Flavius Josèphe

Flavius Josèphe

 

Contre Apion : livre I (3)

 

 

  2 - 4   

 

 

 

Flavius Josèphe

 

Contre Apion

Avec deux traductions

 

Oeuvres complètes

trad. en français sous la dir. de Théodore Reinach,....   trad. de René Harmand,... ;

révisée et annotée par S. Reinach et J. Weill  E. Leroux, 1900-1932. Publications de la Société des études juives)  

 

Oeuvres complètes par Buchon

 

 

 

 

 

 

 

CHAPITRE III.

Que ceux qui ont écrit de la guerre des Juifs contre les Romains n'en avaient aucune connaissance par eux-mêmes ; et qu'il ne peut rien s'ajouter à celle que Joseph en avait, ni à son soin de ne rien rapporter que de véritable.

Quant à celle dernière guerre qui nous a été si funeste, n'est-ce pas une chose étrange que quelques-uns l'ayant écrite sur le rapport de certaines choses qui leur ont été dites, sans avoir jamais vu les lieux où elle s'est faite ni s'en être seulement approchés, ils aient néanmoins l'impudence de vouloir passer pour historiens ? On ne peut pas dire la même chose de moi. Je n'ai rien écrit qui ne soit très véritable : je me suis trouvé présent à tout : je commandais dans la  Galilée pendant tout le temps qu'elle s'est vue en état de pouvoir résister; et lorsque ayant été pris par les Romains Vespasien el Titus me retenaient prisonnier, ils m'ont fait voir toutes choses quoique au commencement je fusse encore dans les liens ; et quand on me les eut ôtés je fus envoyé avec Titus lorsqu'il partit d'Alexandrie pour aller assiéger Jérusalem. Il ne s'est rien fait pendant tout ce temps qui ne soit venu à ma connaissance ; je voyais et considérais avec un extrême soin tout ce qui se passait dans l'armée romaine ; je l'écrivais très exactement ; et je manquerais jusqu'aux moindres particularités de ce qui se faisait dans Jérusalem de ceux qui venaient se rendre prisonniers. Ainsi ayant les matériaux de mon histoire tous préparés je travaillai à l'écrire avec l'aide de quelques-uns de mes amis pour ce qui regardait la langue grecque, et je suis si assuré de n'avoir rapporté que la vérité, que je n'ai point craint de prendre pour témoins de ce que j'ai écrit Vespasien et Titus qui avaient eu le souverain commandement dans celle guerre, ils furent les premiers à qui je fis voir mon ouvrage; je le montrai ensuite à plusieurs Romains qui avaient combattu sous leurs ordres ; et lorsque je l'eus mis en lumière plusieurs de notre nation qui avaient connaissance de la langue grecque le virent aussi, particulièrement Julius Archélaus, Hérode, si recommandable par sa vertu, el même le roi Agrippa, cet excellent prince. Ils ont tous rendu témoignage du soin que j'ai pris de rapporter fidèlement la vérité ; ce qu'ils n'auraient eu garde de faire si j'y avais manqué ou par  négligence, ou par ignorance, ou par flatterie. Quelques-uns néanmoins ont eu la malice de m'adresser des réprimandes ridicules comme à des écoliers dans une classe. Ils doivent apprendre que pour écrire fidèlement une histoire il faut savoir très-certainement par soi- même les choses que l'on rapporte, ou les avoir apprises de ceux qui en ont une parfaite connaissance. C'est ce que j'ai fait dans mon ouvrage. Car j'ai puisé dans les livres saints ce que j'ai dit de l'antiquité, comme étant de race sacerdotale et instruit dans celle sainte science. Et quant à cette dernière guerre j'ai eu part à une grande partie des choses que j'en ai écrites; j'en ai vu plusieurs de mes propres yeux, et n'ai rien avancé sur ce sujet dont je ne fusse très assuré. Ne doit-on pas alors considérer comme des imposteurs ceux qui m'accusent de n'être pas véritable, et qui bien qu'ils se vantent d'avoir vu les commentaires de Vespasien et de Titus, n'ont eu nulle connaissance de ce qui s'est passé du côté des Juifs qui ont soutenu cette guerre?

Je me suis trouvé obligé à faire celle digression pour montrer quelles sont les connaissances que doivent avoir ceux qui s'engagent à faire une histoire, et je pense avoir clairement fait voir que ceux de notre nation sont plus capables que les barbares ou que les Grecs d'écrire des choses dont la mémoire est si éloignée de notre siècle.

 



 

 

[47] Ἐγὼ δὲ καὶ περὶ τοῦ πολέμου παντὸς καὶ περὶ τῶν αὐτῷ κατὰ μέρος γενομένων ἀληθῆ τὴν ἀναγραφὴν ἐποιησάμην τοῖς πράγμασιν [48] αὐτὸς ἅπασι παρατυχών· ἐστρατήγουν μὲν γὰρ τῶν παρ' ἡμῖν Γαλιλαίων ὀνομαζομένων ἕως ἀντέχειν δυνατὸν ἦν, ἐγενόμην δὲ παρὰ Ῥωμαίοις συλληφθεὶς αἰχμάλωτος καί με διὰ φυλακῆς Οὐεσπασιανὸς καὶ Τίτος ἔχοντες ἀεὶ προσεδρεύειν αὐτοῖς ἠνάγκασαν τὸ μὲν πρῶτον δεδεμένον, αὖθις δὲ λυθεὶς συνεπέμφθην ἀπὸ [49] τῆς Ἀλεξανδρείας Τίτῳ πρὸς τὴν Ἱεροσολύμων πολιορκίαν. Ἐν ᾧ χρόνῳ γενομένην τῶν πραττομένων οὐκ ἔστιν ὃ τὴν ἐμὴν γνῶσιν διέφυγεν· καὶ γὰρ τὰ κατὰ τὸ στρατόπεδον τὸ Ῥωμαίων ὁρῶν ἐπιμελῶς ἀνέγραφον καὶ τὰ παρὰ τῶν αὐτομόλων ἀπαγγελλόμενα μόνος [50] αὐτὸς συνίειν. Εἶτα σχολῆς ἐν τῇ Ῥώμῃ λαβόμενος, πάσης μοι τῆς πραγματείας ἐν παρασκευῇ γεγενημένης χρησάμενός τισι πρὸς τὴν Ἑλληνίδα φωνὴν συνεργοῖς οὕτως ἐποιησάμην τῶν πράξεων τὴν παράδοσιν. Τοσοῦτον δέ μοι περιῆν θάρσος τῆς ἀληθείας, ὥστε πρώτους πάντων τοὺς αὐτοκράτορας τοῦ πολέμου γενομένους Οὐεσπασιανὸν [51] καὶ Τίτον ἠξίωσα λαβεῖν μάρτυρας. Πρώτοις γὰρ δέδωκα τὰ βιβλία καὶ μετ' ἐκείνους πολλοῖς μὲν Ῥωμαίων τοῖς συμπεπολεμηκόσι, πολλοῖς δὲ τῶν ἡμετέρων ἐπίπρασκον, ἀνδράσι καὶ τῆς Ἑλληνικῆς σοφίας μετεσχηκόσιν, ὧν ἐστιν Ἰούλιος Ἀρχέλαος, Ἡρώδης ὁ σεμνότατος, αὐτὸς ὁ θαυμασιώτατος βασιλεὺς Ἀγρίππας. [52] Οὗτοι μὲν οὖν ἅπαντες ἐμαρτύρησαν, ὅτι τῆς ἀληθείας προύστην ἐπιμελῶς, οὐκ ἂν ὑποστειλάμενοι καὶ σιωπήσαντες, εἴ τι κατ' ἄγνοιαν ἢ χαριζόμενος μετέθηκα τῶν γεγονότων ἢ παρέλιπον.

[53] Φαῦλοι δέ τινες ἄνθρωποι διαβάλλειν μου τὴν ἱστορίαν ἐπικεχειρήκασιν ὥσπερ ἐν σχολῇ μειρακίων γύμνασμα προκεῖσθαι νομίζοντες κατηγορίας παραδόξου καὶ διαβολῆς, δέον ἐκεῖνο γιγνώσκειν, ὅτι δεῖ τὸν ἄλλοις παράδοσιν πράξεων ἀληθινῶν ὑπισχνούμενον αὐτὸν ἐπίστασθαι ταύτας πρότερον ἀκριβῶς ἢ παρηκολουθηκότα [54] τοῖς γεγονόσιν ἢ παρὰ τῶν εἰδότων πυνθανόμενον. Ὅπερ ἐγὼ μάλιστα περὶ ἀμφοτέρας νομίζω πεποιηκέναι τὰς πραγματείας· τὴν μὲν γὰρ ἀρχαιολογίαν, ὥσπερ ἔφην, ἐκ τῶν ἱερῶν γραμμάτων μεθερμήνευκα γεγονὼς ἱερεὺς ἐκ γένους καὶ μετεσχηκὼς τῆς φιλοσοφίας [55] τῆς ἐν ἐκείνοις τοῖς γράμμασι· τοῦ δὲ πολέμου τὴν ἱστορίαν ἔγραψα πολλῶν μὲν αὐτουργὸς πράξεων, πλείστων δ' αὐτόπτης γενόμενος, ὅλως δὲ τῶν λεχθέντων ἢ πραχθέντων οὐδοτιοῦν ἀγνοήσας. [56] Πῶς οὖν οὐκ ἂν θρασεῖς τις ἡγήσαιτο τοὺς ἀνταγωνίζεσθαί μοι περὶ τῆς ἀληθείας ἐπικεχειρηκότας, οἳ κἂν τοῖς τῶν αὐτοκρατόρων ὑπομνήμασιν ἐντυχεῖν λέγωσιν, ἀλλ' οὔ γε καὶ τοῖς ἡμετέροις τῶν ἀντιπολεμούντων πράγμασι παρέτυχον.

[57] Περὶ μὲν οὖν τούτων ἀναγκαίαν ἐποιησάμην τὴν παρέκβασιν ἐπισημήνασθαι βουλόμενος τῶν ἐπαγγελλομένων τὰς ἱστορίας [58] συγγράφειν τὴν εὐχέρειαν. Ἱκανῶς δὲ φανερόν, ὡς οἶμαι, πεποιηκὼς ὅτι πάτριός ἐστιν ἡ περὶ τῶν παλαιῶν ἀναγραφὴ τοῖς βαρβάροις μᾶλλον ἢ τοῖς Ἕλλησι, βούλομαι μικρὰ πρότερον διαλεχθῆναι πρὸς τοὺς ἐπιχειροῦντας νέαν ἡμῶν ἀποφαίνειν τὴν κατάστασιν ἐκ τοῦ μηδὲν περὶ ἡμῶν, ὥς φασιν ἐκεῖνοι, λελέχθαι παρὰ τοῖς Ἑλληνικοῖς συγγραφεῦσιν. [59] Εἶτα δὲ τὰς μαρτυρίας τῆς ἀρχαιότητος ἐκ τῶν παρ' ἄλλοις γραμμάτων παρέξω καὶ τοὺς βεβλασφημηκότας ἡμῶν τὸ γένος ἀποδείξω λίαν ἐν τοῖς λόγοις βλασφημοῦντας.

 

X

Apologie de son histoire de la guerre.

47 Moi, au contraire, et sur l'ensemble de la guerre et sur le détail des faits, j'ai écrit une relation véridique, ayant assisté en personne à tous les événements. 48 Car j'étais général de ceux qu'on appelle chez nous les Galiléens tant que la résistance fut possible, puis, capturé, je vécus prisonnier dans le camp romain. Vespasien et Titus, me tenant sous leur surveillance, m'obligèrent à être toujours auprès d'eux, enchaîné au début; plus tard, délivré de mes liens, je fus envoyé d'Alexandrie avec Titus au siège de Jérusalem. 49 Pendant ce temps pas un fait n'a échappé à ma connaissance. En effet, je notais avec soin non seulement ce qui se passait sous mes yeux dans l'armée romaine, mais encore les renseignements des déserteurs que j'étais seul à comprendre. 50 Ensuite, dans les loisirs que j'eus à Rome, la préparation de mon histoire entièrement terminée, je me fis aider pour le grec par quelques personnes et c'est ainsi que je racontai les événements pour la postérité. Il en résulta pour moi une telle confiance dans la véracité de mon histoire qu'avant tous les autres je voulus prendre à témoin ceux qui avaient commandé en chef dans la guerre, Vespasien et Titus. 51 C'est à eux les premiers que je donnai mes livres et ensuite à beaucoup de Romains qui avaient participé à la campagne; je les vendis d'autre part à un grand nombre des nôtres, initiés aux lettres grecques, parmi lesquels Julius Archélaüs[22], le très auguste Hérode[23], et le très admirable roi Agrippa lui-même. 52 Tous ces personnages ont témoigné que je m'étais appliqué à défendre la vérité, eux qui n'auraient point caché leurs sentiments ni gardé le silence si, par ignorance ou par faveur, j'avais travesti ou omis quelque fait.

X

Réponse à ses adversaires.

53 Cependant certains personnages méprisables ont essayé d'attaquer mon histoire, y voyant l'occasion d'un exercice d'accusation paradoxale et de calomnie[24], comme on en propose aux jeunes gens dans l'école; ils devraient pourtant savoir que, Si l'on promet de transmettre à d'autres un récit véridique des faits, il faut d'abord en avoir soi-même une connaissance exacte pour avoir suivi de près les événements par soi-même ou en se renseignant auprès de ceux qui les savent. 54 C'est ce que je crois avoir très bien fait pour mes deux ouvrages. L'Archéologie, comme je l'ai dit[25], est traduite des Livres saints, car je tiens le sacerdoce de ma naissance et je suis initié à la philosophie[26] de ces Livres. 55 Quant à l'histoire de la guerre, je l'ai écrite après avoir été acteur dans bien des événements, témoin d'un très grand nombre, bref sans avoir ignoré rien de ce qui s'y est dit ou fait. 56 Comment alors ne point trouver hardis ceux qui tentent de contester ma véracité ? Si même ils prétendent avoir lu les mémoires des empereurs, ils n'ont pas, du moins, assisté à ce qui se passait dans notre camp à nous, leurs ennemis.

XI

Division du sujet.

57 Cette digression m'était nécessaire parce que je voulais faire voir la légèreté de ceux qui font profession d'écrire l'histoire. 58 Après avoir montré suffisamment, je pense, que la relation des choses antiques est un usage traditionnel chez les Barbares plutôt que chez les Grecs, je vais dire d'abord quelques mots contre les gens qui essaient de prouver la date récente de notre établissement par ce fait qu'aucune mention de nous, suivant eux, ne se trouve dans les historiens grecs ; 59 ensuite je fournirai des témoignages en faveur de notre antiquité tirés des écrits d'autres peuples, et enfin je montrerai que les diffamateurs de notre race sont tout à fait absurdes dans leurs diffamations.

 

 

 

 

[22] Julius Archélaüs, fils d'Helcias, avait épousé Mariamme, fille d'Agrippa Ier (Ant., XIX, 355); il était donc le beau-frère d'Agrippa II.

[23] Hérode ὁ σεμνότατος est non pas, comme l'a cru Dessau, le très jeune fils d'Aristobule (roi de Petite Arménie et arrière petit-fils d'Hérode le Grand), mais, probablement, suivant Otto (Pauly-Wissowa, Supplément, II, 162), un fils de Phasaël (neveu d'Hérode le Grand) et de Salampio (fille du même). Cf. Ant., XVIII, 131-138.

[24] Cf. Thucydide, I, 22.

[25] Ant., I, 5 ; XX, 261.

 

 

;ils se passaient sous leurs yeux, -