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PLUTARQUE
OEUVRES MORALES QUESTION GRECQUES
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page 71 QUESTIONS GRECQUES. 1. Quels étaient ceux qu'on appelait à Épidaure (01) Conipèdée et Artynes ? La république était gouvernée par un conseil de cent quatre-vingts citoyens. On tirait de ce corps les sénateurs, à qui on donnait le nom d'Artynes (02). La plus grande partie du peuple vivait à la campagne, et on les appelait Conipèdes, sans doute à cause de la poussière dont leurs pieds étaient couverts, et qui les rendait reconnaissables lorsqu'ils venaient à la ville (03). 2. A qui donnait-on, chez les Cuméens (04), le nom d'Onobatis, c'est-à-dire qui est montée sur un âne ? Lorsqu'une femme avait été surprise en adultère, on la conduisait à la place publique, et on la faisait monter sur une pierre, d'où tout le monde pouvait l'apercevoir. Ensuite on lui faisait faire, sur un âne, le tour de la ville, et on la ramenait à la même pierre. Elle était déclarée infâme pour le reste de ses jours, et portait le nom d'Onobatis. La pierre sur laquelle on l'avait placée était souillée, et on la regardait avec exécration. Il y avait chez ce peuple un magistrat qui s'appelait le Phylacte, qui gardait ordinairement la prison ; seulement il se rendait à une assemblée du Sénat qui se tenait la nuit. Là, page 72 il prenait les rois par la main, les faisait sortir du Sénat, et les gardait en sa puissance jusqu'à ce que les sénateurs eussent décidé, en donnant secrètement leurs suffrages, si ces rois se conduisaient avec justice ou non. 3. Quelle était, à Soli (05), celle qu'on appelait Hypeccaustria (06) ? On donnait ce nom à la prêtresse de Minerve, à cause de certains sacrifices qu'elle faisait pour détourner des malheurs publics. 4. Quels étaient ceux que les Cnidiens (07) appelaient Amnémones, et celui qui portait le nom d'Aphester? Ils choisissaient dans la classe des citoyens les plus distingués soixante personnes qui exerçaient toute leur vie les fonctions d'inspecteurs publics, et administraient les affaires les plus importantes. Leur nom, comme on peut le conjecturer, signifiait qu'ils n'étaient pas obligés de rendre compte de leur conduite, ou plutôt qu'ils avaient une grande mémoire. On appelait Aphester celui qui, dans les délibérations, recueillait les suffrages. 5. Quels sont ceux à qui les Arcadiens et les Spartiates donnaient le nom de Bons? Les Lacédémoniens firent la paix avec les Tégéates, et gravèrent les conditions du traité sur une colonne commune aux deux peuples, qu'on avait dressée sur les bords de l'Alphée. Entre autres articles, il était dit qu'on chasserait du pays les Messéniens, et qu'on ne pourrait rendre bon aucun Arcadien. Aristote prétend que ce dernier article signifiait qu'on ne pourrait faire mourir aucun des page 73 Tégéates qui se déclareraient pour les Lacédémoniens. 6. Quel est celui que les Opuntiens (08) appellent Crithologue ? La plupart des peuples grecs, dans leurs plus anciens sacrifices, employaient de l'orge, et les citoyens offraient pour cela les prémices de celui qu'ils recueillaient. On appelait Crithologue le prêtre qui présidait aux sacrifices, et qui recevait ces offrandes. Ils avaient deux autres prêtres, dont l'un était préposé au culte des dieux, et l'autre à celui des démons (09). 7. Qu'est-ce qu'on entendait par nuées Ploïades?
On donnait ce nom à celles
qui, chargées d'une pluie abondante, étaient portées de côté et d'autre dans les
aire. C'est l'interprétation qu'en donne Théophraste dans son quatrième livre
des Météores. « Les ploïades, dit-il, sont des nuées épaisses et chargées d'eau.
Celles qui restent immobiles, et dont la couleur est blanche, sont d'une autre
nature que les ploïades, et ne sont encore ni 8. Quel est celui que les Béotiens appellent Platychète? On appelle ainsi en dialecte dorien ceux qu'on a pour voisins de sa maison ou de ses terres, comme qui dirait habitants dans le voisinage. Entre plusieurs exemples, j'en rapporterai un seul, tiré de la loi des Archives (10). 9. Quel est celui à qui les Delphiens donnent le nom d'Osioter, et pourquoi un de leurs mois s'appelle-t-il Bysius ? Osioter est la victime qu'ils immolent lorsqu'ils élisent un Osius. Il y en a cinq qui le sont pour la vie. Ils assis- page 74 tent les devins en bien des choses, et sacrifient avec eux. On les croit descendus de Deucalion (11). Le mois Bysius, selon l'opinion commune, est le même que Physius. Il est placé au commencement du printemps, où la plupart des plantes renaissent (12); mais ce n'est point là sa véritable étymologie. Les Delphiens n'emploient pas le B pour le Phi, comme les Macédoniens, qui disent: Bilippe, Balacrus, Béronice, pour Philippe, Phalacrus, Phéronice. Mais ils s'en servent à la place du P, et ils disent : Batein, Bicron, au lieu de Patein et Picron. Ils écrivent donc Bysius, au lieu de Pysius, nom qui signifie que c'est dans ce mois qu'ils interrogent leur dieu. Ce sentiment s'accorde avec les anciennes observations des Delphiens, d'après lesquelles c'est dans ce mois que leur oracle a commencé. Ils prétendent qu'Apollon est né le septième jour de ce mois, qu'ils nomment Polyphtone, non des gâteaux qu'on lui offre ce jour-là, mais parce que l'oracle répond alors aux différentes questions qu'on lui fait. Ce fut bien longtemps après que la prêtresse commença de répondre tous les mois à ceux qui venaient la consulter. Anciennement, selon le témoignage de Callisthène et d'Anaxandridas, elle ne prononçait ses oracles qu'une fois l'an, et le premier jour de ce mois. 10. Que signifie le mot Phuximèle ? C'est une petite plante de la classe des rampantes, dont les troupeaux mangent les bourgeons, et qu'ils empêchent de croître. Lorsqu'elle a pu éviter leur atteinte, page 75 et qu'elle est parvenue à sa grandeur naturelle, on lui donne, selon Eschyle, le nom de phuximèle, ou qui a fui tes troupeaux. 11. Quels sont ceux qu'on nomme Aposphendonètes ? Les Erétriens habitaient l'île de Corcyre (13). Charicrate étant venu de Corinthe pour les attaquer et les ayant vaincus, ils s'embarquèrent, et firent voile vers leur ancienne patrie. Leurs concitoyens, avertis de leur arrivée, les chargèrent à coups de fronde , et les empêchèrent de débarquer. Comme ils ne purent ni gagner ces hommes intraitables par la persuasion, ni les repousser par la force, parce qu'ils avaient la supériorité du nombre, ils se retirèrent dans la Thrace. Là ils se rendirent maîtres d'un canton qu'avait autrefois habité Méthon, un des descendants d'Orphée, et y bâtirent une ville qu'ils appelèrent Méthone (14). Les peuples voisins leur donnèrent le nom d'Aposphendonètes, ou repoussés à coups de fronde. 12. Qu'est-ce que les Delphiens entendent par Charila? On célèbre successivement à Delphes, tous les neuf ans, trois grandes solennités : le Septerium, l'Héroïde, et la Charila. La première paraît être une imitation du combat d'Apollon contre le serpent Pithon, et de la fuite de ce dieu après sa victoire, ou de la poursuite qu'il fit de cet animal. Car les uns disent qu'après l'avoir tué il s'enfuit à Tempé, pour y faire les expiations dont il avait besoin ; d'autres prétendent que le serpent blessé s'enfuit par le chemin qu'on appelle aujourd'hui la Voie Sacrée; que le dieu s'étant mis à sa poursuite, l'atteignit au mo- page 76 ment qu'il venait d'expirer de ses blessures et d'être enterré par son fils, qui se nommait Aix, ou la Chèvre. Le Septerium est donc une représentation de ce combat ou de quelque autre événement de ce genre (15). La plupart des cérémonies de l'Héroïde ont une cause fabuleuse connue des thyades. On peut conjecturer, par ce qui s'y fait, qu'on y retrace le retour de Sémélé à la vie (16). Par rapport à Charila, voici la fable qu'on raconte : La sécheresse avait causé à Delphes une grande famine. Les habitants vinrent en foule au palais du roi avec leurs femmes et leurs enfants, pour lui demander des vivres. Il fit distribuer de la farine et des légumes à ceux qui lui étaient le plus connus, parce qu'il n'avait pas de quoi suffire aux besoins de tous. Une jeune orpheline se présenta, et demanda du pain avec instance. Le roi, d'impatience, lui jeta son soulier au visage. Cette fille, qui, dans sa pauvreté, avait des sentiments élevés, se retire aussitôt, détache sa ceinture et s'étrangle. Comme la famine augmentait toujours, et qu'il survenait même des maladies épidémiques, le roi consulta l'oracle, qui lui répondit qu'il fallait apaiser les mânes de Charila, qui s'était elle-même donné la mort. On découvrit avec bien de la peine que c'était cette jeune fille que le prince avait maltraitée. Alors on institua un sacrifice d'expiation qui se célèbre encore aujourd'hui, tous les neuf ans. Le roi y préside page 77 et distribue de la farine et des légumes à tous ceux qui se présentent, citoyens ou étrangers; on y voit une figure qui représente Charila; et,- lorsque la distribution est finie, le roi frappe cette figure de son soulier. Alors la principale des thyades la prend, la porte dans un précipice où Charila avait été ensevelie, et y enterre son simulacre après lui avoir attaché une corde au cou. 13. Qu'est-ce que la Viande du mendiant chez les Enéens (17)? Les Enéens ont souvent changé de demeure. Ils étaient d'abord établis auprès de Dotium (18). Les Lapithes les en ayant chassés, ils allèrent à Ethique (19), de là dans le canton de la Molossie (20), qui est près de Paréva, d'où ils prirent le nom de Parèves (21). Ils vinrent ensuite à Cirrha (22), où après avoir, par l'ordre du dieu, lapidé le roi Enoclus, ils allèrent dans le pays qu'arrose le fleuve Inachus, et qui était occupé alors par les descendants d'Inachus (23) et par les Achéens. Un oracle avait prédit à ces derniers que s'ils donnaient volontairement une partie de leur terrain, ils le perdraient tout entier; et aux Enéens que, s'ils pouvaient en obtenir de bon gré une portion, ils deviendraient maîtres de tout le reste. page 78 Témon, l'un des plus distingués d'entre les Énéens, se couvre de haillons, prend une besace, et, ainsi déguisé, va chez les Inachiens en demandant l'aumône. Leur roi lui donne, par dérision, une motte de terre au lieu de pain. Témon la reçoit, la met dans sa besace, et, sans plus rien demander, se retire bien satisfait. Les anciens du pays, surpris d'une telle conduite, se ressouviennent de l'oracle. Ils vont aussitôt trouver le roi, qu'ils exhortent à ne pas négliger une affaire aussi importante et à s'assurer de cet homme. Témon, qui avait pressenti leur dessein, se dérobe par une prompte fuite, promet, s'il échappe, une hécatombe à Apollon, et rejoint heureusement les siens. Bientôt les rois des deux peuples en viennent à un combat singulier; Phémius, roi des Énéens, voyant Hypérochus, son adversaire, venir à lui avec un chien qui le suivait, lui dit qu'il a tort d'amener un second au combat. Le roi des Inachiens se retourne pour chasser le chien, et Phémius saisit ce moment pour lui lancer une pierre dont il le tua. Les Énéens, devenus maîtres du pays, en chassèrent les anciens habitants. Depuis, ils honorent cette pierre comme sacrée, lui immolent des animaux, et la couvrent de la graisse des victimes. Lorsqu'ils offrent à Apollon l'hécatombe vouée par Témon, ils sacrifient aussi un taureau à Jupiter, et donnent aux descendants de Témon une portion distinguée, qu'ils appellent la viande du mendiant. 14. Qui sont ceux qu'on nomme à Ithaque les Coliades? et qu'est-ce que le Phagilus ? Après le massacre des amants de Pénélope , tous les parents des morts excitèrent une sédition contre Ulysse. Néoptolème (24), que les deux partis choisirent pour arbitre, décida qu'Ulysse, en expiation de tant de sang répandu, devait se bannir de Céphallénie, de Jacinthe et page 79 d'Ithaque (25), que les proches et les amis des morts lui paieraient tous les ans une somme convenue en dédommagement des dépenses qu'ils avaient faites chez lui pendant son absence. Ulysse donc se retira en Italie, et, après avoir consacré le tribut annuel que ceux d'Ithaque étaient condamnés à lui payer, il le transporta à son fds Télémaque. C'était de la farine, du^vin, du miel, de l'huile, du sel et des victimes plus grandes que les Phagiles. Aristote dit que le phagile est un agneau. Télémaque donna à Eumée la liberté et le droit de bourgeoisie, et c'est de lui que sont descendus les Coliades, comme de Philétius sont venus les Bucolïens (26). 15. Qu'est-ce que la Chienne de bois chez les Locriens (27) ? Locrus, fils de Physcius, et petit-fils d'Amphictyon (28), eut de sa femme Cabia un fils qu'il nomma Locrus, et avec qui, dans la suite, il eut une dispute très vive. Le père alors prit un grand nombre de ses concitoyens, et alla consulter l'oracle sur le lieu où il devait établir une colonie. Le dieu lui dit de bâtir une Ville dans l'endroit où il aurait été mordu par une chienne de bois. Après avoir traversé la mer, comme il parcourait le pays, il marcha sur un chardon épineux, ou ronce de chien, qui lui déchira les jambes. La douleur que lui causa cette blessure le retint quelques jours, et lui donna le temps de connaître la nature du sol. Il en fut si content qu'il y bâtit Physcé, Hyanthée et d'autres villes qui, depuis, furent habitées par les Locriens Ozoles, ou de mauvaise odeur (29). page 80 Ce nom leur venait, selon les uns, du centaure Nessus ; selon d'autres, du serpent Pithon, qui, poussé sur leur rivage, y avait pourri. Il y en a qui attribuent cette mauvaise odeur aux peaux de moutons et de chèvres dont ils étaient vêtus, et. à l'habitude de vivre au milieu de ces animaux. D'autres, au contraire, prétendent que ce surnom signifie une bonne odeur, et qu'il vient de la grande quantité de fleurs dont leur pays était couvert ; ce qui a fait dire au poète Architas d'Amphisse :
L'aimable Macyna de vignes
couronnée, 16. Que signifie à Mégare le mot Aphabroma? Nisus, roi de Mégare (31), qui de son nom fut appelée Nisée, épousa une Béotienne nommée Abrota, fille d'Onchestus, et sœur de Mégarée. C'était une femme d'une vertu et d'une prudence peu communes. Sa mort causa le plus vif regret à tous les Mégariens; et Nisus, pour lui ériger un monument qui perpétuât son souvenir et sa gloire, ordonna qu'on revêtit son corps des mêmes habits qu'elle avait coutume de porter; et il appela, de son nom, cette espèce de vêtement Aphabroma. L'oracle a toujours eu soin de maintenir la gloire de celte princesse. Toutes les fois que les femmes de Mégare ont voulu changer leur manière de se vêtir, il s'y est constamment opposé. 17. Que veut dire ce mot Doryxène? page 81 Le pays de Mégare était anciennement habité par bourgade, et les citoyens divisés en cinq classes, qu'on appelait les Héréens, les Pyréens, les Mégariens, les Cynosnres et les Tripodisces. Les Corinthiens, qui avaient toujours eu le projet de se rendre maîtres de ce pays, y excitèrent une guerre civile, pendant laquelle cependant les deux partis, comme enfants d'une même patrie, conservèrent toujours une conduite pleine de modération et d'équité. Ils ne faisaient aucun tort aux laboureurs. Les prisonniers étaient, de part et d'autre, rachetés pour une somme déterminée qu'on ne payait qu'après qu'ils avaient été mis en liberté. Celui qui faisait un prisonnier le conduisait dans sa maison, lui donnait bien à manger, et le renvoyait chez lui. Lorsqu'il venait apporter sa rançon, il recevait des remerciements, et demeurait pour toujours l'ami de celui dont il avait été le prisonnier. Au lieu de l'appeler doryalote ou captif, on lui donnait le nom de doryxène (32). Celui qui n'aurait pas payé sa rançon eût passé non seulement chez les ennemis, mais dans son propre parti, pour un homme injuste et perfide. 18. Que signifie ce mot PaIintocia ? Les Mégariens, après avoir chassé leur tyran Théagène, ne conservèrent pas longtemps un gouvernement sage et modéré. Leurs démagogues les eurent bientôt corrompus, en leur faisant boire avec excès, selon l'expression de Platon, la liberté toute pure. Les pauvres se portèrent contre les riches aux derniers excès ; ils entraient dans leurs maisons, demandaient qu'on les traitât avec magnificence, et si on les refusait, ils commettaient les plus grandes violences. Ils en vinrent enfin jusqu'à forcer, par un décret public, les banquiers de leur rendre les intérêts des sommes qu'ils avaient empruntées d'eux. Ils page 82 donnèrent à cet acte de violence le nom de palintocia, ou répétition des intérêts. 19. Quelle est cette Anthédon de laquelle la prêtresse d'Apollon a dit :
Bois du vin chargé de sa lie, L'Anthédon de Béotie n'est pas fertile en vins. La Calaurie (33) s'appelait anciennement Irène, du nom d'une femme qu'on prétend être née de Neptune et de Mélanthia, fille d'Alphée. Dans la suite, Anthès et Hypérès s'y établirent et la nommèrent Anthédon et Hypérie (34). L'oracle disait, au rapport d'Aristote :
Bois du vin chargé de sa lie, Mais Mnasigathon écrit qu'Anthus, frère d'Hypérès, fut perdu dans son enfance ; que celui-ci, qui le cherchait de tous côtés, vint à Phères, chez Acaste ou Adraste, à qui son frère servait d'échanson. Anthus l'ayant reconnu pendant qu'il lui versait à boire, lui dit tout bas :
Bois du vin chargé de sa lie , 20. Qu'entend-on à Priène (35) par les Ténèbres auprès du chêne ? Les Samiens ayant déclaré la guerre à ceux de Priène, il n'y eut d'abord de part et d'autre que des pertes assez légères. Mais, dans une dernière bataille, les Priénois tuè- page 83 rent mille Samiens. Sept ans après ils en vinrent aux mains avec ceux de Milet, dans un lien appelé le Chêne, où ils perdirent les principaux et les pins braves de leurs citoyens. Ce fut dans ce temps-là que Bias, envoyé de Priène à Samos en qualité d'ambassadeur, y acquit la plus grande réputation. Comme ce désastre avait vivement affecté les femmes de Priène, le serment et l'imprécation la plus forte qu'elles employèrent depuis, fut de dire : Par les ténèbres du chêne ; parce qu'elles y avaient perdu leurs enfants, leurs pères et leurs maris. 21. Quels sont ceux que les Crétois appellent Catacautes? On dit que des Thyrrhéniens, pendant qu'ils étaient établis à Imbros et à Lemnos (36), enlevèrent à Braurone (37) des femmes et des filles des Athéniens; que, chassés de ces deux îles, ils passèrent en Laconie, où ils eurent avec les femmes du pays un commerce assez suivi pour qu'il en naquît des enfants. Devenus par là suspects aux habitants, et obligés de quitter la Laconie, ils partirent avec leurs femmes et leurs enfants sous la conduite de Pollis et de son frère, et abordèrent en Crète. Là, dans plusieurs combats qu'ils eurent à soutenir contre les naturels du pays, ils négligèrent d'enterrer leurs morts, d'abord à cause du danger qu'il y aurait eu à les enlever, et ensuite parce qu'ils n'osèrent pas toucher à des cadavres qui étaient déjà en putréfaction. Alors Pollis imagina d'établir des privilèges et des prérogatives, soit pour des prêtres qui seraient institués, soit pour ceux qui auraient la charge d'ensevelir les cadavres ; et afin qu'on ne les abolit jamais, il les consacra aux dieux Mânes. Ensuite il tira au sort avec son frère à qui aurait en partage la classe des page 84 prêtres qu'il établit, et celle qui serait chargée d'ensevelir les morts, et qui porta le nom de catacautes (38). Il donna à chacune de ces classes des lois et une discipline particulières. Et quoique les Crétois se fassent réciproquement mille violences et mille injustices, ces deux classes, outre les autres immunités qu'on leur a volontairement accordées, ont toujours eu celle de ne jamais éprouver aucun tort ni aucune insulte. 22. Qu'est-ce que le Tombeau des enfants à Chalcis (39)? Cothus et Arclus (40), fils de Xuthus, voulurent s'établir dans l'Eubée, dont les Éoliens habitaient alors la plus grande partie. Un oracle avait prédit à Cothus que s'il achetait de la terre, il prospérerait et triompherait de ses ennemis. En débarquant, il rencontra sur le rivage des enfants qui jouaient. Il s'associe à leurs jeux, leur montre beaucoup de bijoux qu'ils ne connaissaient pas ; et voyant leur extrême envie de les avoir, il leur promet de les leur donner à condition. qu'il recevra d'eux de la terre en échange. Les enfants ramassent de la terre, et après la lui avoir donnée, ils se retirent avec leurs bijoux. Les Éoliens, instruits de ce qui s'était passé, et qui virent la flotte ennemie venir à eux, dans un transport de colère et de douleur, massacrèrent tous ces enfants. Ils furent ensevelis le long du chemin qui conduit à l'Euripe, et qui prit le nom de Sépulcre des enfants. page 85 23. Qui sont ceux que les Argiens appellent Mixarchagetas et Elasiens? Le premier terme est un surnom de Castor, que les Argiens croient enseveli dans leur pays, au lieu qu'ils adorent Pollux comme un des dieux célestes. Ils appellent Elasiens ceux qu'ils imaginent avoir le secret de guérir l'épilepsie, et qui passent pour des descendants d'Alexida, fille d'Amphiaraüs. 24. Qu'est-ce que les mêmes Argiens entendent par ecnisme ? Il est d'usage chez ce peuple, lorsqu'on a perdu un parent ou un ami, de sacrifier à Apollon quand le deuil est fini, et trente jours après à Mercure. Ils croient que ce dieu reçoit les âmes des morts, comme leurs corps sont confiés à la terre. Ils donnent de l'orge au prêtre d'Apollon, et reçoivent de lui une portion de la victime. Ensuite ils éteignent le feu qui brûle sur l'autel, comme devenu impur, et en allument un nouveau avec lequel ils font cuire cette viande, qu'ils appellent ecnisme (41). 25. Que signifient ces mots : Alastor, Aliterius, Palamnaïus ? Il ne faut pas adopter l'opinion de ceux qui disent que le second de ces termes désigne celui qui dans un temps de famine épie ceux qui font moudre du blé pour enlever la farine. Alastor se dit d'un homme qui a fait des actions qu'on ne peut jamais oublier (42) ; et Aliterius, de celui qu'il faut éviter à cause de sa méchanceté. Socrate dit que ces sortes de crimes étaient gravés sur des tables d'airain. 26. Dans quel sens les jeunes filles qui accompagnent jusqu'aux frontières les citoyens chargés de conduire un bœuf de la ville d'Énus à Cassiopée, leur disent-elles : page 86 Puissiez-vous ne jamais revoir votre patrie? Les Énéens, chassés de leur pays par les Lapithes, s'établirent d'abord auprès d'Étique, ensuite à Molosside et à Cassiopée (43). Mais, comme le sol était stérile, qu'ils avaient d'ailleurs des voisins incommodes, ils passèrent à Cirrha sous la conduite d'Onoclus, leur roi. Là, tourmentés par des chaleurs brûlantes, ils lapidèrent Onoclus, pour obéir, dit-on, à l'oracle ; et après de nouvelles courses, ils s'établirent enfin dans ce pays riche et fertile qu'ils occupent maintenant. Ce n'est donc pas sans raison qu'on demande aux dieux qu'ils ne revoient jamais leur ancienne patrie, mais qu'ils jouissent constamment de leur bien-être actuel. 27. Pourquoi à Rhodes aucun héraut ne peut-il entrer dans la chapelle d'Ocridion ? On dit qu'Ochymus ayant promis sa fille Cydippe en mariage à Ocridion, Cercaphus, frère de ce dernier, et qui était amoureux de Cydippe, engagea le héraut, qui, selon l'usage, devait aller chercher la mariée, de la conduire chez lui. Cercaphus prit la fuite avec elle, et ne revint à Rhodes que lorsque Ocridion fut parvenu à la vieillesse. Les Rhodiens, en mémoire de l'injure faite à Ocridion, défendirent qu'aucun héros entrât jamais dans sa chapelle (44). 28. Pourquoi à Ténédos est-il défendu qu'aucun joueur de flûte entre dans le temple de Tenès, et qu'on n'y profère jamais le nom d'Achille ? page 87 La belle-mère de Tenès l'avait inutilement sollicité à un commerce criminel. De dépit de se voir méprisée, elle engagea un joueur de flûte nommé Molpus à porter un faux témoignage contre lui ; ce qui l'obligea de s'enfuir à Ténédos avec sa sœur. Pour ce qui regarde Achille, on dit que Thétis, sa mère, lui avait bien recommandé de ne pas faire mourir Tenès, qui était aimé d'Apollon ; qu'elle avait même chargé un esclave d'y veiller et de rappeler à Achille qu'il prît garde de tuer imprudemment Tenès. Achille, dans le sac de Ténédos, poursuivait la sœur de Tenès, qui était fort belle. Son frère accourut à son secours et lui donna le moyen de s'échapper ; mais il périt lui-même de la main d'Achille. Ce héros l'ayant reconnu, tua l'esclave qui, se trouvant auprès de lui, n'avait pas songé à l'avertir, et il rendit lui-même à Tenès les derniers devoirs. Son temple subsiste encore aujourd'hui. Nul joueur de flûte ne peut y entrer, et il est défendu d'y proférer le nom d'Achille. 29. Quel est celui qu'on appelle le polète à Épidamne? Les habitants d'Épidamne (45), qui s'étaient aperçus que leurs citoyens, en commerçant avec les Illyriens, leurs voisins, se laissaient insensiblement corrompre, craignirent qu'il n'en résultât des nouveautés dangereuses dans le gouvernement. Pour l'éviter, ils choisirent chaque année un homme d'une probité reconnue, qui se rendait chez ces Barbares et faisait, au nom de ses concitoyens, tous les marchés nécessaires. On l'appelait le polète, ou le commerçant. 30. Qu'est-ce qu'on appelle en Thrace le rivage d'Arénus ? Ceux d'Andros (46) et de Chalcis passèrent dans la Thrace page 88
à dessein de s'y établir,
et s'emparèrent par trahison de la ville de Sanes (47),
qu'ils possédèrent en commun. Bientôt, sur la nouvelle qu'ils eurent que les
Barbares avaient abandonné la ville d'Acanthe (48),
ils y envoyèrent deux des leurs qui, s'étant approchés des portes, reconnurent
que les ennemis n'y étaient plus. Celui de Chalcis devança son compagnon, afin
de prendre le premier possession de la ville au nom de ses concitoyens. L'Andrien,
qui ne pouvait pas le suivre, lance avec force un trait qu'il enfonce dans la
porte, et prétend avoir par là acquis le premier la ville pour ceux de son pays.
Il s'éleva une dispute entre les deux peuples ; mais pour empêcher qu'elle ne
dégénérât en guerre ouverte, ils convinrent de prendre pour arbitres ceux
d'Érythrée, de Samos et de Paros (49). 31. Pourquoi, aux sacrifices des Thesmophories , les femmes d'Érétrie font-elles cuire leur viande au soleil et non au feu, et qu'elles n'invoquent point Calligénie ? Cet usage ne vient-il pas de ce que les femmes captives qu'Agamemnon emmenait de Troie avaient commencé dans cette ville la célébration des Thesmophories (50), lors- page 89 qu'un vent favorable qui s'éleva tout à coup les obligea de se rembarquer sans avoir eu le 'temps d'achever le sacrifice ? 32. Qui sont ceux qu'on appelle à Milet (51) Ies navigateurs continuels ? Lorsque les Milésiens eurent chassé les tyrans Thoas et Damasenor, deux tribus (52), nommées l'une Plontis et l'autre Chiromacha, s'emparèrent du gouvernement. Mais les nobles, devenus les plus forts, attirèrent à eux tout le pouvoir. Ils montèrent sur un vaisseau pour traiter des objets les plus importants, et s'étant éloignés du bord, ils ne revinrent qu'après avoir fait les décrets qu'ils voulaient. De là le nom de navigateurs perpétuels. 33. Pourquoi ceux de Chalcis appellent-ils un lieu voisin de Pyrsophius l'Assemblée des jeunes gens ? On dit que Nauplius, poursuivi par les Grecs d'Achaïe, implora le secours des habitants de Chalcis, auprès desquels il se justifia des crimes dont on l'accusait, et en imputa lui-même d'autres à ses ennemis. Ceux de Chalcis refusèrent de le livrer, et dans la crainte qu'on ne le tuât par surprise, ils lui donnèrent une garde de jeunes gens qui, placés à l'endroit même où ils s'étaient abouchés avec Nauplius, veillaient à sa défense. 34. Quel est celui qui immola un bœuf à son bienfaiteur? page 90 Il y avait dans un brigantin qui était à la rade au port d'Ithaque un vieillard avec des pots de terre qui contenaient de la poix. Un pilote de l'île nommé Pyrrias vint par hasard aborder au même endroit, et touché des prières du vieillard, sans autre motif que celui de l'humanité, il paya sa rançon et acheta même, pour lui faire plaisir, quelques uns de ces pots. Lorsque le départ du brigantin ne laissa plus au vieillard aucun sujet de crainte, il montra à Pyrrias ses pots de terre, où il y avait beaucoup d'or et d'argent mêlé parmi la poix. Pyrrias, qui se voyait subitement enrichi, entre plusieurs autres marques de reconnaissance qu'il donna au vieillard, lui immola un bœuf. De là le proverbe : Nul autre que Pyrrias n'a immolé un bœuf à son bienfaiteur. 35. Pourquoi les filles des Bottiens (53) ont-elles coutume de dire dans leurs danses : Allons à Athènes? Les Crétois, dit-on, pour acquitter un vœu qu'ils avaient fait, envoyèrent les prémices de leurs citoyens s'établir à Delphes. Ceux-ci, voyant que le pays manquait de tout, le quittèrent pour aller fonder ailleurs une colonie. Ils s'établirent d'abord à Iapygie, ensuite dans cette partie de la Thrace nommée Bottienne avec les Athéniens qu'ils avaient parmi eux. Car il paraît que Minos ne faisait pas périr les jeunes gens qu'on lui envoyait tous les ans d'Athènes pour acquitter le tribut qu'il avait imposé à cette ville, et qu'il les retenait auprès de lui en qualité d'esclaves. Quelques uns d'entre eux, qui étaient devenus Crétois, et qui passaient pour tels, avaient été envoyés à Delphes. C'est pour cela que les filles des Bottiens, par le souvenir de leur première origine, chantaient dans leurs fêtes : Allons à Athènes. 36. Pourquoi les femmes des Éléens (54), dans leur hymne page 91 à Bacchus, demandent-elles à ce dieu de venir avec un pied de bœuf? Voici les paroles de cet hymne : « Viens, illustre héros, dans ton auguste temple, accompagné des Grâces ; viens dans ton temple maritime avec un pied de boeuf. » Ensuite elles répètent deux fois : « Ô digne taureau ! » Cet usage vient-il de ce qu'on donne quelquefois à ce dieu le nom de Taureau? Est-ce que pied de bœuf signifie un grand pied, comme le poète appelle de grands yeux des yeux de bœuf, et une grande arrogance une fierté de bœuf ? Ou, comme le bœuf ne frappe pas du pied, au lieu que sa corne est très dangereuse, est-ce pour prier ce dieu de venir avec des sentiments de douceur? Est-ce enfin parce que bien des gens regardent Bacchus comme l'inventeur de l'agriculture (55)? 57. Pourquoi y a-t-il devant la ville de Tanagra (56) un lieu appelé l'Achillée? Ce héros fut plutôt l'ennemi que l'ami de cette ville, d'où il enleva Stratonice, mère de Pémandre, et tua Acestor, fils d'Ephippus. Dans le temps que la Tanagrie était divisée en plusieurs bourgs, Pémandre, père d'Ephippus, se voyant assiégé dans Stéphonte (57) par les Grecs, qu'il ne voulait pas accompagner au siége de Troie, en sortit la nuit et fortifia Pémandrie. Il avait auprès de lui un architecte nommé Polycrithus, qui, insultant à ces fortifications, sauta par mépris le fossé que Pémandre page 92 avait fait creuser (58). Celui-ci, outré de colère, saisit une grande pierre qui avait été placée là fort anciennement pour servir à des sacrifices nocturnes, ce que Pémandre ignorait, et la lança contre Polycrithus. Mais au lieu de frapper l'architecte, il atteignit son propre fils Leucippe et le tua. Il était obligé, selon la loi, de sortir de la Béotie et de se retirer, en qualité de suppliant, dans une terre étrangère. Mais comme l'invasion de la Tanagrie par l'armée grecque en rendait la sortie difficile, il envoya son fils Ephippus implorer le secours d'Achille. Ephippus détermina ce héros à le suivre, et avec lui Tlépolème (59), fils d'Hercule, Pénélée, fils d'Hippalcmus (60), qui tous étaient parents. Ils conduisirent Pémandre à Chalcis. Là, il fit chez Elphénor les expiations nécessaires et revint en Béotie, où, pour honorer ses bienfaiteurs, il consacra à chacun d'eux des endroits particuliers, dont l'un conserve encore le nom d'Achillée. 38. A qui donnait-on en Béotie les noms de psoloès et d'éolées? On dit que les trois filles de Mynias (61), Leucippe, Arsinoé et Alcathoa, étant devenues furieuses, conçurent le désir de manger de la chair humaine, et tirèrent au sort leurs enfants. Il tomba sur Hippasus, fils de Leucippe, qu'elles mangèrent, après l'avoir coupé par morceaux. Leurs maris, qui, dans l'excès de douleur que ces horreurs leur inspirèrent, avaient négligé tout soin de leur personne, furent appelés psoloès, et leurs femmes éolées, page 93 ou cruelles. Les Orchoméniens donnent encore aujourd'hui ce nom aux femmes qui tirent leur origine des filles de Mynias, et tous les ans, aux fêtes Agrioniennes, le prêtre de Bacchus les poursuit, l'épée nue à la main, et les oblige de s'enfuir promptement. Il a le droit de tuer celle qu'il peut saisir, et le prêtre Zoïle l'a fait de nos jours. Il est vrai que ce meurtre lui fut funeste, ainsi qu'à toute sa famille. Zoïle eut une plaie d'abord peu considérable, qui dégénéra en une maladie de langueur, et il mourut rongé d'ulcères. Tous les siens, condamnés dans plusieurs affaires qu'ils eurent à soutenir, furent obligés d'abandonner le sacerdoce, qu'on déféra à celui des citoyens qui en fut jugé le plus digne. 39. Pourquoi ceux qui entrent de dessein formé dans le Lycée (62), en Arcadie, sont-ils lapidés, et ceux qui le font par mégarde, transportés à Éleuthère? Par rapport à ces derniers, est-ce parce qu'ils sont par là même affranchis, et que cette formule : Allez à Éleuthère, est semblable à celle-ci :
Allez au pays d'Amelus. Faut-il croire ce que la fable rapporte, qu'entre les enfants de Lycaon, Éleuther et Lébade furent les seuls qui n'eurent point de part au crime de leur père envers Jupiter (63)? Ils s'enfuirent en Béotie, et de là est venu le droit de bourgeoisie, commun aux Lébades (64) et aux Arcadiens. Ils relèguent donc à Éleuthère c'eux qui, par mégarde, page 94 entrent dans ce lieu consacré à Jupiter, d'où personne ne doit approcher. Architimus, dans ses Arcadiennes, raconte que des gens qui y étaient entrés sans le vouloir furent livrés par les Arcadiens aux Phliasiens (65), et par ceux-ci aux Mégariens, qui les envoyèrent à Thèbes. Mais comme ils passaient à Éleuthère, ils y furent arrêtés par des pluies abondantes, des tonnerres et d'autres signes célestes. C'est même de là, ajoute-t-il, que la ville prit le nom d'Éleuthère. On prétend que ceux qui entrent dans le Lycée ne font point d'ombre ; mais cette opinion est fausse, quelque crédit qu'elle ait trouvé dans les esprits. En effet, ce phénomène pourrait-il venir de ce que l'air se condenserait et prendrait, pour ainsi dire, un air sévère contre ceux qui entrent dans ce bois sacré ? Serait-ce parce qu'on fait mourir ceux qui y sont entrés, et que, selon Pythagore, les âmes des morts ne font point d'ombre et n'ont pas de mouvement dans les yeux? ou parce que l'ombre est produite par le soleil, et qu'on prive de la vue de cet astre celui qui a osé pénétrer dans cet asile? C'est peut-être là ce qu'ils ont voulu désigner énigmatiquement ; car on appelle cerf celui qui y est entré. Aussi l'Arcadien Cantharion, qui, après avoir passé comme transfuge dans le camp des Éléens, alors en guerre avec ceux d'Arcadie, avait traversé le Lycée chargé de butin, fut-il, après la guerre, livré aux Arcadiens par les Spartiates, chez qui il s'était retiré, parce que l'oracle leur ordonna de rendre le cerf (66). 40. Qu'est-ce que le héros Eunostus à Tanagre? et pourquoi les femmes ne peuvent-elles pas entrer dans le bois qui lui est consacré ? page 95 Eunostus eut pour père Élieus, fils de Céphisus et de Sciade. La nymphe Eunosta, qui l'avait nourri, lui donna son nom. La pureté et même l'austérité de ses mœurs égalaient sa justice et son intégrité. Ochna, sa cousine, une des filles de Colonus, devint amoureuse de lui et le pressa de consentir à ses désirs. Eunostus rejeta sa proposition avec horreur, et alla trouver les frères d'Ochna pour s'en plaindre ; mais elle l'avait prévenu, en l'accusant lui-même, auprès d'eux, de lui avoir fait violence. Elle les irrita tellement contre lui, qu'ils le tuèrent dans une embuscade. Ils étaient trois, et se nommaient Ochnus, Léon et Bucolus. Elieus fit jeter dans les fers les meurtriers de son fils. Bientôt Ochna, touchée de repentir et livrée aux plus cruels remords, soit pour se délivrer des peines que lui causait un malheureux amour, soit par compassion pour ses frères, alla tout découvrir à Élieus, qui lui-même en instruisit le père d'Ochna. Colonus condamna ses trois fils à l'exil, et Ochna se précipita volontairement du haut d'un rocher. C'est ainsi que le rapporte Myrtis, citoyenne d'Anthédon, connue par ses poésies. Les Tanagriens étaient si attentifs à écarter les femmes du temple et du bois sacré d'Eunostus, que, lorsqu'il arrivait des tremblements de terre, des sécheresses ou d'autres accidents de cette nature assez ordinaires, ils recherchaient avec le plus grand soin si quelque femme ne s'en était pas secrètement approchée. Quelques auteurs même, du nombre desquels est Clidamus, écrivain d'une grande autorité, disent avoir rencontré Eunostus qui allait se laver dans la mer, parce que femme était entrée dans son bois sacré. Dioclès (67), dans son Commentaire sur les temples des demi-dieux, rapporte un décret des Tanagriens relatif à la déclaration qu'en avait faite Clidamus. page 96 41. Pourquoi le fleuve qui coule auprès d'Éléon, en Béotie, porte-t-il le nom de Scamandre (68) ? Dimachus, fils d'Eléon, compagnon d'Hercule, partit avec ce héros pour le siége de Troie. Cette expédition ayant tiré en longueur, Glaucia, fille de Scamandre, à laquelle Dimachus avait inspiré la plus violente passion, eut commerce avec lui et devint grosse. Il périt bientôt après en combattant contre les Troyens. Glaucia, qui craignait qu'on ne découvrît son état, s'enfuit auprès d'Hercule, à qui elle raconta son amour pour Dimachus et les suites qu'il avait eues. Ce héros, touché de compassion pour elle, charmé d'ailleurs qu'il restât des descendants d'un ami aussi vertueux, reçut Glaucia sur ses vaisseaux. Elle mit au monde un fils, qu'Hercule emmena avec sa mère en Béotie, et il les remit l'un et l'autre à Éléon. L'enfant fut appelé Scamandre et régna dans le pays. Il donna son nom au fleuve qui portait auparavant celui d'Inachus, et celui de Glaucia à une rivière voisine. Une fontaine qui était auprès fut nommée d'Aciduse, du nom de sa femme, de qui il eut trois filles qu'on honore encore aujourd'hui sous le nom des trois vierges. 42. D'où est venu le proverbe : Ceux-ci l'emportent? Dinon, chef des Tarentins, s'était acquis à la guerre une grande réputation. Un jour que ses concitoyens avaient rejeté l'avis qu'il 'venait de proposer, et que le héraut proclamait celui pour lequel la multitude s'était déclarée, Dion étendit la main et dit tout haut en désignant le sien : Celui-ci l'emporte. C'est ainsi que le raconte Théophraste. Apollodore, dans son Rytinus (69), ajoute page 97 que le héraut ayant observé que l'avis contraire avait plus de suffrages : « Oui, répliqua Dinon, mais les meilleurs sont pour l'autre. » Et il donna force de loi à l'avis du plus petit nombre. 43. Pourquoi la ville d'Ithaque fut-elle appelée Alalcomène? L'opinion la plus commune est qu'Anticlée, violée par Sisyphe (70), devint grosse d'Ulysse. Ister d'Alexandrie rapporte dans ses Commentaires qu'Anticlée, après avoir épousé Laerte, fut conduite à Alalcomène, en Béotie (71), où elle mit au monde Ulysse ; et que dans la suite ce prince, pour conserver le souvenir de la ville où il était né, en donna le nom à celle d'Ithaque. 44. Quels sont- ceux qu'on appelle à Égine (72) les monophages ? Les Éginètes qui étaient allés au siége de Troie périrent presque tous, ou dans les combats, ou sur mer par les tempêtes. Les parents de ceux qui étaient restés en très petit nombre, les reçurent à leur retour avec la plus grande satisfaction ; mais, comme ils virent que leurs concitoyens étaient dans la tristesse et dans le deuil, ils n'osèrent ni témoigner ouvertement leur joie ni sacrifier publiquement aux dieux ; mais ils traitèrent secrètement chez eux leurs parents, leurs proches et leurs amis, les servirent eux-mêmes à table et n'admirent aucun étranger à ces festins domestiques. Pour en conserver la mé-
moire, ils font à Neptune des sacrifiées qu'ils appellent Thyases et qui durent seize jours, pendant lesquels ils mangent seuls dans leurs maisons, sans y admettre aucun esclave, même pour les servir. Ils terminent la fête par un sacrifice à Vénus. De là le nom de monophages, ou qui mangent seuls. 45. Pourquoi la statue de Jupiter Labradéen, en Carie (73), tient-elle dans sa main une hache élevée, au lieu d'un sceptre ou de la foudre? Hercule, après avoir tué Hippolyte (74), lui enleva, avec le reste de son armure, une hache dont il fit présent à Omphale. Les rois de Lydie successeurs d'Omphale la portèrent depuis comme un ornement sacré, jusqu'à Candaule, qui, se souciant peu de cette marque de dignité, la fit porter par un de ses courtisans. Lorsque Gygès se révolta contre ce prince et lui déclara la guerre, Arsélis, roi des Myléens (75), vint avec des troupes au secours du rebelle, tua Candaule et l'officier qui portait la hache. Arsélis l'emporta dans la Carie avec beaucoup d'autres dépouilles, fit faire une statue de Jupiter, lui mit cette hache à la main, et donna à ce dieu le surnom de Labradéen. Labra, en langue lydienne, signifie hache (76). 46. Pourquoi les Tralliens (77) donnent-ils au légume que nous appelons ers le nom de purificateur, et qu'ils l'emploient dans toutes les cérémonies d'expiation? Les Léléges et les Myniens, après avoir chassé les Tral- page 99 liens de leur ville et de tout le pays qu'ils occupaient, s'y établirent à leur place. Dans la suite, les Tralliens revinrent et les chassèrent à leur tour. Ceux des Léléges qui n'avaient pas péri dans le combat, et que la faiblesse ou l'indigence retint à Tralles, y furent si méprisés, qu'on n'en tenait aucun compte, soit pendant leur vie, soit à leur mort. On fit même une loi qui portait qu'un Trallien qui aurait tué un Mynien ou un Lélége expierait ce meurtre en donnant aux parents du mort un boisseau d'ers. 47. Quelle est l'origine du proverbe usité chez les Eléens : Souffrir des tourments plus cruels que ceux de Sambicus ? On dit qu'un Éléen nommé Sambicus, secondé de plusieurs complices, vola dans !e temple d'Olympie un grand nombre de vases d'airain, qu'il mit en pièces et qu'il vendit. Il finit par piller à Élide le temple de Diane surveillante, surnommé l'Aristarchium. Il avait à peine commis ce sacrilège, qu'il fut pris ; on l'appliqua à la torture pendant un an entier, pour tirer de lui l'aveu de ses complices, et il mourut après avoir souffert des tourments inouïs, qui donnèrent lieu au proverbe. 48. Pourquoi, à Lacédémone, la chapelle qui est auprès du temple des Leucippides (78) est-elle consacrée à Ulysse ? Ergiéus, un des descendants de Diomède, se laissa persuader par Téménus (79) d'enlever furtivement le Palladium d'Argos (80). Il eut pour complice un certain Léagre, ami de Téménus, et qui dans la suite, s'étant brouillé avec lui, s'enfuit à Lacédémone avec le Palladium. Les rois de page 100 Sparte le reçurent avec empressement, bâtirent un temple pour le Palladium auprès de celui des Leucippides, et envoyèrent consulter l'oracle de Delphes sur les moyens de s'en assurer la possession. Le dieu répondit qu'il fallait en confier la garde à un de ceux qui l'avaient enlevé. Ils firent donc construire auprès du temple une chapelle en l'honneur d'Ulysse, qu'ils regardaient d'ailleurs comme allié de leur ville par son mariage avec Pénélope (81). 49. Pourquoi les femmes de Chalcédoine (82), lorsqu'elles parlent à d'autres hommes qu'à leurs maris, et surtout à des magistrats, couvrent-elles une de leurs joues? Les peuples de Chalcédoine étaient en guerre avec ceux de Bithynie, qui les avaient provoqués par toutes sortes d'outrages. Zipète, roi des Bithyniens, fit marcher tout ce qu'il avait de troupes ; et ceux de Chalcédoine, secourus par les Thraces, mirent tout à feu et à sang dans la Bithynie. Mais, tombés dans une embuscade que Zipète leur avait tendue près d'un lieu nommé Phalium, ils se battirent avec tant d'emporlement et de désordre, qu'ils furent défaits et perdirent plus de huit mille hommes. Ils auraient tous été taillés en pièces si le roi de Bithynie ne leur eût accordé la paix, à la considération des Bysantins. Comme la ville était presque dépeuplée de citoyens, la plupart des femmes se virent forcées d'épouser des affranchis ou des étrangers. Celles qui préférèrent le célibat à un mariage ignominieux furent obligées de gérer elles-mêmes leurs affaires; et lorsqu'elles venaient devant les juges ou les magistrats, elles se couvraient une joue avec leur voile. Les autres, honteuses de n'avoir pas fait comme ces femmes estimables, les imitèrent du moins en cela, et l'usage devint général. page 101 50. Pourquoi les Argiens conduisent-ils au bois sacré d'Agénor les, brebis qu'ils veulent rendre fécondes? Est-ce parceque Agénor (83) entendait parfaitement cette branche d'agriculture, et qu'il surpassa tous les rois de son temps par la multitude de ses troupeaux? 51. Pourquoi les enfants d'Argos, à certains jours de fête, s'appellent-ils par plaisanterie Ballachradas? Cela vient-il de ce que les premiers Argiens qu'Inachus amena dans les plaines d'Argos se nourrissaient de poires sauvages ? Ce fut alors que les Grecs connurent, pour la première fois, ce fruit dans le Péloponnèse ; et le pays s'appelle encore aujourd'hui de son nom Apia. Dans la suite on donna le nom d'achras à la poire sauvage. 52. Pourquoi les Éléens, lorsqu'ils veulent faire saillir leurs juments, les conduisent-ils hors de leur territoire ? Est-ce parceque OEnomaüs (84), qui aimait les chevaux plus qu'aucun autre roi de son temps, et les élevait avec le plus grand soin, avait prononcé les plus fortes imprécations contre ceux qu'on ferait accoupler en Éli'd, et qu'ils craignent les effets de cette malédiction? 53. D'où venait l'usage établi chez les Gnossiens (85), d'emporter de force l'argent qu'on empruntait? Voulait-on donner droit au créancier d'accuser de violence ceux qui viendraient à nier la dette, et de les faire punir plus rigoureusement (86)? page 102 54. Pourquoi adore-t-on à Samos la Vénus de Dexicréon ? On dit que les Samiennes, que l'amour du luxe avait jetées dans la vie la plus licencieuse, furent délivrées de cette espèce de manie par les cérémonies expiatoires qu'employa un charlatan nommé Dexicréon. D'autres disent qu'un pilote Samien de ce nom, que son commerce avait appelé en Chypre; était occupé à charger son vaisseau, lorsque Vénus lui apparut et lui ordonna de ne prendre d'autre cargaison que de l'eau, et de se rembarquer aussitôt. Il le fit, et dès que son vaisseau fut chargé, il mit à la voile. Il survint un grand calme qui retint longtemps les vaisseaux en mer. Ils manquèrent tous d'eau et eurent recours à Dexicréon, qui leur en vendit et gagna par ce moyen beaucoup d'argent. De retour dans sa patrie, il érigea une statue à la déesse, sous le nom de Vénus de Dexicréon. Si ce fait est vrai, il paraît que Vénus voulut moins enrichir un seul homme qu'en sauver un grand nombre par le ministère d'un seul. 55. Pourquoi à Samos, quand on sacrifie à Mercure Charidote, ou Libéral, est-il permis à qui le veut de dérober et d'enlever des habits? Cela vient-il de ce que les Samiens, pour obéir à un oracle, passèrent de leur île à Mycale (87), où ils vécurent dix ans de rapines? Après ce terme, ils retournèrent dans leur île et obtinrent la victoire sur leurs ennemis. 56. Quelle est l'origine du nom Panéma, que porte un certain endroit de l'île de Samos? Est-ce parce que les Amazones, poursuivies par Bacchus, s'enfuirent du pays d'Éphèse à l'île de Samos ; et Bacchus ayant construit une flotte, passa le détroit, leur livra bataille et en fit périr un si grand nombre, que ceux qui furent témoins du combat, étonnés de la quantité de page 103 sang qui avait été répandu, donnèrent le nom de Panéma au lieu où s'était livrée la bataille ? Entre les historiens qui ont rapporté leur défaite, les uns en placent la scène auprès du Phléum (88), où l'on montre encore leurs ossements ; d'autres disent que le Phléum fut rompu par les cris épouvantables qu'elles jetèrent en mourant. 57. Pourquoi avait-on donné à un édifice (89) de Samos le surnom de Pédète ? Après la mort de Démotèle et l'abolition de sa tyrannie, les Géomores (90) exercèrent à Samos l'autorité souveraine. Dans le même temps, les Mégariens déclarèrent la guerre à ceux de Périnthe, colonie de Samos (91) et portèrent, dit-on, avec eux des fers pour enchaîner les captifs. Les Géomores en étant informés, envoyèrent promptement au secours des Périnthiens trente galères sous les ordres de neuf généraux. Deux de ces galères furent frappées de la foudre à la sortie du port. Malgré cet accident, les généraux continuèrent leur route, battirent les Mégariens et leur firent six cents prisonniers. Enflés de leur victoire, ils formèrent le dessein de renverser à Samos le gouvernement oligarchique des Géomores. Ceux qui étaient alors à la tête des affaires leur en fournirent l'occasion en leur écrivant d'amener les Mégariens chargés des fers qu'ils avaient eux-mêmes apportés. Les généraux montrèrent cette lettre aux Mégariens et leur persuadèrent de se joindre à eux pour remettre Samos en liberté. Après avoir délibéré en commun sur l'exécu- page 104 tion du projet, ils convinrent de lâcher les anneaux qui servaient à serrer les chaînes, et pour empêcher qu'elles ne tombassent lorsqu'ils marcheraient, de les attacher avec une courroie à la ceinture des prisonniers. La chose ainsi faite, on les arma chacun d'une épée; et lorsqu'ils furent arrivés à Samos, les généraux conduisirent les prisonniers, à travers la place publique, dans le Sénat, où tous les Géomores étaient assemblés. Là, au signal donné, les Mégariens se jettent sur eux et les massacrent tous. La ville fut mise en liberté, et ceux des Mégariens qui voulurent s'y établir, admis au nombre des citoyens. On construisit un grand édifice, où les chaînes furent suspendues, et de là son nom de Pédète, ou Maison des fers. 58. Pourquoi à Cos (92) le prêtre d'Hercule d'Antimachie (93) commence-t-il le sacrifice, habillé en femme, et la tête ceinte de bandelettes ? Hercule étant parti de Troie avec six vaisseaux, essuya une tempête qui en fit périr cinq : le seul qui lui restait fut porté par les vents vers l'île de Cos, où il échoua auprès d'un endroit nommé Lacetère. Hercule, de tout ce qu'il avait, ne put sauver que ses soldats et ses armes. Il rencontre sur le rivage un troupeau de moutons, conduit par un berger nommé Antagoras, à qui il demande un bélier. Le berger, homme fort et vigoureux, offre à Hercule de le gagner à la lutte. Ce héros accepte la proposition, et ils en viennent aux mains. Les Méropes (94) accourent au secours d'Antagoras, et les Grecs s'approchent pour soutenir Hercule. Alors il se livre un combat furieux, dans lequel Hercule, forcé, dit-on, de céder au nombre, prit la fuite et se retira chez une Thracienne, d'où il se page 105 déguisa en femme et échappa à la poursuite de ses ennemis. Depuis, il vainquit les Méropes, et après s'être purifié, il épousa la fille d'Alciopus, et prit pour la cérémonie des noces une robe de femme. C'est pour cela que le prêtre d'Hercule fait le sacrifice dans le lieu même où le combat se livra, et les nouveaux mariés, le jour des noces, y reçoivent leurs épouses vêtus en femmes. 59. D'où venait à Mégare le nom d'Amaxoculistes? Pendant cette anarchie effrénée qui produisit à Mégare la répétition des intérêts déjà payés par les banquiers et la profanation des temples, il arriva que les députés du Péloponnèse, envoyés pour consulter l'oracle de Delphes et assister à la fête solennelle, en traversant les terres de Mégare, passèrent la nuit à Egire (95) dans leurs chariots, auprès d'un étang, avec leurs enfants et leurs femmes. Quelques Mégariens violents, et dont l'ivresse augmentait encore la fureur, firent rouler les chariots dans l'étang, où plusieurs des députés périrent suffoqués par les eaux. Les Mégariens, par une suite du désordre général où était alors la république, laissèrent ce forfait impuni. Mais les Amphictyons (96), par respect pour les fonctions sacrées de ces députés, punirent les coupables, les uns par la mort, les autres par l'exil ; et leurs descendants furent nommés Amaxoculistes, ou qui font rouler les chariots. (01) Ville du Péloponnèse, célèbre par le temple d'Esculape. (02) Du mot grec ἀρτύειν, apprêter. Leurs fonctions étaient de préparer et de disposer les affaires qui devaient ensuite être traitées et décidées dans le grand conseil, qui était le corps législatif. (03) Conipèdes, signifie pieds poudreux, de κόνις, poussière, et de πούς, pied. Dans ces temps-là, les citoyens les plus distingués vivaient à la campagne; et à Rome, les tribus rustiques étaient composées des principales familier, au lieu que les tribus urbaines n'étaient formées que des artisans. (04) Les Cuméens habitaient la ville de Cumes en Éolie, différente d'une autre ville de Cumes en Campanie, beaucoup plus connue que la première. Les Cuméens, en général, étaient taxés de bêtise; et c'était un proverbe commun dans toute l'Asie, que le bon sens venait tard aux Cuméens. (05) Ville célèbre de Cilicie qu'on disait être une colonie d'Athènes envoyée par Solon. Comme le langage attique s'y était peu à peu altéré, on disait d'eux qu'ils solécisaient. De là est venu le nom de solécisme. (06) De ὑπὸ, et de καίω, brûle, parce qu'on brûlait en entier les chairs de la victime immolée. (07) Cnide était une ville maritime de l'Asie Mineure, célèbre par la victoire navale que Conon, général des Athéniens, y remporta sur les Spartiates et leurs alliés. (08) Opunte était une ville de la Locride, voisine du fleuve Asopus. (09) Ce mot se prenait quelquefois pour les dieux ; mais lorsqu'il leur était opposé, comme dans cet endroit, il signifiait des divinités inférieures ou subalternes. (10) L'exemple que Plutarque promet ne se trouve dans aucune édition, ni dans aucun manuscrit. (11) Deucalion, roi de Thessalie. C'était dans les familles qu'on croyait descendues de ce roi, qu'étaient choisis ces ministres, dont le nom signifie saint, soit à cause de leur origine, soit à cause des fonctions qu'ils exerçaient. (12) Le nom de ce mois, selon cette étymologie, viendrait de φύσις, nature, et marquerait le renouvellement de la nature par le printemps, au commencement duquel il était place; il devait répondre au mois d'avril. Au reste, la dénomination de ce mois était apparemment particulière a ceux de Delphes, car il n'est point sous ce nom dans le calendrier ordinaire des Grecs. (13) C'était l'ancienne île des Phéaques, fameuse par les jardins d'Alcinoüs et par le naufrage d'Ulysse. C'est aujourd'hui Corfou dans la mer Ionienne. Les Erétriens étaient des peuples de l'Eubée, dont une colonie s'était établie à Corcyre. (14) Il y eut plusieurs villes de ce nom, outre celle-ci ; une dans la Messénie, et une autre en Macédoine, au siège de laquelle Philippe perdit un œil d'un coup de flèche. (15) Hésychius dit que σεπτήριον signifie purification. Alors, cette solennité serait une représentation des cérémonies expiatoires qu'Apollon fut obligé de faire dans la vallée de Tempé, après qu'il eut tué le serpent Python, plutôt qu'une imitation de son combat contre cet animal. (16) Sémélé avait demandé à Jupiter, pour preuve de son amour, qu'il lui apparût dans tout l'éclat de sa divinité. Ce dieu le lui accorda ; mais elle ne put soutenir cette vue, et mourut victime de sa vanité. Dans la suite, Bacchus obtint de Jupiter la permission de descendre aux enfers, et d'en ramener sa mère. C'est apparemment ce retour de Sémélé à la vie que l'on représentait dans l'Héroïde, qui devait être célébrée par les thyades, ou bacchantes. (17) Les Énéens habitaient la ville d'Ena dans la Macédoine, auprès de Thessalonique. (18) Ville de Thessalie. (19) Autre ville de la même contrée. (20) La Molossie était une contrée de l'Épire, ainsi nommée, dit-on, de Molossus, fils de Pyrrhus et d'Andromaque. Elle était renommée pour ses chiens, qui étaient d'une force si prodigieuse, qu'ils se battaient contre les lions et les tigres. On les appelait molosses. (21) Les Parèves étaient des peuples de la Thesprotie dans l'Épire, voisins de la Molossie. Ils tiraient leur nom du fleuve Avus, près duquel ils habitaient. (22) Ville de la Phocide, au pied du mont Parnasse, où Apollon rendait des oracles. (23) Le fleuve Inachus tirait son nom du premier roi qui avait régné à Argos. On croit même qu'il fut le premier roi de la Grèce. C'est à lui que commencent les temps historiques de ce pays. Il fut le père d'Io, si fameuse dans la Fable. (24) Fils d'Achille, plus connu sous le nom de Pyrrhus, et qui régna en Épire. (25) Trois îles de la mer Ionienne, sur lesquelles régnait Ulysse. (26) Eumée était l'intendant des troupeaux d'Ulysse, et Philétius un de ses bergers. Ils étaient toujours restés fidèles à leur maître, et l'avaient aidé à se défaire des amants de Pénélope. (27) Les Locriens habitaient une contrée de l'Achaïe auprès du mont Parnasse. (28) Cet Amphictyon était fils de Deucalion, et régna dans l'Attique après Cranaüs, successeur de Cécrops. (29) On distinguait ces peuples on Locriens Ozoles, qui étaient à l'occident entre l'Étolie et la Phocide ; en Locriens Opuntiens, de la ville d'Opunte ; et en Epicnémidiens, de la montagne de Cnémide, à l'orient du Parnasse. (30) Je préférerais celte étymologie du mot Oxoles, soit à cause de cette citation d'Architas, soit parce que Plutarque a dit plus haut que les qualités du sol déterminèrent Locrus à y bâtir plusieurs villes. Architas n'est point connu d'ailleurs. Amphisse était une ville des Locriens Ozoles, ainsi nommée, dit-on, parce qu'elle était entourée de montagnes. (31) Nisus était un roi connu par ce cheveu d'or auquel tenait la destinée de son royaume, et par la trahison de sa fille Scylla, qui le livra à Minos, dont elle était devenue amoureuse. (32) Doryalote signifie pris avec la lance, et doryxène veut dire hôte, ou ami acquis par la lance. Ainsi, on voulait adoucir, par ce second terme, l'odieux que présentait celui de prisonnier de guerre. (33) Calaurie était une île située dans le golfe d'Argos, auprès de Trézène. (34) Anthès et Hypérès passaient pour fils de Neptune et d'Alcyone, fille d'Atlas. (35) Ville d'Ionie, colonie des Thébains, et patrie de Bios, l'un des sept sages. (36) Imbros et Lemnos étaient deux îles, l'une de la Thrace, et l'autre de la mer Égée, fameuse par les forges de Vulcain. (37) Braurone était un des bourgs de l'Attique, qui lirait, dit-on, son nom d'un héros des temps fabuleux. (38) C'est-à-dire, qui brûlent en entier, parce qu'ils furent obligés de détruire par le feu ces cadavres à demi corrompus. (39) Ville capitale de l'île d'Eubée, qui n'était séparée du port d'Aulide que par un détroit fameux, nommé Euripe, où le flux et reflux se faisait sept fois le jour. (40) Eclus et Cothus étant partis d'Athènes, allèrent s'établir, l'un à Eritrée, ville fameuse de l'Eubée, et l'autre à Chalcis. C'est, sans doute, ce qui faisait regarder ces deux villes comme des colonies d'Athènes. Xuthus était fils d'Hellen, roi de Thessalie. Après la mort de son père, ses frères le chassèrent sous prétexte qu'il retenait l'argent qu'Hellen avait laissé. Il se retira à Athènes, dont le roi Érechthée lui donna sa fille en mariage. Pausanias di* qu'il en eut deux fils, qu'il nomme Achée et Ion. (41) Du substantif grec κνίσσα, odeur de la chair qu'on brûle. (42) Dans le Traité sur la cessation des oracles, Plutarque dit qu'on appelait Alastoras et Palamnaios certains génies chargés de poursuivre la punition de crimes anciens et qu'on ne pouvait oublier. (43) Nous avons parlé des Énéens et des villes nommées en cet endroit. Cassiopée, ville de l'Épire, était voisine de la Molossie. (44) Cet Ocridion était, à ce qu'on croit, un de ces telchines, fameux dans la religion primitive des Grecs. Ils étaient attaches au culte de Neptune, qu'ils apportèrent dans la Grèce, et principalement à Rhodes, où leurs pratiques mystérieuses se conservèrent, même après leur émigration, dans le temple de cet Ocridion, qui devait être l'un des premiers ministres de cet ancien culte. (45) Épidamne, ville du cette partie de la Macédoine qui est voisine de la mer Adriatique, était proche de l'Illyrie, aujourd'hui la Dalmatie. (46) Île voisine de Samos, avec une ville du même nom. Pline rapporte qu'il y avait là une fontaine dont l'eau, tous les ans, aux nones de janvier, avait le goût du vin. (47) Ville de la Thrace, près du mont Athos. (48) Il y avait plusieurs villes de ce nom. Il y a apparence qu'il s'agit ici de celle de Macédoine, qui était sur la côte de la mer Égée, et qui subsiste encore aujourd'hui sous le nom d'Érisso. (49) Nous avons déjà parlé d'Érythrée. Samos était une île de la mer Ionienne, fameuse par le temple de Junon. par la naissance de Pythagore et par ses vases de porcelaine, si estimés ries anciens. Paros, l'une des cyclades dans la mer Égée, était renommée pour ses beaux marbres blancs. (50) Les Thesmophories étaient des fêtes établies dans la Grèce à l'honneur de Cérès, pour la remercier des lois qu'elle avait données aux Grecs. Elles ne doivent pas être confondues avec les fêtes d'Éleusis, aussi consacrées à Cérès. Les Thesmophories se célébraient avec la plus grande pompe et le plus grand respect. On peut en voir toutes les cérémonies décrites dans Meursius. (51) Ville d'Ionie, sur les confins de la Carie, célèbre par le courage de ses habitants et par leur goût pour les sciences et les arts, et par la naissance de Thalès. (52) C'était l'usage dans plusieurs villes de la Grèce que les citoyens se partageassent en plusieurs bandes, qui mangeaient en commun et formaient des associations réunies par les mêmes intérêts. Je me suis servi du mot tribus, quoiqu'il ne rende pas précisément l'idée du grec; mais je n'en ai pas trouvé de plus approchant.
(53)
Peuples de la
Thrace.
(54)
Peuples du Péloponnèse, célèbres par les jeux olympiques, dont ils avaient la
direction.
(55)
Le Bacchus
des Grecs et l'Osiris des Égyptiens étaient figurés par un bœuf que les prêtres
regardaient comme l'image vivante ou sensible d'Osiris. Aussi était-il d'usage
de représenter Bacchus avec des cornes de taureau, et cette forme, à ce qu'on
croit, faisait allusion à l'invention de l'agriculture, qu'on attribuait à ce
dieu.
(56)
Tanagra, ville
célèbre de la Béotie, appelée autrefois Pémandrie, du nom de ce Pémandre dont
Plutarque va parler. Homère, dans le dénombrement des vaisseaux, l'appelle Gréa.
(57)
Un des bourgs de la Tanagrie.
(58)
On sait que l'enceinte des murs, qui se traçait avec la charrue, était regardée
comme sacrée. C'était donc de la part de Polycrithus une insulte et un
sacrilège.
(59)
Tlépolème était fils d'Hercule et d'Astioché, que ce héros avait enlevée d'Éphyre,
ville de Laconie. Tlépoléme se rendit fameux par ses exploits : il alla au siège
de Troie avec neuf vaisseaux, et y fut tué par Sarpedon.
(60)
Pénélée était
fils d'Hippalcmus, que d'autres nomment Hippalcus, et qui était fils
d'Hippodamie et de Pélops. Il fut un des Argonautes et alla aussi à Troie avec
douze vaisseaux.
(61)
Mynias était roi de Béotie et fils ou petit-fils de Neptune.
(62)
Le Lycée était
une montagne d'Arcadie consacrée à Jupiter et à Pan, qui y avaient l'un et
l'autre un temple. On croit que c'est sur cette montagne que les Lupercales,
fêtes consacrées à Pan, avaient pris naissance. L'endroit dont il s'agit était,
non un temple de Jupiter, mais un bois situe auprès.
(63)
Tout le monde connaît la fable de Lycaon, qui, pour éprouver si Jupiter, qu'il
recevait chez lui, était véritablement dieu, lui donna à manger son propre fils.
Jupiter le changea en loup et brûla son palais.
(64)
Peuples de Béotie, voisins de l'Hélicon et de Chéronée.
(65)
Les Phliasiens
habitaient une contrée du Péloponnèse voisine de Sicyone. Phliunte en était la
capitale.
(66)
Comme le Lycée
était un bois, peut-être regardait-on ceux qui y en traient comme des animaux
qui venaient, pour ainsi dire, se jeter dans un parc, et qu'on envoyait comme
des victimes au dieu à qui le bois était consacré.
(67)
Ce nom est commun
à plusieurs auteurs grecs dont les ouvrages sont perdus.
(68)
C'est, comme on
voit, un fleuve différent du Scamandre de Phrygie, si fameux dans Homère.
(69)
Plusieurs écrivains grecs ont porté le nom d'Apollodore. Le plus célèbre est
celui d'Athènes, auteur d'un ouvrage de mythologie sous le nom de Bibliothèque,
qui est proprement un abrégé de l'histoire des dieux et des héros.
(70)
Anticlée était fille d'Autolycus, fameux brigand et l'un des hommes les plus
rusés de son temps. Elle avait eu, dit-on, commerce avec Sisyphe, fils d'Éole.
On croyait communément qu'elle était enceinte d'Ulysse lorsqu'elle épousa Laerte
; cela n'empêcha point que celui-ci ne se regardât tomme le père d'Ulysse.
(71)
Alalcomène était
une ville de Béotie fameuse par un temple de Minerve qui était très fréquenté.
(72)
Égine était une île de la mer Égée, en face du Pirée. Les Éginètes furent
pendant un temps le peuple le plus puissant de la Grèce ; mais cette puissance
ne dura pas longtemps. Ils furent vaincus et chassés de leur pays par les
Athéniens, du temps de Périclès.
(73)
(74) C'était la reine des Amazones, contre lesquelles Hercule gagna une grande bataille. (75) Les Myléens ou Mylasiens habitaient la ville de Mylase en Carie, qui tirait son nom de Mylasius, descendant d'Éole. (76) Il y avait en Carie un bourg nommé Labranda, où Jupiter avait un temple. Peut-être son nom venait-il de là. (77) Il y eut plusieurs villes qui portèrent le nom de Tralles, une entre autres dans l'Illyrie, et une autre dans la Carie. Il y a apparence que c'est de la dernière que Plutarque parle. (78) Les Leucippides étaient deux filles de Leucippe, frère utérin de Tyndare, nommées Élaïra et Phébé. Comme elles étaient sur le point de se marier, elles furent enlevées par Castor et Poilu:, leurs cousins germains, qui les épousèrent. (79) Il était fils d'Aristomaque et arrière-petit-fils d'Hylus, fils d'Hercule. Il fut le premier des Héraclides qui rentra dans le Péloponnèse. (80) Le Palladium était une statue du Pallas haute de trois coudées. (81) Pénélope était fille d'Icarius, prince Spartiate, et arrière-petite-fille de Cynoras, roi de Sparte. (82) Chalcédoine, ville de l'Asie Mineure, aujourd'hui Constantinople. (83) Il y a eu dans l'antiquité plusieurs princes du nom d'Agénor. (84) OEnomaüs était roi de Pise en Élide. L'objet des imprécations qu'il avait faites contre les chevaux qu'on ferait accoupler en Élide était sans doute d'empêcher qu'on n'altérât les races des siens. (85) Gnosse ou Gnossus était une des principales villes de Crête, fameuse par les bonnes armes qu'on y fabriquait. (86) L'usure était assez généralement défendue chez les anciens; et comme les créanciers n'auraient osé poursuivre les débiteurs qui niaient ces sortes de dettes, ils avaient introduit l'usage de se faire enlever l'argent prêté à usure, afin de pouvoir intenter une action de vol contre ces débiteurs, et les forcer à la restitution sous un autre titre. (87) Ville de Carie, selon Stéphanus. (88) Plutarque dit ailleurs que Bacchus portait le surnom de Phléus, c'est-a-dire qui est dans la vigueur, dans la fleur de l'âge, et que quelques peuples de la Grèce lui sacrifiaient sous ce nom. (89) Pédète signifie proprement la partie de la maison où les hommes habitaient séparément des femmes. (90) Géomores, selon Budée, signifie proprement des colons à qui on distribue des terres. (91) Ville de Thrace sur la Propontide, qui. depuis, changea son nom en celui d'Héraclée, que lui donna l'empereur Héraclius. C'est aujourd'hui Aracléa. (92) Ville célèbre dans l'île du même nom, située dans la mer Égée, où l'on élevait une grande quantité de vers à soie. Ce fut la patrie d'Hippocrate et d'Apelle. (93) C'était, selon Henri Etienne, une ville de l'île de Cos. (94) Les Méropes étaient les habitants de l'île, qui, selon Pline, s'appelait Mérope avant de porter le nom de Cos. (95) Ville de la Grèce, entre l'Étoile et le Péloponnèse. (96) Le conseil des Amphictyons, qui s'assemblait tous les six mois à Delphes ou aux Thermopyles, et qui était composé des députés des douze principales villes de la Grèce, jugeait en dernier ressort toutes les affaires, soit celles qui concernaient la religion, soit celles qui avaient rapport au bien commun des peuples ou aux querelles des particuliers.
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