Oedipe de Sénèque

 

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Ta mère est ta femme! 

SENEQUE : L. Annaeus Seneca échappe de peu à la condamnation à mort sous l'empereur Caligula, est exilé par l'empereur Claude, choisi par Agrippine pour être le précepteur de l'empereur Néron. Impliqué dans le complot des Pisons, il se suicide.
Il a écrit des dialogues philosophiques, un exposé de physique, une satire de l'empereur Claude et des tragédies, inspirées de sujets grecs.

Autres textes de Sénèque

Le vieillard (le Corinthien) fait venir Phorbas (le serviteur dans la pièce de Sophocle) qui a amené l'enfant dans la montagne.

Le vieillard

Noscisne memet ?

Phorbas

                   Dubitat anceps memoria.

Oedipe

Huic aliquis a te traditur quondam puer ?
Effare. Dubitas ? cur genas mutat color ?
Quid verba quaeris ? veritas odit moras.

Phorbas

Obducta longo temporum tractu moves.

Oedipe

Fatere, ne te cogat ad verum dolor.

Phorbas

Inutile isti munus infantis dedi.
Non potuit ille luce, non caelo frui.

Le vieillard

Procul sit omen. Vivit et vivat precor.

Oedipe

Superesse quare traditum infantem negas ?

Phorbas

Ferrum per ambos tenue transactum pedes
ligabat artus. Vulneri innatus tumor
puerile foeda corpus urebat lue.

Le vieillard

Quid quaeris ultra ? Fata iam accedunt prope.

Oedipe

Quis fuerit infans edoce.

Phorbas

                                 Prohibet fides.

Oedipe

Huc aliquis ignem. Flamma excutiet fidem.

Phorbas

Per tam cruentas vera quaerentur vias ?
Ignosce, quaeso.

Oedipe

                            Si ferus videor tibi,
et impotens, parata vindicta in manu est.
Dic vera. Quisnam quove generatus patre
qua matre genitus ?

Phorbas

                       Coniuge est genitus tua.

   vocabulaire

 

 

V. : Est-ce que tu me reconnais ?

P. : Ma mémoire mal assurée me fait douter.

O. : Est-ce à lui que tu as remis un enfant autrefois ? Parle ? Tu hésites ? Pourquoi changes-tu de couleur ? Pourquoi cherches-tu tes mots ? La vérité ne souffre pas de délai.

P. : Tu remues des souvenirs obscurcis par tant d'années.

O. : Parle, ou c'est la torture qui te fera parler.

P. : Je lui ai donné un enfant, mais c'était inutile. Il n'a pas pu vivre.

V. : Laisse tomber cette prédiction. Il vit et je prie pour qu'il vive.

O. : Pourquoi dis-tu que cet enfant que tu lui as donné n'a pas survécu ?

P. Une petite broche de fer qui transperçait ses deux pieds lui liait les membres, une infection s'était mise dans la blessure, le pauvre petit était brûlant d'une terrible fièvre.

V. : Pourquoi cherches-tu plus loin ? Les destins sont près de s'accomplir.

O. : Qui était cet enfant. Dis-le moi.

P. : Je suis lié par ma parole donnée.

O. : Qu'on amène du feu. La flamme te fera oublier ta parole.

P. : Faudra-t-il chercher la vérité par des voies si cruelles ? Pardonne-moi, je t'en prie.

O. : Si tu crois que je suis cruel et tyrannique, tu as une vengeance toute prête. Dis la vérité. Qui est-il ? Qui est son père ? Qui est sa mère ?

P. : C'était l'enfant de ta femme.

Sénèque, Oedipe, 848 - 869

 

Oedipe-Roi de Sophocle 

Par la gauche entrent deux esclaves conduisant un vieux berger.

OEDIPE. - Pour autant que je puisse ici le supposer, sans l'avoir rencontré encore, ce berger, vieillards, il a l'air d'être celui que j'attends depuis un moment. Son grand âge s'accorde à celui de cet homme. D'ailleurs, dans ceux qui le conduisent, je reconnais des gens à moi. Mais ton savoir l'emporte sur le mien sans doute, puisque tu l'as vu toi-même jadis.

LE CORYPHÉE. - Oui, sache-le bien, je le reconnais. Il était chez Laïos tenu pour un berger fidèle entre tous.

OEDIPE. - C'est à toi d'abord que je m'adresse, à toi, le Corinthien. Est-ce là l'homme dont tu parles ?

LE CORINTHIEN. - C'est celui-là même tu l'as devant toi.

OEDIPE. - Çà, vieillard, à ton tour! Approche et, les yeux dans mes yeux, réponds à mes demandes. Tu étais bien à Laïos ?

LE SERVITEUR. - Oui, esclave non acheté, mais né au palais du roi.

OEDIPE. - Attaché à quelle besogne? Menant quelle sorte de vie ?

LE SERVITEUR. - Je faisais paître ces troupeaux la plus grande partie du temps.

OEDIPE. - Et dans quelles régions séjournais-tu de préférence ?

LE SERVITEUR. - Dans la région du Cithéron, ou dans les régions voisines.

OEDIPE. - Et là, te souviens-tu d'avoir connu cet homme ?

LE SERVITEUR. - Mais qu'y faisait-il ? De qui parles-tu ?

OEDIPE. - De celui qui est là. L'as-tu pas rencontré ?

LE SERVITEUR. - Pas assez pour que ma mémoire me laisse répondre si vite.

LE CORINTHIEN. - Rien d'étonnant à cela, maître. Mais, je vais maintenant, puisqu'il ne me reconnaît pas, réveiller, moi, ses souvenirs. Je suis bien sûr qu'il se souvient du temps où, sur le Cithéron, lui avec deux troupeaux, et moi avec un, nous avons tous les deux vécu côte à côte, à trois reprises, pendant six mois, du début du printemps au lever de l'Arcture. L'hiver venu, nous ramenions nos bêtes, moi dans ma bergerie, lui aux étables de son maître. Oui ou non, dis-je vrai ?

LE SERVITEUR. - Vrai. Mais il s'agit là de choses bien anciennes.

LE CORINTHIEN. - Et maintenant, dis-moi. En ce temps-là, te souviens-tu de m'avoir remis un enfant, afin que je l'élève comme s'il était mien ?

LE SERVITEUR. - Que dis-tu? Ou Veux-tu en venir ?

LE CORINTHIEN. - Le voilà, mort ami, cet enfant d'autrefois !

LE SERVITEUR (levant son bâton). - Malheur à toi ! Veux-tu te taire !

OEDIPE. - Eh là, vieux, pas de coups ! Ce sont bien tes propos qui méritent des coups, beaucoup plus que les siens.

LE SERVITEUR. - Mais quelle est donc ma faute, ô le meilleur des maîtres?

OEDIPE. - Tu ne nous as rien dit de l'enfant dont il parle.

LE SERVITEUR. - Il parle ans savoir, il s'agite pour rien.

OEDIPE. - Si tu ne veux pas parler de bon gré, tu parleras de force et il t'en cuira.

LE SERVITEUR. - Ah ! Je t'en supplie, par les dieux, ne maltraite pas un vieillard.

OEDIPE. - Vite, qu'on lui attache les mains dans le dos

LE SERVITEUR. - Hélas! Pourquoi donc? Que veux-tu savoir ?

OEDIPE. - C'est toi qui lui rendis l'enfant dont il nous parle ?

LE SERVITEUR. - C'est moi. J'aurais bien dû mourir le même jour.

OEDIPE. - Refuse de parler, et c'est ce qui t'attend.

LE SERVITEUR.- Si je parle, ma mort est bien plus sûre encore.

OEDIPE. - Cet homme m'a tout l'air de chercher des délais.

LE SERVITEUR. - Non, je l'ai dit déjà: c'est moi qui le remis.

OEDIPE. - De qui le tenais-tu? De toi-même ou d'un autre ?

LE SERVITEUR. - Il n'était pas à moi. Je le tenais d’un autre.

OEDIPE. - De qui ? De quel foyer de Thèbes sortait-il ?

LE SERVITEUR. - Non, maître, au nom des dieux, n'en demande pas plus.

OEDIPE. - Tu es mort, si je dois répéter ma demande.

LE SERVITEUR. - Il était né chez Laïos.

OEDIPE. - Esclave ?... Ou parent du roi ?

LE SERVITEUR. - Hélas ! J’en suis au plus cruel à dire.

OEDIPE. - Et pour moi à entendre. Pourtant je l'entendrai.

LE SERVITEUR. - Il passait pour Son fils... Mais ta femme, au palais, peut bien mieux que personne te dire ce qui est.

OEDIPE. - C'est elle qui te l'avait remis ?

LE SERVITEUR. - C'est elle, Seigneur.

OEDIPE. - Dans quelle intention ?

LE SERVITEUR. - Pour que je le tue.

OEDIPE. - Une mère !... La pauvre femme !

LE SERVITEUR. - Elle avait peur d'un oracle des dieux.

OEDIPE. - Qu'annonçait-il ?

LE SERVITEUR. - Qu’un jour, prétendait-on, il tuerait ses parents.

OEDIPE. - Mais pourquoi l'avoir, toi, remis à ce vieillard ?

LE SERVITEUR. - J'eus pitié de lui, maître. Je crus, moi, qu'il l'emporterait au pays d'où il arrivait. Il t'a sauvé la vie, mais pour les pires maux ! Si tu es vraiment celui dont il parle, sache que tu es né marqué par le malheur.

OEDIPE. - Hélas ! Hélas ! Ainsi tout à la fin serait vrai! Ah! Lumière du jour, que je te voie ici pour la dernière fois, puisque aujourd'hui, je me révèle le fils de qui je ne devais pas naître, l'époux de qui je ne devais pas l'être, le meurtrier de qui je ne devais pas tuer !

a, prép. : + Abl. : à partir de, après un verbe passif = par
accedo, is, ere, cessi, cessum
: 1. aller vers, s'approcher de, marcher sur 2. venir s'ajouter, s'ajouter
ad
, prép. : + Acc. : vers, à, près de
aliquis, a, id
: quelqu'un, quelque chose
ambo, ambae, o
: les deux ensemble
anceps, cipitis
: 1. à deux têtes 2. double 3. douteux, ambigu, incertain
artus, us
, m. : les membres, les articulations, le corps
caelum,
i, n. : le ciel
cogo, is, ere, egi, actum
: 1. assembler, réunir, rassembler, 2. concentrer, condenser 3. pousser de force, forcer
color, oris
, m. : la couleur, le teint du visage, l'éclat (du style)
coniux, iugis
, m. ou f. : l'épouse, l'époux
corpus, oris
, n. : le corps
cruentus, a, um
: sanglant, sanguinaire
cur
, adv. : pourquoi ?
dico, is, ere, dixi, dictum
: dire, appeler

do, das, dare, dedi, datum
: donner
dolor, oris
, m. : la douleur
dubito, as, are
: douter, hésiter
edoceo, es, ere, cui, doctum
: enseigner, former complètement
effaris, atur, ari, atus sum
: dire, prédire, formuler
et
, conj. : et. adv. aussi
excutio, is, ere, cussi, cussum
: faire sortir violemment en secouant, secouer, arracher, dépouiller
fateor, eris, eri, fassus sum
: reconnaître, avouer
fatum, i
, n. : la prédiction, le destin, la fatalité, la destinée
ferrum, i
, n. : le fer (outil ou arme de fer)
ferus, a, um
: sauvage, barbare
fides, ei
, f. : 1. la foi, la confiance 2. le crédit 3. la loyauté 4. la promesse, la parole donnée 5. la protection (in fide : sous la protection)
flamma, ae
, f. : la flamme
foedus, a, um
: honteux, répugnant
fruor, eris, eri, fruitus sum
: jouir de
gena, ae
, f. : la joue
genero, as, are
: faire naître, donner naissance à
gigno, is, ere, genui, genitum
: engendrer, faire naître
hic, haec, hoc
: adj. : ce, cette, ces, pronom : celui-ci, celle-ci
huc
, adv. : ici (question quo)
iam
, adv. : déjà, à l'instant

ignis, is
, m. : le feu
ignosco, is, ere, novi, notum
: pardonner

ille, illa, illud
: adjectif : ce, cette (là), pronom : celui-là, ...
impotens, entis
: 1. impuissant, faible 2. incapable, irresponsable 3. immodéré, déchaîné, emporté
in
, prép. : (acc. ou abl.) dans, sur, contre
infans, antis
: qui ne parle pas, sans éloquence, tout enfant, d'enfant (infans, antis, m. : le jeune enfant)
innatus, a, um
: naturel, inné
inutilis, e
: inutile
iste, a, um
: ce, celui-ci (péjoratif)
ligo, as, are
: lier
longus, a, um
: long
lues, is
, f. : ce qui est en liquéfaction, neige fondue, épidémie, fléau, corruption
lux, lucis
, f. : la lumière, le jour
manus, us
, f. : la main, la petite troupe
mater, tris
, f. : la mère
memet
, inv. : = me
memoria, ae
, f. : 1. la mémoire 2. le souvenir 3. l'époque 4. la relation (d'une chose)
mora, ae
, f. : le délai, le retard, l'obstacle
moveo, es, ere, movi, motum
: déplacer, émouvoir
munus, eris
, n. :1. l'office, la fonction 2. l'obligation, la charge 3. le produit 4. le service rendu 5. le don, le présent 6. le spectacle public, les combats de gladiateurs
muto, as, are
: 1. déplacer 2. changer, modifier 3. échanger
ne
, 1. adv. : ... quidem : pas même, ne (défense) ; 2. conj. + subj. : que (verbes de crainte et d'empêchement), pour que ne pas, de ne pas (verbes de volonté) 3. adv. d'affirmation : assurément 4. interrogatif : est-ce que, si
nego, as
, are : nier
non
, neg. : ne...pas
nosco, is, ere, novi, notum
: apprendre ; pf. savoir
obduco, is, ere, duxi, ductum
: mener devant, recouvrir, voiler, cicatriser

odi, isse
: haïr
omen, inis
, n. : le présage
paro, as, are
: préparer, procurer (paratus, a, um : prêt, préparé à, bien préparé, bien fourni)
pater, tris
, m. : le père, le magistrat
per
, prép. : + Acc. : à travers, par
pes, pedis
, m. : le pied
possum, potes, posse, potui
: pouvoir
precor, aris, atus sum
: prier, supplier
procul
, adv. : loin
prohibeo, es, ere, bui, bitum
: interdire
prope
, adv. près, presque ; prép + acc. : près de
puer, pueri
, m. l'enfant, le jeune esclave
puerilis, e
: enfantin, d'enfant, irréfléchi
qua
, 1. ablatif féminin singulier du relatif. 2. Idem de l'interrogatif. 3. après si, nisi, ne, num = aliqua. 4. faux relatif = et ea 5. adv. = par où?, comment?
quaero, is, ere, si(v)i, situm
: chercher, demander
quaeso
, inv. : s'il te plaît, je te prie
quare
, inv. : c'est pourquoi, pourquoi
quid
, 1. Interrogatif neutre de quis : quelle chose?, que?, quoi?. 2. eh quoi! 3. pourquoi? 4. après
si, nisi, ne num = aliquid
quis
, 1. pronom interrogatif N. M. S. 2. pronom indéfini = quelqu'un 3. après si, nisi, ne, num = aliquis 4. =
quibus
quisnam, quaenam, quidnam
: qui donc ?, quoi donc ?
quo
, 1. Abl. M. ou N. du pronom relatif. 2. Abl. M. ou N. du pronom ou de l'adjectif interrogatif. 3. Faux relatif = et eo. 4. Après si, nisi, ne, num = aliquo. 5. Adv. =où ? (avec changement de lieu) 6. suivi d'un comparatif = d'autant 7. conj. : pour que par là
quondam
, adv. : jadis, un jour
si
, conj. : si
sum, es, esse, fui
: être
supersum, es, esse, fui
: demeurer, survivre
tam
, adv. : si, autant
tempus, oris
, n. : 1. le moment, l'instant, le temps 2. l'occasion 3. la circonstance, la situation - la tempe
tenuis, e
: mince, fin, léger, faible ; subtil, délicat; misérable, pauvre
tractus, us
, m. : l'action de tirer, la traînée, le tracé, le quartier
trado, is, ere, didi, ditum
: 1. transmettre, remettre 2. livrer 3. enseigner
transigo, is, ere, egi, actum
: pousser à travers ou jusqu'au bout ; régler, trancher, arranger

tu, tui
: tu, te, toi
tumor, oris
, m : le gonflement, l'enflure, l'emportement, le courroux, l'orgueil, l'agitation

tuus, a, um
: ton
ultra
, adv. : au delà, plus loin ; prép. + acc. : plus loin que, plus que

uro, is, ere, ussi, ustum
: brûler
verbum, i
, n. 1. le mot, le terme, l'expression 2. la parole 3. les mots, la forme
veritas, atis
, f. : 1. la vérité, le vrai 2. la réalité
verus, a, um
: vrai

via, ae
, f. : la route, le chemin, le voyage
video, es, ere, vidi, visum
: voir (videor, eris, eri, visus sum : paraître, sembler)
vindicta, ae
, f. : la baguette, l'action de revendiquer, l'affranchissement, la délivrance, la vengeance, la punition
vivo, is, ere, vixi, victum
: vivre
vulnus, eris
, n. : la blessure
texte
texte
texte
texte