Dion Cassius, traduit par E. Gros Tome IX

DION CASSIUS

HISTOIRE ROMAINE.

TOME NEUVIÈME : LIVRE LXVIII

Traduction française : E. GROS.

livre LXVII - livre LXIX

 

 

Livre LXVIII

Nerva est proclamé empereur, et les statues d'or et d'argent de Domitien sont mises à la fonte. Premiers actes de Nerva. 387-389

Mot du consul Fronton à propos d'un trouble extraordinaire né de ce que tous se faisaient les accusateurs de tous. 389

Nerva défend qu'on lui élève des statues d'or et d'argent; il rend les sommes enlevées par Domitien et assigne des terres aux citoyens pauvres 389-391

Manquant d'argent, il met en vente quantité de meubles, tant des siens propres que de ceux de l'empire 391

Il jure de ne faire mourir aucun sénateur ; il prend pour collègue au consulat Verginius Rufus, qui avait été plusieurs fois proclamé empereur 391

Conduite de Nerva envers plusieurs citoyens qui avaient conspiré contre lui 393

Résistance inutile opposée par lui à Aelianus, commandant des gardes prétoriennes; il adopte Trajan 393-395

Songe qui avait annoncé à Trajan son élévation à l'empire. Caractère de ce prince; il se débarrasse d'Aelianus et de ceux qui s'étaient, avec lui, soulevés contre Nerva.  395-397

Mot de Plotine en entrant dans le palais 397

Trajan marche contre les Daces ; ses qualités physiques et morales remplissent Décébale d'effroi 397-399

Ses principales dépenses ont pour objet la réparation des routes et des édifices. Sa modestie à l'occasion du rétablissement du Cirque 399-401

Sa conduite envers le sénat et le peuple et envers ses amis. 401-403

Réfutation de quelques reproches faits à Trajan sur ses mœurs 403

Bonté de Trajan envers ses soldats blessés au combat de Tapes; honneurs rendus à ceux qui sont morts 403- 405

Trajan d'un côté, Lusius d'un autre, arrivent près de la résidence des rois daces ; Décébale envoie demander la paix. 405

[Les ambassadeurs de Décébale demandent à Trajan, dans le cas où il ne consentirait pas à ce que leur maître entre en pourparler avec lui, d'envoyer quelqu'un avec qui il puisse s'entendre] 405

Décébale n'ose pas avoir d'entrevue avec les envoyés de l'empereur. ... [Lacune.] Trajan s'empare de montagnes fortifiées; il y trouve les armes,les machines, les captifs et l'enseigne prise sur Fuscus dans l'expédition de Domitien; Décébale demande alors la paix, afin de respirer un moment.] 405-407

Malgré la dureté des conditions, Décébale consent à les subir et va trouver Trajan ; [ des ambassadeurs sont envoyés au sénat pour lui demander la confirmation de la paix]. 407

Trajan, de retour à Rome, reçoit le surnom de Dacique, célèbre son triomphe, veille à la direction des affaires et s'occupe de rendre la justice  409

Décébale ayant contrevenu au traité, Trajan marche une seconde fois contre lui 409

[La désertion d'un grand nombre de Daces détermine Décébale à demander de nouveau la paix ; mais il ne peut l'obtenir, à cause de sa conduite.] Il essaye de faire assassiner Trajan 411

Décébale attire dans un guet-apens Longinus, qui commandait un détachement de l'armée romaine, et cherche à pénétrer par lui les projets de Trajan ; celui-ci refuse de rien révéler et se donne la mort 413-415

Trajan construit un pont sur l'Ister 415-417

Décébale, craignant d'être pris, se donne la mort; ses trésors, qu'il avait cachés sous le fleuve Sargétia, sont découverts, et la Dacie est réduite sous l'obéissance des Romains. 419

De retour à Rome, Trajan reçoit une foule d'ambassadeurs de nations barbares, et, entre autres, des Indiens ; il donne des spectacles et rend les marais Pontins praticables 421

Mort de Sara ; amitié dont il était uni avec Trajan. Des statues lui sont érigées, à lui, à Sossius, à Celsus et à Palma. 421-425

Trajan traduit devant le sénat Crassus et ses complices. 425

Colonne et Forum de Trajan 425

Expédition contre les Arméniens et les Partîtes. [Osroès envoie demander à Athènes la paix à Trajan. Trajan lui répond que l'amitié se juge par des actes, et il continue sa marche. A Antioche, Augaros l'Osroène envoie des présents, mais sans venir lui-même] 427

Trajan l'avance jusqu'à Satale et jusqu'à Elégia; il met au nombre de ses amis plusieurs princes qui font leur soumission, et réduit ceux qui lui refusent obéissance. 429

Parthamasiris, roi d'Arménie, qui a reçu son diadème de la main d'Osroès, vient enfin trouver Trajan pour lui demander de confirmer son autorité, comme Néron avait confirmé celle de Tiridate ; trompé dans son espoir, il se laisse emporter à un acte de violence. Trajan le renvoie libre d'aller où il lui plaira, et fait de l'Arménie une province romaine.] 429-433

[ Trajan vient à Édesse, où il voit pour la première fois Augaros, qui devient dès lors son ami.] 433-435

[En Mésopotamie, Trajan répond aux ouvertures de Manisaros qu'il n'aurait foi en lui que lorsqu'il serait venu, selon sa promesse, confirmer ses engagements par des actes. Il se montre défiant envers Mannos qui a perdu sous les coups des Romains les troupes envoyées au secours de Mébarsapès, roi de PAdiabène. Singara tombe au pouvoir de Lusius.]  435

[ Le centurion Sentius, député vers Mébarsapès à Adenystres, et jeté dans les fers par ce prince, s'échappe avec ses compagnons de captivité et ouvre les porte» de la place aux Romains.] 435-437

Trajan reçoit les surnoms d'Opttonus et de Parthique. 437

Tremblement de terre à Antioche pendant le séjour de l'empereur dans cette ville 437-443

Les Romains soumettent l'Adiabène et s'avancent jusqu'à Babylone. Merveilles qu'offre le pays 443-447

Trajan conçoit d'abord le projet de faire descendre l'Euphrate dans le Tigre; mais il y renonce, parce qu'il reconnaît que l'Euphrate est beaucoup plus haut que le Tigre 447-449

Il reçoit du sénat la permission de célébrer autant de triomphes qu'il voudra ; il s'empare de la Mésène, lie du Tigre. 449

Trajan s'avance jusqu'à l'Océan ; ses paroles, à la vue d'un vaisseau cinglant pour l'Inde. Honneurs qui lui sont décernés par le sénat . 449-451

Des troubles éclatent chez tous les peuples conquis; il envoie contré les rebelles Maximus, qui est tué dans une défaite, et Lusius, qui, ainsi qu'Érycius et Alexander, s'empare de plusieurs places et les livre aux flammes. Il donne un roi particulier aux Parthes 451-453

Trajan part pour l'Arabie; échec qu'il éprouve sous les murs d'Atra 453 -455

Révolte des Juifs de la Cyrénaïque, de l'Égypte et de Cypre ; ils sont subjugués par Lusius Quiétus. [Détails sur ce général,] 455-457

Au moment de tourner une seconde fois ses armes contre la Mésopotamie, Trajan est forcé par la maladie de partir pour l'Italie : les Romains perdent le fruit de leurs fatigues et de leurs dangers ; les Parthes retournent à leur indépendance nationale 457-459

Mort de Trajan 459

 

[1] Μετὰ δὲ Δομιτιανὸν Νέρουαν Κοκκήιον οἱ Ῥωμαῖοι ἀπέδειξαν αὐτοκράτορα. Μίσει δὲ τοῦ Δομιτιανοῦ αἱ εἰκόνες αὐτοῦ, πολλαὶ μὲν ἀργυραῖ πολλαὶ δὲ καὶ χρυσαῖ οὖσαι, συνεχωνεύθησαν, καὶ ἐξ αὐτῶν μεγάλα χρήματα συνελέγη· καὶ αἱ ἁψῖδες πλεῖσται δὴ ἑνὶ ἀνδρὶ ποιούμεναι καθῃρέθησαν. Καὶ ὁ Νέρουας τούς τε κρινομένους ἐπ´ ἀσεβείᾳ ἀφῆκε καὶ τοὺς φεύγοντας κατήγαγε, τούς τε δούλους καὶ τοὺς ἐξελευθέρους τοὺς τοῖς δεσπόταις σφῶν ἐπιβουλεύσαντας πάντας ἀπέκτεινε. Καὶ τοῖς μὲν τοιούτοις οὐδ´ ἄλλο τι ἔγκλημα ἐπιφέρειν ἐπὶ τοὺς δεσπότας ἐφῆκε, τοῖς δὲ δὴ ἄλλοις οὔτ´ ἀσεβείας οὔτ´ Ἰουδαϊκοῦ βίου καταιτιᾶσθαί τινας συνεχώρησε. Πολλοὶ δὲ καὶ τῶν συκοφαντησάντων θάνατον κατεδικάσθησαν· ἐν οἷς καὶ Σέρας ἦν ὁ φιλόσοφος. Ταραχῆς οὖν γενομένης οὐ τῆς τυχούσης ἐκ τοῦ πάντας πάντων κατηγορεῖν, λέγεται Φρόντωνα τὸν ὕπατον εἰπεῖν ὡς κακὸν μέν ἐστιν αὐτοκράτορα ἔχειν ἐφ´ οὗ μηδενὶ μηδὲν ἔξεστι ποιεῖν, χεῖρον δὲ ἐφ´ οὗ πᾶσι πάντα· καὶ ὁ Νέρουας ἀκούσας ταῦτα ἀπηγόρευσε τοῦ λοιποῦ γίνεσθαι τὰ τοιαῦτα. Ἦν δὲ ὁ Νέρουας ὑπό τε τοῦ γήρως καὶ ὑπ´ ἀρρωστίας, ἀφ´ ἧς καὶ τὴν τροφὴν ἀεί ποτε ἤμει, ἀσθενέστερος.

[2] Ἀπεῖπε δὲ καὶ ἀνδριάντας αὑτῷ χρυσοῦς ἢ ἀργυροῦς γίνεσθαι. Τοῖς δὲ τῶν οὐσιῶν ἐπὶ τοῦ Δομιτιανοῦ μάτην ἐστερημένοις πάντα ἀπέδωκεν ὅσα ἐν τῷ βασιλείῳ ἔτι ὄντα εὑρέθη. Τοῖς τε πάνυ πένησι τῶν Ῥωμαίων ἐς χιλιάδα καὶ πεντακοσίας μυριάδας γῆς κτῆσιν ἐχαρίσατο, βουλευταῖς τισι τήν τε ἀγορασίαν αὐτῶν καὶ τὴν διανομὴν προστάξας. Χρημάτων δὲ ἀπορῶν πολλὰ μὲν ἱμάτια καὶ σκεύη καὶ ἀργυρᾶ καὶ χρυσᾶ, ἄλλα τε ἔπιπλα καὶ ἐκ τῶν ἰδίων καὶ ἐκ τῶν βασιλικῶν, πολλὰ δὲ καὶ χωρία καὶ οἰκίας, μᾶλλον δὲ πάντα πλὴν τῶν ἀναγκαίων, ἀπέδοτο· οὐ μέντοι καὶ περὶ τὰς τιμὰς αὐτῶν ἐμικρολογήσατο, ἀλλὰ καὶ ἐν αὐτῷ τούτῳ πολλοὺς εὐηργέτησε. Καὶ πολλὰς μὲν θυσίας πολλὰς δὲ ἱπποδρομίας ἄλλας τέ τινας θέας κατέλυσε, συστέλλων ὡς οἷόν τε τὰ δαπανήματα. Ὤμοσε δὲ καὶ ἐν τῷ συνεδρίῳ μηδένα τῶν βουλευτῶν φονεύσειν, ἐβεβαίωσέ τε τὸν ὅρκον καίπερ ἐπιβουλευθείς. Ἔπραττε δὲ οὐδὲν ὅ τι μὴ μετὰ τῶν πρώτων ἀνδρῶν. Ἐνομοθέτησε δὲ ἄλλα τε καὶ περὶ τοῦ μὴ εὐνουχίζεσθαί τινα μηδὲ ἀδελφιδῆν γαμεῖν. Τὸν δὲ Ῥοῦφον τὸν Οὐεργίνιον, καίπερ πολλάκις αὐτοκράτορα ὀνομασθέντα, οὐκ ὤκνησεν ὑπατεύσας συνάρχοντα προσλαβεῖν· ἐφ´ οὗ τῷ μνήματι τελευτήσαντος ἐπεγράφη ὅτι νικήσας Οὐίνδικα τὸ κράτος οὐχ ἑαυτῷ περιεποιήσατο ἀλλὰ τῇ πατρίδι.

[3] Νέρουας δὲ οὕτως ἦρχε καλῶς ὥστε ποτὲ εἰπεῖν « οὐδὲν τοιοῦτον πεποίηκα ὥστε μὴ δύνασθαι τὴν ἀρχήν τε καταθέσθαι καὶ ἀσφαλῶς ἰδιωτεῦσαι ». Κράσσου τε Καλπουρνίου, τῶν Κράσσων ἐκείνων ἐγγόνου, ἐπιβεβουλευκότος μετὰ καὶ ἄλλων αὐτῷ, παρεκαθίσατό τε αὐτοὺς ἔν τινι θέᾳ ἀγνοοῦντας ἔτι ὅτι καταμεμήνυνται, καὶ ἔδωκεν αὐτοῖς ξίφη, λόγῳ μὲν ἵν´ ἐπισκέψωνται αὐτά, ὅπερ εἴωθε γίνεσθαι, εἰ ὀξέα ἐστίν, ἔργῳ δὲ ἐπιδεικνύμενος ὅτι οὐδὲν αὐτῷ μέλει κἂν αὐτοῦ παραχρῆμα ἀποθάνῃ. Αἰλιανὸς δὲ ὁ Κασπέριος ἄρχων καὶ ὑπ´ αὐτοῦ, καθάπερ ὑπὸ τοῦ Δομιτιανοῦ, τῶν δορυφόρων γενόμενος τοὺς στρατιώτας ἐστασίασε κατ´ αὐτοῦ, παρασκευάσας ἐξαιτῆσαί τινας ὥστε θανατωθῆναι. Πρὸς οὓς ὁ Νέρουας τοσοῦτον ἀντέσχεν ὥστε καὶ τὴν κλεῖν ἀπογυμνῶσαι καὶ τὴν σφαγὴν αὐτοῦ προδεῖξαι. Οὐ μήν τι καὶ ἤνυσεν, ἀλλ´ ἀνῃρέθησαν οὓς ὁ Αἰλιανὸς ἐβουλήθη. Ὅθεν ὁ Νέρουας διὰ τὸ γῆρας οὕτω καταφρονούμενος ἀνέβη τε ἐς τὸ Καπιτώλιον, καὶ ἔφη γεγωνήσας « ἀγαθῇ τύχῃ τῆς τε βουλῆς καὶ τοῦ δήμου τῶν Ῥωμαίων καὶ ἐμοῦ αὐτοῦ Μᾶρκον Οὔλπιον Νέρουαν Τραϊανὸν ποιοῦμαι ». Καὶ μετὰ ταῦτα ἐν τῷ συνεδρίῳ Καίσαρά τε αὐτὸν ἀπέδειξε, καὶ ἐπέστειλεν αὐτῷ αὐτοχειρίᾳ (ἦρχε δὲ τῆς Γερμανίας ἐκεῖνος) « τίσειαν Δαναοὶ ἐμὰ δάκρυα σοῖσι βέλεσσιν ».

[4] Οὕτω μὲν ὁ Τραϊανὸς Καῖσαρ καὶ μετὰ τοῦτο αὐτοκράτωρ ἐγένετο, καίτοι συγγενῶν τοῦ Νέρουα ὄντων τινῶν. Ἀλλ´ οὐ γὰρ τῆς τῶν κοινῶν σωτηρίας ὁ ἀνὴρ τὴν συγγένειαν προετίμησεν, οὐδ´ αὖ ὅτι Ἴβηρ ὁ Τραϊανὸς ἀλλ´ οὐκ Ἰταλὸς οὐδ´ Ἰταλιώτης ἦν, ἧττόν τι παρὰ τοῦτο αὐτὸν ἐποιήσατο, ἐπειδὴ μηδεὶς πρόσθεν ἀλλοεθνὴς τὸ τῶν Ῥωμαίων κράτος ἐσχήκει· τὴν γὰρ ἀρετὴν ἀλλ´ οὐ τὴν πατρίδα τινὸς ἐξετάζειν δεῖν ᾤετο. Πράξας δὲ ταῦτα μετήλλαξεν, ἄρξας ἔτει ἑνὶ καὶ μησὶ τέσσαρσι καὶ ἡμέραις ἐννέα· προεβεβιώκει δὲ πέντε καὶ ἑξήκοντα ἔτη καὶ μῆνας δέκα καὶ ἡμέρας δέκα.

[5] Τραϊανῷ δὲ ὄναρ ἐγεγόνει, πρὶν αὐταρχῆσαι, τοιόνδε· ἐδόκει ἄνδρα πρεσβύτην ἐν ἱματίῳ καὶ ἐσθῆτι περιπορφύρῳ, ἔτι δὲ καὶ στεφάνῳ ἐστολισμένον, οἷά που καὶ τὴν γερουσίαν γράφουσι, δακτυλίῳ τινὶ σφραγῖδα αὐτῷ ἔς τε τὴν ἀριστερὰν σφαγὴν καὶ μετὰ τοῦτο καὶ ἐς τὴν δεξιὰν ἐπιβεβληκέναι. Ὡς δὲ αὐτοκράτωρ ἐγένετο, ἐπέστειλε τῇ βουλῇ αὐτοχειρίᾳ ἄλλα τε καὶ ὡς οὐδένα ἄνδρα ἀγαθὸν ἀποσφάξοι ἢ ἀτιμάσοι, καὶ ταῦτα καὶ ὅρκοις οὐ τότε μόνον ἀλλὰ καὶ ὕστερον ἐπιστώσατο.

Αἰλιανὸν δὲ καὶ τοὺς δορυφόρους τοὺς κατὰ Νέρουα στασιάσαντας, ὡς καὶ χρησόμενός τι αὐτοῖς, μεταπεμψάμενος ἐκποδὼν ἐποιήσατο. Ἐς δὲ τὴν Ῥώμην ἐσελθὼν πολλὰ ἐποίει πρός τε διόρθωσιν τῶν κοινῶν καὶ πρὸς χάριν τῶν ἀγαθῶν, ἐκείνων τε διαφερόντως ἐπιμελούμενος, ὡς καὶ ταῖς πόλεσι ταῖς ἐν Ἰταλίᾳ πρὸς τὴν τῶν παίδων τροφὴν πολλὰ χαρίσασθαι, καὶ τούτους εὐεργετῶν. Πλωτῖνα δὲ ἡ γυνὴ αὐτοῦ ὅτε πρῶτον ἐς τὸ παλάτιον ἐσῄει, ἐπὶ τοὺς ἀναβαθμοὺς καὶ πρὸς τὸ πλῆθος μεταστραφεῖσα εἶπε « τοιαύτη μέντοι ἐνταῦθα ἐσέρχομαι οἵα καὶ ἐξελθεῖν βούλομαι ». Καὶ οὕτω γε ἑαυτὴν διὰ πάσης τῆς ἀρχῆς διήγαγεν ὥστε μηδεμίαν ἐπηγορίαν σχεῖν.

[6] Διατρίψας δὲ ἐν τῇ Ῥώμῃ χρόνον τινὰ ἐστράτευσεν ἐπὶ Δακούς, τά τε πραχθέντα αὐτοῖς λογιζόμενος, τοῖς τε χρήμασιν ἃ κατ´ ἔτος ἐλάμβανον βαρυνόμενος; τάς τε δυνάμεις αὐτῶν αὐξανομένας καὶ τὰ φρονήματα ὁρῶν. Πυθόμενος δὲ ὁ Δεκέβαλος τὴν ὁρμὴν αὐτοῦ ἐφοβήθη, ἅτε καὶ εὖ εἰδὼς ὅτι πρότερον μὲν οὐ Ῥωμαίους ἀλλὰ Δομιτιανὸν ἐνενικήκει, τότε δὲ ὡς πρός τε Ῥωμαίους καὶ πρὸς Τραϊανὸν αὐτοκράτορα πολεμήσοι. Πλεῖστον γὰρ ἐπί τε δικαιότητι καὶ ἐπ´ ἀνδρείᾳ τῇ τε ἁπλότητι τῶν ἠθῶν διέπρεπε. Τῷ τε γὰρ σώματι ἔρρωτο (δεύτερον γὰρ καὶ τεσσαρακοστὸν ἄγων ἔτος ἦρξεν) ὡς ἐξ ἴσου πάντα τοῖς ἄλλοις τρόπον τινὰ πονεῖσθαι, καὶ τῇ ψυχῇ ἤκμαζεν ὡς μήθ´ ὑπὸ νεότητος θρασύνεσθαι μήθ´ ὑπὸ γήρως ἀμβλύνεσθαι. Καὶ οὔτ´ ἐφθόνει οὔτε καθῄρει τινά, ἀλλὰ καὶ πάνυ πάντας τοὺς ἀγαθοὺς ἐτίμα καὶ ἐμεγάλυνε, καὶ διὰ τοῦτο οὔτε ἐφοβεῖτό τινα αὐτῶν οὔτε ἐμίσει. Διαβολαῖς τε ἥκιστα ἐπίστευε, καὶ ὀργῇ ἥκιστα ἐδουλοῦτο, τῶν τε χρημάτων τῶν ἀλλοτρίων ἴσα καὶ φόνων τῶν ἀδίκων ἀπείχετο.

[7] Καὶ ἐδαπάνα πάμπολλα μὲν ἐς τοὺς πολέμους πάμπολλα δὲ ἐς τὰ τῆς εἰρήνης ἔργα, καὶ πλεῖστα καὶ ἀναγκαιότατα καὶ ἐν ὁδοῖς καὶ ἐν λιμέσι καὶ ἐν οἰκοδομήμασι δημοσίοις κατασκευάσας οὐδενὸς αἷμα ἐς οὐδὲν αὐτῶν ἀνάλωσεν. Οὕτως γάρ που καὶ μεγαλόφρων καὶ μεγαλογνώμων ἔφυ ὥστε καὶ τῷ ἱπποδρόμῳ ἐπιγράψαι ὅτι ἐξαρκοῦντα αὐτὸν τῷ τῶν Ῥωμαίων δήμῳ ἐποίησεν, ἐπειδὴ διαφθαρέντα πῃ καὶ μείζω καὶ περικαλλέστερον ἐξειργάσατο. Φιλούμενός τε οὖν ἐπ´ αὐτοῖς μᾶλλον ἢ τιμώμενος ἔχαιρε, καὶ τῷ τε δήμῳ μετ´ ἐπιεικείας συνεγίνετο καὶ τῇ γερουσίᾳ σεμνοπρεπῶς ὡμίλει, ἀγαπητὸς μὲν πᾶσι, φοβερὸς δὲ μηδενὶ πλὴν πολεμίοις ὤν. Καὶ γὰρ θήρας καὶ συμποσίων ἔργων τε καὶ βουλευμάτων σκωμμάτων τε συμμετεῖχε σφίσι, καὶ πολλάκις καὶ τέταρτος ὠχεῖτο, ἔς τε τὰς οἰκίας αὐτῶν καὶ ἄνευ γε φρουρᾶς ἔστιν ὧν ἐσιὼν εὐθυμεῖτο. Παιδείας μὲν γὰρ ἀκριβοῦς, ὅση ἐν λόγοις, οὐ μετέσχε, τό γε μὴν ἔργον αὐτῆς καὶ ἠπίστατο καὶ ἐποίει. Οὐδὲ ἔστιν ὅ τι οὐκ ἄριστον εἶχε. Καὶ οἶδα μὲν ὅτι καὶ περὶ μειράκια καὶ περὶ οἶνον ἐσπουδάκει· ἀλλ´ εἰ μέν τι ἐκ τούτων ἢ αἰσχρὸν ἢ κακὸν ἢ ἐδεδράκει ἢ ἐπεπόνθει, ἐπηγορίαν ἂν εἶχε, νῦν δὲ τοῦ τε οἴνου διακόρως ἔπινε καὶ νήφων ἦν, ἔν τε τοῖς παιδικοῖς οὐδένα ἐλύπησεν. Εἰ δὲ καὶ φιλοπόλεμος ἦν, ἀλλὰ τῇ τε κατορθώσει καὶ τοῦ ἐχθίστου μὲν καθαιρέσει τοῦ οἰκείου δὲ αὐξήσει ἠρκεῖτο. Οὐδὲ γὰρ οὐδ´ ὅπερ εἴωθεν ἐν τοῖς τοιούτοις γίγνεσθαι, τὸ τοὺς στρατιώτας ἐξογκοῦσθαί τε καὶ ὑπερφρονεῖν, συνέβη ποτὲ ἐπ´ αὐτοῦ· οὕτως ἐγκρατῶς αὐτῶν ἦρχε. Διὰ ταῦτα μὲν οὖν οὐκ ἀπεικότως ὁ Δεκέβαλος αὐτὸν ἐδεδίει·

[8] στρατεύσαντι δὲ τῷ Τραϊανῷ κατὰ τῶν Δακῶν καὶ ταῖς Τάπαις, ἔνθα ἐστρατοπέδευον οἱ βάρβαροι, πλησιάσαντι μύκης μέγας προσεκομίσθη, γράμμασι Λατίνοις λέγων ὅτι ἄλλοι τε τῶν συμμάχων καὶ Βοῦροι παραινοῦσι Τραϊανῷ ὀπίσω ἀπιέναι καὶ εἰρηνῆσαι. Συμβαλὼν δὲ αὐτοῖς ὁ Τραϊανὸς πολλοὺς μὲν τῶν οἰκείων τραυματίας ἐπεῖδε, πολλοὺς δὲ τῶν πολεμίων ἀπέκτεινεν· ὅτε καὶ ἐπιλιπόντων τῶν ἐπιδέσμων οὐδὲ τῆς ἑαυτοῦ ἐσθῆτος λέγεται φείσασθαι, ἀλλ´ ἐς τὰ λαμπάδια ταύτην κατατεμεῖν, τοῖς δὲ τελευτήσασι τῶν στρατιωτῶν ἐν τῇ μάχῃ βωμόν τε στῆσαι καὶ κατ´ ἔτος ἐναγίζειν κελεῦσαι.

[9] Ὅτι ὁ Δεκέβαλος ἐπεπόμφει μὲν καὶ πρὸ τῆς ἥττης πρέσβεις, οὐκέτι τῶν κομητῶν ὥσπερ πρότερον, ἀλλὰ τῶν πιλοφόρων τοὺς ἀρίστους. Καὶ ἐκεῖνοι τά τε ὅπλα ῥίψαντες καὶ ἑαυτοὺς ἐς τὴν γῆν καταβαλόντες ἐδεήθησαν τοῦ Τραϊανοῦ μάλιστα μὲν αὐτῷ τῷ Δεκεβάλῳ καὶ ἐς ὄψιν καὶ ἐς λόγους αὐτοῦ ἐλθεῖν, ὡς καὶ πάντα τὰ κελευσθησόμενα ποιήσοντι, ἐπιτραπῆναι, εἰ δὲ μή, σταλῆναί γέ τινα τὸν συμβησόμενον αὐτῷ. Καὶ ἐπέμφθη ὁ Σούρας καὶ Κλαύδιος Λιουιανὸς ὁ ἔπαρχος.

Ἐπράχθη δὲ οὐδέν· ὁ γὰρ Δεκέβαλος οὐδὲ ἐκείνοις ἐτόλμησε συμμῖξαι, ἔπεμψε δὲ καὶ τότε - - -. Ὁ δὲ Τραϊανὸς ὄρη τε ἐντετειχισμένα ἔλαβε, καὶ ἐν αὐτοῖς τά. Τε ὅπλα τά τε μηχανήματα τὰ αἰχμάλωτα τό τε σημεῖον τὸ ἐπὶ τοῦ Φούσκου ἁλὸν εὗρε. Δι´ οὖν ταῦτα ὁ Δεκέβαλος, ἄλλως τε καὶ ἐπειδὴ ὁ Μάξιμος ἐν τῷ αὐτῷ χρόνῳ τήν τε ἀδελφὴν αὐτοῦ καὶ χωρίον τι ἰσχυρὸν εἷλεν, οὐδὲν ὅ τι οὐχ ἑτοίμως τῶν προταχθέντων ἔσχε συνθέσθαι, οὐχ ὅτι καὶ ἐμμενεῖν αὐτοῖς ἔμελλεν, ἀλλ´ ἵν´ ἐκ τῶν παρόντων ἀναπνεύσῃ. Τὰ γὰρ ὅπλα καὶ τὰ μηχανήματα τούς τε μηχανοποιοὺς παραδοῦναι καὶ τοὺς αὐτομόλους ἀποδοῦναι, τά τε ἐρύματα καθελεῖν καὶ τῆς χώρας τῆς ἑαλωκυίας ἀποστῆναι, καὶ προσέτι τούς τε αὐτοὺς ἐχθροὺς καὶ φίλους τοῖς Ῥωμαίοις νομίζειν, καὶ μήτ´ αὐτομόλων τινὰ ὑποδέχεσθαι μήτε στρατιώτῃ τινὶ ἐκ τῆς τῶν Ῥωμαίων ἀρχῆς χρῆσθαι (τοὺς γὰρ πλείστους τούς τε ἀρίστους ἐκεῖθεν ἀναπείθων προσεποιεῖτο) καὶ ἄκων ὡμολόγησε, πρός τε τὸν Τραϊανὸν ἐλθὼν καὶ ἐς τὴν γῆν πεσὼν καὶ προσκυνήσας αὐτὸν καὶ τὰ ὅπλα ἀπορρίψας. Καὶ πρέσβεις ἐπὶ τούτοις ἐς τὸ βουλευτήριον ἔπεμψεν, ὅπως καὶ παρ´ ἐκείνου τὴν εἰρήνην βεβαιώσηται. Ταῦτα συνθέμενος καὶ τὸ στρατόπεδον ἐν Ζερμιζεγεθούσῃ καταλιπών, τήν τε ἄλλην χώραν φρουραῖς διαλαβών, ἐς τὴν Ἰταλίαν ἀνεκομίσθη.

[10] Καὶ οἱ παρὰ τοῦ Δεκεβάλου πρέσβεις ἐς τὸ συνέδριον ἐσήχθησαν, τά τε ὅπλα καταθέντες συνῆψαν τὰς χεῖρας ἐν αἰχμαλώτων σχήματι καὶ εἶπόν τέ τινα καὶ ἱκέτευσαν, καὶ οὕτω τήν τε εἰρήνην ἐσπείσαντο καὶ τὰ ὅπλα ἀπέλαβον. Τραϊανὸς δὲ τά τε νικητήρια ἤγαγε καὶ Δακικὸς ἐπωνομάσθη, ἔν τε τῷ θεάτρῳ μονομάχους συνέβαλε (καὶ γὰρ ἔχαιρεν αὐτοῖς), καὶ τοὺς ὀρχηστὰς ἐς τὸ θέατρον ἐπανήγαγε (καὶ γὰρ ἑνὸς αὐτῶν τοῦ Πυλάδου ἤρα), οὐ μέντοι, οἷα πολεμικὸς ἀνήρ, τἆλλα ἧττον διῆγεν ἢ καὶ ἧττον ἐδίκαζεν, ἀλλὰ τοτὲ μὲν ἐν τῇ ἀγορᾷ τοῦ Αὐγούστου, τοτὲ δ´ ἐν τῇ στοᾷ τῇ Λιουίᾳ ὠνομασμένῃ, πολλάκις δὲ καὶ ἄλλοθι ἔκρινεν ἐπὶ βήματος. Ἐπεὶ δὲ ὁ Δεκέβαλος πολλὰ παρὰ τὰς συνθήκας ἀπηγγέλλετο αὐτῷ ποιῶν, καὶ ὅπλα τε κατεσκευάζετο, καὶ τοὺς αὐτομολοῦντας ἐδέχετο, τά τε ἐρύματα ἐπεσκεύαζε, παρά τε τοὺς ἀστυγείτονας ἐπρεσβεύετο, καὶ τοῖς τἀναντία οἱ φρονήσασι πρότερον ἐλυμαίνετο, καὶ τῶν Ἰαζύγων καὶ χώραν τινὰ ἀπετέμετο (ἣν μετὰ ταῦτα ἀπαιτήσασιν αὐτοῖς Τραϊανὸς οὐκ ἀπέδωκεν), οὕτω δὴ καὶ αὖθις πολέμιον αὐτὸν ἡ βουλὴ ἐψηφίσατο, καὶ ὁ Τραϊανὸς δι´ ἑαυτοῦ καὶ αὖθις, ἀλλ´ οὐ δι´ ἑτέρων στρατηγῶν, τὸν πρὸς ἐκεῖνον πόλεμον ἐποιήσατο.

[11] Ὅτι τῶν Δακῶν συχνῶν μεθισταμένων πρὸς Τραϊανόν, καὶ δι´ ἄλλα τινά, ἐδεήθη αὖθις ὁ Δεκέβαλος εἰρήνης. Ὡς δ´ οὐκ ἐπείσθη τά τε ὅπλα καὶ ἑαυτὸν παραδοῦναι, τὰς δυνάμεις φανερῶς ἤθροιζε καὶ τοὺς περιχώρους προσπαρεκάλει, λέγων ὅτι ἐὰν αὐτὸν προῶνται καὶ αὐτοὶ κινδυνεύσουσι, καὶ ὅτι ἀσφαλέστερον καὶ ῥᾷον μεθ´ ἑαυτοῦ, πρίν τι κακὸν παθεῖν, ἀγωνισάμενοι τὴν ἐλευθερίαν φυλάξουσιν ἢ ἂν σφᾶς τε ἀπολλυμένους περιίδωσι καὶ αὐτοὶ ὕστερον, ἐρημωθέντες τῶν συμμάχων, χειρωθῶσιν. Καὶ ὁ Δεκέβαλος κατὰ μὲν τὸ ἰσχυρὸν κακῶς ἔπραττε, δόλῳ δὲ δὴ καὶ ἀπάτῃ ὀλίγου μὲν καὶ τὸν Τραϊανὸν ἀπέκτεινε, πέμψας ἐς τὴν Μυσίαν αὐτομόλους τινάς, εἴ πως αὐτὸν εὐπρόσοδον ὄντα καὶ ἄλλως, τότε δὲ καὶ διὰ τὴν τοῦ πολέμου χρείαν πάντα ἁπλῶς τὸν βουλόμενον ἐς λόγους δεχόμενον κατεργάσαιντο. Ἀλλὰ τοῦτο μὲν οὐκ ἠδυνήθησαν πρᾶξαι, συλληφθέντος τινὸς ἐξ ὑποψίας καὶ πᾶν τὸ ἐπιβούλευμα αὐτοῦ ἐκ βασάνων ὁμολογήσαντος·

[12] Λογγῖνον δέ τινα στρατοπέδου Ῥωμαϊκοῦ ἐξηγούμενον καὶ δεινὸν ἐν τοῖς πολέμοις αὐτῷ γεγενημένον προσκαλεσάμενος, καὶ ἀναπείσας συμμῖξαί οἱ ὡς καὶ τὰ προσταχθησόμενα ποιήσων, συνέλαβε καὶ ἀνέκρινε δημοσίᾳ περὶ τῶν τοῦ Τραϊανοῦ βουλευμάτων, ἐπειδή τε μηδὲν ὁμολογῆσαι ἠθέλησεν, ἐν ἀδέσμῳ φυλακῇ περιῆγε. Καὶ πρέσβιν τινὰ πέμψας πρὸς τὸν Τραϊανὸν ἠξίου τήν τε χώραν μέχρι τοῦ Ἴστρου κομίσασθαι καὶ τὰ χρήματα, ὅσα ἐς τὸν πόλεμον ἐδεδαπανήκει, ἀπολαβεῖν ἐπὶ τῷ τὸν Λογγῖνόν οἱ ἀποδοῦναι. Ἀποκριναμένου δέ τινα αὐτῷ μέσα, ἐξ ὧν οὔτε ἐν μεγάλῳ οὔτε ἐν σμικρῷ λόγῳ τὸν Λογγῖνον ποιεῖσθαι δόξειν ἔμελλε, τοῦ μήτ´ ἀπολέσθαι αὐτὸν μήτ´ ἐπὶ πολλῷ σφίσιν ἀνασωθῆναι, Δεκέβαλος μὲν ἔτι διασκοπῶν ὅ τι πράξῃ ἀνεῖχε, Λογγῖνος δὲ ἐν τούτῳ φαρμάκου διὰ τοῦ ἀπελευθέρου εὐπορήσας ὑπέσχετό τε αὐτῷ τὸν Τραϊανὸν καταλλάξειν, ἵνα ὡς ἥκιστα ὑποτοπήσῃ τὸ γενησόμενον, μὴ καὶ φυλακὴν αὐτοῦ ἀκριβεστέραν ποιήσηται, καὶ γράμματά τινα ἱκετείαν ἔχοντα γράψας ἔδωκε τῷ ἐξελευθέρῳ πρὸς τὸν Τραϊανὸν ἀποκομίσαι, ἵν´ ἐν ἀσφαλείᾳ γένηται. Καὶ οὕτως ἀπελθόντος αὐτοῦ τὸ φάρμακον νυκτὸς ἔπιε καὶ ἀπέθανε. Γενομένου δὲ τούτου ὁ Δεκέβαλος ἐξῄτησε παρὰ τοῦ Τραϊανοῦ τὸν ἀπελεύθερον, τό τε σῶμα τοῦ Λογγίνου καὶ δέκα αἰχμαλώτους ἀντιδώσειν οἱ ὑποσχόμενος, καὶ εὐθύς γε τὸν ἑκατοντάρχην τὸν ἁλόντα μετ´ αὐτοῦ ἔπεμψεν ὡς καὶ ταῦτα διαπράξοντα· παρ´ οὗ πάντα τὰ κατὰ τὸν Λογγῖνον ἐγνώσθη. Οὐ μέντοι οὔτε ἐκεῖνον ὁ Τραϊανὸς ἀπέπεμψεν οὔτε τὸν ἐξελεύθερον ἐξέδωκε, προτιμοτέραν τὴν σωτηρίαν αὐτοῦ πρὸς τὸ τῆς ἀρχῆς ἀξίωμα τῆς τοῦ Λογγίνου ταφῆς ποιησάμενος.

[13] Τραϊανὸς δὲ γέφυραν λιθίνην ἐπὶ τοῦ Ἴστρου κατεσκευάσατο, περὶ ἧς οὐκ ἔχω πῶς ἂν ἀξίως αὐτὸν θαυμάσω· ἔστι μὲν γὰρ καὶ τἆλλα αὐτοῦ ἔργα διαπρεπέστατα, τοῦτο δὲ καὶ ὑπὲρ ἐκεῖνα. Ὡς γὰρ κρηπῖδές εἰσι λίθου τετραπέδου εἴκοσι, τὸ μὲν ὕψος πεντήκοντα καὶ ἑκατὸν ποδῶν πλὴν τῶν θεμελίων, τὸ δὲ πλάτος ἑξήκοντα· καὶ αὗται ἑβδομήκοντα καὶ ἑκατὸν ἀπ´ ἀλλήλων πόδας ἀπέχουσαι ἁψῖσι συνῳκοδόμηνται. Πῶς οὐκ ἄν τις τὸ ἀνάλωμα τὸ ἐς αὐτὰς δαπανηθὲν θαυμάσειε; πῶς δ´ οὐκ ἄν {τις} τὸν τρόπον ὃν ἕκαστα αὐτῶν ἔν τε ποταμῷ πολλῷ καὶ ἐν ὕδατι δινώδει δαπέδῳ τε ἰλυώδει ἐγένετο; οὐ γάρ τοι καὶ παρατρέψαι ποι τὸ ῥεῦμα ἠδυνήθη. Τὸ δὲ δὴ πλάτος τοῦ ποταμοῦ εἶπον οὐχ ὅτι διὰ τοσούτου ῥεῖ (καὶ γὰρ ἐπὶ διπλάσιον ἔστιν οὗ καὶ ἐπὶ τριπλάσιον αὐτοῦ πελαγίζει), ἀλλ´ ὅτι τό τε στενώτατον καὶ τὸ ἐπιτηδειότατον ἐς τὸ γεφυρωθῆναι τῶν ἐκείνῃ χωρίων τοσοῦτόν ἐστιν. Ὅσῳ δὲ δὴ ἐς στενὸν ταύτῃ ἐκ πελάγους μεγάλου καταβαίνων καὶ ἐς πέλαγος αὖθις μεῖζον προχωρῶν κατακλείεται, τόσῳ που καὶ ῥοωδέστατος καὶ βαθύτατος γίγνεται, ὥστε καὶ τοῦτο ἐς τὴν χαλεπότητα τῆς κατασκευῆς τῆς γεφύρας τεῖναι. Ἡ μὲν οὖν μεγαλόνοια τοῦ Τραϊανοῦ καὶ ἐκ τούτων δείκνυται· οὐ μέντοι καὶ {εἰ} ὠφέλειάν τινα ἡμῖν ἡ γέφυρα παρέχεται, ἀλλ´ ἑστᾶσιν αἱ κρηπῖδες ἄλλως, δίοδον οὐκ ἔχουσαι, καθάπερ ἐπ´ αὐτῷ τούτῳ μόνον γενόμεναι ἵν´ ἐπιδείξωσι τὴν ἀνθρωπίνην φύσιν οὐδὲν ὅ τι οὐ δυναμένην ἐξεργάσασθαι. Ὁ μὲν γὰρ Τραϊανὸς δείσας μή ποτε παγέντος τοῦ Ἴστρου πόλεμος τοῖς πέραν Ῥωμαίοις γένηται, ἐποίησε τὴν γέφυραν ἵνα αἱ ἐπιβασίαι ῥᾳδίως δι´ αὐτῆς διεξίωσιν· Ἁδριανὸς δὲ τοὐναντίον φοβηθεὶς μὴ καὶ τοῖς βαρβάροις τοὺς φρουροὺς αὐτῆς βιαζομένοις ῥᾳδία διάβασις ἐς τὴν Μυσίαν ᾖ, ἀφεῖλε τὴν ἐπιπολῆς κατασκευήν.

[14] Τραϊανὸς δὲ διὰ ταύτης τῆς γεφύρας τὸν Ἴστρον περαιωθείς, καὶ δι´ ἀσφαλείας μᾶλλον ἢ διὰ σπουδῆς τὸν πόλεμον ποιούμενος, σὺν χρόνῳ καὶ μόλις ἐκράτησε τῶν Δακῶν, πολλὰ μὲν αὐτὸς στρατηγίας ἔργα καὶ ἀνδρίας ἐπιδειξάμενος, πολλὰ δὲ καὶ τῶν στρατιωτῶν αὐτῷ κινδυνευσάντων καὶ ἀριστευσάντων. Ἔνθα δὴ καὶ ἱππεύς τις κακῶς πληγεὶς ἐξήχθη μὲν ἐκ τῆς μάχης ὡς καὶ θεραπευθῆναι δυνάμενος, αἰσθόμενος δὲ ὡς ἀνιάτως ἔχοι ἔκ τε τοῦ σκηνώματος ἐξεπήδησεν (οὐ γάρ πω τὸ κακὸν αὐτοῦ καθῖκτο) καὶ ἐς τάξιν αὖθις καθιστὰς ἑαυτὸν ἀπέθανε, μεγάλα ἐπιδειξάμενος. Δεκέβαλος δέ, ὡς καὶ τὸ βασίλειον αὐτοῦ καὶ ἡ χώρα κατείληπτο σύμπασα καὶ αὐτὸς ἐκινδύνευεν ἁλῶναι, διεχρήσατο ἑαυτόν, καὶ ἡ κεφαλὴ αὐτοῦ ἐς τὴν Ῥώμην ἀπεκομίσθη· καὶ οὕτως ἡ Δακία Ῥωμαίων ὑπήκοος ἐγένετο, καὶ πόλεις ἐν αὐτῇ ὁ Τραϊανὸς κατῴκισεν. Εὑρέθησαν δὲ καὶ οἱ τοῦ Δεκεβάλου θησαυροί, καίτοι ὑπὸ τὸν ποταμὸν τὸν Σαργετίαν τὸν παρὰ τοῖς βασιλείοις αὐτοῦ κεκρυμμένοι. Διὰ γὰρ αἰχμαλώτων τινῶν τόν τε ποταμὸν ἐξέτρεψε καὶ τὸ ἔδαφος αὐτοῦ ὤρυξε, καὶ ἐς αὐτὸ πολὺν μὲν ἄργυρον πολὺν δὲ χρυσόν, τά τε ἄλλα τὰ τιμιώτατα καὶ ὑγρότητά τινα ἐνεγκεῖν δυνάμενα, ἐμβαλὼν λίθους τε ἐπ´ αὐτοῖς ἐπέθηκε καὶ χοῦν ἐπεφόρησε καὶ μετὰ τοῦτο τὸν ποταμὸν ἐπήγαγε· καὶ ἐς τὰ σπήλαια διὰ τῶν αὐτῶν ἐκείνων τά τε ἱμάτια καὶ τὰ ἄλλα τὰ ὁμοιότροπα κατέθετο. Ποιήσας δὲ ταῦτα διέφθειρεν αὐτούς, ἵνα μηδὲν ἐκλαλήσωσι. Βίκιλις δέ τις ἑταῖρος αὐτοῦ, τὸ γεγονὸς εἰδώς, ἑάλω τε καὶ κατεμήνυσε ταῦτα.

Κατὰ δὲ τὸν αὐτὸν τοῦτον χρόνον καὶ Πάλμας τῆς Συρίας ἄρχων τὴν Ἀραβίαν τὴν πρὸς τῇ Πέτρᾳ ἐχειρώσατο καὶ Ῥωμαίων ὑπήκοον ἐποιήσατο.

[15] Πρὸς δὲ τὸν Τραϊανὸν ἐς τὴν Ῥώμην ἐλθόντα πλεῖσται ὅσαι πρεσβεῖαι παρὰ βαρβάρων ἄλλων τε καὶ Ἰνδῶν ἀφίκοντο. Καὶ θέας ἐν τρισὶ καὶ εἴκοσι καὶ ἑκατὸν ἡμέραις ἐποίησεν, ἐν αἷς θηρία τε καὶ βοτὰ χίλιά που καὶ μύρια {που} ἐσφάγη καὶ μονομάχοι μύριοι ἠγωνίσαντο. Καὶ κατὰ τοὺς αὐτοὺς χρόνους τά τε ἕλη τὰ Πομπτῖνα ὡδοποίησε λίθῳ, καὶ τὰς ὁδοὺς παροικοδομήμασι καὶ γεφύραις μεγαλοπρεπεστάταις ἐξεποίησε. Τό τε νόμισμα πᾶν τὸ ἐξίτηλον συνεχώνευσε. Τῷ δὲ Σούρᾳ τῷ Λικινίῳ καὶ ταφὴν δημοσίαν καὶ ἀνδριάντα ἔδωκε τελευτήσαντι· ὅστις ἐς τοῦτο καὶ πλούτου καὶ αὐχήματος ἀφίκετο ὥστε καὶ γυμνάσιον Ῥωμαίοις οἰκοδομῆσαι. Τοσαύτῃ δὲ φιλίᾳ καὶ πίστει ὅ τε Σούρας πρὸς τὸν Τραϊανὸν ἐχρήσατο καὶ Τραϊανὸς πρὸς ἐκεῖνον ὥστε πολλάκις αὐτόν, οἷά που περὶ πάντας τούς τι παρὰ τοῖς αὐτοκράτορσι δυναμένους γίνεσθαι πέφυκε, διαβληθέντα οὔτε ὑπώπτευσέ ποτε οὔτε ἐμίσησεν, ἀλλὰ καὶ ἐγκειμένων οἱ ἐπὶ πολὺ τῶν φθονούντων αὐτῷ οἴκαδέ τε ἄκλητος πρὸς αὐτὸν ἐπὶ δεῖπνον ἦλθε, καὶ πᾶσαν τὴν φρουρὰν ἀποπέμψας ἐκάλεσε πρῶτον μὲν τὸν ἰατρὸν αὐτοῦ, καὶ δι´ ἐκείνου τοὺς ὀφθαλμοὺς ὑπηλείψατο, ἔπειτα τὸν κουρέα, καὶ δι´ ἐκείνου τὸ γένειον ἐξύρατο (τοῦτο γὰρ ἐκ παλαιοῦ πάντες οἱ ἄλλοι καὶ αὐτοὶ οἱ αὐτοκράτορες ἐποίουν· Ἁδριανὸς γὰρ πρῶτος γενειᾶν κατέδειξε)· πράξας δὲ ταῦτα, καὶ μετὰ τοῦτο καὶ λουσάμενος καὶ δειπνήσας, ἔπειτα τοῖς φίλοις τοῖς εἰωθόσιν ἀεί τι περὶ αὐτοῦ φαῦλον λέγειν ἔφη τῇ ὑστεραίᾳ ὅτι « εἰ ἤθελέ με Σούρας ἀποκτεῖναι, χθὲς ἂν ἀπεκτόνει ».

[16] Μέγα μὲν οὖν ἐποίησε καὶ τὸ ἀποκινδυνεῦσαι πρὸς διαβεβλημένον ἄνθρωπον, πολὺ δὲ δὴ μεῖζον ὅτι ἐπίστευσε μηδὲν ἄν ποτε ὑπ´ αὐτοῦ παθεῖν. Οὕτως ἄρα τὸ πιστὸν τῆς γνώμης ἐξ ὧν αὐτῷ συνῄδει πεπραγότι μᾶλλον ἢ ἐξ ὧν ἕτεροι ἐδόξαζον ἐβεβαιοῦτο.

Ἀλλὰ καὶ ὅτε πρῶτον τῷ μέλλοντι τῶν δορυφόρων ἐπάρξειν τὸ ξίφος, ὃ παραζώννυσθαι αὐτὸν ἐχρῆν, ὤρεξεν, ἐγύμνωσέ τε αὐτὸ καὶ ἀνατείνας ἔφη « λαβὲ τοῦτο τὸ ξίφος, ἵνα, ἂν μὲν καλῶς ἄρχω, ὑπὲρ ἐμοῦ, ἂν δὲ κακῶς, κατ´ ἐμοῦ αὐτῷ χρήσῃ ». Ἔστησε δὲ καὶ τοῦ Σοσσίου τοῦ τε Πάλμου καὶ τοῦ Κέλσου εἰκόνας· οὕτω που αὐτοὺς τῶν ἄλλων προετίμησε. Τοὺς μέντοι ἐπιβουλεύοντας αὐτῷ, ἐν οἷς ἦν καὶ Κράσσος, ἐτιμωρεῖτο ἐσάγων ἐς τὴν βουλήν.

Κατεσκεύασε δὲ καὶ βιβλίων ἀποθήκας. Καὶ ἔστησεν ἐν τῇ ἀγορᾷ καὶ κίονα μέγιστον, ἅμα μὲν ἐς ταφὴν ἑαυτῷ, ἅμα δὲ ἐς ἐπίδειξιν τοῦ κατὰ τὴν ἀγορὰν ἔργου· παντὸς γὰρ τοῦ χωρίου ἐκείνου ὀρεινοῦ ὄντος κατέσκαψε τοσοῦτον ὅσον ὁ κίων ἀνίσχει, καὶ τὴν ἀγορὰν ἐκ τούτου πεδινὴν κατεσκεύασε.

[17] Μετὰ δὲ ταῦτα ἐστράτευσεν ἐπ´ Ἀρμενίους καὶ Πάρθους, πρόφασιν μὲν ὅτι μὴ τὸ διάδημα ὑπ´ αὐτοῦ εἰλήφει, ἀλλὰ παρὰ τοῦ Πάρθων βασιλέως, ὁ τῶν Ἀρμενίων βασιλεύς, τῇ δ´ ἀληθείᾳ δόξης ἐπιθυμίᾳ.

Ὅτι τοῦ Τραϊανοῦ ἐπὶ Πάρθους στρατεύσαντος καὶ ἐς Ἀθήνας ἀφικομένου πρεσβεία αὐτῷ ἐνταῦθα παρὰ τοῦ Ὀρρόου ἐνέτυχε, τῆς εἰρήνης δεομένη καὶ δῶρα φέρουσα. Ἐπειδὴ γὰρ ἔγνω τήν τε ὁρμὴν αὐτοῦ, καὶ ὅτι τοῖς ἔργοις τὰς ἀπειλὰς ἐτεκμηρίου, κατέδεισε, καὶ ὑφεὶς τοῦ φρονήματος ἔπεμψεν ἱκετεύων μὴ πολεμηθῆναι, τήν τε Ἀρμενίαν Παρθαμασίριδι Πακόρου καὶ αὐτῷ υἱεῖ ᾔτει, καὶ ἐδεῖτο τὸ διάδημα αὐτῷ πεμφθῆναι· τὸν γὰρ Ἐξηδάρην ὡς οὐκ ἐπιτήδειον οὔτε τοῖς Ῥωμαίοις οὔτε τοῖς Πάρθοις ὄντα πεπαυκέναι ἔλεγεν. Καὶ ὃς οὔτε τὰ δῶρα ἔλαβεν, οὔτ´ ἄλλο τι ἀπεκρίνατο ἢ καὶ ἐπέστειλε πλὴν ὅτι ἡ φιλία ἔργοις καὶ οὐ λόγοις κρίνεται, καὶ διὰ τοῦτ´, ἐπειδὰν ἐς τὴν Συρίαν ἔλθῃ, πάντα τὰ προσήκοντα ποιήσει. Καὶ οὕτω διανοίας ὢν ἐπί τε τῆς Ἀσίας καὶ ἐπὶ Λυκίας τῶν τε ἐχομένων ἐθνῶν ἐς Σελεύκειαν ἐκομίσθη.

[18] Γενομένῳ δὲ αὐτῷ ἐν Ἀντιοχείᾳ Αὔγαρος ὁ Ὀρροηνὸς αὐτὸς μὲν οὐκ ὤφθη, δῶρα δὲ δὴ καὶ λόγους φιλίους ἔπεμψεν· ἐκεῖνόν τε γὰρ ὁμοίως καὶ τοὺς Πάρθους φοβούμενος ἐπημφοτέριζε, καὶ διὰ τοῦτ´ οὐκ ἠθέλησέν οἱ συμμῖξαι.

Ἐπεὶ δὲ ἐνέβαλεν ἐς τὴν πολεμίαν, ἀπήντων αὐτῷ οἱ τῇδε σατράπαι καὶ βασιλεῖς μετὰ δώρων, ἐν οἷς καὶ ἵππος ἦν δεδιδαγμένος προσκυνεῖν· τοῖς τε γὰρ {τοῖς} ποσὶ τοῖς προσθίοις ὤκλαζε, καὶ τὴν κεφαλὴν ὑπὸ τοὺς τοῦ πέλας πόδας ὑπετίθει.

[19] Ὅτι ὁ Παρθαμάσιρις βίαιόν τι ἐποίησε. Γράψας δὲ δὴ τὰ πρῶτα τῷ Τραϊανῷ ὡς βασιλεύς, ἐπειδὴ μηδὲν ἀντεγράφη, ἐπέστειλέ τε αὖθις τὸ ὄνομα τοῦτο περικόψας, καὶ ᾔτησε Μᾶρκον Ἰούνιον τὸν τῆς Καππαδοκίας ἄρχοντα πεμφθῆναί οἱ ὡς καὶ δι´ αὐτοῦ τι αἰτησόμενος. Ὁ οὖν Τραϊανὸς ἐκείνῳ μὲν τὸν τοῦ Ἰουνίου υἱὸν ἔπεμψεν, αὐτὸς δὲ μέχρις Ἀρσαμοσάτων προχωρήσας καὶ ἀμαχεὶ αὐτὰ παραλαβὼν ἐς τὰ Σάταλα ἦλθε, καὶ Ἀγχίαλον τὸν Ἡνιόχων τε καὶ Μαχελόνων βασιλέα δώροις ἠμείψατο. Ἐν δὲ Ἐλεγείᾳ τῆς Ἀρμενίας τὸν Παρθαμάσιριν προσεδέξατο. Καθῆστο δὲ ἐπὶ βήματος ἐν τῷ ταφρεύματι· καὶ ὃς ἀσπασάμενος αὐτὸν τό τε διάδημα ἀπὸ τῆς κεφαλῆς ἀφεῖλε καὶ πρὸς τοὺς πόδας αὐτοῦ ἔθηκε, σιγῇ τε εἱστήκει, καὶ προσεδόκα αὐτὸ ἀπολήψεσθαι. Συμβοησάντων δὲ ἐπὶ τούτῳ τῶν στρατιωτῶν, καὶ αὐτοκράτορα τὸν Τραϊανὸν ὡς καὶ ἐπὶ νίκῃ τινὶ ἐπικαλεσάντων (νίκην γὰρ ἀσέλινον ἄναιμον ὠνόμαζον ὅτι τὸν βασιλέα τὸν Ἀρσακίδην, τὸν Πακόρου παῖδα, τὸν Ὀρρόου ἀδελφιδοῦν, προσεστηκότα αὐτῷ ἄνευ διαδήματος εἶδον ὥσπερ αἰχμάλωτον), ἐξεπλάγη τε καὶ ἐνόμισεν ἐπὶ ὕβρει καὶ ὀλέθρῳ αὑτοῦ γεγονέναι. Καὶ μετεστράφη μὲν ὡς καὶ φευξόμενος, ἰδὼν δὲ ὅτι περιεστοίχισται ἐξῃτήσατο τὸ μὴ ἐν τῷ ὄχλῳ τι εἰπεῖν. Καὶ οὕτως ἐς τὴν σκηνὴν ἐσαχθεὶς οὐδενὸς ἔτυχεν ὧν ἐβούλετο.

[20] Ἐκπηδήσαντος οὖν ὀργῇ καὶ ἐκεῖθεν ἐκ τοῦ στρατοπέδου μετεπέμψατο αὐτὸν ὁ Τραϊανός, καὶ ἀναβὰς αὖθις ἐπὶ τὸ βῆμα ἐκέλευσεν αὐτῷ πάντων ἀκουόντων εἰπεῖν ὅσα ἤθελεν, ἵνα μὴ ἀγνοήσαντές τινες τὰ κατὰ μόνας σφίσιν εἰρημένα λογοποιήσωσί τινα διάφορα. Ἀκούσας τοῦτο ὁ Παρθαμάσιρις οὐκέτι τὴν ἡσυχίαν ἦγεν, ἀλλὰ μετὰ πολλῆς παρρησίας ἄλλα τέ τινα εἶπε καὶ ὅτι οὐχ ἡττηθεὶς οὐδὲ ζωγρηθεὶς ἀλλ´ ἑκὼν ἀφίκετο, πιστεύσας ὅτι οὔτε τι ἀδικηθήσεται καὶ τὴν βασιλείαν ἀπολήψεται ὥσπερ καὶ ὁ Τιριδάτης παρὰ τοῦ Νέρωνος. Καὶ αὐτῷ ὁ Τραϊανὸς πρός τε τἆλλα ἀντέλεξεν ὅσα ἥρμοζεν, καὶ Ἀρμενίαν μὲν οὐδενὶ προήσεσθαι ἔφη (Ῥωμαίων τε γὰρ εἶναι καὶ ἄρχοντα Ῥωμαῖον ἕξειν), ἐκείνῳ μέντοι ἀπελθεῖν ὅποι βούλεται ἐπιτρέψειν. Καὶ τὸν μὲν Παρθαμάσιριν μετὰ τῶν Πάρθων 〈τῶν〉 συνόντων οἱ ἀπέπεμψεν, ἀγωγούς σφισιν ἱππέας, ὅπως μήτε τινὶ συγγένωνται μήτε τι νεοχμώσωσι, δούς· τοὺς δὲ Ἀρμενίους πάντας τοὺς μετ´ αὐτοῦ ἐλθόντας προσέταξε κατὰ χώραν, ὡς καὶ αὑτοῦ ἤδη ὄντας, μεῖναι.

[21] Ὅτι ὁ Τραϊανὸς φρουρὰς ἐν τοῖς ἐπικαίροις καταλιπὼν ἦλθεν ἐς Ἔδεσσαν, κἀνταῦθα πρῶτον Αὔγαρον εἶδεν. Πρότερον μὲν γὰρ καὶ πρέσβεις καὶ δῶρα τῷ βασιλεῖ πολλάκις ἔπεμψεν, αὐτὸς δὲ ἄλλοτε κατ´ ἄλλας προφάσεις οὐ παρεγένετο, ὥσπερ οὐδὲ ὁ Μάννος ὁ τῆς Ἀραβίας τῆς πλησιοχώρου οὐδὲ ὁ Σποράκης ὁ τῆς Ἀνθεμουσίας φύλαρχος. Τότε δὲ τὰ μὲν καὶ ὑπὸ τοῦ υἱέος Ἀρβάνδου καλοῦ καὶ ὡραίου ὄντος καὶ διὰ τοῦτο τῷ Τραϊανῷ ᾠκειωμένου πεισθείς, τὰ δὲ καὶ τὴν παρουσίαν αὐτοῦ φοβηθείς, ἀπήντησέ τε αὐτῷ προσιόντι καὶ ἀπελογήσατο, συγγνώμης τε ἔτυχεν· ὁ γὰρ παῖς λαμπρόν οἱ ἱκέτευμα ἦν. Καὶ ὁ μὲν φίλος τε ἐκ τούτου τῷ Τραϊανῷ ἐγένετο καὶ εἱστίασεν αὐτόν, ἔν τε τῷ δείπνῳ παῖδα ἑαυτοῦ ὀρχησόμενον βαρβαρικῶς πως παρήγαγεν.

[22] Ὅτι τοῦ Τραϊανοῦ ἐς Μεσοποταμίαν ἐλθόντος, καὶ τοῦ Μάννου ἐπικηρυκευσαμένου, καὶ τοῦ Μανισάρου πρέσβεις ὑπὲρ εἰρήνης διὰ τὸ τὸν Ὀρρόην ἐπιστρατεύειν αὐτῷ πέμψαντος καὶ τῆς τε Ἀρμενίας καὶ τῆς Μεσοποταμίας ἑαλωκυίας ἀποστῆναι ἑτοίμως ἔχοντος, οὔτε ἐκείνῳ πιστεύσειν τι ἔφη πρὶν ἂν ἐλθὼν πρὸς αὐτόν, ὥσπερ ὑπισχνεῖτο, τοῖς ἔργοις τὰς ἐπαγγελίας βεβαιώσῃ, καὶ τὸν Μάννον ὑπώπτευεν ἄλλως τε καὶ ὅτι συμμαχίαν Μηβαρσάπῃ τῷ τῆς Ἀδιαβηνῆς βασιλεῖ πέμψας πᾶσαν αὐτὴν ὑπὸ τῶν Ῥωμαίων ἀπεβεβλήκει· διόπερ οὐδὲ τότε ἐπιόντας αὐτοὺς ὑπέμεινεν, ἀλλ´ ἐς τὴν Ἀδιαβηνὴν πρὸς ἐκείνους ἐξεχώρησε. Καὶ οὕτω τά τε Σίγγαρα καὶ ἄλλα τινὰ ἀμαχεὶ διὰ τοῦ Λουσίου κατεσχέθη.

[23] Τινας καὶ ἀπειθοῦντας ἀμαχεὶ ἐχειροῦτο, τά τε ἄλλα ἐψηφίζετο αὐτῷ πολλὰ ἡ βουλή, καὶ ὄπτιμον, εἴτ´ οὖν ἄριστον, ἐπωνόμασεν. Ἐβάδιζεν ἀεὶ μετὰ παντὸς τοῦ στρατοῦ πεζῇ, διεκόσμει τε αὐτοὺς κατὰ πᾶσαν τὴν πορείαν καὶ διέταττεν ἄλλοτε ἄλλως ἄγων, τούς τε ποταμούς, ὅσους γε καὶ ἐκεῖνοι, πεζῇ διέβαινε. Καὶ ἔστιν ὅτε καὶ ἀγγελίας ψευδεῖς διὰ τῶν προσκόπων ἐποίει, ἵν´ ἅμα τε τὰ τακτικὰ μελετῷεν καὶ ἕτοιμοι πρὸς πάντα καὶ ἀνέκπληκτοι εἶεν. Καὶ ὠνομάσθη μέν, ἐπειδὴ καὶ τὴν Νίσιβιν εἷλε καὶ τὰς Βάτνας, Παρθικός, πολλῷ δὲ μᾶλλον ἐπὶ τῇ τοῦ ὀπτίμου προσηγορίᾳ ἢ ταῖς ἄλλαις συμπάσαις, ἅτε καὶ τῶν τρόπων αὐτοῦ μᾶλλον ἢ τῶν ὅπλων οὔσῃ, ἐσεμνύνετο.

[24] Διατρίβοντος δὲ αὐτοῦ ἐν Ἀντιοχείᾳ σεισμὸς ἐξαίσιος γίνεται· καὶ πολλαὶ μὲν ἔκαμον πόλεις, μάλιστα δὲ ἡ Ἀντιόχεια ἐδυστύχησεν. ἅτε γὰρ τοῦ Τραϊανοῦ ἐκεῖ χειμάζοντος, καὶ πολλῶν μὲν στρατιωτῶν πολλῶν δὲ ἰδιωτῶν κατά τε δίκας καὶ κατὰ πρεσβείας ἐμπορίαν τε καὶ θεωρίαν πανταχόθεν συμπεφοιτηκότων, οὔτε ἔθνος οὐδὲν οὔτε δῆμος οὐδεὶς ἀβλαβὴς ἐγένετο, καὶ οὕτως ἐν τῇ Ἀντιοχείᾳ πᾶσα ἡ οἰκουμένη ἡ ὑπὸ τοῖς Ῥωμαίοις οὖσα ἐσφάλη. Ἐγένοντο μὲν οὖν καὶ κεραυνοὶ πολλοὶ καὶ ἀλλόκοτοι ἄνεμοι· ἀλλ´ οὔτι καὶ προσεδόκησεν ἄν τις ἐκ τούτων τοσαῦτα κακὰ γενήσεσθαι. Πρῶτον μὲν γὰρ μύκημα ἐξαπίνης μέγα ἐβρυχήσατο, ἔπειτα βρασμὸς ἐπ´ αὐτῷ βιαιότατος ἐπεγένετο, καὶ ἄνω μὲν ἡ γῆ πᾶσα ἀνεβάλλετο, ἄνω δὲ καὶ τὰ οἰκοδομήματα ἀνεπήδα, καὶ τὰ μὲν ἀνέκαθεν ἐπαιρόμενα συνέπιπτε καὶ κατερρήγνυτο, τὰ δὲ καὶ δεῦρο καὶ ἐκεῖσε κλονούμενα ὥσπερ ἐν σάλῳ περιετρέπετο, καὶ ἐπὶ πολὺ καὶ τοῦ ὑπαίθρου προσκατελάμβανεν. Ὅ τε κτύπος θραυομένων καὶ καταγνυμένων ξύλων ὁμοῦ κεράμων λίθων ἐκπληκτικώτατος ἐγίνετο, καὶ ἡ κόνις πλείστη ὅση ἠγείρετο, ὥστε μήτε ἰδεῖν τινα μήτε εἰπεῖν μήτ´ ἀκοῦσαί τι δύνασθαι. Τῶν δὲ δὴ ἀνθρώπων πολλοὶ μὲν καὶ ἐκτὸς τῶν οἰκιῶν ὄντες ἐπόνησαν· ἀναβαλλόμενοί τε γὰρ καὶ ἀναρριπτούμενοι βιαίως, εἶθ´ ὥσπερ ἀπὸ κρημνοῦ φερόμενοι προσηράσσοντο, καὶ οἱ μὲν ἐπηροῦντο οἱ δὲ ἔθνησκον. Καί τινα καὶ δένδρα αὐταῖς ῥίζαις ἀνέθορε. Τῶν δὲ ἐν ταῖς οἰκίαις καταληφθέντων ἀνεξεύρετος ἀριθμὸς ἀπώλετο· παμπόλλους μὲν γὰρ καὶ αὐτὴ ἡ τῶν συμπιπτόντων ῥύμη ἔφθειρε, παμπληθεῖς δὲ καὶ τὰ χώματα ἔπνιξεν. Ὅσοι δὲ δὴ μέρους τοῦ σώματός σφων ὑπὸ λίθων ἢ ξύλων κρατούμενοι ἔκειντο, δεινῶς ἐταλαιπώρησαν, μήτε ζῆν ἔτι μήτ´ ἀποθανεῖν αὐτίκα δυνάμενοι.

[25] Καὶ ἐσώθησαν γὰρ ὅμως καὶ ἐκ τούτων, ἅτε καὶ ἐν ἀμυθήτῳ πλήθει, συχνοί, οὐδὲ ἐκεῖνοι πάντες ἀπαθεῖς ὑπεχώρησαν. Συχνοὶ μὲν γὰρ σκελῶν συχνοὶ δὲ ὤμων ἐστερήθησαν, ἄλλοι κεφαλῆς - - - ἄλλοι αἷμα ἤμουν, ὧν εἷς καὶ ὁ Πέδων ὁ ὕπατος ἐγένετο· καὶ εὐθύς τε γὰρ ἀπέθανε. Συνελόντι δὲ εἰπεῖν, οὐδὲν τὸ παράπαν βιαίου πάθους τότε τοῖς ἀνθρώποις ἐκείνοις οὐ συνηνέχθη. Καὶ ἐπὶ πολλὰς μὲν ἡμέρας καὶ νύκτας σείοντος τοῦ θεοῦ ἐν ἀπόροις καὶ ἀμηχάνοις ἦσαν οἱ ἄνθρωποι, οἱ μὲν ὑπὸ τῶν ἐρειπομένων οἰκοδομημάτων καταχωννύμενοι καὶ φθειρόμενοι, οἱ δὲ καὶ λιμῷ ἀπολλύμενοι, ὅσοις συνέβη ἐν διακένῳ τινί, τῶν ξύλων οὕτω κλιθέντων, ἢ καὶ ἐν ἁψιδοειδεῖ τινι μεταστυλίῳ σωθῆναι. Καταστάντος δέ ποτε τοῦ κακοῦ θαρσήσας τις ἐπιβῆναι τῶν πεπτωκότων γυναικὸς ζώσης ᾔσθετο. Αὕτη δὲ ἦν οὐ μόνη, ἀλλὰ καὶ βρέφος εἶχε, καὶ τρέφουσα τῷ γάλακτι καὶ ἑαυτὴν καὶ τὸ παιδίον ἀντήρκεσεν. Ἐκείνην τε οὖν ἀνορύξαντες ἀνεσώσαντο μετὰ τοῦ τέκνου, κἀκ τούτου καὶ τἆλλα ἀνηρεύνων, ἐν οἷς ζῶντα μὲν οὐδένα ἔτι, πλὴν παιδίου πρὸς μαστῷ τὴν μητέρα καὶ τεθνηκυῖαν θηλάζοντος, εὑρεῖν ἠδυνήθησαν, τοὺς δὲ νεκροὺς ἐξέλκοντες οὐκέτ´ οὐδὲ ἐπὶ τῇ σφετέρᾳ σωτηρίᾳ ἔχαιρον.

Τοσαῦτα μὲν τότε πάθη τὴν Ἀντιόχειαν κατειλήφει· Τραϊανὸς δὲ διέφυγε μὲν διὰ θυρίδος ἐκ τοῦ οἰκήματος ἐν ᾧ ἦν, προσελθόντος αὐτῷ μείζονός τινος ἢ κατὰ ἄνθρωπον καὶ ἐξαγαγόντος αὐτόν, ὥστε μικρὰ ἄττα πληγέντα περιγενέσθαι, ὡς δ´ ἐπὶ πλείους ἡμέρας ὁ σεισμὸς ἐπεῖχεν, ὑπαίθριος ἐν τῷ ἱπποδρόμῳ διῆγεν. Ἐσείσθη δὲ καὶ αὐτὸ τὸ Κάσιον οὕτως ὥστε τὰ ἄκρα αὐτοῦ καὶ ἐπικλίνεσθαι καὶ ἀπορρήγνυσθαι καὶ ἐς αὐτὴν τὴν πόλιν ἐσπίπτειν δοκεῖν. Ὄρη τε ἄλλα ὑφίζησε, καὶ ὕδωρ πολὺ μὲν οὐκ ὂν πρότερον ἀνεφάνη, πολὺ δὲ καὶ ῥέον ἐξέλιπε.

[26] Τραϊανὸς δὲ ἐς τὴν τῶν πολεμίων ὑπὸ τὸ ἔαρ ἠπείχθη. Ἐπεὶ δὲ ἡ χώρα ἡ πρὸς τῷ Τίγριδι ἄφορος ναυπηγησίμων ξύλων ἐστί, τὰ πλοῖα, ἃ ἐν ταῖς ὕλαις ταῖς περὶ τὴν Νίσιβιν ἐπεποίητο, ἐπὶ τὸν ποταμὸν ἤγαγεν ἐφ´ ἁμάξαις· οὕτω γάρ πως κατεσκεύαστο ὥστε διαλύεσθαι καὶ συμπήγνυσθαι. Καὶ ἔζευξεν αὐτὸν κατὰ τὸ Καρδύηνον ὄρος ἐπιπονώτατα· οἱ γὰρ βάρβαροι ἀντικαταστάντες ἐκώλυον. Ἀλλ´ ἦν γὰρ πολλὴ τῷ Τραϊανῷ καὶ τῶν νεῶν καὶ τῶν στρατιωτῶν περιουσία, αἱ μὲν ἐζεύγνυντο πολλῷ τάχει, αἱ δὲ πρὸ ἐκείνων ἀνεκώχευον ὁπλίτας τε καὶ τοξότας φέρουσαι, ἕτεραι δὲ ἔνθεν καὶ ἔνθεν ὡς διαβησόμεναι ἐπείρων. Ἔκ τε οὖν τούτων καὶ ἐξ αὐτῆς τῆς ἐκπλήξεως τοῦ τοσαύτας ἅμα ναῦς ἀθρόας ἐξ ἠπείρου ἀξύλου ἀναφανῆναι ἐνέδοσαν οἱ βάρβαροι. Καὶ ἐπεραιώθησαν οἱ Ῥωμαῖοι, καὶ τήν τε Ἀδιαβηνὴν ἅπασαν παρεστήσαντο (ἔστι δὲ τῆς Ἀσσυρίας τῆς περὶ Νίνον μέρος αὕτη, καὶ τά τε Ἄρβηλα καὶ τὰ Γαυγάμηλα, παρ´ οἷς ὁ Ἀλέξανδρος τὸν Δαρεῖον ἐνίκησε, ταῦτα τῆσδέ ἐστι· καί που καὶ Ἀτυρία διὰ τοῦτο βαρβαριστί, τῶν σίγμα ἐς τὸ ταῦ μεταπεσόντων, ἐκλήθη). Καὶ μετὰ ταῦτα καὶ μέχρι τῆς Βαβυλῶνος αὐτῆς ἐχώρησαν κατὰ πολλὴν τῶν κωλυσόντων αὐτοὺς ἐρημίαν, ἅτε καὶ τῆς τῶν Πάρθων δυνάμεως ἐκ τῶν ἐμφυλίων πολέμων ἐφθαρμένης καὶ τότε ἔτι στασιαζούσης.

[27] Ἔνθα μέντοι τήν τε ἄσφαλτον εἶδε Τραϊανὸς ἐξ ἧς τὰ τείχη Βαβυλῶνος ᾠκοδόμητο (τοσαύτην γὰρ ἀσφάλειαν πλίνθοις ὀπταῖς ἢ καὶ λίθοις λεπτοῖς συμμιχθεῖσα παρέχεται ὥστε καὶ πέτρας καὶ σιδήρου παντὸς ἰσχυρότερα αὐτὰ ποιεῖν), καὶ τὸ στόμιον ἐθεάσατο ἐξ οὗ πνεῦμα δεινὸν ἀναδίδοται, ὥστε πᾶν μὲν ἐπίγειον ζῷον πᾶν δὲ πετεινὸν ἀποφθείρειν, εἰ καὶ ἐφ´ ὁποσονοῦν ὄσφροιτό τι αὐτοῦ. Καὶ εἴπερ ἐπὶ πολὺ ἄνω ἐχώρει ἢ καὶ πέριξ ἐσκεδάννυτο, οὐδ´ ἂν ᾠκεῖτο ὁ χῶρος· νῦν δὲ αὐτὸ ἐν ἑαυτῷ ἀνακυκλούμενον κατὰ χώραν μένει. Καὶ ἐκ τούτου τά τε ἐν ὑψηλοτέρῳ πετόμενα σώζεται καὶ τὰ πέριξ νεμόμενα. Εἶδον ἐγὼ τοιοῦτον ἕτερον ἐν Ἱεραπόλει τῆς Ἀσίας, καὶ ἐπειράθην αὐτοῦ δι´ ὀρνέων, αὐτός τε ὑπερκύψας καὶ αὐτὸς ἰδὼν τὸ πνεῦμα· κατακέκλειταί τε γὰρ ἐν δεξαμενῇ τινι, καὶ θέατρον ὑπὲρ αὐτοῦ ᾠκοδόμητο, φθείρει τε πάντα τὰ ἔμψυχα πλὴν τῶν ἀνθρώπων τῶν τὰ αἰδοῖα ἀποτετμημένων. Οὐ μὴν καὶ τὴν αἰτίαν αὐτοῦ συννοῆσαι ἔχω, λέγω δὲ ἅ τε εἶδον ὡς εἶδον καὶ ἃ ἤκουσα ὡς ἤκουσα.

[28] Τραϊανὸς δὲ ἐβουλεύσατο μὲν τὸν Εὐφράτην κατὰ διώρυχα ἐς τὸν Τίγριν ἐσαγαγεῖν, ἵνα τὰ πλοῖα δι´ αὐτῆς κατελθόντα τὴν γέφυραν αὐτῷ ποιῆσαι παράσχῃ· μαθὼν δὲ ὅτι πολὺ ὑψηλότερος τοῦ Τίγριδός ἐστι, τοῦτο μὲν οὐκ ἔπραξε, φοβηθεὶς μὴ καὶ ἄπλουν τὸν Εὐφράτην ἀπεργάσηται ἀθρόου τοῦ ῥεύματος ἐς τὸ κάταντες φερομένου, ὑπερενεγκὼν δὲ τὰ πλοῖα ὁλκοῖς διὰ τοῦ μέσου τῶν ποταμῶν ἐλαχίστου ὄντος (τὸ γὰρ ῥεῦμα τὸ τοῦ Εὐφράτου πᾶν ἔς θ´ ἕλος ἐκπίπτει καὶ ἐκεῖθέν πως τῷ Τίγριδι συμμίγνυται) τὸν Τίγριν ἐπεραιώθη, καὶ ἐς τὴν Κτησιφῶντα ἐσῆλθε, παραλαβών τε αὐτὴν αὐτοκράτωρ ἐπωνομάσθη καὶ τὴν ἐπίκλησιν τοῦ Παρθικοῦ ἐβεβαιώσατο. Ἐψηφίσθη δὲ αὐτῷ παρὰ τῆς βουλῆς τά τε ἄλλα, καὶ νικητήρια ὅσα ἐθελήσει διεορτάσαι. Ἑλὼν δὲ τὴν Κτησιφῶντα ἐπεθύμησεν ἐς τὴν Ἐρυθρὰν θάλασσαν καταπλεῦσαι. Αὕτη δὲ τοῦ τε ὠκεανοῦ μοῖρά ἐστι, καὶ ἀπό τινος ἐνδυναστεύσαντός ποτε ἐν αὐτῇ οὕτω κέκληται. Καὶ τὴν μὲν νῆσον τὴν ἐν τῷ Τίγριδι τὴν Μεσήνην, ἧς Ἀθάμβηλος ἐβασίλευεν, ἀπόνως ᾠκειώσατο, ὑπὸ δὲ δὴ χειμῶνος τῆς τε τοῦ Τίγριδος ὀξύτητος καὶ τῆς τοῦ ὠκεανοῦ ἀναρροίας ἐκινδύνευσε. Ὅτι ὁ Ἀθάμβηλος ὁ τῆς νήσου ἄρχων τῆς ἐν τῷ Τίγριδι οὔσης πιστὸς διέμεινεν τῷ Τραϊανῷ, καίπερ ὑποτελεῖν προσταχθείς, καὶ οἱ τὸν Χάρακα τὸν Σπασίνου καλούμενον οἰκοῦντες (ἐν δὲ δὴ τῇ τοῦ Ἀθαμβήλου ἐπικρατείᾳ ἦσαν) καὶ φιλικῶς αὐτὸν ὑπεδέξαντο.

[29] Κἀντεῦθεν ἐπ´ αὐτὸν τὸν ὠκεανὸν ἐλθών, τήν τε φύσιν αὐτοῦ καταμαθὼν καὶ πλοῖόν τι ἐς Ἰνδίαν πλέον ἰδών, εἶπεν ὅτι « πάντως ἂν καὶ ἐπὶ τοὺς Ἰνδούς, εἰ νέος ἔτι ἦν, ἐπεραιώθην ». Ἰνδούς τε γὰρ ἐνενόει, καὶ τὰ ἐκείνων πράγματα ἐπολυπραγμόνει, τόν τε Ἀλέξανδρον ἐμακάριζε. Καίτοι ἔλεγε καὶ ἐκείνου περαιτέρω προκεχωρηκέναι, καὶ τοῦτο καὶ τῇ βουλῇ ἐπέστειλε, μὴ δυνηθεὶς μηδὲ ἃ ἐκεχείρωτο σῶσαι. Καὶ ἐπ´ αὐτῷ ἄλλα τε ἔλαβε, καὶ ἐπινίκια ὅσων ἂν ἐθελήσῃ ἐθνῶν πέμψαι· διὰ γὰρ τὸ πλῆθος τῶν ἀεί σφισι γραφομένων οὔτε συνεῖναί τινα αὐτῶν οὔτε ὀνομάσαι καλῶς ἐδύναντο. Καὶ οἱ μὲν ἁψῖδα αὐτῷ τροπαιοφόρον πρὸς πολλοῖς ἄλλοις ἐν αὐτῇ τῇ ἀγορᾷ αὐτοῦ παρεσκεύαζον, καὶ ἡτοιμάζοντο ὡς πορρωτέρω ἀπαντήσοντες εἰ ἐπανίοι· ἔμελλε δ´ ἄρα μήτε ἐς τὴν Ῥώμην ἔτι ἀφίξεσθαι μήτε ἄξιόν τι τῶν προκατειργασμένων πράξειν, καὶ προσέτι καὶ αὐτὰ ἐκεῖνα ἀπολέσειν. Ἐν γὰρ τῷ χρόνῳ ἐν ᾧ ἐπὶ τὸν ὠκεανὸν κατέπλει καὶ ἐκεῖθεν αὖθις ἀνεκομίζετο, πάντα τὰ ἑαλωκότα ἐταράχθη καὶ ἀπέστη, καὶ τοὺς παρὰ σφίσιν ἕκαστοι φρουροὺς οἱ μὲν ἐξέβαλλον οἱ δ´ ἀπεκτίννυσαν.

[30] Μαθὼν δὲ ταῦτα ὁ Τραϊανὸς ἐν Βαβυλῶνι (καὶ γὰρ ἐκεῖσε ἦλθε κατά τε τὴν φήμην, ἧς οὐδὲν ἄξιον εἶδεν ὅ τι μὴ χώματα καὶ λίθους καὶ ἐρείπια, καὶ διὰ τὸν Ἀλέξανδρον, ᾧ καὶ ἐνήγισεν ἐν τῷ οἰκήματι ἐν ᾧ ἐτετελευτήκει)—μαθὼν δὲ ταῦτα τόν τε Λούσιον καὶ τὸν Μάξιμον ἐπὶ τοὺς ἀφεστηκότας ἔπεμψε. Καὶ οὗτος μὲν ἀπέθανεν ἡττηθεὶς μάχῃ, Λούσιος δὲ ἄλλα τε πολλὰ κατώρθωσε καὶ τὴν Νίσιβιν ἀνέλαβε, τήν τε Ἔδεσσαν ἐξεπολιόρκησε καὶ διέφθειρε καὶ ἐνέπρησεν. Ἑάλω δὲ καὶ ἡ Σελεύκεια πρός τε Ἐρυκίου Κλάρου καὶ πρὸς Ἰουλίου Ἀλεξάνδρου ὑποστρατήγων, καὶ ἐκαύθη. Τραϊανὸς δὲ φοβηθεὶς μὴ καὶ οἱ Πάρθοι τι νεοχμώσωσι, βασιλέα αὐτοῖς ἴδιον δοῦναι ἠθέλησε, καὶ ἐς Κτησιφῶντα ἐλθὼν συνεκάλεσεν ἐς πεδίον τι μέγα πάντας μὲν τοὺς Ῥωμαίους πάντας δὲ τοὺς Πάρθους τοὺς ἐκεῖ τότε ὄντας, καὶ ἐπὶ βῆμα ὑψηλὸν ἀναβάς, καὶ μεγαληγορήσας ὑπὲρ ὧν καὶ κατειργάσατο, Παρθαμασπάτην τοῖς Πάρθοις βασιλέα ἀπέδειξε, τὸ διάδημα αὐτῷ ἐπιθείς.

[31] Μετὰ δὲ ταῦτα ἐς τὴν Ἀραβίαν ἦλθε, καὶ τοῖς Ἀτρηνοῖς, ἐπειδὴ καὶ αὐτοὶ ἀφειστήκεσαν, ἐπεχείρησε. Καὶ ἔστι μὲν οὔτε μεγάλη οὔτε εὐδαίμων ἡ πόλις· ἥ τε πέριξ χώρα ἔρημος ἐπὶ πλεῖστόν ἐστι, καὶ οὔθ´ ὕδωρ, ὅ τι μὴ βραχὺ καὶ τοῦτο δυσχερές, οὔτε ξύλον οὔτε χιλὸν ἴσχει. Καὶ πρός τε αὐτῶν τούτων, ἀδύνατον τὴν προσεδρείαν πλήθει ποιούντων, πρός τε τοῦ Ἡλίου, ᾧπέρ που καὶ ἀνάκειται, ῥύεται· οὔτε γὰρ ὑπὸ Τραϊανοῦ τότε οὔτε ὑπὸ Σεουήρου ὕστερον ἥλω, καίτοι καὶ καταβαλόντων μέρη τινὰ τοῦ τείχους αὐτῆς - - - Τραϊανὸς δὲ τούς τε ἱππέας πρὸς τὸ τεῖχος προπέμψας ἐσφάλη, ὥστε καὶ ἐς τὸ στρατόπεδον αὐτοὺς ἐσαραχθῆναι, καὶ αὐτὸς παριππεύσας βραχυτάτου ἐδέησε τρωθῆναι, καίπερ τὴν βασιλικὴν στολὴν ἀποθέμενος ἵνα μὴ γνωρισθῇ. Τῆς δὲ πολιᾶς αὐτοῦ τὸ γαῦρον καὶ τὸ σεμνοπρεπὲς τοῦ προσώπου ἰδόντες ὑπετόπησάν τε εἶναι ὃς ἦν, καὶ ἐπετόξευσαν αὐτῷ, καὶ ἱππέα τινὰ τῶν συνόντων οἱ ἀπέκτειναν. Ἐγίνοντο δὲ βρονταί, καὶ ἴριδες ὑπεφαίνοντο, ἀστραπαί τε καὶ ζάλη χάλαζά τε καὶ κεραυνοὶ τοῖς Ῥωμαίοις ἐνέπιπτον, ὁπότε προσβάλοιεν. Καὶ ὁπότε οὖν δειπνοῖεν, μυῖαι τοῖς βρώμασι καὶ τοῖς πώμασι προσιζάνουσαι δυσχερείας ἅπαντα ἐνεπίμπλων.

[32] Καὶ Τραϊανὸς μὲν ἐκεῖθεν οὕτως ἀπῆλθε, καὶ οὐ πολλῷ ὕστερον ἀρρωστεῖν ἤρχετο· καὶ ἐν τούτῳ οἱ κατὰ Κυρήνην Ἰουδαῖοι, Ἀνδρέαν τινὰ προστησάμενοί σφων, τούς τε Ῥωμαίους καὶ τοὺς Ἕλληνας ἔφθειρον, καὶ τάς τε σάρκας αὐτῶν ἐσιτοῦντο καὶ τὰ ἔντερα ἀνεδοῦντο τῷ τε αἵματι ἠλείφοντο καὶ τὰ ἀπολέμματα ἐνεδύοντο, πολλοὺς δὲ καὶ μέσους ἀπὸ κορυφῆς διέπριον· θηρίοις ἑτέρους ἐδίδοσαν, καὶ μονομαχεῖν ἄλλους ἠνάγκαζον, ὥστε τὰς πάσας δύο καὶ εἴκοσι μυριάδας ἀπολέσθαι. Ἔν τε Αἰγύπτῳ πολλὰ ἔδρασαν ὅμοια καὶ ἐν τῇ Κύπρῳ, ἡγουμένου τινός σφισιν Ἀρτεμίωνος· καὶ ἀπώλοντο καὶ ἐκεῖ μυριάδες τέσσαρες καὶ εἴκοσι. Καὶ διὰ τοῦτ´ οὐδενὶ Ἰουδαίῳ ἐπιβῆναι αὐτῆς ἔξεστιν, ἀλλὰ κἂν ἀνέμῳ τις βιασθεὶς ἐς τὴν νῆσον ἐκπέσῃ θανατοῦται. Ἀλλ´ Ἰουδαίους μὲν ἄλλοι τε καὶ Λούσιος ὑπὸ Τραϊανοῦ πεμφθεὶς κατεστρέψατο. Ὅτι Κυῆτος Λούσιος Μαῦρος μὲν ἦν, καὶ αὐτὸς τῶν Μαύρων ἄρχων καὶ ἐν ἱππεῦσιν ἴλης ἐξήταστο, καταγνωσθεὶς δὲ ἐπὶ πονηρίᾳ τότε μὲν τῆς στρατείας ἀπηλλάγη καὶ ἠτιμώθη, ὕστερον δὲ τοῦ Δακικοῦ πολέμου ἐνστάντος καὶ τοῦ Τραϊανοῦ τῆς τῶν Μαύρων συμμαχίας δεηθέντος ἦλθέ τε πρὸς αὐτὸν αὐτεπάγγελτος καὶ μεγάλα ἔργα ἀπεδείξατο. Τιμηθεὶς δὲ ἐπὶ τούτῳ πολὺ πλείω καὶ μείζω ἐν τῷ δευτέρῳ πολέμῳ ἐξειργάσατο, καὶ τέλος ἐς τοσοῦτον τῆς τε ἀνδραγαθίας ἅμα καὶ τῆς τύχης ἐν τῷδε τῷ πολέμῳ προεχώρησεν ὥστε ἐς τοὺς ἐστρατηγηκότας ἐσγραφῆναι καὶ ὑπατεῦσαι τῆς τε Παλαιστίνης ἄρξαι· ἐξ ὧν που καὶ τὰ μάλιστα ἐφθονήθη καὶ ἐμισήθη καὶ ἀπώλετο.

[33] Τραϊανὸς δὲ παρεσκευάζετο μὲν αὖθις ἐς τὴν Μεσοποταμίαν στρατεῦσαι, ὡς δὲ τῷ νοσήματι ἐπιέζετο, αὐτὸς μὲν ἐς τὴν Ἰταλίαν ὥρμησε πλεῖν, Πούπλιον δὲ Αἴλιον Ἁδριανὸν ἐν τῇ Συρίᾳ κατέλιπε μετὰ τοῦ στρατοῦ. Οὕτω μὲν οἱ Ῥωμαῖοι τῆς τε Ἀρμενίας καὶ τῆς Μεσοποταμίας τῆς πλείονος τῶν τε Πάρθων κρατήσαντες μάτην ἐπόνησαν καὶ μάτην ἐκινδύνευσαν· καὶ γὰρ καὶ οἱ Πάρθοι τὸν Παρθαμασπάτην ἀπαξιώσαντες ἐν τῷ σφετέρῳ τρόπῳ ἤρξαντο βασιλεύεσθαι. Ἐνόσησε δ´ ὁ Τραϊανός, ὡς μὲν αὐτὸς ὑπώπτευσεν, ἐκ φαρμάκου λήψεως, ὡς δέ τινες λέγουσιν, ἐπισχεθέντος αὐτῷ τοῦ αἵματος ὃ κατ´ ἔτος κάτω διεχώρει· ἐγένετο μὲν γὰρ καὶ ἀπόπληκτος, ὥστε καὶ τοῦ σώματός τι παρεθῆναι, τὸ δ´ ὅλον ὑδρωπίασε. Καὶ ἐς Σελινοῦντα τῆς Κιλικίας ἐλθών, ἣν δὴ καὶ Τραϊανούπολιν καλοῦμεν, ἐξαίφνης ἀπέψυξε, μοναρχήσας ἔτη δεκαεννέα καὶ μῆνας ἓξ ἡμέρας τε πεντεκαίδεκα.


 

[1]  Après la mort de Domitien, les Romains proclamèrent empereur Coccéius Nerva. En haine du tyran, ses nombreuses statues d'argent et même d'or furent fondues, et l'on en retira des sommes énormes ; on renversa aussi les arcs de triomphes, élevés en trop grand nombre pour un seul homme. Nerva fit absoudre ceux qui étaient accusés de lèse-majesté, et rappela les exilés ; quant aux esclaves et aux affranchis qui avaient dressé des embûches à leurs maîtres, il les fit tous mettre à mort. Il ne permit plus aux gens de cette condition de porter aucune plainte en justice contre leurs maîtres ; il ne permit pas aux autres d'accuser personne de lèse-majesté ou de judaïsme. Beaucoup de délateurs furent condamnés à mort ; parmi eux, le philosophe Séras. Un trouble extraordinaire étant survenu parce que tous se faisaient les accusateurs de tous, on rapporte que le consul Fronton dit que si c'est un malheur d'avoir un prince sous qui il n'est permis à personne de rien faire, c'en est un pire encore quand il permet tout à tous ; et Nerva, qui entendit ces paroles, défendit d'user à l'avenir d'une telle licence ... La vieillesse et une débilité qui lui faisait vomir sans cesse sa nourriture avaient affaibli Nerva.

[2]  Il défendit qu'on lui élevât des statues d'or ou d'argent. Il rendit aux citoyens dépouillés sans motif par Domitien, toutes les sommes qui se trouvaient être encore dans le fisc. Il assigna aux citoyens pauvres de Rome des terres pour le prix d'environ quinze cent mille drachmes, dont il confia l'acquisition et la distribution à des sénateurs. Comme il manquait d'argent, il vendit quantité de vêtements, de vases d'argent et d'or, ainsi que d'autres meubles, tant des siens propres que ceux de l'Etat, quantité de terres et de maisons, ou plutôt il vendit tout, excepté les objets nécessaires. Au reste, il ne montra aucune petitesse à l'égard du prix de ces objets ; loin de là, il en fit un moyen d'obliger les gens. Il abolit un grand nombre de sacrifices, de jeux du cirque et d'autres spectacles, restreignant, autant que possible, les dépenses. Il jura, en plein sénat, qu'il ne ferait mourir aucun sénateur, et il garda son serment, bien qu'on ait attenté à sa vie. Il ne faisait rien sans la participation de citoyens du premier rang. Il publia plusieurs lois, entre autres, pour défendre de faire aucun homme eunuque, et d'épouser sa nièce. Bien que Verginius Rufus eût été plusieurs fois proclamé empereur, il ne fit pas difficulté de le prendre pour collègue au consulat ; on mit sur le tombeau de Verginius cette inscription : «Après la défaite de Vindex, il assura l'empire, non à lui-même, mais à sa patrie».

[3]  Nerva gouvernait avec tant d'honnêteté, qu'il dit un jour : «Je n'ai rien fait qui puisse m'empêcher de déposer l'empire et de vivre en sûreté dans une condition privée». Crassus Calpurnius, descendant des fameux Crassus, ayant conjuré avec quelques autres contre lui, il les fit asseoir à ses côtés pendant un spectacle, avant qu'ils sussent que leur conjuration était découverte, et leur donna des épées, en apparence pour examiner, comme c'est la coutume, si elles étaient pointues ; mais, en réalité, pour faire voir que peu lui importait de mourir sur-le-champ en ce lieu même. Aelianus Caspérius, qui, sous son règne, comme sous celui de Domitien, commandait les gardes prétoriennes, souleva les soldats contre lui, en les poussant à demander la mort de quelques citoyens. Nerva opposa une telle résistance à cette demande, qu'il leur présenta le cou et leur montra qu'ils devaient alors l'égorger. Mais cette résistance ne servit de rien ; ceux qu'Aelianus voulait furent massacrés. Aussi Nerva, se voyant méprisé à cause de sa vieillesse, monta au Capitole et dit à haute voix : «Puisse la chose être heureuse et favorable pour le sénat et le peuple romain, ainsi que pour moi-même ! J'adopte M. Ulpius Nerva Trajan». Après cela, il le déclara César dans le sénat, et lui écrivit de sa propre main (Trajan commandait en Germanie) : «Que les Danaëns expient mes larmes sous les coups de tes flèches».

[4]  Voilà comment Trajan devint César et ensuite Empereur, bien que Nerva eût des parents. Mais Nerva ne préféra pas sa parenté au salut de l'Etat ; bien que Trajan fût Espagnol et non Italien, ni même issu d'Italien, il ne l'en adopta pas moins malgré cela, car, jusqu'à ce jour, aucun étranger n'avait été empereur des Romains ; il crut qu'il fallait examiner le mérite d'un homme et non sa patrie. Il mourut après cette adoption, à la suite d'un règne d'un an quatre mois neuf jours ; il avait vécu soixante cinq ans dix mois dix jours.

[5] Trajan avait eu, avant d'arriver à l'empire, le songe que voici : il lui semblait qu'un homme âgé, revêtu de la prétexte et orné d'une couronne comme on représente le sénat, lui imprimait avec un anneau son cachet au côté gauche du cou, puis sur le côté droit. Lorsqu'il fut devenu empereur, il écrivit au sénat de sa propre main, entre autres choses, qu'il ne ferait périr ou ne noterait d'infamie aucun homme de bien ; et ces promesses, il les confirma par serments, tant sur le moment que dans la suite.

Ayant envoyé quérir Aelianus et les gardes prétoriennes, qui s'étaient soulevés contre Nerva, comme s'il eût eu dessein de s'en servir, il se débarrassa d'eux. Il ne fut pas plutôt arrivé à Rome, qu'il fit plusieurs règlements pour la réformation de l'Etat et en faveur des gens de bien, dont il s'occupait avec un soin si particulier qu'il accorda des fonds aux villes d'Italie pour l'éducation des enfants, dont il se faisait ainsi le bienfaiteur. Plotine, sa femme, la première fois qu'elle entra dans le palais, arrivée au haut des degrés, s'étant tournée vers le peuple, «Telle j'entre ici, dit-elle, telle je veux en sortir». Durant tout son règne, elle se conduisit de façon à ce qu'on n'eût rien à lui reprocher.

[6]  Après un séjour de quelque temps à Rome, il entreprit une expédition contre les Daces, songeant à leur conduite, affligé du tribut qu'ils recevaient tous les ans, et voyant avec leurs troupes s'augmenter leur orgueil. Décébale fut saisi de crainte à la nouvelle de sa marche ; il savait bien, en effet, qu'auparavant ce n'était pas les Romains, mais Domitien qu'il avait vaincu, et qu'à présent il allait avoir à combattre contre les Romains et contre l'empereur Trajan. Car Trajan brillait au plus haut degré par sa justice, par son courage et par la simplicité de ses moeurs. Il avait le corps robuste (il était âgé de quarante-deux ans lorsqu'il parvint à l'empire), en sorte qu'il supportait autant que personne toutes les fatigues ; une âme vigoureuse, en sorte qu'il était exempt et de la fougue de la jeunessse et de la lenteur de la vieillesse. Bien loin de porter envie à quelqu'un ou de l'amoindrir, il honorait tous les gens de bien et il les élevait en dignité ; aussi ne redoutait-il et ne haïssait-il aucun d'eux. Il n'ajoutait aucune foi aux calomnies, et n'était nullement esclave de la colère. Il s'abstenait du bien d'autrui à l'égal des meurtres injustes.

[7]  Il dépensait beaucoup pour la guerre, beaucoup aussi pour des travaux pendant la paix ; mais les dépenses les plus nombreuses et les plus nécessaires avaient pour objet la réparation des routes, des ports et des édifices publics, sans que, pour aucun de ces ouvrages, il versât jamais le sang. Il avait naturellement tant de grandeur dans ses conceptions et dans ses pensées, qu'ayant relevé le Cirque de ses ruines, plus beau et plus magnifique, il y mit une inscription portant qu'il l'avait rebâti de la sorte pour qu'il pût contenir le peuple romain. Il souhaitait plutôt se faire aimer par cette conduite que de se faire rendre des honneurs. Il mettait de la douceur dans ses rapports avec le peuple, et de la dignité dans ses entretiens avec le sénat ; chéri de tous, et redoutable seulement aux ennemis. Il prenait part aux chasses des citoyens, à leurs festins, à leurs travaux et à leurs projets, comme aussi à leurs distractions ; souvent même il occupait la quatrième place dans leur litière, et il ne craignait pas d'entrer sans garde dans leur maison. Sans avoir la science parfaite de l'éloquence, il en connaissait les procédés et les mettait en pratique. Il n'y avait rien où il n'excellât. Je sais bien qu'il avait la passion des jeunes garçons et du vin : si ces penchants lui eussent fait faire ou souffrir quelque chose de honteux ou de mauvais, il en eût été blâmé ; mais il pouvait boire jusqu'à satiété, sans cependant perdre rien de sa raison, et, dans ses amusements, jamais il ne blessa personne. S'il aimait la guerre, il se contentait de remporter des succès, d'abattre un ennemi implacable et d'accroître ses propres Etats. Car, jamais sous lui, ainsi qu'il arrive ordinairement, en pareilles circonstances, les soldats ne se laissèrent aller à l'orgueil et à l'insolence, tant il avait de fermeté dans le commandement. Aussi n'était-ce pas sans raison que Décébale le redoutait.

[8]  Dans l'expédition de Trajan contre les Daces, lorsqu'il fut près de Tapes, où campaient les barbares, on lui apporta un gros champignon, où était écrit en caractères latins que les autres alliés et les Burres engageaient Trajan à retourner en arrière et à conclure la paix. Il ne laissa pas pour cela de donner un combat, où il vit un grand nombre des siens blessés et fit un grand carnage parmi les ennemis ; les bandages étant venus à manquer, il n'épargna pas, dit-on, ses propres vêtements, et les coupa en morceaux ; de plus, il ordonna d'élever un autel en l'honneur de ses soldats morts dans la bataille, et de leur offrir tous les ans des sacrifices funèbres.

[9]  Décébale avait, même avant sa défaite, envoyé en ambassade, non plus, comme auparavant, des hommes pris dans la classe des chevelus, mais les principaux des porte-bonnets. Ceux-ci, ayant jeté leurs armes et s'étant précipités à terre, supplièrent Trajan de vouloir bien, avant tout, consentir à ce que Décébale vînt en sa présence et entrât en pourparler avec lui, ajoutant qu'il était prêt à faire tout ce qui lui serait commandé ; sinon, que l'empereur envoyât, du moins, quelqu'un pour s'entendre avec lui. On lui envoya Sura et Claudius Livianus, préfet du prétoire. Mais on n'obtint aucun résultat ; car Décébale n'osa pas avoir d'entrevue, même avec eux ; il envoya encore alors - - -. Trajan s'empara de montagnes fortifiées, et il y trouva les armes, les machines, les captifs et l'enseigne prise sur Fuscus.

Aussi Décébale, surtout lorsque, dans le même temps, Maximus eut pris sa soeur et une place forte, se montra-t-il disposé à traiter à n'importe quelle condition, non qu'il eut l'intention d'y rester fidèle, mais il voulait respirer un moment. On exigeait de lui, en effet, qu'il livrât les machines, les machinistes, qu'il rendît les transfuges, qu'il démolît ses fortifications, évacuât les territoires conquis, et, de plus, qu'il tînt pour ennemis et pour amis ceux qui le seraient des Romains ; qu'il n'en reçût aucun, et qu'il ne prît à son service aucun soldat levé dans l'empire romain (il en attirait à lui un grand nombre et des plus vaillants) ; il consentit, bien malgré lui, à ces conditions, après être allé trouver Trajan, s'être précipité à terre, l'avoir adoré et avoir jeté ses armes. Trajan envoya, pour ce sujet, des ambassadeurs au sénat, afin de faire confirmer la paix par lui. Ayant, à la suite de ce traité, laissé son armée à Zermigéthusa et mis des garnisons dans le reste du pays, il revint en Italie.

[10]  Les ambassadeurs de Décébale furent introduits dans le sénat, où, après avoir déposé leurs armes, ils joignirent les mains à la façon des captifs, prononcèrent certaines paroles et certaines prières, consentirent ainsi à la paix, et reprirent leurs armes. Trajan célébra son triomphe et fut surnommé Dacique ; il donna au théâtre des combats de gladiateurs (car il se plaisait, à ces combats), et fit reparaître les histrions sur le théâtre (car il aimait Pylade, l'un d'entre eux), sans pour cela, en sa qualité de guerrier, veiller moins au reste des affaires ou moins rendre la justice ; tantôt sur le Forum d'Auguste, tantôt sous le portique de Livie, souvent aussi en d'autres endroits, il prononçait ses jugements assis sur son tribunal. Mais, lorsqu'on lui eut annoncé que Décébale contrevenait à plusieurs articles du traité, qu'il faisait provision d'armes, qu'il recevait des transfuges, qu'il élevait des forteresses, qu'il envoyait des ambassades chez ses voisins, qu'il ravageait le pays de ceux qui avaient précédemment pris parti contre lui, qu'il s'était emparé de terres appartenant aux Iazyges, terres que Trajan refusa depuis de leur rendre lorsqu'il les lui redemandèrent ; alors le sénat déclara une seconde fois Décébale ennemi de Rome, et Trajan, une seconde fois aussi, se chargea de lui faire la guerre en personne, et non par d'autres généraux.

[11]  Beaucoup de Daces étant passés du côté de Trajan, Décébale, pour ce motif et pour d'autres, demanda de nouveau la paix. Mais, loin de consentir à livrer ses armes et sa personne, il rassemblait ouvertement des troupes et soulevait les peuples voisins, leur représentant que, s'ils l'abandonnaient, ils seraient eux-mêmes exposés au danger ; qu'il y avait plus de sûreté et plus de facilité à conserver leur liberté en combattant avec lui avant d'avoir éprouvé le malheur ; que, s'ils laissaient écraser les Daces, ils seraient plus tard eux-mêmes subjugués par le manque d'alliés. Décébale échoua par la force, mais il faillit faire périr Trajan par la ruse et la trahison : il lui envoya en Moesie des transfuges chargés de l'assassiner, attendu que, d'un abord facile en tout temps, il recevait alors sans distinction, à cause des besoins de la guerre, quiconque voulait lui parler. Mais ils n'y purent réussir, l'un deux ayant été arrêté sur un soupçon et ayant avoué tout le complot à la torture.

[12]  Longinus, qui commandait un détachement de l'armée romaine, et dont il avait éprouvé la valeur dans la guerre, s'étant, d'après son invitation, laissé attirer à une entrevue avec lui sous prétexte qu'il ferait sa soumission, Décébale s'en saisit et l'interrogea publiquement sur les projets de Trajan ; et, comme celui-ci refusa de rien révéler, il le retint en garde libre. Décébale alors envoya un ambassadeur à Trajan pour demander qu'on lui abandonnât le pays jusqu'à l'Ister, et qu'on lui remboursât tous les frais de la guerre, à la condition qu'il rendrait Longinus. Trajan ayant donné une réponse indécise, et dont les termes devaient montrer qu'il n'avait pour Longinus ni beaucoup ni peu d'estime, afin de ne pas le perdre et de ne pas non plus acheter cher sa rançon, Décébale, examinant ce qu'il devait faire, hésita ; et Longinus, à qui (son affranchi) avait, dans l'intervalle, procuré du poison, (promit au roi de le réconcilier avec Trajan, de peur que, soupçonnant son intention, il ne le fit garder plus étroitement ; puis, il écrivit une supplique à Trajan, supplique qu'il chargea l'affranchi de porter, afin d'assurer sa sûreté. L'affranchi ainsi éloigné, Longinus prit le poison pendant la nuit, et mourut. Cela fait, Décébale réclama l'affranchi à Trajan, promettant de lui donner en échange le corps de Longinus et dix captifs, et aussitôt il lui envoya le centurion pris avec Longinus, dans l'espérance qu'il ferait réussir son dessein ; par ce centurion, Trajan connut tout ce qui se rapportait à Longinus. Néanmoins il ne le renvoya pas et ne rendit pas non plus l'affranchi, estimant la vie de cet homme préférable, pour la dignité de l'empire, à la sépulture de Longinus.

[13]  Trajan construisit un pont de pierre sur l'Ister, pont à propos duquel je ne sais comment exprimer mon admiration pour ce prince. On a bien de lui d'autres ouvrages magnifiques, mais celui-là les surpasse tous. Il se compose de vingt piles, faites de pierres carrées, hautes de cent cinquante pieds, non compris les fondements, et larges de soixante. Ces piles, qui sont éloignées de cent soixante-dix pieds l'une de l'autre, sont jointes ensemble par des arches. Comment ne pas admirer la dépense faite pour les établir ? Comment ne pas être étonné de la manière dont chacune d'elles a été construite au milieu d'un grand fleuve, dans une eau pleine de gouffres, sur un sol limoneux, vu qu'il n'y eut pas moyen de détourner le courant ? Si j'ai dit la largeur du fleuve, ce n'est pas que son courant n'occupe que cet espace (quelquefois il en couvre deux et même trois fois autant), c'est que l'endroit le plus étroit et le plus commode de ces pays pour bâtir un pont a cette largeur. Mais, plus est étroit le lit où il est renfermé en cet endroit, descendant d'un grand lac pour aller ensuite dans un lac plus grand, plus le fleuve devient rapide et profond, ce qui contribue encore à rendre difficile la construction d'un pont. Ces travaux sont donc une nouvelle preuve de la grandeur d'âme de Trajan ; le pont, néanmoins, ne nous est d'aucune utilité : ce ne sont que des piles dans l'eau, puisqu'on ne peut plus passer dessus, que l'on dirait construites uniquement pour faire voir qu'il n'y a rien dont l'industrie humaine ne sache venir à bout. Trajan, craignant que, lorsque l'Ister est gelé, les Romains qui seraient au delà ne fussent attaqués, le construisit, afin d'y faire passer aisément des troupes ; Adrien, au contraire, appréhendant que les barbares, après avoir forcé ceux qui le gardaient, n'y trouvassent un passage aisé pour pénétrer en Moesie, en démolit le haut.

[14]  Franchissant donc l'Ister sur ce pont, et menant la guerre avec plus de prudence et de sûreté que d'ardeur, Trajan, avec le temps et non sans peine, vainquit les Daces, après maint prodige de sa part et comme général et comme homme, après maint danger affronté ou fait d'armes accompli par ses soldats. Un d'eux, un cavalier, grièvement blessé, fut emporté du combat comme s'il eût été possible de le guérir ; mais, ayant reconnu que sa blessure était sans remède, il s'élança de sa tente (le mal n'était pas encore arrivé à son terme), et, se remettant lui-même à son rang, il mourut après des prodiges de valeur. Quant à Décébale, comme sa résidence royale et son royaume tout entier étaient au pouvoir des vainqueurs, et qu'il courait lui-même le risque d'être pris, il se donna la mort, et sa tête fut portée à Rome. C'est ainsi que la Dacie fut réduite sous l'obéissance des Romains, et Trajan y colonisa plusieurs villes. Les trésors de Décébale furent trouvés, bien que cachés sous le fleuve Sargétia, qui baigne la résidence royale. Décébale, en effet, avait, avec l'aide de captifs, détourné le fleuve ; il en avait creusé le fond, et, après y avoir enfoui quantité d'argent et d'or et tout ce qu'il avait de précieux pouvant jusqu'à un certain point souffrir l'humidité, mis des pierres et entassé de la terre par dessus, il avait ensuite ramené le fleuve dans son lit ; il avait aussi fait mettre en dépôt, par ces mêmes captifs, dans des cavernes des vêtements et autres objets de la sorte. Puis, cela fait, il avait égorgé les captifs, afin de les empêcher de rien révéler. Mais Bicilis, un de ses intimes amis, qui avait connaissance de ce qui s'était passé, fut pris et révéla le secret.

Vers ce même temps aussi , Palma, gouverneur de Syrie, s'empara de la partie de l'Arabie qui environne Pétra, et la réduisit sous l'obéissance des Romains.

[15]  Dès que Trajan fut de retour à Rome, il arriva une foule d'ambassadeurs de nations barbares, et, entre autres, des Indiens. Il donna, pendant cent vingt-trois jours, des spectacles où furent tuées mille et jusqu'à dix mille bêtes tant sauvages que domestiques, où combattirent dix mille gladiateurs. Vers le même temps encore, il rendit les marais Pontins praticables au moyen de chaussées, et construisit le long des édifices et des ponts magnifiques. Il fit fondre toute la monnaie de mauvais aloi. Licinius Sura étant mort, il lui fit des funérailles aux frais de l'Etat, et lui érigea une statue ; ce Sura était si riche et si avide de gloire qu'il fit bâtir un gymnase en faveur des Romains. Telle était l'amitié et la confiance, et de Sura envers Trajan, et de Trajan envers Sura, que, malgré les calomnies auxquelles celui-ci fut en butte, comme c'est l'ordinaire pour ceux qui ont quelque pouvoir auprès des empereurs, Trajan n'eut jamais contre lui ni soupçon ni haine ; que, loin de là, voyant l'acharnement des envieux, il se rendit dans la maison de Sura sans y être invité, pour souper, et, qu'après avoir congédié tous ses gardes, il commença par appeler le médecin de son ami et se faire oindre les yeux par lui ; puis son barbier, et se fit raser par lui (c'était l'antique usage des citoyens romains, et les empereurs eux-mêmes y restaient fidèles ; Adrien, le premier, introduisit la mode de laisser croître sa barbe) ; qu'après avoir agi ainsi, après avoir pris le bain et avoir soupé, il dit, le lendemain, à ceux qui étaient dans l'habitude de mal parler de Sura : «Si Sura eût eu l'intention de me tuer, il m'eût tué hier».

[16]  C'est, à coup sûr, une grande action de la part de Trajan que d'éprouver ainsi un homme accusé de trahison ; mais c'en est une beaucoup plus grande que de n'avoir jamais appréhendé d'être sa victime. Bien plus, lorsqu'en le créant chef de la garde prétorienne, il lui présenta l'épée qu'il devait ceindre, il la tira du fourreau et lui dit, en la lui présentant : «Prends cette épée, afin de t'en servir pour moi, si je gouverne bien ; contre moi, si je gouverne mal». Il érigea aussi des statues à Sossius, à Palma et à Celsus, tellement il les jugea dignes d'honneurs plus grands que les autres citoyens. Quant à ceux qui avaient conspiré contre lui, et parmi lesquels était Crassus, il les traduisit devant le sénat pour les faire punir par cette compagnie. Il établit aussi des bibliothèques. Il fit élever sur le Forum une haute colonne, destinée à la fois et à lui servir de tombeau et à être une preuve du travail fait pour cette place ; cet endroit, en effet, étant montagneux, il le défonça de toute la hauteur de la colonne, et en fit ainsi une plaine.

[17]  Ensuite, il entreprit une expédition contre les Arméniens et les Parthes, sous prétexte que le roi d'Arménie, au lieu de recevoir de lui le diadème, l'avait reçu du roi des Parthes; mais, en réalité, pour satisfaire son désir de gloire. Trajan, dans le cours de son expédition contre les Parthes, étant arrivé à Athènes, y trouva une ambassade envoyée par Osroès pour lui demander la paix et lui offrir des présents. Osroès, en effet, ne fut pas plutôt instruit que Trajan était en marche et qu'il confirmait ses menaces par des faits, qu'il fut saisi de crainte, et que, abaissant son orgueil, il l'envoya supplier de ne point lui faire la guerre ; il lui demandait l'Arémnie pour Parthamasiris, fils, lui aussi, de Pacorus, et le priait de lui envoyer le diadème, car, disait-il, Exédarès, ayant tenu une conduite peu convenable tant à l'égard des Romains qu'à l'égard des Parthes, avait été destitué par lui. Trajan n'accepta pas ses présents et ne lui donna, soit de vive voix, soit par lettre, aucune réponse ; sinon que l'amitié se juge par des actes et non par des paroles, et que, en conséquence, lorsqu'il serait en Syrie, il ferait tout ce qui serait équitable. Persistant dans cette pensée, il se rendit à Séleucie par l'Asie, la Lycie et les contrées limitrophes.

[18]  A Antioche, Augaros l'Osroène ne parut pas à sa rencontre, il se contenta d'envoyer des présents et des paroles amies ; car, redoutant pareillement Trajan et les Parthes, il balançait entre les deux, ce qui fit qu'il ne voulut pas avoir d'entrevue avec lui. Lorsque Trajan eut envahi le territoire ennemi, les satrapes et les rois de cette contrée vinrent au-devant de lui avec des présents, parmi lesquels était un cheval qu'on avait instruit à se prosterner : il courbait les jambes de devant et baissait la tête jusqu'aux pieds de la personne qui se trouvait près de lui.

[19]  Parthamasiris se laissa emporter à un acte de violence. Ayant écrit d'abord comme roi à Trajan et n'ayant pas reçu de réponse, il lui envoya une nouvelle lettre où il supprimait ce titre, et demanda qu'on lui envoyât M. Junius, gouverneur de la Cappadoce, comme s'il eût eu une grâce à demander par son entremise. Trajan lui envoya le fils de Junius, et, poussant lui-même jusqu'à Samosate, qu'il prit sans résistance, il vint à Satale et récompensa par des présents Anchialos, roi des Hénioques et des Machéloniens. A Elégia, il reçut Parthamasiris. Trajan était assis sur son tribunal, au bord du retranchement; Parthamasiris, l'ayant salué, enleva son diadème de dessus sa tête, le déposa aux pieds de l'empereur, se tint debout en silence devant lui, et s'attendait à le reprendre. Les soldats alors ayant poussé un cri, comme à la suite d'une victoire (ils nommaient cela une victoire sans douleurs, et l'ayant acclamé imperator, attendu qu'elle n'avait pas coûté de sang), car ils voyaient un roi Arsacide, un fils de Pacorus, un neveu d'Osroès debout, sans diadème, devant leur chef, dans l'attitude d'un captif, Parthamasiris fut frappé d'effroi et se figura qu'il était outragé et perdu. Il se retourna comme pour fuir ; mais, se voyant entouré, il demanda la grâce de ne point parler au milieu de la foule. Introduit, à la suite de cette demande, dans la tente du prince, il n'obtint rien de ce qu'il désirait.

[20]  Etant donc sorti précipitamment avec colère, il fut ramené du milieu du camp par l'ordre de Trajan, qui, monté de nouveau sur son tribunal, lui commanda de dire en présence de tous ce qu'il voulait, afin d'éviter que quelques-uns, dans l'ignorance de ce qui aurait été dit en particulier, n'en publiassent quelque récit différent de la vérité. A ces mots, Parthamasiris ne se contint plus ; entre autres paroles d'une grande liberté, il dit que ce n'était ni après avoir essuyé une défaite, ni après avoir été fait prisonnier qu'il était venu, que c'était de sa propre volonté, dans la croyance qu'il n'aurait à subir aucune injure, et qu'il recouvrerait son royaume comme Tiridate l'avait recouvré de Néron, Trajan, sur les autres points, lui fit la réponse qui convenait ; quant à l'Arménie, il déclara qu'il ne l'abandonnerait à personne (elle appartenait aux Romains et aurait un gouverneur romain) ; il lui accordait néanmoins la permission de se retirer où il lui plairait. Il congédia Parthamasiris avec les Parthes qui l'accompagnaient, en leur donnant pour escorte des cavaliers destinés à les empêcher de communiquer avec personne et de tenter aucun mouvement ; il ordonna de plus à tous les Arméniens qui étaient venus avec lui, de demeurer dans leur patrie, attendu qu'ils étaient, dès à présent, ses sujets.

[21] Trajan, après avoir laissé garnison dans les lieux propices, vint à Edesse et y vit Augaros pour la première fois. Jusque-là, en effet, Augaros avait souvent envoyé des ambassadeurs et des présents ; mais, tantôt sous un prétexte, tantôt sous un autre, il ne s'était pas présenté en personne, non plus que Mannos, chef de l'Arabie limitrophe, et Sporacès, chef de l'Anthémusie. Alors, cédant aux instances de son fils Arbandès, jeune et beau garçon, qui avait, par ces avantages, gagné l'amitié de Trajan, et aussi redoutant la présence de ce prince, il se rendit au-devant de lui à son arrivée, se justifia et obtint son pardon ; car son fils était une éloquente supplique. A partir de ce moment, Augaros devint l'ami de Trajan et il lui donna un banquet ; pendant le repas, il amena son fils pour danser une danse à la manière des barbares.

[22]  Lorsqu'il fut arrivé en Mésopotamie, Trajan, à qui Mannos avait fait des ouvertures, et à qui Manisaros, en guerre avec Osroès, avait envoyé des ambassadeurs pour obtenir la paix, se disant prêt à évacuer l'Arménie et la Mésopotamie dont il s'était emparé, Trajan, dis-je, répondit à Manisaros qu'il n'aurait foi en lui que lorsqu'il serait venu, selon sa promesse, confirmer ses engagements par des actes ; quant à Mannos, il se défiait de lui, entre autres raisons, parce que, après avoir envoyé des troupes au secours de Mébarsapès, roi de l'Adiabène, il les avait toutes perdues sous les coups des Romains. C'est pourquoi il n'attendit pas leur arrivée et il s'avança contre eux en Adiabène. Ce fut dans de telles circonstances que Singara, entre autres places, tomba, sans opposer de résistance, au pouvoir de Lusius.

[23]  Parmi beaucoup d'autres honneurs décernés à Trajan par le sénat, fut le surnom d'Optimus, c'est-à-dire de Très-Bon. Il allait toujours à pied à la tête de son armée, rangeait et disposait en ordre ses soldats toutes les fois qu'on se mettait en marche, les conduisant tantôt d'une manière, tantôt d'une autre ; il passait aussi à gué les fleuves comme eux. Quelquefois aussi il faisait répandre de faux bruits par ses éclaireurs, afin d'exercer ses troupes à la tactique, de les habituer à être prêtes à tout et à ne s'effrayer de rien. Il reçut encore, après la prise de Nisibe et de Batnes, le surnom de Parthique, mais il était bien plus fier de l'appellation d'Optimus que de toutes les autres ensemble, car ce nom avait rapport à son caractère plus qu'à ses armes.

[24]  Pendant son séjour à Antioche, il y eut un horrible tremblement de terre ; plusieurs villes en souffrirent, mais Antioche fut la plus maltraitée. Comme Trajan y avait ses quartiers d'hiver, que nombre de soldats et nombre de particuliers s'y étaient rendus de tous côtés pour affaires, pour ambassades, pour négoce ou par curiosité, il n'y eut aucune province, aucun peuple, qui fût à l'abri du fléau : dans Antioche, tout l'univers soumis aux Romains éprouva un dommage. Il y eut bien des foudres et des vents inaccoutumés ; mais personne ne se serait attendu qu'il en naîtrait de tels malheurs.

D'abord, on entendit tout à coup un grand gémissement ; suivit ensuite une violente secousse ; la terre tout entière bondissait ; les édifices s'élançaient en haut ; les uns, enlevés en l'air, retombaient et se disloquaient ; les autres, ébranlés de çà et de là, tournoyaient comme au milieu des flots agités, et, de plus, occupaient une grande partie de l'espace. Le fracas des bois qui se rompaient et se brisaient, joint à celui des pierres, des tuiles, était tellement effrayant, il se levait une telle poussière, qu'on ne pouvait ni se voir, ni se parler, ni s'entendre. Plusieurs personnes, qui étaient hors de leurs maisons, furent atteintes ; enlevées en l'air et violemment emportées, puis, précipitées comme du haut d'un escarpement, elles retombaient meurtries ; les unes étaient mutilées, les autres mortes. Des arbres même furent arrachés avec leurs racines. Quant à ceux qui périrent surpris dans leurs maisons, leur nombre est incalculable ; beaucoup, en effet, furent écrasés par le choc des objets qui tombaient ; beaucoup aussi furent étouffés sous des monceaux de terre. Tous ceux qui avaient quelque partie du corps engagée sous les pierres ou les bois, étaient dans un état déplorable, sans pouvoir ni survivre, ni mourir sur-le-champ.

[25]  Néanmoins quelques-uns d'entre eux, sur cette population innombrable, parvinrent à se sauver ; mais tous ne s'en tirèrent pas sans souffrance. Quelques-uns y eurent ou les jambes, ou les épaules, ou la tête mutilée. D'autres vomirent le sang ; parmi eux fut le consul Pédon, qui même faillit en mourir. En un mot, il n'y eut absolument aucun fléau dont la violence ne se fît alors sentir. La divinité ayant prolongé le tremblement pendant plusieurs jours et plusieurs nuits, les habitants étaient en proie à l'incertitude et à l'embarras, les uns engloutis et tués par la ruine des édifices, les autres, à qui, soit un espace vide formé par l'inclinaison des bois, soit la voûte d'un entrecolonnement, permit de conserver la vie, mourant par la faim. Lorsque le fléau eut enfin cessé, un homme, ayant eu la hardiesse de s'avancer sur les ruines, s'aperçut qu'il y avait une femme vivante. Cette femme n'était pas seule, elle avait un enfant, et s'était soutenue en se nourrissant, elle et son enfant, de son propre lait. Après avoir écarté les décombres, on la rappela à la vie, ainsi que son enfant; puis on se mit à fouiller les autres endroits, et on n'y put trouver être vivant, excepté un enfant attaché à la mamelle de sa mère déjà morte, qu'il tétait encore. En retirant les morts, on n'avait plus de joie d'avoir conservé la vie. Tels furent les malheurs qui accablèrent alors Antioche ; quant à Trajan, il s'échappa par une fenêtre de la maison où il était, guidé par un homme d'une taille au-dessus de la taille ordinaire des hommes, qui s'était approché de lui, en sorte qu'il en fut quitte pour quelques blessures légères ; mais, comme le tremblement dura plusieurs jours, il se tint dans le cirque en plein air. Le Casius lui-même fut tellement ébranlé, que sa cime sembla se pencher et se briser jusqu'à tomber sur la ville. D'autres montagnes aussi s'affaissèrent ; de l'eau sortit en abondance là où il n'y en avait pas auparavant, comme aussi elle tarit dans des lieux où elle coulait en abondance.

[26]  Trajan, au printemps, entra sur le territoire ennemi. Mais la contrée qui avoisine le Tigre ne portant pas de bois propre à la fabrication des vaisseaux, il fit transporter jusqu'au fleuve, sur des chariots, des barques fabriquées dans les forêts voisines de Nisibe ; car ces barques avaient été construites de façon à se démonter et à se remonter. Il établit avec beaucoup de peine un pont de bateaux sur le fleuve, au pied du mont Cardyne ; car les barbares, postés sur la rive opposée, cherchaient à l'arrêter. Mais Trajan avait des barques et des hommes en quantité : de ces barques, les unes se joignaient avec une grande promptitude, les autres marchaient devant eux, portant des soldats pesamment armés et des archers ; d'autres enfin tentaient, sur divers points, de forcer le passage. Ces manoeuvres, et la surprise que leur causa la réunion d'un si grand nombre de vaisseaux dans un pays manquant de bois, décidèrent les barbares à céder. Les Romains traversèrent donc le fleuve; ils soumirent l'Adiabène entière (cette contrée fait partie de l'Assyrie, où domina Ninus ; Arbèles, ainsi que Gaugamèles, où Alexandre vainquit Darius, en dépendent, et certains endroits furent même appelés Atyrie, par suite du changement, chez les barbares, de SS en T) ; puis ils s'avancèrent jusqu'à Babylone elle-même, ne trouvant que bien peu d'ennemis en état de leur résister, attendu que l'armée des Parthes était diminuée par les divisions intestines, et que la sédition y régnait encore.

[27]  Là, Trajan vit le lac de bitume qui avait servi à la construction des murailles de Babylone (telle est, en effet, la solidité qu'offre son mélange avec des briques cuites ou de petites pierres, qu'il rend ces remparts plus durs que le roc ou n'importe quel fer) ; il contempla aussi l'embouchure du lac, d'où s'exhale une vapeur si dangereuse, que les animaux terrestres et les oiseaux périssent pour peu qu'ils l'aient sentie. Si cette vapeur montait bien haut, ou si elle se répandait alentour, le pays serait inhabitable ; mais elle reste en place, concentrée en elle-même. J'ai vu chose semblable à Hiéropolis, en Asie, et j'en ai fait l'épreuve sur des oiseaux, penché moi-même et moi-même voyant la vapeur ; car cette vapeur est renfermée dans une sorte de réservoir, et un théâtre a été élevé au-dessus. Cette vapeur est mortelle à tout être animé, excepté pour les hommes à qui on a coupé les parties. C'est un fait dont je ne puis pénétrer la cause ; mais enfin je dis ce que j'ai vu comme je l'ai vu, ce que j'ai entendu comme je l'ai entendu.

[28] Trajan avait résolu de faire descendre l'Euphrate dans le Tigre par un canal, afin d'y amener les vaisseaux dont il voulait faire un pont ; mais, ayant reconnu que l'Euphrate était beaucoup plus haut que le Tigre, il abandonna cette résolution craignant d'empêcher la navigation sur l'Euphrate, si la masse entière de ce fleuve suivait la pente : ayant donc fait transporter, avec des leviers, ses vaisseaux à travers l'espace étroit qui sépare les deux fleuves (l'Euphrate se jette dans un marais et en sort pour mêler ses eaux à celles du Tigre), il passa le Tigre et vint à Ctésiphon, dont la prise lui valut le titre d'imperator et la confirmation du surnom de Parthique. Divers honneurs lui furent décernés par le sénat, et, entre autres, celui de célébrer autant de triomphes qu'il lui plairait. Maître de Ctésiphon, il conçut le désir de passer dans la mer Erythrée. Cette mer fait partie de l'Océan, et tire son nom d'un prince qui y exerça autrefois l'autorité. Il réduisit sans peine à son obéissance la Mésène, île du Tigre où régnait Athambilus ; cependant une tempête et la rapidité du Tigre, jointes au reflux de l'Océan, lui firent courir des dangers. Mais les peuples qui habitent la forteresse dite de Spasinus (ils étaient sous la domination d'Athambilus) lui firent un accueil amical.

[29]  S'étant avancé delà jusqu'à l'Océan, et instruit de la nature de cette mer, il dit, à la vue d'un vaisseau cinglant pour l'Inde : «Je ne manquerais pas d'aller chez les Indiens, si j'étais encore jeune». Il songeait aux Indiens, s'informait des affaires de ces peuples, et vantait le bonheur d'Alexandre. Néanmoins il prétendait avoir poussé plus loin que lui ses armes, et il en écrivit même au sénat, bien qu'il n'ait pu conserver ses propres conquêtes. A cette occasion, il reçut, entre autres honneurs, celui de triompher d'un aussi grand nombre de peuples qu'il lui plairait, car le nombre de ceux dont on écrivait à chaque instant la soumission à Rome était tel qu'on ne pouvait ni les connaître, ni les énumérer exactement. On lui érigea, sans compter plusieurs autres, un arc de triomphe sur son Forum ; on se disposait à aller aussi loin que possible au-devant de lui à son retour ; mais il ne devait ni rentrer à Rome, ni rien faire désormais qui fût digne de ses précédents exploits ; il devait, de plus, en perdre le fruit. En effet, dans le moment même où il était embarqué surl'Océan et qu'il revenait de son voyage, des troubles éclatèrent chez tous les peuples conquis, et la défection s'y déclara : les uns chassaient les garnisons mises chez eux ; les autres les massacraient.

[30]  Instruit de ces événements tandis qu'il était à Babylone (il y était allé, attiré et par la renommée de cette ville, où il ne vit rien qui répondît à cette renommée, mais seulement des digues, des pierres et des ruines, et par le souvenir d'Alexandre, à qui il offrit un sacrifice funèbre dans la maison même où il était mort), instruit, dis-je, de ces événements, Trajan envoya Lusius et Maximus contre les rebelles. Maximus fut tué dans une défaite ; Lusius, entre autres succès, eut celui de reprendre Nisibe, d'emporter d'assaut Edesse, de la piller et de la livrer aux flammes. Les légats Erycius Clarus et Julius Alexander s'emparèrent de Séleucie et la brûlèrent. Quant à Trajan, craignant que les Parthes ne se soulevassent aussi, il voulut leur donner un roi particulier ; arrivé à Ctésiphon, il convoqua dans une grande plaine tous les Romains et les Parthes qui s'y trouvaient ; puis, après être monté sur une haute tribune et avoir parlé en termes magnifiques de ses conquêtes, il proclama roi des Parthes Parthamaspatès, à qui il attacha le diadème.

[31] Ensuite il partit pour l'Arabie et attaqua les Atréniens, qui, eux aussi, avaient fait défection. Leur ville n'est ni grande ni riche, et le pays d'alentour est un vaste désert ; il a fort peu d'eau (et encore ce peu est-il détestable), il n'a pas de bois ni de pâturages. Ces obstacles, qui, par leur nombre, rendent un siège impossible, et le Soleil, à qui elle est comme consacrée, suffisent pour défendre la ville ; car ni Trajan alors, ni Sévère dans la suite, ne purent la prendre, bien qu'ils aient démoli des portions de ses murailles. Trajan, qui avait détaché sa cavalerie, éprouva un échec si notable, qu'elle fut repoussée jusque dans le camp, et que lui-même, qui s'était avancé à cheval avec elle, manqua de peu d'être blessé, bien qu'ayant quitté le vêtement impérial de peur d'être reconnu. Mais, en voyant, la majesté de sa chevelure blanche et la dignité de son visage, les barbares soupçonnèrent qui il était ; ils lancèrent des flèches contre lui et tuèrent un cavalier à ses côtés. De plus, des tonnerres grondaient, des arcs-en-ciel se montraient ; des éclairs, des tourbillons, de la grêle et des foudres tombaient sur les Romains quand ils livraient un assaut. Lorsqu'ils prenaient leurs repas, des mouches, tombant dans ce qu'ils mangeaient et dans ce qu'ils buvaient, infectaient tout. Aussi Trajan, en cet état de choses, se retira, et, peu après, sa maladie commença.

[32] Cependant les Juifs de la Cyrénaïque, mettant à leur tête un certain Andréas, égorgèrent les Romains et les Grecs, mangèrent leur chair, se ceignirent de leurs entrailles, se frottèrent de leur sang et se couvrirent de leur peau ; ils en scièrent plusieurs de haut en bas par le milieu du corps, en exposèrent d'autres aux bêtes, et en contraignirent quelques-uns de se battre comme des gladiateurs, tellement qu'ils en firent périr jusqu'à deux cent vingt mille. Ils se portèrent à de pareils excès en Egypte et en Cypre, sous la conduite d'Artémion, et il périt, là encore, deux cent quarante mille hommes. Voilà pourquoi il est défendu aux Juifs de mettre le pied en Cypre, et, si l'un d'eux est jeté dans l'île par la violence du vent, il est mis à mort. Les Juifs alors furent subjugués par plusieurs généraux, entre autres par Lusius, que Trajan envoya contre eux.

Lusius Quiétus était Maure et chef de soldats maures ; il commanda même un corps de cavalerie. Condamné pour sa perversité, il fut renvoyé du service et dégradé ; mais, dans la suite, lorsque la guerre contre les Daces fut imminente, Trajan ayant eu besoin du secours des Maures, Lusius vint le trouver de lui-même et fit de grandes actions. Ayant reçu des honneurs à raison de cette conduite, il accomplit dans la seconde guerre des exploits beaucoup plus nombreux et beaucoup plus grands ; enfin, il s'éleva à un tel degré de bravoure et de fortune dans cette guerre, qu'il fut mis au rang de ceux qui avaient exercé la préture, obtint le consulat et devint gouverneur de la Palestine ; ce furent surtout ces dignités qui lui attirèrent l'envie et la haine et qui causèrent sa perte.

[33] Trajan se disposait à tourner une seconde fois ses armes contre la Mésopotamie; mais, comme sa maladie s'aggravait, il partit pour se rendre par mer en Italie, et laissa P. Aelius Adrien en Syrie à la tête de l'armée. C'est ainsi que les Romains, après avoir conquis l'Arménie, la plus grande partie de la Mésopotamie et du pays des Parthes, perdirent le fruit et de leurs fatigues et de leurs dangers ; les Parthes, en effet, ayant déposé Parthamaspatès, revinrent à leur indépendance nationale. La maladie de Trajan, à ce qu'il crut, vint d'un poison qu'il aurait pris ; selon d'autres, de l'arrêt du sang que, chaque année, il rendait par en-bas, car il fut frappé d'apoplexie, de telle sorte que plusieurs parties de son corps furent paralysées et que toutes furent atteintes d'hydropisie. Arrivé à Sélinonte de Cilicie, que nous appelons Trajanopolis, il expira tout à coup après un règne de dix-neuf ans six mois quinze jours.