Oedipe de Sénèque

 

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Le retour de Créon

SENEQUE : L. Annaeus Seneca échappe de peu à la condamnation à mort sous l'empereur Caligula, est exilé par l'empereur Claude, choisi par Agrippine pour être le précepteur de l'empereur Néron. Impliqué dans le complot des Pisons, il se suicide.
Il a écrit des dialogues philosophiques, un exposé de physique, une satire de l'empereur Claude et des tragédies, inspirées de sujets grecs.

Autres textes de Sénèque

Après un intermède du choeur, Oedipe demande à Créon le résultat de sa démarche à Delphes.

Créon  

Ut sacrata templa Phoebi supplici intravi pede
et pias, numen precatus, rite summisi manus,
gemina Parnassi nivalis arx trucem fremitum dedit,
imminens Phoebaea laurus tremuit et movit comam
ac repente sancta fontis lympha Castalii stetit.
Incipit Letoa vates spargere horrentes comas,
et pati commota Phoebum. Contigit nondum specum,
emicat vasto fragore maior humano sonus :
"Mitia Cadmeis remeabunt sidera Thebis,
si profugus Dircen Ismenida liqueris hospes,
regis caede nocens, Phoebo iam notus et infans.
Nec tibi longa manent sceleratae gaudia caedis.
Tecum bella geres; natis quoque bella relinques,
turpis maternos iterum revolutus in ortus."

Phoebus,i : Phoebus; un des surnoms d'Apollon (le "Brillant"); dans Oedipe, Apollon n'est jamais autrement nommé; Apollon est un dieu aux attributions multiples; il intervient ici comme dieu de la prophétie.
Parnassus,i : le Parnasse; montagne de Phocide, près de Delphes.
Castalius,a,um : de Castalie; source au pied du Parnasse à Delphes; celui qui voulait consulter l'oracle devait d'abord s'y purifier.
Letous,a,um
: Létone (Latone) est la mère d'Apollon et Artémis (Diane); l'adj. signifie ici "d'Apollon" 
Cadmeus,a,um
: de Cadmos; Cadmos est le fondateur légendaire de Thèbes; Cadmeus = thébain.
Dirce : Dircé; fontaine de Thèbes (Dircen : acc.)
Ismenis,dis : de l'Isménus, fleuve de Béotie; l'adj. Ismenis,idos signifie donc "thébain". Une des filles d'Oedipe s'appelle Ismène. (Ismenida : acc.)

   vocabulaire

 

Dès que je pénétrai en suppliant dans le sanctuaire d'Apollon et qu'après avoir prié la divinité, j'élevai selon les rites mes mains pieuses, le double sommet neigeux du Parnasse émit un bruit sauvage, le laurier d'Apollon tout proche trembla et agita sa chevelure et soudain, l'eau sainte de la fontaine de Castalie se tarit. La Pythie se mit à agiter sa chevelure hérissée et entra en transes, possédée par Apollon [à subir, bouleversée, Apollon]. Elle n'est pas encore en contact avec la crevasse que déjà s'élève dans un fracas gigantesque une voix surhumaine : "Les astres retrouveront un cours favorable pour les Thébains, si toi, l'étranger, tu quittes en fugitif la source de Dircé l'Isménienne, toi qui es coupable de la mort du roi, toi qu'Apollon connaît depuis l'enfance. La jouissance de ton meurtre ignoble n'en a plus pour longtemps. Tu te feras la guerre à toi-même. Tu laisseras une guerre à tes fils, toi l'ordure qui est retournée dans le flanc maternel.

Sénèque, Oedipe, 225 - 238

 

http://www.u-bourgogne.fr/STIMULUS/TRESORS/100/200/600.htm

DELPHES (Oracle de), Myth. Hist. Littér. le plus fameux de tous les oracles du paganisme, et qui devint, pour ainsi dire, l'oracle de toute la terre ; il précéda le règne de Cadmus, et était même établi avant le déluge de Deucalion.

Diodore de Sicile, Strabon, Pausanias, et Plutarque, racontent que des chèvres qui paissaient dans les vallées du mont Parnasse, s'étant avancées vers une espèce d'antre peu connu, firent des bonds étonnants, et poussèrent des cris extraordinaires. Bientôt les pâtres, les villageois, et tous les habitants du lieu, furent à leur tour saisis des mêmes mouvements, et se persuadèrent que quelque dieu était venu se cacher dans le fond de l'abyme, afin d'y rendre ses oracles. On attribua d'abord l'oracle à Neptune et à la Terre ; de la Terre, l'oracle passa à Thémis sa fille : ensuite elle s'en démit en faveur d'Apollon, qu'elle chérissait particulièrement. Enfin celui-ci par ses lumières dans la science de deviner, à laquelle il s'appliqua dès sa plus tendre jeunesse, demeura maître de l'oracle, et l'éleva au plus haut point de célébrité. Le singulier de ce détail fabuleux, est qu'on le puise dans les Historiens comme dans les Poètes.

Apollon fut donc le dernier possesseur de l'oracle de Delphes, et s'y maintint avec plus ou moins de gloire, suivant les conjonctures, le degré de superstition des peuples ou de l'industrie des prêtres, jusqu'au temps que les Thraces pillèrent son dernier temple, et le brûlèrent vers l'an 670 de la fondation de Rome. Pendant ce long espace de siècles, le temple d'Apollon regorgea de présents qu'on y envoyait de toutes les parties du monde. Les rois, les potentats, les républiques, et les particuliers, n'entreprenaient rien qu'ils ne l'eussent consulté ; tout ce qu'il y avait d'habitants à Delphes travaillaient à l'envi à lui procurer des consultations, et à lui attirer les étrangers, afin de leur vendre les oracles au prix des plus somptueux sacrifices et des plus magnifiques offrandes ; tous étaient occupés ou de l'entretien du temple, ou des sacrifices, ou des cérémonies qui concernaient les oracles ; tous briguaient avec zélé l'honneur d'être les ministres d'un dieu qui les comblait chaque jour de nouveaux bienfaits. Voyez l'article précédent.

Parmi ces ministres se distinguaient ceux qu'on nommait les prophètes. Ils avaient sous eux des poètes, qui mettaient les oracles en vers ; car il n'y a eu que de courts intervalles de temps où on les rendit en prose. L'antre d'où sortaient les oracles, était situé vers le milieu du mont Parnasse, du côté qui regardait le midi : c'étaient les prophètes qui recevaient les paroles de la Pythie ; elle montait sur le trépied sacré pour rendre les oracles du dieu, quand il voulait bien se communiquer aux hommes : mais les oracles qu'elle prononçait n'étaient point faits pour le plaisir des oreilles, ni pour porter dans l'âme cette tendresse qu'excitaient les poésies de Sapho. La voix de la Pythie, dit Plutarque, atteignait jusqu'au-delà de dix siècles, à cause du dieu qui la faisait parler. Voyez PYTHIE.

C'est à l'oracle d'Apollon que la ville de Delphes dut sa naissance et son agrandissement ; elle lui dut sa réputation, et ce grand éclat qui la fit regarder comme le centre de la religion, comme le séjour favori des dieux. Quoique cette ville n'eut que des précipices et des rochers pour pourvoir à ses besoins, l'oracle d'Apollon lui tenait lieu des plus riches coteaux et des plaines les plus fertiles : mais ce dieu n'était pas toujours en humeur de le rendre ; d'ailleurs il était très friand de sacrifices, et très difficile à cet égard. Si l'on entrait dans le sanctuaire de son temple sans avoir sacrifié, le dieu était sourd, la Pythie était muette. Voyez sur cette matière, Plutarque ; les mém. de l'acad. des Inscript. Van-Dale, de oraculis Ethnicorum, et l'histoire des oracles de M. de Fontenelle. J'ai parcouru tous ces ouvrages la plume à la main ; et le faisant dans les mêmes vues que Montagne, je pratique sa méthode : "Ce que je lis je m'en dégorge, non sans dessein de publique instruction, je prête attentivement l'oreille aux livres de ce genre, en guettant si j'en puis friponner beaucoup de choses pour émailler ou étayer celui-ci".

Article de M. le Chev. DE JAUCOURT.

http://www.france.diplomatie.fr/culture/france/biblio/foire_aux_textes/textes/SOPHOCLE/OEDIPE/OEDIPE.RTF

Oedipe-Roi de Sophocle

Créon est le frère de Jocaste. Quand Laïos eut été tué par Oedipe, Créon avait pris le pouvoir à Thèbes, comme régent. Mais après la victoire d'Oedipe sur la Sphinx, la faveur populaire donna en mariage au nouveau roi la veuve de Laïos.

O prince, cher beau-frère, à fils de Ménécée, quelle réponse du dieu nous rapportes-tu donc ?

Créon entre par la gauche.

CRÉON. - Une réponse heureuse. Crois-moi, les faits les plus fâcheux, lorsqu'ils prennent la bonne route, peuvent tous tourner au bonheur.

OEDIPE. - Mais quelle est-elle exactement ? Ce que tu dis - sans m'alarmer - ne me rassure guère.

CRÉON. - Désires-tu m'entendre devant eux ? Je suis prêt à parler. Ou bien préfères-tu rentrer ?

OEDIPE. - Va, parle devant tous. Leur deuil à eux me pèse plus que le souci de ma personne.

CRÉON. - Eh bien ! Voici quelle réponse m'a été faite au nom du dieu. Sire Phoebos nous donne l'ordre exprès "de chasser la souillure que nourrit ce pays, et de ne pas l'y laisser croître jusqu'à ce qu'elle soit incurable".

OEDIPE. - Oui. Mais comment nous en laver ? Quelle est la nature du mal ?

CRÉON. - En chassant les coupables ou bien en les faisant payer meurtre pour meurtre, puisque c'est le sang dont il parle qui remue ainsi notre ville.

OEDIPE. - Mais quel est donc l'homme dont l'oracle dénonce la mort ?

CRÉON. - Ce pays, prince, eut pour chef Laïos, autrefois, avant l'heure où tu eus toi-même à gouverner notre cité.

OEDIPE. - On me l'a dit jamais je ne l'ai vu moi-même.

CRÉON. - Il est mort, et le dieu aujourd'hui nous enjoint nettement de le venger et de frapper ses assassins.

OEDIPE. - Mais où sont-ils ? Comment retrouver à cette heure la trace incertaine d'un crime si vieux ?

CRÉON. - Le dieu les dit en ce pays. Ce qu'on cherche, on le trouve ; c'est ce qu'on néglige qu'on laisse échapper.

OEDIPE. - Est-ce en son palais ou à la campagne ou hors du pays, que Laïos est mort assassiné ?

CRÉON. - Il nous avait quittés pour consulter l'oracle, disait-il. Il n'a plus reparu chez lui du jour qu'il en fut parti.

OEDIPE. - Et pas un messager, un compagnon de route n'a assisté au drame, dont on pût tirer quelque information ?

CRÉON. - Tous sont morts, tous sauf un, qui a fui, effrayé, et qui n'a pu conter de ce qu'il avait vu qu'une chose, une seule...

OEDIPE. - Laquelle ? Un seul détail pourrait en éclairer bien d'autres, si seulement il nous offrait la moindre raison d'espérer.

CRÉON. - Il prétendait que Laïos avait rencontré des brigands et qu'il était tombé sous l'assaut d'une troupe, non sous le bras d'un homme.

OEDIPE. - Des brigands auraient-ils montré pareille audace, si le coup n'avait pas été monté ici et payé à prix d'or ?

CRÉON. - C'est bien aussi ce que chacun pensa ; mais, Laïos mort, plus de défenseur qui s'offrît à nous dans notre détresse.

OEDIPE. - Et quelle détresse pouvait donc bien vous empêcher, quand un trône venait de crouler, d'éclaircir un pareil mystère ?

CRÉON. - La Sphinx aux chants perfides, la Sphinx, qui nous forçait à laisser là ce qui nous échappait, afin de regarder en face le péril placé sous nos yeux.

OEDIPE. - Eh bien ! Je reprendrai l'affaire à son début et l'éclaircirai, moi. Phoebos a fort bien fait - et tu as bien fait, toi aussi de montrer ce souci du mort. Il est juste que tous deux vous trouviez un appui en moi. Je me charge de la cause à la fois de Thèbes et du dieu. Et ce n'est pas pour des amis lointains, c'est pour moi que j'entends chasser d'ici cette souillure. Quel que soit l'assassin, il peut vouloir un jour me frapper d'un coup tout pareil. Lorsque je défends Laïos, c'est moi-même aussi que je sers. Levez-vous donc, enfants, sans tarder, de ces marches et emportez ces rameaux suppliants. Un autre cependant assemblera ici le peuple de Cadmos. Pour lui, je suis prêt à tout faire, et, si le dieu m'assiste, on me verra sans doute triompher - ou périr.

Il rentre dans le palais avec Créon.

 

ac, conj. : et, et aussi
arx, arcis
, f. : la citadelle
bellum, i
, n. : la guerre
Cadmeus, a, um
: de Cadmos
caedes, is
, f. : le meurtre, le massacre
Castalius, a, um
: de Castalie (fontaine de Béotie consacrée aux Muses)
coma, ae
, f. : la chevelure, les cheveux
commoveo, es, ere, movi, motum
: 1. pousser, déplacer 2. agiter 3. émouvoir (commotus, a, um : en mouvement, ému, agité)
contingo, is, ere, tigi, tactum
: toucher, atteindre, arriver
Dirce, es
, f. : Dircé (fontaine de Thèbes)
do, das, dare, dedi, datum
: donner
emico, as, are, cui, atum
: s'élancer hors de, jaillir
et
, conj. : et. adv. aussi
fons, fontis
, m. : la source, la fontaine, l'eau (poétique); la cause, le principe
fragor, oris
, m. : le craquement, le fracas
fremitus, us
, m. : le grondement, le rugissement
gaudium, ii
, n. : le contentement, la satisfaction, la joie, la volupté
geminus, a, um
: jumeau, double
gero, is, ere, gessi, gestum
: 1. porter 2. exécuter, faire
horrens, entis
: hérissé
hospes, itis
, m. : l'hôte
humanus, a, um
: humain
iam
, adv. : déjà, à l'instant
immineo, es, ere
: être imminent, menacer
in
, prép. : (acc. ou abl.) dans, sur, contre
incipio, is, ere, cepi, ceptum
: commencer
infans, antis
: qui ne parle pas, sans éloquence, tout enfant, d'enfant (infans, antis, m. : le jeune enfant)
intro
, as, are : entrer
Ismenis, idis
: de l'Ismènus (fleuve de Béotie)
iterum
, inv. : de nouveau
laurus,
i, f. : le laurier (peut avoir des formes de la 4ème déclinaison)
Letous, a, um
: de Latone
linquo, is, ere, liqui, -
: laisser, abandonner
longus, a, um
: long
lympha, ae
, f. : l'eau
maior, oris
: comparatif de magnus. plus grand. maiores, um : les ancêtres)
maneo, es, ere, mansi, mansum
: rester
manus, us
, f. : la main, la petite troupe
maternus, a, um
: maternel
mitis, e
: doux
moveo, es, ere, movi, motum
: déplacer, émouvoir
natus, a, um
: formé par la naissance, né pour, âgé de (natus, i, m. : le fils)
nec
, adv. : et...ne...pas
nivalis, e
: de neige
nocens, entis
: nuisible, coupable
nondum
, adv. : pas encore
notus, a, um
: connu, fameux, familier
numen, inis
, n. : l' assentiment, la volonté ; la volonté des dieux, la puissance divine; un dieu, une divinité
ortus, us
, m. : le lever, la naissance, l'origine
Parnassus, i
, m. : le Parnasse (montagne de la Phocide, à deux cimes, séjour d'Apollon et des Muses)
patior, eris, i, passus sum
: supporter, souffrir, être victime de, être agressé par
pes, pedis
, m. : le pied
Phoebaeus, a, um
: de Phébus, d'Apollon
Phoebus, i
, m. : nom grec d'Apollon
pius, a, um
: pieux, juste
precor, aris, atus sum
: prier, supplier
profugus, a, um
: fugitif, chassé, errant, vagabond
quoque
, adv. : aussi
relinquo, is, ere, reliqui, relictum
: laisser, abandonner
remeo, as, are
: revenir
repente
, adv. : soudain
revolvo, is, ere, volvi, volutum
: dérouler, lire, rouler en arrière, revenir sur un sujet
rex, regis
, m. : le roi
rite
, adv. : selon les rites
sacro, as, are
: consacrer, dédicacer
sanctus, a, um
: 1. sacré, inviolable 2. saint, vénérable, vertueux
sceleratus, a, um
: criminel, impie
si
, conj. : si
sidus, eris
, n. : l'étoile, l'astre
sonus, i
, m. : le son, la parole
spargo, is, ere, sparsi, sum
: 1. jeter çà et là, répandre 2. disperser, disséminer 3. parsemer, joncher
specus, us
, m. : la grotte, la caverne, l'antre
sto, as, are, steti, statum
: se tenir debout
summitto, is, ere, misi, missum
: laisser tomber, baisser
supplex, plicis
: suppliant
tecum, = cum te
: avec toi
templum, i
, n. : le temple
Thebae, arum
, f. : Thèbes (ville d'Egypte)
tremo, is, ere, ui, -
: trembler, être agité
trux, trucis
: farouche, sauvage
tu, tui
: tu, te, toi
turpis, e
: honteux
ut
, conj. : + ind. : quand, depuis que; + subj; : pour que, que, de (but ou verbe de volonté), de sorte que (conséquence) adv. : comme, ainsi que
vastus, a, um
: vide, désert, désolé, vaste
vates, is
, m. : le devin, le poète
texte
texte
texte
texte