Plutarque, traduit par R. Richard

PLUTARQUE

OEUVRES MORALES.

TOME V :

ON NE PEUT VIVRE, MÊME AGRÉABLEMENT, EN SUIVANT LA DOCTRINE D'ÉPICURE.

ΟΤΙ ΟΥΔ´ ΗΔΕΩΣ ΖΗΝ ΕΣΤΙΝ ΚΑΤ´ΕΠΙΚΟΥΡΟΝ

Traduction française : D. RICHARD

autre traduction Victor BÉTOLAUD, Oeuvres complètes de Plutarque - Oeuvres morales, t. IV , Paris, Hachette, 1870.
sous le titre : Qu'il n'est pas même possible de vivre  agréablement selon la doctrine d'Épicure

Des notions communes contre les stoïciens. - Dialogue - Contre l'épicurien Colotes

 

PLUTARQUE

 

172 ON NE PEUT VIVRE, MÊME AGRÉABLEMENT, EN SUIVANT LA DOCTRINE D'ÉPICURE.

PRÉFACE DU TRADUCTEUR.

Plutarque, dans ce traité et dans le suivant, attaque Épicure et ses principes avec le même zèle qu'il vient de faire paraître dans les deux ouvrages précédents contre la secte des stoïciens. Est-ce avec la même partialité et la même injustice? C'est ce qu'il n'est pas facile de décider, après les jugements opposés que les anciens ont portés sur la personne d'Épicure et sur sa philosophie. Si l'on en croit plusieurs écrivains célèbres de l'antiquité, le fondateur de l'épicuréisme fut un libertin d'esprit et de cœur, qui n'eut ni religion ni vertu ; qui, peu content de se livrer par goût à la volupté, l'érigeait en dogme dans ses écrits, en faisait la règle du bonheur de l'homme, et tenait chez lui, pour ses disciples, une école ouverte de libertinage. On lui reproche encore une intempérance qui lui causa des maladies cruelles et le fit périr au milieu des douleurs les plus aiguës. Jaloux, dit-on de la gloire des autres philosophes, il les décriait publiquement dans ses ouvrages, et les traitait d'orgueilleux, d'ignorants et d'imposteurs.

A ce portrait odieux du caractère et des mœurs d'Épicure, d'autres auteurs opposent les témoignages les plus honorables. Diogène Laërce, qui, dans ce qu'il dit de ce philosophe dont il a écrit la Vie, s'appuie de l'autorité de quelques écrivains plus anciens que lui et des propres paroles d'Épicure, dont il avait tous les ouvrages entre les mains, taxe de folie et d'extravagance les reproches qu'on lui fait.

« Ce grand homme, dit-il, a les témoins les plus célèbres de son équité et de sa reconnaissance. L'excellence de son naturel l'a rendu juste à l'égard de tout le monde; sa patrie attesta cette vérité par les statues qu'elle dressa pour éterniser sa mémoire (01) ; elle fut consacrée par ses amis, dont le nombre fut si grand qu'à peine les villes pouvaient-elles les contenir, aussi bien que par ses dis- page 173 ciples, qui s'attachèrent à lui parle charme de sa doctrine, laquelle avait, pour ainsi dire, la douceur des sirènes. La perpétuité de son école triompha de ses envieux ; et parmi la décadence de tant d'autres sectes, la sienne se conserva toujours par une foule continuelle de disciples qui se succédaient les uns aux autres. Sa vertu fut marquée en d'illustres caractères par la reconnaissance et la piété qu'il eut envers ses parents, et par la douceur avec laquelle il traita ses esclaves. Cette même vertu fut généralement connue par la bonté de son naturel, qui lui lit donner à tout le monde des marques d'honnêteté et de bienveillance. Sa piété envers les dieux et son amour pour sa patrie ne se démentirent jamais jusqu'à la fin de ses jours. Ce philosophe eut une modestie si extraordinaire qu'il ne voulut jamais se mêler d'aucune charge de la république. Il est certain néanmoins que parmi les troubles qui affligèrent la Grèce il y passa toute sa vie, excepté deux ou trois voyages qu'il fit sur les confins de l'Ionie, pour visiter ses amis, qui s'assemblaient de tous côtés pour venir vivre avec lui clans un jardin qu'il avait acheté; c'était là qu'ils gardaient une sobriété admirable et se contentaient d'une nourriture très médiocre. Un demi-setier de vin leur suffisait, et leur breuvage ordinaire n'était que de l'eau. »

Les morceaux que Diogène Laërce a extraits de ses propres ouvrages attestent également la sobriété d'Épicure et la sagesse de ses principes.

Il semble que ces passages devraient servir de règle sûre pour juger ce philosophe ; mais on en cite d'autres entièrement contradictoires, et c'est presque toujours dans les écrits d'Épicure que Plutarque prend la matière des accusations qu'il intente contre lui. Si ses ouvrages existaient en entier, ils fixeraient sans doute nos incertitudes, et nous serviraient de guides au milieu des opinions diamétralement opposées que nous trouvons dans les anciens. Peut-être en est-il des sentiments d'Épicure comme de ceux de Zénon, que des stoïciens postérieurs au chef de leur secte interprétèrent si ridiculement qu'ils méritèrent de se voir en butte à la censure des philosophes et aux plaisanteries des auteurs satiriques; c'est du moins l'opinion de quelques savants, qui, pour mettre la réputation d'Épicure à l'abri des imputations graves dont on a flétri sa mémoire, distinguent deux sortes d'épicuriens qui différaient entre eux de sentiments, de conduite et de principes; c'est aux interprétations fausses et absurdes que des épicuriens relâchés donnaient à la doctrine de leur maître, que ces écrivains attribuent le décri injuste dans lequel Épicure et sa secte sont tombés depuis si longtemps. Il avait avec tous ses successeurs un principe commun, c'est que le bonheur de l'homme consiste dans la volupté; mais 174 tous n'étaient pas d'accord sur la manière dont il fallait entendre ce mot volupté, ni sur les objets auxquels ils l'attachaient. On coit qu'Épicure et ceux de ses sectateurs qui connaissaient ses vrais principes, parlaient, non de la volupté que les hommes corrompus trouvent dans les plaisirs des sens et dans la servitude du vice, mais de ces jouissances pures que les âmes honnêtes goûtent dans les exercices de l'esprit et dans la pratique de la vertu. Au contraire, les épicuriens libertins ne plaçaient la volupté que dans les plaisirs des sens, et ils étaient publiquement les précepteurs du vice et de la débauche. C'est donc d'après l'idée qu'on attache au principe d'Épicure qu'on peut l'absoudre ou le condamner. Gassendi, qui a écrit la Vie de ce philosophe, dont il avait en grande partie adopté le système, et dont il fut l'admirateur le plus passionné, l'a entendu de la manière la plus favorable, et il a fait l'apologie soit de ses dogmes, soit de sa conduite personnelle. Voilà pour et contre, parmi les modernes, des autorités respectables, qui, jointes aux sentiments opposés des anciens , n'aident pas à prononcer d'une manière décisive sur ce célèbre fondateur de l'épicurisme.

Pour ne présenter ici que ce qui paraît moins contesté, on ne peut disconvenir que les opinions religieuses d'Épicure ne dussent scandaliser tous ceux qui conservaient quelque respect pour la Divinité et quelque attachement pour le culte public. L'idée qu'il donnait des dieux ne tendait à rien moins qu'à détruire l'opinion de leur providence, de leur action immédiate sur les événements du monde et sur les actions des hommes; il les supposait plongés dans un repos éternel, indifférents à tout ce qui se passait au dehors d'eux, et faisant leur bonheur de cette espèce d'insensibilité : opinion funeste, en ce qu'elle ôte aux hommes le frein salutaire que met à leurs passions l'idée de la présence continuelle d'un être tout puissant qui veille sur leur conduite et qui la juge, qui récompense les vertus et punit les crimes, et, sans la foi de ces vérités précieuses, il n'est point de morale sur la terre. On ne peut douter
lue ce ne fût là le sentiment d'Épicure sur les dieux, quand on lit ce que ce philosophe en a écrit dans ses maximes, qu'il donnait comme des opinions certaines, et que Diogène Laërce nous a conservées:

« Celui qui est bien heureux et immortel, dit-il dans la première de ces maximes, ne s'embarrasse de rien; il ne fatigue point les autres; la colère est indigne de sa grandeur, et les bienfaits ne sont point du caractère de sa majesté, parce que toutes ces choses ne sont que le propre de la faiblesse. »

Il fallait bien qu'Épicure eût senti combien cette doctrine était propre à soulever les esprits, ou même qu'il se fût aperçu de l'impression défavorable qu'elle 175 avait produite ; car il fit tout son possible pour en empêcher l'effet, et donner de lui une idée plus avantageuse. Il expliqua ses opinions; il composa des ouvrages où il parlait de la Divinité d'une manière plus digne d'elle ; surtout il eut soin de paraître plus souvent dans les temples, ce qui ne lui était pas ordinaire, puisque quelqu'un l'ayant vu au pied des autels s'écria avec surprise que jamais Jupiter ne lui avait paru si grand que lorsqu'il avait vu Épicure dans son temple : preuve sensible qu'il ne passait pas pour un philosophe bien religieux. Lucrèce, qui se donne pour l'interprète fidèle de la doctrine d'Épicure, lui l'ait honneur d'avoir affranchi les hommes de la superstition, c'est-à-dire, comme il l'explique lui-même, de leur avoir ôté la crainte des dieux; ce qui prouve, qu'au moins dans ses premiers ouvrages, il avait mérité le reproche d'impiété que ses contemporains lui faisaient.

 

 

 

 

 

 

 

 ΟΤΙ ΟΥΔ´ ΗΔΕΩΣ ΖΗΝ ΕΣΤΙΝ ΚΑΤ´ΕΠΙΚΟΥΡΟΝ

[1] I. Κωλώτης ὁ Ἐπικούρου συνήθης βιβλίον ἐξέδωκεν ἐπιγράψας « Ὅτι κατὰ τὰ τῶν ἄλλων φιλοσόφων δόγματα οὐδὲ ζῆν ἔστιν ». Ὅσα τοίνυν ἡμῖν ἐπῆλθεν εἰπεῖν πρὸς αὐτὸν ὑπὲρ τῶν φιλοσόφων, ἐγράφη πρότερον. Ἐπεὶ δὲ καὶ τῆς σχολῆς διαλυθείσης ἐγένοντο {λόγοι} πλείονες ἐν τῷ περιπάτῳ πρὸς τὴν αἵρεσιν, ἔδοξέ μοι καὶ τούτους ἀναλαβεῖν, εἰ καὶ δι´ ἄλλο μηθὲν ἀλλ´ ἐνδείξεως ἕνεκα τοῖς εὐθύνουσιν ἑτέρους, ὅτι δεῖ τοὺς λόγους ἕκαστον ὧν ἐλέγχει καὶ τὰ γράμματα μὴ παρέργως διελθεῖν, μηδὲ φωνὰς ἀλλαχόθεν ἄλλας ἀποσπῶντα καὶ ῥήμασιν ἄνευ πραγμάτων ἐπιτιθέμενον παρακρούεσθαι τοὺς ἀπείρους.

[2] II. Προελθόντων γὰρ ἡμῶν εἰς τὸ γυμνάσιον ὥσπερ εἰώθειμεν ἐκ τῆς διατριβῆς, Ζεύξιππος

« Ἐμοὶ μέν » ἔφη « δοκεῖ πολὺ τῆς προσηκούσης ὁ λόγος εἰρῆσθαι παρρησίας μαλακώτερον· ἀπίασι δ´ ἡμῖν ἐγκαλοῦντες οἱ περὶ Ἡρακλείδην τοῦ Ἐπικούρου καὶ τοῦ Μητροδώρου (ἡμῶν) μηδὲν αἰτίων ὄντων θρασύτερον καθαψαμένοις. »

Καὶ ὁ Θέων

« Εἶτ´ οὐκ ἔλεγες » εἶπεν « ὅτι τοῖς ἐκείνων ὁ Κωλώτης παραβαλλόμενος εὐφημότατος ἀνδρῶν φαίνεται; τὰ γὰρ ἐν ἀνθρώποις αἴσχιστα ῥήματα, βωμολοχίας ληκυθισμοὺς ἀλαζονείας ἑταιρήσεις ἀνδροφονίας, βαρυστόνους πολυφθόρους βαρυεγκεφάλους συναγαγόντες Ἀριστοτέλους καὶ Σωκράτους καὶ Πυθαγόρου καὶ Πρωταγόρου καὶ Θεοφράστου καὶ Ἡρακλείδου καὶ Ἱππαρχίας καὶ τίνος γὰρ οὐχὶ τῶν ἐπιφανῶν κατεσκέδασαν, ὥστ´, εἰ καὶ τἄλλα πάντα σοφῶς εἶχεν αὐτοῖς, διὰ τὰς βλασφημίας ταύτας καὶ κατηγορίας πορρωτάτω σοφίας ἂν εἴργεσθαι· « φθόνος γὰρ ἔξω θείου χοροῦ » καὶ ζηλοτυπία δι´ ἀσθένειαν ἀποκρύψαι μὴ δυναμένη τὸ ἀλγοῦν. » Ὑπολαβὼν οὖν ὁ Ἀριστόδημος

« Ἡρακλείδης οὖν » ἔφη « γραμματικὸς ὢν ἀντὶ τῆς  »ποιητικῆς τύρβης », ὡς ἐκεῖνοι λέγουσι, καὶ τῶν « Ὁμήρου μωρολογημάτων » ἀποτίνει ταύτας Ἐπικούρῳ χάριτας, ἢ ὅτι Μητρόδωρος ἐν γράμμασι τοσούτοις ποιητῇ λελοιδόρηκεν; ἀλλ´ ἐκείνους μὲν ἐῶμεν, ὦ Ζεύξιππε· τὸ δ´ ἐν ἀρχῇ τῶν λόγων ῥηθὲν πρὸς τοὺς ἄνδρας, ὡς οὐκ ἔστι ζῆν κατ´ αὐτούς, τί οὐ μᾶλλον, ἐπεὶ κέκμηκεν οὗτος, αὐτοὶ δι´ ἑαυτῶν περαίνομεν ἅμα καὶ Θέωνα παραλαβόντες; »

Καὶ ὁ Θέων πρὸς αὐτόν

« Ἀλλ´ οὗτος μέν » ἔφη « ὁ ἆθλος ἑτέροις ἐκτετέλεσται πρὸ ἡμῶν, « νῦν αὖτε σκοπὸν ἄλλον » , εἰ δοκεῖ, θέμενοι τοιαύτῃ τινὶ δίκῃ μετίωμεν ὑπὲρ τῶν φιλοσόφων τοὺς ἄνδρας· ἀποδεῖξαι γάρ, ἄνπερ ᾖ δυνατόν, ἐπιχειρήσωμεν, ὅτι μηδὲ ζῆν ἡδέως ἔστιν κατ´ αὐτούς. »

« Παπαί » εἶπον ἔγωγε γελάσας, « εἰς τὴν γαστέρα τοῖς ἀνδράσιν ἔοικας ἐναλεῖσθαι καὶ τὴν περὶ τῶν κρεῶν ἐπάξειν, ἀφαιρούμενος ἡδονὴν ἀνθρώπων βοώντων·

« Οὐ γὰρ πυγμάχοι εἰμὲν ἀμύμονες » οὐδὲ ῥήτορες οὐδὲ προστάται δήμων οὐδ´ ἄρχοντες, « ἀεὶ δ´ ἡμῖν δαίς τε φίλη » καὶ πᾶσα διὰ σαρκὸς ἐπιτερπὴς κίνησις ἐφ´ ἡδονήν τινα καὶ χαρὰν ψυχῆς ἀναπεμπομένη. Δοκεῖς οὖν μοι μὴ τὸ ἔαρ ἐξαιρεῖν, ὥς φασιν, ἀλλὰ τὸ ζῆν ἀφαιρεῖσθαι τοὺς ἄνδρας, εἰ τὸ ζῆν ἡδέως μὴ ἀπολείψεις αὐτοῖς. »

« Τί οὖν » εἶπεν ὁ Θέων, « εἰ δοκιμάζεις τὸν λόγον, αὐτὸς οὐ χρῇ παρόν; »

« Χρήσομαι » εἶπον « ἀκροώμενος καὶ ἀποκρινόμενος, ἂν δέησθε· τὴν δ´ ἡγεμονίαν ὑμῖν παραδίδωμι. »

Μικρὰ δὴ προφασισαμένου τοῦ Θέωνος Ἀριστόδημος

« Ὡς σύντομον » ἔφη « καὶ λείαν ἔχων ὁδὸν ἀπετάφρευσας ἡμῖν πρὸς τὸν λόγον, οὐκ ἐάσας περὶ τοῦ καλοῦ πρότερον εὐθύνας ὑποσχεῖν τὴν αἵρεσιν. Ἀνθρώπους γὰρ ἡδονὴν ὑποτιθεμένους τέλος οὐκ ἔστιν ἐξελάσαι τοῦ ἡδέως ζῆν ῥᾴδιον· τοῦ δὲ καλῶς ἐκπεσόντες ἅμα καὶ τοῦ ἡδέως συνεξέπιπτον, ἐπεὶ τὸ ἡδέως ζῆν ἄνευ τοῦ καλῶς ἀνύπαρκτόν ἐστιν, ὡς αὐτοὶ λέγουσι. »

[3] ΙΙΙ. Καὶ ὁ Θέων

« Ἀλλὰ τοῦτο μέν » εἶπεν, « ἂν δόξῃ, τοῦ λόγου προϊόντος ἀναθησόμεθα· νῦν δὲ χρησώμεθα τοῖς διδομένοις ὑπ´ αὐτῶν. Οἴονται δὲ περὶ γαστέρα τἀγαθὸν εἶναι καὶ τοὺς ἄλλους πόρους τῆς σαρκὸς ἅπαντας, δι´ ὧν ἡδονὴ καὶ μὴ ἀλγηδὼν ἐπεισέρχεται· καὶ πάντα καλὰ καὶ σοφὰ ἐξευρήματα τῆς περὶ γαστέρα ἡδονῆς ἕνεκα γεγονέναι καὶ τῆς ὑπὲρ ταύτης ἐλπίδος ἀγαθῆς, ὡς ὁ σοφὸς εἴρηκε Μητρόδωρος. Αὐτόθεν μὲν οὖν, ὦ ἑταῖρε, φαίνονται γλίσχρον τι καὶ σαθρὸν καὶ οὐ βέβαιον αἴτιον τοῦ ἀγαθοῦ λαμβάνοντες, ἀλλὰ τοῖς πόροις τούτοις, δι´ ὧν ἡδονὰς ἐπεισάγονται, καὶ πρὸς ἀλγηδόνας ὁμοίως κατατετρημένον, μᾶλλον δ´ ἡδονὴν μὲν ὀλίγοις ἀλγηδόνα δὲ πᾶσι τοῖς μορίοις δεχόμενον. Ποία γὰρ ἡδονὴ περὶ ἄρθρα καὶ νεῦρα καὶ πόδας καὶ χεῖρας, οἷς ἐνοικίζεται τὰ δεινὰ πάθη καὶ σχέτλια, ποδαγρικὰ καὶ ῥευματικὰ καὶ φαγεδαινικὰ καὶ διαβρώσεις καὶ ἀποσήψεις; ὀσμῶν τε καὶ χυμῶν τὰ ἥδιστα προσαγαγὼν τῷ σώματι μικρὸν εὑρήσεις χωρίον ἐν αὐτῷ παντάπασι τὸ κινούμενον λείως καὶ προσηνῶς, τὰ δ´ ἄλλα πολλάκις δυσχεραίνει καὶ ἀγανακτεῖ· πυρὶ δὲ καὶ σιδήρῳ καὶ δήγματι καὶ ὑστριχίσιν οὐδὲν ἀπαθὲς οὐδ´ ἀναίσθητον ἀλγηδόνος, ἀλλὰ καὶ καῦμα καὶ ῥῖγος εἰς ἅπαντα καταδύεται καὶ πυρετός,

αἱ δ´ ἡδοναὶ καθάπερ αὖραι πρὸς ἑτέραις ἕτεραι τοῦ σώματος ἄκραις ἐπιγελῶσαι διαχέονται. Καὶ χρόνος ὁ μὲν τούτων οὐ πολὺς ἀλλ´ ὥσπερ οἱ διᾴττοντες ἔξαψιν ἅμα καὶ σβέσιν ἐν τῇ σαρκὶ λαμβάνουσιν, ἐκ δὲ τοῦ πόνου μάρτυς ὁ Αἰσχύλου Φιλοκτήτης ἱκανός· οὐ γὰρ ὁ δράκων, φησίν, ἀνῆκεν, ἀλλ´ « ἐνῴκισε δεινὴν στομάτων ἔμφυσιν, ποδὸς λαβών ». Ὀλισθείη ἀλγηδὼν οὐδ´ ἕτερα τοιαῦτα κινοῦσα καὶ γαργαλίζουσα τοῦ σώματος· ἀλλ´ ὥσπερ τὸ τῆς μηδικῆς σπέρμα πολυκαμπὲς καὶ σκαληνὸν ἐμφύεται τῇ γῇ καὶ διαμένει πολὺν χρόνον ὑπὸ τραχύτητος, οὕτως ὁ πόνος ἄγκιστρα καὶ ῥίζας διασπείρων καὶ συμπλεκόμενος τῇ σαρκὶ καὶ παραμένων οὐχ ἡμέρας οὐδὲ νύκτας μόνον ἀλλὰ καὶ ὥρας ἐτῶν ἐνίοις καὶ περιόδους ὀλυμπιακὰς μόλις ὑπ´ ἄλλων πόνων ὥσπερ ἥλων σφοδροτέρων ἐκκρουόμενος ἀπαλλάττεται. Τίς γὰρ ἔπιε χρόνον τοσοῦτον ἢ ἔφαγεν, ὅσον διψῶσιν οἱ πυρέττοντες καὶ πεινῶσιν οἱ πολιορκούμενοι; ποῦ δ´ ἔστιν ἄνεσις καὶ συνουσία μετὰ φίλων, ἐφ´ ὅσον κολάζουσι καὶ στρεβλοῦσι τύραννοι; καὶ γὰρ τοῦτο τῆς τοῦ σώματος φαυλότητος καὶ ἀφυΐας πρὸς τὸ ἡδέως ζῆν ἐστιν, ὅτι τοὺς πόνους ὑπομένει μᾶλλον ἢ τὰς ἡδονὰς καὶ πρὸς ἐκείνους ἔχει ῥώμην καὶ δύναμιν, ἐν δὲ ταύταις ἀσθενές ἐστι καὶ ἁψίκορον.

Τὸ δ´ ἡδέως ζῆν ἂν ἅπτωνται, πλείονα περὶ τούτου λέγειν οὐκ ἐῶσιν ἡμᾶς, ὁμολογοῦντες αὐτοὶ μικρὸν εἶναι τὸ τῆς σαρκὸς ἡδύ, μᾶλλον δ´ ἀκαρές, εἴ γε δὴ μὴ κενολογοῦσι μηδ´ ἀλαζονεύονται, Μητρόδωρος μὲν λέγων ὅτι

« Πολλάκις προσεπτύσαμεν ταῖς τοῦ σώματος ἡδοναῖς »,

Ἐπίκουρος δὲ καὶ γελᾶν φησι ταῖς ὑπερβολαῖς τοῦ περὶ τὸ σῶμα νοσήματος πολλάκις κάμνοντα τὸν σοφόν. Οἷς οὖν οἱ πόνοι τοῦ σώματος οὕτως εἰσὶν ἐλαφροὶ καὶ ῥᾴδιοι, πῶς ἔνεστί τι ταῖς ἡδοναῖς ἀξιόλογον; καὶ γὰρ εἰ μὴ χρόνῳ μηδὲ μεγέθει τῶν πόνων ἀποδέουσιν, ἀλλὰ περὶ πόνους ἔχουσι, καὶ πέρας αὐταῖς κοινὸν Ἐπίκουρος τὴν παντὸς τοῦ ἀλγοῦντος ὑπεξαίρεσιν ἐπιτέθεικεν, ὡς τῆς φύσεως ἄχρι τοῦ λῦσαι τὸ ἀλγεινὸν αὐξούσης τὸ ἡδύ, περαιτέρω δὲ μὴ ἐώσης προελθεῖν κατὰ τὸ μέγεθος ἀλλὰ ποικιλμούς τινας οὐκ ἀναγκαίους, ὅταν οὐκ ἐν τῷ μὴ πονεῖν γένηται, δεχομένης· ἡ δ´ ἐπὶ τοῦτο μετ´ ὀρέξεως πορεία, μέτρον ἡδονῆς οὖσα, κομιδῇ βραχεῖα καὶ σύντομος. Ὅθεν αἰσθόμενοι τῆς ἐνταῦθα γλισχρότητος ὥσπερ ἐκ χωρίου λυπροῦ τοῦ σώματος μεταφέρουσι τὸ τέλος εἰς τὴν ψυχήν, ὡς ἐκεῖ νομὰς καὶ λειμῶνας ἀμφιλαφεῖς ἡδονῶν ἕξοντες,

« Ἐν δ´ Ἰθάκῃ οὔτ´ ἂρ δρόμοι εὐρέες, 〈οὔτε τι λειμών〉 »

οὔτε λείη περὶ τὸ σαρκίδιον ἡ ἀπόλαυσις ἀλλὰ τραχεῖα, μεμιγμένη πρὸς πολὺ τὸ ἀλλότριον καὶ σφυγματῶδες. »

 

176 ON NE PEUT VIVRE, MÊME AGRÉABLEMENT, EN SUIVANT LA DOCTRINE D'ÉPICURE.

[1] Colotès, l'ami d'Épicure, a composé un ouvrage dont le but est de prouver que ce n'est pas vivre que de suivre la doctrine des autres philosophes. On a déjà vu dans un autre traité ce que j'ai écrit contre lui pour la défense des philosophes qu'il attaque. Mais comme, dans la promenade qui suivit la conférence où je l'avais combattu, il se tint encore d'autres discours contre la secte d'Epicure, j'ai cru devoir la rédiger par écrit. Quand je n'aurais eu en cela d'autre vue que de montrer à ceux qui s'ingèrent de blâmer les ouvrages d'autrui, qu'ils ne doivent pas les parcourir légèrement et en extraire de côté et d'autre des passages isolés, ni s'attacher à des paroles vagues échappées dans les conversations, pour tromper ainsi les gens sans expérience, ce motif m'aurait paru suffisant.

ΙΙ. Après la conférence finie, nous nous promenions, selon notre coutume, dans le Gymnase, lorsque Zeuxippe prenant la parole :

« Il me semble, dit-il, que la dispute a été soutenue de notre côté avec plus de ménagement qu'il ne convenait. Aussi Héraclite s'est-il retiré très mécontent de ce que nous nous étions mis à l'écart pendant qu'il était si fortement engagé contre Épicure et Métrodore, quoiqu'au fond nous n'ayons rien à nous reprocher.

— Et vous ne dites pas, lui dit Théon, que Colotès, en comparaison de ces deux philosophes, est l'homme du monde le plus modéré. Car ce qu'on peut imaginer d'injures plus grossières, de bouffonneries, de bravades, de paroles arrogantes et obscènes, imputations d'assassinats, de désordres, de corruption, de discours odieux, ils l'ont entassé contre Aristote, Socrate, Pythagore, Protagoras, 177 Théophraste, Héraclide, Hipparque, et tout ce qu'il y a eu de philosophes illustres. Aussi, quand ils se seraient conduits dans tout le reste avec la plus grande sagesse, ces accusations calomnieuses suffiraient pour les faire exclure du nombre des philosophes ; car on ne doit pas admettre dans le chœur respectable des sages, des hommes envieux et jaloux qui se livrent par faiblesse à leur ressentiment.

— Héraclide, en sa qualité de grammairien, dit alors Aristodème, rend à Épicure, au nom de la tourbe poétique (car c'est l'expression des épicuriens), les injures qu'il a dites contre Homère, et toutes les calomnies que Métrodore (02) a répandues dans la plupart de ses ouvrages contre ce prince des poètes. Mais laissons là ces philosophes, mon cher Zeuxippe, et reprenons plutôt ce que nous disions au commencement de notre conférence sur l'imputation que les épicuriens font aux autres sectes, qu'on ne peut pas même vivre en suivant leur doctrine. Comme Plutarque est déjà fatigué, achevons nous-mêmes de traiter cette matière en nous associant Théon.

— Mais d'autres, lui dit Théon, ont rempli cette tâche avant nous; ainsi

Prenons un autre objet

si vous le jugez à propos, et pour venger les philosophes des reproches qu'on leur fait, essayons de prouver, s'il est possible, qu'on ne peut pas vivre, même agréablement, en suivant la doctrine des Épicuriens.

— Certes, dis-je alors en souriant, c'est bien là vouloir, comme on dit, leur marcher sur le ventre et leur enlever leur dernière ressource, que d'ôter même la volupté à des hommes qui ne cessent de dire :

Nous ne fûmes jamais ni lutteurs vigoureux, 178 ni orateurs, ni magistrats, ni sénateurs, Nous aimons seulement les plaisirs de la table; nous nous occupons de procurer à nos sens toutes les jouissances qui peuvent affecter agréablement notre âme et lui faire sentir les douceurs de la volupté. C'est donc les priver non seulement du plaisir, mais encore de la vie, que de ne pas leur laisser la ressource de vire agréablement.

— Eh bien! me dit Théon, si vous trouvez le sujet utile, que n'eut reprenez-vous de le traiter?

— Je consens qu'on s'en occupe, lui dis-je ; je vous écouterai, et je répondrai à vos questions, mais je vous défère l'honneur de commencer. »

Théon ayant fait d'abord quelques difficultés, Aristodème lui dit :

« Vous nous fermez une voie bien plus simple et plus courte pour arriver au but que nous nous proposons, en nous empêchant de citer d'abord cette secte à notre tribunal sur ce qui regarde l'honnêteté; car il n'est pas facile d'ôter les moyens de vivre agréablement à des philosophes qui font de la volupté la fin dernière de l'homme. Mais en leur refusant la vie honnête, on les prive en même temps de la vie agréable, puisque, de leur propre aveu, il n'est pas possible que la vie soit agréable si elle n'est honnête.

ΙΙΙ. — C'est un point, répliqua Théon, sur lequel nous reviendrons dans la suite de cet entretien. Maintenant nous allons faire usage de ce qu'ils accordent eux-mêmes. Les épicuriens croient que le souverain bien de l'homme réside dans l'estomac et dans tous les organes du corps par où le plaisir s'insinue, et qui ferment l'entrée à la douleur. Ils pensent que toutes les belles découvertes, toutes les inventions utiles que les hommes ont faites, n'ont eu pour but que les plaisirs sensuels et l'espérance qu'on avait d'en jouir. Voilà ce qu'a dit le sage Métrodore. Par là, mon ami, ils donnent au souverain bien le fondement 179 le plus fragile et le plus ruineux ; car les mêmes organes qui introduisent les plaisirs dans le corps servent aussi de passage à la douleur, ou plutôt nous en avons peu qui laissent l'entrée aux voluptés, et tous la donnent aux souffrances. C'est par les articulations, par les nerfs, par les pieds et les mains que les plaisirs nous arrivent, et c'est là aussi qu'ont leur siège les douleurs les plus vives et les plus cruelles, la goutte, les rhumatismes, la gangrène et les ulcères rongeurs. Quand nous parfumons nos corps des odeurs et des essences les plus douces, il n'y a qu'un très petit nombre de nos organes qui en soient agréablement affectés, et souvent les autres en éprouvent une sensation incommode. Mais il n'est aucune partie du corps à laquelle le feu, le fer, les morsures, les étrivières ne fassent ressentir les impressions les plus douloureuses; une chaleur brûlante, un froid rigoureux et la fièvre affectent également tout le corps.

« Les plaisirs, semblables à des vents légers, caressent successivement les extrémités du corps et se dissipent aussitôt. Rien n'est si rapide que leur passage, et comme ces étoiles tombantes qui s'évanouissent presque en même temps qu'elles brillent, un même instant les voit s'allumer et s'éteindre en nous. Mais la durée de la douleur nous est assez attestée par le Philoctète d'Eschyle, lorsqu'il dit de sa plaie:

Le terrible dragon qui, de sa bouche impure,
Sur mon pied tout sanglant imprima la morsure,
Ne me laisse en repos ni la nuit ni le jour; ,
Son poison sur mon corps a fixé son séjour.

La sensation de la douleur ne glisse pas légèrement sur notre corps pour en chatouiller la surface; mais comme la graine de l'herbe médique (03), en formant sur la terre 180 plusieurs détours obliques, s'y accroche et s'y conserve plus longtemps par ses aspérités, de même la douleur s'attache à nous par ses pointes aiguës, et, y jetant des racines profondes, nous enlace fortement, et s'y fixe non seulement des nuits et des jours, mais des saisons, des années entières, et jusqu'à des olympiades ; elle cède à peine à des douleurs nouvelles qui prennent sa place, comme un clou est chassé par un autre plus fort. Qui jamais a passé autant de temps à boire et à manger qu'un homme brûlé par la fièvre a souffert la soif, et que des gens assiégés ont enduré la faim? Quelle conversation, quel passe-temps agréable avec des amis dure autant que les tortures que les tyrans font souffrir? Et ce qui prouve combien le corps est peu fait, et pour ainsi dire peu organisé pour une vie agréable, c'est qu'il supporte mieux les douleurs que les plaisirs, qu'il est plein de force et. de vigueur contre les premières, et que, faible contre les autres, il s'en dégoûte promptement.

« Dès que nous commençons à parler de cette vie agréable, les épicuriens nous arrêtent aussitôt; ils avouent sans peine que les plaisirs des sens sont bien faibles et qu'ils passent en un instant. Mais n'est-ce pas une plaisanterie ou une vaine jactance de leur part, comme, par exemple, lorsque Métrodore dit : Nous traitons le plus souvent les plaisirs du corps avec un souverain mépris, ou quand Épicure prétend que le sage, dans la maladie, se rit des plus cruelles douleurs? Comment des hommes pour qui les souffrances corporelles sont si légères et si douces, feraient-ils aucun cas des voluptés ? Si les sensations agréables ne l'emportent pas pour la durée sur les sensations pénibles, elles ne les surpasseront pas non plus par leur vivacité. Cependant ces philosophes traitent de la douleur dans leurs ouvrages, et Épicure a donné pour 181 fin commune de tous les plaisirs, la privation de toute douleur, comme si la nature ne portail nos plus grands plaisirs qu'à l'exemption de la douleur, qu'elle ne pût donner plus d'étendue à la volupté, et qu'une fois parvenue à nous délivrer des sensations douloureuses, elle n'eût d'autre pouvoir que de nous ménager quelques modifications non nécessaires de cet état pénible. Mais le chemin qui nous conduit par le désir à cette situation, et qui est la mesure unique du plaisir, est bien court et bien étroit. Aussi les épicuriens, sentant le faible de cette ressource, abandonnent ce champ stérile, et transportent la fin de l'homme du corps à l'âme, comme si nous devions toujours y trouver des prairies et des vergers délicieux (04).

Mais Ithaque n'a point de plaines spacieuses;

de même il n'y a point dans ce corps si faible une jouissance pure du plaisir ; elle y est hérissée d'épines et mêlée de sensations étrangères et pénibles.

[4] IV. Ὑπολαβὼν οὖν ὁ Ζεύξιππος « εἶτ´ οὐ καλῶς » ἔφη « δοκοῦσί σοι ποιεῖν οἱ ἄνδρες, ἀρχόμενοι μὲν ἀπὸ τοῦ σώματος, ἐν ᾧ πρῶτον ἐφάνη γένεσις ἐπὶ δὲ τὴν ψυχὴν ὡς βεβαιοτέραν καὶ τὸ πᾶν ἐν ταύτῃ τελειοῦντες; »

« Καλῶς νὴ Δί´ » ἔφη Θέων « καὶ κατὰ φύσιν, εἴ τι κρεῖττον ἐνταῦθα μετιόντες καὶ τελειότερον ἀληθῶς ἀνευρίσκουσιν, ὥσπερ οἱ θεωρητικοὶ καὶ πολιτικοὶ τῶν ἀνδρῶν. Εἰ δ´ ἀκούεις αὐτῶν μαρτυρομένων καὶ βοώντων, ὡς ἐπ´ οὐδενὶ ψυχὴ τῶν ὄντων πέφυκε χαίρειν καὶ γαληνίζειν πλὴν ἐπὶ σώματος ἡδοναῖς παρούσαις ἢ προσδοκωμέναις, καὶ τοῦτ´ αὐτῆς τὸ ἀγαθόν ἐστιν, ἆρ´ οὐ δοκοῦσί σοι διεράματι τοῦ σώματος χρῆσθαι τῇ ψυχῇ, {καὶ} καθάπερ οἶνον ἐκ πονηροῦ καὶ μὴ στέγοντος ἀγγείου τὴν ἡδονὴν διαχέοντες ἐνταῦθα καὶ παλαιοῦντες οἴεσθαι σεμνότερόν τι ποιεῖν καὶ τιμιώτερον; Καίτοι γ´ οἶνον μὲν χρόνος διαχυθέντα τηρεῖ καὶ συνηδύνει, τῆς δ´ ἡδονῆς ἡ ψυχὴ παραλαβοῦσα τὴν μνήμην ὥσπερ ὀσμὴν ἄλλο δ´ οὐδὲν φυλάσσει· ζέσασα γὰρ ἐπὶ σαρκὶ κατασβέννυται, καὶ τὸ μνημονευόμενον αὐτῆς ἀμαυρόν ἐστι καὶ κνισῶδες, ὥσπερ ἑώλων ὧν τις ἔπιεν ἢ ἔφαγεν ἀποτιθεμένου καὶ ταμιεύοντος ἐπινοίας ἐν ἑαυτῷ καὶ χρωμένου δηλονότι ταύταις προσφάτων μὴ παρόντων. Ὅρα δ´ ὅσῳ μετριώτερον οἱ Κυρηναϊκοί, καίπερ ἐκ μιᾶς οἰνοχόης Ἐπικούρῳ πεπωκότες, οὐδ´ ὁμιλεῖν ἀφροδισίοις οἴονται δεῖν μετὰ φωτὸς ἀλλὰ σκότος προθεμένους, ὅπως μὴ τὰ εἴδωλα τῆς πράξεως ἀναλαμβάνουσα διὰ τῆς ὄψεως ἐναργῶς ἡ διάνοια πολλάκις ἀνακαίῃ τὴν ὄρεξιν. Οἱ δὲ τούτῳ μάλιστα τὸν σοφὸν ἡγούμενοι διαφέρειν, τῷ μνημονεύειν ἐναργῶς καὶ συνέχειν ἐν ἑαυτῷ τὰ περὶ τὰς ἡδονὰς φάσματα καὶ πάθη καὶ κινήσεις,

εἰ μὲν οὐθὲν ἄξιον σοφίας παρεγγυῶσιν, ὥσπερ ἐν ἀσώτων οἰκίᾳ τῇ ψυχῇ τοῦ σοφοῦ τὰ τῆς ἡδονῆς ἐκκλύσματα μένειν ἐῶντες, μὴ λέγωμεν· ὅτι δ´ οὐκ ἔστιν ἀπὸ τούτων ἡδέως ζῆν, αὐτόθεν πρόδηλον. Οὐ γὰρ εἰκὸς εἶναι μέγα τῆς ἡδονῆς τὸ μνημονευόμενον, εἰ μικρὸν ἐδόκει τὸ παρόν· οὐδ´ οἷς συνεξεφέρετο μετρίως γινομένοις, ὑπερχαίρειν γενομένων· ὅπου οὐδὲ τοῖς ἐκπεπληγμένοις τὰ σωματικὰ καὶ θαυμάζουσιν ἐμμένει τὸ χαίρειν παυσαμένοις, ἀλλὰ σκιά τις ὑπολείπεται καὶ ὄναρ ἐν τῇ ψυχῇ τῆς ἡδονῆς ἀποπταμένης, οἷον ὑπέκκαυμα τῶν ἐπιθυμιῶν, ὥσπερ ἐν ὕπνοις διψῶντος ἢ ἐρῶντος ἀτελεῖς ἡδοναὶ καὶ ἀπολαύσεις δριμύτερον ἐγείρουσι τὸ ἀκόλαστον. Οὔτε δὴ τούτοις ἐπιτερπὴς ἡ μνήμη τῶν ἀπολελαυσμένων, ἀλλ´ ἐξ ὑπολείμματος ἡδονῆς ἀμυδροῦ καὶ διακένου πολὺ τὸ οἰστρῶδες καὶ νύττον ἐναργοῦς ἀναφέρουσα τῆς ὀρέξεως, οὔτε τοὺς μετρίους καὶ σώφρονας εἰκὸς ἐνδιατρίβειν τῇ ἐπινοίᾳ τῶν τοιούτων οὐδ´, ἅπερ ἔσκωπτε τὸν Κορνιάδην, πράττοντα οἷον ἐξ ἐφημερίδων ἀναλέγεσθαι, ποσάκις Ἡδείᾳ καὶ Λεοντίῳ συνῆλθον ἢ ποῦ Θάσιον ἔπιον ποίας εἰκάδος ἐδείπνησαν πολυτελέστατα. Δεινὴν γὰρ ἐμφαίνει καὶ θηριώδη περὶ τὰ γινόμενα καὶ προσδοκώμενα τῆς ἡδονῆς ἔργα ταραχὴν καὶ λύσσαν ἡ τοσαύτη πρὸς ἀναμνήσεις αὐτῆς βάκχευσις τῆς ψυχῆς καὶ πρόστηξις.

Ὅθεν αὐτοί μοι δοκοῦσι τούτων αἰσθόμενοι τῶν ἀτοπημάτων εἰς τὴν ἀπονίαν καὶ τὴν εὐστάθειαν ὑποφεύγειν τῆς σαρκός, ὡς ἐν τῷ ταύτην ἐπινοεῖν περί τινας ἐσομένην καὶ γεγενημένην τοῦ ἡδέως ζῆν ὄντος· τὸ γὰρ εὐσταθὲς σαρκὸς κατάστημα καὶ τὸ περὶ ταύτης πιστὸν ἔλπισμα τὴν ἀκροτάτην χαρὰν καὶ βεβαιοτάτην ἔχειν τοῖς ἐπιλογίζεσθαι δυναμένοις.

[5] V. Ὅρα δὴ πρῶτον μὲν οἷα ποιοῦσι, τὴν εἴθ´ ἡδονὴν ταύτην εἴτ´ ἀπονίαν ἢ εὐστάθειαν ἄνω καὶ κάτω μετερῶντες ἐκ τοῦ σώματος εἰς τὴν ψυχήν, εἶτα πάλιν ἐκ ταύτης εἰς ἐκεῖνο τῷ μὴ στέγειν ἀπορρέουσαν καὶ διολισθάνουσαν ἀναγκαζόμενοι τῇ ἀρχῇ συνάπτειν, καί « τὸ μὲν ἡδόμενον », ὥς φησι, « τῆς σαρκὸς τῷ χαίροντι τῆς ψυχῆς ὑπερείδοντες, αὖθις δ´ ἐκ τοῦ χαίροντος εἰς τὸ ἡδόμενον τῇ ἐλπίδι τελευτῶντες. » Καὶ πῶς οἷόν τε τῆς βάσεως τινασσομένης μὴ συντινάσσεσθαι τὸ ἐπὸν ἢ βέβαιον ἐλπίδα καὶ χαρὰν ἀσάλευτον εἶναι περὶ πράγματος σάλον ἔχοντος τοσοῦτον καὶ μεταβολάς, ὅσαι σφάλλουσι τὸ σῶμα, πολλαῖς μὲν ἔξωθεν ὑποκείμενον ἀνάγκαις καὶ πληγαῖς ἐν αὑτῷ δ´ ἔχον ἀρχὰς κακῶν, ἃς οὐκ ἀποτρέπει λογισμός; οὐδὲ γὰρ ἂν προσέπιπτεν ἀνδράσι νοῦν ἔχουσι στραγγουρικὰ πάθη καὶ δυσεντερικὰ καὶ φθίσεις καὶ ὕδρωπες, ὧν τοῖς μὲν αὐτὸς Ἐπίκουρος συνηνέχθη τοῖς δὲ Πολύαινος τὰ δὲ Νεοκλέα καὶ Ἀγαθόβουλον ἐξήγαγε. Καὶ ταῦτ´ οὐκ ὀνειδίζομεν, εἰδότες καὶ Φερεκύδην καὶ Ἡράκλειτον ἐν νόσοις χαλεπαῖς γενομένους, ἀλλ´ ἀξιοῦμεν αὐτούς, εἰ τοῖς πάθεσι βούλονται τοῖς ἑαυτῶν ὁμολογεῖν καὶ μὴ κεναῖς φωναῖς θρασυνόμενοι καὶ δημαγωγοῦντες ἀλαζονείαν προσοφλισκάνειν, ἢ μὴ λαμβάνειν χαρᾶς ἀρχὴν ἁπάσης 〈τὴν〉 τῆς σαρκὸς εὐστάθειαν ἢ μὴ φάναι χαίρειν καὶ ὑβρίζειν τοὺς ἐν πόνοις ὑπερβάλλουσι καὶ νόσοις γινομένους. Κατάστημα μὲν γὰρ εὐσταθὲς σαρκὸς γίνεται πολλάκις, ἔλπισμα δὲ πιστὸν ὑπὲρ σαρκὸς καὶ βέβαιον οὐκ ἔστιν ἐν ψυχῇ νοῦν ἐχούσῃ γενέσθαι· ἀλλ´ ὥσπερ ἐν θαλάσσῃ κατ´ Αἰσχύλον

« Ὠδῖνα τίκτει νὺξ κυβερνήτῃ σοφῷ »

καὶ γαληνή (τὸ γὰρ μέλλον ἄδηλον), οὕτως ἐν σώματι ψυχὴν εὐσταθοῦντι καὶ ταῖς περὶ σώματος ἐλπίσι τἀγαθὸν θεμένην οὐκ ἔστιν ἄφοβον καὶ ἀκύμονα διεξαγαγεῖν. Οὐ γὰρ ἔξωθεν μόνον, ὥσπερ ἡ θάλασσα, χειμῶνας ἴσχει καὶ καταιγισμοὺς τὸ σῶμα, πλείονας δὲ ταραχὰς ἐξ ἑαυτοῦ καὶ μείζονας ἀναδίδωσιν· εὐδίαν δὲ χειμερινὴν μᾶλλον ἄν τις ἢ σαρκὸς ἀβλάβειαν ἐλπίσειεν αὑτῷ παραμενεῖν βεβαίως. Τὸ γὰρ ἐφήμερα 〈τὰ ἡμέτερα〉 καλεῖν καὶ ἀβέβαια καὶ ἀστάθμητα φύλλοις τε γινομένοις ἔτους ὥρᾳ καὶ φθίνουσιν εἰκάζειν τὸν βίον τί παρέσχηκεν ἄλλο τοῖς ποηταῖς ἢ τὸ τῆς σαρκὸς ἐπίκηρον καὶ πολυβλαβὲς καὶ νοσῶδες, ἧς δὴ καὶ τὸ ἄκρον ἀγαθὸν δεδιέναι καὶ κολούειν παρεγγυῶσι· « σφαλερὸν γὰρ αἱ εἰς ἄκρον εὐεξίαι » φησὶν Ἱπποκράτης,

 « Ὁ δ´ ἄρτι θάλλων σαρκὶ διοπετὴς ὅπως ἀστὴρ ἀπέσβη »

κατὰ τὸν Εὐριπίδην· ὑπὸ δὲ βασκανίας καὶ φθόνου βλάπτεσθαι προσορωμένους οἴονται τοὺς καλούς, ὅτι τάχιστα τὸ ἀκμάζον ἴσχει μεταβολὴν τοῦ σώματος δι´ ἀσθένειαν.

IV. — Eh quoi ! dit Zeuxippe, vous ne trouvez pas que les épicuriens aient raison de commencer par les sens où le plaisir prend d'abord naissance, et de passer ensuite à l'âme, comme à un appui plus solide, pour y mettre le complément de la volupté?

— Je les approuverais, lui dis-je, et je croirais qu'ils agissent conformément à la nature si, comme les hommes d'État ou comme ceux qui se livrent à la théorie des sciences, ils savaient chercher et découvrir ce qu'il y a de meilleur et de plus parfait. Mais quand ils protestent à haute voix que l'âme ne peut être satisfaite de rien, ni goûter aucune tranquillité, sinon lorsqu'elle jouit des plaisirs du corps, ou qu'au moins elle les espère, parce qu'elle ne trouve qu'en eux son souverain bien, ne font-ils pas, pour ainsi dire, de l'âme 182 l'écouloir du corps, et ne versent-ils pas de celui-ci dans l'autre la volupté, comme on transvase du vin d'un vaisseau vieux et fêlé dans un vase neuf, parce qu'ils espèrent qu'elle s'y conservera davantage et qu'elle en aura plus de prix ? Il est vrai que le temps bonifie le vin et fait qu'il se garde plus longtemps; mais le plaisir, tel qu'un parfum qui s'évapore, ne laisse dans l'âme qu'un simple souvenir; il s'allume dans nos sens et s'y éteint aussitôt. Le souvenir même en est faible et obscur, semblable à celui qu'on conserverait des boissons et des aliments de la veille, et qu'on mettrait comme en réserve dans la pensée, pour pouvoir se le retracer quand on n'aurait pas d'autres mets. Voyez combien les cyrénaïques, quoique abreuvés à la même source qu'Épicure, sont cependant plus modestes (05). Ils ne veulent pas que les hommes se livrent pendant le jour à certains plaisirs, et ils prescrivent de les couvrir des ombres de la nuit, de peur que la vue, en imprimant dans l'âme des images très vives, n'en excite trop souvent le désir. Les épicuriens, au contraire, font consister la plus grande félicité du sage dans un vif ressouvenir qui lui conserve longtemps les images, les affections, et jusqu'aux mouvements des plaisirs passés.

« Je n'examine point en ce moment si c'est penser en philosophe que de vouloir laisser dans l'âme du sage des impressions si propres à enflammer ses désirs; mais, du moins, il est évident que ces plaisirs ne sauraient procurer une vie agréable. Il n'est pas même vraisemblable que le souvenir en soit bien vif, puisque la jouissance elle-même en est si faible, et je ne crois pas que ce souvenir se conserve dans ceux qui en ont fait un usage modéré. Ceux mêmes qui sont le plus épris de ces voluptés, et qui les poursuivent avec tant d'ardeur, n'en conservent pas 183 sensation après qu'ils en ont joui : il ne leur en reste qu'une ombre fugitive, que le songe léger d'un plaisir qui s'est envolé, et dont la pensée peut tout au plus irriter leur désir, comme ceux qui dans le sommeil croient se désaltérer ou posséder ce qu'ils ont désiré, ne trouvent dans ces jouissances imaginaires qu'un aliment h leur cupidité. Ainsi, pour ceux-là même, le souvenir de leurs plaisirs passés n'est pas une sensation agréable; et ces restes d'une volupté faible et languissante dont ils conservent l'image est un aiguillon piquant qui excite et enflamme à tout moment leur cupidité. Aussi n'est-il pas croyable que les gens honnêtes et tempérants s'arrêtent à ces sortes de pensées, et qu'ils méritent le reproche qu'Épicure faisait à Carnéade, de se rappeler, comme s'il en eût tenu un journal, combien de fois il avait eu commerce avec Hédia et Léontium (06) ; où il avait bu du vin de Thasos (07), et tous les bons repas qu'il avait faits (08); car ce ressouvenir si vif, cette application si forte à l'image des plaisirs passés, décèlent évidemment une passion brutale et une ardeur effrénée pour les voluptés dont on jouit, ou qu'on espère.

« Aussi les épicuriens, ayant reconnu sans doute les absurdités qui suivaient de leurs principes, se sont-ils retranchés dans cette exemption de douleur, dans cette 184 bonne disposition du corps dont ils font le bonheur, comme si la vie heureuse consistait à penser qu'on a eu ou qu'on aura ce double avantage. Cette bonne disposition du corps, disent-ils, et une espérance fondée de la conserver longtemps, cause une joie aussi vive que durable à ceux qui savent s'en occuper.

V. Voyez comment ils changent et déplacent, ou celte volupté, ou cette exemption de douleur, ou celte bonne disposition, pour la transporter tantôt du corps à l'âme, tantôt de l'âme au corps, parce qu'elle ne peut se fixer nulle part, et qu'elle s'écoule de partout. Ils sont forcés de l'attacher à l'esprit, et d'étayer, pour ainsi dire , comme ils l'avouent eux-mêmes, la volupté du corps par la joie de l'âme, et réciproquement de donner pour terme à cette joie l'espérance des plaisirs des sens. Mais est-il possible que le fondement une fois ébranlé, ce qu'il soutient ne le soit aussi? L'espérance et la joie peuvent-elles être fermes et durables, lorsqu'elles ont pour objet des choses aussi sujettes à l'agitation et au changement que l'est un corps exposé à tant d'accidents extérieurs, à tant de choses inévitables, et qui porte en lui-même des causes de maux que la raison ne saurait prévenir? Sans cela les gens sensés seraient-ils sujets à des maladies graves, telles que les rétentions d'urine, les dysenteries, les phtisies, les hydropisies, dont les unes ont fait souffrir si cruellement Épicure lui-même, et d'autres ont emporté Polyène, Néoclès et Agathobule (09) ? Ce n'est pas que je veuille leur en faire un reproche; je sais que Phérécyde et Héraclite ont eu des maladies cruelles (10). Mais s'ils veulent avouer leurs propres maux, et ne pas capter par des discours vains et 185 arrogants les suffrages de la multitude, je leur demande, ou de ne pas donner pour principe du bonheur la bonne disposition du corps, ou de ne pas dire que ceux qui ont des maladies graves, des douleurs aiguës, sont dans la joie et bravent leurs maux. Car souvent le corps jouit d'une bonne disposition ; mais une âme saine ne compte jamais beaucoup sur la durée de cet état. Et comme sur la mer, suivant Eschyle,

La nuit, dans un temps calme, effraie un bon pilote,

parce que l'avenir est toujours incertain ; de même une aine qui place le souverain bien dans la bonne disposition du corps et dans l'espoir que cet état durera, ne saurait vivre sans crainte et sans agitation ; car le corps n'a pas seulement, comme la mer, des tempêtes extérieures à redouter : c'est de son propre fond que s'élèvent ses plus violents orages, et on pourrait compter plutôt sur un temps serein, au milieu même de l'hiver, que sur la vigueur constante du corps. Pourquoi les poètes appellent-ils les hommes des animaux éphémères, fragiles et périssables? pourquoi comparent-ils la vie humaine aux feuilles qui naissent et se flétrissent, dans l'espace d'une année, si ce n'est parce que le corps est assujetti à toutes sortes d'accidents et de maladies? Les médecins nous avertissent de craindre et de prévenir l'extrême embonpoint ; car, suivant Hippocrate, une santé parfaite est un état dangereux ; et, comme dit Euripide ,

Celui qui paraissait tout brillant de santé
S'éclipse en un instant par la mort arrêté :
Comme on voit δans les airs, au sein d'une nuit sombre,
Un astre passager s'évanouir dans l'ombre.

[6] VI. Ὅτι δ´ ὅλως μοχθηρὰ τὰ πράγματα πρὸς βίον ἄλυπόν ἐστιν αὐτοῖς, σκόπει καὶ ἀφ´ ὧν πρὸς ἑτέρους λέγουσι. Τοὺς γὰρ ἀδικοῦντας καὶ παρανομοῦντας ἀθλίως φασὶ καὶ περιφόβως ζῆν τὸν πάντα χρόνον, ὅτι, κἂν λαθεῖν δύνωνται, πίστιν περὶ τοῦ λαθεῖν λαβεῖν ἀδύνατόν ἐστιν· ὅθεν ὁ τοῦ μέλλοντος ἀεὶ φόβος ἐγκείμενος οὐκ ἐᾷ χαίρειν οὐδὲ θαρρεῖν ἐπὶ τοῖς παροῦσι. Ταῦτα δὲ καὶ πρὸς ἑαυτοὺς εἰρηκότες λελήθασιν. Εὐσταθεῖν μὲν γὰρ ἔστι καὶ ὑγιαίνειν τῷ σώματι πολλάκις, πίστιν δὲ λαβεῖν περὶ τοῦ διαμενεῖν ἀμήχανον· ἀνάγκη δὴ ταράττεσθαι καὶ ὠδίνειν ἀεὶ πρὸς τὸ μέλλον ὑπὲρ τοῦ σώματος, ἣν περιμένουσιν ἐλπίδα πιστὴν ἀπ´ αὐτοῦ καὶ βέβαιον οὐδέποτε κτήσασθαι δυναμένους. Τὸ δὲ μηδὲν ἀδικεῖν οὐδέν ἐστι πρὸς τὸ θαρρεῖν· οὐ γὰρ τὸ δικαίως παθεῖν ἀλλὰ τὸ παθεῖν φοβερόν, οὐδὲ συνεῖναι μὲν αὐτὸν ἀδικίαις ἀνιαρὸν περιπεσεῖν δὲ ταῖς ἄλλων οὐ χαλεπόν· ἀλλ´ εἰ μὴ μεῖζον, οὐκ ἔλαττόν γε τὸ κακὸν ἦν Ἀθηναίοις ἡ Λαχάρους καὶ Συρακοσίοις ἡ Διονυσίου χαλεπότης ἤπερ αὐτοῖς ἐκείνοις· ταράττοντες γὰρ ἐταράττοντο καὶ πείσεσθαι κακῶς προσεδόκων ἐκ τοῦ προαδικεῖν καὶ προλυμαίνεσθαι τοὺς ἐντυγχάνοντας. Ὄχλων δὲ θυμοὺς καὶ λῃστῶν ὠμότητας καὶ κληρονόμων ἀδικίας, ἔτι δὲ λοιμοὺς ἀέρων καὶ θάλασσαν εὐβραγκήν, ὑφ´ ἧς Ἐπίκουρος ὀλίγον ἐδέησε καταποθῆναι πλέων εἰς Λάμψακον, ὡς γράφει, τί ἂν λέγοι τις; ἀρκεῖ γὰρ ἡ φύσις τῆς σαρκός, ὕλην ἔχουσα νόσων ἐν ἑαυτῇ καὶ τοῦτο δὴ τὸ παιζόμενον « ἐκ τοῦ βοὸς τοὺς ἱμάντας » λαμβάνουσα τὰς ἀλγηδόνας ἐκ τοῦ σώματος, ὁμοίως τοῖς τε φαύλοις καὶ τοῖς ἐπιεικέσι τὸν βίον ἐπισφαλῆ ποιεῖν καὶ φοβερόν, ἄνπερ ἐπὶ σαρκὶ καὶ τῇ περὶ σάρκα ἐλπίδι μάθωσιν ἄλλῳ δὲ μηθενὶ χαίρειν καὶ θαρρεῖν, ὡς Ἐπίκουρος ἔν τ´ ἄλλοις πολλοῖς γέγραφε καὶ τούτοις ἃ ἔστι περὶ Τέλους.

VII. [7] VII. Οὐ μόνον τοίνυν ἄπιστον καὶ ἀβέβαιον ἀρχὴν λαμβάνουσι τοῦ ἡδέως ζῆν ἀλλὰ καὶ παντάπασιν εὐκαταφρόνητον καὶ μικράν, εἴπερ αὐτοῖς κακῶν ἀποφυγὴ τὸ χαρτόν ἐστι καὶ τὸ ἀγαθόν, ἄλλο δ´ οὐδὲν διανοεῖσθαί φασιν, οὐδ´ ὅλως τὴν φύσιν ἔχειν ὅποι τεθήσεται τὸ ἀγαθόν, εἰ μὴ μόνον, ὅθεν ἐξελαύνεται τὸ κακὸν αὐτῆς, ὥς φησι Μητρόδωρος ἐν τοῖς πρὸς τοὺς Σοφιστάς· « ὥστε τοῦτ´ αὐτὸ ἀγαθόν ἐστι, τὸ φυγεῖν τὸ κακόν· ἔνθα γὰρ τεθήσεται τἀγαθόν, οὐκ ἔστιν, ὅταν μηθὲν ἔτι ὑπεξίῃ μήτ´ ἀλγεινὸν μήτε λυπηρόν. » Ὅμοια δὲ καὶ τὰ Ἐπικούρου λέγοντος τὴν τοῦ ἀγαθοῦ φύσιν ἐξ αὐτῆς τῆς φυγῆς τοῦ κακοῦ καὶ τῆς μνήμης καὶ ἐπιλογίσεως καὶ χάριτος, ὅτι τοῦτο συμβέβηκεν αὐτῷ, γεννᾶσθαι· « τὸ γὰρ ποιοῦν » φησίν « ἀνυπέρβλητον γῆθος τὸ παρ´ αὐτὸν πεφυγμένον μέγα κακόν· καὶ αὕτη φύσις ἀγαθοῦ, ἄν τις ὀρθῶς ἐπιβάλῃ, ἔπειτα σταθῇ καὶ μὴ κενῶς περιπατῇ περὶ ἀγαθοῦ θρυλῶν. » Φεῦ τῆς μεγάλης ἡδονῆς τῶν ἀνδρῶν καὶ μακαριότητος, ἣν καρποῦνται χαίροντες ἐπὶ τῷ μὴ κακοπαθεῖν μηδὲ λυπεῖσθαι μηδ´ ἀλγεῖν. Ἆρ´ οὐκ ἄξιόν ἐστιν ἐπὶ τούτοις καὶ φρονεῖν καὶ λέγειν ἃ λέγουσιν, ἀφθάρτους καὶ ἰσοθέους ἀποκαλοῦντες αὑτοὺς καὶ δι´ ὑπερβολὰς καὶ ἀκρότητας ἀγαθῶν εἰς βρόμους καὶ ὀλολυγμοὺς ἐκβακχεύοντες ὑπὸ τῆς ἡδονῆς, ὅτι τῶν ἄλλων περιφρονοῦντες ἐξευρήκασι μόνοι θεῖον ἀγαθὸν καὶ μέγα τὸ μηδὲν ἔχειν κακόν; ὥστε μήτε συῶν ἀπολείπεσθαι μήτε προβάτων εὐδαιμονίᾳ, τὸ τῇ σαρκὶ καὶ τῇ ψυχῇ περὶ τῆς σαρκὸς ἱκανῶς ἔχειν μακάριον τιθεμένους. Ἐπεὶ τοῖς γε κομψοτέροις καὶ γλαφυρωτέροις τῶν ζῴων οὐκ ἔστι φυγὴ κακοῦ τέλος, ἀλλὰ καὶ πρὸς ᾠδὰς ἀπὸ κόρου τρέπεται καὶ νήξεσι χαίρει καὶ πτήσεσι καὶ ἀπομιμεῖσθαι παίζοντα φωνάς τε παντοδαπὰς καὶ ψόφους ὑφ´ ἡδονῆς καὶ γαυρότητος ἐπιχειρεῖ· καὶ πρὸς ἄλληλα χρῆται φιλοφροσύναις καὶ σκιρτήσεσιν, ὅταν ἐκφύγῃ τὸ κακόν, τἀγαθὸν πεφυκότα ζητεῖν, μᾶλλον δ´ ὅλως πᾶν τὸ ἀλγεινὸν καὶ τὸ ἀλλότριον ὡς ἐμποδὼν ὄντα τῇ διώξει τοῦ οἰκείου καὶ κρείττονος ἐξωθοῦντα τῆς φύσεως.

VIII. [8] VIII. Τὸ γὰρ ἀναγκαῖον οὐκ ἀγαθόν ἐστιν, ἀλλ´ ἐπέκεινα τῆς φυγῆς τῶν κακῶν κεῖται τὸ ἐφετὸν καὶ τὸ αἱρετὸν καὶ νὴ Δία τὸ ἡδὺ καὶ οἰκεῖον, ὡς Πλάτων ἔλεγε, καὶ ἀπηγόρευε τὰς λυπῶν καὶ πόνων ἀπαλλαγὰς ἡδονὰς μὴ νομίζειν, ἀλλ´ οἷόν τινα σκιαγραφίαν ἢ μῖξιν οἰκείου καὶ ἀλλοτρίου, καθάπερ λευκοῦ καὶ μέλανος,

ἀπὸ τοῦ κάτω πρὸς τὸ μέσον ἀναφερομένων, ἀπειρίᾳ δὲ τοῦ ἄνω καὶ ἀγνοίᾳ τὸ μέσον ἄκρον ἡγουμένων εἶναι καὶ πέρας· ὥσπερ Ἐπίκουρος ἡγεῖται καὶ Μητρόδωρος, οὐσίαν τἀγαθοῦ καὶ ἀκρότητα τὴν τοῦ κακοῦ φυγὴν τιθέμενοι καὶ χαίροντες ἀνδραπόδων τινὰ χαρὰν ἢ δεσμίων ἐξ εἱργμοῦ λυθέντων ἀσμένως ἀλειψαμένων καὶ ἀπολουσαμένων μετ´ αἰκίας καὶ μάστιγας, ἐλευθέρας δὲ καὶ καθαρᾶς καὶ ἀμιγοῦς καὶ ἀμωλωπίστου χαρᾶς ἀγεύστων καὶ ἀθεάτων. Οὐ γάρ, εἰ τὸ ψωριᾶν τὴν σάρκα καὶ λημᾶν τὸν ὀφθαλμὸν ἀλλότριον, ἤδη καὶ τὸ κνᾶσθαι καὶ τὸ ἀπομάττεσθαι θαυμάσιον· οὐδ´ εἰ τὸ ἀλγεῖν καὶ φοβεῖσθαι τὰ θεῖα καὶ ταράττεσθαι τοῖς ἐν Ἅιδου κακόν, ἡ τούτων ἀποφυγὴ μακάριον καὶ ζηλωτόν. Ἀλλὰ μικρόν τινα τόπον καὶ γλίσχρον ἀποφαίνουσι τῆς χαρᾶς, ἐν ᾧ στρέφεται καὶ κυλινδεῖται, μέχρι τοῦ μὴ ταράττεσθαι τοῖς ἐν Ἅιδου κακοῖς ἡ τούτων παρὰ τὰς κενὰς δόξας προϊοῦσα καὶ τοῦτο ποιουμένη τῆς σοφίας τέλος, ὃ δόξειεν αὐτόθεν ὑπάρχειν τοῖς ἀλόγοις. Εἰ γὰρ πρὸς τὴν ἀπονίαν τοῦ σώματος οὐ διαφέρει πότερον δι´ αὑτὸ ἢ φύσει τοῦ πονεῖν ἐκτός ἐστιν, οὐδὲ πρὸς τὴν ἀταραξίαν τῆς ψυχῆς μεῖζόν ἐστι τὸ δι´ αὑτὴν ἢ κατὰ φύσιν οὕτως ἔχειν ὥστε μὴ ταράττεσθαι. Καίτοι φήσειεν ἄν τις οὐκ ἀλόγως ἐρρωμενεστέραν εἶναι διάθεσιν τὴν φύσει μὴ δεχομένην τὸ ταράττον ἢ τὴν ἐπιμελείᾳ καὶ λόγῳ διαφεύγουσαν. Ἔστω δ´ ἔχειν ἐπίσης· καὶ γὰρ οὕτως φανοῦνται τῶν θηρίων πλέον οὐδὲν ἔχοντες ἐν τῷ μὴ ταράττεσθαι τοῖς ἐν Ἅιδου καὶ περὶ θεῶν λεγομένοις μηδὲ προσδοκᾶν λύπας μηδ´ ἀλγηδόνας ὅρον 〈οὐκ〉 ἐχούσας.

Αὐτὸς γοῦν Ἐπίκουρος εἰπὼν ὡς « εἰ μηδὲν ἡμᾶς αἱ ὑπὲρ τῶν μετεώρων ὑποψίαι ἠνώχλουν ἔτι τε τὰ περὶ θανάτου καὶ ἀλγηδόνων, οὐκ ἄν ποτε προσεδεόμεθα φυσιολογίας » εἰς τοῦτ´ ἄγειν ἡμᾶς οἴεται τὸν λόγον, ἐν ᾧ τὰ θηρία φύσει καθέστηκεν. Οὔτε γὰρ ὑποψίας ἔχει φαύλας περὶ θεῶν οὔτε δόξαις κεναῖς ἐνοχλεῖται τῶν μετὰ τόν θάνατον οὐδ´ ὅλως ἐπινοεῖ τι δεινὸν ἐν τούτοις οὐδ´ οἶδε. Καίτοι εἰ μὲν ἐν τῇ προλήψει τοῦ θεοῦ τὴν πρόνοιαν ἀπέλιπον, ἐφαίνοντ´ ἂν ἐλπίσι χρησταῖς πλέον ἔχοντες οἱ φρόνιμοι τῶν θηρίων πρὸς τὸ ἡδέως ζῆν· ἐπεὶ δὲ τέλος ἦν τοῦ περὶ θεῶν λόγου τὸ μὴ φοβεῖσθαι θεὸν ἀλλὰ παύσασθαι ταραττομένους, βεβαιότερον οἶμαι τοῦθ´ ὑπάρχειν τοῖς ὅλως μὴ νοοῦσι θεὸν ἢ τοῖς νοεῖν μὴ βλάπτοντα μεμαθηκόσιν. Οὐ γὰρ ἀπήλλακται δεισιδαιμονίας ἀλλ´ οὐδὲ περιπέπτωκεν, οὐδ´ ἀποτέθειται τὴν ταράττουσαν ἔννοιαν περὶ τῶν θεῶν ἀλλ´ οὐδ´ εἴληφε. Τὰ δ´ αὐτὰ περὶ τῶν ἐν Ἅιδου λεκτέον· τὸ μὲν γὰρ ἐλπίζειν χρηστὸν ἀπ´ ἐκείνων οὐδετέροις ὑπάρχει, τοῦ δ´ ὑποπτεύειν καὶ φοβεῖσθαι {τὰ} μετὰ τόν θάνατον ἧττον μέτεστιν οἷς οὐ γίνεται θανάτου πρόληψις ἢ τοῖς προλαμβάνουσιν ὡς οὐδὲν πρὸς ἡμᾶς ὁ θάνατος. Πρὸς μέν γε τούτους ἐστίν, ἐφ´ ὅσον διαλογίζονταί τι καὶ σκοποῦσι, τὰ δ´ ὅλως ἀπήλλακται τοῦ φροντίζειν τῶν οὐ πρὸς ἑαυτά, πληγὰς δὲ φεύγοντα καὶ τραύματα καὶ φόνους τοῦτο τοῦ θανάτου δέδοικεν, ὃ καὶ τούτοις φοβερόν ἐστιν.

[9] IX. Ἃ μὲν οὖν λέγουσιν αὑτοῖς ὑπὸ σοφίας παρεσκευασμένα, τοιαῦτά ἐστιν· ὧν δ´ ἑαυτοὺς ἀφαιροῦνται καὶ ἀπελαύνουσιν, ἤδη σκοπῶμεν. Τὰς μὲν γὰρ ἐπὶ σαρκὸς εὐπαθείᾳ τῆς ψυχῆς διαχύσεις, ἐὰν ὦσι μέτριαι, μηθὲν ἐχούσας μέγα μηδ´ ἀξιόλογον, ἂν δ´ ὑπερβάλλωσι, πρὸς τῷ κενῷ καὶ ἀβεβαίῳ φορτικὰς φαινομένας καὶ θρασείας οὐδὲ ψυχικὰς ἄν τις οὐδὲ χαράς, ἀλλὰ σωματικὰς ἡδονὰς καὶ οἷον ἐπιμειδιάσεις καὶ συνεπιθρύψεις προσείποι τῆς ψυχῆς. Ἃς δ´ ἄξιον καὶ δίκαιον εὐφροσύνας καὶ χαρὰς νομίζεσθαι, καθαραὶ μέν εἰσι τοῦ ἐναντίου καὶ σφυγμὸν οὐδένα κεκραμένον οὐδὲ δηγμὸν οὐδὲ μετάνοιαν ἔχουσιν, οἰκεῖον δὲ τῇ ψυχῇ καὶ ψυχικὸν ἀληθῶς καὶ γνήσιον καὶ οὐκ ἐπείσακτον αὐτῶν τἀγαθόν ἐστιν οὐδ´ ἄλογον, ἀλλ´ εὐλογώτατον ἐκ τοῦ θεωρητικοῦ καὶ φιλομαθοῦς ἢ πρακτικοῦ καὶ φιλοκάλου τῆς διανοίας φυόμενον. Ὧν ὅσας ἑκάτερον καὶ ἡλίκας ἡδονὰς ἀναδίδωσιν, οὐκ ἄν τις ἀνύσειε διελθεῖν προθυμούμενος· ὑπομνῆσαι δὲ βραχέως αἵ τε ἱστορίαι πάρεισι πολλὰς μὲν ἐπιτερπεῖς διατριβὰς ἔχουσαι τὸ δ´ ἐπιθυμοῦν ἀεὶ τῆς ἀληθοῦς ἀκόρεστον καταλείπουσαι καὶ ἄπληστον ἡδονῆς· δι´ ἣν οὐδὲ τὸ ψεῦδος ἀμοιρεῖ χάριτος, ἀλλὰ καὶ πλάσμασι καὶ ποιήμασι τοῦ πιστεύεσθαι μὴ προσόντος ἔνεστιν ὅμως τὸ πεῖθον.

VI. « On croit que la fascination et le charme font perdre la beauté aux personnes qu'on regarde avec un œil d'envie , parce que la faiblesse naturelle du corps fait que, 186 même dans sa vigueur, il est sujet à de promptes altérations. Ce que les épicuriens eux-mêmes disent des autres philosophes prouve combien peu ils ont de ressources pour vivre exempts de douleur. Ils assurent que les hommes injustes, et qui transgressent les lois, passent toute leur vie dans la misère et dans la terreur : car s'ils ont la possibilité de cacher leurs crimes, ils ne sont pas sûrs d'y réussir. La crainte de l'avenir, qui les poursuit sans cesse, ne leur permet pas de se livrer à la joie et de compter sur le présent. Ces philosophes ne voient pas qu'en parlant ainsi ils se condamnent eux-mêmes; car le corps peut souvent être bien disposé et jouir d'une santé parfaite, mais il est impossible de compter sur la durée de cet état ; on est toujours dans une incertitude inévitable sur l'avenir, et, pour ainsi dire, dans les douleurs de l'enfantement, quand on fonde sur la bonne disposition du corps une espérance qui n'est jamais solide et qui peut nous tromper. La conduite la plus vertueuse ne saurait nous donner cette confiance; car ce n'est pas une souffrance injuste qu'on redoute, mais en général toute espèce de souffrance. S'il est fâcheux d'être la victime de ses propres injustices, il ne l'est pas moins d'être enveloppé dans celles d'autrui. La tyrannie de Lacharès (11) et celle de Denys ne furent pas moins funestes aux Athéniens et aux Syracusains qu'à ces tyrans eux-mêmes, qui, en faisant souffrir les autres, n'étaient pas moins tourmentés, et s'attendaient à recevoir un jour la punition des maux qu'ils leur faisaient endurer. Ai-je besoin de citer encore les séditions populaires, les brigandages, les injustices des héritiers, les contagions de l'air, les périls de la navigation, accident par lequel Épicure lui-même dit qu'il manqua de périr en faisant voile pour Lampsaque? N'en 187 est-ce pas assez de la nature même du corps, qui porte en soi le principe de toutes les maladies, et qui, suivant le proverbe, fournit des armes contre lui-même (12); qui, par les douleurs dont il est la source, remplit la vie d'inquiétudes et de terreurs continuelles, autant pour les bons que pour les méchants? Cependant ils ne fondent leurs plaisirs et leur espérance que sur ce corps fragile et sur les jouissances qu'il procure. Épicure l'a dit lui-même dans plusieurs de ses ouvrages, et en particulier dans son traité des Fins de l'homme.

VII. « Le fondement qu'ils donnent à une vie heureuse, outre qu'il n'a ni solidité ni constance, est encore vil et méprisable. Ils ne veulent d'autre bien et d'autre plaisir que d'être exempts de peines, et ils ne croient pas qu'on puisse imaginer d'autre bonheur, ni que la nature l'ait placé ailleurs que dans les lieux d'où elle a chassé le mal, comme Métrodore le soutient dans son traité contre les sophistes. Le bien donc, suivant ces philosophes, consiste à éviter le mal, et l'on ne saurait où mettre le bonheur, s'il n'y avait rien d'où l'on pût ôter le mal et la douleur. Ainsi Épicure dit que le bien naît de la fuite du mal, du souvenir et de la pensée agréable qu'on a été sans douleur. Rien, dit-il, ne nous cause une plus vive joie que d'avoir échappé à un grand mal, et c'est là certainement la nature du bien, si l'on sait s'entendre et s'y tenir, sans divaguer de côté et d'autre, en balbutiant sur la nature du bien. Ô l'inestimable volupté ! ô le précieux bonheur dont ces philosophes jouissent! Quelle joie incomparable de ne souffrir ni mal, ni peine, ni douleur ! N'est-ce pas là un beau sujet de se glorifier, de parler d'eux-mêmes avec tant d'arrogance, de se dire des êtres immor- 188 tels et égaux aux dieux mêmes, de jeter des cris de fureur, de se livrer à tous les transports des bacchantes par la pensée de l'excellence des biens dont ils jouissent, parce que, à la honte de tous les autres mortels, ils ont seuls découvert un bonheur divin, qui consiste dans l'exemption de tout mal? Ainsi leur félicité égale celle des moutons et des pourceaux, puisqu'ils la font consister dans les jouissances du corps ou dans celles de l'âme par le corps. Car les animaux les moins stupides, ceux que leur intelligence élève au-dessus des brutes, ne mettent pas leur fin dernière dans la fuite du mal. Lorsqu'ils sont rassasiés, ils s'amusent à chanter, à nager, à s'ébattre dans les airs ; la joie qui les anime leur fait imiter toutes sortes de voix et de sons ; ils se caressent, ils jouent et bondissent ensemble. La nature leur enseigne à chercher le bien, après qu'ils ont évité le mal, ou plutôt à bannir loin d'eux tout ce qui leur est pénible et étranger, et qui les empêcherait de poursuivre ce qui leur est meilleur et plus convenable.

VIII. Car tout ce qui est nécessaire n'est pas un bien ; mais après la fuite du mal vient ce qui mérite nos désirs et notre préférence, ou même ce qui est agréable et analogue à notre nature, comme le disait Platon, qui voulait qu'on regardât l'exemption des peines et des douleurs, non comme un plaisir, mais comme une ombre du bonheur, comme un mélange de ce qui nous est naturel et de ce qui nous est étranger, comme une couleur nuancée de blanc et de noir où les extrêmes se rapprochent.

« Mais bien des gens, faute de distinguer ces extrêmes, les confondent avec ce qui tient le milieu ; c'est ce qui est arrivé à Épicure et à Métrodore, qui font consister l'essence du souverain bien dans la fuite du mal ; qui ne connaissent d'autre joie que celle d'esclaves ou de captifs dont on a brisé les fers, et qui, après avoir été déchirés à coups de fouets, regardent comme un bonheur d'être lavés et frottés d'huile, mais qui n'ont jamais ni goûté ni 189 connu une joie libre et pure, sans mélange et sans altération. De ce que les maladies de la peau et des yeux sont désagréables à la nature, il ne s'ensuit pas qu'il y ait un grand bonheur à se gratter et à se frotter les yeux. Si la douleur, si la crainte des dieux et la terreur des enfers sont un mal, il ne faut pas regarder comme un bien suprême de s'être affranchi de ces craintes. C'est resserrer la joie dans un espace bien étroit et la mettre bien à la gêne, que de la borner à ne pas se troubler des peines de l'enfer. Cette sécurité, qui n'est pas une disposition commune, donne à la sagesse, pour sa fin dernière, la situation où se trouvent tous les animaux. Si, par rapport à l'exemption des douleurs corporelles, il est assez indifférent que le corps la doive à lui-même ou à la nature, ce n'est pas non plus un grand avantage pour l'âme qu'elle tienne sa tranquillité d'elle-même ou de la nature. On pourrait même dire avec assez de fondement que cette exemption de trouble, quand nous la devons à la nature, a bien plus de force que lorsqu'elle vient de notre jugement et de nos réflexions. Mais supposons que l'une soit égale à l'autre, il n'en sera pas moins vrai que les épicuriens n'ont aucun avantage sur les animaux, lorsqu'ils entendent sans trouble ce qu'on dit de l'enfer et des dieux, et qu'ils ne craignent point, après la mort, des peines et des tourments éternels.

« Épicure lui-même avoue que si les impressions que font sur nous les météores, et ce qu'on nous dit de la mort et des peines qui la suivent, n'eussent pas jeté la crainte dans nos âmes, nous n'aurions pas eu plus besoin que les animaux de nous appliquer à la recherche des choses naturelles. Car les animaux n'ont pas sur le compte des dieux des soupçons inquiétants ; ils ne craignent point ce qui leur arrivera après la mort, ils n'en prévoient aucun mal, ils ne s'en occupent même pas. Si, dans l'opinion que les épicuriens ont des dieux, ils eussent 190 conservé l'idée de leur providence, les gens sensés auraient paru du moins avoir sur les bêtes brutes une espérance mieux fondée de mener une vie agréable. Mais comme tout le but de leur doctrine sur les dieux tend uniquement à ne pas les craindre, et à se débarrasser de toute inquiétude à cet égard, je crois que cette disposition est beaucoup plus constante dans des êtres qui ont une ignorance absolue de la Divinité, que dans ceux qui se sont figuré un Dieu qui ne punit jamais ; car les premiers n'ont pas eu à s'affranchir de la superstition, puisqu'ils n'en étaient pas esclaves, et ils n'ont jamais adopté sur le compte des dieux des opinions qui les aient jetés dans le trouble. Il faut en dire autant par rapport aux enfers : ni les uns ni les autres ne peuvent en rien espérer de bon. Mais les soupçons et les craintes de ce qui arrivera après la mort, doivent bien moins affecter ceux qui n'ont pas même l'idée de la mort, que ceux qui sont persuadés que la mort n'a aucun rapport avec nous ; car enfin elle intéresse ces derniers, du moins en ce qu'elle est l'objet de leurs considérations et de leurs raisonnements. Mais les animaux sont libres de tout souci sur ce qui ne les regarde pas, et lorsqu'ils tâchent d'éviter les coups, les blessures et les meurtres, c'est pour se garantir de la mort qu'ils craignent aussi bien que les autres.

IX. « Tels sont les biens que les disciples d'Épicure disent tenir de la sagesse ; voyons maintenant quels sont ceux dont ils se privent et se dépouillent eux-mêmes. Les épanouissements que l'âme éprouve par les plaisirs des sens, s'ils sont légers, n'ont rien qui mérite notre estime et nos recherches ; s'ils sont très vifs, outre qu'ils n'ont ni solidité ni durée, on ne doit les regarder que comme des voluptés importunes et fatigantes, qui ne sont point faites pour l'âme, et ne lui procurent pas des joies pures ; ce ne sont proprement que des plaisirs du corps, auxquels l'âme sourit un instant, et qu'elle partage bien faiblement. 191 Ceux qui méritent ajuste titre de passer pour des jouissances et pour des joies de l'âme, sont exempts de toute affection étrangère, ne sont mêlés d'aucune émotion violente, d'aucun déchirement cruel, et ne traînent point après eux le repentir. Le bien qu'ils font éprouver à l'âme est analogue à sa nature, il lui est comme inné, il ne lui vient point d'ailleurs ; et, loin d'offenser la raison, il est souverainement raisonnable, et prend sa source dans cette faculté de l'âme qui s'applique à la contemplation de la vérité et à l'étude des sciences, ou dans celle qui s'occupe à des actions belles et honnêtes.

« Vainement voudrait-on compter tous les plaisirs qui naissent de l'une et l'autre de ces facultés ; qu'il nous suffise d'en donner une idée. L'histoire, par exemple, nous fournit un grand nombre de traits intéressants qui nous attachent, sans jamais épuiser le désir que nous avons de connaître la vérité ; il nous cause un si vif plaisir, que le mensonge même n'est pas sans attrait pour nous, et que les fictions poétiques auxquelles nous n'ajoutons aucune foi nous paraissent vraisemblables.

[10] X. Ἐννόει γάρ, ὡς δακνόμενοι τὸν Πλάτωνος ἀναγινώσκομεν Ἀτλαντικὸν καὶ τὰ τελευταῖα τῆς Ἰλιάδος, οἷον ἱερῶν κλειομένων ἢ θεάτρων ἐπιποθοῦντες τοῦ μύθου τὸ λειπόμενον. Αὐτῆς δὲ τῆς ἀληθείας ἡ μάθησις οὕτως ἐράσμιόν ἐστι καὶ ποθεινὸν ὡς τὸ ζῆν καὶ τὸ εἶναι, διὰ τὸ γινώσκειν· τοῦ δὲ θανάτου τὰ σκυθρωπότατα λήθη καὶ ἄγνοια καὶ σκότος. ᾟ καὶ νὴ Δία μάχονται τοῖς φθείρουσι τῶν ἀποθανόντων τὴν αἴσθησιν ὀλίγου δεῖν ἅπαντες, ὡς ἐν μόνῳ τῷ αἰσθανομένῳ καὶ γινώσκοντι τῆς ψυχῆς τιθέμενοι τὸ ζῆν καὶ τὸ εἶναι καὶ τὸ χαίρειν. Ἔστι γὰρ καὶ τοῖς ἀνιῶσι τὸ μεθ´ ἡδονῆς τινος ἀκούεσθαι· καὶ ταραττόμενοι πολλάκις ὑπὸ τῶν λεγομένων καὶ κλαίοντες ὅμως λέγειν κελεύομεν, ὥσπερ οὗτος·

« Οἴμοι πρὸς αὐτῷ γ´ εἰμὶ τῷ δεινῷ λέγειν. »

 « Κἄγωγ´ ἀκούειν· ἀλλ´ ὅμως ἀκουστέον ».

Ἀλλὰ τοῦτο μὲν ἔοικε τῆς περὶ τὸ πάντα γινώσκειν ἡδονῆς ἀκρασία τις εἶναι καὶ ῥύσις ἐκβιαζομένη τὸν λογισμόν, ὅταν δὲ μηδὲν ἔχουσα βλαβερὸν ἢ λυπηρὸν ἱστορία καὶ διήγησις ἐπὶ πράξεσι καλαῖς καὶ μεγάλαις προσλάβῃ λόγον ἔχοντα δύναμιν καὶ χάριν, ὡς τὸν Ἡροδότου τὰ Ἑλληνικὰ καὶ τὰ Περσικὰ τὸν Ξενοφῶντος, « ὅσσα θ´ Ὅμηρος ἐθέσπισε θέσκελα εἰδώς », ἢ ἃς Περιόδους Εὔδοξος ἢ Κτίσεις καὶ Πολιτείας Ἀριστοτέλης ἢ Βίους ἀνδρῶν Ἀριστόξενος ἔγραψεν, οὐ μόνον μέγα καὶ πολὺ τὸ εὐφραῖνον ἀλλὰ καὶ καθαρὸν καὶ ἀμεταμέλητόν ἐστι. Τίς δ´ ἂν φάγοι πεινῶν καὶ πίοι διψῶν τὰ Φαιάκων ἥδιον ἢ διέλθοι τὸν Ὀδυσσέως ἀπόλογον τῆς πλάνης; τίς δ´ ἂν ἡσθείη συναναπαυσάμενος τῇ καλλίστῃ γυναικὶ μᾶλλον ἢ προσαγρυπνήσας οἷς γέγραφε περὶ Πανθείας Ξενοφῶν ἢ περὶ Τιμοκλείας Ἀριστόβουλος ἢ Θήβης Θεόπομπος;

[11] XI. Ἀλλὰ ταῦτα - - - τῆς ψυχῆς, ἐξωθοῦσι δὲ καὶ τὰς ἀπὸ τῶν μαθημάτων. Καίτοι ταῖς μὲν ἱστορίαις ἁπλοῦν τι καὶ λεῖον ἔστιν, αἱ δ´ ἀπὸ γεωμετρίας καὶ ἀστρολογίας καὶ ἁρμονικῆς δριμὺ καὶ ποικίλον ἔχουσαι τὸ δέλεαρ οὐθὲν τῶν ἀγωγίμων ἀποδέουσιν, ἕλκουσαι καθάπερ ἴυγξι τοῖς διαγράμμασιν· ὧν ὁ γευσάμενος, ἄνπερ ἔμπειρος ᾖ, τὰ Σοφοκλέους περίεισιν ᾄδων

« Μουσομανεῖ δὲ ἐλάμφθην δακέτῳ ποτὶ δειρὰν,
ἔρχομαι δ´ ἔκ τε λύρας ἔκ τε νόμων,
οὓς Θαμύρας περίαλλα μουσοποιεῖ »

καὶ νὴ Δί´ Εὔδοξος καὶ Ἀρίσταρχος καὶ Ἀρχιμήδης. Ὅπου γὰρ οἱ φιλογραφοῦντες οὕτως ἄγονται τῇ πιθανότητι τῶν ἔργων, ὥστε Νικίαν γράφοντα τὴν Νεκυίαν ἐρωτᾶν πολλάκις τοὺς οἰκέτας εἰ ἠρίστηκε, Πτολεμαίου δὲ τοῦ βασιλέως ἑξήκοντα τάλαντα τῆς γραφῆς συντελεσθείσης πέμψαντος αὐτῷ, μὴ λαβεῖν μηδ´ ἀποδόσθαι τὸ ἔργον, τίνας οἰόμεθα καὶ πηλίκας ἡδονὰς ἀπὸ γεωμετρίας δρέπεσθαι καὶ ἀστρολογίας Εὐκλείδην γράφοντα τὰ διοπτικὰ καὶ Φίλιππον ἀποδεικνύντα περὶ τοῦ σχήματος τῆς σελήνης καὶ Ἀρχιμήδην ἀνευρόντα τῇ γωνίᾳ τὴν διάμετρον τοῦ ἡλίου τηλικοῦτον τοῦ μεγίστου κύκλου μέρος οὖσαν, ἡλίκον ἡ γωνία τῶν τεσσάρων ὀρθῶν, καὶ Ἀπολλώνιον καὶ Ἀρίσταρχον ἑτέρων τοιούτων εὑρετὰς γενομένους, ὧν νῦν ἡ θέα καὶ κατανόησις ἡδονάς τε μεγάλας καὶ φρόνημα θαυμάσιον ἐμποιεῖ τοῖς μανθάνουσιν; καὶ οὐκ ἄξιον οὐδαμῇ τὰς ἐκ « τῶν ὀπτανίων καὶ ματρυλείων ἡδονὰς » ἐκείνας παραβάλλοντα ταύταις καταισχύνειν τὸν Ἑλικῶνα καὶ τὰς Μούσας,

« ἔνθ´ οὔτε ποιμὴν ἀξιοῖ φέρβειν βοτὰ
οὔτ´ ἦλθέ πω σίδαρος »·

ἀλλ´ αὗται μέν εἰσιν ὡς ἀληθῶς « ἀκήρατοι » νομαὶ « μελισ– σῶν », ἐκεῖνα δὲ συῶν καὶ τράγων κνησμοῖς ἔοικε, προσαναπιμπλάντα τῆς ψυχῆς τὸ παθητικώτατον. Ἔστι μὲν οὖν ποικίλον καὶ ἰταμὸν τὸ φιλήδονον, οὔπω δέ τις ἐρωμένῃ πλησιάσας ὑπὸ χαρᾶς ἐβουθύτησεν οὐδ´ ηὔξατό τις ἐμπλησθεὶς ὄψων ἢ πεμμάτων βασιλικῶν εὐθὺς ἀποθανεῖν· Εὔδοξος δ´ ηὔχετο παραστὰς τῷ ἡλίῳ καὶ καταμαθὼν τὸ σχῆμα τοῦ ἄστρου καὶ τὸ μέγεθος καὶ τὸ εἶδος ὡς ὁ Φαέθων καταφλεγῆναι, καὶ Πυθαγόρας ἐπὶ τῷ διαγράμματι βοῦν ἔθυσεν, ὥς φησιν Ἀπολλόδωρος·

« ἡνίκα Πυθαγόρης τὸ περικλεὲς εὕρετο γράμμα,
κεῖνος ἐφ´ ᾧ λαμπρὴν ἤγαγε βουθυσίην, »

εἴτε περὶ τῆς ὑποτεινούσης ὡς ἴσον δύναται ταῖς περιεχούσαις τὴν ὀρθήν, εἴτε πρόβλημα περὶ τοῦ χωρίου τῆς παραβολῆς. Ἀρχιμήδην δὲ βίᾳ τῶν διαγραμμάτων ἀποσπῶντες ὑπήλειφον οἱ θεράποντες· ὁ δ´ ἐπὶ τῆς κοιλίας ἔγραφε τὰ σχήματα τῇ στλεγγίδι, καὶ λουόμενος ὥς φασιν ἐκ τῆς ὑπερχύσεως ἐννοήσας τὴν τοῦ στεφάνου μέτρησιν οἷον ἔκ τινος κατοχῆς ἢ ἐπιπνοίας ἐξήλατο βοῶν « εὕρηκα », καὶ τοῦτο πολλάκις φθεγγόμενος ἐβάδιζεν. Οὐδενὸς δ´ ἀκηκόαμεν οὔτε γαστριμάργου περιπαθῶς οὕτως « βέβρωκα » βοῶντος οὔτ´ ἐρωτικοῦ « πεφίληκα », μυρίων μυριάκις ἀκολάστων γεγονότων καὶ ὄντων· ἀλλὰ καὶ βδελυττόμεθα τοὺς μεμνημένους δείπνων ἐμπαθέστερον, ὡς ἐφ´ ἡδοναῖς μικραῖς καὶ μηδενὸς ἀξίαις ὑπερασμενίζοντας. Εὐδόξῳ δὲ καὶ Ἀρχιμήδει καὶ Ἱππάρχῳ συνενθουσιῶμεν, καὶ Πλάτωνι πειθόμεθα περὶ τῶν μαθημάτων, ὡς ἀμελούμενα δι´ ἄγνοιαν καὶ ἀπειρίαν « ὅμως βίᾳ ὑπὸ χάριτος αὐξάνεται ».

[12] XII. Ταύτας μέντοι τὰς τηλικαύτας καὶ τοσαύτας ἡδονὰς ὥσπερ ἀεννάους ἐκτρέποντες οὗτοι καὶ ἀποστρέφοντες οὐκ ἐῶσι γεύεσθαι τοὺς πλησιάσαντας αὐτοῖς, ἀλλὰ τοὺς μὲν « ἐπαραμένους τὰ ἀκάτια » φεύγειν ἀπ´ αὐτῶν κελεύουσι, Πυθοκλέους δὲ πάντες καὶ πᾶσαι δέονται δι´ Ἐπικούρου καὶ ἀντιβολοῦσιν, ὅπως οὐ ζηλώσει τὴν ἐλευθέριον καλουμένην παιδείαν· Ἀπελλῆν δέ τινα θαυμάζοντες καὶ ὑπερασπαζόμενοι γράφουσιν ὅτι τῶν μαθημάτων ἀποσχόμενος ἐξ ἀρχῆς καθαρὸν ἑαυτὸν ἐτήρησε. Περὶ δὲ τῆς ἱστορίας, ἵνα τὴν ἄλλην ἀνηκοΐαν ἐάσω, παραθήσομαι μόνα τὰ Μητροδώρου, γράφοντος ἐν τοῖς περὶ Ποιημάτων·

« Ὅθεν μηδ´ εἰδέναι φάσκων, μεθ´ ὁποτέρων ἦν ὁ Ἕκτωρ, ἢ τοὺς πρώτους στίχους τῆς Ὁμήρου ποιήσεως ἢ πάλιν τὰ ἐν μέσῳ, μὴ ταρβήσῃς. »

Ὅτι τοίνυν αἱ τοῦ σώματος ἡδοναὶ καθάπερ οἱ ἐτησίαι μαραίνονται μετὰ τὴν ἀκμὴν καὶ ἀπολήγουσιν, οὐ λέληθε τὸν Ἐπίκουρον. Διαπορεῖ γοῦν, εἰ γέρων ὁ σοφὸς ὢν καὶ μὴ δυνάμενος πλησιάζειν ἔτι ταῖς τῶν καλῶν ἁφαῖς χαίρει καὶ ψηλαφήσεσιν, οὐ τὰ αὐτὰ μέντοι Σοφοκλεῖ διανοούμενος ἀσμένως ἐκφυγόντι τὴν ἡδονὴν ταύτην ὥσπερ ἄγριον καὶ λυττῶντα δεσπότην. Ἀλλ´ ἔδει γε τοὺς ἀπολαυστικοὺς ὁρῶντας ὅτι πολλὰς ἀφαυαίνει τῶν ἡδονῶν τὸ γῆρας

« Ἢ τ´ Ἀφροδίτη τοῖς γέρουσιν ἄχθεται »

κατ´ Εὐριπίδην, ταύτας μάλιστα συνάγειν τὰς ἡδονάς, ὥσπερ εἰς πολιορκίαν ἄσηπτα σιτία καὶ ἄφθαρτα παρατιθεμένους, εἶτ´ ἄγειν ἀφροδίσια τοῦ βίου καὶ μεθεόρτους καλὰς ἐν ἱστορίαις καὶ ποιήμασι διατρίβοντας ἢ προβλήμασι μουσικοῖς καὶ γεωμετρικοῖς. Οὐ γὰρ ἂν ἐπῆλθεν αὐτοῖς εἰς νοῦν βαλέσθαι τὰς τυφλὰς καὶ νωδὰς ἐκείνας ψηλαφήσεις καὶ ἐπιπηδήσεις τοῦ ἀκολάστου μεμαθηκόσιν, εἰ μηδὲν ἄλλο, γράφειν περὶ Ὁμήρου καὶ περὶ Εὐριπίδου, ὡς Ἀριστοτέλης καὶ Ἡρακλείδης καὶ Δικαίαρχος. Ἀλλ´ οἶμαι τοιούτων ἐφοδίων μὴ φροντίσαντες, τῆς δ´ ἄλλης αὐτῶν πραγματείας ἀτερποῦς καὶ ξηρᾶς, ὥσπερ αὐτοὶ τὴν ἀρετὴν λέγουσιν, οὔσης ἥδεσθαι πάντως ἐθέλοντες, τοῦ δὲ σώματος ἀπαγορεύοντος, αἰσχρὰ καὶ ἄωρα πράττειν ὁμολογοῦσι, τῶν τε προτέρων ἡδονῶν ἀναμιμνήσκοντες ἑαυτοὺς καὶ χρώμενοι ταῖς παλαιαῖς ἀπορίᾳ προσφάτων ὥσπερ τεταριχευμέναις, καὶ νεκρὰς ἄλλας πάλιν καὶ τεθνηκυίας οἷον ἐν τέφρᾳ ψυχρᾷ τῇ σαρκὶ κινοῦντες παρὰ φύσιν καὶ ἀναζωπυροῦντες, ἅτε δὴ μηδὲν οἰκεῖον ἡδὺ μηδὲ χαρᾶς ἄξιον ἔχοντες ἐν τῇ ψυχῇ παρεσκευασμένον.

 

X. Rappelez-vous avec quelle ardeur nous lisions l'Atlantique de Platon et les derniers chants de l'Iliade, regrettant, comme si nous eussions été à la porte d'un temple ou d'un théâtre fermé, que la pièce ne fût pas achevée. La connaissance de la vérité a tant d'attraits et de charmes, qu'on ne désire d'exister et de vivre, qu'afin de connaître ; et ce qu'il y a de plus affreux dans la mort, c'est l'oubli, l'ignorance et les ténèbres où elle nous plonge. Aussi ceux qui prétendent que les morts sont privés de toute espèce de sentiment, excitent-ils la réclamation de presque tous les hommes qui font consister l'être, la vie et le plaisir dans le sentiment et dans la connaissance propres à l'âme. Il est même des choses fâcheuses qu'on apprend avec plaisir; et souvent, quoiqu'on nous annonce des nouvelles tristes et affligeantes, nous voulons tout savoir. 192 Oedipe en est un exemple dans Sophocle.

LE VIEILLARD.

Que vais-je dire? hélas! je suis près de t'apprendre
Le plus affreux secret.

ŒDIPE.

Et moi prêt à l'entendre;
Parle donc sur-le-champ.

Il est vrai que ce désir est une sorte d'intempérance du plaisir de savoir, et une violence faite à la raison.

« Mais quand un récit qui n'a rien de fâcheux ou de nuisible, qui ne contient que des faits grands et illustres, joint à un fond intéressant, la force et l'agrément de l'éloquence, comme l'histoire d'Hérodote, celle de la guerre des Perses par Xénophon,

Et les vers inspirés au prince des poètes,

la description de la terre par Eudoxe (13), les livres d'Aristote sur les fondations des villes et sur les républiques (14), les Vies des hommes illustres par Aristoxène (15), le plaisir qu'on goûte à ces lectures, est non seulement agréable et vif, mais pur et sans repentir. Quel homme, pressé par la faim et la soif, trouverait plus de plaisir à manger les mets délicieux et à boire les vins excellents des Phéaciens, qu'à lire le récit des voyages d'Ulysse? Qui aimerait mieux passer la nuit avec la plus belle femme, que de veiller pour lire ce que Xénophon a écrit de Panthée (16), ce qu'Aristobule raconte de Timoclée (17), et Théopompe de Thisbé (18)? Voilà les plaisirs qui sont propres à l'âme.

XI. 193 Les épicuriens rejettent même ceux que procure l'étude des mathématiques. La lecture de l'histoire n'en donne que de simples et de doux; mais ceux qui naissent de la géométrie, de l'astronomie et de la musique, ont un attrait piquant, qu'augmenté encore la variété, et auquel il ne manque aucun appât pour attirer l'esprit ; leurs figures ont une sorte d'enchantement, et ceux qui, propres à cette étude, en ont une fois pris le goût, répètent à tout moment ces vers de Sophocle :

Les Muses m'ont rempli d'une sainte fureur,
Et de leur double Mont franchissant la hauteur,
Je n'aime que les sons de leur céleste lyre,
Et les sublimes chants qu'Apollon leur inspire.

Ce n'est pas seulement Thamyras (19) que cet amour transporte, mais encore Eudoxe, Arislarque, Archimède. Les peintres mêmes sont tellement fixés par la beauté de leurs ouvrages, que Nicias (20), en peignant la descente d'Ulysse aux enfers, demandait souvent à ses esclaves s'il avait dîné ; et lorsque son tableau fut achevé, le roi Ptolémée lui en ayant fait offrir soixante talents, il les refusa, et ne voulut le vendre à aucun prix. Quelle jouissance ne devait donc pas trouver dans la géométrie et dans l'astronomie, ou Euclide, lorsqu'il écrivait son traité de Dioptrique ; ou Philippe (21), lorsqu'il composait sa Démonstration de la figure de la lune ; ou Archimède, lorsqu'on mesurant l'angle qui a son sommet dans l'œil, il trouva que le dia- 194 mètre du soleil était une partie du plus grand cercle égale à la portion de l'arc compris dans un des quatre angles droits ; ou enfin Apollonius et Aristarque, après des découvertes semblables, dont encore aujourd'hui la théorie et l'intelligence causent tant de plaisir et tant de satisfaction à ceux qui s'en occupent?

« Quelle indignité de mettre en parallèle avec des plaisirs de cette nature les voluptés des sens, et de déshonorer les bois de l'Hélicon, ce séjour des Muses,

Où nul pasteur jamais ne conduit ses troupeaux,
Et dont toujours le fer respecta les rameaux !

Ces plaisirs de l'âme sont vraiment ces prairies délicieuses où les abeilles vont extraire des sucs si purs ; les autres, semblables à ces irritations qu' éprouvent les animaux les plus sales et les plus lascifs, n'occupent que cette partie de l'âme qui est le siège des passions. Le goût des voluptés corporelles, susceptible de beaucoup de variété, rend fiers et présomptueux ceux qui s'y livrent. Cependant personne encore n'a fait un sacrifice aux dieux pour avoir joui de l'objet de ses désirs ; aucun gourmand, après s'être rassasié des meilleurs mets, à la table d'un roi, n'a souhaité de mourir sur-le-champ. Mais Eudoxe eût voulu être consumé, comme Phaéton, par les feux du soleil, pourvu qu'il pût en approcher d'assez près pour connaître la figure, la grandeur et la nature de cet astre. Pythagore immola un bœuf, pour avoir démontré un problème géométrique, comme le dit Apollodore dans ce distique :

Dès qu'il eut découvert un problème fameux,
Pythagore courut sacrifier aux Dieux.

Ce fut, ou pour avoir démontré que le carré de l'hypoténuse du triangle rectangle est égal à celui des deux autres côtés, ou pour avoir mesuré l'aire de la section para- 195 bolique du cône (22). Les esclaves d'Archimède étaient obligés de l'arracher à ses démonstrations pour le mettre dans le bain, et pendant qu'il y était, il traçait sur son corps des figures de géométrie avec l'étrille dont on le frottait. Un jour, en entrant dans le bain, l'eau qu'il déplaça lui ayant fait découvrir le problème de la couronne qu'Hiéron lui avait proposé, saisi d'une sorte d'enthousiasme, il s'élança du bain en criant : Je l'ai trouvé (23); et il courut dans la ville en répétant plusieurs fois ces mots. Mais avons-nous jamais entendu un homme friand ou lascif s'écrier avec transport : J'ai mangé, j'ai joui. Cependant il y a toujours eu, et il y a encore bien des gens intempérants. Mais nous détestons ceux qui se rappellent avec transport les bons repas qu'ils ont faits, parce qu'ils sont épris du genre de volupté le plus méprisable. Au contraire, nous partageons l'enthousiasme d'Eudoxe, d'Archimède et d'Hipparque, et nous pensons avec Platon, que les mathématiques, quoique négligées par des hommes grossiers et ignorants, font toujours des progrès, à cause du plaisir qu'elles procurent à l'esprit.

XII. Mais les épicuriens évitent avec soin toutes ces voluptés précieuses dont la source ne tarit jamais; ils ne permettent même pas à ceux qui suivent leurs écoles de les goûter; ils leur ordonnent de s'en éloigner et de les fuir à pleines voiles.

« Bien plus, tous ceux qui font profession de cette secte, hommes et femmes, conjurent Pythoclès, avec 196 Épicure, de fuir toute espèce d'instruction honnête (24) ; ils louent beaucoup un je ne sais quel Apelle, et lui font un grand mérite de n'avoir jamais gâté son esprit par l'étude des mathématiques. Quant à l'histoire, pour ne point parler des autres preuves de leur ignorance sur ce point, je me bornerai à rapporter ici ce qu'en dit Métrodore dans son traité sur les Poètes :

«Ne rougissez pas d'avouer que vous n'avez jamais su pour qui, des Grecs ou des Troyens, combattait Hector, et que vous n'avez lu ni les premiers ni les derniers vers d'Homère. »

« Épicure n'ignorait pas que les voluptés des sens, semblables aux vents étésiens, durent peu et se flétrissent promptement, dès que la vigueur de l'âge commence à s'amortir. Cependant il agite la question, si le sage, en qui la vieillesse a éteint les facultés naturelles, ne doit pas se livrer aux plaisirs dont il est capable. Il pense sur ce point bien différemment de Sophocle, qui se félicitait de ce que l'âge l'avait affranchi de l'esclavage de la volupté, comme des fers d'un maître sauvage et cruel. Du moins ces philosophes voluptueux, voyant que la vieillesse flétrit la plupart des jouissances humaines, et que, comme le dit Euripide,

Vénus des cheveux blancs n'accepte point l'hommage;

auraient-ils dû se ménager les plaisirs de l'âme ; et comme une ville menacée d'un siège se munit de provisions sèches qui ne soient pas sujettes à se gâter, ainsi, après avoir honoré Vénus au commencement de leur vie, ils auraient fait succéder à ses fêtes la lecture d'histoires et de poèmes intéressants, ou la discussion de problèmes 197 de musique et de géométrie. Leur serait-il jamais venu en pensée de s'occuper ainsi de ces voluptés aveugles et efféminées, qui ne sont que les aiguillons impuissants d'une cupidité amortie, si, au défaut d'autres ouvrages, ils eussent appris à écrire sur Homère ou sur Euripide, comme l'ont fait Aristote, Héraclide et Dicéarque (25) ? Mais, sans doute, ils n'ont jamais fait cas de ces sortes de travaux, et toutes leurs autres occupations sont, comme ils le disent eux-mêmes de la vertu, arides et sans agréments. Cependant, comme ils désirent de ces jouissances auxquelles leur corps se refuse, ils se livrent à des actions honteuses qui, de leur aveu même, ne sont plus pour eux de saison. Ils se nourrissent, faute de plaisirs nouveaux, du souvenir des anciens, comme on use au besoin de nourritures salées; ils cherchent aussi à rallumer, contre le vœu de la nature, une étincelle de sensation dans des sens presque morts, et qui ne sont plus qu'une cendre froide. Voilà à quoi ils sont réduits, faute d'avoir su ménager à leur âme des plaisirs purs qui pussent lui procurer une joie digne d'elle.

[13] XIII. Καίτοι τὰ ἄλλα μὲν ὡς ἡμῖν ἐπῆλθεν {εἰπεῖν} εἴρηται, μουσικὴν δ´ ὅσας ἡδονὰς καὶ χάριτας οἵας φέρουσαν ἀποστρέφονται καὶ φεύγουσι, βουλόμενος οὐκ ἄν τις ἐκλάθοιτο, δι´ ἀτοπίαν ὧν Ἐπίκουρος λέγει, φιλοθέωρον μὲν ἀποφαίνων τὸν σοφὸν ἐν ταῖς Διαπορίαις καὶ χαίροντα παρ´ ὁντινοῦν ἕτερον ἀκροάμασι καὶ θεάμασι Διονυσιακοῖς, προβλήμασι δὲ μουσικοῖς καὶ κριτικῶν φιλολόγοις ζητήμασιν οὐδὲ παρὰ πότον διδοὺς χώραν, ἀλλὰ καὶ τοῖς φιλομούσοις τῶν βασιλέων παραινῶν στρατιωτικὰ διηγήματα καὶ φορτικὰς βωμολοχίας ὑπομένειν μᾶλλον ἐν τοῖς συμποσίοις ἢ λόγους περὶ μουσικῶν καὶ ποιητικῶν προβλημάτων περαινομένους. Ταυτὶ γὰρ ἐτόλμησε γράφειν ἐν τῷ περὶ Βασιλείας, ὥσπερ Σαρδαναπάλῳ γράφων ἢ Νανάρῳ τῷ σατραπεύσαντι Βαβυλῶνος. Οὐδὲ γὰρ Ἱέρων γ´ ἂν οὐδ´ Ἄτταλος οὐδ´ Ἀρχέλαος ἐπείσθησαν Εὐριπίδην καὶ Σιμωνίδην καὶ Μελανιππίδην καὶ Κράτητας καὶ Διοδότους ἀναστήσαντες ἐκ τῶν συμποσίων κατακλῖναι Κάρδακας καὶ Ἀγριάνας μεθ´ ἑαυτῶν καὶ Καλλίας γελωτοποιοὺς καὶ Θρασωνίδας τινὰς καὶ Θρασυλέοντας, ὀλολυγμοὺς καὶ κροτοθορύβους ποιοῦντας. Εἰ δὲ Πτολεμαῖος ὁ πρῶτος συναγαγὼν τὸ μουσεῖον τούτοις ἐνέτυχε τοῖς καλοῖς καὶ βασιλικοῖς παραγγέλμασιν, ἆρ´ οὐκ ἂν εἶπε « τοῖς Σαμίοις, ὦ Μοῦσα, τίς ὁ φθόνος; » Ἀθηναίων γὰρ οὐδενὶ πρέπει ταῖς Μούσαις οὕτως ἀπεχθάνεσθαι καὶ πολεμεῖν,

« ὅσσα δὲ μὴ πεφίληκε Ζεύς, ἀτύζονται βοὰν
Πιερίδων ἀίοντα ».

Τί λέγεις, ὦ Ἐπίκουρε; κιθαρῳδῶν καὶ αὐλητῶν ἕωθεν ἀκροασόμενος εἰς τὸ θέατρον βαδίζεις, ἐν δὲ συμποσίῳ Θεοφράστου περὶ συμφωνιῶν διαλεγομένου καὶ Ἀριστοξένου περὶ μεταβολῶν καὶ Ἀριστοτέλους περὶ Ὁμήρου τὰ ὦτα καταλήψῃ ταῖς χερσὶ δυσχεραίνων καὶ βδελυττόμενος; εἶτ´ οὐκ ἐμμελέστερον ἀποφαίνουσι τὸν Σκύθην Ἀτέαν, ὃς Ἰσμηνίου τοῦ αὐλητοῦ ληφθέντος αἰχμαλώτου καὶ παρὰ πότον αὐλήσαντος ὤμοσεν ἥδιον ἀκούειν τοῦ ἵππου χρεμετίζοντος; οὐχ ὁμολογοῦσι δὲ τῷ καλῷ πολεμεῖν τὸν ἄσπονδον καὶ ἀκήρυκτον πόλεμον, εἰ μηδεμία ἡδονὴ πρόσεστι; τί σεμνὸν καὶ καθάριον ἀσπάζονται καὶ ἀγαπῶσιν;

οὐκ ἦν δὲ πρὸς τὸ ἡδέως ζῆν ἐπιεικέστερον μύρα καὶ θυμιάματα δυσχεραίνειν ὡς κάνθαροι καὶ γῦπες ἢ κριτικῶν καὶ μουσικῶν λαλιὰν βδελύττεσθαι καὶ φεύγειν; ποῖος γὰρ ἂν αὐλὸς ἢ κιθάρα διηρμοσμένη πρὸς ᾠδὴν ἢ τίς χορός « εὐρύοπα κέλαδον ἀκροσόφων ἀγνύμενον διὰ στομάτων » φθεγγόμενος οὕτως εὔφρανεν Ἐπίκουρον καὶ Μητρόδωρον, ὡς Ἀριστοτέλη καὶ Θεόφραστον καὶ Δικαίαρχον καὶ Ἱερώνυμον οἱ περὶ χορῶν λόγοι καὶ διδασκαλίαι καὶ τὰ δι´ αὐλῶν προβλήματα καὶ ῥυθμῶν καὶ ἁρμονιῶν; οἷον διὰ τί τῶν ἴσων αὐλῶν ὁ στενότερος 〈ὀξύτερον, ὁ δ´ εὐρύτερος〉 βαρύτερον φθέγγεται· καὶ διὰ τί, τῆς σύριγγος ἀνασπωμένης, πᾶσιν ὀξύνεται τοῖς φθόγγοις, κλινομένης δὲ πάλιν βαρύνεται, καὶ συναχθεὶς πρὸς τὸν ἕτερον {βαρύτερον}, διαχθεὶς δ´ ὀξύτερον ἠχεῖ· καὶ τί δήποτε τῶν θεάτρων ἂν ἄχυρα τῆς ὀρχήστρας κατασκεδάσῃς, ὁ ἦχος τυφλοῦται, καὶ χαλκοῦν Ἀλέξανδρον ἐν Πέλλῃ βουλόμενον ποιῆσαι τὸ προσκήνιον οὐκ εἴασεν ὁ τεχνίτης ὡς διαφθεροῦντα τῶν ὑποκριτῶν τὴν φωνήν· καὶ τί δήποτε τῶν γενῶν διαχεῖ τὸ χρωματικόν, ἡ δ´ ἁρμονία συνίστησιν.

Ἤθη δὲ ποιητῶν καὶ πλάσματα καὶ διαφοραὶ χαρακτήρων καὶ λύσεις ἀποριῶν ἐν τῷ πρέποντι καὶ γλαφυρῷ τὸ οἰκεῖον ἅμα καὶ πιθανὸν ἔχουσαι τὸ τοῦ Ξενοφῶντος ἐκεῖνο μοι δοκοῦσι καὶ τὸν ἐρῶντα ποιεῖν ἐπιλανθάνεσθαι· τοσοῦτον ἡδονῇ κρατοῦσιν.

[14] XIV. Ἧς οὐ μέτεστι τούτοις, ὡς δέ φασιν οὐδὲ βούλονται μετεῖναι· κατατείναντες δὲ τὸ θεωρητικὸν εἰς τὸ σῶμα καὶ κατασπάσαντες ὥσπερ μολιβδίσι ταῖς τῆς σαρκὸς ἐπιθυμίαις οὐδὲν ἀπολείπουσιν ἱπποκόμων ἢ ποιμένων χόρτον ἢ καλάμην ἤ τινα πόαν προβαλλόντων, ὡς ταῦτα βόσκεσθαι καὶ τρώγειν προσῆκον αὐτῶν τοῖς θρέμμασιν. Ἢ γὰρ οὐχ οὕτως ἀξιοῦσι τὴν ψυχὴν ταῖς τοῦ σώματος ἡδοναῖς κατασυβωτεῖν, ὅσον ἐλπίσαι τι περὶ σαρκὸς ἢ παθεῖν ἢ μνημονεῦσαι χαίρουσαν, οἰκεῖον δὲ μηδὲν ἡδὺ μηδὲ τερπνὸν ἐξ αὑτῆς λαμβάνειν μηδὲ ζητεῖν ἐῶντες; καίτοι τί γένοιτ´ ἂν ἀλογώτερον ἢ δυοῖν ὄντοιν, ἐξ ὧν ὁ ἄνθρωπος πέφυκε, σώματος καὶ ψυχῆς, ψυχῆς δὲ τάξιν ἡγεμονικωτέραν ἐχούσης, σώματος μὲν ἴδιόν τι καὶ κατὰ φύσιν καὶ οἰκεῖον ἀγαθὸν εἶναι, ψυχῆς δὲ μηθέν, ἀλλὰ τῷ σώματι καθῆσθαι προσβλέπουσαν αὐτὴν καὶ τοῖς μὲν τοῦ σώματος πάθεσιν ἐπιμειδιῶσαν καὶ συνηδομένην καὶ συγχαίρουσαν, αὐτὴν δ´ ἀκίνητον ἐξ ἀρχῆς καὶ ἀπαθῆ καὶ μηδὲν αἱρετὸν ἔχουσαν μηδ´ ὀρεκτὸν ὅλως μηδὲ χαρτόν; ἢ γὰρ ἁπλῶς ἀποκαλυψαμένους ἔδει σαρκοποιεῖν τὸν ἄνθρωπον ὅλον, ὥσπερ ἔνιοι ποιοῦσι τὴν τῆς ψυχῆς οὐσίαν ἀναιροῦντες, ἢ δύο φύσεις ἐν ἡμῖν διαφόρους ἀπολιπόντας ἴδιον ἀπολιπεῖν ἑκατέρας καὶ ἀγαθὸν καὶ κακὸν καὶ οἰκεῖον καὶ ἀλλότριον· ὥσπερ ἀμέλει καὶ τῶν αἰσθήσεων ἑκάστη πρὸς ἴδιόν τι πέφυκεν αἰσθητόν, εἰ καὶ πάνυ συμπαθοῦσιν ἀλλήλαις. Ἔστι δὲ τῆς ψυχῆς ἴδιον αἰσθητήριον ὁ νοῦς, ᾧ μηθὲν οἰκεῖον ὑποκεῖσθαι, μὴ θέαμα μὴ κίνημα μὴ πάθος συγγενὲς οὗ τυγχάνουσα χαίρειν πέφυκε, πάντων ἀλογώτατόν ἐστιν· εἰ μή τι νὴ Δία λέληθα συνεπισυκοφαντῶν τοὺς ἄνδρας. »

[15] XV. Κἀγὼ πρὸς αὐτόν

« Οὐχ ἡμῖν γε κριταῖς » ἔφην, « ἀλλὰ πάσης ἀφεῖσαι τῆς ἐπηρείας, ὥστε θαρρῶν τὰ λοιπὰ τοῦ λόγου πέραινε. »

« Πῶς; » εἶπεν· « οὐ γὰρ Ἀριστόδημος ἡμᾶς, εἰ σὺ παντάπασιν ἀπηγόρευκας, διαδέξεται; »

« Πάνυ μὲν οὖν » εἶπεν ὁ Ἀριστόδημος, « ὅταν ἀποκάμῃς ὥσπερ οὗτος· ἔτι δ´ ἀκμάζων, ὦ μακάριε, χρῆσαι σεαυτῷ, καὶ μὴ δοκῇς ἀπομαλθακίζεσθαι. »

« Καὶ μήν » ὁ Θέων εἶπε « πάνυ ῥᾴδιόν ἐστι τὸ λειπόμενον· λείπεται δὲ τὸ πρακτικὸν ὅσας ἡδονὰς ἔχει διελθεῖν. Αὐτοὶ δὲ δήπου λέγουσιν ὡς τὸ εὖ ποιεῖν ἥδιόν ἐστι τοῦ πάσχειν. Εὖ δὲ ποιεῖν ἔστι μὲν ἀμέλει καὶ διὰ λόγων, τὸ δὲ πλεῖστον ἐν πράξει καὶ μέγιστον, ὡς τοὔνομα τῆς εὐεργεσίας ὑφηγεῖται καὶ μαρτυροῦσιν αὐτοί. Μικρῷ γὰρ ἔμπροσθεν ἠκούομεν » ἔφη « τούτου λέγοντος, οἵας φωνὰς ἀφῆκεν Ἐπίκουρος, οἷα δὲ γράμματα τοῖς φίλοις ἔπεμψεν, ὑμνῶν καὶ μεγαλύνων Μητρόδωρον, ὡς εὖ τε καὶ νεανικῶς ἐξ ἄστεως ἅλαδε κατέβη Μιθρῇ τῷ Σύρῳ βοηθήσων, καὶ ταῦτα πράξαντος οὐθὲν τότε τοῦ Μητροδώρου. Τίνας οὖν οἰόμεθα καὶ πηλίκας ἡδονὰς εἶναι τὰς Πλάτωνος, ὁπηνίκα Δίων ὁρμήσας ἀπ´ αὐτοῦ κατέλυσε Διονύσιον καὶ Σικελίαν ἠλευθέρωσε; τίνας δ´ Ἀριστοτέλους, ὅτε τὴν πατρίδα κειμένην ἐν ἐδάφει πάλιν ἀνέστησε καὶ κατήγαγε τοὺς πολίτας; τίνας δὲ Θεοφράστου καὶ Φαινίου τοὺς τῆς πατρίδος ἐκκοψάντων τυράννους; ἰδίᾳ μὲν γὰρ ὅσοις ἐβοήθησαν ἀνδράσιν, οὐ πυροὺς διαπέμποντες οὐδ´ ἀλφίτων μέδιμνον, ὡς Ἐπίκουρος ἐνίοις ἔπεμψεν, ἀλλὰ φεύγοντας διαπραξάμενοι κατελθεῖν καὶ δεδεμένους λυθῆναι καὶ τέκνα καὶ γυναῖκας ἐστερημένους ἀπολαβεῖν, τί ἂν λέγοι τις ὑμῖν ἀκριβῶς εἰδόσιν; ἀλλὰ τὴν ἀτοπίαν οὐδὲ βουλόμενον ἔστι τοῦ ἀνθρώπου παρελθεῖν, τὰς μὲν Θεμιστοκλέους καὶ Μιλτιάδου πράξεις ὑπὸ πόδας τιθεμένου καὶ κατευτελίζοντος, ὑπὲρ ἑαυτοῦ δὲ ταυτὶ τοῖς φίλοις γράφοντος·

« δαιμονίως τε καὶ μεγαλοπρεπῶς ἐπεμελήθητε ἡμῶν τὰ περὶ τὴν τοῦ σίτου κομιδὴν καὶ οὐρανομήκη σημεῖα ἐνδέδειχθε τῆς πρὸς ἐμὲ εὐνοίας. »

Ὥστ´, εἴ τις ἐξεῖλε τὸ σιτάριον ἐκ τῆς ἐπιστολῆς τοῦ φιλοσόφου, δόξαν ἂν παραστῆσαι τὰ ῥήματα τῆς χάριτος ὡς ὑπὲρ τῆς Ἑλλάδος ὅλης ἢ τοῦ δήμου τῶν Ἀθηναίων ἐλευθερωθέντος ἢ σωθέντος γραφομένης.

[16] XVI. Ὅτι μὲν οὖν καὶ πρὸς τὰς τοῦ σώματος ἡδονὰς ἡ φύσις δεῖται χορηγίας πολυτελοῦς καὶ οὐκ ἔστιν ἐν μάζῃ καὶ φακῇ τὸ ἥδιστον, ἀλλ´ ὄψα καὶ Θάσια καὶ μύρα « καὶ πεπτὰ καὶ κροτητὰ τῆς ξουθοπτέρου πελάνῳ μελίσσης ἀφθόνως δεδευμένα » ζητοῦσιν αἱ τῶν ἀπολαυστικῶν ὀρέξεις, καὶ πρός γε τούτοις εὐπρεπεῖς καὶ νέας γυναῖκας, οἷα Λεόντιον καὶ Βοίδιον καὶ Ἡδεῖα καὶ Νικίδιον ἐνέμοντο περὶ τὸν κῆπον, ἀφῶμεν. Ταῖς μέντοι τῆς ψυχῆς χαραῖς ὁμολογουμένως μέγεθος ὑποκεῖσθαι δεῖ πράξεων καὶ κάλλος ἔργων ἀξιολόγων, εἰ μέλλουσι μὴ διάκενοι μηδ´ ἀγεννεῖς καὶ κορασιώδεις ἀλλ´ ἐμβριθεῖς ἔσεσθαι καὶ βέβαιοι καὶ μεγαλοπρεπεῖς. Τὸ δὲ περὶ τοῦ πρὸς εὐπαθείας ἐπαίρεσθαι ναυτῶν δίκην ἀφροδίσια ἀγόντων καὶ μέγα φρονεῖν, « ὅτι νοσῶν νόσον ἀσκίτην τινὰς ἑστιάσεις φίλων συνῆγε καὶ οὐκ ἐφθόνει τῆς προσαγωγῆς τοῦ ὑγροῦ τῷ ὕδρωπι καὶ τῶν ἐσχάτων Νεοκλέους λόγων μεμνημένος ἐτήκετο τῇ μετὰ δακρύων ἰδιοτρόπῳ ἡδονῇ », ταῦτ´ οὐδεὶς ἂν ὑγιαινόντων εὐφροσύνας ἀληθεῖς ἢ χαρὰς ὀνομάσειεν, ἀλλ´ εἴ τις ἔστι καὶ ψυχῆς Σαρδάνιος γέλως, ἐν τούτοις ἔστι τοῖς παραβιασμοῖς καὶ κλαυσιγέλωσιν. εἰ δ´ οὖν ταῦτα φήσει τις εὐφροσύνας καὶ χαράς, σκόπει τὰς ὑπερβολὰς τῶν ἡδονῶν ἐκείνων·

« Ἡμετέραις βουλαῖς Σπάρτη μὲν ἐκείρατο δόξαν »

καί

« Οὗτός τοι Ῥώμης ὁ μέγας, ξένε, πατρίδος ἀστήρ »

καί

« Δίζω, ἤ σε θεὸν μαντεύσομαι ἢ ἄνθρωπον. »

Ὅταν δὲ λάβω τὰ Θρασυβούλου καὶ Πελοπίδου πρὸ ὀφθαλμῶν κατορθώματα καὶ τὸν ἐν Πλαταιαῖς Ἀριστείδην ἢ τὸν ἐν Μαραθῶνι Μιλτιάδην, ἐνταῦθα κατὰ τὸν Ἡρόδοτον « ἐξείργομαι » γνώμην εἰπεῖν, ὅτι τῷ πρακτικῷ βίῳ τὸ ἡδὺ πλέον ἢ τὸ καλὸν ἔστι. Μαρτυρεῖ δέ μοι καὶ Ἐπαμεινώνδας εἰπών, ὥς φασιν, ἥδιστον αὐτῷ γενέσθαι τὸ τοὺς τεκόντας ζῶντας ἐπιδεῖν τὸ ἐν Λεύκτροις τρόπαιον αὐτοῦ στρατηγοῦντος. Παραβάλωμεν οὖν τῇ Ἐπαμεινώνδου μητρὶ τὴν Ἐπικούρου, χαίρουσαν ὅτι τὸν υἱὸν ἐπεῖδεν εἰς τὸ κηπίδιον ἐνδεδυκότα καὶ κοινῇ μετὰ τοῦ Πολυαίνου παιδοποιούμενον ἐκ τῆς Κυζικηνῆς ἑταίρας. Τὴν μὲν γὰρ Μητροδώρου μητέρα καὶ τὴν ἀδελφὴν ὡς ὑπερέχαιρον ἐπὶ τοῖς γάμοις αὐτοῦ {καὶ} ταῖς πρὸς τὸν ἀδελφὸν ἀντιγραφαῖς, ἐκ τῶν βιβλίων δήπου δῆλόν ἐστιν.

« Ἀλλ´ ἡδέως τε βεβιωκέναι καὶ βρυάζειν καὶ καθυμνεῖν τὸν ἑαυτῶν βίον ἐκκραυγάζοντες λέγουσι. »

Καὶ γὰρ οἱ θεράποντες ὅταν Κρόνια δειπνῶσιν ἢ Διονύσια κατ´ ἀγρὸν ἄγωσι περιιόντες, οὐκ ἂν αὐτῶν τὸν ὀλολυγμὸν ὑπομείναις καὶ τὸν θόρυβον, ὑπὸ χαρμονῆς καὶ ἀπειροκαλίας τοιαῦτα ποιούντων καὶ φθεγγομένων

« Τί κάθῃ καὶ πίωμεν· οὐ καὶ σιτία
πάρεστιν; ὦ δύστηνε, μὴ σαυτῷ φθόνει. »
Οἱ δ´ εὐθὺς ἠλάλαξαν, ἐν δ´ ἐκίρνατο
οἶνος· φέρων δὲ στέφανον ἀμφέθηκέ τις·
ὑμνεῖτο δ´ αἰσχρῶς κλῶνα πρὸς καλὸν δάφνης
ὁ Φοῖβος οὐ προσῳδά· τήν τ´ ἐναύλιον
ὠθῶν τις ἐξέκλαγξε σύγκοιτον φίλην. »

Ἦ γὰρ οὐ τούτοις ἔοικε τὰ Μητροδώρου πρὸς τὸν ἀδελφὸν γράφοντος· « οὐδὲν δεῖ σῴζειν τοὺς Ἕλληνας οὐδ´ ἐπὶ σοφίᾳ στεφάνων παρ´ αὐτῶν τυγχάνειν, ἀλλ´ ἐσθίειν καὶ πίνειν οἶνον, ὦ Τιμόκρατες, ἀβλαβῶς τῇ γαστρὶ καὶ κεχαρισμένως. »

Καὶ πάλιν πού φησιν ἐν τοῖς αὐτοῖς γράμμασιν ὡς « καὶ ἐχάρην καὶ ἐθαρσυνάμην, ὅτι ἔμαθον παρ´ Ἐπικούρου ὀρθῶς γαστρὶ χαρίζεσθαι »· καί « περὶ γαστέρα γάρ, ὦ φυσιολόγε Τιμόκρατες, τὸ ἀγαθόν ».

 

XIII. « J'ai dit sur les autres jouissances de l'esprit ce qui s'est offert à ma pensée. Mais la musique, qui cause à l'âme tant et de si vifs plaisirs, qui pourrait jamais oublier, après toutes les absurdités qu'en a dit Épicure, combien ces philosophes s'en sont déclarés les ennemis ? Le sage, dit Épicure, aime les spectacles publics ; il est, autant que personne, curieux des pièces de théâtre et des concerts qu'on donne aux fêtes de Bacchus ; mais il ne veut pas qu'on discute, même à table, des problèmes de musique ou des questions littéraires, et il conseille aux 198 princes qui ont du goût pour les lettres de se faire plutôt conter des récits de batailles ou des histoires bouffonnes, que de s'entretenir de poésie et de musique. Voilà ce qu'il a osé dire dans son livre sur la Royauté, comme s'il l'eût composé pour un Sardanapale, ou pour un Naratos, satrape de Babylone ; car, sans doute, ni Hiéron, ni Attale, ni Arcliélaüs, ne se seraient jamais laissé persuader de faire lever de leur table Euripide, Simonide, Mélanippide, Cratès ou Diodore (26), pour y faire asseoir à leur place des Cardax, des Agrias et des Callias, ces bouffons ridicules, ou des Thrasonyde et des Thrasyléon, qui gavaient d'autre talent que d'exciter les clameurs bruyantes et importunes d'une populace grossière. Si le roi Ptolomée, qui le premier forma le musée Alexandrin (27), eût connu ces préceptes si beaux et si dignes d'un roi, il n'aurait pas dit aux Samiens : Ô Muses ! d'où leur vient cette envie ? car il ne convient à aucun Athénien d'être ainsi l'ennemi des Muses, et de leur déclarer la guerre. Ce sont, dit Pindare,

Les mortels que les dieux n'ont pas favorisés,
Qui du chant des neuf sœurs sont toujours effrayés.

Eh quoi! Épicure, vous allez au théâtre dès le matin pour y entendre les joueurs de flûte et de harpe, et si, dans un banquet, un Théophraste venait discourir sur les accords de la musique, un Aristoxène sur les muances (28), et un 199 Aristophane sur Homère, vous vous boucheriez les oreilles et vous feriez éclater votre indignation? Mais n'est-ce pas montrer encore plus d'opposition à la musique que cet Aléas, roi des Scythes, qui, ayant fait prisonnier le musicien Isménias, et l'ayant entendu jouer de la flûte pendant son souper, jura qu'il prenait plus de plaisir à entendre hennir son cheval? N'est-ce pas avouer qu'on a déclaré une guerre irréconciliable à tout ce qui est agréable et utile, que de ne rien estimer ou aimer de pur et d'honnête, s'il n'est joint à la volupté?

« N'eût-il pas été plus raisonnable, pour vivre agréablement, de craindre les parfums et les odeurs, comme on le dit des escarbots et des vautours, que de détester les entretiens sur la musique et sur les belles-lettres? Car quelle flûte ou quelle lyre, même accompagnées du chant,

Quel admirable chœur de voix harmonieuses,

firent jamais autant de plaisir à Épicure et à Métrodore qu'en faisaient à Aristote, à Théophraste, à Hiéronyme et à Dicéarque, leurs entretiens sur la musique, les règles qu'ils donnaient de cet art et les questions qu'ils agitaient sur les instruments, les rythmes et les accords, lorsqu'ils examinaient, par exemple, pourquoi, de deux flûtes d'égale grandeur, celle qui est plus étroite rend un son plus grave; pourquoi, quand on élève une flûte, tous les tons en deviennent plus aigus, et quand on la baisse ils sont plus graves; pourquoi une flûte, placée auprès d'une autre, est plus grave et qu'elle est plus aiguë quand elle en est éloignée ; pourquoi, lorsqu'on répand de la paille ou de la poussière sur l'orchestre d'un théâtre, le son en est plus sourd; pourquoi Alexandre, qui voulait faire revêtir de bronze le devant du théâtre qu'il construisait à Pella, en fut détourné par son architecte, qui lui représenta qu'il étoufferait les voix des acteurs ; pourquoi enfin, 200 des divers genres de musique le chromatique dilate l'âme et l'enharmonique la met dans une situation tranquille ?

« Les caractères que les poètes mettent en scène, les fictions dont ils font usage, la variété de leur style et la solution des difficultés auxquelles ils donnent lieu, joignent au plaisir et à l'agrément un pouvoir naturel de persuader, et peuvent, suivant Xénophon, faire oublier l'amour même, tant ces sortes de voluptés ont d'attrait!

XIV. Les épicuriens ne les connaissent pas et ne veulent pas même les connaître. Ils appliquent uniquement aux sensations du corps la partie contemplative de leur âme ; et comme le plomb précipite le filet au fond de l'eau, ils la plongent de même dans les plaisirs des sens, semblables en cela à des palefreniers ou à des pâtres qui donnent à leurs bestiaux de la paille, du foin ou de l'herbe, comme la seule nourriture qui leur soit convenable. N'est-ce pas en effet vouloir , pour ainsi dire, engraisser l'âme comme on engraisse des pourceaux, que de ne lui laisser goûter d'autres plaisirs que ceux du corps, de la borner à se réjouir de ceux qu'elle espère, ou à se ressouvenir de ceux dont elle a joui, sans lui permettre de chercher en elle-même aucune jouissance douce et agréable ? L'homme étant composé de deux substances, l'âme et le corps, et la première étant faite pour commander, est-il rien de plus déraisonnable que de convenir que le corps a un bien propre qui lui est naturel, et d'en refuser à l'âme un semblable? de vouloir qu'elle reste oisive à considérer le corps, à sourire à ses affections, à partager ses plaisirs? de supposer que dès son origine elle a été sans affection, sans mouvement, sans choix, sans désirs et sans joie? Il fallait, ou que, levant ouvertement le masque, ils lissent de l'homme un être purement corporel, à l'exemple de quelques philosophes qui n'admettent pas de substance spirituelle , ou, s'ils laissaient en nous deux natures différentes, qu'ils conservassent à chacune d'elles son bien et 201 son mal, ses qualités propres et celles qui lui sont étrangères, comme dans nos sens naturels, chacun a sa fonction différente, quoiqu'ils aient tous entre eux une analogie sensible.

« Or le sens naturel de l'âme est l'entendement, et prétendre qu'elle n'a ni vue ni mouvement, ni affection particulière et innée qui soient pour elle un principe naturel de joie, ce serait soutenir la plus grande absurdité.

— Mais, ajouta Théon, ces opinions ne sont-elles pas faussement imputées à ces philosophes? Et n'avons-nous pas à craindre de les calomnier?

XV. — Ce ne sera pas du moins à notre jugement, lui répondis-je, et nous vous déchargeons de toute accusation d'injustice; poursuivez donc sans crainte.

— Mais, reprit-il, si vous êtes trop fatigué pour me remplacer, Aristodème ne doit-il pas parler à son tour?

— Je le ferai, lui dit Aristodème, et ce sera quand vous aurez épuisé vos forces comme Plutarque. Mais vous êtes encore tout frais ; continuez donc, ou nous vous accuserons de prétexter, par paresse, de la fatigue.

— Il est vrai, poursuivit Théon, que ce qui me reste à dire est très facile. J'ai à montrer combien l'homme trouve de plaisirs dans la vie active. Les épicuriens conviennent eux-mêmes qu'il y a plus de douceur à rendre un service qu'à le recevoir. A la vérité, on peut obliger quelqu'un par de simples discours; mais les bienfaits les plus ordinaires et les plus importants sont dans les actions comme le nom même de bienfait l'indique, et ces philosophes en sont d'accord. Nous avons entendu Plutarque nous rapporter tout ce qu'Épicure dit, tout ce qu'il écrivit à ses amis pour exalter dans les termes les plus magnifiques le courage et la hardiesse de Métrodore, qui se rendit au Pirée pour secourir le Syrien Mythras (29), quoi-  202 que dans cette occasion Métrodore n'ait rien fait. Quel plaisir donc ne dut pas éprouver Platon lorsque Dion, après l'avoir quitté, renversa la tyrannie de Denys, et délivra la Sicile ? Quelle joie ne sentit pas Aristote, lorsqu'il obtint le rétablissement de sa patrie, qui avait été rasée de fond en comble, et qu'il y ramena ses anciens habitants(30)? Quelle satisfaction pour Théophraste et Phidias d'avoir exterminé les tyrans de leur patrie ? Qu'ai-je besoin devons rappeler en détail les services qu'ils rendirent par là à une multitude de personnes? Ils ne leur envoyèrent pas un muid de blé ou de farine, comme Épicure en envoya à quelques particuliers ; mais ils procurèrent à des bannis le retour dans leur patrie ; ils délivrèrent des captifs, rendirent à des maris et à des pères leurs épouses et leurs enfants. Vous le savez aussi bien que moi. Mais me serait-il possible de passer sous silence l'effronterie de cet homme qui, méprisant et foulant, pour ainsi dire, aux pieds les exploits de Miltiade et de Thémistocle, écrivait à ses amis en ces termes sur son propre compte :

« Le blé que vous m'avez envoyé a fait connaître de la manière la plus signalée le soin que vous prenez de ma personne, et les preuves de votre bienveillance pour moi vous élèveront jusqu'aux cieux. »

Si l'on supprimait de cette lettre le mot de blé, ne croirait-on pas que ces témoignages de reconnaissance ont pour motif le salut de la Grèce, ou la liberté d'Athènes?

XVI. « Je ne remarquerai pas ici que les voluptés corporelles exigent de grands frais, et que le pain et les légumes ne peuvent les satisfaire ; qu'il faut aux hommes sensuels des mets exquis, des vins de Thasos, des essences, de la pâtisserie, des gâteaux de miel, et outre tout cela encore des 203 femmes jeunes et belles, comme ces Léontium, ces Boïdium, ces Hédia et ces Nicédium qu'Épicure entretenait dans ses vergers. Pour les plaisirs de l'âme, tout le monde convient qu'afin qu'ils soient nobles, grands et durables, qu'ils n'aient rien de bas, de vain et de méprisable , ils doivent être fondés sur des actions glorieuses et dignes de passer à la postérité. Mais qu'Épicure tire vanité de s'être plongé dans les plaisirs des sens, comme font les matelots quand ils célèbrent les fêtes de Venus, d'avoir, dans une maladie dangereuse, rassemblé ses amis à sa table, sans craindre, en buvant avec excès, d'augmenter son hydropisie; d'avoir versé des larmes de joie et de tendresse au souvenir des dernières paroles de Néoclès son frère, sont-ce là, pour tout homme sensé, des plaisirs et des jouissances véritables? Certes, s'il est pour l'âme un rire sardonique et forcé, il accompagne sans doute ces plaisirs de commande et ces ris mêlés de larmes. Que si quelqu'un veut les appeler des joies et des plaisirs vrais, qu'il considère combien sont plus parfaits ceux qui sont exprimés dans ces vers :

J'ai su par mes conseils briser l'orgueil de Sparte.

Marcellus fut pour Rome un astre protecteur.

Est-ce un homme, est-ce un dieu qui vient me consulter (31) ?

Quand je me remets devant les yeux les liants faits d'un Thrasybule (32) et d'un Pélopidas, ceux d'Aristide à Platée, et de Miltiade à Marathon, je ne puis m'empêcher de dire avec Hérodote, qu'il y a dans une telle vie encore plus de douceur et de plaisir que d'honneur et de gloire. J'en ai 204 pour garant Épaminondas, qui disait que la plus grande satisfaction qu'il eût goûtée dans sa vie était que ses parents eussent vu le trophée que les Thébains avaient érigé pour la victoire qu'ils avaient remportée à Leuctres, sous sa conduite.

« Comparons donc le plaisir que dut éprouver la mère d'Epaminondas avec celui de la mère d'Épicure , qui se réjouissait de ce que son fils, enseveli au fond d'un verger, partageait avec Polyène une courtisane de Cyzique. Pour la mère et la sœur de Métrodore, on ne peut douter qu'elles ne fussent ravies de joie de son mariage, quand on lit les lettres qu'il écrivit à son frère à ce sujet, et qui subsistent encore dans ses ouvrages. Ces philosophes ne cessent de crier qu'ils ont mené une vie agréable, et de célébrer leur bonheur, comme font les esclaves qui soupent ensemble aux fêtes de Saturne, ou qui, dans celles de Bacchus, courent les champs en jetant des cris si tumultueux, qu'on ne saurait supporter les témoignages bruyants de leur joie quand ils s'excitent ainsi les uns les autres.

Eh bien ! qu'attends-tu donc? les mets sont sur la table.
Buvons; ce vin exhale une odeur admirable.
Ne te refuse pas au plaisir qui t'attend.
On répond à ces mots par un concert bruyant.
Le, vin coule à grands flots pour honorer la fête.
L'un d'un chapeau de fleurs a couronné sa télé;
L'autre de laurier vert agitant un rameau,
Des sons aigres et dura de sa voix discordante
Met en fuite Apollon et sa troupe savante,
Et veut qu'on applaudisse à ce concert si beau.
Celui-ci dont le vin a troublé la cervelle,
Va chasser de chez lui son épouse fidèle?

« Cela ne ressemble-t-il pas à ce que Métrodore écrit à son frère.

« Il n'est pas nécessaire, lui dit-il, mon cher Timocrate, de chercher à sauver les Grecs, ni de briguer les couronnes qu'ils décernent à la sagesse. Il vaut bien mieux boire et manger, de manière que le corps y trouve 203 un grand plaisir sans en recevoir de dommage. »

Il ajoute dans un autre endroit de cette lettre :

« Que je suis fier et joyeux d'avoir appris d'Épicure à satisfaire mes sens d'une manière utile! car, en vérité, mon cher Timocrate, vous qui aimez à étudier la nature, c'est en cela que consiste le souverain bien. »

XVII. Καὶ ἕωλον οἱ ἄνθρωποι τῆς ἡδονῆς τὸ μέγεθος καθάπερ κέντρῳ καὶ διαστήματι τῇ γαστρὶ περιγράφουσι, λαμπρᾶς δὲ καὶ βασιλικῆς καὶ φρόνημα ποιούσης μέγα καὶ φῶς καὶ γαλήνην ἀληθῶς εἰς ἅπαντας ἀναχεομένην χαρᾶς οὐκ ἔστι μετασχεῖν βίον ἀνέξοδον καὶ ἀπολίτευτον καὶ ἀφιλάνθρωπον καὶ ἀνενθουσίαστον εἰς τιμὴν καὶ χάριν ἀνελομένους. Οὐ γάρ τι φαῦλον ἡ ψυχὴ καὶ μικρὸν οὐδ´ ἀγεννές ἐστιν οὐδ´ ὥσπερ οἱ πολύποδες ἄχρι τῶν ἐδωδίμων ἐκτείνει τὰς ἐπιθυμίας,

ἀλλὰ ταύτην μὲν ὀξύτατος ἀποκόπτει κόρος ἀκαρὲς ὥρας μόριον ἀκμάσασαν, τῶν δὲ πρὸς τὸ καλὸν ὁρμῶν καὶ τὴν ἐπὶ τῷ καλῷ τιμὴν καὶ χάριν « οὐκ ἔστιν αὐτῶν μέτρον ὁ τοῦ βίου χρόνος », ἀλλὰ τοῦ παντὸς αἰῶνος ἐπιδραττόμενον τὸ φιλότιμον καὶ φιλάνθρωπον ἐξαμιλλᾶται ταῖς πράξεσι καὶ ταῖς χάρισιν ἡδονὰς ἀμηχάνους ἐχούσαις, ἃς οὐδὲ φεύγοντες οἱ χρηστοὶ διαφεύγειν δύνανται, πανταχόθεν αὐτοῖς ἀπαντώσας καὶ περιεχομένας, ὅταν εὐφραίνωσι πολλοὺς εὐεργετοῦντες,

« Ἐρχόμενον δ´ ἀνὰ ἄστυ θεὸν ὣς εἰσορόωσιν ».

Ὁ γὰρ οὕτω διαθεὶς ἑτέρους, ὥστε καὶ χαίρειν καὶ γάνυσθαι καὶ ποθεῖν ἅψασθαι καὶ προσαγορεῦσαι, δῆλός ἐστι καὶ τυφλῷ μεγάλας ἔχων ἐν ἑαυτῷ καὶ καρπούμενος ἡδονάς. ὅθεν οὐδὲ κάμνουσιν ὠφελοῦντες οὐδ´ ἀπαγορεύουσιν, ἀλλὰ τοιαύτας αὐτῶν ἀκούομεν φωνάς

« Πολλοῦ σε θνητοῖς ἄξιον τίκτει πατήρ » καί

« Μή γε παυσώμεσθα δρῶντες εὖ βροτούς ».

Καὶ τί δεῖ περὶ τῶν ἄκρως ἀγαθῶν λέγειν; εἰ γάρ τινι τῶν μέσως φαύλων μέλλοντι θνήσκειν ὁ κύριος, ἤτοι θεὸς ἢ βασιλεύς, ὥραν ἐπιδοίη μίαν, ὥστε χρησάμενον αὐτῇ πρός τινα καλὴν πρᾶξιν ἢ πρὸς ἀπόλαυσιν εὐθὺς τελευτᾶν, τίς ἂν ἐν τῷ χρόνῳ τούτῳ βούλοιτο μᾶλλον Λαΐδι συγγενέσθαι καὶ πιεῖν οἶνον Ἀριούσιον ἢ κτείνας Ἀρχίαν ἐλευθερῶσαι τὰς Θήβας; ἐγὼ μὲν οὐδένα νομίζω. Καὶ γὰρ τῶν μονομάχων ὁρῶ τοὺς μὴ παντάπασι θηριώδεις ἀλλ´ Ἕλληνας, ὅταν εἰσιέναι μέλλωσι, προκειμένων πολλῶν ἐδεσμάτων καὶ πολυτελῶν ἥδιον τὰ γύναια τοῖς φίλοις ἐν τῷ χρόνῳ τούτῳ παρακατατιθεμένους καὶ τοὺς οἰκέτας ἐλευθεροῦντας ἢ τῇ γαστρὶ χαριζομένους. Ἀλλὰ καί, εἴ τι μέγα περὶ τὰς τοῦ σώματος ἡδονάς, κοινόν ἐστι δήπου τοῦτο τοῖς πρακτικῶν πράγμασι· καὶ γὰρ « σῖτον ἔδουσιν »

καὶ

« Πίνουσιν αἴθοπα οἶνον »

καὶ μετὰ φίλων ἑστιῶνται πολύ γ´ οἶμαι προθυμότερον ἀπὸ τῶν ἀγώνων καὶ τῶν ἔργων, ὡς Ἀλέξανδρος καὶ Ἀγησίλαος καὶ νὴ Δία Φωκίων καὶ Ἐπαμεινώνδας, ἢ καθάπερ οὗτοι πρὸς πῦρ ἀλειψάμενοι καὶ τοῖς φορείοις ἀτρέμα διασεισθέντες, ἀλλὰ καταφρονοῦσι τούτων ἐν ἐκείναις ταῖς μείζοσιν ὄντες. Τί γὰρ ἂν λέγοι τις Ἐπαμεινώνδαν οὐκ ἐθελήσαντα δειπνεῖν, ὡς ἑώρα πολυτελέστερον τῆς οὐσίας τὸ δεῖπνον, ἀλλ´ εἰπόντα πρὸς τὸν φίλον « ἐγώ ς´ ᾤμην θύειν οὐχ ὑβρίζειν »; ὅπου καὶ Ἀλέξανδρος ἀπεώσατο τῆς Ἄδας τοὺς μαγείρους αὐτὸς εἰπὼν ἔχειν ἀμείνονας ὀψοποιούς, πρὸς μὲν ἄριστον τὴν νυκτοπορίαν πρὸς δὲ δεῖπνον τὴν ὀλιγαριστίαν· Φιλόξενον δὲ γράψαντα περὶ παίδων καλῶν, εἰ πρίηται, μικρὸν ἐδέησε τῆς ἐπιτροπῆς ἀποστῆσαι. Καίτοι τίνι μᾶλλον ἐξῆν;

ἀλλ´, ὥσπερ φησὶν Ἱπποκράτης δυοῖν πόνων τὸν ἥττονα ὑπὸ τοῦ μείζονος ἀμαυροῦσθαι, καὶ τῶν ἡδονῶν τὰς σωματικὰς αἱ πρακτικαὶ καὶ φιλότιμοι τῷ χαίροντι τῆς ψυχῆς δι´ ὑπερβολὴν καὶ μέγεθος ἐναφανίζουσι καὶ κατασβεννύουσιν.

[18] XVIII. Εἰ τοίνυν, ὥσπερ λέγουσι, τὸ μεμνῆσθαι τῶν προτέρων ἀγαθῶν μέγιστόν ἐστι πρὸς τὸ ἡδέως ζῆν, Ἐπικούρῳ μὲν οὐδ´ ἂν εἷς ἡμῶν πιστεύσειεν ὅτι ταῖς μεγίσταις ἀλγηδόσι καὶ νόσοις ἐναποθνήσκων ἀντιπαρεπέμπετο τῇ μνήμῃ τῶν ἀπολελαυσμένων πρότερον ἡδονῶν. Εἰκόνα γὰρ ὄψεως ἐν βυθῷ συνταραχθέντι καὶ κλύδωνι μᾶλλον ἄν τις ἢ μνήμην ἡδονῆς διαμειδιῶσαν ἐν σφυγμῷ τοσούτῳ καὶ σπαραγμῷ σώματος ἐπινοήσειε. Τὰς δὲ τῶν πράξεων μνήμας οὐδεὶς ἂν οὐδὲ βουληθεὶς ἐκστήσειεν ἑαυτοῦ. Πότερον γὰρ ἢ πῶς οἷόν τ´ ἦν ἐπιλαθέσθαι τῶν Ἀρβήλων τὸν Ἀλέξανδρον ἢ τοῦ Λεοντιάδου τὸν Πελοπίδαν ἢ τῆς Σαλαμῖνος τὸν Θεμιστοκλέα; τὴν μὲν γὰρ ἐν Μαραθῶνι μάχην ἄχρι νῦν Ἀθηναῖοι καὶ τὴν ἐν Λεύκτροις Θηβαῖοι καὶ νὴ Δί´ ἡμεῖς τὴν Δαϊφάντου περὶ Ὑάμπολιν ἑορτάζομεν, ὡς ἴστε, καὶ θυσιῶν καὶ τιμῶν ἡ Φωκὶς ἐμπέπλησται, καὶ οὐδεὶς ἔστιν ἡμῶν, ἐφ´ οἷς αὐτὸς βέβρωκεν ἢ πέπωκεν οὕτως ἡδόμενος ὡς ἐφ´ οἷς ἐκεῖνοι κατώρθωσαν. Ἐννοεῖν οὖν πάρεστι, πόση τις εὐφροσύνη καὶ χαρὰ καὶ γηθοσύνη συνεβίωσεν αὐτοῖς τοῖς τούτων δημιουργοῖς, ὧν ἐν ἔτεσι πεντακοσίοις καὶ πλείοσιν οὐκ ἀποβέβληκεν ἡ μνήμη τὸ εὐφραῖνον.

« Καὶ μὴν ἀπὸ δόξης γίνεσθαί τινας ἡδονὰς Ἐπίκουρος ὡμολόγει. »

Τί δ´ οὐκ ἔμελλεν αὐτὸς οὕτως σπαργῶν περιμανῶς καὶ σφαδάζων πρὸς δόξαν, ὥστε μὴ μόνον ἀπολέγεσθαι τοὺς καθηγητὰς μηδὲ Δημοκρίτῳ τῷ τὰ δόγματα ῥήμασιν αὐτοῖς ἀφαιρουμένῳ ζυγομαχεῖν περὶ συλλαβῶν καὶ κεραιῶν, σοφὸν δὲ μηδένα φάναι πλὴν αὑτοῦ γεγονέναι καὶ τῶν μαθητῶν, ἀλλὰ γράφειν ὡς Κωλώτης μὲν αὐτὸν φυσιολογοῦντα προσκυνήσειε γονάτων ἁψάμενος, Νεοκλῆς δ´ ὁ ἀδελφὸς εὐθὺς ἐκ παίδων ἀποφαίνοιτο μηδένα σοφώτερον Ἐπικούρου γεγονέναι μηδ´ εἶναι, ἡ δὲ μήτηρ ἀτόμους ἔσχεν ἐν ἑαυτῇ τοιαύτας, οἷαι συνελθοῦσαι σοφὸν ἂν ἐγέννησαν; εἶτ´ οὐχ ὥσπερ Καλλικρατίδας ἔλεγε τὸν Κόνωνα μοιχεύειν τὴν θάλασσαν, οὕτως ἄν τις εἴποι τὸν Ἐπίκουρον αἰσχρῶς καὶ κρύφα πειρᾶν καὶ παραβιάζεσθαι τὴν δόξαν, οὐ τυγχάνοντα φανερῶς ἀλλ´ ἐρῶντα καὶ κατατεινόμενον; ὥσπερ γὰρ ὑπὸ λιμοῦ τὰ σώματα τροφῆς μὴ παρούσης ἀναγκάζεται παρὰ φύσιν ὑφ´ αὑτῶν τρέφεσθαι, τοιοῦτον ἡ φιλοδοξία ποιεῖ κακὸν ἐν ταῖς ψυχαῖς, ὅταν ἐπαίνων πεινῶντες παρ´ ἑτέρων μὴ τυγχάνωσιν, αὐτοὺς ἑαυτοὺς ἐπαινεῖν·

XVII. Ainsi ces philosophes font dépendre la volupté des jouissances des sens, et la circonscrivent, pour ainsi dire, avec le compas dans l'estomac. Après cela pourraient-ils connaître cette joie pure et noble qui inspire à l'âme des sentiments généreux, la pénètre d'une vive lumière, lui fait goûter un calme parfait, et la dispose à la véritable grandeur? Ils lui ont préféré une vie solitaire, éloignée des affaires publiques ; ils ne se montrent ni occupés du bien de l'humanité ni enflammés du désir de la gloire. Eh quoi ! l'âme est-elle donc un être vil, bas et petit, que ses désirs ne portent que vers une nourriture grossière, comme le polype étend ses bras vers sa proie ? ces sortes de désirs ne sont-ils pas amortis en un instant par la satiété ?

« Mais quand les mouvements de l'âme, qui tendent vers le bien et qui lui font chercher la gloire dans la bienfaisance, ont acquis plus de perfection, alors ils n'ont plus pour terme la durée de la vie humaine ; cet amour de la gloire et du bien de l'humanité, embrassant l'éternité entière, l'excite sans cesse à de nouveaux efforts pour produire de ces actions honorables et utiles qui lui procurent un plaisir ineffable, et auxquelles la fuite même ne peut dérober les gens vertueux, parce qu'elles viennent de toutes parts au-devant d'eux, et qu'elles les environnent de tous côtés, quand, par leurs bienfaits, ils ont rendu heureux une foule de personnes.

Pour ses concitoyens, un tel homme est un Dieu.

Car celui qui a inspiré aux autres une affection si forte que sa présente seule excite de vifs tressaillements de 206 joie, qu'on s'empresse autour de lui pour le toucher et lui parler, il est évident pour un aveugle même qu'un tel homme jouit de la volupté la plus pure. Aussi des personnes de ce caractère ne se lassent jamais de faire du bien, et on les entend répéter souvent ces paroles :

Pour le bien des mortels un dieu nous a fait naître.

Ne nous lassons jamais d'obliger les humains.

« Je n'ai pas besoin de citer ici les personnes d'une vertu parfaite. Mais je suppose qu'un homme médiocrement vicieux fût sur le point de mourir, et qu'un dieu ou un roi maître de son sort lui accordât une heure de vie, en lui laissant le choix de l'employer aune bonne action ou à se procurer quelque jouissance et qu'il dût mourir aussitôt après, peut-on croire qu'il aimât mieux passer cette dernière heure avec une Laïs ou a boire d'excellent vin, plutôt que de tuer le tyran Archias et de mettre en liberté la ville de Thèbes? Pour moi, je ne crois pas qu'il y ait d'homme qui en fût capable. Je vois que les gladiateurs eux-mêmes, je parle de ceux qui sont Grecs de nation et non d'hommes sauvages et féroces, quand ils sont près de descendre dans l'arène et qu'on leur sert les mets les plus délicats, sont bien plus occupés dans ces derniers moments de recommander leurs femmes à leurs amis et d'affranchir leurs esclaves, que de satisfaire leur sensualité.

« D'ailleurs le plaisir qui accompagne les voluptés des sens n'est pas absolument inconnu aux hommes occupés des affaires publiques.

De Cérés, de Bacchus ils goûtent les doux fruits.

Au retour des combats ou d'autres grandes entreprises, ils se réunissent à table avec leurs amis, comme le faisaient Alexandre et Agésilas, Épaminondas même et Phocion ; et ces repas sont bien plus agréables que ceux 207 de ces hommes délicats qui se font frotter d'huile devant le feu, ou bercer mollement dans leurs litières. Ces sortes de plaisirs sont bien vils aux yeux de ceux qui en connaissent déplus doux. Qu'ai-je besoin de rapporter l'exemple d'Épaminondas, qui, voyant qu'un de ses amis avait fait pour un repas plus de dépense que ses facultés ne le comportaient, refusa de souper chez lui en disant : Je croyais que vous ni aviez invité à un sacrifice, et non à une partie de débauche! Alexandre lui-même ne refusa-t-il pas les cuisiniers qu'Ada (33) lui avait envoyés ? Il lui fit dire qu'il en avait de bien meilleurs ; que, pour le dîner, c'était une marche nocturne, et pour le souper un léger dîner. Philoxène ayant écrit à ce prince pour lui proposer d'acheter deux jeunes gens d'une grande beauté, peu s'en fallut qu'il ne lui ôtât son emploi (34). Et cependant, qui pouvait mieux que lui se satisfaire?

« Hippocrate dit qu'une moindre douleur est effacée par une plus grande. De même les voluptés corporelles sont éteintes et amorties par les plaisirs que causent ces actions honorables et vertueuses qui procurent à l'âme une joie incomparable.

XVIII. Si donc, comme le disent ces philosophes, le souvenir des plaisirs passés est une des principales causes d'une vie agréable, qui de nous en croira Épicure, lorsqu'il nous dit que, près de mourir dans les douleurs les plus aiguës , il les soulageait par le souvenir des voluptés passées, dont il se faisait comme un cortège en sortant de ce monde ? Il serait plus facile, ce me semble , de voir sa figure dans une eau profonde et violemment agitée, que de s'occuper, dans un pareil déchirement de corps, du souvenir agréable des voluptés 208 dont on a précédemment joui. Pour les belles actions qu'on a faites, il n'est, je crois, au pouvoir de personne de les éloigner de sa pensée. En effet, Alexandre eût-il pu jamais oublier sa victoire d'Arbelles; Pélopidas, la défaite du tyran Léontiades, et Thémistocle, la journée de Salamine ? Pour celle de Marathon , les Athéniens en célèbrent encore aujourd'hui l'anniversaire, comme les Thébains le font pour celle de Leuctres. Nous-mêmes, comme vous savez, nous avons consacré par des fêtes publiques la victoire de Daïphantus auprès d'Hyampolis (35). La Phocide est ce jour-là pleine de sacrifices et d'honneurs rendus à la mémoire de ce général ; et assurément il n'est personne de nous qui trouve autant de plaisir à manger et à boire qu'à se rappeler les exploits de ces grands hommes. D'après cela, on peut juger de la satisfaclion et de la joie extrême qu'éprouvèrent toute leur vie les auteurs de ces actions glorieuses, puisque après plus de cent ans le souvenir seul en est encore pour nous un sujet de réjouissance publique.

« Épicure convient lui-même que la gloire nous procure quelques plaisirs. Et aurait-il pu ne pas en faire l'aveu , lui qui en avait une passion immodérée et si déraisonnable que, non content de soutenir qu'il n'avait jamais eu de maître, de disputer sur des syllabes et des points avec Démocrite, dont il avait été le plagiaire jusqu'à copier ses propres termes, de prétendre qu'il n'y avait de sages que lui et ses disciples , il a même osé écrire que Colotès l'adorait en embrassant ses genoux, lorsqu'il lui interprétait les lois de la nature; que Néoclés, son frère, avait déclaré que personne n'avait été, dès son enfance, et n'était encore plus, sage qu'Épicure ; enfin que sa mère avait conçu précisément autant d'atomes qu'il en fallait pour enfanter un sage? Callicratidas 209 disait que Conon était adultère de la mer (36). Ne pourrait-on pas dire aussi qu'Épicure cherchait secrètement à corrompre et à violer la gloire, parce que étant passionné pour elle, il ne pouvait en jouir ouvertement. Dans un temps de famine, les corps, au défaut d'autre aliment, sont forcés de se nourrir de leur propre substance.

[19] XIX. Ἀλλ´ οἵ γε πρὸς ἔπαινον οὕτως καὶ δόξαν ἔχοντες ἆρ´ οὐχ ὁμολογοῦσι μεγάλας ἡδονὰς προΐεσθαι δι´ ἀσθένειαν ἢ μαλακίαν φεύγοντες ἀρχὰς καὶ πολιτείας καὶ φιλίας βασιλέων, ἀφ´ ὧν τὰ μεγάλα καὶ λαμπρὰ εἰς τὸν βίον γίνεσθαι ἔφη Δημόκριτος; οὐ γὰρ ἄν τινα πείσειεν ἀνθρώπων ὁ τὴν Νεοκλέους μαρτυρίαν καὶ τὴν Κωλώτου προσκύνησιν ἐν τοσούτῳ λόγῳ τιθέμενος καὶ ἀγαπῶν, ὡς οὐκ ἂν ὑπὸ τῶν Ἑλλήνων κροτηθεὶς Ὀλυμπίασιν ἐξεμάνη καὶ ἀνωλόλυξε, μᾶλλον δ´ ὄντως ὑπὸ χαρᾶς ἤρθη κατὰ τὸν Σοφοκλέα

« Γραίας ἀκάνθης πάππος ὣς φυσώμενος ».

Εἴ γε μὴν τὸ εὐδοξεῖν ἡδύ, τὸ ἀδοξεῖν δήπου λυπηρόν· ἀδοξότερον δ´ ἀφιλίας ἀπραξίας ἀθεότητος ἡδυπαθείας ὀλιγωρίας οὐθέν ἐστι. Ταῦτα δὲ πάντες ἄνθρωποι πλὴν αὐτῶν ἐκείνων τῇ αἱρέσει προσεῖναι νομίζουσιν. « Ἀδίκως » φήσει τις. Ἀλλὰ τὴν δόξαν οὐ τὴν ἀλήθειαν σκοποῦμεν. Καὶ βιβλία μὲν μὴ λέγωμεν μηδὲ ψηφίσματα βλάσφημα πόλεων, ὅσα γέγραπται πρὸς αὐτούς φιλαπεχθῆμον γάρ. Εἰ δὲ χρησμοὶ καὶ μαντικὴ καὶ θεῶν πρόνοια καὶ γονέων πρὸς ἔκγονα στοργὴ καὶ ἀγάπησις καὶ πολιτεία καὶ ἡγεμονία καὶ τὸ ἄρχειν ἔνδοξόν ἐστι καὶ εὐκλεές, οὕτως ἀνάγκη τοὺς λέγοντας, ὡς οὐ δεῖ σῴζειν τοὺς Ἕλληνας ἀλλ´ ἐσθίειν καὶ πίνειν ἀβλαβῶς τῇ γαστρὶ καὶ κεχαρισμένως, ἀδοξεῖν καὶ κακοὺς νομίζεσθαι, νομιζομένους δὲ τοιούτους ἀνιᾶσθαι καὶ ζῆν ἀτερπῶς, εἴ γε δὴ τὸ καλὸν ἡδὺ καὶ τὴν εὐδοξίαν ἡγοῦνται. »

[20] XX. Ταῦτ´ εἰπόντος τοῦ Θέωνος, ἐδόκει καταπαῦσαι τὸν περίπατον, καὶ καθάπερ εἰώθειμεν ἐπὶ τῶν βάθρων καθεζόμενοι πρὸς τοῖς εἰρημένοις ἦμεν σιωπῇ, χρόνον οὐ πολύν. Ὁ γὰρ Ζεύξιππος ἀπὸ τῶν εἰρημένων ἐννοήσας « τίς » ἔφη « τὰ λειπόμενα τῷ λόγῳ προσαποδίδωσι; καὶ γὰρ οὔπω {τὸ} προσῆκον ἔχει τέλος. {Ὃ} αὐτὸς ἄρτι μαντικῆς μνησθεὶς καὶ προνοίας ὑποβέβληκε ταῦτα γὰρ οὐχ ἥκιστά φασιν οἱ ἄνδρες ἡδονὴν καὶ γαλήνην καὶ θάρσος αὐτοῖς παρασκευάζειν εἰς τὸν βίον, ὥστε δεῖ τι λεχθῆναι καὶ περὶ τούτων. »

Ὑπολαβὼν δ´ ὁ Ἀριστόδημος

« Ἀλλὰ περὶ ἡδονῆς μὲν εἴρηται σχεδόν » εἶπεν, « ὡς εὐτυχῶν καὶ κατορθῶν ὁ λόγος αὐτῶν φόβον ἀφαιρεῖ τινα καὶ δεισιδαιμονίαν, εὐφροσύνην δὲ καὶ χαρὰν ἀπὸ τῶν θεῶν οὐκ ἐνδίδωσιν· ἀλλ´ οὕτως ἔχειν ποιεῖ πρὸς αὐτοὺς τῷ μὴ ταράττεσθαι μηδὲ χαίρειν, ὡς πρὸς τοὺς Ὑρκανοὺς ἢ Ἰχθυοφάγους ἔχομεν, οὔτε χρηστὸν οὐθὲν οὔτε φαῦλον ἀπ´ αὐτῶν προσδοκῶντες. Εἰ δὲ δεῖ προσθεῖναί τι τοῖς εἰρημένοις, ἐκεῖνό μοι δοκῶ λήψεσθαι παρ´ αὐτῶν πρῶτον, ὅτι τοῖς ἀναιροῦσι λύπας καὶ δάκρυα καὶ στεναγμοὺς ἐπὶ ταῖς τῶν φίλων τελευταῖς μάχονται καὶ λέγουσι τὴν εἰς τὸ ἀπαθὲς καθεστῶσαν ἀλυπίαν ἀφ´ ἑτέρου κακοῦ μείζονος ὑπάρχειν, ὠμότητος ἢ δοξοκοπίας ἀκράτου καὶ λύσσης· διὸ πάσχειν τι βέλτιον εἶναι καὶ λυπεῖσθαι καὶ νὴ Δία λιπαίνειν τοὺς ὀφθαλμοὺς καὶ τήκεσθαι, καὶ ὅσα δὴ παθαινομένοις γράφοντες ὑγροί τινες εἶναι καὶ φιλικοὶ δοκοῦσι. Ταῦτα γὰρ ἐν ἄλλοις τε πολλοῖς Ἐπίκουρος εἴρηκε καὶ περὶ τῆς Ἡγησιάνακτος τελευτῆς πρὸς Σωσίθεον τὸν πατέρα γράφων καὶ Πύρσωνα τὸν ἀδελφὸν τοῦ τεθνηκότος. Ἔναγχος γὰρ κατὰ τύχην τὰς ἐπιστολὰς διῆλθον αὐτοῦ· καὶ λέγω μιμούμενος, ὡς οὐχ ἧττόν ἐστι κακὸν ἀθεότης ὠμότητος καὶ δοξοκοπίας, εἰς ἣν ἄγουσιν ἡμᾶς οἱ τὴν χάριν ἐκ τοῦ θείου μετὰ τῆς ὀργῆς ἀναιροῦντες. Βέλτιον γὰρ ἐνυπάρχειν τι καὶ συγκεκρᾶσθαι τῇ περὶ θεῶν δόξῃ κοινὸν αἰδοῦς καὶ φόβου πάθος, ἢ {που} τοῦτο φεύγοντας μήτ´ ἐλπίδα μήτε χάριν ἑαυτοῖς μήτε θάρσος ἀγαθῶν παρόντων μήτε τινὰ δυστυχοῦσιν ἀποστροφὴν πρὸς τὸ θεῖον ἐναπολείπεσθαι.

 

XIX. Tel est aussi, dans les âmes, l'effet du désir de la gloire, qu'avides de louanges et n'en recevant point d'autrui, elles se louent elles-mêmes. Ceux que possède cet amour de la gloire et de la louange ne confessent-ils point par là que c'est par faiblesse et par lâcheté qu'ils fuient les charges publiques, l'administration des affaires et la société des rois, occupations qui, suivant Démocrite, répandent les plus grands biens sur la vie humaine? A qui Épicure persuadera-t-il jamais, lui qui mettait un si grand prix au suffrage de Néoclès et à l'adoration de Colotès, que les applaudissements des Grecs dans les jeux olympiques ne l'eussent pas transporté hors de lui-même , et qu'il ne s'en fût pas enflé de joie Comme d'un vieux buisson le vent enfle les feuilles, ainsi que le dit Sophocle ?

« Mais s'il est doux d'être estimé, il est affligeant d'avoir une mauvaise réputation. Or, rien ne donne une idée plus fâcheuse de quelqu'un, que de le voir privé d'amis et d'occupations, nier l'existence des dieux, ne s'occuper que de plaisirs et vivre dans une honteuse oisiveté. Et il n'est personne, les épicuriens seuls exceptés, qui ne convienne que ce portrait est celui des philosophes de leur secte. Mais , dira-t-on, cette réputation n'est pas méritée. Je n'examine dans ce moment que l'opinion 210 qu'on a d'eux, et non sa vérité. Je ne rapporterai pas ici les décrets publics des villes et les écrits diffamatoires qu'on a prononcés contre eux, cela serait trop odieux ; mais si les oracles, si la divination , si la Providence des dieux, si l'amour et le soin des parents pour leur progéniture, si l'administration des affaires publiques, le commandement des armées, l'exercice des magistratures, sont des occasions d'acquérir de la gloire, peut-on ne pas regarder comme des hommes méchants et indignes de notre estime, ceux qui disent qu'au lieu de s'occuper du salut de la Grèce, il ne faut penser qu'à manger, à boire, à satisfaire ses sens, en évitant seulement les excès qui pourraient nuire? Cette opinion, qu'on a nécessairement d'eux, leur étant connue, ils ne peuvent que mener une vie triste et désagréable, puisque, de leur aveu, il est doux d'acquérir de la gloire et de jouir de l'estime publique. »

XX. Quand Théon eut fini, nous interrompîmes notre promenade , et nous étant assis sur les bancs suivant notre coutume, nous réfléchîmes quelques instants en silence sur ce que nous venions d'entendre. Mais Zeuxippe, qui ne perdait point de vue le sujet de notre entretien , demanda quel serait celui qui achèverait de le traiter. « Je vois, dit-il, que la matière n'est pas encore épuisée et qu'il reste à parler de la divination et de la Providence , dont on n'a fait qu'une légère mention. Les épicuriens prétendent que le refus de croire à ces deux points de doctrine est ce qui contribue le plus à répandre sur leur vie la volupté, le calme et la confiance.

— Par rapport à la volupté, dit Aristodème, on a déjà observé qu'en supposant même qu'ils parviennent à leur but, leurs opinions peuvent bien leur ôter la crainte des dieux et la superstition , mais qu'elles ne sauraient leur donner aucune joie ni aucune satisfaction dont les dieux soient le principe. Elles se bornent à laisser l'homme sans trouble, 211 mais aussi sans contentement ; et il est affecté envers ces êtres suprêmes comme il peut l'être à l'égard des poissons de l'Hircanie, dont il n'attend ni bien ni mal. Maintenant , s'il faut ajouter quelque chose à ce qui a déjà été dit, c'est dans eux-mêmes qu'on doit le prendre.

« Premièrement, ils sont très opposés à ceux qui veulent qu'on ne témoigne aucune douleur pour la perte de personnes chéries, qu'on ne leur donne ni larmes ni gémissements ; ils disent que cette indifférence, qui tend à l'insensibilité, procède d'un vice plus grand, qui est la cruauté, ou d'un désir immodéré de gloire qui tient de la fureur ; qu'il vaut donc mieux se laisser affecter par ces chagrins, s'en affliger, en verser d'abondantes larmes et donner, ou par écrit ou de vive voix , toutes les marques de douleur qui prouvent de la sensibilité et de l'attachement. Épicure le prescrit en plusieurs endroits de ses ouvrages , et particulièrement dans les lettres qu'il écrivit à Dosithée et à Pyrson, père et frère d'Hégésianax qui venait de mourir, et que j'ai lues il n'y pas longtemps. Pour moi, je soutiens au contraire que l'athéisme n'est pas un moindre mal que la cruauté et l'ambition , et qu'on conduit les hommes à l'incrédulité en leur ôtant l'espoir des récompenses qu'ils attendent des dieux et la crainte de leur vengeance (37).

[21] XXI. Δεῖ μὲν γὰρ ἀμέλει τῆς περὶ θεῶν δόξης ὥσπερ ὄψεως λήμην ἀφαιρεῖν τὴν δεισιδαιμονίαν· εἰ δὲ τοῦτ´ ἀδύνατον, μὴ συνεκκόπτειν μηδὲ τυφλοῦν τὴν πίστιν, ἣν οἱ πλεῖστοι περὶ θεῶν ἔχουσιν. Αὕτη δ´ ἐστὶν οὐ φοβερά τις οὐδὲ σκυθρωπή, καθάπερ οὗτοι πλάττουσι, διαβάλλοντες τὴν πρόνοιαν ὥσπερ παισὶν Ἔμπουσαν ἢ Ποινὴν ἀλιτηριώδη καὶ τραγικὴν ἐπικρεμαμένην. Ἀλλ´ ὀλίγοι μὲν τῶν ἀνθρώπων δεδίασι τὸν θεόν, οἷς οὐκ ἄμεινον μὴ δεδιέναι· δεδιότες γὰρ ὥσπερ ἄρχοντα χρηστοῖς ἤπιον ἐπαχθῆ δὲ φαύλοις ἑνὶ φόβῳ, δι´ ὃν οὐκ ἀδικοῦσι, πολλῶν ἐλευθεροῦνται τῶν ἐπὶ τῷ ἀδικεῖν, καὶ παρ´ αὑτοῖς ἀτρέμα τὴν κακίαν ἔχοντες οἷον ἀπομαραινομένην ἧττον ταράττονται τῶν χρωμένων αὐτῇ καὶ τολμώντων εἶτ´ εὐθὺς δεδιότων καὶ μεταμελομένων.

Ἡ δὲ τῶν πολλῶν καὶ ἀμαθῶν καὶ οὐ πάνυ μοχθηρῶν διάθεσις πρὸς τὸν θεὸν ἔχει μὲν ἀμέλει τῷ σεβομένῳ καὶ τιμῶντι μεμιγμένον τινὰ σφυγμὸν καὶ φόβον, ᾗ καὶ δεισιδαιμονία κέκληται, μυριάκις δὲ πλεῖόν ἐστι καὶ μεῖζον αὐτῇ τὸ εὔελπι καὶ περιχαρὲς καὶ πᾶσαν εὐπραξίας ὄνησιν ὡς ἐκ θεῶν οὖσαν εὐχόμενον καὶ δεχόμενον.

Δῆλον δὲ τεκμηρίοις τοῖς μεγίστοις· οὔτε γὰρ διατριβαὶ τῶν ἐν ἱεροῖς οὔτε καιροὶ τῶν ἑορτασμῶν οὔτε πράξεις οὔτ´ ὄψεις εὐφραίνουσιν ἕτεραι μᾶλλον ὧν ὁρῶμεν ἢ δρῶμεν αὐτοὶ περὶ τοὺς θεούς, ὀργιάζοντες ἢ χορεύοντες ἢ θυσίαις παρόντες καὶ τελεταῖς. Οὐ γὰρ ὡς τυράννοις τισὶν ἢ δεινοῖς κολασταῖς ὁμιλοῦσα τηνικαῦτα ἡ ψυχὴ περίλυπός ἐστι καὶ ταπεινὴ καὶ δύσθυμος, ὅπερ εἰκὸς ἦν· ἀλλ´ ὅπου μάλιστα δοξάζει καὶ διανοεῖται παρεῖναι τὸν θεόν, ἐκεῖ μάλιστα λύπας καὶ φόβους καὶ τὸ φροντίζειν ἀπωσαμένη τῷ ἡδομένῳ μέχρι μέθης καὶ παιδιᾶς καὶ γέλωτος ἀφίησιν ἑαυτήν. Ἐν τοῖς ἐρωτικοῖς, ὡς ὁ ποιητὴς εἴρηκε

«Καί τε γέρων καὶ γρῆυς, ἐπὴν χρυσῆς Ἀφροδίτης
μνήσωνται, καὶ τοῖσιν ἐπηέρθη φίλον ἦτορ, »

ἐν δὲ πομπαῖς καὶ θυσίαις οὐ μόνον γέρων καὶ γρῆυς οὐδὲ πένης καὶ ἰδιώτης ἀλλὰ

« Καὶ παχυσκελὴς ἀλετρὶς πρὸς μύλην κινουμένη »

καὶ οἰκότριβες καὶ θῆτες ὑπὸ γήθους καὶ χαρμοσύνης ἀναφέρονται· πλουσίοις τε καὶ βασιλεῦσιν ἑστιάσεις καὶ πανδαισίαι τινὲς πάρεισιν {ἀεί}, αἱ δ´ ἐφ´ ἱεροῖς καὶ θυηπολίαις, καὶ ὅταν ἔγγιστα τοῦ θείου τῇ ἐπινοίᾳ ψαύειν δοκῶσι μετὰ τιμῆς καὶ σεβασμοῦ, πολὺ διαφέρουσαν ἡδονὴν καὶ χάριν ἔχουσι. Ταύτης οὐδὲν ἀνδρὶ μέτεστιν ἀπεγνωκότι τῆς προνοίας. Οὐ γὰρ οἴνου πλῆθος οὐδ´ ὄπτησις κρεῶν τὸ εὐφραῖνόν ἐστιν ἐν ταῖς ἑορταῖς, ἀλλ´ ἐλπὶς ἀγαθὴ καὶ δόξα τοῦ παρεῖναι τὸν θεὸν εὐμενῆ καὶ δέχεσθαι τὰ γινόμενα κεχαρισμένως. Αὐλὸν μὲν γὰρ ἐνίων ἑορτῶν καὶ στέφανον ἀφαιροῦμεν, θεοῦ δὲ θυσίᾳ μὴ παρόντος πρὸς ἱερῶν ἀποδοχὴν ἄθεόν ἐστι καὶ ἀνεόρταστον καὶ ἀνενθουσίαστον τὸ λειπόμενον· μᾶλλον δὲ 〈τὸ〉 ὅλον ἀτερπὲς αὐτῷ καὶ λυπηρόν· ὑποκρίνεται γὰρ εὐχὰς καὶ προσκυνήσεις οὐθὲν δεόμενος διὰ φόβον τῶν πολλῶν καὶ φθέγγεται φωνὰς ἐναντίας οἷς φιλοσοφεῖ· καὶ θύων μὲν ὡς μαγείρῳ παρέστηκε τῷ ἱερεῖ σφάττοντι, θύσας δ´ ἄπεισι λέγων τὸ Μενάνδρειον

« ἔθυον οὐ προσέχουσιν οὐδέν μοι θεοῖς »·

οὕτως γὰρ Ἐπίκουρος οἴεται δεῖν σχηματίζεσθαι καὶ μὴ καταφρονεῖν μηδ´ ἀπεχθάνεσθαι τοῖς πολλοῖς, οἷς χαίρουσιν ἕτεροι πράττοντας, αὐτοὺς δυσχεραίνοντας·

« πᾶν γὰρ ἀναγκαῖον πρᾶγμ´ ὀδυνηρὸν ἔφυ »

κατὰ τὸν Εὔηνον.

ᾟ καὶ τοὺς δεισιδαίμονας οὐ χαίροντας ἀλλὰ φοβουμένους οἴονται θυσίαις καὶ τελεταῖς ὁμιλεῖν, μηθὲν ἐκείνων αὐτοὶ διαφέροντες, εἴ γε δὴ διὰ φόβον τὰ αὐτὰ δρῶσιν, οὐδ´ ἐλπίδος χρηστῆς ὅσον ἐκεῖνοι μεταλαγχάνοντες, ἀλλὰ μόνον δεδιότες καὶ ταραττόμενοι μὴ φανεροὶ γένωνται τοὺς πολλοὺς παραλογιζόμενοι καὶ φενακίζοντες· ἐφ´ οὓς καὶ τὰ περὶ θεῶν καὶ ὁσιότητος αὐτοῖς βιβλία συντέτακται,

« ἑλικτὰ καὶ οὐδὲν ὑγιὲς ἀλλὰ πᾶν πέριξ »

ἐπαμπεχομένοις καὶ ἀποκρυπτομένοις διὰ φόβον ἃς ἔχουσι δόξας.

[22] XXII. Καὶ μὴν μετά γε τοὺς πονηροὺς καὶ τοὺς πολλοὺς τρίτον ἤδη σκεψώμεθα τὸ βέλτιστον ἀνθρώπων καὶ θεοφιλέστατον γένος ἐν ἡλίκαις ἡδοναῖς καθαραῖς περὶ θεοῦ δόξαις συνόντες, ὡς πάντων μὲν ἡγεμὼν ἀγαθῶν πάντων δὲ πατὴρ καλῶν ἐκεῖνός ἐστι, καὶ φαῦλον οὐθὲν ποιεῖν αὐτῷ θέμις ὥσπερ οὐδὲ πάσχειν. « Ἀγαθὸς γάρ ἐστιν, ἀγαθῷ δὲ περὶ οὐδενὸς ἐγγίνεται φθόνος », οὔτε φόβος οὔτ´ ὀργὴ ἢ μῖσος· οὐδὲ γὰρ θερμοῦ τὸ ψύχειν ἀλλὰ {τὸ} θερμαίνειν, ὥσπερ οὐδ´ ἀγαθοῦ τὸ βλάπτειν. Ὀργὴ δὲ χάριτος καὶ χόλος εὐμενείας καὶ τοῦ φιλανθρώπου καὶ φιλόφρονος τὸ δυσμενὲς καὶ ταρακτικὸν ἀπωτάτω τῇ φύσει τέτακται· τὰ μὲν γὰρ ἀρετῆς καὶ δυνάμεως τὰ δ´ ἀσθενείας ἐστὶ καὶ φαυλότητος. Οὐ τοίνυν ὀργαῖς καὶ χάρισι, συνέχεται τὸ θεῖον, ἀλλ´ ὅτι χαρίζεσθαι καὶ βοηθεῖν πέφυκεν, ὀργίζεσθαι καὶ κακῶς ποιεῖν οὐ πέφυκεν. Ἀλλ´

« Ὁ μὲν μέγας ἐν οὐρανῷ Ζεὺς πτηνὸν ἅρμα ἐλαύνων ἄνω πρῶτος πορεύεται, διακοσμῶν πάντα καὶ ἐπιμελούμενος », τῶν δ´ ἄλλων θεῶν ὁ μέν ἐστιν Ἐπιδώτης ὁ δὲ Μειλίχιος ὁ δ´ Ἀλεξίκακος· ὁ δ´ Ἀπόλλων « κατεκρίθη θνατοῖς ἀγανώτατος ἔμμεν » ὡς Πίνδαρός φησι. Πάντα δὲ τῶν θεῶν κατὰ τὸν Διογένη, καὶ κοινὰ τὰ τῶν φίλων, καὶ φίλοι τοῖς θεοῖς οἱ ἀγαθοί, καὶ τὸν θεοφιλῆ μή τι εὖ πράττειν ἢ θεοφιλῆ 〈μὴ〉 εἶναι τὸν σώφρονα καὶ δίκαιον ἀδύνατόν ἐστιν. Ἆρά γε δίκης ἑτέρας οἴεσθε δεῖσθαι τοὺς ἀναιροῦντας τὴν πρόνοιαν, οὐχ ἱκανὴν ἔχειν ἐκκόπτοντας ἑαυτῶν ἡδονὴν καὶ χαρὰν τοσαύτην, ὅση πάρεστι τοῖς οὕτω διακειμένοις πρὸς τὸ δαιμόνιον; ἢ τῷ μὲν Ἐπικούρῳ καὶ Μητρόδωρος καὶ Πολύαινος καὶ Ἀριστόβουλος « ἐκθάρσημα » καὶ « γῆθος » ἦσαν, ὧν τοὺς πλείστους θεραπεύων νοσοῦντας ἢ καταθρηνῶν ἀποθνήσκοντας διετέλεσε, Λυκοῦργος δ´ ὑπὸ τῆς Πυθίας προσαγορευθείς

« Ζηνὶ φίλος καὶ πᾶσιν Ὀλύμπια δώματ´ ἔχουσι »

XXI.  Il vaut mieux que notre opinion sur les dieux soit mêlée d'un sentiment de respect et de frayeur, que de s'ôter, en voulant détruire ce sentiment, l'espérance, la joie, la confiance dans la prospérité, et un asile favorable dans l'adversité. Il faut sans doute séparer de la croyance des dieux la superstition, qui est comme une tache sur l'œil, et cette séparation est possible. Mais prenons garde aussi d'arracher et 212 de détruire en même temps la foi de la Divinité, que tous les hommes professent. Cette foi n'est ni farouche ni cruelle , comme le prétendent ces philosophes qui , osant calomnier la Providence, l'assimilent à ces furies infernales dont on fait peur aux enfants ; qui la représentent toujours armée pour châtier les mortels et punir rigoureusement leurs fautes. Mais il est peu d'hommes en qui la crainte de Dieu soit telle, qu'il leur serait plus avantageux de ne pas le craindre. En voyant en lui un être suprême propice aux bons et sévère aux méchants, cette crainte, qui seule leur tient lieu de toutes les autres, leur ôte le désir d'être injustes; leur méchanceté s'affaiblit peu à peu, et ils sont bien moins dans le trouble que ceux qui, s'abandonnant aux vices et aux forfaits , sont déchirés ensuite par les remords et par le repentir.

« A la vérité, la plupart des hommes, plus ignorants que coupables, mêlent au culte respectueux qu'ils rendent à la Divinité cette crainte, cette frayeur excessive qu'on appelle superstition. Mais du moins l'emportent-ils infiniment sur les athées par l'espérance qu'ils conservent , par la joie qu'ils éprouvent, par l'attente de tous les biens qu'ils demandent aux dieux.

C'est une vérité qu'attestent les preuves les plus frappantes. Il n'est point d'occupation, point d'exercice ou de spectacle qui nous flattent plus que ceux dont nous sommes, dans nos temples, ou les témoins ou les ministres, lorsque nous y célébrons des orgies sacrées , que nous y conduisons, en l'honneur des dieux, des chœurs de danse et de musique, lorsque nous y assistons à des sacrifices ou à la célébration des mystères. Notre âme alors n'est ni triste , ni mélancolique, ni abattue, comme elle devrait l'être si elle se croyait devant ses bourreaux ou ses tyrans. Persuadée au contraire qu'elle est en présence de son Dieu, à cette seule pensée elle bannit les soucis, la crainte et la dou- 213 leur, et, dans une douce ivresse, elle se livre sans réserve aux jeux, aux ris et à la joie, comme le dit un poète dans ses vers érotiques :

Les vieillards décrépits, les vieilles surannées,
En pensant aux plaisirs de leurs jeunes années,
Éprouvent dans leur cœur un vif tressaillement.

Dans les cérémonies et les sacrifices publics, non seulement le vieillard et la vieille femme, l'homme du peuple et le pauvre,

Mais la vile servante au moulin condamnée,

les esclaves et les mercenaires, se livrent tous à la joie. Les rois et les gens riches traitent souvent leurs amis, et donnent de grands festins. Mais les repas qui accompagnent les sacrifices et les solennités, dans lesquels les hommes se croient unis d'esprit aux dieux, à qui ils rendent leur culte et leurs hommages, sont pour eux la source d'une joie bien plus vive. Celui qui nie la Providence ne prend aucune part à cette joie. Dans ces sortes de fêtes, ce n'est pas l'abondance du vin ou des viandes qui donne de la satisfaction, c'est l'espérance favorable qu'on y conçoit, c'est la persuasion que Dieu lui-même y est présent, qu'il nous est propice et qu'il accepte nos hommages. Il y a des sacrifices où l'on supprime la musique et les couronnes de fleurs. Mais un sacrifice auquel Dieu n'est point présent, semblable à une solennité sans banquet, est, en quelque sorte, une action impie qui ne peut exciter aucune joie, aucun enthousiasme, qui doit être désagréable et pénible pour l'athée lui-même. Il feint d'adorer Dieu et de le prier, sans croire avoir besoin de ces actes pieux, et seulement parce qu'il craint la multitude ; il prononce des paroles contraires aux opinions qu'il soutient comme philosophe. Quand il sacrifie, il est auprès du prêtre qui immole la victime comme auprès d'un cui- 214 sinier qui égorge un animal, et à peine le sacrifice cet fini, qu'il se retire en disant:

Je viens de faire aux dieux une inutile offrande:
Ils ne s'occupent point de ce qu'on leur demande.

Voilà comment Épicure prescrit à ceux qui sacrifient de se composer à l'extérieur; il leur conseille de ne pas porter envie au vulgaire, mais aussi de ne pas attirer sa haine en ne paraissant prendre aucune part à sa joie. Cependant ils sont en effet très mécontents d'être obligés de faire ce qui est pour tous les autres hommes un sujet de plaisir. Car, dit le poète Evénus,

Tout ce qu'on fait par force est toujours déplaisant.

 

« Aussi prétendent-ils que les superstitieux eux-mêmes assistent aux sacrifices et aux cérémonies de nos mystères moins pour le plaisir qu'ils y trouvent que parce qu'ils craignent les dieux. Mais les épicuriens ne sont pas à cet égard différents des superstitieux, puisqu'ils suivent ces mêmes pratiques par crainte, et qu'ils n'ont pas, comme les autres, une espérance consolante; qu'ils tremblent continuellement qu'on ne vienne enfin à découvrir qu'ils trompent la multitude et qu'ils se jouent d'elle. C'est même par un effet de cette crainte qu'ils ont composé plusieurs ouvrages sur la Divinité, dans lesquels, à la vérité, ils s'enveloppent avec soin, où rien n'est sincère ni exact, où ils masquent et couvrent leurs opinions de tout ce qui peut les rendre méconnaissables, tant ils craignent ce peuple !

XXII. Après avoir parlé des méchants et des hommes du vulgaire, considérons maintenant une troisième classe d'hommes, celle des mortels distingués par leur vertu et par leur amour filial envers les dieux, et voyons quelle source de plaisirs purs ils trouvent dans leur opinion sur la Divinité, qui est pour eux le principe de tout bien, l'auteur de tout ce qui existe de beau, et qui ne peut ni faire 215 ni souffrir aucun mal ; car Dieu est bon par essence, et un être bon ne saurait jamais avoir un sentiment d'envie* de crainte, de colère ou de haine. Comme l'effet de la chaleur est d'échauffer, et qu'il lui est impossible de rafraîchir, de même il est contraire à la nature d'un être bon de jamais nuire. Rien n'est moins fait pour s'allier ensemble que la colère avec l'empressement à obliger, que la haine avec la bienfaisance, que l'humanité et la bienveillance avec la mauvaise volonté et une humeur farouche. Entre ces qualités opposées, les unes sont l'apanage de la puissance et de la vertu, les autres de la faiblesse et du vice. Dieu donc n'est sujet ni à la haine ni à la faveur; son naturel est de faire du bien aux hommes et de les secourir, non de s'irriter contre eux et de leur nuire. Le grand Jupiter, dont le séjour est dans le ciel, en est le premier descendu pour tout disposer et mettre en ordre. Parmi les autres dieux, l'un a le surnom de dispensateur des dons, l'autre celui de mielleux, un troisième celui de préservateur, et Apollon, comme le dit Pindare,

En parcourant les cieux chaque jour nous éclaire,
Et pour tous les mortels est un Dieu tutélaire.

« Tout appartient aux dieux, disait Diogène, et tout est commun entre amis ; or, les gens de bien sont les amis des dieux. Il est donc impossible qu'un ami des dieux ne soit pas heureux, ou qu'un homme vertueux et juste ne soit pas ami des dieux. D'après cela, croyez-vous que ceux qui détruisent l'idée de la Providence aient besoin d'une autre punition, et puissent éprouver de plus grand supplice que la privation d'une joie aussi vive et d'un plaisir aussi pur que ceux que nous procure la disposition oit nous sommes envers les dieux ! Toute la satisfaction et la confiance d'Épicure étaient dans Métrodore, Polyène et Aristobule, et il passa sa vie ou à les soigner dans leurs 216 maladies, ou à pleurer leur mort. Mais Lycurgue, qui fut déclaré par la pythie

L'ami de Jupiter et des dieux immortels;

καὶ Σωκράτης οἰόμενος αὑτῷ διαλέγεσθαι τὸ δαιμόνιον ὑπ´ εὐμενείας καὶ Πίνδαρος ἀκούων ὑπὸ τοῦ Πανὸς ᾄδεσθαί τι μέλος ὧν αὐτὸς ἐποίησε μετρίως ἔχαιρεν; ἢ Φορμίων τοὺς Διοσκόρους ἢ τὸν Ἀσκληπιὸν Σοφοκλῆς ξενίζειν αὐτός τε πειθόμενος καὶ τῶν ἄλλων οὕτως ἐχόντων διὰ τὴν γενομένην ἐπιφάνειαν; ἃ δ´ Ἑρμογένης ἐφρόνει περὶ τῶν θεῶν, ἄξιόν ἐστιν αὐτοῖς ὀνόμασι διαμνημονεῦσαι.

« Οὗτοι γάρ » φησίν « οἱ πάντα μὲν εἰδότες πάντα δὲ δυνάμενοι θεοὶ οὕτω μοι φίλοι εἰσίν, ὡς διὰ τὸ ἐπιμελεῖσθαί μου οὔποτε λήθω αὐτοὺς οὔτε νυκτὸς οὔθ´ ἡμέρας ὅποι ἂν ὁρμῶμαι οὔθ´ ὅ τι ἂν μέλλω πράττειν· διὰ δὲ τὸ προειδέναι καὶ ὅ τι ἐξ ἑκάστου ἀποβήσεται σημαίνουσι, πέμποντες ἀγγέλους φήμας καὶ ἐνύπνια καὶ οἰωνούς. »

[23] XXIII. Καλὰ μὲν οὖν εἰκὸς εἶναι καὶ τὰ γινόμενα παρὰ τῶν θεῶν· τὸ δὲ γίνεσθαι διὰ τῶν θεῶν ταῦτ´ αὐτὸ μεγάλην ἡδονὴν ποιεῖ καὶ θάρσος ἀμήχανον καὶ φρόνημα καὶ χαρὰν οἷον αὐγὴν ἐπιγελῶσαν τοῖς ἀγαθοῖς. Οἱ δ´ ἄλλως ἔχοντες τῆς μὲν εὐτυχίας τὸ ἥδιστον κολούουσι, ταῖς δὲ δυστυχίαις ἀποστροφὴν οὐκ ἀπολείπουσιν, ἀλλ´ εἰς μίαν καταφυγὴν καὶ λιμένα πράττοντες κακῶς τὴν διάλυσιν καὶ τὴν ἀναισθησίαν ἀποβλέπουσιν· ὥσπερ εἴ τις ἐν πελάγει καὶ χειμῶνι θαρρυνῶν ἐπιστὰς λέγοι μήτε τινὰ τὴν ναῦν ἔχειν κυβερνήτην μήτε τοὺς Διοσκόρους αὐτοῖς ἀφίξεσθαι « ἐπερχόμενόν τε μαλάξοντας βίαιον πόντον ὠκείας τ´ ἀνέμων ῥιπάς », οὐδὲν δ´ ὅμως εἶναι δεινόν, ἀλλ´ ὅσον οὐδέπω καταποθήσεσθαι τὴν ναῦν ὑπὸ τῆς θαλάττης ἢ συντριβήσεσθαι ταχὺ πρὸς πέτρας ἐκπεσοῦσαν. Οὗτος γάρ ἐστιν ὁ Ἐπικούρειος λόγος ἐν νόσοις δειναῖς καὶ πόνοις ὑπερβάλλουσιν·

« Ἐλπίζεις τι χρηστὸν παρὰ θεῶν δι´ εὐσέβειαν; τετύφωσαι· τὸ γὰρ μακάριον καὶ ἄφθαρτον οὔτ´ ὀργαῖς οὔτε χάρισι συνέχεται. Βέλτιόν τι τῶν ἐν τῷ βίῳ μετὰ τὸν βίον ἐπινοεῖς; ἐξηπάτησαι· τὸ γὰρ διαλυθὲν ἀναισθητεῖ τὸ δ´ ἀναισθητοῦν οὐδὲν πρὸς ἡμᾶς. »

 Πῶς οὖν, ἄνθρωπε, φαγεῖν με καὶ χαίρειν κελεύεις; ὅτι νὴ Δία χειμαζομένῳ τὸ ναυάγιον ἐγγύς ἐστιν· « ὁ γὰρ πόνος ὁ ὑπερβάλλων συνάψει θανάτῳ. » Καίτοι νεὼς μὲν ἐκπεσὼν ἐπιβάτης διαλυθείσης ἐπ´ ἐλπίδος ὀχεῖταί τινος ὡς γῇ προσέξων τὸ σῶμα καὶ διανηξόμενος, τῆς δὲ τούτων φιλοσοφίας

« Ἔκβασις οὔπη φαίνεθ´ ἁλὸς πολιοῖο θύραζε »

τῇ ψυχῇ, ἀλλ´ εὐθὺς ἠφάνισται καὶ διέσπαρται καὶ προαπόλωλε τοῦ σώματος· ὥσθ´ ὑπερχαίρειν τὸ πάνσοφον τοῦτο δόγμα καὶ θεῖον παραλαβοῦσαν, ὅτι τοῦ κακῶς πράττειν πέρας ἐστὶν αὐτῇ τὸ ἀπολέσθαι καὶ φθαρῆναι καὶ μηδὲν εἶναι.

[24] XXIV. Ἀλλὰ γάρ » ἔφη πρὸς ἐμὲ βλέψας « εὔηθές ἐστι καὶ περὶ τούτου λέγειν ἡμᾶς, σοῦ πρῴην ἀκηκοότας ἱκανῶς διαλεγομένου πρὸς τοὺς ἀξιοῦντας τὸν Ἐπικούρου λόγον τοῦ Πλάτωνος περὶ ψυχῆς ῥᾴονας καὶ ἡδίους ἡμᾶς ποιεῖν πρὸς θάνατον. » Ὑπολαβὼν οὖν ὁ Ζεύξιππος « εἶθ´ οὗτος » ἔφη « δι´ ἐκεῖνον ἀτελὴς ὁ λόγος ἔσται, καὶ φοβηθησόμεθα ταυτολογεῖν πρὸς Ἐπίκουρον λέγοντες; » « ἥκιστα » ἔφην ἐγώ· « καὶ δὶς γὰρ ὃ δεῖ καλόν ἐστιν ἀκοῦσαι κατ´ Ἐμπεδοκλέα. Πάλιν οὖν ὁ Θέων ἡμῖν παρακλητέος· οὐ γὰρ αὐτὸν οἶμαι 〈παρέργως〉 παρεῖναι τοῖς τότε λεχθεῖσιν, ἀλλὰ καὶ νέος ἐστὶ καὶ οὐ δέδιε μὴ λήθης εὐθύνας ὑπόσχῃ τοῖς νέοις. »

Socrate, qui était persuadé qu'un génie bienveillant s'entrenait avec lui ; Pindare, qui entendit le dieu Pan chanter une hymne que ce poète avait composée, croyez-vous qu'ils n'aient goûté qu'un plaisir médiocre? Le croyons-nous aussi de Phormion et de Sophocle, lorsqu'ils donnèrent l'hospitalité, le premier à Castor et à Pollux, et le second à Esculape? Ils en étaient l'un et l'autre très persuadés , et l'apparition de ces dieux le fit croire à tout le monde. Je veux à ce sujet rapporter ici en propres termes ce qu'Hermogène pensait des dieux.

« Les dieux, qui savent tout, disait-il, et qui peuvent tout, ont tant de bonté pour moi, et prennent tant de soin de ce qui me regarde, qu'ils n'ignorent jamais ni nuit ni jour ce que je projette ou ce que je vais faire ; et comme ils savent d'avance tout ce qui doit arriver de chacune de mes actions, ils m'en avertissent par leurs messagers, qui sont des voix intérieures, des songes et des augures (38). »

[23] « Il est naturel que tout ce qui vient des dieux soit bon; mais la persuasion où nous sommes que tous nos biens nous viennent d'eux est la source d'un vrai plaisir, d'une confiance, d'une élévation d'âme et d'une joie inexprimable ; c'est comme une lumière douce et pure qui sourit aux gens vertueux. Ceux qui sont dans une opinion contraire ôtent à la prospérité ce qu'elle a de plus doux, et ne nous laissent aucun refuge dans l'adversité. Éprouvent-ils quelques malheurs, il n'envisagent d'autre port et d'autre agile que la dissolution de leur être et une entière insensibilité. On peut les comparer à des gens qui, dans un tempête violente, diraient aux passagers, pour 217 les rassurer, que le vaisseau est sans pilote, et que les Dioscures (39) ne leur apparaîtront pas pour apaiser la fureur des vagues et l'impétuosité des vents; qu'au reste ils ne doivent pas s'en inquiéter, parce que bientôt le vaisseau sera englouti dans la mer ou brisé contre les écueils. Telle est la consolation que les épicuriens donnent dans les maladies ou dans les dangers,

« Vous espériez, disent-ils, quelques secours des dieux, à cause de votre piété ; votre confiance est présomptueuse. Un être heureux et incorruptible n'est susceptible ni de colère ni de pitié. Attendez-vous, après la mort, une vie meilleure que celle-ci? Vous êtes dans l'erreur : un corps tombé en dissolution est insensible, et ce qui n'a nul sentiment ne peut nous intéresser en rien. »

Pourquoi donc, mon ami, m'exhortez-vous à faire bonne chère et à me réjouir? C'est que dans la tempête nous sommes près du naufrage, et qu'une douleur excessive conduit bientôt à la mort. Cependant tout passager, après même que le vaisseau a été brisé, conserve encore quelque espérance de se sauver en gagnant le bord à la nage. Mais dans la philosophie épicurienne, l'âme

Ne saurait échapper à la fureur des ondes,

puisqu'elle se dissout et périt même avant le corps; en sorte qu'elle ne peut que ressentir la plus vive joie d'avoir adopté cette doctrine si sage et si divine : Que la destruction et l'anéantissement sont le terme de tous les maux.

« Mais, ajouta Aristodème en me regardant, je serais bien simple de traiter plus longtemps un pareil sujet, après vous avoir entendu hier réfuter d'une manière si satisfaisante ceux qui soutiennent que les opinions d'Epi- 218 cure nous rendent la mort plus facile et plus douce que la doctrine de Platon sur Famé.

 — Eh quoi ! dit alors Zeuxippe, est-ce une raison de laisser la discussion imparfaite , ou devons-nous craindre qu'en disputant contre Épicure, on ne nous oppose l'oracle?

— Point du tout, dis-je, car, suivant Empédocle,

Il fait bon répéter les paroles utiles.

Adressons-nous donc de nouveau à Théon; je crois qu'il fut présent à cette dispute, et, jeune comme il est, il n'a pas à craindre qu'un défaut de mémoire fasse honte à son âge. »

[25] XXV. Καὶ ὁ Θέων ὥσπερ ἐκβιασθείς

« Ἀλλ´ εἰ δοκεῖ ταῦτα » ἔφη « ποιεῖν, οὐ μιμήσομαί σε, ὦ Ἀριστόδημε. Σὺ μὲν γὰρ ἐφοβήθης τὰ τούτου λέγειν, ἐγὼ δὲ χρήσομαι τοῖς σοῖς. Ὀρθῶς γάρ μοι διαιρεῖν ἔδοξας εἰς τρία γένη τοὺς ἀνθρώπους, τὸ τῶν ἀδίκων καὶ πονηρῶν, δεύτερον δὲ τὸ τῶν πολλῶν καὶ ἰδιωτῶν, τρίτον δὲ τὸ τῶν ἐπιεικῶν καὶ νοῦν ἐχόντων. Οἱ μὲν οὖν ἄδικοι καὶ πονηροὶ τὰς καθ´ Ἅιδου δίκας καὶ τιμωρίας δεδιότες καὶ φοβούμενοι κακουργεῖν καὶ διὰ τοῦτο μᾶλλον ἡσυχίαν ἄγοντες ἥδιον βιώσονται καὶ ἀταρακτότερον. Οὐ γὰρ Ἐπίκουρος ἄλλῳ τινὶ τῆς ἀδικίας οἴεται δεῖν ἀπείργειν ἢ φόβῳ κολάσεων. Ὥστε καὶ προσεμφορητέον ἐκείνοις τῆς δεισιδαιμονίας καὶ κινητέον ἐπ´ αὐτοὺς ἅμα τὰ ἐξ οὐρανοῦ καὶ γῆς δείματα καὶ χάσματα καὶ φόβους καὶ ὑπονοίας, εἰ μέλλουσιν ἐκπλαγέντες ὑπὸ τούτων ἐπιεικέστερον ἔχειν καὶ πραότερον. Λυσιτελεῖ γὰρ αὐτοῖς τὰ μετὰ τὸν θάνατον φοβουμένοις μὴ ἀδικεῖν ἢ ἀδικοῦσιν ἐπισφαλῶς ἐν τῷ βίῳ διάγειν καὶ περιφόβως.

[26] XXVI. Τοῖς δὲ πολλοῖς καὶ ἄνευ φόβου περὶ τῶν ἐν Ἅιδου ἡ παρὰ τὸ μυθῶδες τῆς ἀιδιότητος ἐλπίς. Καὶ ὁ πόθος τοῦ εἶναι, πάντων ἐρώτων πρεσβύτατος ὢν καὶ μέγιστος, ἡδοναῖς ὑπερβάλλει καὶ γλυκυθυμίαις τὸ παιδικὸν ἐκεῖνο δέος. ᾟ καὶ τέκνα καὶ γυναῖκας καὶ φίλους ἀποβάλλοντες εἶναί που μᾶλλον ἐθέλουσι καὶ διαμένειν κακοπαθοῦντας ἢ παντάπασιν ἐξῃρῆσθαι καὶ διεφθάρθαι καὶ γεγονέναι τὸ μηθέν· ἡδέως δὲ τῶν ὀνομάτων τοῦ μεθίστασθαι τὸν θνήσκοντα καὶ μεταλλάττειν καὶ ὅσα δηλοῖ μεταβολὴν ὄντα τῆς ψυχῆς οὐ φθορὰν τὸν θάνατον ἀκροῶνται καὶ λέγουσιν οὕτως

« Αὐτὰρ ἐγὼ κἀκεῖθι φίλου μεμνήσομ´ ἑταίρου »

καί

« Τί σοι πρὸς Ἕκτορ´ ἢ γέροντ´ εἴπω πόσιν; ».

Ἐκ δὲ τούτου παρατροπῆς γενομένης καὶ ὅπλα καὶ σκεύη καὶ ἱμάτια συνήθη τοῖς τεθνηκόσι καὶ ὡς ὁ Μίνως τῷ Γλαύκῳ, « Κρητικοὺς αὐλοὺς θανοῦσι κῶλα ποικίλης νεβροῦ » συνθάπτοντες ἥδιον ἔχουσι. Κἄν τι δόξωσιν αἰτεῖν καὶ ποθεῖν ἐκείνους, χαίρουσιν ἐπιδιδόντες· ὥσπερ ὁ Περίανδρος τῇ γυναικὶ τὸν κόσμον ὡς δεομένῃ καὶ ῥιγοῦν λεγούσῃ συγκατέκαυσεν. Οἱ δ´ Αἰακοὶ καὶ Ἀσκάλαφοι καὶ Ἀχέροντες οὐ πάνυ διαταράττουσιν, οἷς γε καὶ χοροὺς καὶ θέατρα καὶ μοῦσαν ἡδομένοις παντοδαπὴν γενομένου δεδώκασιν. Ἀλλ´ ἐκεῖνο τοῦ θανάτου τὸ πρόσωπον ὡς φοβερὸν καὶ σκυθρωπὸν καὶ σκοτεινὸν ἅπαντες ὑποδειμαίνουσι, τὸ τῆς ἀναισθησίας καὶ λήθης καὶ ἀγνοίας· καὶ πρὸς τό « ἀπόλωλε » καὶ τό « ἀνῄρηται » καὶ τό « οὐκ ἔστι » ταράσσονται καὶ δυσανασχετοῦσι τούτων λεγομένων·

« Τὸ ἔπειτα κείσεται βαθυδένδρῳ
ἐν χθονὶ συμποσίων τε καὶ λυρᾶν ἄμοιρος
ἰαχᾶς τε παντερπέος αὐλῶν· »

καί

« Ἀνδρὸς δὲ ψυχὴ πάλιν ἐλθεῖν οὔτε λεϊστὴ
οὔθ´ ἑλετή, ἐπεὶ ἄρ κεν ἀμείψεται ἕρκος ὀδόντων ».

[25] Théon alors, comme forcé par mes instances, reprit la parole,

« Puisqu'il faut obéir, dit-il, je ne ferai pas comme vous, Aristhomène ; vous avez craint de répéter ce que Plutarque a dit, et moi, je ferai usage de vos principes. Vous avez très bien divisé les hommes en trois classes : la première, celle des gens méchants et injustes; la seconde, celle des ignorante et des gens du peuple; la troisième, celle des personnes sensées et vertueuses. Les hommes méchants et injustes qui redouteront les châtiments et la vengeance du ciel, qui craindront de commettre le mal, et que cette crainte réprimera, en mèneront une vie moins troublée, et par conséquent plus agréable. Car Épicure ne croit pas qu'il faille employer d'autre frein pour arrêter les injustices que la crainte du châtiment. Il faut donc faire boire ces hommes dans la coupe de la superstition, armer contre eux toutes les terreurs du ciel et de la terre, les environner de frayeurs et de soupçons, ouvrir les abîmes sous leurs pas, s'il est vrai que, contenus par ces pensées effrayantes, ils doivent se conduire avec plus de modération et d'honnêteté; car il leur sera bien plus utile de ne pas être injustes par la crainte de ce qui peut leur arriver après la mort, que de commettre des injustices qui les livreraient pour toute la vie à la méfiance et à la crainte.

[26] 219 « Pour le vulgaire, outre la crainte des peines de l'enfer, l'espérance de cette éternité que la mythologie nous promet, ce désir de l'immortalité, de toutes nos affections la plus ancienne et la plus vive, surpassent infiniment en douceur et en plaisir cette terreur puérile. Aussi, après avoir perdu leurs femmes, leurs enfants et leurs amis, aiment-ils mieux encore exister quelque part et vivre dans la peine que d'être dans une dissolution totale et réduits au néant. Us entendent avec plaisir les expressions qui leur donnent lieu de penser qu'un mort n'a fait que changer de place, qu'il est passé de cette vie dans une autre, et qui prouvent seulement un changement dans l'âme, et non une entière destruction. Ils se disent donc :

Là de mes vrais amis j'aurai le souvenir;

ou bien :

Pour Hector aux enfers de quoi me chargez-vous?
 Que faut-il que je dise à votre vieil époux?

De là est née l'opinion qu'on soulage sa douleur en ensevelissant avec les morts les armes, les meubles et les vêtements dont ils avaient coutume de se servir. Ainsi Minos mit dans le tombeau de Glaucus (40)

Les instruments chéris de ce fils malheureux.

On leur donne avec plaisir les choses qu'on croit qu'ils désirent et qu'ils demandent après leur mort, comme Périandre fit brûler avec le corps de sa femme les habillements qu'elle avait portés, parce qu'il imagina qu'elle les lui demandait pour se garantir contre le froid (41). Eacus, 220 Ascalaphe (42) et l'Achéron n'effraient point le commun des hommes, puisqu'ils font souvent en leur honneur des chœurs de danse et de musique, des spectacles et des jeux de toute espèce.

« Mais tous ils redoutent l'image de la mort, quand on la leur peint hideuse et effroyable, privant l'homme de tout sentiment, le plongeant dans l'oubli et dans l'ignorance de toutes choses. Ils «frissonnent d'horreur quand on leur dit : un tel a péri, un tel n'est plus ; il leur est insupportable d'entendre dire :

Dans le sein de la terre à pourrir condamné,
On ne le verra plus à table couronné.
Se plaire aux sons flatteurs d'une touchante lyre,

ou bien :

Dès que l'homme en son corps a vu s'éteindre l'âme,
Il n'est plus de moyen d'en rallumer la flamme.

 

[27] XXVII. Ἣν καὶ προεπισφάττουσιν οἱ ταυτὶ λέγοντες

« Ἅπαξ ἄνθρωποι γεγόναμεν, δὶς δ´ οὐκ ἔστι γενέσθαι· δεῖ δὲ τὸν αἰῶνα μηκέτ´ εἶναι. » Καὶ γὰρ τὸ παρὸν ὡς μικρὸν μᾶλλον δὲ μηδ´ ὁτιοῦν πρὸς τὸ σύμπαν ἀτιμάσαντες ἀναπόλαυστον προΐενται, καὶ ὀλιγωροῦσιν ἀρετῆς καὶ πράξεως οἷον ἐξαθυμοῦντες καὶ καταφρονοῦντες ἑαυτῶν ὡς ἐφημέρων καὶ ἀβεβαίων καὶ πρὸς οὐθὲν ἀξιόλογον γεγονότων. Τὸ γάρ « ἀναισθητεῖν τὸ διαλυθὲν καὶ μηθὲν εἶναι πρὸς ἡμᾶς τὸ ἀναισθητοῦν » οὐκ ἀναιρεῖ τὸ τοῦ θανάτου δέος ἀλλ´ ὥσπερ ἀπόδειξιν αὐτοῦ προστίθησιν. αὐτὸ γὰρ τοῦτ´ ἐστὶν ὃ δέδοικεν ἡ φύσις·

« Ἀλλ´ ὑμεῖς μὲν πάντες ὕδωρ καὶ γαῖα γένοισθε »,

τὴν εἰς τὸ μὴ φρονοῦν μηδ´ αἰσθανόμενον διάλυσιν τῆς ψυχῆς, ἣν Ἐπίκουρος εἰς κενὸν καὶ ἀτόμους διασπορὰν ποιῶν ἔτι μᾶλλον ἐκκόπτει τὴν ἐλπίδα τῆς ἀφθαρσίας, δι´ ἣν ὀλίγου δέω λέγειν πάντας εἶναι καὶ πάσας προθύμους τῷ Κερβέρῳ διαδάκνεσθαι καὶ φορεῖν εἰς τὸν τρητόν, ὅπως ἐν τῷ εἶναι μόνον διαμένωσι μηδ´ ἀναιρεθῶσι. Καίτοι ταῦτα μέν, ὥσπερ ἔφην, οὐ πάνυ πολλοὶ δεδίασι, μητέρων ὄντα καὶ τιτθῶν δόγματα καὶ λόγους μυθώδεις, οἱ δὲ καὶ δεδιότες τελετάς τινας αὖ πάλιν καὶ καθαρμοὺς οἴονται βοηθεῖν, οἷς ἁγνισάμενοι διατελεῖν ἐν Ἅιδου παίζοντες καὶ χορεύοντες ἐν τόποις αὐγὴν καὶ πνεῦμα καθαρὸν καὶ φέγγος ἔχουσιν. Ἡ δὲ τοῦ ζῆν στέρησις ἐνοχλεῖ καὶ νέους καὶ γέροντας·

« Δυσέρωτες γὰρ φαινόμεθ´ ὄντες
τοῦδ´, ὅ τι τόδε στίλβει κατὰ γῆν »

ὡς Εὐριπίδης φησίν. Οὐδὲ ῥᾳδίως οὐδ´ ἀλύπως ἀκούομεν

« Ὣς ἄρ´ εἰπόντα μιν τηλαυγὲς ἀμβρόσιον
ἐλασίππου πρόσωπον ἀπέλιπεν ἁμέρας ».

[28] XXVIII. Διὸ τῇ δόξῃ τῆς ἀθανασίας συναναιροῦσι τὰς ἡδίστας ἐλπίδας καὶ μεγίστας τῶν πολλῶν. Τί δῆτα τῶν ἀγαθῶν οἰόμεθα καὶ βεβιωκότων ὁσίως καὶ δικαίως, - - - κακὸν μὲν οὐθὲν ἐκεῖ τὰ δὲ κάλλιστα καὶ θειότατα προσδοκῶσι; πρῶτον μὲν γάρ, ἀθληταὶ στέφανον οὐκ ἀγωνιζόμενοι λαμβάνουσιν ἀλλ´ ἀγωνισάμενοι καὶ νικήσαντες, οὕτως ἡγούμενοι τοῖς ἀγαθοῖς τὰ νικητήρια τοῦ βίου μετὰ τὸν βίον ὑπάρχειν θαυμάσιον οἷον φρονοῦσι τῇ ἀρετῇ πρὸς ἐκείνας τὰς ἐλπίδας· ἐν αἷς ἐστι καὶ τοὺς νῦν ὑβρίζοντας ὑπὸ πλούτου καὶ δυνάμεως καὶ καταγελῶντας ἀνοήτως τῶν κρειττόνων ἐπιδεῖν ἀξίαν δίκην τίνοντας. Ἔπειτα τῆς ἀληθείας καὶ θέας τοῦ ὄντος οὐδεὶς ἐνταῦθα τῶν ἐρώντων ἐνέπλησεν ἑαυτὸν ἱκανῶς, οἷον δι´ ὁμίχλης ἢ νέφους τοῦ σώματος ὑγρῷ καὶ ταραττομένῳ τῷ λογισμῷ χρώμενος, ἀλλ´ ὄρνιθος δίκην ἄνω βλέποντες ὡς ἐκπτησόμενοι τοῦ σώματος εἰς μέγα τι καὶ λαμπρόν, εὐσταλῆ καὶ ἐλαφρὰν ποιοῦσι τὴν ψυχὴν ἀπὸ τῶν θνητῶν, τῷ φιλοσοφεῖν μελέτῃ χρώμενοι τοῦ ἀποθνήσκειν. Οὕτως μέγα τι καὶ τέλεον ὄντως ἀγαθὸν ἡγοῦνται τὴν τελευτήν, ὡς βίον ἀληθῆ βιωσομένην ἐκεῖ τὴν ψυχήν, οὐχ ὕπαρ νῦν ζῶσαν ἀλλ´ ὀνείρασιν ὅμοια πάσχουσαν. Εἰ τοίνυν « ἡδὺ πανταχόθεν ἡ φίλου μνήμη τεθνηκότος », ὥσπερ Ἐπίκουρος εἶπε, καὶ ἤδη νοεῖν πάρεστιν ἡλίκης ἑαυτοὺς χαρᾶς ἀποστεροῦσι φάσματα 〈μὲν〉 καὶ εἴδωλα τεθνηκότων ἑταίρων οἰόμενοι δέχεσθαι καὶ θηρεύειν, οἷς οὔτε νοῦς ἐστιν οὔτ´ αἴσθησις, αὐτοῖς δὲ συνέσεσθαι πάλιν ἀληθῶς καὶ τὸν φίλον πατέρα καὶ τὴν φίλην μητέρα καί που γυναῖκα χρηστὴν ὄψεσθαι μὴ προσδοκῶντες μηδ´ ἔχοντες ἐλπίδα τῆς ὁμιλίας ἐκείνης καὶ φιλοφροσύνης, ἣν ἔχουσιν οἱ τὰ αὐτὰ Πυθαγόρᾳ καὶ Πλάτωνι καὶ Ὁμήρῳ περὶ ψυχῆς δοξάζοντες. ᾯ δ´ ὅμοιόν ἐστιν αὐτῶν τὸ πάθος, Ὅμηρος ὑποδεδήλωκεν, εἴδωλον τοῦ Αἰνείου καταβαλὼν εἰς μέσον τοῖς μαχομένοις ὡς τεθνηκότος, εἶθ´ ὕστερον αὐτὸν ἐκεῖνον ἀναδείξας « ζωὸν καὶ ἀρτεμέα προσιόντα καὶ μένος ἐσθλὸν ἔχοντα » τοῖς φίλοις, « οἱ δ´ ἐχάρησαν » φησί, καὶ τὸ εἴδωλον μεθέμενοι περιέσχον αὐτόν. Οὐκοῦν καὶ ἡμεῖς τοῦ λόγου δεικνύοντος, ὡς ἔστιν ἐντυχεῖν ἀληθῶς τοῖς τεθνεῶσι καὶ τῷ φιλοῦντι τοῦ φρονοῦντος αὐτοῦ καὶ φιλοῦντος ἅψασθαι καὶ συγγενέσθαι, - - - μὴ δυναμένους μηδ´ ἀπορρῖψαι τὰ εἴδωλα πάντα καὶ τοὺς φλοιούς, ἐφ´ οἷς ὀδυρόμενοι καὶ κενοπαθοῦντες διατελοῦσιν.

Aussi y en a-t-il qui s'immolent sur les bûchers de leurs amis, à cette seule pensée que les hommes ne naissent qu'une fois, qu'ils ne peuvent retourner à la vie, que le temps est fini pour eux. Comme la vie présente comparée à l'éternité leur paraît un point, ou plutôt un néant, ils la méprisent, ils n'en font aucun cas, ils la passent dans la privation de toute jouissance ; ils négligent les actions vertueuses, parce qu'ils tombent dans le découragement et dans le mépris d'eux-mêmes, et qu'ils ne se regardent que comme des êtres éphémères et fragiles, qui ne sont destinés à rien de grand. L'opinion que l'homme est entièrement insensible après sa mort, et que ce qui n'a plus de sentiment ne nous intéresse en rien, nous ôte moins la 221 crainte de la mort qu'elle ne nous donne la démonstration de sa certitude.

Puissiez-vous devenir de la terre et de l'eau  !

a dit un poète. Voilà ce que la nature redoute le plus : cette dissolution de l'âme en une substance qui n'a plus ni pensée ni sentiment. Et Épicure, qui prétend que cette dissolution se fait en vides et en atomes, nous ôte encore bien plus par cette opinion tout espoir de l'immortalité; espérance pour laquelle j'oserais presque dire que tous les mortels, hommes et femmes, ne craindraient pas d'affronter la rage de Cerbère, ou se verraient condamnés sans peine à remplir le tonneau des Danaïdes, pourvu qu'ils fussent assurés d'exister et de ne pas être totalement anéantis. Mais, comme je l'ai déjà dit, il est peu de personnes qui craignent ces opinions qu'ils traitent de pures fictions et de contes de vieilles mères et de nourrices, et ceux qui les craignent ont recours à des expiations, à des initiations aux mystères qu'ils croient leur être d'un grand secours ; persuadés qu'elles servent à les purifier, ils espèrent qu'ils seront éternellement dans les Champs-Elysées, occupés de jeux et de danses, avec les âmes heureuses qui y jouissent d'un air doux, d'un ciel serein et d'une lumière pure. Mais l'idée d'une privation totale de la vie attriste également les jeunes gens et les vieillards.

Car tous nous regrettons l'astre qui nous éclaire,
Lorsqu'il porte ses feux dans un autre hémisphère,

comme dit Euripide, et nous n'entendons pas sans un véritable chagrin ces tristes paroles :

Comme il parlait encor, l'astre brillant des jours
De ses destins brillants vint terminer le cours.

 

XXVIII. Ôter donc au commun des hommes l'idée de l'immorta- 222 lité, c'est leur enlever leurs plus douces espérances.

« Que serai-ce donc pour les gens de bien, qui, ayant toujours mené une vie juste et pure, ne craignent aucun mal après la mort, et n'attendent au contraire qu'un sort parfaitement heureux, qu'une béatitude céleste? D'abord, comme les athlètes ne reçoivent jamais la couronne pendant le combat, mais seulement après la victoire, eux aussi, persuadés qu'après cette vie ils recevront le prix destiné aux hommes vertueux qui auront triomphé de leurs passions, ils ont la plus grande confiance en leur vertu ; ils conçoivent la plus légitime espérance de voir un jour punis de leur orgueilleuse fierté ceux qui, enflés de leurs richesses et de leur puissance, insistent avec un mépris insensé à des hommes bien meilleurs qu'eux. En second lieu, aucun de ceux qui se sont livrés à la recherche et à la contemplation de la vérité n'a jamais pu satisfaire dans cette vie l'amour dont il était embrasé pour elle, parce qu'il ne la voyait qu'à travers le nuage épais de ses sens corporels, aidé d'une raison faible et troublée par les passions : semblable à un oiseau qui prend son essor dans les airs, il n'aspire qu'à s'envoler de ce corps, pour aller dans un séjour vaste et lumineux ; il travaille à dégager son âme du poids des affections terrestres ; il regarde la philosophie comme une étude de la mort. Aussi, pour les gens vertueux, la mort est-elle le bien le plus grand et le plus parfait, parce que c'est alors que leur âme vit véritablement, au lieu que cette vie n'en est pas une réelle, mais un songe et une illusion. Si donc le souvenir d'un ami que la mort nous a enlevé nous est toujours si agréable, comme le dit Épicure lui-même, de quelle joie ne se privent pas ces philosophes, qui espèrent voir en songe les ombres et les images de leurs amis morts, puisque, selon eux, ce ne sont que des spectres vains, que des fantômes privés de toute intelligence et de tout sentiment. Ils ne se promettent pas d'être réellement un jour dans 223 leur société, de voir un père, une mère chérie, une épouse vertueuse ; ils n'ont pas l'espérance de s'entretenir avec eux, et de vivre dans cette union si douce qui fait l'attente de ceux qui professent sur la nature de l'âme les mêmes principes que Pythagore, Platon et Homère. Ce dernier, ce me semble, nous montre, quoique d'une manière un peu obscure, quelle affection éprouvent à cet égard ceux qui pensent ainsi, quand il fait paraître au milieu des combattants l'image d'Énée, comme s'il eût été mort, et qu'ensuite il le montre vivant à ses amis, qui sont, dit-il, remplis de joie en le voyant

S'avancer d'un pied ferme et d'un air intrépide,
Brûlant de signaler la valeur qui le guide (43) ;

alors ses compagnons, abandonnant son simulacre, se rangent autour de lui. Nous aussi, puisque la raison nous démontre qu'un jour nous vivrons véritablement avec ceux qui sont morts, et que nous nous réunirons à nos amis, n'écoutons pas ceux qui, ne pouvant se le persuader, s'attachent à des écorces, à des ombres vaines, et passent leur vie à souffrir et à se plaindre.

 

[29] XXIX. Ἄνευ δὲ τούτου, οἱ μὲν ἑτέρου βίου τὸν θάνατον ἀρχὴν κρείττονος νομίζοντες, ἐάν τ´ ἐν ἀγαθοῖς ὦσι, μᾶλλον ἥδονται μείζονα προσδοκῶντες· ἄν τε μὴ κατὰ γνώμην τῶν ἐνταῦθα τυγχάνωσιν, οὐ πάνυ δυσχεραίνουσιν, ἀλλ´ αἱ τῶν μετὰ τὸν θάνατον ἀγαθῶν καὶ καλῶν ἐλπίδες ἀμηχάνους ἡδονὰς καὶ προσδοκίας ἔχουσαι πᾶν μὲν ἔλλειμμα πᾶν δὲ πρόσκρουσμα τῆς ψυχῆς ἐξαλείφουσι καὶ ἀφανίζουσιν ὥσπερ ἐν ὁδῷ μᾶλλον δ´ ὁδοῦ παρατροπῇ βραχείᾳ ῥᾳδίως τὰ συντυγχάνοντα καὶ μετρίως φερούσης. Οἷς δ´ ὁ βίος εἰς ἀναισθησίαν περαίνει καὶ διάλυσιν, τούτοις ὁ θάνατος οὐ τῶν κακῶν μεταβολὴν 〈ἀλλὰ τῶν ἀγαθῶν ἀποβολὴν〉 ἐπιφέρων, ἀμφοτέροις μέν ἐστι λυπηρός, μᾶλλον 〈δὲ〉 τοῖς εὐτυχοῦσιν ἢ τοῖς ἐπιπόνως ζῶσι; τούτων μὲν γὰρ ἀποκόπτει τὴν ἄδηλον ἐλπίδα τοῦ πράξειν ἄμεινον, ἐκείνων δὲ βέβαιον ἀγαθόν, τὸ ἡδέως ζῆν, ἀφαιρεῖται.

Καὶ καθάπερ οἶμαι τὰ μὴ χρηστὰ τῶν φαρμάκων ἀλλ´ ἀναγκαῖα, κουφίζοντα τοὺς νοσοῦντας ἐπιτρίβει καὶ λυμαίνεται τοὺς ὑγιαίνοντας, οὕτως ὁ Ἐπικούρου λόγος τοῖς μὲν ἀθλίως ζῶσιν οὐκ εὐτυχῆ τοῦ κακῶς πράσσειν τελευτὴν ἐπαγγέλλεται τὴν διάλυσιν καὶ ἀναίρεσιν τῆς ψυχῆς, τῶν δὲ φρονίμων καὶ σοφῶν καὶ βρυόντων ἀγαθοῖς παντάπασι κολούει τὸ εὔθυμον, ἐκ τοῦ ζῆν μακαρίως εἰς τὸ μὴ ζῆν μηδ´ εἶναι καταστρέφων. Αὐτόθεν μὲν οὖν ἐστι δῆλον, ὡς ἀγαθῶν ἀποβολῆς ἐπίνοια λυπεῖν πέφυκεν, ὅσον ἐλπίδες βέβαιοι καὶ ἀπολαύσεις εὐφραίνουσι παρόντων.

[30] XXX. Οὐ μὴν ἀλλὰ καὶ λέγουσιν αὑτοῖς κακῶν ἀπαύστων {καὶ} ἀορίστων λυθεῖσαν ὑποψίαν ἀγαθὸν βεβαιότατον καὶ ἥδιστον ἀπολιπεῖν τὴν ἐπίνοιαν τοῦ λελύσθαι· καὶ τοῦτο ποιεῖν τὸν Ἐπικούρου λόγον, ἱστάντα τοῦ θανάτου τὸ δέος ἐν τῇ διαλύσει τῆς ψυχῆς. Εἴπερ οὖν ἥδιστόν ἐστιν ἀπαλλαγὴ προσδοκίας κακῶν ἀπείρων, πῶς οὐκ ἀνιαρὸν αἰωνίων ἀγαθῶν ἐλπίδος στερεῖσθαι καὶ τὴν ἀκροτάτην εὐδαιμονίαν ἀποβαλεῖν; ἀγαθὸν μὲν γὰρ οὐδετέροις, ἀλλὰ πᾶσι τοῖς οὖσι τὸ μὴ εἶναι παρὰ φύσιν καὶ ἀλλότριον· ὧν δ´ ἀφαιρεῖ τὰ τοῦ βίου κακὰ τῷ τοῦ θανάτου κακῷ, τὸ ἀναίσθητον ἔχουσι παραμύθιον ὥσπερ ἀποδιδράσκοντες, καὶ τοὐναντίον, οἷς ἐξ ἀγαθῶν εἰς τὸ μηδὲν μεταβολή, φοβερώτατον ὁρῶσι τέλος, ἐν ᾧ παύσεται τὸ μακάριον. Οὐ γὰρ ὡς ἀρχὴν ἑτέρου τὴν ἀναισθησίαν δέδιεν ἡ φύσις, ἀλλ´ ὅτι τῶν παρόντων ἀγαθῶν στέρησίς ἐστι. Τὸ γάρ « οὐ πρὸς ἡμᾶς » παντὸς ἀναιρέσει τοῦ ἡμετέρου γινόμενον ἤδη πρὸς ἡμᾶς ἐστι τῇ ἐπινοίᾳ, καὶ τὸ ἀναίσθητον οὐ λυπεῖ τότε τοὺς μὴ ὄντας, ἀλλὰ τοὺς ὄντας εἰς τὸ μὴ εἶναι βαπτομένους ὑπ´ αὐτοῦ καὶ μηδαμῶς ἐκδυσομένους.

Ὅθεν οὐδ´ ὁ Κέρβερος οὐδ´ ὁ Κωκυτὸς ἀόριστον ἐποίησε τοῦ θανάτου τὸ δέος, ἀλλ´ ἡ τοῦ μὴ ὄντος ἀπειλή, μεταβολὴν εἰς τὸ εἶναι πάλιν οὐκ ἔχουσα τοῖς φθαρεῖσι· « δὶς γὰρ οὐκ ἔστι γενέσθαι, δεῖ δὲ τὸν αἰῶνα μὴ εἶναι » κατ´ Ἐπίκουρον. Εἰ γάρ ἐστι πέρας τῷ {εἶναι τὸ} μὴ εἶναι, τοῦτο δ´ ἀπέραντον καὶ ἀμετάστατον, εὕρηται κακὸν αἰώνιον ἡ τῶν ἀγαθῶν στέρησις ἀναισθησίᾳ μηδέποτε παυσομένῃ. Καὶ σοφώτερος Ἡρόδοτος εἰπὼν ὡς « ὁ θεὸς γλυκὺν γεύσας τὸν αἰῶνα φθονερὸς ἐν αὐτῷ ὢν φαίνεται », καὶ μάλιστα τοῖς εὐδαιμονεῖν δοκοῦσιν, οἷς δέλεάρ ἐστι λύπης τὸ ἡδύ, γευομένοις ὧν στερήσονται. Τίνα γὰρ εὐφροσύνην ἢ ἀπόλαυσιν καὶ βρυασμὸν οὐκ ἂν ἐκκρούσειε καὶ καταποντίσειεν ἐμπίπτουσα συνεχῶς ἡ ἐπίνοια τῆς ψυχῆς ὥσπερ εἰς πέλαγος ἀχανὲς τὸ ἄπειρον ἐκχεομένης, τῶν ἐν ἡδονῇ τιθεμένων τὸ καλὸν καὶ μακάριον;

εἰ δὲ δὴ καὶ μετ´ ἀλγηδόνος, ὥσπερ Ἐπίκουρος οἴεται, τοῖς πλείστοις ἀπόλλυσθαι συμβαίνει, παντάπασιν ἀπαρηγόρητός ἐστιν ὁ τοῦ θανάτου φόβος, εἰς ἀγαθῶν στέρησιν διὰ κακῶν ἄγοντος.

[31] XXI. Καὶ πρὸς ταῦτα μὲν οὐκ ἀποκαμοῦνται μαχόμενοι καὶ βιαζόμενοι πάντας ἀνθρώπους, ἀγαθὸν μὲν ἡγεῖσθαι τὴν τῶν κακῶν ἀποφυγήν, κακὸν δὲ μηκέτι νομίζειν τὴν τῶν ἀγαθῶν στέρησιν· ἐκεῖνο δ´ ὁμολογοῦσι, τὸ μηδεμίαν ἐλπίδα μηδὲ χαρὰν ἔχειν τὸν θάνατον ἀλλ´ ἀποκεκόφθαι πᾶν τὸ ἡδὺ καὶ τὸ ἀγαθόν. Ἐν ᾧ χρόνῳ πολλὰ καλὰ καὶ μεγάλα καὶ θεῖα προσδοκῶσιν οἱ τὰς ψυχὰς ἀνωλέθρους εἶναι διανοούμενοι καὶ ἀφθάρτους ἢ μακράς τινας χρόνων περιόδους νῦν μὲν ἐν γῇ νῦν δ´ ἐν οὐρανῷ περιπολούσας, ἄχρις οὗ συνδιαλυθῶσι τῷ κόσμῳ, μεθ´ ἡλίου καὶ σελήνης εἰς πῦρ νοερὸν ἀναφθεῖσαι. Τοιαύτην χώραν ἡδονῶν τοσούτων Ἐπίκουρος ἐκτέμνεται, καὶ ἐπὶ ταῖς ἐκ θεῶν ἐλπίσιν, ὥσπερ εἴρηται, καὶ χάρισιν ἀναιρεθείσαις τοῦ θεωρητικοῦ τὸ φιλομαθὲς καὶ τοῦ πρακτικοῦ τὸ φιλότιμον ἀποτυφλώσας εἰς στενόν τι κομιδῇ καὶ οὐδὲ καθαρὸν τὸ ἐπὶ τῇ σαρκὶ τῆς ψυχῆς χαῖρον συνέστειλε καὶ κατέβαλε τὴν φύσιν, ὡς μεῖζον ἀγαθὸν τοῦ τὸ κακὸν φεύγειν οὐδὲν ἔχουσαν. »

XXIX. « Mais, sans cela, ceux qui pensent que la fin de cette vie est le commencement d'une meilleure, s'ils sont dans la prospérité, meurent avec d'autant plus de satisfaction, qu'après la mort, ils espèrent de plus grands biens. Ils en sortent avec moins de regret : l'espérance des biens qui leur sont destinés dans une autre vie les remplit d'une volupté inexprimable et d'une attente délicieuse ; elle efface de leur âme toutes les imperfections qu'elle peut avoir contractées, et leur fait supporter avec modération tous les accidents qui leur arrivent dans le chemin, ou plutôt dans le court sentier de la vie. Pour ceux qui regardent la mort comme une privation de tout sentiment, 224 ils n'en espèrent pas un changement à leurs maux ; sa perspective est affligeante dans l'une et l'autre fortune, mais plus encore dans la prospérité que dans le malheur. Elle ôte aux malheureux l'espérance douteuse d'une meilleure vie, et aux personnes heureuses un bien certain dans la vie agréable qu'elles menaient.

« Les drogues médicinales désagréables en soi, mais nécessaires, soulagent les malades et font beaucoup de mal à ceux qui se portent bien. De même la doctrine d'Épicure ne promet pas une fin heureuse à ceux qui vivent dans l'infortune, et à ceux qui sont dans la prospérité, elle ne leur annonce que la dissolution, que l'anéantissement total de leur âme ; aux gens sages et prudents qui sont dans l'abondance des biens, elle leur ôte la tranquillité de l'esprit, en les faisant passer d'une vie heureuse à une privation entière de la vie. Il est évident que l'idée de la perte de tous les biens fait autant de peine que leur espérance certaine ou leur jouissance actuelle causent de plaisir.

Mais les épicuriens prétendent que la pensée d'un anéantissement total donne, à leur âme un bien aussi agréable que solide, en leur ôtant la crainte de maux infinis et éternels, et ils s'en avouent redevables à la doctrine d'Épicure, qui arrête les frayeurs de la mort par l'idée de la dissolution de l'âme. Cependant si c'est un très grand bien que d'être délivré de l'attente de maux infinis, n'est-ce pas aussi un très grand sujet de tristesse que de perdre l'espérance de biens éternels, et d'avoir à renoncer à une souveraine félicité? Ce n'est pas un bien dans l'une et dans l'autre fortune, que de ne pas exister: c'est en général pour tous les hommes un état contraire à la nature. Ceux que la mort délivre des maux de la vie n'ont pour toute consolation dans cette doctrine que l'insensibilité ; ce n'est pas sortir, mais s'enfuir de la vie. Au contraire, ceux qui de la prospérité tombent dans le néant, ne peuvent voir dans la mort qu'un terme redoutable où  225 finira leur bonheur. .Car la nature ne craint pas l'insensibilité comme le commencement d'un nouveau mal, mais comme la privation de tous les biens actuels. Cet état, qui, selon ces philosophes, ne nous intéresse en rien, et qui suit la perte de tout ce que nous possédons, nous affecte au moins par la pensée. L'insensibilité ne peut pas affliger ceux qui n'existent pas, mais elle touche ceux qui vivent actuellement et qui pensent au mal qu'elle leur fera en les réduisant au néant.

« Ce n'est donc ni Cerbère ni le Cocyte qui rendent infinie la crainte de la mort : c'est cette menace d'un anéantissement total qui ne laisse plus aucun espoir de revenir à l'existence. Car il est impossible de naître une seconde fois, et, comme le dit Épicure, il faut ne plus être éternellement. Or, si c'est un mal de ne pas exister, et que ce mal ne doive avoir ni fin ni changement, ce sera donc un mai éternel que cette privation de biens dont le terme sera une insensibilité qui ne finira jamais. Hérodote pensait plus sagement lorsqu'il disait que Dieu, qui connaissait la douceur de l'éternité, en avait envié la jouissance aux hommes, et surtout à ceux qui passent pour heureux dans le monde, et qui ont dès à présent, dans la douceur des biens dont la mort les privera, une source de peines et de chagrins (44). En effet, quelle joie, quelle jouissance, quelle volupté n'amortirait pas cette pensée présente à l'âme de ceux qui font consister dans le plaisir le souverain bien et la suprême félicité, qu'elle tombera dans un néant infini, comme dans une mer sans fond?

« Si la plupart des hommes meurent au milieu des douleurs, comme le croit Épicure, il ne leur reste plus aucune consolation contre la crainte de la mort, puisqu'elle les conduit par des maux réels à la privation de 226 tous les biens.

XXXI. Cependant les épicuriens ne cessent de dire le contraire, ils veulent forcer tous les hommes à regarder comme un bien l'exemption des maux, et à croire que la privation des biens n'est pas un mal. En attendant ils conviennent que la mort ne laisse ni espérance ni joie, qu'elle met fin à tous les plaisirs et à tous les biens ; mais au contraire, c'est alors que la destinée la plus belle et la plus heureuse est l'attente de ceux qui croient que les âmes sont incorruptibles et éternelles, ou du moins que pendant de longs périodes de temps elles existent tantôt sur la terre, tantôt dans le ciel, jusqu'à ce qu'entraînées dans la dissolution générale de l'univers, elle seront changées, comme le soleil et la lune, en un feu intellectuel. Épicure donc enlève à l'homme cette source féconde des plus vifs plaisirs, en détruisant, comme je l'ai montré, l'espérance que nous avons en la Divinité, et les biens que nous en attendons; en éteignant dans la faculté contemplative de l'âme le désir de savoir, et dans la faculté active l'amour de la gloire, il réduit la nature à ces joies viles et méprisables que l'âme ne doit qu'aux sensations corporelles, comme si le plus grand bien dont elle fût susceptible était d'éviter le mal.»

01) Épicure était né à Gargette, un des bourgs d'Athènes, la troisième année de la cent neuvième olympiade, sept ans après la mort de Platon ; et il y mourut à l'âge de soixante-douze ans, la deuxième année de la cent vingt-septième olympiade.

(02) Métrodore fut un des plus célèbres disciples d'Épicure.

(03) Celle herbe médique est la luzerne. Les Grecs, dit Pline le Naturaliste, liv. XVIII, chap. xvi, lui ont donné le nom de médique parce qu'elle leur est venue de Médie au temps où Darius, roi de Perse, leur fit la guerre.

(04) C'est sans doute une allusion au verger dans lequel Épicure tenait son école à Athènes.  

(05) Les cyrénaïques, ainsi nommés de leur chef Aristippe, qui était de Cyrène en Afrique, faisaient aussi consister le bonheur de l'homme dans la volupté.

(06) Hédia et Léontium étaient deux courtisanes avec lesquelles on reprochait à Épicure d'avoir des habitudes fréquentes, au rapport de Diogène  Laërce dans la Vie de ce philosophe. Ce Carnéade n'était point l'académicien célèbre qui fut envoyé en députation à Rome. Celui-ci, beaucoup plus ancien, était le contemporain et l'ami d'Épicure. Le même Diogène rapporte que Métrodore de Stratonice, différent de celui dont il est parlé dans ce traité, fut le seul des disciples d'Épicure,qui, presque accablé des bontés de son maîtte, l'eût quitté pour suivre Carnéade.

(07) Île voisine de la Thrace, qui produisait du vin très estimé des anciens.

(08) Les repas dont Plutarque parle ici, et qu'il appelle εἰκάδας, étaient ceux que les épicuriens célébraient tous les mois en mémoire de leur maître, et pour lesquels Épicure avait assigné des fonds dans son testament, comme on le voit dans Diogène Laërce.

(09) Polyène de Lampsaque fui un ami particulier d'Épicure. Diogène Laërce nomme deux frères de ce dernier, Néoclès et Aristobule. Est-ce Plutarque qu'il faut corriger par Diogène Laërce, ou celui-ci par Plutarque? C'est ce qu'on ne saurait décider.

(10) Phérécyde, contemporain de Thaïes et de Pythagore, mourut, dit-on, de la maladie pédiculaire, et Héraclite de l'hydropisie.

(11) Lacharès s'était emparé de l'autorité dans Athènes déchirée par différentes factions du temps de Démétrius Poliorcète ; mais quand il vit ce prince s'approcher de cette ville pour y mettre le siège, il l'abandonna.

(12) Le proverbe grec auquel Plutarque fait allusion, dit mot à mot : du bœuf on prend la courroie. On faisait avec le cuir du bœuf des lanières ou des fouets dont on se servait pour conduire ces animaux. L'application du proverbe est aisée à faire.  

(13) Cet ouvrage d'Eudoxe est perdu.

(14) Le premier de ces ouvrages est perdu ; la Politique de ce philosophe, en huit livres, nous est parvenue.

(15)  Cet ouvrage d'Arisloxène conterait les Vies de plusieurs philosophes célèbres, entre autres de Pythagore, d'Archytas, de Socrate et de Platon.

(16) Voyez dans la Cyropédie, liv. VI et VII, l'histoire touchante de Panthée et d'Abradate.

(17) Cet Aristobale de Cassandrée avait écrit l'histoire d'Alexandre.

(18) Théopompe de Chio, disciple de l'orateur Isocrate, fut un célèbre historien. Je ne sais si celte Thisbé est la femme du tyran de Phères, qu'elle fit assassiner par ses frères. Théopompe avait écrit l'histoire de la Grèce, et son sujet pouvait l'avoir conduit à parler de cette femme.

(19) hamyras était un personnage d'une tragédie de Sophocle, laquelle même portait son nom.

(20) Ce tableau de Nicias est un des plus célèbres de l'antiquité. Le prix qu'il en refusa est énorme ; il monte à plus de trois cent mille livres de notre monnaie.

(21)  Ce Philippe, né à Médane, ville du pays des Bruttiens en Italie, fut disciple de Platon, el s'appliqua à l'astronomie.

(22) Diogène Laërce, dans la Vie de Pythagore. rapporte, d'après ce même Apollodore, que ce philosophe immola une hécatombe pour avoir découvert le premier des deux problèmes dont parle Plutarque.

(23) Tout le monde connaît la solution du problème qu'Hiéron proposa à Archimède pour découvrir la fraude d'un ouvrier qu'il avait chargé de faire une couronne d'or, et qui fut soupçonné de n'y avoir pas employé tout ce qui lui avait été remis. Archimède, occupé de ce problème, s'en alla au bain, et ayant remarqué qu'à mesure qu'il entrait plus avant dans la cuve l'eau s'en allait par-dessus les bords, il en sortit sur-le-champ en criant de toutes ses forces : Je l'ai trouvé! et il courut tout nu chez lui pour achever la démonstration de sa découverte.

(24) Ce Pythoclès était un jeune homme admirablement beau, au rapport de Diogène Laërce, qui cité, d'après des auteurs contemporains d'Épicure, des paroles très passionnées de ce philosophe, et qui rapporte aussi un fragment d'une lettre de lui à Pythoclès, à qui il disait : Fuyez précipitamment, heureux jeune homme, toutes sortes de discipline. Mais Diogène Laërce n'a pas l'air de croire à ces imputations.

(25) Aristote avait composé plusieurs écrits sur Homère, dont on voit la liste dans Fabricius, Bibl. gr., tom II, pag. 195. Héraclide de l'ont avait composé des commentaires sur Homère, Eschyle, Euripide, et sur plusieurs autres écrivains célèbres. Dicéarque avait également commenté les anciens poètes.

(26)  Simonide vécut longtemps à la cour d'Hiéron, tyran de Syracuse ; Ménalippide el Euripide étaient fort avant dans la faveur d'Archélaüs, roi de Macédoine. Ce Cratès était de Malles, ville de Cilicie, grammairien, ami d'Atalle, roi de Pergame. Diodore ne m'est point connu.

(27) Il s'agit ici de Plolomée-Soter, qui, après la mort d'Alexandre, eut l'Égypte en partage, el qui protégea beaucoup les sciences. Il était lui-même homme de génie, et son fils Ptolémée-Philadelphe, son successeur et l'héritier de son goût pour les sciences, fonda à Alexandrie une école de médecine el celle immense bibliothèque, détruite depuis par le fanatisme des Arabes.   

(28) Muances, en musique, signifie les changements qui pouvaient arriver dans la suite d'un chant ou d'une modulation.

(29) Il fait allusion à ce qui est rapporté dans le traité suivant, lequel avait été écrit avant celui-ci. Ce Mythras avait été fait prisonnier par les Athéniens, et apparemment que Métrodore allait le visiter au Pirée, dont il était éloigné de quarante stades.

(30) Il s'agit de Stagyre, patrie d'Aristote, qui en avait obtenu d'Alexandre le rétablissement.

(31) Ce sont trois oracles, dont le premier regarde Épaminondas; le second, Marcellus, le vainqueur d'Annibal, et le troisième, Lycurgue. Le dernier est rapporté par Xénophon dans son Apologie de Socrate.

(32) Thrasybule est celui qui revint à la tête des exilés d'Athènes lors de l'expulsion des trente tyrans.

(33)  Ada était reine de Carie, et elle avait fait alliance avec Alexandre, de qui elle fut traitée d'une manière très honorable. Connaissant peu le caractère de ce prince, et jugeant de lui par la mollesse des souverains efféminés de l'Asie, elle croyait lui témoigner sa reconnaissance par l'offre qu'elle lui faisait.

(34) Ce Philoxène était gouverneur de la Cilicie.

(35) Voyez ce trait d'histoire dans le traité des Actions courageuses des Femmes.

(36)  Ce mot de Callicratidas est tiré de Xénophon, liv. I de son Histoire grecque, pag. 444, el le commentateur de cet historien dit que le général spartiate accusait par là Conon de chercher par des menées secrètes à se rendre maître de la mer.

(37) Cette dernière phrase, où commence une nouvelle matière dans laquelle Plutarque va comparer la superstition avec l'athéisme, n'a point de liaison avec ce qui précède depuis le commencement de l'alinéa. Ce défaut de liaison me porte à croire qu'il y a ici une lacune.

(38) Cet Hermogène est celui dont il est question dans l'Apologie de Socrate par Xénophon.

(39) C'étaient Castor et Pollux ; ce nom veut dire filt de Jupiter» Les anciens donnaient le nom de Castor ei Pollux aux feux qui paraissent ordinaire, ment à la fin des tempêtes, et qu'on regarde aujourd'hui comme un effet de l'électricité.

(40) Glaucus était fils de Minos, roi de Crète; il fut étouffé dans un tonneau de miel, et rappelé à la vie par Polyde, à ce que dit Apollodore, liv. III. Le passage cité dans le texte doit être d'Eschyle ou d'Euripide , car ces deux poëtes avaient fait chacun une tragédie intitulée Glaucus.

(41) Pour les détails de cette histoire, voyez Hérodote, liv. V.

(42) Ascalaphe, fils de l'Achéron et de Gorgyra, est celui qui, lorsque Jupiter eut promis à Cérés qu'il lui rendrait sa fille Proserpine si elle n'avais rien mangé depuis qu'elle était dans les enfers, déclara qu'il lui avait vu-manger quelques pépins de grenade. Cérés, par vengeance, le métamorphosa en hibou.

(43) Allusion à deux endroits du Ve liv. de l'Iliade, v. 445 et 512.

(44) Ce passage d'Hérodote, qui se trouve dans le VIe livre de son Histoire, chap. XLVI, est un de ceux que Plutarque a blâmés dans son traité sur la Malignité d'Hérodote.