Flavius Josèphe

Flavius Josèphe

 

Contre Appion : livre I (7)

 

 

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Flavius Josèphe

 

Contre Apion

Avec deux traductions

 

Oeuvres complètes

trad. en français sous la dir. de Théodore Reinach,....   trad. de René Harmand,... ;

révisée et annotée par S. Reinach et J. Weill  E. Leroux, 1900-1932. Publications de la Société des études juives)  

 

Oeuvres complètes par Buchon

 

 

 

 

 

 

 

 

CHAPITRE VIII.

Témoignage des historiens grecs touchant la nation des Juifs qui en montrent aussi l'antiquité.

L'antiquité de notre race est donc évidente et ce que j'en ai  dit suffit pour obliger ceux qui n'ont pas d'obstination dans l'esprit à en demeurer d'accord. Mais pour convaincre même ceux qui traitent les autres peuples de barbares et veulent que l'on ne s'en rapporte qu'aux Grecs, je produirai des témoignages de leurs propres auteurs qui ont eu connaissance et ont écrit sur ce qui nous regarde. Pythagore, qui était de Samos.qui vivait il y a si longtemps, et qui a surpassé tous les autres philosophes par son admirable sagesse et son éminente vertu, n'a pas seulement eu connaissance de nos lois, mais les a suivies en plusieurs choses. Car encore que l'on ne trouve rien d'écrit par lui, on ne laisse pas d'être informé de ses sentiments par ce qu'en ont dit plusieurs historiens, dont le plus célèbre est Hermippus, qui était un excellent et très-exact historien. Il rapporte dans son premier livre touchant Pythagore qu'un des amis de ce grand personnage, nommé Caliphon, qui était de Crotone, étant mort, son âme ne l'abandonnait ni jour ni nuit, et lui donnait entre autres instructions de ne point passer par un lieu où un âne serait tombe; de ne boire point d'eau qui ne fut très-nette, et de ne médire jamais de personne; en quoi il était conforme aux sentiments des Grecs et des Thraces; et ce que dit cet auteur est très vrai, étant certain qu'il avait puisé dans les lois des Juifs une partie de sa philosophie.

Nos mœurs ont été aussi si estimées et si connues de diverses nations que plusieurs les ont embrassées, comme il paraît par ce que Théophraste en a écrit dans son livre des lois, où il dit que celles des Tyriens défendent de jurer par le nom d'aucun dieu étranger, c'est-à-dire des autres nations; et il met au nombre de ces serments défendus celui de corban, c'est-à-dire don de Dieu, dont il est constant qu'il n'y a que les Juifs qui fassent usage.

Notre nation n'a pas non plus été inconnue à Hérodote d'Halicarnasse, puisqu'il en fait mention en quelque sorte dans le second livre de son histoire, où, parlant de ceux de Colchos.il dit « II n'y a que ce peuple et les Egyptiens et les Éthiopiens qui observent de tout temps de se faire circoncire. Car les Phéniciens et les Syriens de Palestine demeurent d'accord que c'est des Égyptiens qu'il l'ont appris. Et quant aux autres Syriens qui habitent le long des fleuves de Thermodon et de Parlhénie, comme aussi les Nacrons qui leur sont voisins, ils reconnaissent que c'est de ceux de Cotchos qu'ils tiennent l'usage de la circoncision. Ces peuples sont donc les seuls qui l'ont embrassée à l'imitation des Égyptiens Mais quant aux Égyptiens et aux Éthiopiens je ne saurais dire lequel de ces deux peuples l'a prise de l'autre. » On voit par ce passage que cet auteur dit positivement que les Syriens de la Palestine se font circoncire. Or de tous les peuples de la Palestine il n'y a que les Juifs qui se font circoncire; et par conséquent c'est d'eux qu'il parle.

Chorilius, un ancien poète, compte aussi notre nation entre celles qui suivirent Xerxès, roi de Perse, dans la guerre qu'il fit aux Grecs; car qui peut douter que ce ne soit de nous que ce poète parle, puisqu'il dit que cette nation habite les montagnes de Solime, c'est-à dire de Jérusalem, et le long du lac Asphaltite qui est le plus grand de tous ceux qui sont en Syrie.

Je n'aurai pas de peine à faire voir que les plus célèbres des Grecs ont non seulement connu notre nation, mais l'ont extrêmement estimée. Cléarque, l'un des disciples d'Aristote, et qui ne cédât à nul autre de tous les philosophes péripatéticiens, introduit dans un dialogue de son premier livre du Sommeil Aristote son maître, qui parle en cette manière d'un Juif qu'il avait connu : « Je serais trop long si je voulais vous entretenir de tout le reste; et je me contenterai de vous dire ce qui vous donnera sujet d'admirer sa sagesse. — Vous ne sauriez, dit alors Hypérochide, nous obliger tous davantage. — Je commencerai donc, continua Aristote, pour ne pas manquer aux préceptes de la rhétorique, par ce qui regarde sa race. Il était Juif de nation et né dans la basse Syrie, dont les habitants actuels sont descendus de ces philosophes et sages des Indes que l'on nommait Chalans, et que les Syriens nomment Juifs, parce qu'ils demeurent dans la Judée dont la capitale a un nom assez difficile à prononcer; car elle s'appelle Jérusalem. Cet homme recevait avec beaucoup de bonté les étrangers qui venaient des provinces éloignées de la mer dans les villes qui en étaient proches. Il ne parlait pas seulement fort bien notre langue, mais il affectionnait beaucoup notre nation. Lorsque je voyageais dans l'Asie avec quelques uns de mes disciples il vint nous visiter; el dans les conférences que nous eûmes avec lui nom trouvâmes qu'il y avait beaucoup à apprendre en sa conversation. » Voilà ce que Cléarque rapporte qu'Aristote disait de ce Juif. A quoi il ajoute que sa tempérance et la pureté de ses mœurs étaient admirables. Je renvoie à cet auteur ceux qui en voudront savoir davantage, parce que je ne veux pas trop m'étendre sur ce sujet.

Hécatée Abdérite, qui n'était pas seulement un grand philosophe, mais d'une grande capacité dans les affaires d'état, et qui avait été nourri auprès d'Alexandre-le-Grand el de Ptolémée, roi d'Égypte. fils de Lagus. a écrit un livre entier sur ce qui regarde notre nation. J'en rapporterai brièvement quelque chose, et commencerai par marquer les temps. II parle de la bataille donnée par Ptolémée à Démétrius auprès de la ville de Gaza, onze ans après la mort d'Alexandre, en la cent dix-septième olympiade selon la supputation de Castor dans sa chronique, el dit.: « En ce même temps Ptolémée, fils de Lagus, vainquit auprès de Gaza, dans une bataille, Démétrius, fils d'Antigone, surnommé Polyorcètes, c'est-à-dire destructeur de villes »r Or tous les historiens demeurent d'accord qu'Alexandre-le-Grand mourut en la cent-quatorzième olympiade; et ainsi on ne peut révoquer en doute que du temps de ce grand prince notre nation ne fût florissante. Hécatée ajoute qu'après celle bataille Ptolémée se rendit maître de toutes les places de Syrie, et que sa bonté et sa douceur lui gagna tellement le cœur des peuples que plusieurs le suivirent en Egypte el particulièrement un sacrificateur juif nomme Ezéchias, âgé de soixante-dix ans, très-estimé parmi ceux de sa nation, très-éloquent, et si habile que nul autre ne le surpassait dans la connaissance des affaires les plus importantes. Ce même auteur dit ensuite que la nombre des sacrificateurs qui recevaient les décimes el qui gouvernaient en commun était de quinze cents: et revenant encore a parler d'Ézéchias il dit: « Ce grand personnage accompagné de quelques-uns des siens conférait souvent avec nous, et nous expliquait les choses les plus importantes de la discipline et de la conduite de ceux de sa nation qui toutes étaient écrites. » II ajoute que nous sommes si attachés a l'observation de nos lois qu'il n'y a rien que nous ne soyons prêts à souffrir plutôt que de les violer. Voici ses paroles : « Quelques maux qu'ils aient soufferts des peuples voisins, et particulièrement des rois de Perse et de leurs lieutenants généraux, on n'a j'aimais pu les faire changer de sentiments Ni la perte de leurs biens, ni les outrages, ni les blessures, ni même la mort, n'ont été capables de les faire renoncer à la religion de leurs pères. Ils ont été sans crainte au devant de tous ces maux, et ont donné des preuves incroyables de leur fermeté et de leur constance pour l'observation de leurs lois. Un gouverneur de Babylone, nommé Alexandre», voulant faire rétablir le temple de Bel qui était tombé, et obligeant même tous ses soldats à porter les matériaux nécessaires pour cet ouvrage, les Juifs furent les seuls qui le refusèrent. Il les châtia en diverses manières sans pouvoir jamais vaincre leur opiniâtreté; et enfin le roi les déchargea de ce travail qu'ils ne croyaient pas pouvoir faire en conscience. Lorsqu'ils furent retournés en leur pays ils ruinèrent tous les temples et les autels qui y avaient été bâtis en l'honneur de ceux qu'ils ne reconnaissaient point pour dieux, et le gouverneur de la province leur fit payer pour ce sujet de grandes amendes. » Cet historien ajoute qu'on ne saurait trop admirer une si grande fermeté, et témoigne ainsi que notre nation a été très-puissante en nombre d'hommes, que les Perses en emmenèrent un grand nombre à Babylone. el qu'après la mort d'Alexandre-le-Grand plusieurs furent aussi transportés en Egypte et en Phénicie, à cause d'une sédition arrivée dans la Syrie. Et pour faire connaître l'étendue, la fertilité et la beauté du pays que nous habitons, II en parle ainsi : « II contient trois millions d'arpents dont la terre est si excellente qu'il n'y a point de fruits qu'elle ne soit capable de produire. » Et quant à Jérusalem et au temple, il dit :  « Les Juifs ont outre plusieurs bourgs et villages, quantité de places fortes, et entre autres la ville de Jérusalem qui a cinquante stades de tour et cent vingt mille habitants. Au milieu de cette ville est une enceinte de pierres de cinq cents pieds de long et cent de large, avec deux grandes portes ; et au dedans de cette enceinte est un autel de forme quadrangulaire fait de pierres jointes ensemble sans que l'on y ait donné un seul coup de marteau. Chacun des côtés de cet autel est de vingt coudées, et sa hauteur est de dix. Près de là est un très-grand édifice dans lequel il y a un autre autel qui est d or, et un chandelier aussi d'or, du poids du deux talents, avec des lampes dont le feu brûle continuellement nuit et jour. Mais il n'y a aucune figure ni aucun bois à l'entour à l'instar du bois sacrés que l'on voit prés des autres temples. Les sacrificateurs y passent les jours et les nuits dans une très-grande continence, el n'y boivent jamais de vin.

Ce même auteur rapporte une action qu'il vit faire à l'un des Juifs qui servaient dans l'armée d'un des successeurs d'Alexandre. Voici ses propres paroles : « Lorsque j'allais vers la mer Rouge il se trouva entre les cavaliers de notre escorte un Juif nommé Mausolan, qui passait pour l'un des plus courageux et des plus adroits archers qui fussent parmi les Grecs et les étrangers; et plusieurs pressant un devin de prédire par le vol des oiseaux quel serait le succès de notre voyage, cet homme leur dit de s'arrêter; ils le firent, et Mausolan lui en demanda la raison. Ayant répondu que c'était pour regarder un oiseau qu'il voyait, parce que si cet oiseau ne partait point ils ne devaient pas passer plus outre] que s'il se levait et volait devant eux ils devaient continuer leur voyage; mais que s'il prenait son vol derrière eux ils seraient obligés de s'en retourner, Mausolan, sans lui rien répliquer, banda son arc, tira une flèche, et tua l'oiseau en l'air. Ce devin et quelques autres en furent si offensés qu'ils lui dirent des injures; et il ne leur repartit autre chose : «Avez-vous perdu l'esprit de regretter ainsi ce malheureux oiseau que vous tenez entre vos mains? S'il ignorait ce qui lui importait de la vie, comment pouvait-il nous faire connaître si notre voyage serait heureux? Et s'il avait en quelque connaissance de l'avenir serait-il venu ici pour y recevoir la mort par l'une des flèches du Juif Mausolan ? »

C'est assez rapporter les témoignages d'Hécatée; ceux qui en voudront savoir davantage n'ont qu'à lire son livre. Mais j'ajouterai une autre preuve tirée d'Agatharcide, qui, encore qu'il n'ait pas parlé avantageusement de notre nation, ne l'a pas sans doute fait par malice. Il raconte de quelle sorte la reine Stratonice, après avoir abandonné le roi Démétrius, son mari, vint de Macédoine en Syrie dans l'espérance d épouser le roi Séleucos, et dit que ce dessein ne lui ayant pas réussi, elle excita dans Antioche une révolte contre lui lorsqu'il était en Babylone avec son armée, qu'à son retour il prit Antioche; qu'elle voulut s'enfuir en Sicile; mais qu'un songe qu'elle eut l'ayant empêchée de continuer sa navigation elle fut faite prisonnière et mourut. Sur quoi Agatharcide, pour faire voir combien de semblables superstitions sont condamnables, allègue pour exemple notre nation, dont il parle en ces termes: « Ceux que l'on appelle Juifs demeurent dans une ville très-forte nommée Jérusalem. Ils fêtent si religieusement le septième jour, que non seulement ils ne portent point d'armes et ne labourent point la terre, mais ils ne font aucun autre travail. Ils le passent jusqu'au soir à adorer Dieu dans le temple. Ainsi lorsque Ptolémée Lagus vint avec une armée, au lieu de lui résister comme ils l'auraient pu, cette folle superstition fit que, de peur de violer ce jour qu'ils nomment sabbat ils le reçurent pour maître, et un cruel maître. On connut alors combien cette loi était mal fondée; et un tel exemple doit apprendre non seulement à ce peuple, mais à tous les autres, que l'on ne peut sans extravagance s'attacher à de telles observations lorsqu'un grand et pressant péril oblige de s'en départir. » C'est ainsi qu'Agathiarcide trouve notre conduite digne de risée; mais ceux qui en jugeront plus sainement avoueront sans doute que l'on ne saurait au contraire trop nous louer de préférer par un sentiment de religion et de piété l'observation de nos lois et notre devoir envers Dieu à notre conservation et à celle de notre patrie.

Que si d'autres écrivains qui ont vécu dans le même siècle n'ont point parlé de nous dans leurs histoires, il sera facile de connaître par l'exemple que je vais rapporter que leur envie contre nous ou quelque autre semblable raison en a été cause. Jérôme, qui a écrit, dans le même temps qu'Hécatée, l'histoire des successeurs d'Alexandre, et qui, étant fort aimé du roi Antigone, était gouverneur de Syrie, ne dit pas un seul mot de nous, quoiqu'il eût presque été élevé dans notre pays, et qu'Hécatée en ait composé un livre entier. En quoi il paraît que les affections des hommes sont différentes : l'un ayant cru que nous méritions que l'on parlât très-particulièrement de nous ; el l'autre n'ayant pas craint, pour en obscurcir la mémoire, de supprimer la vérité. Mais les histoires des Égyptiens, des Chaldéens el des Phéniciens suffisent pour faire connaître l'antiquité de notre race, quand on n'y ajouterait point celle des Grecs, parmi lesquels, outre ceux dont j'ai parlé, on peut mettre Théophile, Théodote, Mnesées, Aristophane, Hormogène, Eumèrus, Conon, Zopyrion et peut être d'autres, car je n'ai pas lu tout leurs livres qui ont fait une mention particulière de nous. La plupart d'entre eux ont ignoré la vérité de ce qui s'est passé dans les premiers siècles parce qu'ils n'ont pas lu nos livres saints : mais tous rendent témoignage de l'antiquité de notre nation qui est le sujet que je me suis proposé de traiter. Démétrius de Phalère, Philon l'ancien, et Eupnolème ne se sont pas beaucoup éloignés de la vérité : et lorsqu'ils y ont manqué on doit le leur pardonner, parce qu'ils n'avaient pu voir aussi exactement tous nos livres qu'il aurait été à désirer pour en être pleinement informés.

 






 

 

 

[161] Δεῖ δ' ἄρα καὶ τῶν ἀπιστούντων μὲν τοῖς βαρβάροις ἀναγραφαῖς μόνοις δὲ τοῖς Ἕλλησι πιστεύειν ἀξιούντων ἀποπληρῶσαι τὴν ἐπιζήτησιν καὶ παρασχεῖν πολλοὺς καὶ τούτων ἐπισταμένους τὸ ἔθνος ἡμῶν καὶ καθ' ὃ καιρὸς ἦν αὐτοῖς μνημονεύοντας παραθέσθαι ἐν ἰδίοις αὐτῶν συγγράμμασι. [163] Πυθαγόρας τοίνυν ὁ Σάμιος ἀρχαῖος ὤν, σοφίᾳ δὲ καὶ τῇ περὶ τὸ θεῖον εὐσεβείᾳ πάντων ὑπειλημμένος διενεγκεῖν τῶν φιλοσοφησάντων, οὐ μόνον ἐγνωκὼς τὰ παρ' ἡμῖν δῆλός ἐστιν, ἀλλὰ καὶ ζηλωτὴς αὐτῶν ἐκ πλείστου γεγενημένος. [163] Αὐτοῦ μὲν οὖν οὐδὲν ὁμολογεῖται σύγγραμμα, πολλοὶ δὲ τὰ περὶ αὐτὸν ἱστορήκασι, καὶ τούτων ἐπισημότατός [164] ἐστιν Ἕρμιππος ἀνὴρ περὶ πᾶσαν ἱστορίαν ἐπιμελής. Λέγει τοίνυν ἐν τῷ πρώτῳ τῶν περὶ Πυθαγόρου βιβλίων, ὅτι Πυθαγόρας ἑνὸς αὐτοῦ τῶν συνουσιαστῶν τελευτήσαντος τοὔνομα Καλλιφῶντος τὸ γένος Κροτωνιάτου τὴν ἐκείνου ψυχὴν ἔλεγε συνδιατρίβειν αὐτῷ καὶ νύκτωρ καὶ μεθ' ἡμέραν· καὶ ὅτι παρεκελεύετο μὴ διέρχεσθαι τόπον, ἐφ' ὃν ὄνος ὀκλάσῃ, καὶ τῶν διψίων ὑδάτων ἀπέχεσθαι [165] καὶ πάσης ἀπέχειν βλασφημίας. Εἶτα προστίθησι μετὰ ταῦτα καὶ τάδε· ταῦτα δὲ ἔπραττεν καὶ ἔλεγε τὰς Ἰουδαίων καὶ Θρᾳκῶν δόξας μιμούμενος καὶ μεταφέρων εἰς ἑαυτόν. Λέγεται γὰρ ὡς ἀληθῶς ὁ ἀνὴρ ἐκεῖνος πολλὰ τῶν παρὰ Ἰουδαίοις νομίμων εἰς τὴν [166] αὐτοῦ μετενεγκεῖν φιλοσοφίαν. Ἦν δὲ καὶ κατὰ πόλεις οὐκ ἄγνωστον ἡμῶν πάλαι τὸ ἔθνος, καὶ πολλὰ τῶν ἐθῶν εἴς τινας ἤδη διαπεφοιτήκει καὶ ζήλου παρ' ἐνίοις ἠξιοῦτο. Δηλοῖ δὲ ὁ Θεόφραστος [167] ἐν τοῖς περὶ νόμων· λέγει γάρ, ὅτι κωλύουσιν οἱ Τυρίων νόμοι ξενικοὺς ὅρκους ὀμνύειν, ἐν οἷς μετά τινων ἄλλων καὶ τὸν καλούμενον ὅρκον κορβὰν καταριθμεῖ. Παρ' οὐδενὶ δ' ἂν οὗτος εὑρεθείη πλὴν μόνοις Ἰουδαίοις, δηλοῖ δ' ὡς ἂν εἴποι τις ἐκ τῆς Ἑβραίων μεθερμηνευόμενος διαλέκτου δῶρον θεοῦ. [168] Καὶ μὴν οὐδὲ Ἡρόδοτος ὁ Ἁλικαρνασεὺς ἠγνόηκεν ἡμῶν τὸ ἔθνος, ἀλλὰ τρόπῳ τινὶ φαίνεται μεμνημένος· περὶ γὰρ Κόλχων ἱστορῶν ἐν τῇ δευτέρᾳ [169] βίβλῳ φησὶν οὕτως· μοῦνοι δὲ πάντων, φησί, Κόλχοι καὶ Αἰγύπτιοι καὶ Αἰθίοπες περιτέμνονται ἀπ' ἀρχῆς τὰ αἰδοῖα. Φοίνικες δὲ καὶ Σύριοι οἱ ἐν τῇ Παλαιστίνῃ καὶ οὗτοι ὁμολογοῦσι παρ' Αἰγυπτίων μεμαθηκέναι. [170] Σύριοι δὲ οἱ περὶ Θερμώδοντα καὶ Παρθένιον ποταμὸν καὶ Μάκρωνες οἱ τούτοισιν ἀστυγείτονες ὄντες ἀπὸ Κόλχων φασὶ νεωστὶ μεμαθηκέναι· οὗτοι γάρ εἰσιν οἱ περιτεμνόμενοι ἀνθρώπων μοῦνοι καὶ οὗτοι Αἰγυπτίοισι φαίνονται ποιοῦντες κατὰ ταὐτά. Αὐτῶν δὲ Αἰγυπτίων καὶ Αἰθιόπων οὐκ [171] ἔχω εἰπεῖν ὁπότεροι παρὰ τῶν ἑτέρων ἐξέμαθον. Οὐκοῦν εἴρηκε Σύρους τοὺς ἐν τῇ Παλαιστίνῃ περιτέμνεσθαι· τῶν δὲ τὴν Παλαιστίνην κατοικούντων μόνοι τοῦτο ποιοῦσιν Ἰουδαῖοι· τοῦτο ἄρα [172] γιγνώσκων εἴρηκεν περὶ αὐτῶν. Καὶ Χοιρίλος δὲ ἀρχαιότερος γενόμενος ποιητὴς μέμνηται τοῦ ἔθνους ἡμῶν, ὅτι συνεστράτευται Ξέρξῃ τῷ Περσῶν βασιλεῖ ἐπὶ τὴν Ἑλλάδα· καταριθμησάμενος γὰρ πάντα τὰ ἔθνη τελευταῖον καὶ τὸ ἡμέτερον ἐνέταξε λέγων·

[173] Τῶν δ' ὄπιθεν διέβαινε γένος θαυμαστὸν ἰδέσθαι,
γλῶσσαν μὲν Φοίνισσαν ἀπὸ στομάτων ἀφιέντες,
ᾤκεον δ' ἐν Σολύμοις ὄρεσι πλατέῃ παρὰ λίμνῃ
αὐχμαλέοι κορυφὰς τροχοκουράδες, αὐτὰρ ὕπερθεν
ἵππων δαρτὰ πρόσωπ' ἐφόρουν ἐσκληκότα καπνῷ.

[174] Δῆλον οὖν ἐστιν, ὡς οἶμαι, πᾶσιν ἡμῶν αὐτὸν μεμνῆσθαι τῷ καὶ τὰ Σόλυμα ὄρη ἐν τῇ ἡμετέρᾳ εἶναι χώρᾳ, ἃ κατοικοῦμεν, καὶ τὴν Ἀσφαλτῖτιν λεγομένην λίμνην· αὕτη γὰρ πασῶν τῶν ἐν τῇ Συρίᾳ [175] λίμνη πλατυτέρα καὶ μείζων καθέστηκεν. Καὶ Χοιρίλος μὲν οὖν οὕτω μέμνηται ἡμῶν. Ὅτι δὲ οὐ μόνον ἠπίσταντο τοὺς Ἰουδαίους, ἀλλὰ καὶ ἐθαύμαζον ὅσοις αὐτῶν ἐντύχοιεν οὐχ οἱ φαυλότατοι τῶν Ἑλλήνων, ἀλλ' οἱ ἐπὶ σοφίᾳ μάλιστα τεθαυμασμένοι, ῥᾴδιον γνῶναι· [176] Κλέαρχος γὰρ ὁ Ἀριστοτέλους ὢν μαθητὴς καὶ τῶν ἐκ τοῦ περιπάτου φιλοσόφων οὐδενὸς δεύ�ερος ἐν τῷ πρώτῳ περὶ ὕπνου βιβλίῳ φησὶν Ἀριστοτέλην τὸν διδάσκαλον αὐτοῦ περί τινος ἀνδρὸς Ἰουδαίου ταῦτα ἱστορεῖν, αὐτῷ τε τὸν λόγον Ἀριστοτέλει [177] παρατιθείς· ἔστι δὲ οὕτω γεγραμμένον· ἀλλὰ τὰ μὲν πολλὰ μακρὸν ἂν εἴη λέγειν, ὅσα δ' ἔχει τῶν ἐκείνου θαυμασιότητά τινα καὶ φιλοσοφίαν ὁμοίως διελθεῖν οὐ χεῖρον. Σαφῶς δ' ἴσθι, εἶπεν, Ὑπεροχίδη, θαυμαστὸν ὀνείροις ἴσα σοι δόξω λέγειν. Καὶ ὁ Ὑπεροχίδης εὐλαβούμενος, δι' αὐτὸ γάρ, ἔφη, τοῦτο καὶ ζητοῦμεν ἀκοῦσαι πάντες. [178] Οὐκοῦν, εἶπεν ὁ Ἀριστοτέλης, κατὰ τὸ τῶν ῥητορικῶν παράγγελμα τὸ γένος αὐτοῦ πρῶτον διέλθωμεν, ἵνα μὴ ἀπειθῶμεν τοῖς τῶν ἀπαγγελιῶν διδασκάλοις. Λέγε, εἶπεν ὁ Ὑπεροχίδης, εἴ τί σοι δοκεῖ. [179] Κἀκεῖνος τοίνυν τὸ μὲν γένος ἦν Ἰουδαῖος ἐκ τῆς κοίλης Συρίας. Οὗτοι δέ εἰσιν ἀπόγονοι τῶν ἐν Ἰνδοῖς φιλοσόφων, καλοῦνται δέ, ὥς φασιν, οἱ φιλόσοφοι παρὰ μὲν Ἰνδοῖς Καλανοί, παρὰ δὲ Σύροις Ἰουδαῖοι τοὔνομα λαβόντες ἀπὸ τοῦ τόπου· προσαγορεύεται γὰρ ὃν κατοικοῦσι τόπον Ἰουδαία. Τὸ δὲ τῆς πόλεως αὐτῶν ὄνομα πάνυ σκολιόν ἐστιν· Ἱερουσαλήμην γὰρ αὐτὴν καλοῦσιν. [180] Οὗτος οὖν ὁ ἄνθρωπος ἐπιξενούμενός τε πολλοῖς κἀκ τῶν ἄνω τόπων εἰς τοὺς ἐπιθαλαττίους ὑποκαταβαίνων Ἑλληνικὸς ἦν [181] οὐ τῇ διαλέκτῳ μόνον, ἀλλὰ καὶ τῇ ψυχῇ. Καὶ τότε διατριβόντων ἡμῶν περὶ τὴν Ἀσίαν παραβαλὼν εἰς τοὺς αὐτοὺς τόπους ἄνθρωπος ἐντυγχάνει ἡμῖν τε καί τισιν ἑτέροις τῶν σχολαστικῶν πειρώμενος αὐτῶν τῆς σοφίας. Ὡς δὲ πολλοῖς τῶν ἐν παιδείᾳ συνῳκείωτο, [182] παρεδίδου τι μᾶλλον ὧν εἶχεν. Ταῦτ' εἴρηκεν ὁ Ἀριστοτέλης παρὰ τῷ Κλεάρχῳ καὶ προσέτι πολλὴν καὶ θαυμάσιον καρτερίαν τοῦ Ἰουδαίου ἀνδρὸς ἐν τῇ διαίτῃ καὶ σωφροσύνην διεξιών. Ἔνεστι δὲ τοῖς βουλομένοις ἐξ αὐτοῦ τὸ πλέον γνῶναι τοῦ βιβλίου· φυλάττομαι [183] γὰρ ἐγὼ τὰ πλείω τῶν ἱκανῶν παρατίθεσθαι. Κλέαρχος μὲν οὖν ἐν παρεκβάσει ταῦτ' εἴρηκεν, τὸ γὰρ προκείμενον ἦν αὐτῷ καθ' ἕτερον, οὕτως ἡμῶν μνημονεῦσαι. Ἑκαταῖος δὲ ὁ Ἀβδηρίτης, ἀνὴρ φιλόσοφος ἅμα καὶ περὶ τὰς πράξεις ἱκανώτατος, Ἀλεξάνδρῳ τῷ βασιλεῖ συνακμάσας καὶ Πτολεμαίῳ τῷ Λάγου συγγενόμενος, οὐ παρέργως ἀλλὰ περὶ αὐτῶν Ἰουδαίων συγγέγραφε βιβλίον, ἐξ οὗ βούλομαι κεφαλαιωδῶς ἐπιδραμεῖν ἔνια τῶν εἰρημένων. [184] Καὶ πρῶτον ἐπιδείξω τὸν χρόνον· μνημονεύει γὰρ τῆς Πτολεμαίου περὶ Γάζαν πρὸς Δημήτριον μάχης· αὕτη δὲ γέγονεν ἑνδεκάτῳ μὲν ἔτει τῆς Ἀλεξάνδρου τελευτῆς, ἐπὶ δὲ ὀλυμπιάδος ἑβδόμης καὶ δεκάτης [185] καὶ ἑκατοστῆς, ὡς ἱστορεῖ Κάστωρ. Προσθεὶς γὰρ ταύτην τὴν ὀλυμπιάδα φησίν· ἐπὶ ταύτης Πτολεμαῖος ὁ Λάγου ἐνίκα κατὰ Γάζαν μάχῃ Δημήτριον τὸν Ἀντιγόνου τὸν ἐπικληθέντα Πολιορκητήν. Ἀλέξανδρον δὲ τεθνάναι πάντες ὁμολογοῦσιν ἐπὶ τῆς ἑκατοστῆς τεσσαρεσκαιδεκάτης ὀλυμπιάδος. Δῆλον οὖν, ὅτι καὶ κατ' [186] ἐκεῖνον καὶ κατὰ Ἀλέξανδρον ἤκμαζεν ἡμῶν τὸ ἔθνος. Λέγει τοίνυν ὁ Ἑκαταῖος πάλιν τάδε, ὅτι μετὰ τὴν ἐν Γάζῃ μάχην ὁ Πτολεμαῖος ἐγένετο τῶν περὶ Συρίαν τόπων ἐγκρατής, καὶ πολλοὶ τῶν ἀνθρώπων πυνθανόμενοι τὴν ἠπιότητα καὶ φιλανθρωπίαν τοῦ Πτολεμαίου συναπαίρειν εἰς Αἴγυπτον αὐτῷ καὶ κοινωνεῖν τῶν πραγμάτων ἠβουλήθησαν. [187] Ὧν εἷς ἦν, φησίν, Ἐζεκίας ἀρχιερεὺς τῶν Ἰουδαίων, ἄνθρωπος τὴν μὲν ἡλικίαν ὡς ἑξηκονταὲξ ἐτῶν, τῷ δ' ἀξιώματι τῷ παρὰ τοῖς ὁμοέθνοις μέγας καὶ τὴν ψυχὴν οὐκ ἀνόητος, ἔτι δὲ καὶ λέγειν δυνατὸς καὶ τοῖς περὶ τῶν πραγμάτων, εἴπερ τις ἄλλος, ἔμπειρος. [188] Καίτοι, φησίν, οἱ πάντες ἱερεῖς τῶν Ἰουδαίων οἱ τὴν δεκάτην τῶν γινομένων λαμβάνοντες καὶ τὰ κοινὰ διοικοῦντες [189] περὶ χιλίους μάλιστα καὶ πεντακοσίους εἰσίν. Πάλιν δὲ τοῦ προειρημένου μνημονεύων ἀνδρός οὗτος, φησίν, ὁ ἄνθρωπος τετευχὼς τῆς τιμῆς ταύτης καὶ συνήθης ἡμῖν γενόμενος, παραλαβών τινας τῶν μεθ' ἑαυτοῦ τήν τε διαφορὰν ἀνέγνω πᾶσαν αὐτοῖς· εἶχεν γὰρ [190] τὴν κατοίκησιν αὐτῶν καὶ τὴν πολιτείαν γεγραμμένην. Εἶτα Ἑκαταῖος δηλοῖ πάλιν, πῶς ἔχομεν πρὸς τοὺς νόμους, ὅτι πάντα πάσχειν ὑπὲρ τοῦ μὴ παραβῆναι τούτους προαιρούμεθα καὶ καλὸν εἶναι νομίζομεν. [191] Τοιγαροῦν, φησί, καὶ κακῶς ἀκούοντες ὑπὸ τῶν ἀστυγειτόνων καὶ τῶν εἰσαφικνουμένων πάντες καὶ προπηλακιζόμενοι πολλάκις ὑπὸ τῶν Περσικῶν βασιλέων καὶ σατραπῶν οὐ δύνανται μεταπεισθῆναι τῇ διανοίᾳ, ἀλλὰ γεγυμνωμένως περὶ τούτων καὶ αἰκίαις καὶ θανάτοις δεινοτάτοις μάλιστα πάντων ἀπαντῶσι μὴ ἀρνούμενοι [192] τὰ πάτρια. Παρέχεται δὲ καὶ τεκμήρια τῆς ἰσχυρογνωμοσύνης τῆς περὶ τῶν νόμων οὐκ ὀλίγα· φησὶ γάρ, Ἀλεξάνδρου ποτὲ ἐν Βαβυλῶνι γενομένου καὶ προελομένου τὸ τοῦ Βήλου πεπτωκὸς ἱερὸν ἀνακαθᾶραι καὶ πᾶσιν αὐτοῦ τοῖς στρατιώταις ὁμοίως φέρειν τὸν χοῦν προστάξαντος, μόνους τοὺς Ἰουδαίους οὐ προσσχεῖν, ἀλλὰ καὶ πολλὰς ὑπομεῖναι πληγὰς καὶ ζημίας ἀποτῖσαι μεγάλας, ἕως αὐτοῖς [193] συγγνόντα τὸν βασιλέα δοῦναι τὴν ἄδειαν. Ἔτι γε μὴν τῶν εἰς τὴν χώραν, φησί, πρὸς αὐτοὺς ἀφικνουμένων νεὼς καὶ βωμοὺς κατασκευασάντων ἅπαντα ταῦτα κατέσκαπτον, καὶ τῶν μὲν ζημίαν τοῖς σατράπαις ἐξέτινον, περί τινων δὲ καὶ συγγνώμης μετελάμβανον. Καὶ προσεπιτίθησιν, ὅτι δίκαιον ἐπὶ τούτοις αὐτούς ἐστι θαυμάζειν. [194] Λέγει δὲ καὶ περὶ τοῦ πολυανθρωπότατον γεγονέναι ἡμῶν τὸ ἔθνος· πολλὰς μὲν γὰρ ἡμῶν, φησίν, ἀνασπάστους εἰς Βαβυλῶνα Πέρσαι πρότερον αὐτῶν ἐποίησαν μυριάδας, οὐκ ὀλίγαι δὲ καὶ μετὰ τὸν Ἀλεξάνδρου θάνατον εἰς Αἴγυπτον καὶ Φοινίκην [195] μετέστησαν διὰ τὴν ἐν Συρίᾳ στάσιν. Ὁ δὲ αὐτὸς οὗτος ἀνὴρ καὶ τὸ μέγεθος τῆς χώρας ἣν κατοικοῦμεν καὶ τὸ κάλλος ἱστόρηκεν· τριακοσίας γὰρ μυριάδας ἀρουρῶν σχεδὸν τῆς ἀρίστης καὶ παμφορωτάτης χώρας νέμονται, φησίν· ἡ γὰρ Ἰουδαία τοσαύτη πλῆθός [196] ἐστιν. Ἀλλὰ μὴν ὅτι καὶ τὴν πόλιν αὐτὴν τὰ Ἱεροσόλυμα καλλίστην τε καὶ μεγίστην ἐκ παλαιοτάτου κατοικοῦμεν καὶ περὶ πλήθους ἀνδρῶν καὶ περὶ τῆς τοῦ νεὼ κατασκευῆς οὕτως αὐτὸς διηγεῖται. [197] Ἔστι γὰρ τῶν Ἰουδαίων τὰ μὲν πολλὰ ὀχυρώματα κατὰ τὴν χώραν καὶ κῶμαι, μία δὲ πόλις ὀχυρὰ πεντήκοντα μάλιστα σταδίων τὴν περίμετρον, ἣν οἰκοῦσι μὲν ἀνθρώπων περὶ δώδεκα [198] μυριάδες, καλοῦσι δ' αὐτὴν Ἱεροσόλυμα. Ἐνταῦθα δ' ἐστὶ κατὰ μέσον μάλιστα τῆς πόλεως περίβολος λίθινος μῆκος ὡς πεντάπλεθρος, εὖρος δὲ πηχῶν ρ, ἔχων διπλᾶς πύλας, ἐν ᾧ βωμός ἐστι τετράγωνος ἀτμήτων συλλέκτων ἀργῶν λίθων οὕτως συγκείμενος, πλευρὰν μὲν ἑκάστην εἴκοσι πηχῶν, ὕψος δὲ δεκάπηχυ. Καὶ παρ' αὐτὸν οἴκημα μέγα, οὗ βωμός ἐστι καὶ λυχνίον ἀμφότερα χρυσᾶ [199] δύο τάλαντα τὴν ὁλκήν. Ἐπὶ τούτων φῶς ἐστιν ἀναπόσβεστον καὶ τὰς νύκτας καὶ τὰς ἡμέρας. Ἄγαλμα δὲ οὐκ ἔστιν οὐδὲ ἀνάθημα τὸ παράπαν οὐδὲ φύτευμα παντελῶς οὐδὲν οἷον ἀλσῶδες ἤ τι τοιοῦτον. Διατρίβουσι δ' ἐν αὐτῷ καὶ τὰς νύκτας καὶ τὰς ἡμέρας ἱερεῖς ἁγνείας τινὰς ἁγνεύοντες καὶ τὸ παράπαν οἶνον οὐ πίνοντες ἐν [200] τῷ ἱερῷ. Ἔτι γε μὴν ὅτι καὶ Ἀλεξάνδρῳ τῷ βασιλεῖ συνεστρατεύσαντο καὶ μετὰ ταῦτα τοῖς διαδόχοις αὐτοῦ μεμαρτύρηκεν. Οἷς δ' αὐτὸς παρατυχεῖν φησιν ὑπ' ἀνδρὸς Ἰουδαίου κατὰ τὴν στρατείαν γενομένοις, τοῦτο παραθήσομαι. [201] Λέγει δ' οὕτως· ἐμοῦ γοῦν ἐπὶ τὴν Ἐρυθρὰν θάλασσαν βαδίζοντος συνηκολούθει τις μετὰ τῶν ἄλλων τῶν παραπεμπόντων ἡμᾶς ἱππέων Ἰουδαίων ὄνομα Μοσόλλαμος, ἄνθρωπος ἱκανῶς κατὰ ψυχὴν εὔρωστος καὶ τοξότης δὴ πάντων ὁμολογουμένως καὶ τῶν Ἑλλήνων καὶ τῶν βαρβάρων ἄριστος. Οὗτος οὖν ὁ ἄνθρωπος διαβαδιζόντων πολλῶν κατὰ τὴν ὁδὸν καὶ μάντεώς τινος ὀρνιθευομένου καὶ πάντας ἐπισχεῖν ἀξιοῦντος [203] ἠρώτησε, διὰ τί προσμένουσι. Δείξαντος δὲ τοῦ μάντεως αὐτῷ τὸν ὄρνιθα καὶ φήσαντος, ἐὰν μὲν αὐτοῦ μένῃ προσμένειν συμφέρειν πᾶσιν, ἂν δ' ἀναστὰς εἰς τοὔμπροσθεν πέτηται προάγειν, ἐὰν δὲ εἰς τοὔπισθεν ἀναχωρεῖν αὖθις, σιωπήσας καὶ παρελκύσας [204] τὸ τόξον ἔβαλε καὶ τὸν ὄρνιθα πατάξας ἀπέκτεινεν. Ἀγανακτούντων δὲ τοῦ μάντεως καί τινων ἄλλων καὶ καταρωμένων αὐτῷ, τί μαίνεσθε, ἔφη, κακοδαίμονες; Εἶτα τὸν ὄρνιθα λαβὼν εἰς τὰς χεῖρας, πῶς γάρ, ἔφη, οὗτος τὴν αὐτοῦ σωτηρίαν οὐ προϊδὼν περὶ τῆς ἡμετέρας πορείας ἡμῖν ἄν τι ὑγιὲς ἀπήγγελλεν; Εἰ γὰρ ἠδύνατο προγιγνώσκειν τὸ μέλλον, εἰς τὸν τόπον τοῦτον οὐκ ἂν ἦλθε φοβούμενος, [205] μὴ τοξεύσας αὐτὸν ἀποκτείνῃ Μοσόλλαμος ὁ Ἰουδαῖος. Ἀλλὰ τῶν μὲν Ἑκαταίου μαρτυριῶν ἅλις· τοῖς γὰρ βουλομένοις πλείω μαθεῖν τῷ βιβλίῳ ῥᾴδιόν ἐστιν ἐντυχεῖν. Οὐκ ὀκνήσω δὲ καὶ τὸν ἐπ' εὐηθείας διασυρμῷ, καθάπερ αὐτὸς οἴεται, μνήμην πεποιημένον [206] ἡμῶν Ἀγαθαρχίδην ὀνομάσαι· διηγούμενος γὰρ τὰ περὶ Στρατονίκην, ὃν τρόπον ἦλθεν μὲν εἰς Συρίαν ἐκ Μακεδονίας καταλιποῦσα τὸν ἑαυτῆς ἄνδρα Δημήτριον, Σελεύκου δὲ γαμεῖν αὐτὴν οὐ θελήσαντος, ὅπερ ἐκείνη προσεδόκησεν, ποιουμένου δὲ τὴν ἀπὸ Βαβυλῶνος στρατείαν αὐτοῦ τὰ περὶ τὴν Ἀντιόχειαν ἐνεωτέρισεν. [207] Εἶθ' ὡς ἀνέστρεψεν ὁ βασιλεύς, ἁλισκομένης τῆς Ἀντιοχείας εἰς Σελεύκειαν φυγοῦσα, παρὸν αὐτῇ ταχέως ἀποπλεῖν ἐνυπνίῳ [208] κωλύοντι πεισθεῖσα ἐλήφθη καὶ ἀπέθανεν. Ταῦτα προειπὼν ὁ Ἀγαθαρχίδης καὶ ἐπισκώπτων τῇ Στρατονίκῃ τὴν δεισιδαιμονίαν παραδείγματι χρῆται τῷ περὶ ἡμῶν λόγῳ καὶ γέγραφεν οὕτως· [209] οἱ καλούμενοι Ἰουδαῖοι πόλιν οἰκοῦντες ὀχυρωτάτην πασῶν, ἣν καλεῖν Ἱεροσόλυμα συμβαίνει τοὺς ἐγχωρίους, ἀργεῖν εἰθισμένοι δι' ἑβδόμης ἡμέρας καὶ μήτε τὰ ὅπλα βαστάζειν ἐν τοῖς εἰρημένοις χρόνοις μήτε γεωργίας ἅπτεσθαι μήτε ἄλλης ἐπιμελεῖσθαι λειτουργίας μηδεμιᾶς, ἀλλ' ἐν τοῖς ἱεροῖς ἐκτετακότες τὰς χεῖρας [210] εὔχεσθαι μέχρι τῆς ἑσπέρας, εἰσιόντος εἰς τὴν πόλιν Πτολεμαίου τοῦ Λάγου μετὰ τῆς δυνάμεως καὶ τῶν ἀνθρώπων ἀντὶ τοῦ φυλάττειν τὴν πόλιν διατηρούντων τὴν ἄνοιαν, ἡ μὲν πατρὶς εἰλήφει δεσπότην πικρόν, ὁ δὲ νόμος ἐξηλέγχθη φαῦλον ἔχων ἐθισμόν. [211] Τὸ δὲ συμβὰν πλὴν ἐκείνων τοὺς ἄλλους πάντας δεδίδαχε τηνικαῦτα φυγεῖν εἰς ἐνύπνια καὶ τὴν περὶ τοῦ νόμου παραδεδομένην ὑπόνοιαν, ἡνίκα ἂν τοῖς ἀνθρωπίνοις λογισμοῖς περὶ [212] τῶν διαπορουμένων ἐξασθενήσωσιν. Τοῦτο μὲν Ἀγαθαρχίδῃ καταγέλωτος ἄξιον δοκεῖ, τοῖς δὲ μὴ μετὰ δυσμενείας ἐξετάζουσι φαίνεται μέγα καὶ πολλῶν ἄξιον ἐγκωμίων, εἰ καὶ σωτηρίας καὶ πατρίδος ἄνθρωποί τινες νόμων φυλακὴν καὶ τὴν πρὸς θεὸν εὐσέβειαν ἀεὶ προτιμῶσιν.

[213] Ὅτι δὲ οὐκ ἀγνοοῦντες ἔνιοι τῶν συγγραφέων τὸ ἔθνος ἡμῶν, ἀλλ' ὑπὸ φθόνου τινὸς ἢ δι' ἄλλας αἰτίας οὐχ ὑγιεῖς τὴν μνήμην παρέλιπον, τεκμήριον οἶμαι παρέξειν· Ἱερώνυμος γὰρ ὁ τὴν περὶ τῶν διαδόχων ἱστορίαν συγγεγραφὼς κατὰ τὸν αὐτὸν μὲν ἦν Ἑκαταίῳ χρόνον, φίλος δ' ὢν Ἀντιγόνου τοῦ βασιλέως τὴν Συρίαν [214] ἐπετρόπευεν· ἀλλ' ὅμως Ἑκαταῖος μὲν καὶ βιβλίον ἔγραψεν περὶ ἡμῶν, Ἱερώνυμος δ' οὐδαμοῦ κατὰ τὴν ἱστορίαν ἐμνημόνευσε καίτοι σχεδὸν ἐν τοῖς τόποις διατετριφώς· τοσοῦτον αἱ προαιρέσεις τῶν ἀνθρώπων διήνεγκαν. Τῷ μὲν γὰρ ἐδόξαμεν καὶ σπουδαίας εἶναι μνήμης ἄξιοι, τῷ δὲ πρὸς τὴν ἀλήθειαν πάντως τι πάθος οὐκ εὔγνωμον ἐπεσκότησεν. [215] Ἀρκοῦσι δὲ ὅμως εἰς τὴν ἀπόδειξιν τῆς ἀρχαιότητος αἵ τε Αἰγυπτίων καὶ Χαλδαίων καὶ Φοινίκων ἀναγραφαὶ [216] πρὸς ἐκείναις τε τοσοῦτοι τῶν Ἑλλήνων συγγραφεῖς· ἔτι δὲ πρὸς τοῖς εἰρημένοις Θεόφιλος καὶ Θεόδοτος καὶ Μνασέας καὶ Ἀριστοφάνης καὶ Ἑρμογένης Εὐήμερός τε καὶ Κόνων καὶ Ζωπυρίων καὶ πολλοί τινες ἄλλοι τάχα, οὐ γὰρ ἔγωγε πᾶσιν ἐντετύχηκα τοῖς βιβλίοις, οὐ παρέργως ἡμῶν ἐμνημονεύκασιν. [217] Οἱ πολλοὶ δὲ τῶν εἰρημένων ἀνδρῶν τῆς μὲν ἀληθείας τῶν ἐξ ἀρχῆς πραγμάτων διήμαρτον, ὅτι μὴ ταῖς ἱεραῖς ἡμῶν βίβλοις ἐνέτυχον, κοινῶς μέντοι περὶ τῆς ἀρχαιότητος ἅπαντες μεμαρτυρήκασιν, ὑπὲρ ἧς τὰ νῦν λέγειν προεθέμην. [218] Ὁ μέντοι Φαληρεὺς Δημήτριος καὶ Φίλων ὁ πρεσβύτερος καὶ Εὐπόλεμος οὐ πολὺ τῆς ἀληθείας διήμαρτον. Οἷς συγγιγνώσκειν ἄξιον· οὐ γὰρ ἐνῆν αὐτοῖς μετὰ πάσης ἀκριβείας τοῖς ἡμετέροις γράμμασι παρακολουθεῖν.

 

 

XXII

Les Grecs même mentionnent les Juifs. Pythagore de Sanies, Hérodote, Chœrilos, Cléarque, Hécatée d'Abdère, Agatharchide.

161 Ceux qui ne sont point disputeurs à l'excès se contenteront, je pense, de ces explications; mais il faut aussi satisfaire aux questions des gens qui, refusant d'ajouter foi aux annales des barbares, accordent leur créance aux Grecs seuls ; il faut leur présenter beaucoup de ces Grecs mêmes qui connurent notre nation et la mentionnèrent à l'occasion dans leurs propres ouvrages. 162 Pythagore de Samos, auteur fort ancien, qui, pour sa sagesse et sa piété, est considéré comme le premier de tous les philosophes, a, de toute évidence, non seulement connu nos institutions, mais encore les a largement imitées. 163 De ce philosophe nous n'avons aucun ouvrage reconnu authentique, mais beaucoup d'écrivains ont raconté ce qui le concerne. Le plus célèbre est Hermippe, esprit que tout genre de recherche intéressait. 164 Il raconte dans le premier livre de son Pythagore que ce philosophe, après la mort d'un de ses intimes nommé Calliphon, originaire de Crotone, disait qu'il avait commerce nuit et jour avec l'âme de celui-ci, et qu'elle lui donnait le conseil de ne point passer à un endroit où un âne s'était couché[97], de s'abstenir de toute eau saumâtre (?) et de se garder de toute médisance[98]. 165 Puis l'auteur ajoute encore : « Il pratiquait et répétait ces préceptes, se conformant aux opinions des Juifs et des Thraces qu'il prenait pour son compte ». En effet, on dit avec raison[99] que ce philosophe fit passer dans sa doctrine beaucoup de lois juives. 166 Dans les cités non plus notre peuple n'était pas inconnu autrefois; beaucoup de nos coutumes s'étaient déjà répandues dans quelques-unes et il en est qui jugeaient bon de les suivre. On le voit chez Théophraste dans ses livres des Lois. 167 D'après lui, les lois tyriennes défendent d'employer des formules de serments étrangers, parmi lesquels, entre autres, il compte le serment nommé korban ; or, nulle part on ne le trouverait ailleurs que chez les Juifs ; traduit de l'hébreu, ce mot signifie quelque chose comme « présent de Dieu »[100].

168 Et en vérité Hérodote d'Halicarnasse non plus n'a pas ignoré notre nation, mais il l'a mentionnée manifestement d'une certaine manière. 169 Parlant des Colques au second livre, il s'exprime ainsi : « Seuls d'entre tous, dit-il, les Colques, les Égyptiens et les Éthiopiens pratiquent la circoncision depuis l'origine. Les Phéniciens et les Syriens de Palestine reconnaissent eux-mêmes avoir appris cette pratique des Egyptiens. 170 Les Syriens des bords du Thermodon et du Parthénios, de même que les Macrons, leurs voisins, assurent qu'ils l'ont apprise récemment des Colques. Voilà les seuls peuples circoncis, et eux-mêmes imitent évidemment les Égyptiens. Mais des Égyptiens eux-mêmes et des Éthiopiens, je ne puis dire lesquels ont appris des autres la circoncision[101]. » 171 Ainsi il dit que les Syriens de Palestine étaient circoncis ; or, parmi les habitants de la Palestine, les Juifs seuls se livrent à cette pratique. Comme il le savait, c'est donc d'eux qu'il a parlé[102].

172 D'autre part, Chœrilos, poète assez ancien[103], cite notre nation comme ayant pris part à l'expédition de Xerxès, roi de Perse, contre la Grèce. En effet, après l'énumération de tous les peuples, à la fin il mentionne aussi le nôtre en ces termes :

173 « Derrière eux passait une race d'un aspect étonnant.
« Le langage phénicien sortait de leurs lèvres.
« Ils habitaient dans les monts Solymiens auprès d'un vaste lac.
« Leur chevelure broussailleuse était rasée en rond, et, par dessus,
« Ils portaient le cuir d'une tête de cheval séché à la fumée. »

174 Il est clair, je crois, pour tout le monde, qu'il parle de nous, car les monts Solymiens sont dans notre pays et nous les habitons ; là aussi se trouve le lac Asphaltite, qui occupe le premier rang parmi tous les lacs de Syrie pour la largeur et l'étendue[104].

175 Voilà comment Chœrilos fait mention de nous. Non seulement les Grecs connurent les Juifs, mais encore ils admiraient tous es Juifs qu'ils rencontraient; et non pas les moindres d'entre les Grecs, mais les plus admirés pour leur sagesse, comme il est facile de s'en convaincre. 176 Cléarque, disciple d'Aristote, qui ne le cédait à aucun des péripatéticiens, rapporte dans le premier livre du Sommeil cette anecdote que son maître Aristote racontait au sujet d'un Juif. Il donne la parole à Aristote lui-même. Je cite le texte : 177 « Il serait trop long de tout dire, mais il sera bon d'exposer pourtant ce qui, chez cet homme, présentait quelque caractère merveilleux et philosophique. Je te préviens, dit-il, Hypérochide, que mes paroles vont te paraître singulières comme des songes. » Et Hypérochide répondit respectueusement: « C'est justement pour cela que nous désirons tous t'entendre. 178 - Eh bien alors, dit Aristote, suivant le précepte de la rhétorique, donnons d'abord des détails sur sa race, pour ne point désobéir à ceux qui enseignent la narration. - Parle à ta guise, dit Hypérochide. - 179 Cet homme donc était de race juive et originaire de Cœlé-Syrie ; cette race descend des philosophes indiens[105]. On appelle, dit-on, les philosophes Calanoi dans l'Inde[106], et Juifs en Syrie, du nom de leur résidence; car le lieu qu'ils habitent se nomme la Judée. Le nom de leur ville est tout à fait bizarre: ils l'appellent Jérusalémé. 180 Cet homme donc, que beaucoup de gens recevaient comme leur hôte, et qui descendait de l'intérieur vers la côte, était Grec, non seulement par la langue, mais aussi par l'âme. 181 Pendant que je séjournais en Asie[107], il aborda aux mêmes lieux, et se lia avec moi et quelques autres hommes d'étude, pour éprouver notre science. Comme il avait en commerce avec beaucoup d'esprits cultivés, il nous livrait plutôt un peu de la sienne. » 182 Telles sont les paroles d'Aristote dans Cléarque, et il raconte encore que ce Juif poussait à un point étonnant la force d'âme et la tempérance dans sa manière de vivre. On peut, si l'on veut, en apprendre davantage dans ce livre même. Pour moi, je me garde de citer plus qu'il ne faut[108].

183 Ainsi s'exprime Cléarque dans une digression, - car le sujet qu'il traite est différent, - et c'est ainsi qu'il nous mentionne. Quant à Hécatée d'Abdère, à la fois philosophe et homme d'action consommé, qui fleurit en même temps que le roi Alexandre et vécut auprès de Ptolémée, fils de Lagos, ce n'est pas incidemment qu'il a parlé de nous; mais il a composé spécialement sur les Juifs mêmes un livre[109] dont je veux brièvement parcourir quelques passages. 184 D'abord je vais établir l'époque. Il mentionne la bataille livrée près de Gaza par Ptolémée à Démétrius ; or, elle eut lieu onze ans après la mort d'Alexandre[110] et dans la CXVIIe olympiade, comme le raconte Castor. 185 En effet, après avoir inscrit cette olympiade, il dit : « Dans ce temps Ptolémée, fils de Lagos, vainquit en bataille rangée, à Gaza, Démétrius, fils d'Antigone, surnommé Poliorcète. » Or Alexandre mourut, l'accord est unanime, dans la CXIVe olympiade[111]. Il est donc évident que sous Ptolémée et sous Alexandre notre peuple florissait. 186 Hécatée dit encore qu'après la bataille de Gaza, Ptolémée devint maître de la Syrie et que beaucoup des habitants, informés de sa douceur et de son humanité ? voulurent partir avec lui pour l'Égypte et associer leurs destinées à la sienne. 187 « De ce nombre, dit-il, était Ezéchias, grand-prêtre des Juifs[112], âgé d'environ soixante-six ans et haut placé dans l'estime de ses compatriotes, homme intelligent, avec cela orateur éloquent et rompu à la politique autant qu'homme du monde. 188 Pourtant le nombre total des prêtres juifs qui reçoivent la dîme des produits et administrent les affaires publiques est d'environ quinze cents[113]. » 189 Et revenant sur ce personnage : « Cet homme, dit-il, après avoir obtenu cette dignité[114] et lié commerce avec moi, réunit quelques-uns de ses familiers… et leur fit connaître toutes les particularités de sa nation[115], car il avait par écrit l'histoire de l'établissement des Juifs dans leur pays et leur constitution. » 190 Puis Hécatée montre encore comment nous nous comportons à l'égard des lois, que nous préférons subir toutes les souffrances plutôt que de les transgresser, et que nous plaçons là notre honneur. 191 « Aussi, dit-il, ni les sarcasmes de leurs voisins et de tous les étrangers qui les visitent, ni les fréquents outrages des rois et des satrapes perses ne peuvent les faire changer de croyances; pour ces lois ils affrontent sans défense les coups et les morts les plus terribles de toutes, plutôt que de renier les coutumes des ancêtres. » 192 Il apporte aussi des preuves nombreuses de leur fermeté à observer les lois. Il raconte qu'Alexandre, se trouvant jadis à Babylone et ayant entrepris de restaurer le temple de Bel tombé en ruines[116], donna l'ordre à tous ses soldats sans distinction de travailler au terrassement ; seuls les Juifs s'y refusèrent et même souffrirent les coups et payèrent de fortes amendes jusqu'à ce que le roi leur accordât leur pardon et les dispensât de cette tâche. 193 « De même, dit-il, quand des étrangers venus chez eux, dans leur pays, y élevèrent des temples et des autels, ils les rasèrent tous et pour les uns payèrent une amende aux satrapes, pour d'autres reçurent leur grâce. » Et il ajoute qu'il est juste de les admirer pour cette conduite. 194 Il dit aussi combien notre race est populeuse. « Bien des myriades de Juifs, dit-il, furent d'abord emmenées à Babylone par les Perses[117] et beaucoup aussi après la mort d'Alexandre passèrent en Égypte et en Phénicie à la suite des révolutions de la Syrie. » 195 Ce même auteur donne des renseignements sur l'étendue de la région que nous habitons et sur sa beauté. « Ils cultivent, dit-il, environ trois millions d'aroures[118] de la terre la meilleure et la plus fertile en toutes sortes de fruits; car telle est la superficie de la Judée. » 196 D'autre part, sur la grande beauté et l'étendue considérable de la ville même de Jérusalem, que nous habitons depuis les temps les plus reculés, sur sa nombreuse population et sur la disposition du temple, voici les détails que donne le même auteur : 197 « Les Juifs ont de nombreuses forteresses[119] et de nombreux villages épars dans le pays, mais une seule ville fortifiée, de cinquante stades environ de circonférence[120] ; elle a une population de cent vingt mille âmes environ, et ils l'appellent Jérusalem. 198 Vers le milieu de la ville s'élève une enceinte de pierre longue de cinq plèthres environ[121], large de cent coudées[122] et percée de doubles portes. Elle renferme un autel carré, formé d'une réunion de pierres brutes, non taillées, qui a vingt coudées de chaque côté et dix de hauteur[123]. A côté se trouve un grand édifice, qui contient un autel et un chandelier, tous deux en or et du poids de deux talents[124]. 199 Leur feu ne s'éteint jamais ni la nuit ni le jour. Pas la moindre statue ni le moindre monument votif. Aucune plante absolument, comme arbustes sacrés ou autres semblables. Des prêtres y passent les nuits et les jours à faire certaines purifications et s'abstiennent complètement de vin dans le temple[125]. » 200 L'auteur témoigne, en outre, que les Juifs firent campagne avec le roi Alexandre[126], et ensuite avec ses successeurs. Lui-même dit avoir assisté à un incident créé par un Juif pendant l'expédition et que je vais rapporter. 201 Voici ses paroles : « Marchant vers la mer Erythrée, j'avais avec moi, parmi les cavaliers de mon escorte, un Juif nommé Mosollamos[127], homme intelligent, vigoureux, et le plus habile archer, de l'aveu unanime, parmi les Grecs et les barbares. 202 Cet homme, voyant de nombreux soldats aller et venir sur la route, un devin prendre les auspices et décider la halte de toute ta troupe, demanda pourquoi l'on restait là. 203 Le devin lui montra l'oiseau et lui dit que, s'il restait posé là, l'intérêt de tous était de s'arrêter ; s'il prenait son vol en avant, d'avancer ; s'il le prenait en arrière, de rebrousser chemin. Alors, le Juif, sans dire un mot, banda son arc, lança la flèche et frappa l'oiseau, qu'il tua. 204 Le devin et quelques autres s'indignèrent et l'accablèrent d'imprécations. “Pourquoi cette fureur, dit l'homme, ô malheureux ?” Puis, prenant la bête entre ses mains : “Comment cet oiseau, qui n'a pas su pourvoir à son propre salut, nous donnerait-il sur notre marche une indication sensée ? S'il avait pu prévoir l’avenir, il ne serait pas venu ici, de crainte de mourir frappé d'une flèche par le Juif Mosollamos[128]”. »

205 Mais en voilà assez sur des témoignages d'Hécatée ; si l'on veut en apprendre davantage, il est facile de lire son livre. Je n'hésiterai pas à nommer aussi Agatharchide, qui, pour railler notre sottise, à ce qu'il croit, fait mention de nous[129]. 206 Il raconte l'histoire de Stratonice[130], comment elle vint de Macédoine en Syrie après avoir abandonné son mari Démétrius, comment, Séleucus ayant refusé sa main contre son attente, elle souleva Antioche pendant qu'il faisait son expédition en partant de Babylone, 207 puis, après le retour du roi et la prise d'Antioche, comment elle s'enfuit à Séleucie, et, au lieu de gagner rapidement le large ainsi qu'elle le pouvait, se laissa arrêter par un songe, fut prise et mise à mort. 208 Après ce récit, Agatharchide raille la superstition de Stratonice et cite comme exemple de faiblesse pareille ce qu'on raconte de nous. 209 Il s'exprime ainsi : « Ceux qu'on appelle Juifs, habitants de la ville la plus fortifiée de toutes, que les naturels nomment Jérusalem, sont accoutumés à se reposer tous les sept jours, à ne point, pendant ce temps, porter leurs armes ni cultiver la terre ni accomplir aucune autre corvée, mais à prier dans les temples jusqu'au soir les mains étendues. 210 Aussi lorsque Ptolémée fils de Lagos envahit leur territoire avec son armée, comme, au lieu de garder la ville, ces hommes persévérèrent dans leur folie, leur patrie reçut un maître tyrannique, et il fut prouvé que leur loi comportait une sotte coutume[131]. 211 Par cet événement, tout le monde, sauf eux, apprit qu'il ne faut recourir aux visions des songes et aux superstitions traditionnelles concernant la divinité, que lorsque les raisonnements humains nous laissent en détresse dans des circonstances critiques. » 212 Agatharchide trouve le fait ridicule ; mais, si on l'examine sans malveillance, on voit qu'il y a pour des hommes de la grandeur et un mérite très louable à se soucier toujours moins et de leur salut et de leur patrie que de l'observation des lois et de la piété envers Dieu.

XXIII

Autres auteurs grecs qui ont parlé des Juifs.

213 J'ajoute que ce n'est pas par ignorance de notre nation, mais par jalousie, ou pour d'autres causes honteuses, que quelques-uns des historiens ont omis de nous mentionner ; je vais, je crois, en fournir la preuve. Hiéronyme, qui a composé l'histoire des successeurs d'Alexandre, contemporain d'Hécatée, et ami du roi Antigone, gouvernait la Syrie. 214 Cependant, tandis qu'Hécatée a écrit un livre entier sur nous, Hiéronyme ne nous a mentionnés nulle part dans son Histoire[132], bien qu'il eût vécu presque dans notre pays, tant ces hommes différaient de sentiments! A l'un nous avons semblé mériter une mention importante; une passion tout à fait défavorable à la vérité empêcha l'autre de voir clair. 215 Pourtant il suffit, pour prouver notre antiquité, des annales égyptiennes, chaldéennes et phéniciennes, auxquelles s'ajoutent tant d'historiens grecs. 216 Outre ceux que j'ai déjà cités, Théophile, Théodote, Mnaséas, Aristophane, Hermogène, Evhémère, Conon, Zopyrion et beaucoup d'autres peut-être - car je n'ai pas lu tous les livres - ont parlé de nous assez longuement[133]. 217 La plupart de ces auteurs se sont trompés sur les origines pour n’avoir pas lu nos livres sacrés; mais tous s'accordent à témoigner de notre antiquité dont j'ai fait l'objet de ce traité. 218 Pourtant Démétrius de Phalère, Philon l'ancien et Eupolémos ne se sont pas beaucoup écartés de la vérité[134]. il faut les excuser, car ils ne pouvaient suivre nos annales en toute exactitude.

 

 

[97] Cf. l'histoire de l'ânesse de Balaam, Nombres, xx, 22-23.

[98] Cf. Exode, XXII, 28 ; Lévitique, XIX, 16. Comparer les textes du Talmud qui défendent de prendre le bain de purification dans une eau stagnante (Mishna Mikwaot) ou de boire de l'eau qui est restée découverte la nuit (Houllin, 9 b ; jer. Teroum., 48 c).

[99] Antonius Diogène ap. Porphyre, Pyth. 11 ; Aristobule ap. Eusèbe, Praep. XIII, 12, 4.

[100] Ou plutôt « offert à Dieu » (Lévitique, i, 10 ; ii, 4 ; iii) = tabou. Le prétendu serment « par l'or du Temple », Korbanas (Matth., xxiii, 16) se confond avec celui-ci.

[101] Hérodote, II, 104 (texte rappelé aussi en abrégé Ant., VIII, 262).

[102] Les mots « Syriens de Palestine », dans la langue d'Hérodote, désignent les Philistins ; or nous savons qu'au moins à l'époque biblique ceux-ci étaient incirconcis. On a essayé de diverses manières de justifier soit Hérodote, soit Josèphe. Cf. mes Textes d’auteurs grecs et romains, p. 2.

[103] Il florissait vers la fin du ve siècle.

[104] Le raisonnement de Josèphe est ingénieux, mais peu probant. Les fabuleux monts Solymiens (inconnus, quoi qu'il en dise, en Judée et qu'on chercha en Lycie) ont été empruntés par Chœrilos à Homère (Odyssée, V, 383 ; texte visé par Josèphe, Antiquités, VII, 3, 2, § 67 ; cf. Tacite, Hist., V, 2). La tonsure ronde, coutumière chez les Arabes (Jérémie, ix, 25 ; Hérodote, III, 8), est expressément interdite aux Juifs (Lévitique, xix, 27). La coiffure en protome de cheval appartient aux Éthiopiens d'Asie (Hérodote, VII, 70).

[105] Dans son traité De l'éducation (Diog. Laërce, prooem. § 9), Cléarque faisait descendre les gymnosophistes des mages et Diogène ajoute : « quelques-uns prétendent que les Juifs aussi descendent des mages ». Le parallèle entre les Juifs et les brahmanes était aussi indiqué par Mégasthène (ap. Clem. Alex., Stromat., I, 15).

[106] En réalité, Calanos n'est que le sobriquet individuel du gymnosophiste Sphinès qui suivit l'armée d'Alexandre et mit volontairement fin à sa vie en montant sur le bûcher.

[107] Il s'agit du séjour d'Aristote à Atarné (348-345).

[108] E. Havet a supposé que Josèphe avait un autre motif de ne pas prolonger sa citation : c'est que le Juif d'Atarné serait identique au « magnétiseur », assez vulgaire dont il était question dans le même traité de Cléarque (fr. ap. Pitra, Analecta sacra, V, 2, p. 2 1).

[109] Ce livre ne doit pas être confondu avec l'ouvrage certainement apocryphe sur Abraham, également attribué à Hécatée (cf. Textes, p. 236). Les uns, comme Willrich, voient dans le livre sur les Juifs un faux, d'autres le croient identique à l'ouvrage (ou à la partie d'un grand ouvrage ?) d'Hécatée auquel Diodore a emprunté son aperçu du judaïsme (Diodore, XL, 3- Textes, p. 14 suiv.).

[110] En 312 av. J.-C.

[111] 323 av. J.-C.

[112] Ezéchias ne figure pas sur la liste des grands-prêtres juifs de cette époque donnée par Josèphe (Antiq., XI, 8, 7; XII, 2, 4), liste d'ailleurs sujette à caution (cf. Willrich, Juden und Griechen, p. 107 suiv.) Willrich a supposé, Urkundenfälschung, p. 29, que la figure d'Ezéchias est calquée sur celle du grand-prêtre Onias qui se réfugia en Égypte sous Philométor.

[113] Chiffre très inférieur à celui de 4289 donné (pour le temps de Zorobabel) par Esdras, ii, 36-39, et Néhémie. vii, 39-42.

[114] Quelle dignité ? la grande prêtrise ou bien quelque distinction qui lui fut accordée par Ptolémée Sôter et dont il était question dans un passage sauté par Josèphe ?

[115] Texte sans doute altéré. J. Février (La Date, la Composition et les Sources de la Lettre d'Aristée, p. 70) a proposé de reconnaître dans διαφορὰν un mot rarissime qui signifierait livre ; il s'agirait du Pentateuque.

[116] Cette entreprise est attestée par Arrien, VII, 17 et Strabon, xvi, i, 5.

[117] Il ne s'agit pas de la déportation de Juifs par Artaxerxés Ochus (Syncelle, I, 486 Dindorf), mais de la captivité de Babylone elle-même qu'Hécatée (?), mal informé, attribue aux Perses et non aux Chaldéens. J. G. Müller (Des Flavius Josephus Schrift gegen den Apion, p. 175) voit dans cette erreur une preuve de l'authenticité du morceau, mais, comme le remarque Willrich, II Maccabées, I, 19, parle aussi de la captivité de Babylone comme d'une déportation εἰς τὴν Περσικήν.

[118] 825.000 hectares. L'évaluation d' « Hécatée » est modérée, à la différence de celle de la Lettre d'Aristée, § 116 : la Palestine au moment de la conquête par les Hébreux aurait compté 60 millions d'aroures (plus de 16 millions d'hectares).

[119] Anachronisme.

[120] 40 stades seulement suivant Timocharès (Textes, p. 52) et Aristée (§ 105), 33 selon Josèphe (Bellum, V, 4, 2), 27 selon Xénophon l'arpenteur (Textes, p. 54). Le chiffre de la population est pareillement exagéré.

[121] 150 mètres.

[122] Autre exagération. Le décret de Cyrus (Esdras, vi, 3) prescrit 60 coudées pour la largeur du temple.

[123] L'autel de l'Exode (xxvii, i, suiv.) n'a que 5 coudées de long et de large sur 3 de haut. Il est remarquable que les dimensions ici indiquées sont celles que la Chronique (II, iv, i) attribue à l'autel d'airain du temple de Salomon.

[124] Cf. I Maccabées, i, 23.

[125] Lévitique, i, 9. Le « service de nuit » des prêtres ne peut être qu'une garde.

[126] Mensonge évident.

[127] Transcription grecque de Meschoullam.

[128] L'histoire de Mosollamos est la caricature d'un très vieux thème : déjà l'Iliade (B, 858) met en scène un oiônistès que son art ne prémunit pas contre les dangers de l'expédition où il trouvera la mort.

[129] Agatharchide de Cnide, qui florissait sous Ptolémée VI Philométor (181-146 av. J.-C.) avait laissé d'importants ouvrages géographiques et historiques, notamment une Histoire d'Europe en 49 livres et une Histoire d'Asie en 10 livres. Le fragment suivant est reproduit en partie dans les Antiquités, XII, I, i.

[130] Stratonice, fille d'Antiochus Ier Soter, roi d'Asie, avait épousé Démétrius II de Macédoine. Lorsque celui-ci prit une autre femme, vers 239, elle vint à Antioche dans l'espoir d'épouser son neveu Séleucus II Gallinicus.

[131] La date de cet évènement est inconnue : il ne peut s'agir de l'expédition de 320, où Ptolémée envoya en Syrie son lieutenant Nicanor (Diodore, XVIII, 43). Willrich a supposé (Juden und Griechen, p. 23) que la prise de Jérusalem suivit la victoire de Gaza (312), mais, comme il le rappelle lui-même, Diodore ne mentionne (XIX, 85 suiv.) parmi les villes de Palestine prises, puis rasées à cette occasion, que Joppé, Samarie et Gaza. Nous savons, d'autre part, que Jérusalem fut démantelée par Ptolémée (Appien, Syr., 50).

[132] Hiéronyme de Cardie vécut environ de 360 à 265 avant J.-C. Son histoire des diadoques et des épigones allait de la mort d'Alexandre à celle de Pyrrhus.

[133] Théophile avait parlé des rapports de Salomon avec Hirôm (Polyhistor, fr. 19) Théodote, Samaritain, est l'auteur d'un Περὶ ᾿Ιουδαίων, en vers (ibid., fr. 9). Nous retrouverons Mnaséas plus loin (II, 9). Hermogène avait écrit des Φρυγιακά où il était question de Nannacos, le Noé phrygien (Frag. hist. graec., III, 524 Didot). Evhémère est l'auteur célèbre du roman intitulé Histoire sacrée. Aristophane, Conon, Zopyrion sont inconnus ou douteux.

[134] Auteurs juifs cités par Polyhistor que Josèphe a pris pour des Grecs.

 

 

qu'il tua. 204 Le