Avec deux traductions
Oeuvres complètes
trad. en français sous la dir. de Théodore Reinach,.... trad. de René Harmand,... ;
révisée et annotée par S. Reinach et J. Weill E. Leroux, 1900-1932. Publications de la Société des études juives)
Oeuvres complètes par Buchon
CHAPITRE IV. Réponse à ce que pour montrer que la nation des Juifs n'est pas ancienne, on a dit que les historiens grecs n'en parlent point. Je veux maintenant réfuter ceux qui tâchent de faire croire que notre discipline et la forme de notre gouvernement n'est pas ancienne. Ils n'en allèguent autre raison sinon que les auteurs grecs n'en parlent point. Je rapporterai ensuite des preuves de l'antiquité de notre nation tirées des écrits des autres peuples, et ferai connaître la malice de ceux qui nous traitent de la sorte. Comme le pays que nous habitons est éloigné de la mer, nous ne nous appliquons point au commerce, et n'avons point de communications avec les autres nations. Nous nous contentons de cultiver nos terres qui sont très-stériles et travaillons principalement à bien élever nos enfant . parce que rien ne nous paraît si nécessaire que de les instruire dans la connaissance de nos saintes lois et dans une véritable piété qui leur inspire le désir de les observer. Ces raisons ajoutées à ce que j'ai dit et à cette manière de vie qui nous est particulière font voir que dans les siècles passés nous n'avons point eu de communications avec les Grecs, comme ont eu les Égyptiens el les Phéniciens qui, habitant des provinces maritimes, négocient avec eux par le désir de s'enrichir ; et nos pères n'ont point fait aussi comme d'autres nations des courses sur leurs voisins, ni ne leur ont point fait la guerre par l'envie d'augmenter leur bien, quoiqu' ils fussent en très grand nombre el très vaillants. Il ne faut donc pas trouver étrange que les Égyptiens, les Phéniciens el les autres peuples qui trafiquent sur la mer aient été connus des Grecs, et que les Mèdes et les Perses l'aient aussi été ensuite puisqu'ils régnaient dans l'Asie, et que les Perses ont porté la guerre jusque dans l'Europe. Les Thraces ont de même été connus d'eux parce qu'ils en sont proches. Les Scythes ou Tartares l'ont été par le moyen du ceux qui naviguaient sur la mer de Pont ; et généralement tous ceux qui habitent le long des mers orientales et occidentales l'ont été de ceux qui ont voulu écrire quelque chose de ce qui les regarde. Quant aux peuples qui habitent les terres éloignées de la mer ils leur sont demeurés inconnus pendant un longtemps, et la même chose est arrivée dans l'Europe, comme il paraît; parce qu'encore que les Romains se fussent il y avait déjà longtemps élevés à une si grande puissance et eussent achevé tant de guerres, Hérodote, Thucydide, et les autres historiens qui ont écrit en ces mêmes temps n'en font point mention, parce que les Grecs n'en ont eu que fort tard la connaissance. Leur ignorance des Gaules et de l'Espagne a été telle, que ceux qui passent pour les plus exacts, tel qu'est Éphore, se sont imaginé que l'Espagne, qui occupe dans l'occident une si grande étendue de pays, n'était qu'une ville, et ne rapportent rien ni des mœurs de ces province, ni des choses qui s'y passent. Leur éloignement leur a fait ignorer la vérité : et le désir de paraître mieux informés que les autres leur a fait écrire des choses fausses. Y a-t-il donc sujet de s'étonner que notre nation n'étant point voisine de la mer, n'affectant de rien écrire, et vivant en la manière que je l'ai dit, ait été peu connue. Que si. pour me servir du même raisonnement que les Grecs, j'alléguais pour prouver que leur nation n'est pas ancienne, qu'il ne s'en trouve rien d'écrit parmi nous, ne se moqueraient-ils pas de moi, el ne produiraient-ils pas pour témoin du contraire les peuples leurs voisins. Il me doit donc être permis de faire la même chose, et de me servir du témoignage des Egyptiens et des Phéniciens que je ne crains point qui m'accusent de fausseté, quoique les Égyptien nous haïssent, et que les Phéniciens ne nous aiment pas, et que particulièrement ceux de Tyr soient nos ennemis. Je n'en dirai pas de même des Chaldéens : car ils ont régné sur notre nation, et parlent de nous dans plusieurs endroits de leurs écrits.
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[60] Ἡμεῖς τοίνυν οὔτε χώραν οἰκοῦμεν παράλιον οὔτ' ἐμπορίαις χαίρομεν οὐδὲ ταῖς πρὸς ἄλλους διὰ τούτων ἐπιμιξίαις, ἀλλ' εἰσὶ μὲν ἡμῶν αἱ πόλεις μακρὰν ἀπὸ θαλάσσης ἀνῳκισμέναι, χώραν δὲ ἀγαθὴν νεμόμενοι ταύτην ἐκπονοῦμεν μάλιστα δὴ πάντων περὶ παιδοτροφίαν φιλοκαλοῦντες καὶ τὸ φυλάττειν τοὺς νόμους καὶ τὴν κατὰ τούτους παραδεδομένην εὐσέβειαν ἔργον ἀναγκαιότατον παντὸς τοῦ βίου πεποιημένοι. [61] Προσούσης τοίνυν τοῖς εἰρημένοις καὶ τῆς περὶ τὸν βίον ἡμῶν ἰδιότητος οὐδὲν ἐν τοῖς παλαιοῖς χρόνοις ποιοῦν ἡμῖν πρὸς τοὺς Ἕλληνας ἐπιμιξίαν, ὥσπερ Αἰγυπτίοις μὲν τὰ παρ' αὐτῶν ἐξαγόμενα καὶ πρὸς αὐτοὺς εἰσαγόμενα, τοῖς δὲ τὴν παράλιον τῆς Φοινίκης κατοικοῦσιν ἡ περὶ τὰς καπηλείας καὶ [62] περὶ τὰς ἐμπορίας σπουδὴ διὰ τὸ φιλοχρηματεῖν. Οὐ μὴν οὐδὲ πρὸς λῃστείας, ὥσπερ ἄλλοι τινές, ἢ τὸ πλέον ἔχειν ἀξιοῦν πολεμοῦντες ἐτράπησαν ἡμῶν οἱ πατέρες καίτοι πολλὰς τῆς χώρας ἐχούσης μυριάδας ἀνδρῶν οὐκ ἀτόλμων. [63] Διὰ τοῦτο Φοίνικες μὲν αὐτοὶ κατ' ἐμπορίαν τοῖς Ἕλλησιν ἐπεισπλέοντες εὐθὺς ἐγνώσθησαν καὶ δι' ἐκείνων Αἰγύπτιοι καὶ πάντες, ἀφ' ὧν τὸν φόρτον εἰς τοὺς Ἕλληνας διεκόμιζον μεγάλα πελάγη διαίροντες. [64] Μῆδοι δὲ μετὰ ταῦτα καὶ Πέρσαι φανεροὶ κατέστησαν τῆς Ἀσίας ἐπάρξαντες, οἱ δὲ καὶ μέχρι τῆς ἡμετέρας ἠπείρου Πέρσαι στρατεύσαντες. Θρᾷκες δὲ διὰ γειτονίαν καὶ τὸ Σκυθικὸν ὑπὸ τῶν εἰς τὸν Πόντον ἐγνώσθη πλεόντων. [65] Ὅλως γὰρ ἅπαντες οἱ παρὰ τὴν θάλατταν καὶ τὴν πρὸς ταῖς ἀνατολαῖς καὶ πρὸς τὴν ἑσπέριον κατοικοῦντες τοῖς συγγράφειν τι βουλομένοις γνωριμώτεροι κατέστησαν, οἱ δὲ ταύτης [66] ἀνωτέρω τὰς οἰκήσεις ἔχοντες ἐπὶ πλεῖστον ἠγνοήθησαν. Καὶ τοῦτο φαίνεται καὶ περὶ τὴν Εὐρώπην συμβεβηκός, ὅπου γε τῆς Ῥωμαίων πόλεως, τοιαύτην ἐκ μακροῦ δύναμιν κεκτημένης καὶ τοιαύτας πράξεις κατορθούσης πολεμικάς, οὔθ' ὁ Ἡρόδοτος οὔτε Θουκυδίδης οὔτε τῶν ἅμα τούτοις γενομένων οὐδὲ εἷς ἐμνημόνευκεν, ἀλλ' ὀψέ ποτε καὶ μόλις αὐτῶν εἰς τοὺς Ἕλληνας ἡ γνῶσις διεξῆλθεν. [67] Περὶ μὲν γὰρ Γαλατῶν τε καὶ Ἰβήρων οὕτως ἠγνόησαν οἱ δοκοῦντες ἀκριβέστατοι συγγραφεῖς, ὧν ἐστιν Ἔφορος, ὥστε πόλιν οἴεται μίαν εἶναι τοὺς Ἴβηρας τοὺς τοσοῦτο μέρος τῆς ἑσπερίου γῆς κατοικοῦντας, καὶ τὰ μήτε γενόμενα παρ' αὐτοῖς ἔθη μήτε λεγόμενα γράφειν ὡς ἐκείνων αὐτοῖς χρωμένων ἐτόλμησαν. [68] Αἴτιον δὲ τοῦ μὲν μὴ γιγνώσκειν τἀληθὲς τὸ λίαν ἀνεπίμικτον, τοῦ δὲ γράφειν ψευδῆ τὸ βούλεσθαι δοκεῖν τι πλέον τῶν ἄλλων ἱστορεῖν. Πῶς οὖν ἔτι θαυμάζειν προσῆκεν, εἰ μηδὲ τὸ ἡμέτερον ἔθνος πολλοῖς ἐγιγνώσκετο μηδὲ τῆς ἐν τοῖς συγγράμμασι μνήμης ἀφορμὴν παρέσχεν, οὕτως μὲν ἀπῳκισμένον τῆς θαλάσσης, οὕτως δὲ βιοτεύειν προῃρημένον; [69] Φέρε τοίνυν ἡμᾶς ἀξιοῦν τεκμηρίῳ χρῆσθαι περὶ τῶν Ἑλλήνων, ὅτι μὴ παλαιόν ἐστιν αὐτῶν τὸ γένος, τῷ μηθὲν ἐν ταῖς ἡμετέραις ἀναγραφαῖς περὶ αὐτῶν εἰρῆσθαι. Ἆρ' οὐχὶ πάντως ἂν κατεγέλων αὐτὰς οἶμαι τὰς ὑπ' ἐμοῦ νῦν εἰρημένας κομίζοντες αἰτίας καὶ μάρτυρας ἂν τοὺς πλησιοχώρους παρείχοντο τῆς αὐτῶν ἀρχαιότητος; [70] Κἀγὼ τοίνυν πειράσομαι τοῦτο ποιεῖν· Αἰγυπτίοις γὰρ καὶ Φοίνιξι μάλιστα δὴ χρήσομαι μάρτυσιν, οὐκ ἄν τινος ὡς ψευδῆ τὴν μαρτυρίαν διαβάλλειν δυνηθέντος· φαίνονται γὰρ καὶ δὴ μάλιστα πρὸς ἡμᾶς δυσμενῶς διατεθέντες κοινῇ μὲν ἅπαντες [71] Αἰγύπτιοι, Φοινίκων δὲ Τύριοι. Περὶ μέντοι Χαλδαίων οὐκέτι ταὐτὸ τοῦτο δυναίμην ἂν λέγειν, ἐπεὶ καὶ τοῦ γένους ἡμῶν ἀρχηγοὶ καθεστήκασιν καὶ διὰ τὴν συγγένειαν ἐν ταῖς αὐτῶν ἀναγραφαῖς Ἰουδαίων μνημονεύουσιν. [72] Ὅταν δὲ τὰς περὶ τούτων πίστεις παράσχω, τότε καὶ τῶν Ἑλλήνων συγγραφέων ἀποφανῶ τοὺς μνήμην Ἰουδαίων πεποιηκότας, ἵνα μηδὲ ταύτην ἔτι τὴν πρόφασιν οἱ βασκαίνοντες ἔχωσιν τῆς πρὸς ἡμᾶς ἀντιλογίας. |
XIILes historiens grecs ne mentionnent pas les Juifs parce qu'ils ne les connaissaient pas. 60 Or donc, nous n'habitons pas un pays maritime[27], nous ne nous plaisons pas au commerce, ni à la fréquentation des étrangers qui en résulte. Nos villes sont bâties loin de la mer, et, comme nous habitons un pays fertile, nous le cultivons avec ardeur, mettant surtout notre amour-propre à élever nos enfants, et faisant de l'observation des lois et des pratiques pieuses, qui nous ont été transmises conformément à ces lois, l'œuvre la plus nécessaire de toute la vie. 61 Si l'on ajoute à ces raisons la particularité de notre genre d'existence, rien dans les temps anciens ne nous mettait en relations avec les Grecs, comme les Égyptiens, qui exportaient chez eux des produits et importaient les leurs, ou comme les habitants de la côte phénicienne qui s'adonnaient avec ardeur au petit et au grand commerce par amour du gain[28]. 62 D’autre part, nos ancêtres ne se livrèrent pas non plus à la piraterie comme d'autres, ou à la guerre par le désir de s'agrandir, quoique le pays possédât des dizaines de milliers d'hommes qui ne manquaient point d'audace. 63 Voilà pourquoi les Phéniciens, qui sur leurs vaisseaux venaient trafiquer en Grèce, furent de bonne heure connus eux-mêmes et firent connaître les Égyptiens et tous ceux dont ils transportaient les marchandises chez les Grecs à travers des mers immenses. 64 Ensuite les Mèdes et les Perses révélèrent leur existence par la conquête de l'Asie, ces derniers mieux encore par leur expédition jusqu'à l'autre continent. Les Thraces furent connus grâce à leur proximité, les Scythes par les navigateurs du Pont-Euxin. 65 Bref, tous les peuples riverains de la mer, tant à l'orient qu'à l'occident, se firent plus facilement connaître aux auteurs qui voulurent écrire l'histoire, mais ceux qui habitaient plus haut dans les terres restèrent la plupart du temps ignorés. 66 Nous voyons que le fait s'est produit même en Europe, puisque Rome, qui depuis longtemps avait acquis une telle puissance et dont les armes étaient si heureuses, n'est mentionnée ni par Hérodote ni par Thucydide, ni par un seul de leurs contemporains ; ce fut longtemps après et avec peine que la connaissance en parvint chez les Grecs. 67 Sur les Gaulois et les Ibères telle était l'ignorance des historiens considérés comme les plus exacts, parmi lesquels on compte Ephore, que, dans sa pensée, les Ibères forment une seule cité, eux qui occupent une si grande portion de l'Occident; et ils ont osé décrire et attribuer à ces peuples des mœurs qui ne correspondent ni à des faits ni à des on-dit. 68 S'ils ignorent la vérité, c'est qu'on n'avait point du tout de relations avec ces peuples ; mais s'ils écrivent des erreurs, c’est qu'ils veulent paraître en savoir plus long que les autres. Convenait-il donc de s'étonner encore si notre peuple aussi ne fut pas connu beaucoup d'auteurs et n'a pas fourni aux historiens l'occasion de le mentionner, établi ainsi loin de la mer et ayant choisi pareil genre de vie ? XIIIMais les peuples voisins témoignent de notre antiquité. 69 Supposez que nous voulions, pour prouver que la race des Grecs n'est pas ancienne, alléguer que nos annales n'ont point parlé d'eux, nos adversaires n'éclateraient-ils pas de rire, apportant, je pense, les mêmes explications que je viens de donner, et, comme témoins de leur antiquité, ne produiraient-ils pas leurs voisins ? C'est ce que je vais moi-même essayer de faire. 70 J'invoquerai surtout les Égyptiens et les Phéniciens, dont on ne saurait récuser le témoignage; il est notoire, on effet, que les Égyptiens sans exception, et parmi les Phéniciens ceux de Tyr[29], avaient à notre égard les plus mauvaises dispositions. 71 Des Chaldéens je ne saurais en dire autant, car ils furent les ancêtres de notre race et, à cause de cette parenté, ils mentionnent les Juifs dans leurs annales. 72 Quand j'aurai apporté les cautions fournies par ces peuples, je ferai connaître aussi les historiens grecs qui ont parlé des Juifs afin d'enlever à nos envieux le dernier prétexte de chicane contre nous.
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[27] L'Etat juif n'a en effet atteint la côte méditerranéenne que très tard, sous l'Hasmonéen Simon et le judaïsme ne prédomina jamais dans les ports palestiniens. [28] La médiocre place que la navigation occupait dans la vie d'Israël ressort de la pénurie des informations de la Bible sur la marine; en dehors du récit des entreprises de Salomon et de Josaphat sur la Mer Rouge et des mentions du trafic phénicien, les seuls textes de quelque étendue qui concernent la mer sont Jonas, i-ii et le Psaume 107, 23-32. [29] D'après Ezéchiel xxxvi, 2, Tyr aurait applaudi à la destruction de Jérusalem. A une époque plus récente, les Tyriens de Kydasa furent pour les Galiléens de mauvais voisins (Bellum IV, 2, 3 § 111) et en 66 les gens de Tyr massacrèrent un grand nombre de Juifs (Bellum, II, 18, 5 § 478).
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