partir de l'épitomé des Institutions divines de Lactance (c. 28), d'abord publiées sous une forme complète en 1712, par Pfaff, d'après un MS. de la bibliothèque royale de Turin. Il n'est pas probable qu'une partie des Noctes Atticae ait été mise en forme avant 143 ap. J.-C., puisque, dans le deuxième chapitre du premier livre, Hérode Atticus est cité en tant que "consulari honore praeditu," et le chapitre dix-sept du treizième livre contient une allusion au deuxième consulat d'Erucius Clarus, qui date de 146 ap. J.-C.
   L'Editio Princeps de A. Gellius furt imprimée à Rome, fol. 1469, apr Sweynheym et Pannartz, avec une préface écrite par Andrew, alors évêque d'Aleria, au Pape Paul II.; elle fut réimprimée au même endroit par les mêmes typographes en 1472, suivant ou précédant la belle impression de Jenson, fol. Ven. 1472 ; et les sept autres éditions sans notes  proviennent d'Italie, surtout de Venise, avant la fin du XVème siècle. La première édition critique fondée sur la collation de MSS. fut éditée à Paris, 8vo. 1585, sous l'autorité d'Henry Stephens et Louis Carrio, elle servit de modèle pour les travaux détaillés de J. F. Gronovius, 12mo. Amst., L. Elzev., 1651, et D. Elzev., 1665, ce dernier est le meilleur. L'Octavo Variorums (Lug. Bat. 1666, 1687) reprend le texte de Jac. Grononus, avec quelques modifications par Thysius et Oiselius; mais il ne vaut pas le Quarto Variorum de Jac. Gronovius, Lug. Bat. 1706 (réimprimé, avec quelques dissertations, par Conradi, 8vo. Leips. 1762), qui doit être considéré comme la meilleure édition, avant la plus récente de Lion, 2 vols. 8vo. Getting. 1824, 1825, est un travail peu soigné et incorrect.
Nous avons comme traduction en Anglais Beloe, 3 vol., 8vo. Lond. 1795 ; en Français par l'Abbé de Verteuil, 3 vols. 12mo. Par. 1776, 1789, aet par Victor Verger, 3 vols. Par. 1820, 1830;. en Allemand (uniquement les parties qui parlent d'histoire ancienne et de philosophie) par A. H. W. von Walterstern, 8vo. Lemgo, 1785. [W. R.
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HELLANICUS (῾Ελλάνικος). De Mytilène dans l' île de Lesbos, le plus éminent parmi les logographes grecs. Il était le fils, selon certains, d'Andromenes ou d'Aristomenes, et, selon d'autres, de Scamon (Scammon), cependant ce dernier peut être simplement une erreur de Suidas (s. v. ῾Ελλάνικος). Selon le récit confus de Suidas, Hellanicus et Hérodote vécurent ensemble à la cour d'Amyntas (av. J.- C. 553 - 504), et Hellanicus était encore vivant sous le règne de Perdiccas, qui hérita du trône en 461 av. J.- C.. Ce récit, cependant, est incompatible avec la suite du récit de Suidas, qui dit qu'Hellanicus fut contemporain de Sophocle et d'Euripide. Lucien (Macrob. 22) déclare qu'Hellanicus mourut à l'âge 85 ans, et l'auteur Pamphila (ap Gellium, xv 23), qui fait de lui un contemporain de Hérodote, dit qu'au début de la guerre du Péloponnèse (431 av. J.-C.), Hellanicus avait 65 ans , de sorte qu'il serait né en  496 av. J.-C. et mort en 411 av. J.-C.  Ce récit, qui en soi est très probable, semble contredit par une déclaration d'un scholiaste (ad Aristoph. Ran, 706), pour qui il apparaîtrait qu'après que la bataille des Arginusae, en 406 av. J.-C., Hellanicus écrivait toujours; mais l'expression vague et indéfinie de ce scholiaste ne justifie pas une telle déduction, et il est d'ailleurs clair chez Thucydides (i. 97), qu'en 404 ou 403 av. J.-C. Hellanicus n'était plus vivant. Une autre autorité, un biographe anonyme d'Euripide (p. 134 des Vitarum Scriptores Graeci minores de Westermann, Brunswick, 1845), déclare qu'Hellanicus nacquit le jour de la bataille de Salamine, c.-à-d., le 20ème du mois Boedromion 481av. J.-C., et qu'il reçut son nom de la victoire d'῾Ελλάς sur les barbares; mais ce récit ressemble trop à une invention de grammairien pour expliquer le nom d'Hellanicus et ne mérite aucun crédit; et parmi les divers récits contradictoires nous sommes inclinés à adopter celui de Pamphila. En ce qui concerne la vie d'Hellanicos nous sommes tout à fait dans l'obscurité, et nous savons seulement de Suidas qu'il est mort à Perperene, une ville sur la côte de l'Asie Mineure en face de Lesbos; nous pouvons, cependant, présumer qu'il a visité au moins certains des pays dont il parle dans son histoire.
Hellanicus fut un auteur très prolifique, et si nous devions considérer tous les titres qui sont parvenus jusqu'à nous comme titres des productions authentiques et d'oeuvres distinctes, leur nombre s'élèverait presque à trente; mais les travaux récents de Preller (De Hellanico Lesbio Historico, Dorpat, 1840, 4to.) prouvent que plusieurs oeuvres portant son nom sont  des faux et de date ultérieure, et que beaucoup d'autres désignés sous le nom d'oeuvres distinctes, sont seulement des chapitres ou des sections d'autres oeuvres. Nous adoptons l'énumération de Preller, et nous mentionnons d'abord les travaux qui sont apocryphes. 
1. Αἰγυπτίακα. L'origine tardive de cette oeuvre s'impose du fragment cité par Arrien (Dissert. Epictet. II. 19) et Aulu-Gelle (i. 2; comp. Athen. XI p. 470, xv. pp 679, 680.) 
2. Εἰς ῎Αμμωνος ἀνάβασις, mentionné par Athenée (xiv p. 652), qui, cependant, doute de son authenticité. 
3. Βαρβαρικὰ νόμιμα, qui, selon l'opinion des anciens était une compilation des travaux d'Hérodote et de Damastes. (Euseb. Praep. Evang. ix. p. 466; comp. Suid. s.v. Ζάμολξις ; Etymol. Mag. p. 407. 48.) 
4. ᾿Εθνῶν ὀνομασίαι, qui semble être une compilation similaire. (Athen. xi. p. 462 ; comp. Herod, iv. 190.) C'est peut-être la même oeuvre que celle que nous trouvons citée sous le nom de Περὶ ἐθνῶν (Schol. ad Apollon. Rhod, iv. 322), Κτίσεις ἐθνῶν καὶ πόλεων, ou simplement  Κτίσεις. (Steph. Byz. s. v. Χαριμᾶται; Athen. x. p. 447.) Stéphane de Byzance cite d'autres oeuvres sous le nom d'Hellanicus, comme Κυπριακά, τὰ περὶ Λυδίαν et Σκυθικά, dont nous ne pouvons dire si elles faisaient partied'une autre oeuvre, peut-être les Περσικά (dons nous allons parler). Les Φοινικικά mentionées par Cedrenus (Synops. p. 11), et les ἱστορίαι (Athen. ix. p. 411, où  l'on doit probabkelent lire ἱερείαις pour ἱστορίαις ; Theodoret, de Aff. p. 1022), n'ont probablement jamais existé et le titre est faux Il y a un titre cité par Fulgence (Myth. i. 2), appelé Διὸς πολυτυχία, dont le titre est un mystère, et n'est cité nulle aprt ailleurs.
Laissant tomber ces oeuvres, qui sont fausses, ou du moins d'un caractère très douteux, nous allons énumérer les oeuvres véritables d'Hellanicus, selon les trois divisions retenues par Preller, à savoir généalogique, chorographique et chronologique.
I. Oeuvres généalogiques. Il est très probable, selon Preller, qu'Apollodore, en écrivant sa Bibliothèque, a suivi principalement les travaux généalogiques d'Hellanicus, et Peller suit un ordre conforme à celui dans lequel Apollonius traite ses sujets.
1. Δευκαλιωνεία, en deux livres, conenant les traditions thessaliennes depuis l'origine de l'homme, et depuis Deucalion et ses descendants jusqu'à l'époque des Argonautes. (Clem. Alex. Strom. vi. p. 629.) Les Θετταλικά cités par Harpocration (s. v. τετραρχία) est la même oeuvre ou une partie de celle-ci. 
2. Φορωνίς, deux livres : contient les traditions des Pélasges et des Argiens depuis le temps de Phoroneus et d'Ogyges jusqu'à Héraclès, peut-être même jusqu'au retour des Héraclides. (Dionys. i. 28.) Les livres Περὶ ρκαδίας (Schol. ad Apollon. Rhod. i. 162), ργολικά (Schol. ad Hom. IL iii. 75), et Βοιωτικά  (ibid. iii. 494) sont sans doute les mêmes oeuvres que le Phoronis ou des morceaux de celui-ci. 
3.᾿Ατλαντιάς, en deux livres, contient les histoires d'Atlas et des ses descendants. (Harpocrat. s.v. ῾Ομηρίδαιi; Schol. ad Horn. II. xviii. 486.) 
4. Τρωικά, en deux livre, débutant à l'époque de Dardanus. (Harpocrat. s. v. Κριθωτή; Schol. ad Hom. Il , φ, 242.) L'᾿Ασωπίς était seulement une partie des Troica. (Marcellin. Vit. Thuc. § 4.)
II. Oeuvres chronographiques. 
1. ᾿Ατθίς, ou une histoire de l'Attique, se composant au moins de quatre livres. Le premier contenait l'histoire de la période mythique; le seconde comprend principalement l'histoire et les antiquités des dèmes attiques; le contenu du troisième et du quatrième est peu connu, mais nous savons qu'Hellanicus a traité des colonies de l'Attique établies en Ionie, et la suite des événements jusqu'à sa propre époque.  (Preller, I.c. p. 22, &c.; comp. Thuc. i. 97.) 
2. Αἰολικά, ou l'histoire des Éoliens en Asie Mineure et des îles de la mer Égée. Les Lesbiaca et Περὶ Χίου κτίσεως semblent être un chapitre des Aeolica. (Tzetz. ad Lycoph. 1374 ; Schol. ad Pind. Nem. xi. 43, ad Hom, Od. viii. 294.) 
3. Περσικά, en deux livres, contient l'histoire de la Perse, de la Médie et de l'Assyrie depuis l'époque de Ninus jusqu'à Hellanicus lu-même, comme on peut  déduire à partir des fragments qui existent encore, et comme  le déclare explicitement Cephalion dans Syncellus (p. 315, ed. Dindorf).
III. Oeuvres chronologiques. 
1. ῾Ιέρειαι τῆς ρας, en deux livres, contient une liste chronologique des prêtresses d'Héra à Argos. Il y a certainement existé à Argos dans le temple des récits sur Héra sous forme d'annales, qui remontent aux temps les plus anciens à l'époque où ils provenaient de traditions orales. Hellanicus s'est servi de ces récits, mais son travail n'était pas une seulement une simple énumération, mais il y avait incorporé une variété de traditions et d'événements historiques, pour lesquels il n'y avait aucune place dans aucun de ses autres oeuvres, et il a ainsi produit une sorte de chronique. Il était un des plus anciens à essayer de réglementer la chronologie, et s'en servirent Thucydide  (ii. 2, iv. 1, 33), Timée (Polyb. xii. 12), and d'autres. (Comp. Plut. De Mus. p. 1181 ; Preller, l. c. p. 34, &c.) 
2. Καρνεονῖκαι, ou une énumération chronologique des victoires dans les concours musicaux et poètiques lors des fêtes des Carneia. Cette oeuvre peut être regardée comme une première tentative d'une histoire de la littérature en Grèce. Une partie de cette oeuvre, et peut-être une première édition de celle-ci était, dit-on, en vers. (Athen. xiv. p. 635.) Suidas dit qu'Hellanicus écrivit beaucoup de livres en prose et en vers ; mais cette dernière façon de faire n'est pas connue. 
Toutes les oeuvres d'Hellanicus sont perdues, sauf un nombre considérable de fragments. Bien qu'il appartienne, à proprement parler, aux logographes (Dionys. Jud. de Thucyd. 5; Diod. i. 37), il a une place plus grande parmi les premiers historiens grecs que n'importe lequel de ceux qu'on nomme logographes. Il forme la transition de cette classe d'auteurs aux vrais historiens; il a non seulement traité des périodes mythiques, mais, dans plusieurs exemples, il traité l'histoire de son propre temps. Mais, pour ce qui concerne la forme de l'histoire, il ne s'est pas émancipé de la coutume et de la pratique des autres logographes : comme eux, il traite l''histoire d'un point de vue local, et la divise en parties qui peuvent être relatées sous forme de généalogies. Par conséquent il a écrit des histoires locales et des traditions. Cette circonstance, et les nombreuses différences entre ses récits et ceux d'Hérodote, montrent qu'il est fort probable que ces deux auteurs ont travaillé tout à fait indépendamment l'un l'autre, et que l'un était inconnu de l'autre. Cela n'est pas surprenant que,  vu les anciennes traditions, il manquait de critique historique, et nous pouvons croire Thucydide (i. 97), qui indique qu'Hellanicus écrivit l'histoire des périodes postérieures brièvement, et qu'il n'était pas précis dans sa chronologie. Dans ses vues géographques aussi, il semble avoir dépendu très fort de ses prédécesseurs, et a recopié, pour la plupart, ce qu'il a trouvé chez eux; c'est pourquoi Agathemerus (l. c), qui l'appelle ἀνὴρ πολυίστωρ, dit qu'il ἀπλάστως παρέδωκε τὴν ἱστορίαν; mais la critique pour mensonge et les autres reproches faits contre lui par des auteurs tels que Ctésias (ap. Phot. Bibl. Cod. 72), Théopompe (ap. Strab. I. p. 43), Ephore (ap. Joseph, c. Apion, i. 3; comp.. Strab. viii. p. 366), et Strabon (X. p. 451, XI p. 508, XIII. p. 602), est évidemment partale, et ne devrait pas nous influencer dans notre jugement sur ses mérites ou défauts comme auteur; il ne peut y avoir aucun doute qu'il était un compilateur instruit et diligent, et d'après les sources qui nous restent, il était digne de confiance. Ses fragments sont rassemblés par Sturz, Hellanici Lesbii Fragmenta, Lips. 1796, 8vo., 2e édition 1826; dans le Museum Criticum, vol. ii. p. 90 - 107, Camb. 1826; et chez C. et Th Müller, Fragmenta Histor. Graec. p. 45 - 96. (Dahlmann, Herodot. P. 122, Müller, Hist. of Greek . p. 264, et particulièrement le travail de Preller cité plus haut.)

 Ἑλλάνικος, Μιτυληναῖος, ἱστορικός, υἱὸς Ἀνδρομένους, οἱ δὲ Ἀριστομένους, οἱ δὲ Σκάμωνος: οὗ ὁμώνυμον ἔσχεν υἱόν. διέτριψε δὲ Ἑλλάνικος σὺν Ἡροδότῳ παρὰ Ἀμύντᾳ τῷ Μακεδόνων βασιλεῖ κατὰ τοὺς χρόνους Εὐριπίδου καὶ Σοφοκλέους: καὶ Ἑκαταίῳ τῷ Μιλησίῳ ἐπέβαλε, γεγονότι κατὰ τὰ Περσικὰ καὶ μικρῷ πρός. ἐξέτεινε δὲ καὶ μέχρι τῶν Περδίκκου χρόνων καὶ ἐτελεύτησεν ἐν Περπερηνῇ τῇ κατ' ἀντικρὺ Λέσβου. συνεγράψατο δὲ πλεῖστα πεζῶς τε καὶ ποιητικῶς. (SUIDAS) 

HIERONYMUS (῾Ιερώνυμος), de Cardie, un historien qui est souvent cité comme une des autorités en chef pour l'histoire des temps suivant immediatement la mort d'Alexandre. Il avait pris lui-même une part active dans les événements de cette période. Qu'il ait accompagné son concitoyen Eumène pendant les campagnes d'Alexandre, nous n'en avons aucun témoignage direct, mais après la mort de ce prince, nous le trouvons non seulement attaché au service de son compatriote, mais installé déjà à une place digne de confiance. Il semble probable aussi à partir des passages où il fait référence au magnifique cortège ou au char funéraire d'Alexandre, que son admiration était celle d'un témoin oculaire, et il était présent à Babylone au temps de sa construction. (Athen. v. p. 206 ; comp. Diod. xviii. 26.) La première fois qu'on parle de lui c'est en 320 av. J.-C., quand il fut envoyé par Eumène, à l'époque où il était enfermé dans le château de Nora, à la tête de la députation qu'il envoya à Antipater. Mais avant de pouvoir retourner chez Eumène, la mort du régent produisit un changement complet de la position relative des parties, et Antigone, maintenant désireux de se concilier Eumène, Hieronymus fut chargé d'être le porteur des offres et des protestations amicales à son ami et compatriote. (Diod. xviii. 42, 50; Plut. Eum. 12.) mais bien que Hieronymus fut alors choisi par Antigone pour entreprendre cette ambassade, dans la lutte qui s'ensuivit il adhéra à la cause d'Eumène et acompagna ce chef jusqu'à sa captivité finale. Dans la fataille finale de Gabiene (316 av. J.-C.) Hieronymus fut lui-même blessé et tomba aux mains d'Antigonus, qui  le traita avec la plus grande bonté, et à qui dorénavant il s'attacha. (Diod. xix 44.) En 312 av. J.-C., nous le trouvons sur ordre de ce monarque avec la charge de rassembler le bitume de la mer morte, un projet qui échoua à cause de l'hostilité des Arabes voisins. (Id. xix 100.)
 L'affirmation de Josèphe (c. Apion. i. 23) qu'il fut un moment nommé par Antigonue comme gouverneur de Syrie, est plus que probablement incorrecte. Après la mort d'Antigone, Hieronymus continua à suivre la fortune de son fils Démétrius, et il est de nouveau mentionné en 292 av. J.-C. comme étant engagé par le dernier gouverneur ou harmoste de Béotie, après sa première conquête de Thèbes. (Plut. Demetr. 39.) S'il fut rétabli dans cette charge quand Thèbes, après avoir secoué son joug quelque temps, retomba aux mains de Démétrius, nous n'en savons rien car nous ne possédons pas d'informations sur les événements du reste de sa longue vie; mais on peut supposer, par l'hostilité envers Lysimaque et Pyrrhus manifestée dans ses écrits lontemps après, qu'il continua inébranlablement à être attaché à Demetrius et  après lui, à son fils, Antigone Gonatas. On sait qu'il survécut à Pyrrhus, dont la mort en 272 av. J.-C., est mentionnée dans son histoire (Paus. i. 13. § 9)  et qu'il mourut  à l' âge avançé de 104 ans, ayant eu l'avantage peu commun de conserver sa force et ses facultés intactes jusqu'au bout. (Lucian. Macrob. 22.)
L'oeuvre historique de Hieronymus est citée sous de divers titres (ὁ τὰς τῶν διαδόχων ἱστορίας γεγραφώς, Diod. xviii. 42; ἐν τῇ περὶ τῶν ἐπιγόνων πραγματείᾳ, Dionys. I. 6), et ces deux titres ont été parfois considérés comme deux oeuvres séparées; mais il semble probable, pour la plupart des gens, qu'il a écrit une oeuvre générale, comportant l'histoire de la mort d'Alexandre à celle de Pyrrhus, si pas plus tard. S'il a écrit lui-même le récit des guerres d'Alexandre est pour le moins douteux, parce que les quelques faits cités par lui qui précédent la mort de ce monarque sont pourraient facilement avoir été mentionés  incidemment; et le passage dans Suidas (s. v. ῾Ιερώνυμος), qui est cité par Fabricius pour montrer qu'il écrivit  une histoire de ce prince, est manifestement corrompu, Il est probale que nous devrions lire τὰ ἐπ' ᾿Αλεξάνδρῳ, au lieu de τὰ ὑπ' ᾿Αλεξάνδρου proposé par Fabricius. Et il n'y a aucune raison de dire (comme cela a té fait par l'Abbé Sevin, Mém. de l'Acad. des Inscr. vol. xiii. p. 32), que son histoire de Pyrrhus était un travail distinct, bien qu'il soit à plusieurs reprises cité par Plutarque comme une autorité dans sa vie de ce prince. (Plut. Pyrrh. 17, 21.) C'était dans cette partie de son oeuvre, aussi, qu'il trouva naturellement l'occasion d'évoquer les affaires de Rome, et il est par conséquence mentionné par Denys comme un des premiers auteurs grecs qui aient donné un exposé de l'histoire de cette ville (Dionys. i. 6).
 Mais que Denys lui-même n'a pas suivi son autorité lors de l'expédition de Pyrrhus en Italie est évident si l'on regarde les passages de Plutarque déjà cités, dans lesquels les récits des deux sont contrastés. Hieronymus est cité par Denys (de comp. 4) parmi les auteurs dont le style défectueux les rend presque impossible à lire . Il est également sévèrement critiqué par Pausanias pour son partialité envers Antigone et Démétrius, et l'injustice qu'il a montrée en conséquence envers Pyrrhus et Lysimaque. Sous le dernier monarque, en effet, il avait un motif supplémentaire d'hostilité : Lysimaque avait détruit sa ville natale de Cardie pour faire place à la fondation de Lysimacheia. (Paus. i. 9. § 8, 13. § 9.) Il y a peu le doute que l'histoire des successeurs immédiats d'Alexandre (les διάδοχοι et les ἐπίγονοι), qui est arrivée jusqu'à nous, est derivée dans sa grande partie de Hieronymus, mais il est impossible de déterminer dans quelle mesure son autorité a été suivie par Diodore et par Plutarque.  (Voir sur ce point Heyne, De Font. Diodori, p. cxiv. dans l'édition de Dindorf de Diode ; et concernant Hieronymus en général, Vossius, de Historicis Graecis, p. 99, ed. Westermann ; Sevin, Recherches sur la Vie et les Ouvrages de Jerome de Cardie, dans les Mém. de l'Acad. des Inscr. vol. xiii. p. 20, &c. ; et Droysen, Hellenism, vol. i. pp. 670, 683.)

Ἱερώνυμος, Καρδιανός, ὃς τὰ ἐπ' Ἀλεξάνδρῳ πραχθέντα συνέγραψε. Καρδία δὲ ὄνομα πόλεως. (SUIDAS)

MACER, C. LICINIUS. Un annaliste et un orateur romain, il était le père de C. Licinius Calvus, et doit être né vers 110 av. J.-C.. Il était probablement questeur en 78 av. J.-C., tribun de la plèbe en 73, fut par la suite nommé préteur et devint gouverneur d'une province. Il se distingua par son hostilité envers C. Rabirius, qu'il accusa (73 av. J.-C.) d'avoir participé à la mort de Saturninus, un délit  pour lequel le même individu fut accusé une seconde fois dix ans plus tard. Macer lui-même fut attaqué par Cicéron en 66 av. J.-C., quand ce dernier était préteur, en vertu de la loi De Repetundis; et voyant, malgré l'influence de Crassus, avec qui il était étroitement lié, que le verdict était contre lui, il se suicida immédiatement avant que tous les formulaires soient remplis, et sauva ainsi sa famille du déshonneur et de la perte qui se seraient abattus sur eux s'il avait été régulièrement condamné. C'est l'exposé donné par Valère-Maxime, et il ne diffère pas dans la fond de celui présenté par Plutarque.
   Ses Annales, ou Rerum Romanarum Libri, ou Historiae, selon leurs différentes appellations par les grammairiens, sont souvent citées avec respect par Tite-Live et Denys. Elles débutent à l'origine même de la ville, et se prolongent  pendant vingt et un livres au moins; mais il est impossible de dire s'il a términé le récit des événements à son propre temps puisque les citations qui existent encore appartiennent aux premiers âges seulement. Il semble qu'il ait prêté une grande attention à l'histoire de la constitution, et qu'il ait consulté des sources anciennes, particulièrement les Libri Lintei conservés dans le temple de Juno Moneta, notantt soigneusement les points dans lesquels ils étaient en désaccord avec les idées reçues. Pour sa diligence dans son oeuvre, Niebuhr conçoit qu'il doit été plus digne de confiance qu'un quelconque de ses prédécesseurs, et suppose que les nombreux discours dont il  trufait  son oeuvre ont apporté de matériaux à Denys et à Tite-Live. Cicero parle de lui avec beaucoup de froideur et de mépris de ses mérites comme auteur et comme orateur, mais on doit tempérer sans doute son avis dans ce cas-ci pour l'hostilité personnelle.
   Quelques mots d'un discours, Pro Tuscis, ont été gardé par Priscien (x. 8, p. 502, ed. Krehl), et une phrase d'une Epistola ad Senatum, par Nonius Marcellus (s. v. contendere). (Pigh. Ann. ad ann. 675 ; Sall. Histor. iii. 22, p. 252, ed. Gerlach ; Cic. ad Att. i. 4, pro Rabir. 2, de Leg. i. 2, Brut. 67 ; Val. Max. ix. 12. § 7 ; Plut. Cic. 9 ; Macrob. i. 10, 13; Censorin. de Die Nat. 20; Solin. 8; Non. Marcell. s.vv. ctypeus, contendere, luculentum, lues, patibulum; Diomed. i. p. 366, ed. Putsch, Priscien. vi. 11, p. 256, x. 6, p. 496, ed. Krehl; dans le dernier passage nous lisons Licinius pour Aemilius; Liv. iv. 7,20,23, vii. 9, ix. 38, 46, x. 9 ; Dionys. ii. 52, iv. 6, v. 47, 74, vi. 11, vii. 1 ; Auctor, de Orig. Gent. Rom. 19, 23; Lachmann, de Fontibus Hisloriar. T. Livii Comment. prior, § 21 ; Krause, Vitae et Frag. Hist. Rom., p. 237 ; Meyer, Orat. Rom. Frag. p. 385, 2nd ed.; Weichert, Poet. Lat. Reliquiae, p. 92.) [W.R.]

PHANODEMUS (Φανόδημος), auteur d'une de ces oeuvres sur les légendes et les antiquité de l'Attique connues sous le nom d'Atthides. L'époque et le leu de naissance de Phanodemus sont incertains . On peut conjecturer, par un passage de Proclus, (ad Platon. Tim. p. 30, ed. Basil.) que Théopompe écrivit contre lui, mais le passage de Proclus ne le prouve pas. Phanodemus vécut en tout cas avant l'époque d'Auguste, puisqu'il est cité par le grammairein Didymus (Harpocrat. s. v. γαμηλία) et Denys d'Halicarnasse (i. 61). Le lieu de naissance de Phanodemus pourrait être, suivant un passage d'Hesychius (s. v. Γαλεοί), Tarente, puisque ce dernier parle de  Phanodemus et de Rhinthon comme des Ταρεντῖνοι, mais on a bien conjecturé qu'on doit lire dans ce passage Ταρεντῖνος, parce que seul Rhinthon était de Tarente. Il est donc fort probable qu'il était natif de la petite île d'Icus, une des Cyclades, parce que nous savons qu'il a écrit un livre spécifique sur cette île. En tout cas il s'identifie avec l'Attique et parle avec enthousiasme de sa grandeur et de sa gloire.
Trois oeuvres de Phanodemus sont citées, mais la première était de loin la plus importante :
1. ᾿Ατθίς : on en a parlé plus haut . Ce doit être été un travail d'une ampleur considérable, car on mentionne le neuvième livre (Harpocrat. s. v. Λεωκόρειον). Nous citons en annexe quelques passages d'auteurs anciens qui le citent : une liste complète se trouve dans les oeuvres suivantes dont nous donnons les titres (Athen. iii. p. 114, c. ix. p. 392, d. x. p. 437, c, xi. p. 465, a.; Plut. Them. 13, Cim. 12, 19). 
2. Δηλιακά (Harpocrat. s. v. ῾Εκάτης νῆσος). Il n'y a pas de raison de changer le nom de Phanodemus en celui de Phanodicus dans le passage d'Harpocration, comme Vossius l'a fait, ni d'adopter la modification de Siebelis, qui asssigne cette oeuvre à Semus. 
3. κιακά, une histoire de lîle d'Icus (Steph. Byz. s. v. κός). 
Les fragments de Phanodemus ont été colléctés par Siebelis, Phanodemi, Demonis, &c., Fragmenta, Lips. 1812 (p. v. et pp. 3 - 14), et par C. et Th. Müller, Fragmenta Historicorum Graecorum, Paris, 1841 (pp. lxxxiii. Ixxxvii. and pp. 366 - 370). 

PHÉRÉCYDE  (Φερεκύδης) d'Athènes, était le plus célèbre des logographes grecs. Suidas parle d'un Phérécyde de Léros, qui était historien ou logographe ; mais Vossius (De Hist. Graecis, p. 24, ED. Westermann) a démontré qu'il s'agissait du même personnage que l'Athénien.  
   Il était né dans l'île de Léros, mais il vécut la plus grande partie de sa vie à Athènes. Ajoutons que, hormis Suidas, on ne trouve qu'une seule fois son nom mentionné (Comp. Diog. Laërce I, 119 ; Strab. X, p. 487, b). Suidas fait également une erreur en disant qu'il était plus âgé que son homonyme de Syros.  
   L'époque où il vécut n'est pas déterminée ; Suidas le situe avant la soixante-quinzième Olympiade, vers 480 av. J.-C. ; mais Eusèbe et la Chronicon Paschale le fait naître durant la quatre-vingt-unième Olympiade, vers 456, enfin, Isidore (Orig. I, 41) durant la quatre-vingtième. On n'a toutefois aucun doute sur le fait qu'il ait vécu au cours de la première moitié du Ve siècle av. J.-C., et qu'il ait été le contemporain d'Hellanicos et d'Hérodote.  
   On a longtemps cru que cétait lui dont parlait Lucien dans ses exemples de longévité, puisqu'il aurait vécu jusqu'à l'âge de 85 ans. (Lucien, de Macrob. 22, où il s'appelle incorrectement ὁ Σύριος  au lieu de ὁ Λέριος.  
   Suidas attribue plusieurs ouvrages à l'Athénien ou au Phérécyde lérien. Le lexicographe rapporte que certains ont considéré Phérécyde comme un collecteur de textes orphiques. Mais cela n'a rapport qu'au philosophe. Il parle également de Παραινέσεις δι' ἐπῶ, qui, cependant, ne doit pas être attribué à l'Athénien. L'autre écrit évoqué par Suidas, Περὶ Λέρου, Περὶ ᾿Ιφιγενείας, Περὶ τῶν Διονύσου ἑορτῶν peut, en revanche, avoir été écrit par l'historien, mais aucun fragment n'a été conservé.  
   Sa grande œuvre, fréquemment citée par les Scholiastes et Apollodore, était une histoire mythologique en dix livres, qui portait des titres variés, en raison de la diversité de son contenu. Elle est appelée, soit ῾Ιστορίαι, soit Αὐτόχθονες, soit ᾿Αρχαιολογίαι ; les nombreux extraits que nous en possédons sont difficilement identifiables dans un livre ou dans un autre.  
   Cet écrit débutait avec une théogonie, puis relatait l'Age héroïque et les grandes familles de cette époque, celles qui forgèrent le sentiment religieux des anciens Grecs.  
   Les fragments de Phérécyde ont été recueillis par Sturtz, Pherecydis Fragmenta, Lips. 1824, 2e éd.; et par Car. et Théod.
Müller in Fragmenta Historicorum Graecorum, p. XXXIV, &c., p. 70, &c.

PICTOR  (Q. Fabius Pictor - Κόϊντος Φάβιος),  fut le plus ancien écrivain de l'Histoire de Rome en prose, et c'est pourquoi il est ordinairement placé à la tête des annalistes romains. Il est appelé par Tite-Live scriptorum antiquissimus (i. 44) et longe antiquissimus auctor (ii. 44). Il servit lors de la guerre contre les Gaulois en 225 av. J.-C. (Eutrop. iii. 5 ; Oros. iv. 13 ; voir. Plin. H. N. x. 24. s. 34), et aussi lors de la seconde guerre punique ; et qu'il jouissait d'une considérable réputation chez ses contemporains est mis en évidence par le fait qu'il fut envoyé à Delphes, après le désastre de la bataille de Cannes en 216 av. J.-C., pour consulter l'oracle pour demander comment les Romains pourraient apaiser les dieux (Liv. xxii. 57, xxiii. 11 ; Appian, Annib. 27). Nous lisons chez Polybe (iii. 9. § 4) qu'il avait un siège au sénat, et par conséquent qu'il devait avoir exercé les fonctions de questeur; mais nous ne possédons aucune autre information sur sa vie. L'année de sa mort est incertaine. Le C. Fabius Pictor dont Tite-Live parle de la mort (xlv. 44) en 167 av. J.-C. est une personne différente de l'historien.  On pourrait supposer, en sa basant sur le fait qu'il n'obtint aucune des hautes dignités de l'état, qu'il mourut peu après son retour de Delphes; mais, comme Polybe (iii. 9) parle de lui comme d'un des historiens de la deuxième guerre punique, il ne peut être mort si tôt; et il est probable que ses habitudes littéraires l'aient rendu peu enclin à s'engager dans les services actifs exigés des magistrats romains à cette époque.
L'Histoire de Fabius Pictor commence probablement avec l'arrivée d'Enée en Italie, et se termine à sa propre époque. Les premiers événements sont relatés avec concision ; mais la portion de l'histoire dont il fut le contemporain, était développée avec la plus grande minutie (Dionys. i. 6). Nous ne savons pas en combien de livres son oeuvre était divisée, ni jusqu'à quel point il est allé. Il contient un récit de la bataille du lac Trasimène (Liv. xxii. 7); et Polybe, comme nous l'avons déjà remarqué, parle de lui en tant qu'un des historiens de la deuxième guerre punique. Nous avons le témoignage clair de Denys (/. c.) que le travail de Fabius fut écrit en Grec; mais on suppose à partir de Cicéron (de Orat. II. 12, de Leg. i. 2), d'Aulu-Gelle (v. 4, x. 15), de Quintilien (i, 6 § 12.), et de Nonius (s. v. Picumnus), qu'il doit avoir écrit aussi en latin. Cependant, c'est très improbable; et car nous savons il y avait deux auteurs latins du nom de Fabius, Ser. Fabius Pictor, et Q. Fabius Maximus Servilianus, il est vraisemblable que les passages cités plus haut se rapportent à un de ces derniers, et non pas à Quintus.
L'oeuvre de Q. Fabius Pictor était d'une grande valeur, et est fréquemment mentionné par Tite-Live, Polybe et Denys. Polybe (i. 14, iii. 9), accuse Fabius de le grande partialité envers les Romains; et car il écrivait  pour les Grecs et il était sans doute désireux de montrer le bon côté de ses compatriotes. Il semble que son oeuvre contienne un récit très précis des changements constitutionnels à Rome; Niebuhr attribue les qualités de Dion Cassius dans cette partie de son histoire au fait qu'il suit l'oeuvre de Fabius (Hist. de Rome, vol ii, note 367). Dans son récit des légendes anciennes de Rome on dit que Fabius adoptait les vues de Diocles de Peparethus. (Möller, De Q. Fabio Pictore, Altorf, 1690; Whiste, De Fabio Pictoreceterisque Fabiis Historicis, Hafniae, 1832 de ; Vossius, De Hist. Lat. p. 12; Krause, Vitae et Fragm de  Hist. Rom. p. 38, &c.; Niebuhr, Lectures on Roman History, vol. I. p 27, ed. Schmitz.)

PISO 

L. CALPURNIUS PISO FRUGI, consul en 133 av. J.-C.. Son origine est tout à fait incertaine, puisque ni les Fasti ni les pièces de monnaie ne mentionnent le nom de son père. C'est son intégrité et sa conscience qui le firent surnommer Frugi, qui est peut-être presque l'équivalent de notre "homme d'honneur," mais sa valeur exacte est longuement expliquée par Cicéron (Tusc. iii. 18). Piso était tribune de la plèbe en 149 av. J.-C., l'année où il proposa la première loi pour punir l'extorsion dans les provinces (Lex Calpurnia de Repetundis, Cic. Brut. 27, Verr. iii. 84, iv. 25, de Off. ii. 21). En 133 av. J.-C. il était consul avec P. Mucius Scaevola, et fut envoyé en l'Italie contre les esclaves. Il gagna une victoire sur eux, mais ne les soumit pas, et il fut remplacé au commandement par le consul P. Rupilius (Oros. v. 9 ; Val. Max. ii. 7. § 9). Piso était un défenseur loyal du parti aristocratique; et bien qu'il ne fermait pas les yeux sur leurs crimes, comme le montre sa loi contre l'extorsion, il était très peu disposé à tolérer aucune intrusion sur leurs droits et privilèges. Il s'opposa donc avec énergie aux mesures de C. Gracchus, et on parle particulèrement de lui comme d'un adversaire véhément de la lex frumentaria de ce dernier (Cic. pro Font. 13, Tusc. iii. 20). Il fut appelé Censorius par plusieurs auteurs antiques; et bien que la date de sa censure soit incertaine, on peut sans doute la placer en 120 av. J.-C.. Piso laissé des discours solennels, qui avaient disparu au temps de Cicero, et des annales, qui contenaient l'histoire de Rome de la période la plus ancienne jusqu'à son temps. Cete oeuvrel, qui, selon le jugement de Cicéron (Brut. 27), était écrite dans un style pauvre, est fréquemment citée par les auteurs anciens. Piso était, selon Niebuhr, le premier auteur romain qui introduisit l'habitude de donner une interprétation rationelle aux mythes et aux légendes de l'histoire romaine ancienne. (Comp. Niebuhr, Hist. of Rome, vol. i. pp. 235, 237, vol. ii. p. 9 ; Lachmann, De Fontibus T. Livii, p. 32 ; Krause, Vitae et Fragm. Hist. Roman, p. 139 ; Liebaldt, De L. Pisone Annalium Scriptore, Naumburg, 1836.)

POLYBIUS (noAjtoos). L'historien était le fils de Lycortas, et natif de Mégalopolis, une ville d'Arcadie. L'année de sa naissance est incertaine. Suidas (s. v.) place sa naissance sous le règne de Ptolémée Évergète, qui mourut en 222 av. J.-C.. Mais il est certain que Polybe ne peut être né si tôt; il nous dit lui-même (xxv 7) qu'il fut nommé ambassadeur en Égypte avec son père et Aratus le jeune en 181av. J.-C., alors qu'il n'avait pas encore atteint l'âge légal, qu'il était, dit-il, (xxix. 9), de trente ans chez les Achéens. Mais s'il était né, selon Suidas, avant la mort de Ptolémée Évergète, il devait alors avoir quarante ans. De plus, si fallait une autre preuve, il est impossible de croire qu'il ait pu prendre une part active dans les affaires publiques lors de la chute de Corinthe en 146 avant J.-C., s'il naquit aussi tôt que le prétend Suidas. Nous pouvons donc, sans beaucoup nous tromper, supposer avec Casaubon qu'il est né aux environs de 204 av. J.-C., puisque dans ce cas il aurait eu environ vingt-cinq ans au moment de  sa désignation pour l'ambassade en Égypte. 
Lycortas, le père de Polybe, était un des hommes les plus distingués de la ligue achéenne; et son fils reçut donc les avantages de sa formation dans la connaissance politique et l'art militaire. Il doit aussi avoir retiré de grands avantages de ses rapports avec Philopoemen, qui était un ami de son père, et qui mourut en 182 av. J.-C. Lycortas fut nommée général de la ligue. À l'enterrement de Philopoemen, cette année-là, Polybe porta l'urne dans laquelle ses cendres étaient déposées. (Plut. Philpoem. 21, An seni gerunda sit respubl, p. 790, &c..) L'année suivante, comme nous avons déjà dit, Polybe fut nommé un des ambassadeurs en Égypte, mais il ne quitta pas la Grèce, car on abandonna l'idée d'envoyer une ambassade. L'année suivante il commença probablement  à participer aux affaires publiques, et il semble avoir bientôt obtenu une grande influence parmi ses compatriotes. Quand la guerre éclata entre les Romains et le roi Persée de Macédoine, un problème grave se posa aux Achéens : quelle ligne politique devaient-ils adopter. Le parti pro-romain de la ligue était dirigée par Callicratès, sycophante opportuniste sans scrupules ne reconnaissant aucune loi  mais uniquement la volonté de Rome. Il était contré par Lycortas et ses amis: et les ambassadeurs romains, Popillius et l'Octavius, qui arrivèrent dans le Péloponnèse au début de 169 av. J.-C., se plaignirent que certains des hommes les plus influents dans la ligue étaient défavorables à la cause romaine et citèrent les noms de Lycortas, Archon, et Polybe. La partie plus modérée, qui ne souhaitait pas sacrifier l'indépendance nationale, et qui pourtant redoutait un combat contre les Romains, consciente de son incapacité de résister à la puissance de ces derniers, était divisée sur la ligne de conduite à suivre. Lycortas leur recommandait de garder une stricte neutralité, puisqu'ils ne pouvaient espérer gagner quelque chose d'un côté ou de l'autre; mais Archon et Polybe pensaient qu'il valait mieux ne pas adopter une telle résolution, mais se laisser guider par les circonstances, et au besoin, aider les Romains. Ce point de vue reçut l'approbation de la majorité de son parti; et en conséquence, en 169 av. J.-C. Archon fut nommé stratège de la ligue, et Polybe commandant de la cavalerie, pour mettre ce point de vue à exécution. Les Achéens peu de temps après firent un décret, mettant toutes leurs forces à la disposition du consul romain, Q. Marcius Philippus; et Polybe fut envoyé en Macédoine pour se mettre au service du consul. Marcius, mais celui-ci refusa leur aide pour le présent. (Polyb. xxviii. 3, 6.) Durant l'année suivante, 168 av. J.-C., les deux Ptolémées, Philométor et son frère Evergetès II., envoyèrent aux Achéens, pour demander de l'aide contre Antiochus Épiphanes, et, si cette aide était refusée, de demander à Lycortas et à Polybe de venir chez eux, afin de les aider de leur conseil dans la conduite de la guerre. Mais comme Antiochus fut peu de temps après obligé par les Romains d' abandonner ses tentatives contre les Ptolemées, aucune de ces mesures ne fut nécessaire, et donc Polybe resta chez lui (xxix. 8).
Après que la chute de Persée et la conquête de la Macédoine  deux commissaires romains, C. Claudius et Cn. Dolabella, visitèrent le Péloponnèse, afin de faire avancer les intérêts romains dans le sud de la Grèce. À l'instigation de Callicratès, ils ordonnèrent que 1000 achéens soient conduits à Rome, pour répondre à l'accusation de n'avoir pas aidé les Romains contre Persée. Ce nombre incluait toute la meilleure et la plus noble partie de la nation, et parmi eux était Polybe. Ils arrivèrent en Italie en 167 av. J.-C., mais, au lieu de rester ensemble,  ils furent dispersés dans les villes étrusques. Polybe eut plus de chance que ses autres compagnons dans le malheur. Il avait sans doute fait connaissance en Macédoine avec Aemilius Paulus, ou avec ses fils Fabius et Scipio, et les deux jeunes gens obtinrent alors du préteur la permission que Polybe réside à Rome dans la maison de leur père Paulus. Scipio avait alors dix-huit ans, et s'attacha bientôt chaudement à son illustre exilé et lui donna aide et conseil, aussi bien dans ses études privées que dans sa vie publique. L'amitié qui se forma ainsi entre le jeune romain noble et l'exilé grec fut fort profitable aux deux parties: Scipio fut accompagné de son ami dans de toutes ses expéditions militaires, et reçut beaucoup d'avantages de l'expérience et de la connaissance du dernier; tandis que Polybe, sans compter qu'il avait trouvé un patron libéral et protecteur dans son exil, pouvait par ce moyen obtenir l'accès aux documents publics, et accumuler des matériaux pour son grand travail historique (Polyb. xxxii. 9, &c.; Pans vii. 10).
Les exilés achéens restèrent dix-sept ans en Italie. Les Achéens avait souvent envoyé des ambassades au sénat implorer un procès ou pour relâcher leurs compatriotes, mais toujours sans succès. Même leur ferventes supplications que seuls Polybe et Stratius soient libérés, furent refusées. Finalement en 151 av. J.-C., Scipion exerça son influence sur Caton le censeur pour l'obliger à libérer les exilés, et l'autorité de ce dernier porta ses fruits, non sans une lutte féroce et des discussions prolongées au sénat. Après que leur retour fut décidé, Polybe fut impatient d'obtenir du sénat en son nom et en celui de ses compatriotes la faveur supplémentaire d'être rétablis dans les honneurs qu'ils avaient obtenus autrefois; mais en consultant Caton, le vieil homme le pria, avec un sourire, de prendre garde de retourner, comme Ulysse, dans l'antre du Cyclope, chercher toutes les bagatelles qu'il lui avait laissées. (Polyb. xxxv. 6; Plut. Cat. Maj. 9; Paus.vii. 10.) Polybius retourna dans le Péloponnèse cette année-là avec les autres exilés achéens, qui étaient passés durant leur exil de 1000 à 300. Pendant son séjour en Grèce, qui ne dura cependant pas longtemps, il recommanda instamment à ses compatriotes la paix et la réconciliation, et il essaya de contrecarrer les projets fous du parti qui employait tous ses efforts à pousser les Achéens dans une lutte désespérée contre la puissance romaine. Quand cela fut trop tard, les Achéens comprirent et reconnurent la sagesse de son conseil; et une statue érigée en son honneur avait sur son piédestal l'inscription suivante : "Que la Grèce aurait été sauvée, si elle avait suivi les conseils de Polybe" (Paus. viii. 37, § 2). La première année de la troisième guerre punique, en 149 av. J.-C.), le consul M'. Manilius demanda à Polybe de le rejoindre à Lilybée, mais à son arrivée à Corcyre, il apprit des consuls que les Carthaginois avaient donné des otages, et pensant donc que la guerre se terminait, et que sa présence n'était plus nécessaire, il est revint dans le Péloponnèse (Polyb. Exc. Vatican. P. 447). mais bientôt il repartit pour rejoindre Scipion. Ses liens avec les romains lui ont sans doute valu d'être soupçonné par le parti qui s'appelait indépendant; et sa présence dans son pays d'origine a pu donc ne pas trop lui plaire. De plus il était aucun doute impatient d'être spectateur de la lutte finale qui continuait maintenant entre Rome et Carthage, et de l'histoire qu'il voulait écrire.
Polybe était présent avec Scipio lors de la destruction de Carthage, en 146 av. J.-C. (Appian, Pun 132); et juste après cet événement il hâta de rentrer en Grèce, où les Achéens faisaient une guerre folle et désespérée contre les Romains. On peut se poser la question s'il fut présent à la prise de Corinthe, et il est probable, comme Thirlwall (Hist. of Greece, vol. viii. p. 455, note 3) le fait remarquer, cela se serait pas hâté vers le Péloponnèse tant que la lutte n'était pas terminée. Il doit, cependant, être arrivé juste après; et il exerça toute son influence pour alléger les malheurs de ses compatriotes, et pour obtenir des conditions favorables pour eux. Comme ami de Scipion, le vainqueur de Carthage, il fut reçu avec des distinctions de marque; et le manque de patriotisme dont ses ennemis l'avaient accusé, lui permit alors de rendre à son pays un service plus efficace qu'il aurait pu le faire autrement. On permit que les statues de Philopoemen et d'Aratus, que les commissaires romains avaient ordonné de transporter en Italie, à sa demande, restent dans le Péloponnèse. Les commissaires eurent tellement d'égard envers lui, que quand ils quittèrent la région au printemps 145 av. J.-C., après avoir arrangé ses affaires, et l'avoir réduite à une province romaine, ils lui  demandèrent de visiter diverses villes, et d'expliquer les nouvelles lois et constitutions. Lors de l'exercice de cette tâche, Polybe n'épargna aucune peine ou ennui. Il  traversa tout le pays, et avec une ardeur infatigable  il élabora des lois et des institutions politiques pour les différentes villes, et régla les conflits qui avaient surgi entre eux. De plus il obtint des Romains un assouplissement de certains des règlements les plus sévères qui avaient été faits contre les Achéens vaincus. Ses compatriotes reconnaissants reconnurent les grands services qu'il leur avait rendus, et des statues furent érigées en son honneur à Mégalopolis, à Mantinée, à Pallantium, à Tégée, et à d'autres endroits. (Polyb. XL, 8 - 10; Paus. viii. 9, 30, 37, 44, 48.)
Polybe semble alors s'être consacré à la composition du grand travail historique, pour lequel il avait longtemps rassemblé des matériaux. A quelle période de sa vie il a voyagé dans les pays étrangers afin de visiter les endroits qu'il devait décrire dans son histoire, il est impossible de le déterminer. Il nous dit (iii. 59) qu'il a entrepris de longs et dangereux voyages en l'Afrique, en Espagne, en Gaule, et même jusqu'à l'Océan atlantique, à cause de l'ignorance qui prévalait sur ces régions. Il visita certains de ces pays alors qu'il servait sous Scipion, qui lui offrit les moyens de poursuivre son dessein. Ainsi nous apprenons de Pliny (H. N. v, l), que Scipion, durant la troisième guerre punique, mit une flotte à la disposition de son ami, pour qu'il puiise explorer la côte africaine. Plus tard dans sa vie il visita de même l'Egypte; et ce voyage doit avoir eu lieu après la chute de Corinthe, puisqu'il était dans ce pays sous le règne de Ptolémée Physcon, qui n'était pas sur le trône en 146 av. J.-C. (Strab. xvii. p. 797). On a supposé que Polybe accompagna Scipion en Espagne dans en 134 av. J.-C. et qu'il était présent à la chute de Numance année suivante, puisque Cicéron dit  (ad Fam. v. 12) que Polybe écrivit une histoire de la guerre de Numance. L'année de sa mort est incertaine. Nous avons seulement  le témoignage de Lucien (Macrob. 23), qui dit qu'il est mort à l'âge de 82 ans, à la suite d'une chute de cheval, en retournant chez lui. Si nous avons raison en plaçant sa naissance en 204 av. J.-C., sa mort tomberait en 122 av. J.-C.
L'histoire de Polybe comprend quarante livres. Elle débute en 220 av. J.-C., où s'arrête l'histoire d'Aratus, et se termine en 146 av. J.-C., l'année de la destruction de Corinthe et de la fin de l'indépendance de la Grèce. Elle se compose de deux parts distinctes, qui ont sans doute été éditées à différents moments et ensuite réunis en une seule oeuvre. La première partie comporte une période de 53 ans, commençant par la deuxième guerre punique, la guerre sociale en Grèce, et la guerre entre Antiochus et Ptolémée Philopator en Asie, et finissant avec la conquête de Persée et la chute du royaume macédonien, en 168 av. J.-C.. C'était en fait la partie principale de son travail, et son grand objet était de montrer comment les Romains ont, durant cette brève période de 53 ans, conquis la plus grande partie du monde; mais comme les Grecs ignoraient, pour la plupart, l'histoire des débuts de Rome, il donne un aperçu de l'histoire romaine de la prise de la ville par les Gaulois au commencement de la deuxième guerre punique, dans les deux premiers livres, qui forment ainsi une introduction au corps de son travail. Avec la chute du royaume macédonien se décide la suprématie de l'empire romain, et  les autres nations du monde n'eurent plus qu'à recevoir les lois de la république, et à rapporter la soumission à son empire. Mais, dit Polybe (iii. 4) : 
"Mais l'heureux ou malheureux succès des batailles ne suffit pas pour donner une juste idée des vainqueurs ni des vaincus ; souvent les plus heureux, faute d'en avoir fait bon usage, ont été cause de très grands malheurs, de même qu'il y a eu bon nombre de gens à qui des accidents très fâcheux ont été d'une très grande utilité, parce qu'ils ont su les supporter avec courage. Outre les événements, il faut donc encore considérer quelle a été la conduite des Romains, comment ils ont gouverné l'univers, les différents sentiments qu'on a eus pour ceux qui étaient à la tête des affaires ; les penchants et les inclinations dominantes des particuliers, tant dans le foyer domestique, que par rapport au gouvernement. Par ce moyen notre siècle connaîtra si l'on doit se soustraire à la domination romaine ou s'y soumettre, et les siècles à venir jugeront si elle était digne de louange ou de blâme. C'est de là que dépend presque tout le fruit que l'on pourra tirer de cette histoire, tant pour le présent que pour l'avenir. Car ne nous imaginons pas que les chefs d'armées n'ont, en faisant la guerre, d'autre but que de vaincre et de subjuguer ni que l'on ne doit juger d'eux que par leurs victoires et par leurs conquêtes. Il n'y a personne qui fasse la guerre dans la seule vue de triompher de ses ennemis. On ne se met pas sur mer pour passer simplement d'un endroit à un autre ; les sciences et les autres arts ne s'apprennent pas uniquement pour en avoir la connaissance ; on cherche en tout ce que l'on fait ou l'agréable ou l'honnête ou l'utile. Cet ouvrage ne sera donc parfait et accompli qu'autant qu'il apprendra quel fut, après la conquête du monde entier par les Romains, l'état de chaque peuple en particulier, jusqu'au temps où de nouveaux troubles se sont élevés, et qu'il s'est fait un nouveau changement dans les affaires. C'est sur ce changement que je me suis proposé d'écrire. L'importance des faits et les choses extraordinaires qui s'y sont passées, m'y ont engagé. Mais la plus forte raison, c'est que j'ai contribué à l'exécution de certaines choses, et que j'ai été le conducteur de beaucoup d'autres."
   La seconde partie, qui forme une sorte de supplément, comporte la période de la conquête de Persée en 168 av. J.-C., à la chute de Corinthe en 146 av. J.-C.. L'histoire de la conquête de la Grèce semble avoir été décrite dans le trente-neuvième livre; et le quarantième livre contenait probablement un sommaire chronologique de la totalité de l'oeuvre. (Voir Clinton, F. H. ad ann. 146.)
   Les sujets contenus dans chacune de ces parties sont rapportés de façon détaillée par Polybe dans le passage suivant, qui donnera au lecteur la meilleure idée du contenu du travail.
   "Après que nous aurons expliqué pourquoi les Carthaginois firent aux Romains la guerre qu'on appelle d'Hannibal, nous dirons de quelle manière les premiers se jetèrent sur l'Italie, et y ébranlèrent la domination des Romains jusqu'au point de les faire craindre pour leur propre patrie, et de voir les Carthaginois maîtres de la capitale de cet empire. Nous verrons ensuite Philippe de Macédoine venir se joindre aux Carthaginois, après qu'il eut fini la guerre qu'il faisait vers le même temps contre les Etoliens, et qu'il eut pacifié les affaires de la Grèce. Après cela, Antiochus et Ptolémée Philopator se disputeront la Coïlé-Syrie, et se feront la guerre pour ce royaume. Puis les Rhodiens et Prusias se déclareront contre les Byzantins, et les forceront à se désister du péage qu'ils exigeaient de ceux qui naviguaient dans le Pont. Là nous interromprons le fil de notre narration pour examiner la forme de gouvernement des Romains, et on verra qu'il ne pouvait être mieux constitué, non seulement pour se rétablir dans l'Italie et dans la Sicile, et pour soumettre les Espagnes et les Gaules, mais encore pour défaire entièrement les Carthaginois, et penser à conquérir tout l'univers. Cela sera suivi d'une petite digression sur la ruine de Hiéron, roi de Syracuse, d'où nous passerons en Egypte pour dire les troubles qui y arrivèrent, lorsqu'après la mort de Ptolémée, Antiochus et Philippe, conspirant ensemble pour se partager le royaume laissé au fils de ce roi, tâchèrent par fraude et par violence de se rendre maîtres, celui-ci de l'Egypte et de la Carie, celui-là de la Coïlé-Syrie et de la Phénicie.
Suivra un récit abrégé de ce qui se passa entre les Romains et les Carthaginois dans l'Espagne, dans la Libye et dans la Sicile, d'où nous nous transporterons en Grèce, où les affaires changèrent alors de face. Nous y verrons les batailles navales d'Attalus et des Rhodiens contre Philippe ; de quelle manière les Romains firent la guerre à ce prince; quelles en furent les causes, et quel en fut le succès. Nous joindrons à cela ce que produisit la colère des Etoliens, lorsque, ayant appelé Antiochus d'Asie, ils allumèrent le feu de la guerre entre les Achéens et les Romains. Nous dirons la cause de cette guerre, et ensuite nous suivrons Antiochus en Europe. D'abord il est obligé de se retirer de la Grèce ; puis, défait, il abandonne tout le pays qui est en deçà du mont Taurus ; et enfin les Romains, après avoir réprimé l'audace des Gaulois, se rendent maîtres de l'Asie, sans que personne la leur ose contester, et délivrent l'Asie Citérieure de la crainte des Barbares et de la violence des Gaulois. Nous exposerons après cela les malheurs dont les Etoliens et les Céphaléniens furent accablés ; d'où nous passerons aux guerres qu'Eumènes eut à soutenir contre Prusias et les Gaulois de Grèce, et à celle d'Ariarathe contre Pharnace. Après quoi nous dirons quelque chose de l'union et du gouvernement des Péloponnésiens, et des progrès que fit l'Etat des Rhodiens. Nous ferons ici une récapitulation, où toute l'histoire et les faits qu'on y aura vus seront représentés en peu de mots. Nous ajouterons à tout cela l'expédition d'Antiochus Épiphanes dans l'Egypte, la guerre de Persée et la ruine entière de la monarchie macédonienne." (iii. 2, 3.)
  Il continue alors à relater les sujets contenus dans la deuxième partie de son histoire.
   "Ce fut dans ce soulèvement que les Romains allèrent porter la guerre chez les Celtibériens et les Vaccaïens ; que les Carthaginois la firent à Masinissa, roi dans l'Afrique ; qu'en Asie, Attalus et Prusias se la déclarèrent l'un à l'autre ; qu'Oropherne, aidé par Demetrius, chassa du trône Ariarathe, roi de Cappadoce, et que celui-ci y remonta par ses seules forces, que Seleucus, fils de Demetrius, après avoir régné douze ans dans la Syrie, perdit le royaume et la vie par la conspiration des autres rois, que les Romains permirent aux Grecs, accusés d'être les auteurs de la guerre de Persée, de retourner dans leur patrie, après qu'ils eurent reconnu leur innocence, que, peu de temps après, ces mêmes Romains attaquèrent les Carthaginois, d'abord pour les obliger à changer de pays, mais ensuite dans le dessein de les détruire entièrement, pour des raisons que nous déduirons dans la suite, qu'enfin, vers le même temps, les Macédoniens ayant renoncé à l'alliance des Romains, et les Lacédémoniens s'étant détachés de la République des Achéens, on vit le malheur commun de la Grèce commencer et finir tout ensemble." (iii. 5.)
   On a déjà remarqué que l'objet principal du travail de Polybe est de montrer ce que pensaient et de quelle façon les Romains ont subjugué les autres nations du monde. Et bien qu'il considère la fortune (Τύχη) comme la déesse qui règle les affaires des hommes, dont on peut toujours retrouver la main dans l'histoire des nations, et à qui le Romans doivent donc leur empire (voir par exemple i. 4, 58, 86, ii. 35, 70, iv. 2, viii. 4), de plus il attire à plusieurs reprises l'attention du lecteur sur les moyens par lesquels la fortune a permis à ces hommes d'arriver à leur situation extraordinaire. Le premier de ceux-ci, il l'établit dans leur excellente constitution politique (vi. 1), et dans la constance, la persévérance, et l'unité du but qui sont les résultats normaux d'une telle constitution. Mais alors que l'histoire de Rome forme le sujet de son travail, l'histoire des diverses nations avec lesquelles Rome est entrée en contact, est également traitée avec le même soin; et c'est pourquoi le titre de son oeuvre est Histoire générale ou universelle (καθολικὴ, κοινὴ ἱστορία), et il mentionne l'unité du sujet comme un des motifs principaux qui l'avaient incité à choisir cette période de l'histoire. (voir. i. 4, ii. 37. § 4, iv. 28. § 3, v. 31. § 6, v. 105. § 4) L'histoire de Polybe pourrait donc s'appeler, comme elle l'a été par un auteur allemand : "Histoire de la croissance de la puissance romaine, jusqu'à l'effondrement de l'Indépendance de la Grèce."
   L'histoire de Polybe est un des travaux les plus précieux de ceux qui nous viennent de l'antiquité; et peu de travaux historiques, dans des temps anciens ou dans modernes, peuvent soutenir la comparaison avec elle. Polybe a une appréhension claire de la connaissance qu'un historien doit posséder; et ses études préparatoires ont continué avec de la plus grandes énergie et la plus grande persévérance. Il n'a pas seulement rassemblé avec exactitude et fait un récit des événements qu'il avait l'intention de rapporter, mais il a également étudié l'histoire de la constitution romaine et a passé des journées entières à se mettre au courant de la géographie des pays qu'il devait décrire dans son travail. En plus de cela, il a eu un jugement clair et un amour saisissant de la vérité, et, pour avoir lui-même pris une part active à la vie politique, il pouvait juger des motifs et des actions des grands acteurs de l'histoire d'une manière dont aucun autre érudit ou rhéteur n'aurait pu le faire. Mais la caractéristique de son oeuvre, et celle qui la distingue de toutes autres histoires qui nous viennent de l'antiquité, est sa nature didactique. Il n'a pas, comme d'autres historiens, écrit pour faire plaisir à ses lecteurs, ou satisfaire une curiosité vaine en ce qui concerne la migration des nations, la fondation des villes, ou la constitution des colonies; son objet était d'apprendre par le passé la connaissance du futur, et de la déduire d'événement prévisibles des leçons de sagesse pratique. C'est pourquoi il appelle son travail une Pragmateia (Πραγματεία), et non une histoire (ἱστορία, voir par exemple i. 1, 3, iii. 32). La valeur de l'histoire consiste, à son avis, dans l'instruction qu'on pourrait y trouver; et un simple récit des événements, même peint de façon éclatante, est décrit par lui comme ἀλαζονεία et φαντασία (xvi 20, § 4, xxii. 2. § 7). C'est pourquoi  il considère que c'est le devoir de l'historien de faire comprendre à son lecteur les leçons de la sagesse politique et morale que son récit transmet, et de ne pas se satisfaire de laisser le lecteur seul en tirer les conclusions. Ainsi le récit des événements est de son point de vue d'une importance secondaire; ils forment seulement le texte des discours politiques et moraux qu'il fallait que l'historien livre. Les réflexions de Polybe sont, il est vrai, caractérisées par une profonde sagesse; et personne ne peut les lire sans admirer la solidité du jugement de l'historien, et sans en tirer en même temps des leçons et des progrès. Mais, il faut admettre, que, tout excellents qu'elles soient, elles amoindrissent matériellement les mérites de l'histoire comme oeuvre d'art; leur occurrence fréquente interrompt la continuité du récit, et détruit, en grande partie, l'intérêt du lecteur pour les scènes qui sont décrites. Au lieu de relater les événements de façon qu'ils puissent donner leur propre morale, et amener au bon moment des réflexions provenant du récit, il fait une pause au milieu des scènes les plus intéressantes pour donner au lecteur les leçons que ces événements doivent lui apprendre, et il donne ainsi à son travail que un genre de ton moralisateur, qui trouble fréquemment le plaisir du lecteur, et, dans certains cas, devient absolument ennuyeux. Il ne peut y avoir aucun doute que certains des défauts les plus saisissants dans l'histoire de Polybe résultent du fait qu'il pousse trop loin le principe, qui est sans aucun doute sain dans une certaine mesure, que l'histoire est écrite pour l'instruction et non pour l'amusement. Par conséquent il omet, ou rapporte d'une façon très brève, certains événements importants, parce qu'ils ne contiennent pas, à son avis, de leçons de sagesse pratique; et, d'autre part, il insère fréquemment de longs épisodes, qui ont peu de rapport avec le sujet principal de son travail, parce qu'ils ont un fond didactique. Ainsi nous constatons qu'un livre entier (le sixième) est consacré à une histoire de la constitution romaine; et de la même manière il présente des épisodes même sur les sujets qui n'apportent aucune vérité politique ou morale, mais simplement parce que ses compatriotes se sont moqués des avis erronés sur ces sujets. Le trente-quatrième livre, par exemple, semble avoir été exclusivement un traité de géographie. Bien que Polybe se soit permis de donner beaucoup d'informations importantes, dont nous, dans des temps modernes, nous en retirons beaucoup d'avantages, on ne peut quand même pas nier que de tels épisodes n'amènent aucune progrès à l'histoire considérée comme une oeuvre d'art.
   Mais malgré ces critiques, les grands mérites de Polybe demeurent intacts. Sa impartialité stricte, dont il se réclame fréquemment, est généralement admise par les auteurs anciens et modernes.  Et on est surpris qu'il garde une si grande impartialité dans son jugement sur les Romains, surtout quand nous considérons son amitié intime avec Scipion, et sa grande admiration qu'il avait évidemment pour  ce peuple extraordinaire. Ainsi nous le voyons, par exemple, caractériser l'occupation de la Sardaigne par les Romains entre la première et la deuxième guerres puniques, comme une violation de toute justice (III 28, § 2), et dénoncer la corruption générale des généraux romains lors de leurs conquêtes étrangères, à quelques brillantes exceptions (xviii 18). Mais, en même temps, il ne montre pas la même impartialité dans l'histoire de la ligue achéenne; et peut-être nous voudrions attendre de lui qu'il oublie qu'il était achéen. Sans aucun doute il a pensé que la prolongation de la ligue achéenne était essentielle aux libertés de la Grèce; et inconsciemment il en arrive ainsi à exagérer aussi les mérites de ses amis et les défauts de ses ennemis. Il décrit dans des couleurs trop éclatantes le caractère d'Aratus, le grand héros de la ligue achéenne, et attribue (ii. 40) au travail historique de cet homme d'État un degré d'impartialité, auquel il n'a certainement pas eu droit. Selon le même principe, il donne tout à fait une impression fausse de la vie politique de Cléomène, un des plus grands hommes des derniers jours de la Grèce, simplement parce que ce roi était le grand opposant d'Aratus et de la ligue. Il est de la même manière coupable d'injustice dans les avis qu'il donne sur les Étoliens : Brandstäter cite quelques exemples saisissants, dans le livre cité plus bas, bien qu'il doive admettre que l'auteur moderne est dans certains cas aussi injuste envers l'historien ancien, de la partialité qu'il montrait pour les Étoliens. Non seulement Polybe montre un partialité pour les Achéens, mais il ne peut oublier qu'il est un Arcadien, et il est aussi ardent à honorer sa terre natale. Ainsi il considère étrange que la ligue achéenne tienne son nom des Achéens, et non pas des Arcadiens, qu'il met sur le même pied que les Lacédémoniens (ii. 38); et on pourrait citer beaucoup d'autres exemples où il montre la même partialité envers son propre peuple.
   Le style de Polybe ne soutient pas la comparaison avec les grands maîtres de la littérature grecque; ce n'est pas son but. Il vécut à un moment où la langue grecque avait perdu beaucoup de sa pureté par un mélange d'éléments étrangers, et il n'a pas essayé d'imiter la langue des grands auteurs attiques. Il écrit comme qu'il parle, et a un mépris trop grand pour que les fioritures rhétoriques pour les utiliser dans la composition de son travail. Le style d'un tel d'homme porte naturellement l'emprunte de son esprit; et, comme c'est l'instruction et non l'amusement qui sont le grand sujet de ses écrits, il ne cherche à plaire à ses lecteurs par le choix de ses expressions ou la composition de ses phrases. Par conséquent les critiques grecs postérieurs sont sévères dans leurs condamnations de son modèle, et Denys compare son travail avec ceux de Phylarque et de Duris, qu'il était impossible de lire jusqu'au bout. (Dionys. De Compos. Verbo. c. 4.) mais le défaut le plus grand du style de Polybe résulte dans son manque d'imagination. Aucun historien ne peut présenter à ses lecteurs un image saisissante des événements, à moins qu'il l'ait d'abord imaginée d'une façon vivante dans son propre esprit; et Polybe, avec son jugement clair, calme et calculateur, est non seulement dépourvu de toute imagination, mais évidemment méprisant quand il la voit exercée par d'autres. Il ne fait aucun doute qu'un historien doit brider son imagination; mais il est aussi certain qu'il échouera toujours à produire une impression saisissante sur l'esprit de ses lecteurs, à moins d'avoir, dans une certaine mesure, fait preuve d'imagination. C'est pour cette raison que les descriptions géographiques de Polybe sont si vagues et indécises; et les remarques du Dr. Arnold sur le caractère de Polybe comme géographe, sont conformes tout à fait aux opinions générales que nous venons d'exprimer: " - Rien ne montre plus clairement le peu de talent géographique, que l'éloge généralement accordé à Polybe comme bon géographe. Il semble en effet avoir été conscient de l'importance de la géographie sur l'histoire, et avoir pris beaucoup de peine à s'informer sur le sujet: mais cette circonstance même prouve plus la difficulté de la tâche; ses descriptions sont si vagues, si imparfaites, et tellement totalement exemptes de pittoresque, qu'il est à peine possible de les comprendre. par exemple, dans son récit de la marche des Gaulois en l'Italie, et des mouvements consécutifs de leur armée et de celle des Romains, il y a une obscurité, qui pourrait ne jamais avoir existé s'il avait conçu dans son propre esprit une image animée du foyer de la guerre dans son ensemble, de la relation entre les fleuves et des chaînes de montagne, et de l'interaction entre les routes et la plupart des passages fréquentés. "(Hist. of Rome, vol. iii. pp 473, 474.) C'est à cette même raison, à savoir le manque d'imagination de Polybe, que nous sommes disposés à attribuer l'indifférence apparente avec laquelle il décrit la chute de son pays d'origine, et l'extinction des libertés de la Grèce. Il cherche seulement à rapporter des faits, et à tirer les réflexions appropriés à ces faits: les relier avec éclat et les peindre en couleurs chatoyantes n'étaient pas sa vocation.
   La plus grande partie de l'histoire de Polybe a disparu. Nous possédons les cinq premiers livres en entier, mais du reste nous n'avons que des fragmebts ou des extraits, dont certains, sans doute, sont de longueur considérable, comme le récit de l'armée romaine qui se prolonge dans le sixième livre. Les premiers cinq livres durent d'abord traduits en Latin par Nic. Perotti, et sortis de la célèbre  imprimerie de Sweynheym et de Pannartz, Rome, 1473, fol. La première partie de l'oeuvre de Polybe, qui fut imprimée en Grec, fut le traité sur l'armée romaine, qui fut publié chez Ant. de Sabio, Venice, 1529, 4to., avec une traduction latine de Lascaris ; et l'année suivante, en 1530, le texte grec des cinq premiers livres avec une traduction de Perotti, apparut à Hagenau, éditée par Obsopoeus (Koch), mais sans le traité sur l'armée romaine, qui n'avait pas encore sans doute trouvé son chemin au-delà des Alpes. Quelques années plus tard  on découvrit quelques extraits des autres livres de Polybe ; mais l'auteur de la compilation et la date de celle-ci nous sont inconnus ; nous pouvons  à peine croire avec Casaubon que c'était l'Epitome fait par M. Brutus, et dont parlent Plutarque (Brut. c. 4) et Suidas (s. v. Βροῦτος). Ces extraits, qui doivent être distingués de ceux de l'empereur Constantin Porphyrogénète mentionné plus bas, contiennent la plus grande partie du sixième livre et des portions des onze suivants (vii.—xvii.). Le manuscrit qui les contient provient de Corfou, et il fut publié, ainsi que les cinq premiers livres qui existaient déjà à Bâle, en 1549, fol. par l'imprimerie d'Herragius. la traduction latine de ces extraits fut faite par Wolfgang Musculus, qui avait aussi corrigé la version de Perotti des autres livres, et l'édition du texte grec était supervisée par Arnold Paraxylus Arlenius. Une partie de ces extraits, à savoir la description de la bataille navale entre Philippe et Attalus et les Rhodiens, suivie du seizième livre, avait été préalablement publiée par Bayf dans son De Re Navali Veterum, Paris, 1536, réimprimé à Bâle en 1537. En 1582 Ursinus publia à Anvers, in 4to., une seconde collection d'Extraits de Polybe, intitulée Excerpta de Legationibus (᾿Εκλογαὶ περὶ Πρεσβειῶν), qui fut faite au dixième siècle de notre ère par ordre de l'Empereurr Constantin Porphyrogénète. Ces Excerpta provenaient de divers auteurs, mais les plus importants venaient de Polybe En 1609 Is. Casaubon publia à Paris, in folio, son excellente édition de Polybe, dans laquelle il incorpora tous les Excerpta et les fragments qu'il avait lui-même découverts, et il ajouta une nouvelle traduction latine. Il avait l'intention aussi d'écrire un commentaire sur cet auteur, mais il n'alla pas plus loin que le 20e chapitre du premier livre ; cette partie de ses commentaires fut publiée après sa mort à Paris, 1617, 8vo. Une autre édition des fragments de Polybe fut faite par Valesius, qui publia, en 1634, une autre portion des Excerpta de Constantin, intitulée Excerpta de Virtutibus et Vitiis (περὶ ἀρετῆς καὶ κακίας), contenant des extraits de Polybe, Diodore de Sicile et d'autres écrivains ; et à ce recueil Valesius ajouta quelques autres fragments dePolyb, recueillis chez divers auteurs. Jacobus Gronovius publia une nouvelle édition de Polybe, qui fut éditée à Amsterdam en 1670, en 3 vols. 8vo. ; le texte de cette édition est presque mots pour mots celui de Casaubon, mais l'éditeur ajoute, outre les extraits de Valesius et le commentaire de Casaubon sur les trente premiers chapitres du premier livre, beaucoup de notes additionnelles de Casaubon, qu'il avait recueillies dans ses papiers chez son fils Mericus Casaubon, et aussi des notes de Gronovius lui-même. L'édition de Gronovius fut réimprimée par les soins de  J. A. Ernesti à Leipzig, 1763 - 1764, 3 vols. 8vo. L'édition suivante est celle de Schweighaeuser, qui surpasse toutes les précédentes. Elle fut publiée à Leipzig, 1789 - 1795 en 8 vols. 8 vo, dont le premier quart contient le texte grec avec une traduction latine, et les autres volumes un commentaire, un index historique et géographique, et une copie du  " Lexicon Polybinnum," qui est indispensable pour l'étudiant. L'édition de Schweighaeuser fut réimprimée à Oxford en 1823, in 5 vols. 8vo., sans commentaire, but avec le Lexicon. Depuis l'époque de Valesius il n'y eut aucune nouvelle édition des fragments de Polybe, sauf un fragment décrivant le siège d'Ambracie, originalement publié dans le second volume du Tite-Live de Gronovius, jusqu'à ce que Angelo Mai découvrit à la bibliothèque vaticane à Rome la troisième section des Excerpta de Constantin Porphyrogénète, intitulée Excerpta de Sententiis (περὶ γνωμῶν), qui, en plus des extraits, contenait une partie considérable de l'Histoire de Polybe. Ces excerpta furent publiés par Mai dans le second volume de ses Scriptorum veterum Nova Collectio, Rome, 1827, mais vu l'état mutilé  des manuscrits dont il s'était servi, beaucoup étiaient inintelligibles. Beaucoup des éreurs de l'édition de Mai furent corrigés dans la réédition des Excerpta, publiée par Geel à Leyden en 1829, et par Lucht à Altona in 1830 ; mais ces Excerpta apparaissent dans une autre forme plus correcte dans l'édition de Heyse, Berlin, 1846. puisque Heyse avait collationné de nouveau les manuscrits avec grand soin  et précision. La dernière édition de Polybe est celle d'Immanuel Bekker (Berlin, 1844, 2 vols. 8vo.), qui a ajouté les fragments du Vaticans. Sur les traductions de Polybe en langage modrne,il faut remarquer celle en Français de Thuillier, surtout remarquable  par ses commentaires militaires ajoutés par Folard, Amsterdam, 1759, 7 vols. 4to. ; la traduction allemande par Seybold, Lemgo, 1779 - 1783, 4 vols. 8vo. ; et l'Anglaise par Hampton, 1772, 2 vols. 4to.: cette dernière est une version fidèle et nous nous en sommes servis dans les citations que nous avons faites plus haut.
   Tite-Live n'a pas utilisé Polybe jusqu'à ce qu'il soit arrivé à la deuxième guerre punique, mais dès ce moment il l'a suivi de très près, et son histoire des événements après la fin de cette guerre semble être un peu plus qu'une traduction de son prédécesseur grec. Cicéron semble lui aussi avoir principalement suivi Polybe dans l'exposé qu'il donne de la constitution romaine dans son De Republica. L'histoire de Polybius fut continuée par Posidonius et par Strabon.
   En plus de son grand travail historique dont nous venons de parler, Polybe écrivit :
2. La vie de Philopoemen en trous livrs, dont il parle lui-même (x. 24). 
3. Un traité de tactique (τὰ περὶ τὰς Τάξεις ὑπομνήματα), qu'il cite lui-même (ix. 20), et dont Arrien (Tactic, init.) and Elien (Tactic, cc. 1, 3) font allusion;
4. Une histoire de la guerre de Numance, selon l'affirmation de Cicéron (ad Fam. v. 12) ; 
5, Un petit traité De Habitatione sub Aequatore (περὶ τῆς περὶ τὸν ᾿Ισημερινὸν οἰκήσεως), cité par Geminus (c. 13, in Petavius, Uranologium, vol. iii. p. 31, &c.), mais il n'est pas improbable que celui-ci formait une partie du 34e livre de l'Histoire, qui était entièrement  consacré à la géographie.
   Le lecteur trouvera de l'information valable sur le caractère de Polybe en tant qu'historien dans les livres suivants : Lucas, Ueber Polybius Darstellung des Aetolischen Bundes, Konigsberg, 1827 ; Merleker, Die Geschichte des Aetolisch-Achaeischen Bundesgenossen-Krieges, Konigsberg, 1831 ; K. W. Nitzsch, Polybius: zur Gescliiclite antiker Politik und Historioyraphie, Kiel, 1842 ; Brandstäter, Die Geschichten des Aetolischen Landes, Volkes und Bundes, nebst einer historiographischen Abliandlung ueber Polybius, Berlin, 1844.

SILENUS (Σειλεινός or Σιλεινός) 
1. Un natif de Calatia (Σειλεινός ὁ Καλατιανός), un historien. Athénée (XII p. 542, a), cite le troisième livre d'une de ses oeuvres nommées   Σικελικά. La même oeuvre est probablement citée par Diogène Laërce (ii. 3, 11). Il a également écrit une histoire romaine, et est mentionné par Denys d'Halicarnasse (Ant. Rom. i. 6), qui l'accuse de manque de soin et d'exactitude, et par Tite-Live (xxvi. 49) en parlant des opérations de Scipion l'Africain l'aîné, en Espagne. Ce Silenus est sans aucun doute le même que le Σιλανὸς ὁ συγγραφεύς mentionné par Strabon (iii. p. 172), qui remarque qu'il ignorait, comme qu'Artemidorus,  la raison pour laquelle la fontaine dans le temple d'Hercule à Gadès montait quand la marée baissait, et baissait quand la marée montait. C'est probablement cet auteur aussi qui est cité par Etienne de Byzance (s.v. Παλική), et par Pline (H. N. iv. 22). Photius aussi (s. v. Σαρδόνιος γέλως), dit quel Silenus indique ἐν β' τῶν περὶ Συρακόσσας. Cicéron (de Div. i. 24)) cite de Silenus (de qui il dit :  is autem diligentissime res Hannibalis persecutus est: ) le récit d'un rêve qu'Hannibal eut après la prise de Sagonte. (Comp. Corn. Nep. Hannib. extr.)

2. C'était probablement un auteur différent de ce dernier qui est cité plusieurs fois par Athénée et d'autres en tant qu'auteur d'une oeuvre  sur les mots étrangers (γλῶσσαι). Athénée le cite souvent en même temps que Cleitarque. (Athen. xi. pp. 468, a. 475, d. 478, e. 482, f. xiv. p. 644, f., &c.; comp. Schol. ad Apoll. Rhod. i. 1299; Eustath. ad Od. vii. 102, p. 1571.) Silenus a également établi une collection d'histoires fabuleuses. (Tzetzes in Lycophr. 786 ; Schol. Hom. Od. i. 75, où il l'appelle de Chios, comme le fait Eustathe, ad Od. xix. 407, p. 1871, et Eudocia, pp. 43, 312, 394 ; Vossius, de Hist. Graecis, p. 498, ed. Westermann.) [ C. P. M. ] 

SOPHOCLES (Σοφοκλῆς). voir l'article dans un autre fichier (vu sa longueur)

TUBERO. 

L. AELIUS TUBERO, un ami intime de Cicéron. C'était une relation et un camarade de classe de l'orateur, il avait servi avec lui lors de la guerre marsique et avait ensuite servi sous son frère Quintus comme légat en Asie. On ne sait pas de quelle manière il se lia à Cicéron. Le Scholiaste du discours pour Ligarius dit (pp. 415, 417, ed. Orelli) que Tubero maria la soeur de Cicéron. Nous savons que Cicéron n'a pas eu de soeur; mais le frère du père de l'orator eut une fille, qui se maria avec Tubero; et par conséquent nous devons comprendre soror dans ce passage, comme il le fait souvent, comme cousine et pas soeur, (Drumann, Gesckichte Roms, vol. vi. p. 273.) A l'éclatement de la guerre civile, Tubero, qui épousa le parti de Pompée, reçut du sénat la province de l'Afrique; mais comme Atius Varus et Q. Ligarius, qui appartenaient aussi au parti aristocratique, ne la lui donnaient pas, il quitta Pompée en Grèce. Il fut plus tard pardonné par César et revint à Rome avec son fils Quintus. (Cic. pro Lig. 4, 7, 8, ad Q. Fr. i. 1. § 3, pro Planc. 41.) Tubero s'interessait à la literature zt à la philosophue. Il écrivit une Histoire (Cic. ad Q. Fr. I. c.), et le philosophe Aenesidemus lui dédicaça son oeuvre sur Pyrrhon le philosophe sceptique. (Phot. Cod. 212.)

Q. AELIUS TUBERO, le fils de Lucius (voir ci-dessus) est né probablement vers 74 av. J.-C.  Dans sa jeunesse, il fit un discours (46 av. J.-C.) devant C. Julius Caesar contre Q. Ligarius, qui était défendu par Cicéron dans un discours qui existe encore (pro Q. Ligario). Quand L. Tubero, qui fut nommé gouverneur de l'Afrique par le sénat, essaya d'y débarquer, Ligarius, qui commandait l'Afrique en qualité de légat, empêcha Lucius de débarquer avec son fils Quintus, qui l'accompagnait; et ce fut la cause principale de l'hostilité de Tubero contre Ligarius. Le discours solennel de Tubero est mentionné par Quintilien (Instit. Orat. x. I. § 23, xi. 1. § 78). Après son échec, Tubero s'appliqua à l'étude du Jus Civile sous la férule d'Ofilius; et il obtint une réputation considérable. Il avait une grande connaissance du Jus Publicum et Privatum, et il écrivit plusieurs travaux sur ces deux divisions de la loi; mais il affectait un mode désuet d'expression, qui rendait ses écrits peu agréables à lire (Pomponius, Dig. 1. tit. 2. s. 2. § 46): de cette remarque de Pomponius nous pouvons inférer que les travaux de Tubero existaient quand il écrivait ces mots. Tubero épousa une fille de Servius Sulpicius, et la fille de Tubero était la mère du juriste C. Cassius Longinus. On ne sait si ce Tubero était consul sous Auguste en 11 av. J.-C., avec P. Fabius Maximus, parce que son consulat n'est pas mentionné par Pomponius, mais cette omission n'est pas déterminante contre le témoignage des Fasti Capitolini et et celui dePline (H. N. viii. 17). Une oeuvre de Tubero, "De Officio Judicis" est mentionnée par Aulu-Gelle (xiv 2); et une autre "Ad C. Oppium" est mentionnée par ce même Aulu-Gelle (vii. 19). Comme son père, Q. Tubero écrivit une Histoire (Liv. iv. 23 ; Suet. Caes. 83), mais on ne peut déterminer si les citations d'Aulu-Gelle (vi. 3, 4) sont reprises de l'histoire du père ou du fils.Tubero le juriste, qui est souvent cité dans le Digest, est ce Tubero ; mais il ne reste rien de ses écrits. [G. L.]

XENAGORAS (Ξεναγόρας ὁ συγγραφεὺς) : un historien grec cité par Denys d'Halicarnasse  (i. 72), chez qui nous lisons qu'Ulysse et Circé eurent trois fils, Romus, Antias, et Ardeas, qui fondèrent les trois cités qu'ils appelèrent de leurs noms. Macrobe aussi (v. 19) cite le troisième livre de l'Histoire de Xenagoras. Si c'est la même personne que le Xenagoras, le père de l'historien Nymphis, il doit avoir vécu  dans la première partie du second siècle après Jésus-Christ.  Xenagoras écrivit un livre appelé  Χρόνοι (Schol. ad Apoll. Rhod. iv. 262, 264 ; Harpocrat. s. v. Κραυαλλίδαι) et un autre sur les îles, Περὶ νήσων (Etymol. s. v. Σφήκεια; Tzetz. ad Lycophr. 447 ; Harpocrat. s. v. χύτροι; Steph. Byz. s. v. χύτροι). (Comp. Vossius, de Hist. Graec. p. 508, ed. Westermann ; Clinton, Fast. Hell. vol. iii. p. 566.)