STRABON
Géographie
ΣΤΡΑΒΟΝΟΣ ΓΕΩΓΡΑΦΙΚΩΝ A'
LIVRE I
livre I - livre II - livre III - livre IV - livre VII - livre X
Que la science géographique n'est pas étrangère à la philosophie. - Qu'Homère partout dans ses poèmes a donné la preuve de connaissances géographiques. - Que les anciens traités de géographie fourmillent de lacunes, d'incohérences, d'erreurs, de mensonges et de contradictions. - Preuves et démonstrations à l'appui de ce jugement de l'auteur. - Tableau sommaire représentant en raccourci la disposition générale de la terre habitée. - Hypothèses et observations positives tendant à établir qu'en beaucoup de lieux la terre et la mer se sont réciproquement déplacées et substituées l'une à l'autre. |
ΥΠΟΘΕΣΙΣ Ὅτι οὐκ ἐκτὸς φιλοσοφίας ἡ γεωγραφικὴ πραγματεία. Ὅτι καὶ Ὅμηρος αὐτῇ πανταχοῦ τῶν ἐπῶν φαίνεται χρώμενος. Ὅτι οἱ πρότερον αὐτῇ χρησάμενοι ἐλλειπῶς ἢ ἀναρθρώτως ἢ ἐσφαλμένως ἢ ψευδῶς ἢ τοῖς αὐτοῖς ἀσυμφώνως εἰρήκασιν. Ἔλεγχοι καὶ ἀποδείξεις τοῦ εἰκότως αὐτὸν οὕτω κρίνειν. Κεφαλαιώδεις λόγοι πάσης οἰκουμένης συντόμως ὑποτυποῦντες τὴν διάθεσιν. Πίστις εἰκότων καὶ τεκμηρίων βεβαίων τοῦ κατὰ μέρη τὴν γῆν καὶ τὴν θάλασσαν ἐνηλλάχθαι καὶ εἰς ἀλλήλας μετατεθῆναι.
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CHAPITRE PREMIER 1. La géographie, que nous nous proposons d'étudier dans le présent ouvrage, nous paraît être autant qu'aucune autre science du domaine du philosophe; et plus d'un fait nous autorise à penser de la sorte : celui-ci d'abord, que les premiers auteurs qui osèrent traiter de la géographie étaient précisément des philosophes, Homère, Anaximandre de Milet et son compatriote Hécatée, comme Ératosthène en fait déjà la remarque ; puis Démocrite, Eudoxe, Dicéarque, Éphore et maint autre avec eux; plus récemment enfin Ératosthène, Polybe, Posidonius, philosophes aussi tous trois. En second lieu, la multiplicité de connaissances, indispensable à qui veut mener à bien une pareille œuvre, est le partage uniquement de celui qui embrasse dans sa contemplation les choses divines et humaines, c'est-à-dire l'objet même de la philosophie. Enfin, la variété d'applications dont est susceptible la géographie, qui peut servir à la fois aux besoins des peuples et aux intérêts des chefs, et qui tend à nous faire mieux connaître le ciel d'abord, puis toutes les richesses de la terre et des mers, aussi bien les animaux que les plantes, les fruits, et les autres productions propres à chaque contrée, cette variété, disons-nous, implique encore dans le géographe ce même esprit philosophique, habitué à méditer sur le grand art de vivre et d'être heureux. 2. Mais reprenons, point par point, ce qui vient d'être dit, pour aller plus encore au fond des choses. Et d'abord, montrons que c'est à bon droit qu'à l'imitation de nos prédécesseurs, d'Hipparque notamment, nous avons présenté Homère comme le fondateur même de la science géographique. Homère, en effet, n'a pas surpassé seulement en mérite poétique les auteurs anciens et modernes, il leur est supérieur encore, on peut dire, par son expérience des conditions pratiques de la vie des peuples, et c'est à cause de cette expérience même que, non content de s'intéresser à l'histoire des faits et de chercher à en recueillir le plus grand nombre possible pour en transmettre ensuite le récit à la postérité, il y a joint l'étude de la géographie, tant l'étude partielle des localités que l'étude générale des mers et de la terre habitée. Aurait-il pu, sans cela, atteindre, comme il l'a fait, aux limites mêmes du globe et en parcourir dans ses vers la circonférence tout entière? 3. Il commence par nous représenter la terre telle qu'elle est, en effet, enveloppée de tous côtés et baignée par l'Océan ; puis, des diverses contrées qu'elle renferme, il désigne les unes par leurs vrais noms et nous laisse reconnaître les autres à certaines indications détournées : ainsi, tandis qu'il nomme expressément la Libye, l'Éthiopie, les Sidoniens et les Erembes (les mêmes apparemment que les Arabes Troglodytes), il se contente de désigner indirectement les pays de l'Orient et de l'Occident par cette circonstance que l'Océan les baigne. Car c'est du sein de l'Océan, suivant lui, que le soleil se lève et au sein de l'Océan qu'il se couche et les autres astres pareillement: « Déjà le soleil, sorti à peine du sein de l'Océan aux eaux calmes et profondes, éclairait les campagnes de ses premiers rayons (01) ; » et ailleurs : « Déjà au sein de l'Océan a disparu l’étincelant flambeau du soleil, attirant après soi sur la terre le sombre voile de la nuit (02); » ailleurs encore il nous montre les astres « sortant de l'Océan où ils se sont baignés (03) ». 4. Au tableau qu'il fait maintenant de la félicité des peuples occidentaux, et de l'incomparable pureté de l'air qu'ils respirent, il est aisé de voir qu'il avait ouï parler des richesses de l'Ibérie, de ces richesses qui, après avoir tenté successivement Hercule et les Phéniciens, lesquels même, à cette occasion, occupèrent la plus grande partie du pays, provoquèrent en dernier lieu la conquête romaine. C'est bien, en effet, de l'Ibérie que souffle le zéphyr et du côté de l'Ibérie pareillement qu'Homère a placé le « Champ Élyséen, où les dieux, nous dit-il, doivent conduire Ménélas (04) » : « Quant à vous, Ménélas, les immortels vous conduiront vers le Champ Élyséen, aux bornes mêmes de la terre: c'est là que siège le blond Rhadamanthe, là aussi que les humains goûtent à la vie la plus facile, à l'abri de la neige, des frimas et de la pluie, et que du sein de l'Océan s'élève sans cesse le souffle harmonieux du zéphyr.» 5. Ajoutons que les îles des Bienheureux sont situées à l'extrémité occidentale de la Maurusie, à la rencontre de laquelle semble s'avancer en quelque sorte l'extrémité correspondante de l'Ibérie : or, si l'on réputait lesdites îles Fortunées, cela n'a pu tenir qu'à leur proximité d'une contrée aussi réellement fortunée que l'était l'Ibérie. 6. D'autres indications d'Homère nous montrent les Éthiopiens aussi habitant aux derniers confins de la terre, sur les bords mêmes de l'Océan; je dis « aux derniers confins de la terre » d'après le vers suivant (05), « Les Éthiopiens, qui vivent partagés en deux nations aux derniers confins de la terre, » dans lequel l'expression « partagés en deux nations » est elle-même parfaitement exacte, comme nous le démontrerons par la suite; et si j'ajoute « sur les bords mêmes de l'océan, » c'est d'après cet autre passage (06) : « Car Jupiter s'en fut hier vers l'Océan pour visiter les vertueux Éthiopiens et prendre part à leur banquet. » Voici maintenant comme il donne à entendre que l'extrémité septentrionale ou arctique de la terre est également bordée par l'Océan, Il dit en parlant de l'Ourse (07) : « Seule elle est dispensée de plonger au sein de l'Océan, » mais c'est qu'il emploie le nom de l'Ourse et aussi celui du Chariot pour désigner le cercle arctique : autrement, eût-il dit, alors que tant d'autres étoiles accomplissent aussi leur révolution dans la même partie du ciel toujours visible pour nous, que l'Ourse seule est exempte de plonger dans l'Océan? On a donc tort de le taxer, comme on a fait, d'ignorance, pour n'avoir connu, soi-disant, qu'une seule Ourse au lieu de deux. Il n'est pas probable, en effet, que, de son temps, la seconde Ourse fût déjà rangée au nombre des constellations, et ce n'est sans doute qu'après que les Phéniciens l'eurent observé et s'en furent servis pour la navigation que cet astérisme aura passé chez les Grecs, comme on voit que la Chevelure de Bérénice et Canope n'ont reçu les noms qu'elles portent que d'hier seulement, et que, de l'aveu d'Aratus (08), tant de constellations attendent encore les leurs. Il s'ensuit aussi que Cratès n'a pas eu raison de vouloir ici corriger le texte et de lire : «Οἷος δ', seul, le cercle arctique est dispensé de plonger au sein de l'Océan » [au lieu de οἴη δ', seule l'Ourse]: car la leçon qu'il rejette n'était nullement à rejeter. Héraclite, lui, est plus dans le vrai, et nous semble, si l'on peut dire, plus homérique, lorsque, comme Homère, il emploie le nom de l'Ourse pour désigner le cercle arctique : « L'Ourse, dit-il, limite commune de l'Orient et de l'Occident ; l'Ourse, à l'opposite de laquelle souffle Jupiter-Serein. » Car c'est bien le cercle arctique, et non pas l'Ourse elle-même, qui marque proprement la limite du couchant et du levant. Mais, si Homère, sous le nom de l'Ourse, constellation qu'il appelle aussi le Chariot, et qu'il nous montre dans le ciel poursuivant en quelque sorte et guettant Orion (09), a entendu désigner le cercle arctique, sous le nom d'Océan il a dû certainement entendre l'horizon, au-dessus et au-dessous duquel nous voyons, dans ses vers, se lever et se coucher les astres; et, comme il dit que l'Ourse achève sa révolution dans le même lien sans se coucher dans l'Océan, il faut qu'il ait su que le cercle arctique passe par le point le plus septentrional de l'horizon. Ajustons maintenant les paroles du poète, aux explications qui précèdent : comme le nom d'Océan éveille en nous l'idée correspondante d'horizon, d'horizon terrestre, et que le cercle arctique (qu'il désigne par le nom d'Arctos ou d'Ourse) n'est autre que le cercle qui, au jugement de nos sens, passe par le point le plus septentrional de la terre habitée, il demeure établi que, dans la pensée d'Homère, ce côté-là de la terre devait être aussi baigné par l'Océan. Il n'est pas jusqu'aux populations arctiques qu'Homère ne connût parfaitement; il ne les mentionne pas, à vrai dire, nominativement (ce qui se conçoit, du reste, puisque, même aujourd'hui, il n'existe pas encore pour elles de dénomination générale), mais il est aisé de les reconnaître à la peinture qu'il fait de leur genre de vie, quand il les qualifie de Nomades, de fiers Hippemolges, de tribus Galactophages et Abiennes 10) . 7. Il s'y prend encore d'autre façon pour nous donner à entendre que l'Océan entoure circulairement la terre; il mettra par exemple dans la bouche de Junon les paroles suivantes (11): « Car je veux aller visiter les bornes de la terre féconde et l'Océan, père des dieux », ce qui revient à dire que l'Océan confine à toutes les extrémités de !a terre; or on sait que lesdites extrémités figurent proprement un cercle, Dans l'Hoplopée (12) aussi, il fait de l'Océan la bordure circulaire du bouclier d'Achille. Ajoutons comme une nouvelle preuve de la curiosité scientifique qui possédait Homère, que le double phénomène du flux et du reflux de l'Océan ne lui était pas demeuré inconnu, témoin l'expression suivante (13), l'Océan aux flots rétrogrades » et ce passage [à propos de Charybde] (14) « Trois fois par jour elle vomit, et trois fois elle ravale ses ondes. » Il est vrai qu'il eût fallu dire ici deux fois au lieu de trois; mais, que la différence tienne à une erreur d'observation ou à une erreur de copie, toujours est-il que le but du poète était bien de décrire le phénomène en question. L'épithète « au courant paisible » (15), » semble aussi une image exacte de la marée montante, qui, de fait, a l'allure plutôt douce qu'impétueuse. Posidonius, de son côté, croit voir dans ce que dit Homère de rochers alternativement couverts et découverts et dans le nom de fleuve qu'il prête à l'Océan (16) une double allusion aux phénomènes des marées : passe pour la première raison, mais la seconde n'a pas de sens, car jamais le mouvement de la marée montante n'a ressemblé au courant d'un fleuve, et celui du reflux bien moins encore. L'explication de Cratès a quelque chose de plus plausible : suivant lui, les qualifications de courant profond, de courant rétrograde, voire même celle de fleuve, désignent bien, dans Homère, l'Océan tout entier, mais ce même nom de fleuve et celui de courant fluvial ne désignent plus qu'une partie de l'Océan, et de l'Océan pris dans le sens restreint, non dans le sens étendu, quand le poète vient à dire (17) : « Une fois le vaisseau sorti du courant du fleuve Océan pour entrer au sein de la vaste mer. » Ici, en effet, il s'agit, non pas de la totalité de l'Océan, mais d'un courant fluvial au sein de l'Océan, autrement dit d'une portion quelconque de l'Océan, que Cratès se représente comme une espèce d'estuaire ou de golfe se prolongeant, à partir du tropique d'hiver, dans la direction du pôle austral. De la sorte, en quittant ledit fleuve, un vaisseau aura pu se trouver encore en plein Océan; s'agit-il, au contraire, de la totalité de l'Océan, on ne conçoit plus qu'après en être une fois sorti le vaisseau s'y retrouve encore. Homère dit bien, à la vérité : « Quand sorti du courant du fleuve, il fut entré au sein de la mer », mais la mer ici ne saurait s'entendre que de l'Océan lui-même. Il demeure donc avéré que le passage, interprété autrement que nous ne le faisons, reviendrait à ceci, « qu'un vaisseau est sorti de l'Océan pour entrer dans l'Océan ». La question, pourtant, demanderait une plus ample discussion. Au surplus, que la terre habitée soit une île, la chose ressort tout d'abord du témoignage de nos sens, du témoignage de l'expérience. Car partout où il a été. donné aux hommes d'atteindre les extrémités mêmes de la terre, ils ont trouvé la mer, celle précisément. que nous nommons Océan, et, pour les parties où le fait n'a pu être vérifié directement par les sens, le raisonnement l'a établi de même. Les périples exécutés, soit autour du côté oriental de la terre, qui est celui qu'habitent les Indiens, soit autour du côté occidental, qui est celui qu'occupent les Ibères et les Maurusiens, ont été poussés loin, tant au nord qu'au midi, et l'espace qui demeure encore fermé à nos vaisseaux, faute de relations établies entre nos marins et ceux qui exécutent en sens contraire des périples analogues, cet espace, disons-nous, est peu considérable, à en juger par les distances parallèles que nos vaisseaux ont déjà parcourues. Cela étant, il n'est guère vraisemblable que l'Océan Atlantique puisse être divisé en deux mers distinctes par des isthmes aussi étroits qui intercepteraient la circumnavigation, et il paraît beaucoup plus probable que ledit Océan est un et continu; d'autant que ceux qui, ayant entrepris le périple de la terre, sont revenus sur leurs traces, ne l'ont point fait, de leur aveu même, pour s'être vu barrer et intercepter le passage par quelque continent, mais uniquement à cause du manque de vivres et par peur de la solitude, la mer demeurant toujours aussi libre devant eux. Cette manière de voir s'accorde mieux aussi avec le double phénomène du flux et du reflux de l'Océan, car partout les changements qu'il éprouve, notamment ceux qui consistent à élever et à abaisser le niveau de ses eaux, ont un caractère uniforme ou n'offrent que d'imperceptibles différences, comme cela se conçoit de mouvements produits au sein de la même mer et en vertu d'une seule et même cause. 9. Restent les objections d'Hipparque, mais elles ne sauraient convaincre personne : elles consistent à dire que le régime de l'Océan n'est pas, sur tous les points, parfaitement semblable à lui-même, et que, cela fût-il accordé, il n'en résulterait pas nécessairement que la mer Atlantique dût former un seul courant circulaire et continu. Ajoutons que, pour nier cette uniformité parfaite du régime de l'Océan, il s'appuie sur le témoignage de Séleucus de Babylone ! Pour plus de détails sur l'Océan et sur le phénomène des marées, nous renverrons, nous, à Posidonius et à Athénodore, qui nous paraissent avoir convenablement approfondi la question, nous bornant à dire présentement que le système que nous défendons répond mieux à l'uniformité constatée des phénomènes océaniques, et que, plus la masse d'eau répandue autour de la terre sera considérable, plus il sera aisé de concevoir comment les vapeurs qui s'en dégagent suffisent à alimenter les corps célestes. 10. Mais, si Homère a exactement connu et décrit les extrémités et la bordure circulaire de la terre, il n'a pas moins bien connu et décrit la mer Intérieure. Les pays qui entourent cette mer, à partir des colonnes d'Hercule, sont, comme on sait, la Libye, l'Égypte et la Phénicie, et plus loin la côte qui avoisine Chypre; puis viennent les Solymes, les Lyciens, les Cariens, et le littoral compris entre Mycale et la Troade, avec les îles adjacentes : or, tous ces lieux, le poète les a mentionnés en termes exprès, comme il a parlé aussi et des contrées ultérieures qui bordent la Propontide et des côtes de l'Euxin jusqu'à la Colchide et de l'expédition de Jason. Il connaissait, en outre, le Bosphore Cimmérien, et naturellement les Cimmériens eux-mêmes : on ne s'expliquerait pas, en effet, comment il eût pu connaître le nom des Cimmériens et ignorer leur existence, l'existence d'un peuple, qui, de son vivant ou peu de temps avant lui, avait, depuis le Bosphore, couru et ravagé tout le pays intermédiaire jusqu'à l'Ionie? Mais non, il les connaissait, et ce qui le prouve, c est qu'il a fait allusion à la nature brumeuse du climat de leur pays : « Un voile, dit-il, un voile de vapeurs et de nuages les enveloppe ; l'éclat du soleil ne resplendit jamais pour eux, et la funeste nuit plane toujours au-dessus de leurs têtes (18) » Il connaissait pareillement l'Ister (du moins nomme-t-il les Mysiens, nation thracique, riveraine de ce fleuve) et aussi tout le littoral à partir de l'Ister, autrement dit la Thrace jusqu'au Pénée, puisqu'il mentionne les Paeoniens et qu'il signale l'Athos, l'Axius et les îles situées vis-à-vis. Quant au littoral de la Grèce, prolongement de celui de la Thrace, il a été décrit par lui en entier jusqu'aux frontières de la Thesprotie. Il connaissait enfin l'extrémité de l'Italie, à en juger par la mention qu'il a faite de Temesa et des Sicèles, et l'extrémité de l'Ibérie, ainsi que la richesse et la prospérité des peuples qui l'occupaient, et dont nous parlions tout à l'heure. Si maintenant, dans l'intervalle, se laissent apercevoir quelques lacunes, on peut les lui pardonner, le géographe de profession lui-même omettant souvent bien des détails. Il est excusable aussi et ne mérite aucun blâme s'il a cru devoir mêler, çà et là, quelques circonstances fabuleuses à ses récits, d'ailleurs tout historiques et didactiques, car il n'est pas vrai, comme le prétend Ératosthène, que tout poète vise uniquement à plaire et jamais à instruire : tout au contraire, ceux qui ont traité le plus pertinemment les questions de poétique proclament la poésie une sorte de philosophie primitive. Mais nous réfuterons plus longuement ce jugement d'Ératosthène, quand nous aurons, plus loin, à reparler du poète. 11. Pour le moment, ce qui a été dit doit suffire à établir qu'Homère a été bien réellement le père de la géographie. Quant aux successeurs qu'il a eus dans cette science, c'étaient, comme chacun sait, des hommes d'un mérite éminent et familiarisés avec les études philosophiques : les deux qu'Ératosthène nomme immédiatement après lui sont Anaximandre, qui fut le disciple et le compatriote de Thalès, et Hécatée de Milet. Ératosthène ajoute qu'Anaximandre publia la première Carte géographique, et qu'il reste d'Hécatée un Traité de géographie, dont l'authenticité ressort, suivant lui, de l'ensemble des œuvres de cet auteur (19). 12. Maintenant que l'étude de la géographie exige une grande variété de connaissances, beaucoup l'ont dit avant nous; Hipparque notamment, dans sa Critique de la Géographie d'Ératosthène, fait remarquer très judicieusement que la connaissance de la géographie, si utile à la fois au simple particulier et à l'érudit de profession, ne saurait absolument s'acquérir sans quelques notions préliminaires d'astronomie et sans la pratique des règles du calcul des éclipses. Comment juger, par exemple, si Alexandrie d'Égypte est plus septentrionale ou plus méridionale que Babylone et de combien elle peut l'être, sans recourir à la méthode des climats? De même, comment savoir exactement si tel pays est plus avancé vers l'orient et tel autre vers l'occident, autrement que par la comparaison des éclipses du soleil et de celles de la lune? Ainsi s'explique Hipparque à cet égard. 13. En général, quiconque se propose de décrire les caractères propres de telle ou telle contrée a essentiellement besoin de recourir à l'astronomie et à la géométrie, pour bien en déterminer la configuration, l'étendue, les distances relatives, le climat ou la situation géographique, la température, et, en un mot, toutes les conditions atmosphériques. Puisqu'il n'est pas de maçon bâtissant une maison ni d'architecte édifiant une ville, qui ne tiennent compte préalablement de toutes ces circonstances, à plus forte raison le philosophe, qui embrasse dans ses études la terre habitée tout entière, y aura-t-il égard. Et, de fait, la chose lui importe plus qu'à personne. Car si, pour une étendue de pays restreinte, la situation au nord et la situation au midi n'impliquent qu'une légère différence, rapportés à la circonférence totale de la terre habitée, le nord comprendra jusqu'aux derniers confins de la Scythie et de la Celtique, et le midi jusqu'aux extrémités les plus reculées de l'Éthiopie, ce qui implique des différences énormes. De même il ne saurait être indifférent d'habiter chez les Indiens ou parmi les Ibères, peuples que nous savons être, à l'extrême orient et à l'extrême occident, en quelque sorte les antipodes l'un de l'autre. 14. Comme tous ces faits maintenant tirent leur principe du mouvement du soleil et des autres astres, et aussi de la tendance centripète des corps, nous voilà forcés d'élever nos regards vers le ciel, pour observer les apparences qu'en chaque contrée il nous découvre, apparences qui varient extrêmement, reproduisant ainsi la diversité même des lieux d'observation. Comment donc prétendre représenter avec exactitude et expliquer convenablement ces différences respectives dans la nature et l'aspect des lieux, si l'on n'a pas le moins du monde égard à cet ordre de phénomènes ? Il ne nous est pas possible, à vrai dire, vu le caractère spécial de notre ouvrage, qui doit être avant tout politique, de les approfondir tous; au moins convient-il que nous en exposions ici ce qui peut être à la portée de l'homme mêlé à la vie politique. 15. Mais celui qui a pu déjà élever si haut sa pensée ne reculera pas devant une description complète de la Terre : il serait plaisant, en effet, qu'après avoir, dans son désir de mieux décrire la partie habitée de la Terre, osé toucher aux choses célestes et s'en être servi dans ses démonstrations, il dédaignât de rechercher quelles peuvent être l'étendue et la constitution de la sphère terrestre elle-même, dont la terre habitée n'est qu'une partie, quelle place elle occupe dans l'univers, si elle n'est habitée que dans une seule de ses parties, celle que nous occupons, ou si elle l'est dans d'autres encore, et, dans ce cas, combien l'on en compte, quelles peuvent être aussi l'étendue et la nature de sa portion inhabitée et finalement la raison d'un pareil abandon. Il s'ensuit donc qu'il existe une certaine corrélation entre les études astronomiques et géométriques d'une part et la géographie, telle que nous l'avons définie, de l'autre, puisque cette science relie ensemble les phénomènes terrestres et célestes, devenus en quelque sorte des domaines limitrophes, et qu'elle comble l'immense intervalle « Qui de la terre s'étend jusqu'aux cieux (20). » 16. Allons plus loin et à cette masse déjà si grande de connaissances indispensables ajoutons l'histoire de la Terre elle-même, autrement dit la connaissance des animaux et des plantes et, en général, de toutes les productions, utiles ou non, de la terre et des mers, et notre thèse, croyons-nous, en deviendra plus évidente encore. Que cette connaissance de la terre, en effet, soit d'une grande utilité pour qui a su l'acquérir, la chose ressort et du témoignage de l'antiquité et du simple raisonnement : les poètes ne nous représentent-ils point toujours comme les plus sages ceux d'entre leurs héros qui ont voyagé et erré par toute la terre ? A leurs yeux c'est toujours un grand titre de gloire d'avoir « visité beaucoup de cités et observé les mœurs de beaucoup d'hommes (21). » Ainsi Nestor se vante d'avoir vécu parmi les Lapithes et d'être venu, pour répondre à leur appel : « Du fond de sa lointaine patrie, ces peuples l'avaient demandé et désigné par son nom (22) ; » Ménélas, pareillement : « Après avoir erré, dit-il, dans Chypre, en Phénicie, et chez les Égyptiens, je visitai tour à tour les Éthiopiens, les Sidoniens et les Erembes, puis la Libye, où je vis le front des agneaux armé de cornes (23) » Puis il ajoute comme un trait caractéristique de ce dernier pays : « Car trois fois, dans le cours d'une année, les brebis y mettent bas. » A propos de Thèbes, maintenant, de la Thèbes d'Égypte, il dira : « C'est le lieu où la terre, au sein fertile, donne les plus riches moissons (24); », ou bien encore : « Thèbes, la ville aux cent portes, dont chacune peut livrer passage à deux cents guerriers avec leurs chevaux et leurs chars (25). » Or, tous ces détails descriptifs sont autant de préparations excellentes à la sagesse, en ce qu'ils nous font bien connaître la nature d'un pays et les différents caractères des animaux et des plantes qu'il renferme, voire la nature de la mer et de ses productions, à nous qui sommes en quelque sorte amphibies et pour le moins autant habitants de la mer que de la terre ferme. Et c'est par allusion, sans doute, à tout ce qu'Hercule dans ses voyages avait vu et appris qu'Homère l'appelle « Connaisseur et expert en belles œuvres (26). » Ainsi le témoignage de l'antiquité et le raisonnement s'accordent pour confirmer ce que nous disions en commençant. Mais il est une autre considération qui nous paraît plus encore que le reste militer en faveur de notre thèse présente, c'est que la géographie répond surtout aux besoins de la vie politique. Où s'exerce, en effet, l'activité humaine, si ce n'est sur cette terre, sur cette mer, que nous habitons et qui offrent à la fois de petits théâtres aux petites actions, de grands théâtres aux grandes, le théâtre des plus grandes se confondant ainsi avec les limites mêmes de la terre entière ou de que ce nous appelons proprement la terre habitée, et les plus grands capitaines étant ceux qui parviennent à dominer sur la plus grande étendue de terre et de mer, et à réunir cités et nations en un seul et même empire, en un seul et même corps politique? Il est donc évident que la géographie, considérée dans son ensemble, exerce une influence directe sur la conduite des chefs d'État par la distribution qu'elle fait des continents et des mers, tant au dedans qu'en dehors des limites de la terre habitée, cette distribution étant faite naturellement en vue de ceux qui ont le plus d'intérêt à savoir si les choses sont de telle façon ou de telle autre et si telle contrée est déjà connue ou encore inexplorée. On conçoit, en effet, que ces chefs s'acquitteront mieux du détail de leur administration, connaissant l'étendue et la situation exacte du pays et toutes les variétés de climat et de sol qu'il peut présenter. Mais, maintenant, comme ces princes ont leurs États situés en diverses parties de la terre, et que leurs premières entreprises, leurs premières conquêtes partent de divers foyers et de centres différents, il ne leur est pas possible, non plus qu'aux géographes, de connaître également bien tous les pays de la terre ; et leurs connaissances aux uns et aux autres seront nécessairement susceptibles de plus et de moins. La terre habitée tout entière fût-elle rangée sous la même domination, sous le même gouvernement, il serait difficile encore que toutes les parties en fussent connues au même degré : dans ce cas-là même, on connaîtrait mieux que le reste les parties les plus proches de soi, d'autant que ce sont celles-là sur lesquelles il importe de répandre le plus de lumière, afin de les faire bien connaître, puisque, par leur position, elles sont plus à portée d'être utiles. Dès là rien d'étonnant que telle chorographie convînt mieux aux Indiens, telle autre aux Éthiopiens, telle autre encore aux Grecs et aux Romains. Quel intérêt, en effet, pourrait avoir le géographe indien à décrire la Béotie comme le fait Homère, qui nomme « Et les peuples d'Hyria et ceux de la pierreuse Aulis , ceux de Schoene et de Scôle (27). » Pour nous autres, à la bonne heure, la chose a de l'importance En revanche, une description si détaillée de l'Inde n'aurait plus d'intérêt pour nous : l'utilité n'y serait point, l'utilité, qui est proprement la juste et vraie mesure dans ce genre d'études. 17. Ce que nous avons dit [de l'utilité de la géographie] se vérifie même dans les petites opérations, à la chasse par exemple, car on chassera mieux connaissant la disposition et l'étendue de la forêt; et, en général, quiconque connaît les lieux s'entendra mieux qu'un autre à choisir un campement, à disposer une embuscade, à diriger une marche. Mais dans les grandes opérations l'évidence de notre assertion devient plus éclatante encore, d'autant qu'alors on est plus chèrement récompensé d'avoir su, plus chèrement puni d'avoir ignoré. Ainsi la flotte d'Agamemnon se trompe, ravage la Mysie pour la Troade et se voit réduite à une retraite honteuse. Ainsi les Perses et les Libyens, pour avoir cru reconnaître dans des passes libres et ouvertes des détroits sans issue, s'exposent aux plus grands périls, et laissent derrière eux, comme trophées de leur ignorance, les Perses, le tombeau de Salganée près de l'Euripe de Chalcis, de cet infortuné Salganée immolé par eux comme un traître pour avoir, soi-disant, mené perdre leur flotte des rivages Maliens tout au fond de l'Euripe ; les Libyens le monument de Pélore, mort victime d'une semblable erreur. La même cause encore, lors de l'expédition de Xerxès, remplit la Grèce de débris de naufrages, et longtemps auparavant l'émigration des Éoliens et celle des Ioniens avaient offert le spectacle de maints désastres pareils, tous occasionnés par l'ignorance. D'autre part, que de victoires dans lesquelles le vainqueur doit tout son succès à la connaissance des lieux ! Au défilé des Thermopyles, par exemple, n'est-ce pas Ephialte, qui, en indiquant aux Perses ce sentier dans la montagne, leur livre Léonidas et introduit en deçà des Pyles l'armée barbare ? Mais sans remonter si haut, je trouve une preuve suffisante de ce que j'avance soit dans la récente campagne des Romains contre les Parthes, soit dans leurs expéditions contre les Germains et les Celtes, où l'on voit ces Barbares retranchés au fond de leurs marais, de leurs forêts de chênes et de leurs solitudes impénétrables, combattre en s'aidant de leur connaissance des lieux contre un ennemi qui les ignore, le trompant sur les distances, lui fermant les passages et interceptant ses convois de vivres et ses autres approvisionnements. 18. La géographie, avons-nous dit, a rapport surtout aux opérations et aux besoins des chefs d'État. A la vérité, la morale et la philosophie politique ont aussi pour principal objet de régler la conduite des chefs, et ce qui le prouve, c'est que nous distinguons les différentes sociétés ou associations politiques d'après la forme de leurs gouvernements : le gouvernement pouvant être ou monarchique (nous appelons cette même forme quelquefois royauté), ou aristocratique, ou en troisième lieu démocratique, nous reconnaissons aussi trois espèces d'associations politiques, auxquelles nous donnons justement les mêmes noms, par la raison qu'elles tirent de leurs gouvernements respectifs le principe même de leur existence et comme leur caractère spécifique; en effet, la loi diffère suivant qu'elle émane de l'autorité d'un roi ou de l'autorité d'un sénat ou de celle du peuple, et la loi, comme on sait, est le type même et le moule qui donne la forme à une société, tellement qu'on a pu définir quelquefois le droit « l'intérêt du plus fort ». La philosophie politique s'adresse donc principalement aux princes ; mais si la géographie, qui, elle aussi, s'adresse surtout aux princes, répond de plus à un de leurs besoins de chaque jour, ne pourrait-on pas dire que cette circonstance constitue en sa faveur une sorte de supériorité sur l'autre science, supériorité, nous l'avouons, purement pratique? 19. Ce qui n'empêche pas que la géographie n'ait aussi son côté spéculatif ou théorique qu'on aurait tort de dédaigner, en ce qu'il touche à la fois à la technique, à la mathématique, à la physique, à l'histoire, voire même à la mythologie. Or la mythologie n'a assurément rien de pratique. Un récit tel que celui des erreurs d'Ulysse, de Ménélas ou de Jason n'est pas de nature à développer beaucoup cette prudence éclairée que recherche avant tout l'homme pratique, à moins qu'on n'y ait mêlé çà et là telle moralité utile inspirée par les aventures inséparables de semblables voyages, mais il ménagera tout au moins une jouissance délicate à ceux que le hasard conduit dans les lieux ainsi illustrés par la Fable, et l'esprit le plus pratique ne laisse pas que d'être sensible à l'éclat et à l'agrément de pareils souvenirs : seulement, il ne s'y arrête pas longtemps, car il est naturel qu'il accorde plus d'attention aux choses utiles. Naturellement aussi le géographe s'occupera plus de celles-ci que des autres et, procédant pour l'histoire et les mathématiques, comme il a fait pour la mythologie, ce sera toujours la partie la plus utile et la mieux avérée qu'il en extraira de préférence. 20. Mais c'est surtout, on l'a vu, de la géométrie et de l'astronomie que le géographe paraît avoir besoin pour l'objet qu'il se propose. Et de fait, comment en serait-il autrement? Comment le géographe pourrait-il bien comprendre, sans recourir aux méthodes que fournissent ces deux sciences, toutes les questions de configuration, de climat, d'étendue et autres semblables? Toutefois, comme les géomètres et les astronomes exposent ailleurs tout au long les moyens de mesurer la terre entière, nous devrons, nous, dans le présent ouvrage, supposer et admettre comme vrai ce qu'ils ont démontré dans les leurs; supposer, par exemple, la sphéricité du monde, celle aussi de la surface terrestre et avant tout la tendance centripète des corps. Et, comme ces faits sont à la portée de nos sens ou rentrent dans la catégorie des notions communes, il nous suffira, si même la chose en vaut la peine, d'en donner l'explication la plus brève et la plus sommaire. Ainsi, en ce qui concerne la sphéricité de la terre, nous rappellerons simplement ou la preuve indirecte qui se tire de l'impulsion centripète en général et de la tendance de chaque corps en particulier vers son centre de gravité, ou la preuve directe et immédiate résultant des phénomènes qu'on observe sur la mer et dans le ciel, et dont le témoignage de nos sens et les simples notions vulgaires suffisent à constater la réalité. Il est évident, par exemple, que la courbure de la mer empêche seule le navigateur d'apercevoir au loin les lumières placées à la hauteur ordinaire de l'œil, et qui n'ont besoin que d'être un peu haussées pour devenir visibles, même à une distance plus grande, de même que l'œil n'a besoin que de regarder de plus haut pour découvrir ce qui auparavant lui demeurait caché. Homère déjà en avait fait la remarque, car tel est le sens de ce vers : « Une fois soulevé par la vague immense, il put porter très loin sa vue perçante (28). » On sait aussi que, plus un vaisseau approche de la terre, plus chacune des parties de la côte se dessine nettement aux yeux des passagers, et que ce qui leur paraissait bas en commençant va s'élevant sans cesse devant eux. La révolution ou marche circulaire des corps célestes est de même rendue manifeste par diverses expériences, notamment au moyen du gnomon, qu'il suffit d'observer une fois pour concevoir aussitôt que, si les racines de la terre se prolongeaient à l'infini, la susdite révolution ne saurait avoir lieu. Quant à la théorie des climats, elle est exposée en détail dans des traités spéciaux sur les oekèses ou positions géographiques. 21. Mais encore une fois, pour le moment, nous n'avons besoin d'emprunter à ces différentes sciences qu'un petit nombre de notions, et de notions élémentaires, à l'usage surtout du politique et du capitaine. Car s'il importe, d'une part, qu'ils ne demeurent ni l'un ni l'autre tellement étrangers à l'astronomie et à la géographie, que, se trouvant transportés dans des lieux où les phénomènes célestes les plus familiers au vulgaire viendraient à se produire avec quelques légères anomalies, ils perdent tout à coup la tête et s'écrient dans leur trouble : « Allons, amis, puisque nous ignorons et le côté du couchant et le côté de l'aurore, et le point où le soleil, ce flambeau des mortels, descend au-dessous de la terre et le point d'où il remonte et s'élève au-dessus (29), » d'autre part , ils n'ont que faire d'approfondir ces études jusqu'à savoir quels sont, pour chaque lieu de la terre, et les astres qui se lèvent, et les astres qui se couchent ensemble, et ceux qui passent ensemble au méridien; quels sont et la hauteur correspondante du pôle et le point zénithal, et tant d'autres circonstances du même genre qui, suivant les changements d'horizon et de cercle arctique, viennent à changer aussi, soit seulement en apparence, soit en réalité. De ces faits, les uns pourront être négligés complètement par l'homme d'État et l'homme de guerre, à moins qu'ils ne veuillent en faire un objet de pure spéculation philosophique, les autres devront être admis de confiance, quand bien même les causes leur en demeureraient cachées : car cette recherche des causes appartient au seul philosophe de profession, le politique n'ayant pas assez de loisir pour s'y livrer, si ce n'est par exception. Il ne faudrait pas pourtant que celui qui prétendra lire ce traité fût assez novice ou assez nonchalant pour n'avoir jamais jeté les yeux sur une sphère, ni regardé les cercles qui y sont tracés parallèlement, perpendiculairement ou obliquement les uns aux autres, et la position respective des tropiques, de l'équateur et du zodiaque, ce cercle que suit le soleil dans sa révolution, déterminant de la sorte les différences des climats et des vents. Car il suffit qu'on comprenne tant bien que mal ces premiers éléments de la science et ce qui est relatif aux changements d'horizon et de cercle arctique, et en général tout ce qui sert d'introduction aux mathématiques proprement dites, pour être à même de suivre ce que nous exposons ici (30). Mais si l'on ignore ce que c'est qu'une ligne, droite ou courbe, ce que c'est qu'un cercle, une surface, sphérique ou plane, et que l'on ne soit pas en état de reconnaître dans le ciel les sept étoiles de la Grande-Ourse, ou telle autre constellation aussi connue, on n'a que faire, provisoirement du moins, d'un traité tel que le nôtre, et l'on doit, au préalable, se familiariser avec des notions, sans lesquelles il n'y a pas d'études géographiques possibles. Voilà pourquoi les auteurs de Portulans et de Périples ne font qu'un travail inutile, quand ils négligent d'ajouter à leurs descriptions ce qui, en fait d'éléments mathématiques et astronomiques, s'y rattache nécessairement (31). 22. En somme, il faut que le présent traité s'adresse à tout le monde, à la fois aux politiques et aux simples particuliers, comme notre précédente composition historique. Là aussi nous employions cette qualification de politique, pour désigner, par opposition à l'homme complètement illettré, celui qui a parcouru le cercle entier des études composant ce qu'on appelle d'ordinaire l'éducation libérale et philosophique. Car celui-là seul, disions-nous, peut blâmer et louer à propos et discerner dans l'histoire les événements vraiment dignes de mémoire, qui a médité sur les grandes questions de vertu et de sagesse et sur les différents systèmes qui s'y rapportent. 23. Ayant donc publié déjà des Mémoires historiques, utiles, nous le supposons du moins, aux progrès de la philosophie morale et politique, nous avons voulu les compléter par la présente composition: conçue sur le même plan, elle s'adresse aux mêmes hommes, à ceux surtout qui occupent les hautes positions. Et de même que, dans notre premier ouvrage, nous n'avons mentionné que les faits relatifs aux hommes et aux vies illustres, omettant à dessein tout ce qui pouvait être petit et obscur, ici aussi nous avons dû négliger les petits faits, les faits trop peu marquants, pour insister davantage sur les belles et grandes choses, qui se trouvent réunir à la fois l'utile, l'intéressant et l'agréable. Dans les statues colossales, on ne recherche pas l'exactitude minutieuse des détails, on accorde plutôt son attention à l'ensemble, au bon effet de l'ensemble : même jugement à appliquer ici. Car notre ouvrage est aussi, l'on peut dire, un monument colossal, qui reproduit uniquement les grands traits et les effets d'ensemble, sauf le cas où tel petit détail nous aura paru de nature à intéresser à la fois l'érudit et l'homme pratique. En voilà assez pour établir à quel point il est sérieux et digne de l'attention des philosophes.
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ΚΕΦ. Α' 1. Τῆς τοῦ φιλοσόφου πραγματείας εἶναι νομίζομεν, εἴπερ ἄλλην τινά, καὶ τὴν γεωγραφικήν, ἣν νῦν προῃρήμεθα ἐπισκοπεῖν. Ὅτι δ' οὐ φαύλως νομίζομεν, ἐκ πολλῶν δῆλον. Οἵ τε γὰρ πρῶτοι θαρρήσαντες αὐτῆς ἅψασθαι τοιοῦτοί τινες ὑπῆρξαν· Ὅμηρός τε καὶ Ἀναξίμανδρος ὁ Μιλήσιος καὶ Ἑκαταῖος, ὁ πολίτης αὐτοῦ, καθὼς καὶ Ἐρατοσθένης φησί· καὶ Δημόκριτος δὲ καὶ εὔδοξος καὶ Δικαίαρχος καὶ Ἔφορος καὶ ἄλλοι πλείους· ἔτι δὲ οἱ μετὰ τούτους, Ἐρατοσθένης τε καὶ Πολύβιος καὶ Ποσειδώνιος, ἄνδρες φιλόσοφοι. Ἥ τε πολυμάθεια, δι' ἧς μόνης ἐφικέσθαι τοῦδε τοῦ ἔργου δυνατόν, οὐκ ἄλλου τινός ἐστιν, ἢ τοῦ τὰ θεῖα καὶ τὰ ἀνθρώπεια ἐπιβλέποντος, ὧνπερ τὴν φιλοσοφίαν ἐπιστήμην φασίν. Ὡς δ' αὕτως καὶ ἡ ὠφέλεια ποικίλη τις οὖσα, ἡ μὲν πρὸς τὰ πολιτικὰ καὶ τὰς ἡγεμονικὰς πράξεις, ἡ δὲ πρὸς ἐπιστήμην τῶν τε οὐρανίων καὶ τῶν ἐπὶ γῆς καὶ θαλάττης ζῴων καὶ φυτῶν καὶ καρπῶν καὶ τῶν ἄλλων ὅσα ἰδεῖν παρ' ἑκάστοις ἔστι, τὸν αὐτὸν ὑπογράφει ἄνδρα, τὸν φροντίζοντα τῆς περὶ τὸν βίον τέχνης καὶ εὐδαιμονίας. 2. Ἀναλαβόντες δὲ καθ' ἕκαστον ἐπισκοπῶμεν τῶν εἰρημένων ἔτι μᾶλλον. Καὶ πρῶτον ὅτι ὀρθῶς ὑπειλήφαμεν καὶ ἡμεῖς καὶ οἱ πρὸ ἡμῶν, ὧν ἐστι καὶ Ἵππαρχος, ἀρχηγέτην εἶναι τῆς γεωγραφικῆς ἐμπειρίας Ὅμηρον· ὃς οὐ μόνον ἐν τῇ κατὰ τὴν ποίησιν ἀρετῇ πάντας ὑπερβέβληται τοὺς πάλαι καὶ τοὺς ὕστερον, ἀλλὰ σχεδόν τι καὶ τῇ κατὰ τὸν βίον ἐμπειρίᾳ τὸν πολιτικόν, ἀφ' ἧς οὐ μόνον περὶ τὰς πράξεις ἐσπούδασεν ἐκεῖνος, ὅπως ὅτι πλείστας γνοίη καὶ παραδώσει τοῖς ὕστερον ἐσομένοις, ἀλλὰ καὶ τὰ περὶ τοὺς τόπους τούς τε καθ' ἕκαστα καὶ τοὺς κατὰ σύμπασαν τὴν οἰκουμένην γῆν τε καὶ θάλατταν. Οὐ γὰρ ἂν μέχρι τῶν ἐσχάτων αὐτῆς περάτων ἀφίκετο τῇ μνήμῃ κύκλῳ περιιών. 3. Καὶ πρῶτον μὲν τῷ ὠκεανῷ περίκλυστον, ὥσπερ ἔστιν, ἀπέφαινεν αὐτήν· ἔπειτα δὲ τῶν χωρίων τὰ μὲν ὠνόμαζε, τὰ δὲ ὑπῃνίττετο τεκμηρίοις τισί, Λιβύην μὲν καὶ Αἰθιοπίαν καὶ Σιδονίους καὶ Ἐρεμβούς, οὓς εἰκὸς λέγειν Τρωγλοδύτας Ἄραβας, ῥητῶς λέγων, τοὺς δὲ πρὸς ταῖς ἀνατολαῖς καὶ δύσεσιν αἰνιττόμενος ἐκ τοῦ τῷ ὠκεανῷ κλύζεσθαι· ἐντεῦθεν γὰρ ἀνίσχοντα ποιεῖ τὸν ἥλιον καὶ δυόμενον εἰς τοῦτον, ὡς δ' αὕτως καὶ τὰ ἄστρα· καὶ τοὺς ἀστέρας λελουμένους ἐξ ὠκεανοῦ λέγει. 4. Τῶν δ' ἑσπερίων ἀνδρῶν καὶ τὴν εὐδαιμονίαν ἐμφανίζει καὶ τὴν εὐκρασίαν τοῦ περιέχοντος, πεπυσμένος, ὡς ἔοικε, τὸν Ἰβηρικὸν πλοῦτον, ἐφ' ὃν καὶ Ἡρακλῆς ἐστράτευσε καὶ οἱ Φοίνικες ὕστερον, οἵπερ καὶ κατέσχον τὴν πλείστην ἀρχήν, μετὰ δὲ ταῦτα Ῥωμαῖοι. Ἐνταῦθα γὰρ αἱ τοῦ ζεφύρου πνοαί. Ἐνταῦθα δὲ καὶ τὸ Ἠλύσιον ποιεῖ πεδίον ὁ ποιητής, εἰς ὃ πεμφθήσεσθαί φησι τὸν Μενέλαον ὑπὸ τῶν θεῶν
Ἀλλά
σ'
ἐς Ἠλύσιον
πεδίον καὶ
πείρατα
γαίης 5. Καὶ αἱ τῶν μακάρων δὲ νῆσοι πρὸ τῆς Μαυρουσίας εἰσὶ τῆς ἐσχάτης πρὸς δύσιν, καθ' ὃ μέρος συντρέχει καὶ τῆς Ἰβηρίας τὸ ταύτῃ πέρας· ἐκ δὲ τοῦ ὀνόματος δῆλον, ὅτι καὶ ταύτας ἐνόμιζον εὐδαίμονας διὰ τὸ πλησιάζειν τοιούτοις χωρίοις. 6. Ἀλλὰ μὴν ὅτι γε καὶ οἱ Αἰθίοπες ἐπὶ τῷ ὠκεανῷ ἔσχατοι, δηλοῖ· ὅτι μὲν ἔσχατοι, Αἰθίοπες, τοὶ διχθὰ δεδαίατα, ἔσχατοι ἀνδρῶν,
οὐδὲ τοῦ
«
διχθὰ
δεδαίαται
»
Ζεὺς γὰρ
ἐς ὠκεανὸν μετ'
ἀμύμονας
Αἰθιοπῆας Ὅτι δὲ καὶ ἡ πρὸς ταῖς ἄρκτοις ἐσχατιὰ παρωκεανῖτίς ἐστιν, οὕτως ᾐνίξατο εἰπὼν περὶ τῆς ἄρκτου· Οἴη δ' ἄμμορός ἐστι λοετρῶν ὠκεανοῖο. Οιὰ μὲν γὰρ τῆς ἄρκτου καὶ τῆς ἁμάξης τὸν ἀρκτικὸν δηλοῖ· οὐ γὰρ ἂν τοσούτων ἀστέρων ἐν τῷ αὐτῷ χωρίῳ περιφερομένων τῷ ἀεὶ φανερῷ οἴην ἄμμορον εἶπε λοετρῶν ὠκεανοῖο. Ὥστ' οὐκ εὖ ἀπειρίαν αὐτοῦ καταγινώσκουσιν, ὡς μίαν ἄρκτον ἀντὶ δυεῖν εἰδότος· οὐδὲ γὰρ εἰκὸς ἦν πω τὴν ἑτέραν ἠστροθετῆσθαι, ἀλλ' ἀφ' οὗ οἱ Φοίνικες ἐσημειώσαντο καὶ ἐχρῶντο πρὸς τὸν πλοῦν, παρελθεῖν καὶ εἰς τοὺς Ἕλληνας τὴν διάταξιν ταύτην, ὥσπερ καὶ τὸν Βερενίκης πλόκαμον, καὶ τὸν Κάνωβον, ἐχθὲς καὶ πρώην κατωνομασμένον· πολλοὺς δ' ἔτι νῦν ἀνωνύμους ὄντας, καθάπερ καὶ Ἄρατός φησιν.
Οὐδὲ
Κράτης
οὖν ὀρθῶς
γράφει, φεύγων τὰ μὴ φευκτά. Βελτίων δ' Ἡράκλειτος καὶ ὁμηρικώτερος, ὁμοίως ἀντὶ τοῦ ἀρκτικοῦ τὴν ἄρκτον ὀνομάζων · « ἠοῦς καὶ ἑσπέρης τέρματα ἡ ἄρκτος, καὶ ἀντίον τῆς ἄρκτου οὖρος αἰθρίου Διό ς. » Ὁ γὰρ ἀρκτικός ἐστι δύσεως καὶ ἀνατολῆς ὅρος, οὐχ ἡ ἄρκτος. Διὰ μὲν δὴ τῆς ἄρκτου, ἣν καὶ ἅμαξαν καλεῖ καὶ τὸν Ὠρίωνα δοκεύειν φησί, τὸν ἀρκτικὸν δηλοῖ· διὰ δὲ τοῦ ὠκεανοῦ τὸν ὁρίζοντα, εἰς ὃν καὶ ἐξ οὗ τὰς δύσεις καὶ τὰς ἀνατολὰς ποιεῖται. Εἰπὼν δὲ αὐτοῦ στρέφεσθαι καὶ ἀμοιρεῖν τοῦ ὠκεανοῦ οἶδεν, ὅτι κατὰ σημεῖον τὸ ἀρκτικώτατον τοῦ ὁρίζοντος γίνεται ὁ ἀρκτικός. Ἀκολούθως δὴ τούτῳ τὸ ποιητικὸν ἁρμόσαντες τὸν μὲν ὁρίζοντα ὀφείλομεν δέχεσθαι τὸν ἐπὶ τῆς γῆς οἰκείως τῷ ὠκεανῷ, τὸν δ' ἀρκτικὸν τῆς γῆς ἁπτόμενον ὡς ἂν πρὸς αἴσθησιν κατὰ τὸ ἀρκτικώτατον τῆς οἰκήσεως σημεῖον· ὥστε καὶ τοῦτο τὸ μέρος τῆς γῆς κλύζοιτ' ἂν τῷ ὠκεανῷ κατ' αὐτόν. Καὶ τοὺς ἀνθρώπους δὲ οἶδε τοὺς προσβορέους μάλιστα, οὓς ὀνομαστὶ μὲν οὐ δηλοῖ (οὐδὲ γὰρ νῦν που κοινὸν αὐτοῖς ὄνομα κεῖται πᾶσι), τῇ διαίτῃ δὲ φράζει, νομάδας αὐτοὺς ὑπογράφων καὶ « ἀγαυοὺς ἱππημολγοὺς γαλακτοφάγους ἀβίους τε.» 7. Καὶ ἄλλως δ' ἐμφαίνει τὸ κύκλῳ περικεῖσθαι τῇ γῇ τὸν ὠκεανόν, ὅταν οὕτω φῇ ἡ Ἥρα·
Εἶμι
γὰρ ὀψομένη
πολυφόρβου
πείρατα γαίης Τοῖς γὰρ πέρασι πᾶσι συνήθη λέγει τὸν ὠκεανόν· τὰ δὲ πέρατα κύκλῳ περίκειται· ἔν τε τῇ ὁπλοποιίᾳ τῆς Ἀχιλλέως ἀσπίδος κύκλῳ περιτίθησι τὸν ὠκεανὸν ἐπὶ τῆς ἴτυος. Ἔχεται δὲ τῆς αὐτῆς φιλοπραγμοσύνης καὶ τὸ μὴ ἀγνοεῖν τὰ περὶ τὰς πλημμυρίδας τοῦ ὠκεανοῦ καὶ τὰς ἀμπώτεις « ἀψορρόου ὠκεανοῖο », λέγοντα καί Τρὶς μὲν γάρ τ' ἀνίησιν ἐπ' ἤματι, τρὶς δ' ἀναροιβδεῖ. Καὶ γὰρ εἰ μὴ τρὶς ἀλλὰ δίς, τάχα τῆς ἱστορίας παραπεσόντος, ἢ τῆς γραφῆς διημαρτημένης · ἀλλ' ἥ γε προαίρεσις τοιαύτη. Καὶ τὸ « ἐξ ἀκαλαρρείταο » δὲ ἔχει τινὰ ἔμφασιν τῆς πλημμυρίδος, ἐχούσης τὴν ἐπίβασιν πραεῖαν καὶ οὐ τελέως ῥοώδη. Ποσειδώνιος δὲ καὶ ἐκ τοῦ σκοπέλους λέγειν τοτὲ μὲν καλυπτομένους, τοτὲ δὲ γυμνουμένους, καὶ ἐκ τοῦ ποταμὸν φάναι τὸν ὠκεανὸν εἰκάζει τὸ ῥοῶδες αὐτοῦ τὸ περὶ τὰς πλημμυρίδας ἐμφανίζεσθαι. Τὸ μὲν οὖν πρῶτον εὖ, τὸ δὲ δεύτερον οὐκ ἔχει λόγον· οὔτε γὰρ ποταμίῳ ῥεύματι ἔοικεν ἡ τῆς πλημμυρίδος ἐπίβασις, πολὺ δὲ μᾶλλον ἡ ἀναχώρησις οὐ τοιαύτη. Ὅ τε τοῦ Κράτητος λόγος διδάσκει τι πιθανώτερον. Βαθύρρουν μὲν γὰρ καὶ ἄψορρον λέγει, ὁμοίως δὲ καὶ ποταμὸν τὸν ὅλον ὠκεανόν· λέγει δὲ καὶ μέρος τοῦ ὠκεανοῦ τι ποταμὸν καὶ ποταμοῖο ῥόον, οὐ τοῦ ὅλου ἀλλὰ τοῦ μέρους, ὅταν οὕτω φῇ·
Αὐτὰρ
ἐπεὶ ποταμοῖο
λίπεν ῥόον
ὠκεανοῖο Οὐ γὰρ τὸν ὅλον, ἀλλὰ τὸν ἐν τῷ ὠκεανῷ τοῦ ποταμοῦ ῥόον μέρος ὄντα τοῦ ὠκεανοῦ, ὅν φησιν ὁ Κράτης ἀνάχυσίν τινα καὶ κόλπον ἐπὶ τὸν νότιον πόλον ἀπὸ τοῦ χειμερινοῦ τροπικοῦ διήκοντα. Τοῦτον γὰρ δύναιτ' ἄν τις ἐκλιπὼν ἔτι εἶναι ἐν τῷ ὠκεανῷ· τὸν δὲ ὅλον ἐκλιπόντα ἔτι εἶναι ἐν τῷ ὅλῳ οὐχ οἷόν τε. Ὅμηρος δέ γε οὕτω φησί·
Ποταμοῖο
λίπεν ῥόον, ἥτις οὐκ ἄλλη τίς ἐστιν ἀλλὰ ὠκεανός. γίνεται οὖν, ἐὰν ἄλλως δέχῃ, ἐκβὰς ἐκ τοῦ ὠκεανοῦ ἦλθεν εἰς τὸν ὠκεανόν. Ἀλλὰ ταῦτα μὲν μακροτέρας ἐστὶ διαίτης. 8. Ὅτι δὲ ἡ οἰκουμένη νῆσός ἐστι, πρῶτον μὲν ἐκ τῆς αἰσθήσεως, καὶ τῆς πείρας ληπτέον. Πανταχῆ γάρ, ὁπουποτοῦν ἐφικτὸν γέγονεν ἀνθρώποις ἐπὶ τὰ ἔσχατα τῆς γῆς προελθεῖν, εὑρίσκεται θάλαττα, ἣν δὴ καλοῦμεν ὠκεανόν. Καὶ ὅπου δὲ τῇ αἰσθήσει λαβεῖν οὐχ ὑπῆρξεν, ὁ λόγος δείκνυσι. Τὸ μὲν γὰρ ἑωθινὸν πλευρόν, τὸ κατὰ τοὺς Ἰνδούς, καὶ τὸ ἑσπέριον, τὸ κατὰ τοὺς Ἴβηρας καὶ τοὺς Μαυρουσίους, περιπλεῖται πᾶν ἐπὶ πολὺ τοῦ τε νοτίου μέρους καὶ τοῦ βορείου· τὸ δὲ λειπόμενον ἄπλουν ἡμῖν μέχρι νῦν τῷ μὴ συμμῖξαι μηδένας ἀλλήλοις τῶν ἀντιπεριπλεόντων οὐ πολύ, εἴ τις συντίθησιν ἐκ τῶν παραλλήλων διαστημάτων τῶν ἐφικτῶν ἡμῖν. Οὐκ εἰκὸς δὲ διθάλαττον εἶναι τὸ πέλαγος τὸ Ἀτλαντικόν, ἰσθμοῖς διειργόμενον οὕτω στενοῖς τοῖς κωλύουσι τὸν περίπλουν, ἀλλὰ μᾶλλον σύρρουν καὶ συνεχές. Οἵ τε γὰρ περιπλεῖν ἐγχειρήσαντες, εἶτα ἀναστρέψαντες, οὐχ ὑπὸ ἠπείρου τινὸς ἀντιπιπτούσης καὶ κωλυούσης τὸν ἐπέκεινα πλοῦν ἀνακρουσθῆναι φασίν, ἀλλὰ ὑπὸ ἀπορίας καὶ ἐρημίας, οὐδὲν ἧττον τῆς θαλάττης ἐχούσης τὸν πόρον. Τοῖς τε πάθεσι τοῦ ὠκεανοῦ τοῖς περὶ τὰς ἀμπώτεις καὶ τὰς πλημμυρίδας ὁμολογεῖ τοῦτο μᾶλλον· πάντη γοῦν ὁ αὐτὸς τρόπος τῶν τε μεταβολῶν ὑπάρχει καὶ τῶν αὐξήσεων καὶ μειώσεων, ἣ οὐ πολὺ παραλλάττων, ὡς ἂν ἐπὶ ἑνὸς πελάγους τῆς κινήσεως ἀποδι δομένης καὶ ἀπὸ μιᾶς αἰτίας. 9. Ἵππαρχος δ' οὐ πιθανός ἐστιν ἀντιλέγων τῇ δόξῃ ταύτῃ, ὡς οὔθ' ὁμοιοπαθοῦντος τοῦ ὠκεανοῦ παντελῶς οὔτ', εἰ δοθείη τοῦτο, ἀκολουθοῦντος αὐτῷ τοῦ σύρρουν εἶναι πᾶν τὸ κύκλῳ πέλαγος τὸ Ἀτλαντικόν, πρὸς τὸ μὴ ὁμοιοπαθεῖν μάρτυρι χρώμενος Σελεύκῳ τῷ Βαβυλωνίῳ. Ἡμεῖς δὲ τὸν μὲν πλείω λόγον περὶ τοῦ ὠκεανοῦ καὶ τῶν πλημμυρίδων εἰς Ποσειδώνιον ἀναβαλλόμεθα καὶ Ἀθηνόδωρον, ἱκανῶς διακρατήσαντας τὸν περὶ τούτων λόγον· πρὸς δὲ τὰ νῦν ἐπὶ τοσοῦτον λέγομεν, ὅτι πρός τε τὴν ὁμοιοπάθειαν οὕτω βέλτιον νομίσαι· τά τε οὐράνια συνέχοιτ' ἂν κρεῖττον ταῖς ἐντεῦθεν ἀναθυμιάσεσιν, εἰ πλεῖον εἴη τὸ ὑγρὸν περικεχυμένον. 10. Ὥσπερ οὖν τὰ ἔσχατα καὶ τὰ κύκλῳ τῆς οἰκουμένης οἶδε καὶ φράζει σαφῶς ὁ ποιητής, οὕτω καὶ τὰ τῆς θαλάττης τῆς ἐντός. Περιέχει γὰρ ταύτην ἀπὸ Στηλῶν ἀρξαμένοις Λιβύη τε καὶ Σἴγυπτος καὶ Φοινίκη, ἑξῆς δὲ ἡ πέριξ τῆς Κύπρου, εἶτα Σόλυμοι καὶ Λύκιοι καὶ Κᾶρες, μετὰ δὲ τούτους ἡ μεταξὺ Μυκάλης καὶ τῆς Τρῳάδος ἠιὼν καὶ αἱ προκείμεναι νῆσοι, ὧν ἁπάντων μέμνηται· καὶ ἐφεξῆς τῶν περὶ τὴν Προποντίδα καὶ τοῦ Εὐξείνου μέχρι Κολχίδος καὶ τῆς Ἰάσονος στρατείας. Καὶ μὴν καὶ τὸν Κιμμερικὸν Βόσπορον οἶδε, τοὺς Κιμμερίους εἰδώς· οὐ δήπου τὸ μὲν ὄνομα τῶν Κιμμερίων εἰδὼς, αὐτοὺς δὲ ἀγνοῶν, οἳ κατ' αὐτὸν ἢ μικρὸν πρὸ αὐτοῦ μέχρι Ἰωνίας ἐπέδραμον τὴν γῆν τὴν ἐκ Βοσπόρου πᾶσαν. Αἰνίττεται γοῦν καὶ τὸ κλίμα τῆς χώρας αὐτῶν ζοφῶδες ὄν, καὶ ὡς φησίν,
Ἠέρι
καὶ νεφέλῃ
κεκαλυμμένοι·
οὐδέ ποτ'
αὐτοὺς Γνωρίζει δὲ καὶ τὸν Ἴστρον, μεμνημένος γε Μυσῶν, ἔθνους Θρᾳκίου παροικοῦντος τὸν Ἴστρον. Καὶ μὴν καὶ τὴν ἑξῆς παραλίαν οἶδε, Θρᾳκίαν οὖσαν μέχρι Πηνειοῦ, Παίονάς τε ὀνομάζων καὶ Ἄθω καὶ Ἀξιὸν καὶ τὰς προκειμένας τούτων νήσους. Ἑξῆς δέ ἐστιν ἡ τῶν Ἑλλήνων παραλία μέχρι Θεσπρωτῶν, ἧς ἁπάσης μέμνηται. Καὶ μὴν καὶ τὰ τῆς Ἰταλίας ἄκρα οἶδε, Τεμέσην καλῶν καὶ Σικελούς, καὶ τὰ τῆς Ἰβηρίας ἄκρα καὶ τὴν εὐδαιμονίαν αὐτῶν, ἣν ἀρτίως ἔφαμεν. Εἰ δέ τινα ἐν τοῖς μεταξὺ διαλείμματα φαίνεται, συγγνοίη τις ἄν· καὶ γὰρ ὁ γεωγραφῶν ὄντως πολλὰ παρίησι τῶν ἐν μέρει. Συγγνοίη δ' ἂν, καὶ εἰ μυθώδη τινὰ προσπέπλεκται τοῖς λεγομένοις ἱστορικῶς καὶ διδασκαλικῶς, καὶ οὐ δεῖ μέμφεσθαι. Οὐδὲ γὰρ ἀληθές ἐστιν, ὅ φησιν Ἐρατοσθένης, ὅτι ποιητὴς πᾶς στοχάζεται ψυχαγωγίας, οὐ διδασκαλίας (χ άριν)· τἀναντία γὰρ οἱ φρονιμώτατοι τῶν περὶ ποιητικῆς τι φθεγξαμένων πρώτην τινὰ λέ γουσι φιλοσοφίαν τὴν ποιητικήν. Ἀλλὰ πρὸς Ἐρατοσθένη μὲν αὖθις ἐροῦμεν διὰ πλειόνων, ἐν οἷς καὶ περὶ τοῦ ποιητοῦ πάλιν ἔσται λόγος. 11. Νυνὶ δὲ ὅτι μὲν Ὅμηρος τῆς γεωγραφίας ἦρξεν, ἀρκείτω τὰ λεχθέντα. Φανεροὶ δὲ καὶ οἱ ἐπακολουθήσαντες αὐτῷ ἄνδρες ἀξιόλογοι καὶ οἰκεῖοι φιλοσοφίας· ὧν τοὺς πρώτους μεθ' Ὅμηρον δύο φησὶν Ἐρατοσθένης, Ἀναξίμανδρόν τε, Θαλοῦ γεγονότα γνώριμον καὶ πολίτην, καὶ Ἑκαταῖον τὸν Μιλήσιον· τὸν μὲν οὖν ἐκδοῦναι πρῶτον γεωγραφικὸν πίνακα, τὸν δὲ Ἑκαταῖον καταλιπεῖν γράμμα, πιστούμενον ἐκείνου εἶναι ἐκ τῆς ἄλλης αὐτοῦ γραφῆς. 12. Ἀλλὰ μὴν ὅτι γε δεῖ πρὸς ταῦτα πολυμαθείας, εἰρήκασι συχνοί. Εὖ δὲ καὶ Ἵππαρχος ἐν τοῖς πρὸς Ἐρατοσθένην διδάσκει, ὅτι παντὶ, καὶ ἰδιώτῃ καὶ τῷ φιλομαθοῦντι, τῆς γεωγραφικῆς ἱστορίας προσηκούσης ἀδύνατον λαβεῖν ἄνευ τῆς τῶν οὐρανίων καὶ τῆς τῶν ἐκλειπτικῶν τηρήσεων ἐπικρίσεως· οἷον Ἀλεξάνδρειαν τὴν πρὸς Αἰγύπτῳ, πότερον ἀρκτικωτέρα Βαβυλῶνος ἢ νοτιωτέρα, λαβεῖν οὐχ οἷόν τε, οὐδ' ἐφ' ὁπόσον διάστημα, χωρὶς τῆς διὰ τῶν κλιμάτων ἐπισκέψεως· ὁμοίως τὰς πρὸς ἕω παρακεχωρηκυίας ἢ πρὸς δύσιν μᾶλλον καὶ ἧττον οὐκ ἂν γνοίη τις ἀκριβῶς, πλὴν ἢ διὰ τῶν ἐκλειπτικῶν ἡλίου καὶ σελήνης συγκρίσεων. Οὗτός τε δὴ ταῦτά φησιν. 13. Ἅπάντες, ὅσοι τόπων ἰδιότητας λέγειν ἐπιχειροῦσιν, οἰκείως προσάπτονται καὶ τῶν οὐρανίων καὶ γεωμετρίας, σχήματα καὶ μεγέθη καὶ ἀποστήματα καὶ κλίματα δηλοῦντες καὶ θάλπη καὶ ψύχη καὶ ἁπλῶς τὴν τοῦ περιέχοντος φύσιν. Ἐπεὶ καὶ οἶκον κατασκευάζων οἰκοδόμος ταῦτα ἂν προορῷτο καὶ πόλιν κτίζων ἀρχιτέκτων, μή τί γε ὅλην ἐπισκοπῶν τὴν οἰκουμένην ἀνήρ· πολὺ γὰρ τούτῳ προσήκει μᾶλλον. Ἐν μὲν γὰρ τοῖς μικροῖς χωρίοις τὸ πρὸς ἄρκτους ἢ πρὸς νότον κεκλίσθαι παραλλαγὴν οὐ πολλὴν ἔχει, ἐν δὲ τῷ παντὶ κύκλῳ τῆς οἰκουμένης πρὸς ἄρκτον μὲν τὸ μέχρι τῶν ὑστάτων ἐστὶ τῆς Σκυθίας ἢ τῆς Κελτικῆς, μέχρι δὲ τῶν ὑστάτων Αἰθιόπων τὰ πρὸς νότον· τοῦτο δὲ παμπόλλην ἔχει διαφοράν. Ὁμοίως δὲ καὶ τὸ παρ' Ἰνδοῖς οἰκεῖν ἢ παρ' Ἴβηρσιν· ὧν τοὺς μὲν ἑῴους μάλιστα τοὺς δὲ ἑσπερίους, τρόπον δέ τινα καὶ ἀντίποδας ἀλλήλοις ἴσμεν. 14. Πᾶν δὲ τὸ τοιοῦτον ἐκ τῆς τοῦ ἡλίου καὶ τῶν ἄλλων ἄστρων κινήσεως τὴν ἀρχὴν ἔχον καὶ ἔτι τῆς ἐπὶ τὸ μέσον φορᾶς ἀναβλέπειν ἀναγκάζει πρὸς τὸν οὐρανὸν καὶ πρὸς τὰ φαινόμενα παρ' ἑκάστοις ἡμῶν τῶν οὐρανίων· ἐν δὲ τούτοις ἐξαλλάξεις ὁρῶνται παμμεγέθεις τῶν οἰκήσεων. Τίς ἂν οὖν διαφορὰς τόπων ἐκτιθέμενος καλῶς καὶ ἱκανῶς διδάσκοι, μὴ φροντίσας τούτων μηδενὸς μηδ' ἐπὶ μικρόν; καὶ γὰρ εἰ μὴ δυνατὸν κατὰ τὴν ὑπόθεσιν τὴν τοιαύτην ἅπαντα ἀκριβοῦν διὰ τὸ εἶναι πολιτικωτέραν, τό γε ἐπὶ τοσοῦτον, ἐφ' ὅσον καὶ τῷ πολιτικῷ παρακολουθεῖν δυνατόν, προσήκοι ἂν εἰκότως.
15.
Ὁ δ' οὕτω
μετεωρίσας
ἤδη τὴν
διάνοιαν οὐδὲ
τῆς ὅλης
ἀπέχεται γῆς.
Φαίνεται
γὰρ γελοῖον,
εἰ τὴν
οἰκουμένην
γλιχόμενος
σαφῶς
ἐξειπεῖν τῶν
μὲν οὐρανίων
ἐτόλμησεν
ἅψασθαι καὶ
χρήσασθαι
πρὸς τὴν
διδασκαλίαν,
τὴν δ' ὅλην
γῆν, ἧς
μέρος ἡ
οἰκουμένη,
μήθ' ὁπόση,
μήθ' ὁποία
τις, μήθ' ὅπου
κειμένη τοῦ
σύμπαντος
κόσμου, μηδὲν
ἐφρόντισε·
μηδ' εἰ
καθ' ἓν
μέρος
οἰκεῖται
μόνον τὸ καθ'
ἡμᾶς ἢ κατὰ
πλείω (ἢ) καὶ
πόσα·
ὡς δ' αὕτως
καὶ τὸ
ἀοίκητον
αὐτῆς πόσον
καὶ ποῖόν τι
καὶ διὰ τί.
Ἔοικεν
οὖν
μετεωρολογικῇ
τινι
πραγματείᾳ
καὶ
γεωμετρικῇ
συνῆφθαι τὸ
τῆς
γεωγραφίας
εἶδος, τὰ
ἐπίγεια τοῖς
οὐρανίοις
συνάπτον εἰς
ἕν, ὡς
ἐγγυτάτω ὄντα,
ἀλλὰ μὴ
διεστῶτα
τοσοῦτον 16. Φέρε δὴ τῇ τοσαύτῃ πολυμαθείᾳ προσθῶμεν τὴν ἐπίγειον ἱστορίαν, οἷον ζῴων καὶ φυτῶν καὶ τῶν ἄλλων, ὅσα χρήσιμα ἢ δύσχρηστα φέρει γῆ τε καὶ θάλασσα. Οἶμαι γὰρ ἐναργὲς ἂν γενέσθαι μᾶλλον ὃ λέγω. Ὅτι δὲ καὶ τὸ ὄφελος μέγα παντὶ τῷ παραλαβόντι τὴν τοιαύτην ἱστορίαν ἔκ τε τῆς παλαιᾶς μνήμης δῆλον καὶ ἐκ τοῦ λόγου. Οἱ γοῦν ποιηταὶ φρονιμωτάτους τῶν ἡρώων ἀποφαίνουσι τοὺς ἀποδημήσαντας πολλαχοῦ καὶ πλανηθέντας· ἐν μεγάλῳ γὰρ τίθενται τὸ « πολλῶν ἀνθρώπων ἰδεῖν ἄστεα καὶ νόον γνῶναι», καὶ ὁ Νέστωρ σεμνύνεται διότι τοῖς Λαπίθαις ὡμίλησεν, ἐλθὼν μετάπεμπτος Τηλόθεν ἐξ ἀπίης γαίης· καλέσαντο γὰρ αὐτοί. Καὶ ὁ Μενέλαος ὡσαύτως,
Κύπρον Φοινίκην
τε καὶ
αἰγυπτίους
ἐπαληθεὶς Πάντα γὰρ τὰ τοιαῦτα παρασκευαί τινες εἰς φρόνησιν μεγάλαι τῷ μαθεῖν τῆς χώρας τὴν φύσιν καὶ ζῴων καὶ φυτῶν ἰδέας. Προςθεῖναι δὲ καὶ τὰ τῆς θαλάττης· ἀμφίβιοι γὰρ τρόπον τινά ἐσμεν καὶ οὐ μᾶλλον χερσαῖοι ἢ θαλάττιοι. Καὶ τὸν Ἡρακλέα εἰκὸς ἀπὸ τῆς πολλῆς ἐμπειρίας τε καὶ ἱστορίας λεχθῆναι Μεγάλων ἐπιίστορα ἔργων. Ἔκ τε δὴ τῆς παλαιᾶς μνήμης καὶ ἐκ τοῦ λόγου μαρτυρεῖται τὰ λεχθέντα ἐν ἀρχαῖς ὑφ' ἡμῶν. Διαφερόντως δ' ἐπάγεσθαι δοκεῖ μοι πρὸς τὰ νῦν ἐκεῖνος ὁ λόγος, διότι τῆς γεωγραφίας τὸ πλέον ἐστὶ πρὸς τὰς χρείας τὰς πολιτικάς. Χώρα γὰρ τῶν πράξεων ἐστὶ γῆ καὶ θάλαττα, ἣν οἰκοῦμεν· τῶν μὲν μικρῶν μικρὰ τῶν δὲ μεγάλων μεγάλη· μεγίστη δ' ἡ σύμπασα, ἥνπερ ἰδίως καλοῦμεν οἰκουμένην, ὥστε τῶν μεγίστων πράξεων αὕτη ἂν εἴη χώρα. Μέγιστοι δὲ τῶν στρατηλατῶν, ὅσοι δύνανται γῆς καὶ θαλάττης ἄρχειν, ἔθνη καὶ πόλεις συνάγοντες εἰς μίαν ἐξουσίαν καὶ διοίκησιν πολιτικήν. Δῆλον οὖν ὅτι ἡ γεωγραφικὴ πᾶσα ἐπὶ τὰς πράξεις ἀνάγεται τὰς ἡγεμονικάς, διατιθεῖσα ἠπείρους καὶ πελάγη τὰ μὲν ἐντὸς τὰ δὲ ἐκτὸς τῆς συμπάσης οἰκουμένης. Πρὸς τούτους δὲ ἡ διάθεσις, οἷς διαφέρει ταῦτα ἔχειν οὕτως ἢ ἑτέρως, καὶ γνώριμα εἶναι ἢ μὴ γνώριμα. Βέλτιον γὰρ ἂν διαχειρίζοιεν ἕκαστα, εἰδότες τὴν χώραν ὁπόση τις καὶ πῶς κειμένη τυγχάνει καὶ τίνας διαφορὰς ἴσχουσα, τάς τ' ἐν τῷ περιέχοντι καὶ τὰς ἐν αὐτῇ. Ἄλλων δὲ κατ' ἄλλα μέρη δυναστευόντων καὶ ἀπ' ἄλλης ἑστίας καὶ ἀρχῆς τὰς πράξεις προχειριζομένων καὶ ἐπεκτεινόντων τὸ τῆς ἡγεμονίας μέγεθος, οὐκ ἐπ' ἴσης δυνατὸν οὔτ' ἐκείνοις ἅπαντα γνωρίζειν οὔτε τοῖς γεωγραφοῦσιν· ἀλλὰ τὸ μᾶλλον καὶ ἧττον πολὺ ἐν ἀμφοτέροις καθορᾶται τούτοις. Μόλις γὰρ [ἂν] τὸ ἐπ' ἴσης πάντ' εἶναι φανερὰ συμβαίη τῆς συμπάσης οἰκουμένης ὑπὸ μίαν ἀρχὴν καὶ πολιτείαν ὑπηγμένης· ἀλλ' οὐδ' οὕτως, ἀλλὰ τὰ ἐγγυτέρω μᾶλλον ἂν γνωρίζοιτο. Κἂν προσήκοι ταῦτα διὰ πλειόνων ἐμφανίζειν, ἵν' εἴη γνώριμα· ταῦτα γὰρ καὶ τῆς χρείας ἐγγυτέρω ἐστίν. Ὥστ' οὐκ ἂν εἴη θαυμαστὸν οὐδ' εἰ ἄλλος μὲν Ἰνδοῖς προσήκοι χωρογράφος, ἄλλος δὲ Αἰθίοψιν, ἄλλος δὲ Ἕλλησι καὶ Ῥωμαίοις. Τί γὰρ ἂν προσήκοι τῷ παρ' Ἰνδοῖς γεωγράφῳ καὶ τὰ κατὰ Βοιωτοὺς οὕτω φράζειν, ὡς Ὅμηρος·
Οἵθ'
Ὑρίην ἐνέμοντο
καὶ
Αὐλίδα
πετρήεσσαν ἡμῖν δὲ προσήκει· τὰ δὲ παρ' Ἰνδοῖς οὕτω καὶ τὰ καθ' ἕκαστα οὐκέτι. Οὐδὲ γὰρ ἡ χρεία ἐπάγεται · μέτρον δ' αὕτη μάλιστα τῆς τοιαύτης ἐμπειρίας. 17. Καὶ τοῦτο καὶ ἐν μικροῖς μὲν δῆλόν ἐστιν, οἷον ἐν τοῖς κυνηγεσίοις. Ἄμεινον γὰρ ἂν θηρεύσειέ τις εἰδὼς τὴν ὕλην, ὁποία τις καὶ πόση· καὶ στρατοπεδεῦσαι δὲ καλῶς ἐν χωρίῳ τοῦ εἰδότος ἐστὶ καὶ ἐνεδρεῦσαι καὶ ὁδεῦσαι. Ἀλλ' ἐν τοῖς μεγάλοις ἐστὶ τηλαυγέστερον, ὅσῳπερ καὶ τὰ ἆθλα μείζω τὰ τῆς ἐμπειρίας καὶ τὰ σφάλματα [τὰ] ἐκ τῆς ἀπειρίας. Ὁ μέντοι Ἀγαμέμνονος στόλος τὴν Μυσίαν ὡς τὴν Τρῳάδα πορθῶν ἐπαλινδρόμησεν αἰσχρῶς. Πέρσαι δὲ καὶ Λίβυες, τοὺς πορθμοὺς ὑπονοήσαντες εἶναι τυφλοὺς στενωπούς, ἐγγὺς μὲν ἦλθον κινδύνων μεγάλων, τρόπαια δὲ τῆς ἀγνοίας κατέλιπον· οἱ μὲν τὸν τοῦ Σαλγανέως τάφον πρὸς τῷ Εὐρίπῳ τῷ Χαλκιδικῷ τοῦ σφαγέντος ὑπὸ τῶν Περσῶν ὡς καθοδηγήσαντος φαύλως ἀπὸ Μαλιέων ἐπὶ τὸν εὔριπον τὸν στόλον· οἱ δὲ τὸ τοῦ Πελώρου μνῆμα καὶ τούτου διαφθαρέντος κατὰ τὴν ὁμοίαν αἰτίαν· πλήρης τε ναυαγίων ἡ Ἑλλὰς ὑπῆρξε κατὰ τὴν Ξέρξου στρατείαν, καὶ ἡ τῶν Αἰολέων δὲ καὶ ἡ τῶν Ἰώνων ἀποικία πολλὰ τοιαῦτα πταίσματα παραδέδωκεν. Ὁμοίως δὲ καὶ κατορθώματα, ὅπου τι κατορθωθῆναι συνέβη παρὰ τὴν ἐμπειρίαν τῶν τόπων· καθάπερ ἐν τοῖς περὶ Θερμοπύλας στενοῖς ὁ Ἐφιάλτης λέγεται δείξας τὴν διὰ τῶν ὀρῶν ἀτραπὸν τοῖς Πέρσαις ὑποχειρίους αὐτοῖς ποιῆσαι τοὺς περὶ Λεωνίδαν καὶ δέξασθαι τοὺς βαρβάρους εἴσω Πυλῶν. Ἐάσας δὲ τὰ παλαιὰ τὴν νῦν Ῥωμαίων στρατείαν ἐπὶ Παρθυαίους ἱκανὸν ἡγοῦμαι τούτων τεκμήριον· ὡς δ' αὕτως τὴν ἐπὶ Γερμανοὺς καὶ Κελτούς, ἐν ἕλεσι καὶ δρυμοῖς ἀβάτοις ἐρημίαις τε τοπομαχούντων τῶν βαρβάρων καὶ τὰ ἐγγὺς πόρρω ποιούντων τοῖς ἀγνοοῦσι καὶ τὰς ὁδοὺς ἐπικρυπτομένων καὶ τὰς εὐπορίας τροφῆς τε καὶ τῶν ἄλλων. 18. Τὸ μὲν δὴ πλέον, ὥσπερ εἴρηται, πρὸς τοὺς ἡγεμονικοὺς βίους καὶ τὰς χρείας· ἔτι δὲ καὶ τῆς ἠθικῆς φιλοσοφίας καὶ πολιτικῆς τὸ πλέον περὶ τοὺς ἡγεμονικοὺς βίους. Σημεῖον δέ· τὰς γὰρ τῶν πολιτειῶν διαφορὰς ἀπὸ τῶν ἡγεμονιῶν διακρίνομεν, ἄλλην μὲν ἡγεμονίαν τιθέντες τὴν μοναρχίαν, ἣν καὶ βασιλείαν καλοῦμεν, ἄλλην δὲ τὴν ἀριστοκρατίαν, τρίτην δὲ τὴν δημοκρατίαν. Τοσαύτας δὲ καὶ τὰς πολιτείας νομίζομεν, ὁμωνύμως καλοῦντες ὡς ἂν ἀπ' ἐκείνων τὴν ἀρχὴν ἐχούσας τῆς εἰδοποιίας· ἄλλος γὰρ νόμος τὸ τοῦ βασιλέως πρόσταγμα, ἄλλος δὲ τὸ τῶν ἀρίστων καὶ τὸ τοῦ δήμου. Τύπος δὲ καὶ σχῆμα πολιτείας ὁ νόμος. Διὰ τοῦτο δὲ καὶ τὸ δίκαιον εἶπόν τινες τὸ τοῦ κρείττονος συμφέρον. Εἴπερ οὖν ἡ πολιτικὴ φιλοσοφία περὶ τοὺς ἡγεμόνας τὸ πλέον ἐστίν, ἔστι δὲ καὶ ἡ γεωγραφία περὶ τὰς ἡγεμονικὰς χρείας, ἔχοι ἄν τι πλεονέκτημα καὶ αὕτη παρὰ τοῦτο. Ἀλλὰ τοῦτο μὲν τὸ πλεονέκτημα πρὸς τὰς πράξεις. 19. Ἔχει δέ τινα καὶ θεωρίαν οὐ φαύλην ἡ πραγματεία, τὴν μὲν τεχνικήν τε καὶ μαθηματικὴν καὶ φυσικήν, τὴν δὲ ἐν ἱστορίᾳ καὶ μύθοις κειμένην οὐδὲν οὖσι πρὸς τὰς πράξεις· οἷον εἴ τις λέγοι τὰ περὶ τὴν Ὀδυσσέως πλάνην καὶ Μενελάου καὶ Ἰάσονος, εἰς φρόνησιν μὲν οὐδὲν ἂν συλλαμβάνειν δόξειεν, ἣν ὁ πράττων ζητεῖ, πλὴν εἰ καταμίσγοι καὶ τῶν γενομένων ἀναγκαίων τὰ παραδείγματα χρήσιμα· διαγωγὴν δ' ὅμως πορίζοι ἂν οὐκ ἀνελεύθερον τῷ ἐπιβάλλοντι ἐπὶ τοὺς τόπους τοὺς παρασχόντας τὴν μυθοποιίαν. Καὶ γὰρ τοῦτο ζητοῦσιν οἱ πράττοντες διὰ τὸ ἔνδοξον καὶ τὸ ἡδύ, ἀλλ' οὐκ ἐπὶ πολύ· μᾶλλον γὰρ σπουδάζουσιν, ὡς εἰκός, περὶ τὰ χρήσιμα. διόπερ καὶ τῷ γεωγράφῳ τούτων μᾶλλον ἢ ἐκείνων ἐπιμελητέον. ὡς δ' αὕτως ἔχει καὶ περὶ τῆς ἱστορίας καὶ περὶ τῶν μαθημάτων· καὶ γὰρ τούτων τὸ χρήσιμον ἀεὶ μᾶλλον ληπτέον καὶ τὸ πιστότερον. 20. Μάλιστα δὲ δοκεῖ, καθάπερ εἴρηται, γεωμετρίας τε καὶ ἀστρονομίας δεῖν τῇ τοιαύτῃ ὑποθέσει. Καὶ δεῖ μὲν ὡς ἀληθῶς· σχήματα γὰρ καὶ κλίματα καὶ μεγέθη καὶ τὰ ἄλλα τὰ τούτοις οἰκεῖα οὐχ οἷόν τε λαβεῖν καλῶς ἄνευ τῆς τοιαύτης μεθόδου. ἀλλ' ὥσπερ τὰ περὶ τὴν ἀναμέτρησιν τῆς ὅλης γῆς ἐν ἄλλοις δεικνύουσιν, ἐνταῦθα δὲ ὑποθέσθαι δεῖ καὶ πιστεῦσαι τοῖς ἐκεῖ δειχθεῖσιν· ὑποθέσθαι δὲ καὶ σφαιροειδῆ μὲν τὸν κόσμον, σφαιροειδῆ δὲ καὶ τὴν ἐπιφάνειαν τῆς γῆς, ἔτι δὲ τούτων πρότερον τὴν ἐπὶ τὸ μέσον τῶν σωμάτων φοράν. Ταῦτα μὲν οὖν ἐπεὶ τῆς αἰσθήσεως ἢ τῶν κοινῶν ἐννοιῶν ἐγγύς ἐστιν, εἰ ἄρα, ἐπισημηνάμεθ' ἂν ἐπὶ κεφαλαίῳ μικρά· οἷον ὅτι ἡ γῆ σφαιροειδής, ἐκ μὲν τῆς ἐπὶ τὸ μέσον φορᾶς πόρρωθεν ἡ ὑπόμνησις καὶ τοῦ ἕκαστον σῶμα ἐπὶ τὸ αὑτοῦ ἄρτημα νεύειν, ἐκ δὲ τῶν κατὰ πελάγη καὶ τὸν οὐρανὸν φαινομένων ἐγγύθεν· καὶ γὰρ ἡ αἴσθησις ἐπιμαρτυρεῖν δύναται καὶ ἡ κοινὴ ἔννοια. Φανερῶς γὰρ ἐπιπροσθεῖ τοῖς πλέουσιν ἡ κυρτότης τῆς θαλάττης, ὥστε μὴ προσβάλλειν τοῖς πόρρω φέγγεσι τοῖς ἐπ' ἴσον ἐξῃρμένοις τῇ ὄψει. Ἐξαρθέντα γοῦν πλέον τῆς ὄψεως ἐφάνη, καίτοι πλέον ἀποσχόντα αὐτῆς· ὁμοίως δὲ καὶ αὐτὴ μετεωρισθεῖσα εἶδε τὰ κεκρυμμένα πρότερον. Ὅπερ δηλοῖ καὶ ὁ ποιητής· τοιοῦτον γάρ ἐστι καὶ τό ὀξὺ μάλα προιιδών, μεγάλου ὑπὸ κύματος ἀρθείς. Καὶ τοῖς προσπλέουσι δὲ ἀεὶ καὶ μᾶλλον ἀπογυμνοῦται τὰ πρόσγεια μέρη καὶ τὰ φανέντα ἐν ἀρχαῖς ταπεινὰ ἐξαίρεται μᾶλλον. Τῶν τε οὐρανίων ἡ περιφορὰ ἐναργής ἐστι καὶ ἄλλως καὶ ἐκ τῶν γνωμονικῶν· ἐκ δὲ τούτων εὐθὺς ὑποτείνει καὶ ἡ ἔννοια, ὅτι ἐρριζωμένης ἐπ' ἄπειρον τῆς γῆς οὐκ ἂν ἡ τοιαύτη περιφορὰ συνέβαινε. Καὶ τὰ περὶ τῶν κλιμάτων δὲ ἐν τοῖς περὶ τῶν οἰκήσεων δείκνυται. 21. Νυνὶ δὲ ἐξ ἑτοίμου δεῖ λαβεῖν ἔνια, καὶ ταῦθ' ὅσα τῷ πολιτικῷ καὶ τῷ στρατηλάτῃ χρήσιμα. Οὔτε γὰρ οὕτω δεῖ ἀγνοεῖν τὰ περὶ τὸν οὐρανὸν καὶ τὴν θέσιν τῆς γῆς, ὥστ' ἐπειδὰν γένηται κατὰ τόπους, καθ' οὓς ἐξήλλακταί τινα τῶν φαινομένων τοῖς πολλοῖς ἐν τῷ οὐρανῷ, ταράττεσθαι καὶ τοιαῦτα λέγειν·
Ὦ
φίλοι, οὐ
γάρ τ' ἴδμεν ὅπη
ζόφος, οὐδ'
ὅπη ἠώς, οὔθ' οὕτως ἀκριβοῦν, ὥστε τὰς πανταχοῦ συνανατολάς τε καὶ συγκαταδύσεις καὶ συμμεσουρανήσεις καὶ ἐξάρματα πόλων καὶ τὰ κατὰ κορυφὴν σημεῖα καὶ ὅσα ἄλλα τοιαῦτα κατὰ τὰς μεταπτώσεις τῶν ὁριζόντων ἅμα καὶ τῶν ἀρκτικῶν διαφέροντα ἀπαντᾷ· τὰ μὲν πρὸς τὴν ὄψιν, τὰ δὲ καὶ τῇ φύσει, γνωρίζειν ἅπαντα· ἀλλὰ τὰ μὲν μηδ' ὅλως φροντίζειν, πλὴν εἰ θέας φιλοσόφου χάριν, τοῖς δὲ πιστεύειν, κἂν μὴ βλέπῃ τὸ διὰ τί. Καὶ γὰρ τοῦτο τοῦ φιλοσοφοῦντος μόνου, τῷ δὲ πολιτικῷ σχολῆς οὐ τοσαύτης μέτεστιν, ἢ οὐκ ἀεί. Οὐ μὴν οὐδ' οὕτως ὑπάρχειν ἁπλοῦν δεῖ τὸν ἐντυγχάνοντα τῇ γραφῇ ταύτῃ καὶ ἀργόν, ὥστε μηδὲ σφαῖραν ἰδεῖν, μηδὲ κύκλους ἐν αὐτῇ, τοὺς μὲν παραλλήλους, τοὺς δ' ὀρθίους πρὸς τούτους, τοὺς δὲ λοξούς· μηδὲ τρο πικῶν τε καὶ ἰσημερινοῦ καὶ ζωδιακοῦ θέσιν, δι' οὗ φερόμενος ὁ ἥλιος τρέπεται καὶ διδάσκει διαφορὰς κλιμάτων τε καὶ ἀνέμων. Ταῦτα γὰρ καὶ τὰ περὶ τοὺς ὁρίζοντας καὶ τοὺς ἀρκτικοὺς καὶ ὅσα ἄλλα κατὰ τὴν πρώτην ἀγωγὴν τὴν εἰς τὰ μαθήματα παραδίδοται κατανοήσας τις ἄλλως πως δύναται παρακολουθεῖν τοῖς λεγομένοις ἐνταῦθα; ὁ [ δὲ] μηδ' εὐθεῖαν γραμμὴν ἢ περιφερῆ, μηδὲ κύκλον εἰδώς, μηδὲ σφαιρικὴν ἐπιφάνειαν ἢ ἐπίπεδον, μηδ' ἐν τῷ οὐρανῷ μηδὲ τοὺς ἑπτὰ τῆς μεγάλης ἄρκτου ἀστέρας καταμαθὼν, μηδ' ἄλλο τι τῶν τοιούτων μηδέν, ἢ οὐκ ἂν δέοιτο τῆς πραγματείας ταύτης ἢ οὐχὶ νῦν, ἀλλ' ἐκείνοις ἐντυχὼν πρότερον, ὧν χωρὶς οὐκ ἂν εἴη γεωγραφίας οἰκεῖος. 22. Ἁπλῶς δὲ κοινὸν εἶναι τὸ σύγγραμμα τοῦτο δεῖ καὶ πολιτικὸν καὶ δημωφελὲς ὁμοίως ὥσπερ τὴν τῆς ἱστορίας γραφήν. Κἀκεῖ δὲ πολιτικὸν λέγομεν οὐχὶ τὸν παντάπασιν ἀπαίδευτον, ἀλλὰ τὸν μετασχόντα τῆς τε ἐγκυκλίου καὶ συνήθους ἀγωγῆς τοῖς ἐλευθέροις καὶ τοῖς φιλοσοφοῦσιν· οὐδὲ γὰρ ἂν οὔτε ψέγειν δύναιτο καλῶς οὔτ' ἐπαινεῖν, οὐδὲ κρίνειν ὅσα μνήμης ἄξια τῶν γεγονότων, ὅτῳ μηδὲν ἐμέλησεν ἀρετῆς καὶ φρονήσεως καὶ τῶν εἰς ταῦτα λόγων. Οὕτως δὲ καὶ οἱ τοὺς λιμένας καὶ τοὺς περίπλους καλουμένους πραγματευθέντες ἀτελῆ τὴν ἐπίσκεψιν ποιοῦνται, μὴ προστιθέντες ὅσα ἐκ τῶν μαθημάτων καὶ ἐκ τῶν οὐρανίων συνάπτειν προσῆκε. 23. Διόπερ ἡμεῖς πεποιηκότες ὑπομνήματα ἱστορικὰ χρήσιμα, ὡς ὑπολαμβάνομεν, εἰς τὴν ἠθικὴν καὶ πολιτικὴν φιλοσοφίαν, ἔγνωμεν προσθεῖναι καὶ τήνδε τὴν σύνταξιν· ὁμοειδὴς γὰρ καὶ αὕτη, καὶ πρὸς τοὺς αὐτοὺς ἄνδρας, καὶ μάλιστα τοὺς ἐν ταῖς ὑπεροχαῖς. Ἔτι δὲ τὸν αὐτὸν τρόπον, ὅνπερ ἐκεῖ τὰ περὶ τοὺς ἐπι φανεῖς ἄνδρας καὶ βίους τυγχάνει μνήμης, τὰ δὲ μικρὰ καὶ ἄδοξα παραλείπεται, κἀνταῦθα δεῖ τὰ μικρὰ καὶ τὰ ἀφανῆ παραπέμπειν, ἐν δὲ τοῖς ἐνδόξοις καὶ μεγάλοις καὶ ἐν οἷς τὸ πραγματικὸν καὶ εὐμνημόνευτον καὶ ἡδὺ διατρίβειν. Καθάπερ τε καὶ ἐν τοῖς κολοσσικοῖς ἔργοις οὐ τὸ καθ' ἕκαστον ἀκριβὲς ζητοῦμεν, ἀλλὰ τοῖς καθόλου προσέχομεν μᾶλλον, εἰ καλῶς τὸ ὅλον· οὕτως κἀν τούτοις δεῖ ποιεῖσθαι τὴν κρίσιν. Κολοσσουργία γάρ τις καὶ αὕτη, τὰ μεγάλα φράζουσα πῶς ἔχει καὶ τὰ ὅλα, πλὴν εἴ τι κινεῖν δύναται καὶ τῶν μικρῶν τὸν φιλειδήμονα καὶ τὸν πραγματικόν. Ὅτι μὲν οὖν σπουδαῖον τὸ προκείμενον ἔργον καὶ φιλοσόφῳ πρέπον, ταῦτα εἰρήσθω. |
CHAPITRE II. 1. Si, après que tant d'autres ont traité ces matières, nous entreprenons de les traiter à notre tour, qu'on attende pour nous en blâmer que nous ayons été convaincu de n'avoir fait que répéter dans les mêmes termes tout ce qu'ils avaient dit avant nous. Il nous a semblé, en effet, que, malgré l'habileté avec laquelle nos prédécesseurs avaient traité, ceux-ci telle partie, ceux-là telle autre, ils avaient laissé dans le reste encore beaucoup à faire, et que, si peu que nous pussions ajouter à leur travail, ce peu suffirait encore à justifier notre entreprise. Or, la génération présente a vu ses connaissances géographiques s'étendre sensiblement avec les progrès de la domination des Romains et des Parthes, comme déjà, au dire d'Ératosthène, les générations postérieures à Alexandre avaient vu les leurs s'accroître beaucoup par le fait de ses conquêtes. Alexandre, en effet, nous a révélé en quelque sorte une grande partie de l'Asie, et, dans le nord de l'Europe, tout le pays jusqu'à l'Ister; les Romains à leur tour nous ont révélé tout l'occident de l'Europe jusqu'à l'Albis, fleuve qui partage en deux la Germanie, sans compter la région qui s'étend au delà de l'Ister jusqu'au fleuve Tyras. Quant à la contrée ultérieure jusqu'aux frontières des Maeotes et à la partie du littoral qui aboutit à la Colchide, c'est par Mithridate Eupator et par ses lieutenants que nous les connaissons. Enfin, grâce aux Parthes, l'Hyrcanie, la Bactriane et la portion de la Scythie qui s'étend au-dessus de ces deux contrées nous sont mieux connues qu'elles ne l'étaient de nos prédécesseurs : n'y eût-il que cela, nous aurions donc, on le voit, quelque chose à dire de plus qu'eux. Mais c'est ce qu'on verra mieux encore par les critiques que nous dirigeons contre eux, non pas tant contre les plus anciens que contre ceux qui sont venus après Ératosthène et contre Ératosthène lui-même, et cela à dessein et par la raison que leur grande supériorité de lumières sur le commun des hommes doit rendre d'autant plus difficile pour les générations futures la réfutation des erreurs qu'ils ont pu commettre. Si, du reste, nous nous voyons forcé de contredire parfois les autorités mêmes que nous avons choisies pour nos guides habituels, qu'on nous le pardonne. Ce n'est pas, en effet, chez nous un parti pris à l'avance de contredire tous les géographes sans exception qui nous ont précédé; il en est beaucoup au contraire que nous comptons négliger absolument comme nous ayant paru des guides trop peu sûrs, et nous réservons nos critiques pour ceux que nous savons être habituellement exacts. Disputer en règle contre toute espèce d'adversaires, ce serait en vérité perdre sa peine; mais contre un Ératosthène, un Posidonius, un Hipparque, un Polybe et autres noms pareils, il y a quelque-chose de glorieux à le faire. 2. Nous commencerons par Ératosthène l'examen en question, mettant toujours en regard de nos jugements les critiques qu'Hipparque a dirigées contre lui. Ératosthène ne mérite assurément pas qu'on le traite aussi cavalièrement que l'a fait Polémon, qui prétend démontrer qu'il n'avait même pas visité Athènes; mais il ne mérite pas non plus la confiance aveugle que quelques-uns ont en lui, malgré ce grand nombre de maîtres soi-disant excellents dont il aurait été le disciple. Il a écrit ceci : Jamais peut-être on n'avait vu fleurir dans une même enceinte, dans une seule et même cité, autant de philosophes éminents qu'on en comptait alors autour d'Arcésilaüs et d'Ariston. — Soit, mais à mon sens cela ne suffit point, et l'important était de savoir discerner dans le nombre le meilleur guide à suivre. C'est Arcésilaüs, on le voit, et Ariston qu'il met en tête des philosophes de son temps; il préconise beaucoup aussi Apelle et Bion, Bion, qui le premier, pour nous servir de son expression, « para la philosophie de la robe à fleurs des courtisanes », mais de qui, aussi, à l'en croire, on eût pu dire souvent avec le poète (32) : « Que de beautés mâles sous ces guenilles ! » Or ces seules appréciations suffisent à montrer son peu de jugement. Comment lui, qui fut à Athènes le disciple de Zénon de Citium, il ne mentionne pas un seul de ceux qui continuèrent l'enseignement du maître, et il vient nous nommer, comme ayant toute la vogue de son temps, les rivaux mêmes et les ennemis de Zénon, de qui il ne reste pas aujourd'hui apparence d'école! Son traité des Biens, ses Déclamations, ses autres ouvrages du même genre achèvent du reste , de nous montrer quelle a été sa vraie tendance philosophique : il a tenu comme qui dirait le milieu entre le philosophe décidé et celui qui, n'osant s'engager résolument dans la carrière, s'en tient uniquement à l'apparence ou ne voit dans la philosophie qu'une diversion agréable ou instructive au cercle habituel de ses études, sans compter que, jusque dans ces autres études, nous le retrouvons en quelque sorte toujours le même- Mais laissons cela, ne touchons présentement qu'aux points sur lesquels sa Géographie peut être rectifiée, et, pour commencer, reprenons la question réservée par nous tout à l'heure. 3. Est-il vrai, comme le prétend Ératosthène, que le poète vise uniquement à récréer l'esprit et nullement à l'instruire? Les Anciens définissaient, au contraire, la poésie une sorte de philosophie primitive, qui nous introduit dès l'enfance dans la science de la vie et nous instruit par la voie du plaisir de tout ce qui est relatif aux mœurs, aux passions et aux actions de l'homme; notre école aujourd'hui va même plus loin : elle proclame que le sage seul est poète. De là aussi cet usage pratiqué par les différents gouvernements de la Grèce de faire commencer la première éducation des enfants par la poésie, considérée apparemment non comme un simple moyen de divertissement, mais bien comme une école de sagesse. Ajoutons que les musiciens eux-mêmes, ceux qui enseignent soit à chanter au son des instruments soit à jouer de la lyre ou de la flûte, revendiquent ce mérite pour leur art et s'intitulent « précepteurs et correcteurs des mœurs », et que ce n'est pas là une opinion exclusivement pythagoricienne, qu'Aristoxène l'a émise également, et qu'Homère déjà qualifie les aèdes de « sophronistes ou d'instituteurs », notamment ce gardien de Clytemnestre, « A qui Atride, en partant pour Troie, avait longuement recommandé sa femme et confié le soin de veiller sur elle (33). » On sait, en effet, qu'Égisthe ne réussit à triompher de la vertu de la reine qu'après avoir « Conduit l'aède, pour l'y abandonner, sur les rivages d'une île déserte...: voulant alors ce que voulait son amant, Clytemnestre suivit Égisthe jusque dans sa maison (34). » Ératosthène d'ailleurs se contredit ici lui-même : avant d'émettre la proposition en question, quelques lignes à peine plus haut, et tout au début de son Traité de géographie, il avait solennellement déclaré que, dès la plus haute antiquité, tous les hommes ont eu à cœur de publier leurs connaissances géographiques ; qu'Homère, par exemple, a inséré dans ses vers tout ce qu'il avait pu apprendre des Éthiopiens, de l'Égypte et de la Libye, entrant même, à propos de la Grèce et des pays voisins, dans des détails presque trop minutieux, puisqu'il va jusqu'à rappeler et les « innombrables pigeons de Thisbé (35) » et les « gazons d'Haliarte (36) » et la « situation extrême d'Anthedon (37) » et celle de Lilée « aux sources du Céphise (38) », et qu'en général il évite de laisser échapper fût-ce une épithète inutile. - Or, je le demande, celui qui agit de la sorte vise-t-il plutôt à amuser qu'à instruire? - Ici peut-être, répondront les partisans d'Ératosthène, Homère songe à instruire; en revanche tout ce qui n'est pas proprement du domaine des sens a été peuplé par lui, comme par les autres poètes, de monstres imaginaires, semblables à ceux de la Fable. - Soit; mais alors il eût fallu dire que tout poète compose tantôt uniquement en vue de l'agrément, tantôt aussi en vue de l'instruction de ses lecteurs ; et c'est ce que ne fait pas Ératosthène, qui accuse Homère d'avoir cherché partout et toujours à amuser, jamais à instruire. Il va plus loin, et, pour corroborer son dire, demande ce que pourraient ajouter au mérite du poète cette connaissance exacte d'une infinité de lieux et toutes ces notions de stratégie, d'agriculture, de rhétorique et d'autres sciences encore que quelques-uns ont prétendu attribuer à Homère. - En prêtant ainsi à Homère la science universelle, on peut paraître, nous l'avouons, entraîné par un excès de zèle, et, comme le dit Hipparque, autant vaudrait faire honneur à l'eirésiôné attique des poires, des pommes dont elle est chargée, mais qu'elle ne peut produire, que de revendiquer pour Homère la connaissance de toutes les sciences, et de tous les arts sans exception. Sur ce point-là donc, ô Ératosthène, tu as peut-être raison; mais à coup sûr tu te trompes quand, non content de refuser à Homère autant d'érudition, tu prétends réduire la poésie à n'être qu'une vieille conteuse de fables, qu'on laisse libre d'imaginer tout ce qui peut lui sembler bon à divertir les esprits. N'y a-t-il donc rien, en effet, dans l'audition des poètes qui puisse nous porter à la vertu? Toutes ces notions, par exemple, de géographie, d'art militaire, d'agriculture et de rhétorique, que cette audition tout au moins nous procure, ne peuvent-elles rien pour ce but suprême? 4. Homère pourtant prête toutes ces connaissances à Ulysse, c'est-à-dire à celui de ses héros qu'il se plaît à décorer de toutes les vertus. C'est à lui, en effet, que s'applique ce vers : « Il avait visité de nombreuses cités et observé les mœurs de beaucoup d'hommes (39); » et cet autre passage : « Il possédait toutes les ressources de la ruse et celles de la prudence (40). » C'est lui qu'il nomme toujours le « destructeur des villes », lui encore qui réussit à prendre Ilion « Par la force de ses conseils, de sa parole et de sa trompeuse adresse.... » « Qu'il consente à me suivre, s'écrie aussi Diomède en parlant de lui, et nous reviendrons tous deux, fût-ce du milieu des flammes (41). » Ce qui n'empêche point qu'Ulysse ne se vante ailleurs de ses connaissances agricoles et de sa dextérité comme faucheur : « Qu'on me donne dans ce champ une faux à la lame recourbée et à toi la pareille (42), »; comme laboureur aussi : « Et tu verras si je sais creuser un long et droit sillon (43). » Et notez qu'Homère n'est point seul à penser de la sorte; tous les esprits éclairés, invoquant son témoignage, ont reconnu la justesse de cette thèse, que rien ne contribue autant à donner la sagesse qu'une semblable expérience des choses pratiques de la vie. 5. Quant à la rhétorique, qu'est-elle en somme ? La sagesse appliquée à la parole. Eh bien! Tout le long du poème également ce genre de sagesse brille chez Ulysse, témoin la scène de l'Épreuve 44), et celle des Prières (45) et celle de l'Ambassade (46), où le poète fait dire à Anténor en parlant de lui : « Mais quand on entendait cette voix puissante sortir de sa poitrine et que de ses lèvres les paroles tombaient abondantes et pressées, comme les neiges d'hiver, nul mortel alors n'aurait pu disputer à Ulysse la palme de l'éloquence (47). » Comment supposer maintenant que le poète qui a le talent de mettre les autres en scène, les faisant parler avec éloquence, commander les armées avec habileté, déployer en un mot tous les genres de mérite, ne soit lui-même qu'un de ces bavards, un de ces charlatans experts uniquement à duper le peuple par leurs jongleries et à flatter leur auditoire, mais incapables de lui rien apprendre d'utile? Le vrai mérite du poète, nous le demandons, ne consiste-t-il pas à faire de ses vers l'imitation même de la vie humaine? Eh bien ! Comment l'imitera-t-il, s'il n'a ni jugement ni expérience des choses de la vie? A nos yeux, d'ailleurs, le mérite des poètes ne saurait être de même nature que celui des ouvriers qui travaillent le bois ou les métaux : le mérite de ceux-ci n'implique dans leur caractère rien d'élevé ni d'auguste, mais le mérite du poète est inséparable de celui de l'homme même, tellement qu'il est absolument impossible de devenir bon poète, si l'on n'est au préalable homme de bien. 6. Prétendre donc enlever au poète jusqu'à la rhétorique, autrement dit l'art oratoire, en vérité c'est se rire de nous. Y a-t-il, en effet, de plus grand mérite pour l'orateur que celui du style? Et pour le poète également? Or, qui a jamais surpassé Homère pour la beauté du style? - Sans doute, dira-t-on; mais le style qui convient au poète diffère du style qui convient à l'orateur. - Diffère, oui, mais comme une espèce diffère d'une autre espèce du même genre, comme dans la poésie même la forme tragique diffère de la forme comique, et dans la prose la forme historique de la forme judiciaire. Nierez-vous donc que le langage constitue un genre, divisé en deux espèces distinctes, le langage mesuré et le langage prosaïque, ou si c'est que vous admettez que le langage absolument parlant puisse former un genre, mais non pas le langage, le style, l'éloquence oratoire? Eh bien ! Moi j'irai plus loin, je dirai que l'espèce de langage appelé prose, la prose ornée s'entend, n'est qu'une imitation du langage poétique. La première de beaucoup, la forme poétique parut dans le monde et y fit fortune; plus tard, dans leurs Histoires, les Cadmus, les Phérécyde, les Hécatée l'imitèrent encore, et, si ce n'est qu'ils en brisèrent le mètre, ils retinrent d'ailleurs tous les caractères distinctifs de la poésie; mais leurs successeurs, en retranchant au fur et à mesure quelqu'un de ces traits distinctifs, amenèrent la prose, descendue en quelque sorte des hauteurs qu'elle avait occupées jusque-là, à la forme que nous lui voyons aujourd'hui. C'est comme si l'on disait que la comédie, née du sein même de la tragédie, a quitté les hautes régions que celle-ci habite pour se ravaler jusqu'au ton de ce que nous nommons actuellement le langage prosaïque ou discours familier. Le mot chanter mis par les anciens au lieu et place du mot dire est une preuve de plus de ce fait, que la vraie source, le vrai principe du style orné ou style oratoire a été la poésie. En effet, dans les représentations publiques, la poésie se produisait toujours accompagnée de chant : c'était là l'ode, autrement dit le langage modulé, d'où sont venus les noms de rhapsodie, de tragédie, de comédie; et comme, dans le principe, le mot dire s'entendait uniquement de la diction poétique, et que celle-ci était accompagnée d'ode ou de chant, le mot chanter se trouva être pour les anciens synonyme de dire. Puis, l'une de ces deux expressions ayant été, par abus, appliquée à la prose elle-même, l'abus finit par s'étendre également à l'autre. Enfin le nom seul de discours pédestre, employé pour désigner la prose ou le langage affranchi de tout mètre, suffirait à nous la montrer descendue en quelque sorte d'un lieu élevé, et de son char, si l'on peut dire, ayant mis pied à terre. 7. Il n'est pas exact non plus de prétendre, comme l'a fait Ératosthène, qu'Homère n'a décrit en détail que ce qui était prés de lui et ce qui se trouvait en Grèce; il a décrit de même les contrées lointaines. Il a apporté aussi un soin particulier, plus de soin même qu'aucun des poètes, ses successeurs, dans l'emploi de la fable, ne visant pas en tout et toujours au prodigieux, mais sachant mêler, sous forme d'allégories, de fictions ou d'apologues, des leçons utiles à ses récits, notamment à celui des errances d'Ulysse: sur ce point-là encore Ératosthène s'est donc grossièrement trompé, puisqu'il n'a pas craint de qualifier de « sornettes » les commentaires sur l'Odyssée, et l'Odyssée elle-même. Mais la question vaut la peine d'être traitée plus au long. 8. Et d'abord notons que les poètes n'ont pas été seuls à admettre les fables : longtemps, bien longtemps même avant les poètes, les chefs d'État et les législateurs en avaient fait usage, en raison de l'utilité qu'elles présentent, et pour répondre à une disposition naturelle de l'être ou « animal pensant. » Car l'homme est avide de savoir, et son amour des fables est comme un premier indice de ce penchant. De là vient aussi, qu'en général, les fables sont les premières leçons qu'entendent les enfants et ce qu'on leur propose comme premiers sujets d'entretien. Et la cause de ce choix c'est que la fable, qui ne représente pas ce qui existe, mais autre chose que ce qui existe, leur révèle en quelque sorte un monde nouveau. Or, on aime toujours le nouveau, l'inconnu ; c'est même là ce qui rend avide de savoir, et, quand à la nouveauté s'ajoutent l'étonnant et le merveilleux, le plaisir est doublé, le plaisir, qui est comme le philtre de la science. Pour commencer, il y a donc nécessité d'user de semblables appâts mais, avec le progrès de l'âge, quand le jugement s'est fortifié, et que l'esprit n'a plus besoin d'être flatté, c'est à la connaissance du monde réel qu'il faut l'acheminer. Ajoutons que tout ignorant, tout homme sans instruction n'est lui-même, à proprement parler, qu'un enfant, aimant les fables comme un enfant les aime; l'homme même qui n'a reçu qu'une instruction médiocre en est là aussi jusqu'à un certain point : car chez lui, non plus, la raison n'a pas acquis toute sa force, sans compter qu'elle subit encore l'influence d'une habitude d'enfance. Mais, comme à côté du merveilleux qui fait plaisir, nous avons le merveilleux qui fait peur, il y a lieu de se servir de l'une et de l'autre forme avec les enfants, voire même avec les adultes. En conséquence, nous racontons aux enfants les fables agréables pour les tourner au bien, les fables effrayantes pour les détourner du mal : Lamia, par exemple, Gorge, Éphialte et Mormolyce sont autant de mythes de la dernière espèce. Quant au peuple de nos grandes villes, nous le voyons aussi, sensible à l'agrément des fables, se laisser entraîner au bien par l'audition de récits, comme ceux qu'ont faits les poètes des exploits fabuleux des héros, des travaux, par exemple, d'un Hercule ou d'un Thésée et des honneurs décernés par les dieux à leur courage, voire même, à la rigueur, rien que par la vue de peintures, de statues ou de bas-reliefs représentant quelque épisode semblable tiré de la fable. D'autre part, il suffit, pour qu'il se détourne avec horreur du mal, que, par l'audition de certains récits ou le spectacle de certaines figures monstrueuses, il perçoive la notion de châtiments, de terreurs, de menaces envoyés par les dieux, ou qu'il se persuade qu'il y a eu dans le monde des hommes frappés de la sorte. C'est qu'en effet il est impossible que la foule des femmes et la vile multitude se laissent guider par le pur langage de la philosophie et gagner ainsi à la piété, à la justice, à la bonne foi ; pour les amener à ces vertus, il faut recourir encore à la superstition. Mais sans l'emploi des mythes et du merveilleux, comment développer la superstition? Qu'est-ce en effet que la foudre, l'égide, le trident, les torches, les dragons, les thyrses, toutes ces armes des dieux, et en général tout cet appareil de l'antique théologie, si ce n'est de pures fables, dont les chefs ou fondateurs d'États se sont servis, comme on se sert des masques de théâtre, pour effrayer les âmes faibles. L'esprit des mythes poétiques étant ce que nous venons de dire et pouvant en somme exercer une heureuse influence sur les conditions de la vie sociale et politique, et profiter même à la connaissance de la réalité historique, on conçoit que les Anciens aient conservé, pour l'appliquer aux générations adultes, l'enseignement de l'enfance, et vu dans la poésie une école de sagesse propre à tous les âges. Plus tard, il est vrai, parurent l'histoire et la philosophie dans sa forme actuelle ; mais la philosophie et l'histoire ne s'adressent qu'au petit nombre, tandis que la poésie, d'une utilité plus générale, attire encore la foule dans les théâtres, et la poésie d'Homère infiniment plus qu'aucune autre. D'ailleurs, les premiers historiens et les premiers philosophes, ceux qu'on nomme les philosophes-physiciens, avaient été eux-mêmes des mythographes. 9. Par la raison maintenant qu'il rapportait les fables à un but moral et instructif, Homère a dû faire et a fait dans ses récits la part très grande à la vérité. Assurément « il y a mêlé le mensonge » ; mais, tandis que la vérité est le fond sur lequel il bâtit, le mensonge n'est pour lui qu'un moyen de séduire et d'entraîner les masses. « Et de même que la main de l'artiste ajoute à l'argent l'éclat d'une bordure d'or (48), » de même aux scènes vraies de l'histoire Homère allie la fable, comme un attrait, comme une parure de plus ajoutée à sa parole, sans cesser pour cela de viser au même but que l'historien ou que tout autre narrateur d'événements réels. C'est ainsi qu'ayant pris pour sujet un fait historique, la Guerre de Troie, il l'a embelli de ses mythes poétiques, et les erreurs d'Ulysse pareillement. Mais élever sur une base complètement chimérique elle-même tout un vain amas de prodiges et de fictions, le procédé n'eût pas été homérique, sans compter que le mensonge (la chose tombe sous le sens) paraît moins incroyable, quand on y mêle dans une certaine mesure la pure vérité. Polybe ne dit pas autre chose dans le passage où il disserte en règle sur les erreurs d'Ulysse; et Homère lui-même le donne à entendre dans ce passage : « Ulysse mêlait souvent à ses discours des mensonges comme ceux-ci qu'on pouvait prendre pour la vérité même (49); » Car, notez que le poète a dit souvent, et non pas toujours, ce qui eût ôté aux mensonges du héros cet air de vérité. Homère a donc tiré de l'histoire le fond même de ses poèmes. L'histoire en effet nous montre un prince du nom d'Éole régnant sur ce groupe d'îles dont Lipara est le centre ; elle signale aussi aux environs de l'Etna et de Leontium certains peuples inhospitaliers du nom de Cyclopes et de Lestrygons, et explique même par cette circonstance comment le détroit était alors inaccessible à la navigation ; elle ajoute que Charybde et Scylla étaient deux repaires de pirates. Ainsi des autres peuples mentionnés par Homère : nous les retrouvons tous dans l'histoire établis en telle ou telle contrée de la terre. Il savait, par exemple, que les Cimmériens habitaient aux environs du Bosphore cimmérique une région boréale et brumeuse, c'en fut assez pour que, par une licence heureuse et pour les besoins de la fable qu'il voulait mêler aux erreurs d'Ulysse, il transportât ce peuple dans une contrée ténébreuse, au seuil même de l'enfer. Nul doute, du reste, qu'il ne connût les Cimmériens, puisque, d'après les calculs des chronographes, l'invasion cimmérienne a précédé de peu l'époque où il vivait, si même elle ne lui est contemporaine. 10. Il connaissait pareillement et la situation de la Colchide et le fait de la navigation de Jason à Aea, et, en général, tout ce que la fable et l'histoire rapportent des enchantements de Circé et de Médée et de leurs autres traits de ressemblance : à l'aide maintenant de ces données, et sans tenir compte de l'énorme distance qui séparait les deux enchanteresses, puisque l'une habitait au fond du Pont, et l'autre en Italie, il imagina entre elles un lien d'étroite parenté, et osa les transporter toutes deux hors des mers intérieures, en plein Océan. Peut-être bien aussi Jason, dans ses errances, s'était-il écarté jusqu'en Italie ; car on montre aujourd'hui encore aux abords des monts Cérauniens, dans les parages d'Adria, dans le golfe Posidoniate et dans les îles qui bordent la Tyrrhénie, certains vestiges du passage des Argonautes. L'existence des Cyanées, ces roches qu'on nomme quelquefois les Symplégades, et qui rendent si difficile le passage du détroit de Byzance, était une donnée de plus dont Homère sut tirer bon parti. De la sorte, et par suite du rapprochement naturel qu'on établit entre son île d'Aea et la ville d'Aea, entre ses Planctae et les roches Symplégades, la navigation de Jason à travers les Planctae acquit de la vraisemblance, comme le rapprochement avec ce qu'on savait de Charybde et de Scylla rendit plus vraisemblable l'épisode « du passage d'Ulysse entre les deux rochers. » En somme, on se représentait de son temps la mer Pontique comme un autre Océan, et quiconque naviguait dans ces parages semblait s'être autant écarté que s'il se fût avancé par delà les colonnes d'Hercule ; elle était réputée, en effet, la plus grande de nos mers et, par excellence, on l'appelait le Pont, le Pont proprement dit, comme on appelle Homère le poète. Il se pourrait même que ce fût là le motif qui engagea Homère à transporter dans l'Océan les scènes dont le Pont avait été le théâtre, ce déplacement lui ayant paru devoir être, en raison de l'opinion régnante, plus aisément accueilli du public. Je croirais volontiers aussi que la position des Solymes aux confins de la Lycie et de la Pisidie, sur les sommets les plus élevés du Taurus, jointe à cette circonstance, que les populations comprises en dedans du Taurus, et surtout les populations du Pont, voyaient en eux les gardiens et les maîtres des principaux passages de cette grande chaîne du côté du midi, est ce qui l'a induit à déplacer de même cette nation et à la transporter sur les bords de l'Océan, situation extrême, analogue jusqu'à un certain point à celle qu'elle occupait réellement. Voici du reste le passage en question, il s'agit d'Ulysse errant sur son frêle esquif : « Cependant le puissant Neptune revient de chez les Éthiopiens; du haut des monts Solymes, il découvre au loin le héros (50) » Peut-être enfin Homère a-t-il emprunté à l'histoire des Scythes l'idée de son mythe des Cyclopes à un œil, les Scythes-Arimaspes, qu'Aristée de Proconnèse a le premier fait connaître dans son poème des Arimaspies, passant aussi pour n'avoir qu'un œil. 11. Cela posé, examinons ce que veulent dire ceux qui ont prétendu qu'il fallait chercher dans les parages de la Sicile ou de l'Italie le théâtre attribué par Homère aux errances d'Ulysse. La chose en effet peut s'entendre de deux façons, bien ou mal : bien, si l'on conçoit qu'Homère, sérieusement convaincu de la réalité des courses d’Ulysse dans ces parages, a accepté cette donnée comme vraie historiquement, mais l'a traitée avec la libre imagination d'un poète (et l'on est d'autant plus autorisé à croire que c'est là ce qu'a fait Homère qu'aujourd'hui encore on retrouve, non seulement en Italie, mais jusqu'aux derniers confins de l'Ibérie, les traces du passage d'Ulysse et de celui de maint autre héros); mal, si l'on veut voir de l'histoire dans de pures fictions, sans reconnaître, ce qui pourtant saute aux yeux, qu'en parlant comme il fait de l'Océan, de l'Enfer, des Bœufs du Soleil, du séjour d'Ulysse et des métamorphoses de ses compagnons dans le palais des déesses, de la stature colossale des Cyclopes et des Lestrygons, de la figure monstrueuse de Scylla, des distances énormes parcourue par le vaisseau d'Ulysse et de mainte autre circonstance analogue, Homère emploie à dessein le merveilleux poétique. Or, suivant nous, l'homme qui peut méconnaître à ce point les procédés du poète ne mérite pas même qu'on le réfute, car il n'eût pas fait pis en affirmant que le retour d'Ulysse dans Ithaque, le massacre des prétendants et le combat du héros contre les Ithaciens hors de l'enceinte de la ville se sont réellement passés comme le raconte Homère; et d'autre part il nous paraît souverainement injuste qu'on vienne chercher querelle à ceux qui entendent le poète ainsi qu'il faut l'entendre. 12. C'est pourtant là ce que fait Ératosthène en condamnant l'un et l'autre modes d'interprétation, mais dans les deux cas il a tort: tort dans le second cas, en ce qu'il prend la peine de réfuter longuement des mensonges notoires et qui ne méritaient pas même un mot de réfutation ; tort dans le premier cas en ce qu'il traite toute poésie de bavardage frivole, qu'il dénie aux connaissances techniques ou géographiques toute efficacité pour former les âmes à la vertu, et que, distinguant les fables en deux classes, suivant qu'elles se rattachent à un théâtre réel, comme Ilion, l'Ida ou le Pélion, ou à un théâtre imaginaire, comme le séjour des Gorgones ou celui de Géryon, il n'hésite pas à ranger dans cette deuxième catégorie le théâtre des errances d'Ulysse, prenant même à partie ceux qui le tiennent pour un emplacement réel et nullement fictif, et concluant de leur désaccord sur tel ou tel point secondaire que ce sont d'effrontés menteurs c'est ainsi qu'il triomphe de ce qu'on place les Sirènes tantôt sur le Pelorias, tantôt sur les Sirénusses, à plus de deux mille stades de là, tandis qu'à l'entendre le nom de Sirènes désigne ce rocher à triple pointe qui sépare le golfe de Cumes du golfe Posidoniate. Mais d'abord ledit rocher n'a pas trois pointes, il n'offre même pas à proprement parler de pointe élevée ou de promontoire, car la côte entre Surrentum et le détroit de Caprées décrit une espèce de coude allongé et étroit, avec le temple des Sirènes sur l'un des deux versants et au pied de l'autre versant, c'est-à-dire du versant du golfe Posidoniate, trois îlots déserts et rocheux, qui sont ce qu'on nomme proprement les Sirènes, tandis que sur le bord même du détroit s'élève un Athenaeum ou temple de Minerve qui donne son nom au coude tout entier. 13. Ajoutons qu'il ne faut pas, sous prétexte que, dans la description de certains lieux, différents auteurs ne se seront pas accordés de tout point, se tant hâter de rejeter comme fausse la description entière : dans certains cas même, il y aurait là une raison de plus pour croire à l'exactitude de l'ensemble. Dans le cas présent, notamment, étant cherché si les erreurs d'Ulysse ont eu réellement pour théâtre les parages de la Sicile et de l'Italie et si le séjour attribué aux Sirènes s'y trouve réellement quelque part, celui qui les place sur le Pelorias est loin sans doute de s'accorder avec celui qui les place aux Sirénusses, mais ni l'un ni l'autre ne diffèrent d'opinion par rapport à ce troisième qui nous les montre dans les parages de la Sicile et de l'Italie : ils rendent même l'assertion de celui-ci plus probable, par la raison que, sans désigner le même lieu, ils ne sont pas sortis non plus des parages de la Sicile et de l'Italie. Que si quelqu'un maintenant ajoute que le tombeau de Parthénopé, l'une des Sirènes, se voit à Neapolis, cette nouvelle circonstance ne rend-elle pas la chose encore plus croyable, bien qu'en nommant Neapolis on ait fait intervenir une troisième localité? Qu'on rappelle enfin que Neapolis est située précisément dans ce golfe qu'Ératosthène nomme le golfe Cyméen et qui est formé par les Sirénusses, et nous voilà persuadé plus fermement encore que ce sont bien là les lieux qu'habitaient les Sirènes. Assurément nous ne croyons pas que le poète ait sur chaque détail de ce genre pris des informations exactes, l'exactitude est même le moindre mérite que nous exigions de lui , nous ne saurions néanmoins supposer un seul instant qu'il ait pu composer son poème, sans rien savoir de positif sur les errances d Ulysse et sans rechercher où et comment elles avaient eu lieu. 14. Tel n'est pas cependant l'avis d'Ératosthène : Hésiode, lui, à l'en croire, aurait été parfaitement instruit et convaincu de la réalité des courses d'Ulysse dans les parages de la Sicile et de l'Italie, et la preuve qu'il en donne, c'est qu'au lieu de s'en tenir à la nomenclature homérique il a mentionné de plus et l'Etna, et Ortygie, cet îlot situé en avant de Syracuse, et la Tyrrhénie; mais, pour Homère, Ératosthène ne veut pas admettre qu'il ait pu connaître, lui aussi, ces noms et qu'il ait jamais eu la pensée d'assigner des lieux connus pour théâtre aux errances du héros- Eh quoi! Si la Tyrrhénie et l'Etna sont des lieux connus de tous, est-ce donc que le Scyllæum et Charybde, Circaeum et les Sirénusses soient des lieux complètement ignorés? Ou bien Ératosthène prétend-il que le frivole bavardage des poètes était au-dessous de la majesté d'Hésiode, et qu'il a été réservé à lui seul de suivre toujours les traditions reçues, tandis que le lot d'Homère a été de chanter étourdiment au gré de sa langue indiscrète? Mais, indépendamment de ce que nous avons déjà dit du caractère particulier aux mythes homériques, le grand nombre d'historiens qui ont célébré les mêmes faits, joint à la persistance des mêmes traditions dans les localités en question, ne prouve-t-il pas abondamment que ce ne sont pas là des fictions de poètes ou d'historiens, mais bien les vestiges réels de personnages et d'événements des temps passés? 15. Polybe, qui, lui aussi, a disserté sur le fait des errances d'Ulysse, a bien mieux su interpréter la pensée d'Homère : « Eole, nous dit-il, indiquait d'une voix prophétique les moyens de franchir les parages du détroit rendus si dangereux par le va-et-vient perpétuel des marées, de là ce surnom d'arbitre ou de dispensateur des vents, et ce titre de roi que l'admiration des peuples lui a décerné. De même Danaüs, pour avoir révélé le gisement des sources d'Argos, et Atrée, pour avoir enseigné que la révolution du soleil se fait en sens contraire du mouvement du ciel, tous deux en raison de cette faculté de prédire l'avenir et d'interpréter la volonté des dieux, se sont vus décorer du titre de rois. De même encore, maints prêtres égyptiens, chaldéens ou mages, en raison de leur supériorité dans telle ou telle branche de la science, ont obtenu de nos ancêtres commandements et dignités : de même enfin, chacun de nos dieux doit les honneurs qu'on lui rend à ce qu'il est réputé l'inventeur de quelqu'un de nos arts utiles. » Cela dit en façon de préambule, Polybe nie formellement qu'on puisse entendre dans le sens mythique soit le personnage d'Éole, en particulier, soit l'ensemble de l'Odyssée : quelques détails fabuleux sans importance ont bien pu, ajoute-t-il, y trouver place, comme dans le poème de la guerre d'Ilion, mais pour tout le reste le récit que fait le poète des événements, dont les parages de la Sicile ont été le théâtre, ne diffère pas de celui des autres historiens, qui ont rapporté les traditions des différentes localités de l'Italie et de la Sicile. Polybe n'applaudit pas non plus à l'étrange boutade d'Ératosthène s'écriant : « Le théâtre des erreurs d'Ulysse! Vous le trouverez le jour où vous aurez trouvé aussi l'ouvrier corroyeur qui a cousu l'OUTRE DES VENTS. » Loin de là, il nous montre comment le portrait qu'Homère a fait de Scylla s'applique exactement aux circonstances de la pêche des galéotes, telle qu'elle se fait autour du Scyllaeum : « Sans cesse bondissant autour de son rocher, le monstre poursuit dauphins et chiens marins; et la proie, même plus grosse, n'échappe point à sa rage (51). » Effectivement les thons, réunis en troupe, après avoir longé la côte de l'Italie, s'engagent dans le détroit, mais écartés de la côte de Sicile [par la force des courants], ils rencontrent des animaux de plus grande taille, tels que dauphins, chiens marins et autres cétacés, et deviennent ainsi la proie dont s'engraissent les galéotes, que Polybe nous dit s'appeler aussi espadons et chiens marins. Car ce qui se produit là, dans le détroit, comme aussi dans le Nil et dans les autres fleuves à l'époque des grandes crues, ressemble tout à fait à ce qui arrive dans les forêts incendiées : les bêtes menacées se rassemblent pour fuir le feu et l'eau et deviennent la proie d'animaux plus forts. 16. Polybe ne s'en tient pas là et nous décrit tout au long la pêche des galéotes, telle qu'elle se fait aux abords du Scyllæum. On place un homme en vigie, qui doit donner le signal à la fois pour tous les pêcheurs arrêtés au mouillage et montés sur de petites barques birèmes, deux sur chaque : tandis que l'un conduit la barque, l'autre, debout sur la proue, tient en main un harpon. La vigie signale l'apparition du galéote, qui s'avance d'ordinaire un bon tiers du corps hors de l'eau. La barque le joint et le pêcheur, une fois à portée de sa proie, la frappe de son harpon, puis le lui arrache du corps, moins le fer qui est fait en forme d’hameçon, et fixé exprès très mollement à la hampe. On lâche alors à l'animal blessé le long câble attaché au harpon, jusqu'à ce qu'il se soit épuisé à se débattre et à fuir; puis on le tire à terre ou bien on le recueille dans la barque, s'il n'est pas de dimensions énormes. Le harpon tomberait à la mer qu'il ne serait point perdu pour cela, vu qu'on a soin de le faire de bois de chêne et de bois de sapin, pour que, si la partie en chêne plonge entraînée par son poids, le reste demeure hors de l'eau et se laisse aisément reprendre. Il n'est pas rare que le rameur soit blessé à travers la barque, tant est longue l'épée des galéotes, tant cette pêche par l'énergique résistance de l'animal rappelle les dangers de la chasse au sanglier ! « De tels faits, ajoute Polybe, permettent de conclure, à ce qu'il semble, que ce sont bien les parages de la Sicile qu'Homère a entendu assigner pour théâtre aux errances d'Ulysse, puisqu'il attribue à Scylla poursuivant sa proie les habitudes mêmes des pêcheurs du Scyllæum; et la même conclusion se peut tirer des détails qu'il donne au sujet de Charybde, vu l'analogie qu'ils présentent avec les phénomènes qu'on observe dans le détroit. Quant à avoir dans le vers déjà cité (52), « Trois fois elle le rejette, etc. » trois fois au lieu de deux, ce n'est là, suivant Polybe, qu'une erreur sans importance soit de copie, soit d'observation. 17. « Ce qui se voit à Méninx, poursuit-il, s'accorde aussi le mieux du monde avec ce qu'Homère a raconté des Lotophages », et, si par hasard quelques circonstances ne se rapportent point, il veut qu'on s'en prenne soit aux changements que le temps a pu produire, soit aux défauts de renseignements précis, soit même à la licence poétique, laquelle consiste à employer tour à tour l'histoire, la diathèse et la fable. De ces trois éléments différents, l'un, l'histoire, a la vérité pour fin et intervient dans le Catalogue des vaisseaux, par exemple, quand le poète rappelle le caractère propre à chaque lieu, le sol pierreux de telle ville, l'extrême éloignement de telle autre; les nuées de colombes que nourrit celle-ci, la proximité où celle-là est de la mer; le second élément, la diathèse, a pour fin principale de produire de l'effet sur les âmes, et intervient par exemple dans les peintures de combats; quant à la fable, son objet, comme on sait, est de plaire et de surprendre. « Mais toujours la fiction, dit Polybe, et rien que la fiction, mauvais moyen pour persuader, procédé anti-homérique ! » Car la poésie d'Homère, tout le monde en convient, est une œuvre philosophique, bien différente par conséquent de ce que la juge Ératosthène, quand il défend d'appliquer à la poésie en général le critérium de la raison, c'est-à-dire le sens commun et d'y chercher aucune notion d'histoire positive. Polybe trouve aussi que le vers suivant : « De là et durant neuf jours je me sentis emporté par des vents contraires (53) », est plus facile à admettre, si on l'entend d'un faible trajet (car un vent défavorable ne vous pousse jamais directement au but), que si l'on veut y voir Ulysse emporté en plein Océan, comme il aurait pu l'être par des vents favorables soufflant sans interruption. « Encore, ajoute Polybe, en supposant que la distance de Malées aux Colonnes d'Hercule (distance évaluée par lui précédemment à 22 500 stades) ait été parcourue dans les neuf jours avec une vitesse égale, le trajet de chaque jour se trouverait-il avoir été de 2500 stades. Or, qui a jamais vu que de la Lycie ou de Rhodes, on soit venu en deux jours à Alexandrie? Et pourtant la distance entre ces deux points n'excède pas 4000 stades. » Enfin, auprès de ceux qui demandent comment il se peut faire qu'Ulysse ait abordé trois fois en Sicile, sans avoir passé une seule fois par le détroit, il excuse Homère en rappelant que les navigateurs modernes eux-mêmes ont toujours évité avec soin de tenir cette route. 18. Ainsi s'exprime Polybe, et en général il a raison. Mais quand il révoque en doute le fait de la navigation d'Ulysse hors des limites de la mer intérieure et en plein Océan, et qu'il entreprend de ramener la distance parcourue dans les neuf jours à une évaluation rigoureuse et à des mesures précises, il atteint lui-même en vérité aux dernières limites de l'inconséquence. Il cite bien à l'appui de sa thèse certains vers d'Homère, celui-ci par exemple : « De là et durant neuf jours je me sentis emporté par les vents pernicieux (54) » mais, d'un autre côté, il en dissimule d'importants comme celui-ci, « Quand le navire eut quitté le courant du fleuve Océan (55), » comme celui-ci encore, « Dans l'île d’Ogygie, surnommée le nombril ou le centre de la mer (56), » comme cette autre circonstance que dans ladite île précisément habite la fille d'Atlas, et comme ces vers relatifs aux Phéaciens , « Nous vivons isolés au sein de la mer immense, et, perdus aux derniers confins de la terre, nous n'avons de commerce avec aucun des mortels (57), » tous passages, pourtant, dans lesquels le théâtre de la fiction est évidemment la mer Atlantique. Or, en les dissimulant, comme il fait, Polybe supprime ou étouffe proprement l'évidence, en quoi, certes, il a tort. En revanche, il a pleinement raison de faire des parages de l'Italie et de la Sicile le théâtre principal des errances d'Ulysse et [la nomenclature géographique desdits parages] est là pour confirmer son opinion. Peut-on admettre, en effet, que l'unique autorité d'un poète, d'un historien, quel qu'il soit, ait pu persuader aux habitants de Neapolis de se dire possesseurs du tombeau de la sirène Parthénopé, à ceux de Cymé, de Dicaearchie et du Vésuve de consacrer chez eux les noms du Pyriphlégéthon, du lac Achérusien, du necyomanteum de l'Aorne, voire même les noms de Baïus et de Misène, deux des compagnons d'Ulysse? Même observation pour ce qui est des Sirénusses, du détroit de Sicile, de Charybde, de Scylla et d'Éole, mythes poétiques qu'il ne faut assurément pas examiner dans la grande rigueur, mais qu'il ne faudrait pas non plus laisser tout à fait de côté, comme on ferait de pures fictions, n'ayant ni racines ni fondements, et dénuées absolument de vérité et de ce genre d'utilité propre à l'histoire. 19. Ératosthène, du reste, Ératosthène lui-même, semble avoir entrevu quelque chose de cela, à en juger par les paroles suivantes : « On peut supposer, dit-il, que le poète a voulu faire de la région de l'Occident le théâtre des errances d'Ulysse; si maintenant il s'est écarté de la réalité, c'est que, d'une part, il manquait de renseignements précis, et que, d'autre part, il n'entrait pas dans son plan de représenter les choses purement et simplement comme elles sont, mais de tout exagérer dans le sens de la terreur et du merveilleux. » Oui, c'est cela qu'a fait Homère et Ératosthène l'a bien compris ; il a mal compris seulement le but que se proposait notre poète en agissant ainsi : il ne s'agissait pas en effet pour lui d'un jeu frivole, mais d'un but sérieux et utile. Sur ce point-là donc Ératosthène mérite d'être blâmé, ainsi que pour avoir dit qu'Homère avait placé de préférence dans les contrées lointaines le théâtre de ses fictions, à cause des facilités que l'éloignement prête au mensonge. Car le nombre des fictions lointaines, dans Homère, n'est quasi rien au prix du grand nombre de fictions dont la Grèce et les pays voisins sont le théâtre et qui se rapportent, soit aux travaux d'Hercule et de Thésée, soit aux traditions de la Crète, de la Sicile et des autres îles, du Cithéron, de l'Hélicon, du Parnasse, du Pélion, de l'Attique tout entière et du Péloponnèse. Jamais personne non plus ne s'est avisé de préjuger, d'après les mythes employés par les poètes, l'ignorance des poètes eux-mêmes. Il y a plus : comme, dans les mythes poétiques, tout n'est pas fiction, et que le plus souvent (cela est vrai surtout d'Homère) les poètes ne font qu'ajouter des fables à une tradition historique, quiconque soumet les anciens mythes poétiques à la critique n'a pas à rechercher si ces fictions accessoires elles-mêmes ont eu et ont encore quelque fondement réel, la question pour lui n'est point là, et c'est plutôt sur les lieux, sur les personnages qui ont inspiré ces fictions des poètes, qu'il doit chercher à connaître la vérité : il recherchera, par exemple, si le fait des erreurs d'Ulysse est vrai historiquement et quel en a été le théâtre. 20. En général, Ératosthène a le tort de confondre les œuvres d'Homère dans la même catégorie que celles des autres poètes, sans vouloir lui reconnaître de supériorité d'aucune sorte, même sous le rapport de l'exactitude géographique, qui est ce qui nous occupe présentement. Et, pourtant, n'y eût-il que cela, il suffirait encore de parcourir le Triptolème de Sophocle ou le prologue des Bacchantes d'Euripide et de mettre en regard le soin qu'apporte Homère aux descriptions du même genre pour sentir aussitôt la supériorité ou tout au moins la différence : partout où il y a besoin d'ordre dans l'énumération des lieux, Homère observe rigoureusement cet ordre géographique, et cela non pas seulement pour la Grèce, mais même pour les pays les plus éloignés : « Et déjà, dans leur rage, ils voulaient entasser Ossa sur Olympe, et Pélion sur Ossa, Pélion aux cimes ombragées et perpétuellement agitées par le vent (58), » et ailleurs, « Cependant Junon s'est élancée; elle quitte les sommets de l'Olympe, foule le sol de la Piérie et de la riante Aemathie et atteint dans sa course les montagnes neigeuses des Thraces, nourrisseurs de chevaux; puis, du haut de l'Athos, se précipite au sein de la mer (59) » Dans le Catalogue aussi, il énumère suivant leur ordre non pas les villes, la chose n'était point nécessaire, mais bien les peuples. Il procède de même pour les nations lointaines : « Après avoir erré longtemps en Cypre, en Phénicie et jusque en Égypte, je visitai encore les terres des Éthiopiens, celles des Sidoniens et des Érembes et finalement la Libye tout entière (60). » Hipparque, du reste, avait déjà fait cette remarque. Les deux tragiques, au contraire, dans les occasions où l'ordre géographique était le plus de rigueur, quand il s'agissait, par exemple, pour l'un, de faire dire à Bacchus le nom de tous les peuples qu'il avait visités, et, pour l'autre, de mettre dans la bouche de Triptolème l'énumération des différentes parties de la terre ensemencées par ses mains, ne se sont pas fait faute et de rapprocher les contrées les plus distantes et d'en séparer d'autres tout à fait contiguës : « Quittant alors les champs aurifères de la Lydie, et traversant les plaines de la Phrygie et celles de la Perse, que frappent sans cesse les rayons du soleil, je visitai tour à tour et l'enceinte de Bactres et la froide Médie et l'heureuse Arabie (61). » Même défaut d'ordre dans l'énumération de Triptolème. Ce n'est pas tout : par la manière dont Homère parle des climats et des vents, on peut juger encore de l'étendue de ses connaissances géographiques; car il lui arrive très souvent de joindre cette double indication à ses descriptions topographiques: « Ithaque, la basse Ithaque, est en même temps de toutes ces îles celle qui est située le plus haut dans la mer vers le sombre couchant; les autres, au contraire, s'écartent du côté de l'aurore et du soleil levant (62) ; » et ailleurs : « Il s'y trouve deux portes : l'une s'ouvre au vent du nord l'autre au vent du midi » (63) ou bien encore : « Soit qu'ils volent à droite du côté de l'aurore et du soleil levant, soit qu'ils gagnent à gauche la région du sombre occident (64). » L'ignorance sur ce point est même, aux yeux d'Homère, le signe de la suprême confusion : « Amis, puisque nous ignorons et le côté du couchant et le côté de l'aurore, et le côté de la nuit et le côté du soleil (65). » Dans un autre passage, maintenant, et avec toute raison, Homère avait dit : « Et Borée et Zéphyr, tous deux soufflant de la Thrace (66). » Ératosthène pourtant s'y trompe encore et nous dénonce le poète comme s'il eût dit, absolument parlant, que le Zéphyr souffle de la Thrace ; mais, loin de parler en thèse générale, le poète ne fait allusion ici qu'au cas où l'un et l'autre vents viennent à se rencontrer dans la mer de Thrace (laquelle est, comme on sait, une partie de l'Égée), aux environs du golfe Mélos. La Thrace, effectivement, vers les confins de la Macédoine, se détourne vers le sud et s'avance en forme de pointe ou de promontoire dans la mer, d'où vient que pour Thasos, Lemnos, Imbros, Samothrace et en général pour tous ces parages, les Zéphyrs paraissent souffler de la Thrace même, comme ils semblent, pour l'Attique, souffler des roches Scironides, ce qui a fait quelquefois appeler Scirônes les Zéphyrs et surtout les Argestes- C'est ce que n'a point vu Ératosthène (bien qu'il en ait peut-être entrevu quelque chose, puisque lui-même signale cette brusque déviation, dont je parle, de la côte de Thrace vers le sud), et, partant de l'idée que l'expression d'Homère a un sens général, il vous le traite d'ignorant, lui rappelant que le Zéphyr souffle du couchant et de l'Ibérie et que la Thrace ne se prolonge point jusqu'à la hauteur de cette dernière contrée. Mais se peut-il, nous le demandons, qu'Homère ait ignoré que le Zéphyr souffle du couchant? Lui qui, dans des vers comme ceux-ci, assigne exactement à ce vent le rang qui lui appartient : « Ensemble se précipitent et l'Eurus et le Notus et le malin Zéphyr, et Borée lui-même (67).» Se peut-il qu'il ait ignoré que la Thrace ne dépasse point les monts de la Paeonie et de la Thessalie, lui qui connaissait et qui a expressément nommé dans leur ordre, après les Thraces, tous les peuples du littoral et ceux de l'intérieur, à savoir, d'une part, cette fraction de la nation Magnète, puis les Maliens et les différents peuples de la Grèce jusqu'aux Thesprotes, et, d'autre part, les Dolopes, limitrophes des Paeoniens, et les Selles de Dodone, jusqu'à l'Achelotis, sans plus faire mention des Thraces passé ces limites? - En revanche, il est bien vrai, [comme le dit Ératosthène], qu'Homère a un penchant marqué à toujours nommer de préférence la mer la plus voisine de sa patrie et qu'il connaissait le mieux; en voici un exemple : « Déjà l'assemblée s'agitait pareille aux longues vagues de la mer Icarienne (68). »
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ΚΕΦ. Β' 1. Εἰ δὲ πολλῶν προειπόντων ἐπιχειροῦμεν καὶ αὐτοὶ λέγειν περὶ τῶν αὐτῶν, οὔπω μεμπτέον, ἂν μὴ καὶ τὸν αὐτὸν τρόπον διελεγχθῶμεν ἐκείνοις ἅπαντα λέγοντες. Ὑπολαμβάνομεν δ' ἄλλων ἄλλο τι κατορθωσάντων ἄλλο πολὺ μέρος ἔτι τοῦ ἔργου λείπεσθαι· πρὸς οἷς ἂν καὶ μικρὸν προσλαβεῖν δυνηθῶμεν, ἱκανὴν δεῖ τίθεσθαι πρόφασιν τῆς ἐπιχειρήσεως. Καὶ γὰρ δὴ πολύ τι τοῖς νῦν ἡ τῶν Ῥωμαίων ἐπικράτεια καὶ τῶν Παρθυαίων τῆς τοιαύτης ἐμπειρίας προσδέδωκε· καθάπερ τοῖς μετὰ τὴν Ἀλεξάνδρου στρατείαν, ὥς φησιν Ἐρατοσθένης. Ὁ μὲν γὰρ τῆς Ἀσίας πολλὴν ἀνεκάλυψεν ἡμῖν καὶ τῶν βορείων τῆς εὐρώπης ἅπαντα μέχρι τοῦ Ἴστρου· οἱ δὲ ῥωμαῖοι τὰ ἑσπέρια τῆς Εὐρώπης ἅπαντα μέχρι Ἄλβιος ποταμοῦ τοῦ τὴν Γερμανίαν δίχα διαιροῦντος τά τε πέραν Ἴστρου τὰ μέχρι Τύρα ποταμοῦ· τὰ δὲ ἐπέκεινα μέχρι Μαιωτῶν καὶ τῆς εἰς Κόλχους τελευτώσης παραλίας Μιθριδάτης ὁ κληθεὶς Εὐπάτωρ ἐποίησε γνώριμα καὶ οἱ ἐκείνου στρατηγοί· οἱ δὲ Παρθυαῖοι τὰ περὶ τὴν Ὑρκανίαν καὶ τὴν Βακτριανὴν καὶ τοὺς ὑπὲρ τούτων Σκύθας γνωριμωτέρους ἡμῖν ἐποίησαν, ἧττον γνωριζομένους ὑπὸ τῶν πρότερον· ὥστε ἔχοιμεν ἄν τι λέγειν πλέον τῶν πρὸ ἡμῶν. Ὁρᾶν δ' ἔσται τοῦτο μάλιστα ἐν τοῖς λόγοις τοῖς πρὸς τοὺς πρὸ ἡμῶν, ἧττον μὲν τοὺς πάλαι, μᾶλλον δὲ τοὺς μετ' Ἐρατοσθένη καὶ αὐτὸν ἐκεῖνον· οὓς εἰκὸς ὅσῳπερ πολυμαθέστεροι τῶν πολλῶν γεγόνασι, τοσούτῳ δυσελεγκτοτέρους εἶναι τοῖς ὕστερον, ἄν τι πλημμελῶς λέγωσιν. Εἰ δ' ἀναγκασθησόμεθά που τοῖς αὐτοῖς ἀντιλέγειν, οἷς μάλιστα ἐπακολουθοῦμεν κατ' ἄλλα, δεῖ συγγνώμην ἔχειν. Οὐ γὰρ πρόκειται πρὸς ἅπαντας ἀντιλέγειν, ἀλλὰ τοὺς μὲν πολλοὺς ἐᾶν, οἷς μηδὲ ἀκολουθεῖν ἄξιον· ἐκείνους δὲ διαιτᾶν, οὓς ἐν τοῖς πλείστοις κατωρθωκότας ἴσμεν. Επεὶ οὐδὲ πρὸς ἅπαντας φιλοσοφεῖν ἄξιον, πρὸς Ἐρατοσθένη δὲ καὶ Ποσειδώνιον καὶ Ἵππαρχον καὶ Πολύβιον καὶ ἄλλους τοιούτους καλόν. 2. Πρῶτον δ' ἐπισκεπτέον Ἐρατοσθένη, παρατιθέντας ἅμα καὶ τὴν Ἱππάρχου πρὸς αὐτὸν ἀντιλογίαν ἔστι δ' ὁ Ἐρατοσθένης οὔχ οὕτως εὐκατατρόχαστος, ὥστε μηδ' Ἀθήνας αὐτὸν ἰδεῖν φάσκειν, ὅπερ Πολέμων ἐπιχειρεῖ δεικνύναι· οὔτ' ἐπὶ τοσοῦτον πιστὸς, ἐφ' ὅσον παρεδέξαντό τινες, καίπερ πλείστοις ἐντυχών, ὡς εἴρηκεν αὐτός, ἀγαθοῖς ἀνδράσιν. Ἐγένοντο γάρ, φησίν, ὡς οὐδέποτε, κατὰ τοῦτον τὸν καιρὸν ὑφ' ἕνα περίβολον καὶ μίαν πόλιν οἱ ( καὶ ) κατ' Ἀρίστωνα καὶ Ἀρκεσίλαον ἀνθήσαντες φιλόσοφοι. Οὐχ ἱκανὸν δ' οἶμαι τοῦτο, ἀλλὰ τὸ κρίνειν καλῶς οἷς μᾶλλον προσιτέον. Ὁ δὲ Ἀρκεσίλαον καὶ Ἀρίστωνα τῶν καθ' αὑτὸν ἀνθησάντων κορυφαίους τίθησιν, Ἀπελλῆς τε αὐτῷ πολύς ἐστι καὶ Βίων, ὅν φησι πρῶτον ἀνθινὰ περιβαλεῖν φιλοσοφίαν· ἀλλ' ὅμως πολλάκις εἰπεῖν ἄν τινα ἐπ' αὐτοῦ τοῦτο· Οἵην ἐκ ῥακέων ὁ Βίων. Ἐν αὐταῖς γὰρ ταῖς ἀποφάσεσι ταύταις ἱκανὴν ἀσθένειαν ἐμφαίνει τῆς ἑαυτοῦ γνώμης· ᾗ τοῦ Ζήνωνος τοῦ Κιτιέως γνώριμος γενόμενος Ἀθήνησι τῶν μὲν ἐκεῖνον διαδεξαμένων οὐδενὸς μέμνηται, τοὺς δ' ἐκείνῳ διενεχθέντας καὶ ὧν διαδοχὴ οὐδεμία σώζεται, τούτους ἀνθῆσαί φησι κατὰ τὸν καιρὸν ἐκεῖνον. Δηλοῖ δὲ καὶ ἡ περὶ τῶν ἀγαθῶν ἐκδοθεῖσα ὑπ' αὐτοῦ πραγματεία καὶ μελέται καὶ εἴ τι ἄλλο τοιοῦτο τὴν ἀγωγὴν αὐτοῦ· διότι μέσος ἦν τοῦ τε βουλομένου φιλοσοφεῖν καὶ τοῦ μὴ θαρροῦντος ἐγχειρίζειν ἑαυτὸν εἰς τὴν ὑπόσχεσιν ταύτην, ἀλλὰ μόνον μέχρι τοῦ δοκεῖν προιιόντος, ἢ καὶ παράβασίν τινα ταύτην ἀπὸ τῶν ἄλλων τῶν ἐγκυκλίων πεπορισμένου πρὸς διαγωγὴν ἢ καὶ παιδιάν· τρόπον δέ τινα καὶ ἐν τοῖς ἄλλοις ἐστὶ τοιοῦτος. Ἀλλ' ἐκεῖνα ἐάσθω· πρὸς δὲ τὰ νῦν ἐπιχειρητέον, ὅσα δύναιτ' ἂν ἐπανορθοῦν τὴν γεωγραφίαν, καὶ πρῶτον ὅπερ ἀρτίως ὑπερεθέμεθα. 3. Ποιητὴν γὰρ ἔφη πάντα στοχάζεσθαι ψυχαγωγίας, οὐ διδασκαλίας. Τοὐναντίον δ' οἱ παλαιοὶ φιλοσοφίαν τινὰ λέγουσι πρώτην τὴν ποιητικήν, εἰσάγουσαν εἰς τὸν βίον ἡμᾶς ἐκ νέων καὶ διδάσκουσαν ἤθη καὶ πάθη καὶ πράξεις μεθ' ἡδονῆς· οἱ δ' ἡμέτεροι καὶ μόνον ποιητὴν ἔφασαν εἶναι τὸν σοφόν. Διὰ τοῦτο καὶ τοὺς παῖδας αἱ τῶν Ἑλλήνων πόλεις πρώτιστα διὰ τῆς ποιητικῆς παιδεύουσιν, οὐ ψυχαγωγίας χάριν δήπουθεν ψιλῆς, ἀλλὰ σωφρονισμοῦ· ὅπου γε καὶ οἱ μουσικοὶ ψάλλειν καὶ λυρίζειν καὶ αὐλεῖν διδάσκοντες μεταποιοῦνται τῆς ἀρετῆς ταύτης· παιδευτικοὶ γὰρ εἶναί φασι καὶ ἐπανορθωτικοὶ τῶν ἠθῶν. Ταῦτα δ' οὐ μόνον παρὰ τῶν Πυθαγορείων ἀκούειν ἐστὶ λεγόντων, ἀλλὰ καὶ Ἀριστόξενος οὕτως ἀποφαίνεται. Καὶ Ὅμηρος δὲ τοὺς ἀοιδοὺς σωφρονιστὰς εἴρηκε, καθάπερ τὸν τῆς Κλυταιμνήστρας φύλακα,
Ὦ
πόλλ' ἐπέτελλεν τόν τε αἴγισθον οὐ πρότερον αὐτῆς περιγενέσθαι πρὶν ἢ
Τὸν μὲν
ἀοιδὸν ἄγων ἐς
νῆσον ἐρήμην
κάλλιπεν· Χωρὶς δὲ τούτων ὁ Ἐρατοσθένης ἑαυτῷ μάχεται· μικρὸν γὰρ πρὸ τῆς λεχθείσης ἀποφάσεως ἐναρχόμενος τοῦ περὶ τῆς γεωγραφίας λόγου φησὶν ἅπαντας κατ' ἀρχὰς φιλοτίμως ἔχειν εἰς τὸ μέσον φέρειν τὴν ὑπὲρ τῶν τοιούτων ἱστορίαν. Ὅμηρον γοῦν ὑπέρ τε τῶν Αἰθιόπων ὅσα ἐπύθετο καταχωρίσαι εἰς τὴν ποίησιν καὶ περὶ τῶν κατ' Αἴγυπτον καὶ Λιβύην· τὰ δὲ δὴ κατὰ τὴν Ἑλλάδα καὶ τοὺς σύνεγγυς τόπους καὶ λίαν περιέργως ἐξενηνοχέναι, πολυτρήρωνα μὲν τὴν Θίσβην λέγοντα, Ἁλίαρτον δὲ ποιήεντα, ἐσχατόωσαν δὲ Ἀνθηδόνα, Λίλαιαν δὲ πηγῇς ἔπι Κηφισσοῖο, καὶ οὐδεμίαν προσθήκην κενῶς ἀπορρίπτειν. Πότερον οὖν ὁ ποιῶν ταῦτα ψυχαγωγοῦντι ἔοικεν ἢ διδάσκοντι; Νὴ Δία, ἀλλὰ ταῦτα μὲν οὕτως εἴρηκε; τὰ δ' ἔξω τῆς αἰσθήσεως καὶ οὗτος καὶ ἄλλοι τερατολογίας μυθικῆς πεπληρώκασιν. Οὐκοῦν ἐχρῆν οὕτως εἰπεῖν, ὅτι ποιητὴς πᾶς τὰ μὲν ψυχαγωγίας χάριν μόνον ἐκφέρει, τὰ δὲ διδασκαλίας· ὁ δ' ἐπήνεγκεν, ὅτι ψυχαγωγίας μόνον, διδασκαλίας δ' οὔ. Καὶ προσεξεργάζεταί γε, πυνθανόμενος τί συμβάλλεται πρὸς ἀρετὴν ποιητοῦ πολλῶν ὑπάρξαι τόπων ἔμπειρον ἢ στρατηγίας ἢ γεωργίας ἢ ῥητορικῆς ἢ οἷα δὴ περιποιεῖν αὐτῷ τινες ἐβουλήθησαν; Τὸ μὲν οὖν ἅπαντα ζητεῖν περιποιεῖν αὐτῷ προεκπίπτοντος ἄν τις θείη τῇ φιλοτιμίᾳ· ὡς ἂν εἴ τις, φησὶν ὁ Ἵππαρχος, Ἀττικῆς εἰρεσιώνης κατηγοροίη καὶ ἃ μὴ δύναται φέρειν μῆλα καὶ ὄγχνας, οὕτως ἐκείνου πᾶν μάθημα καὶ πᾶσαν τέχνην. Τοῦτο μὲν δὴ ὀρθῶς ἂν λέγοις, ὦ Ἐρατόσθενες· ἐκεῖνα δ' οὐκ ὀρθῶς, ἀφαιρούμενος αὐτὸν τὴν τοσαύτην πολυμάθειαν καὶ τὴν ποιητικὴν γραώδη μυθολογίαν ἀποφαίνων, ᾗ δέδοται πλάττειν, φησίν, ὃ ἂν αὐτῇ φαίνηται ψυχαγωγίας οἰκεῖον. Ἆρα γὰρ οὐδὲ τοῖς ἀκροωμένοις τῶν ποιητῶν οὐδὲν συμβάλλεται πρὸς ἀρετήν; Λέγω δὲ τὸ πολλῶν ὑπάρξαι τόπων ἔμπειρον ἢ στρατηγίας ἢ γεωργίας ἢ ῥητορικῆς, ἅπερ ἡ ἀκρόασις, ὡς εἰκός, περιποιεῖ. 4. Ἀλλὰ μὴν ταῦτά γε πάντα ὁ ποιητὴς Ὀδυσσεῖ προσῆψεν, ὃν τῶν πάντων μάλιστα ἀρετῇ πάσῃ κοσμεῖ· οὗτος γὰρ αὐτῷ Πολλῶν ἀνθρώπων ἴδεν ἄστεα καὶ νόον ἔγνω, οὗτος δ' ὁ πτολίπορθος ἀεὶ λεγόμενος καὶ τὸ Ἴλιον ἑλὼν
Βουλῇ
καὶ μύθοισι
καὶ
ἠπεροπηίδι
τέχνῃ· φησὶν ὁ Διομήδης. Καὶ μὴν ἐπί γε τῇ γεωργίᾳ σεμνύνεται· καὶ γὰρ ἐν ἀμητῷ,
Ἐν ποίῃ
δρέπανον μὲν
ἐγὼν εὐκαμπὲς
ἔχοιμι, καὶ ἐν ἀρότῳ, Τῷ κέ μ' ἴδοις, εἰ ὦλκα διηνεκέα προταμοίμην. Καὶ οὐχ Ὅμηρος μὲν οὕτω φρονεῖ περὶ τούτων, οὐχὶ δὲ πάντες οἱ πεπαιδευμένοι μάρτυρι χρῶνται τῷ ποιητῇ, ὡς ὀρθῶς λέγοντι περὶ τοῦ τὴν τοιαύτην ἐμπειρίαν εἰς φρόνησιν συντείνειν μάλιστα. 5. Ἡ δὲ ῥητορικὴ φρόνησίς ἐστι δήπου περὶ λόγους· ἣν ἐπιδείκνυται παρ' ὅλην τὴν ποίησιν Ὀδυσσεὺς ἐν τῇ διαπείρᾳ, ἐν ταῖς λιταῖς, ἐν τῇ πρεσβείᾳ, ἐν ᾗ φησίν·
Ἀλλ'
ὅτε δὴ ὄπα τε
μεγάλην ἐκ
στήθεος εἵη Τίς ἂν οὖν ὑπολάβοι τὸν δυνάμενον ποιητὴν εἰσάγειν ῥητορεύοντας ἑτέρους καὶ στρατηγοῦντας καὶ τὰ ἄλλα ἐπιδεικνυμένους τὰ τῆς ἀρετῆς ἔργα, αὐτὸν εἶναι τῶν φλυάρων ἕνα καὶ τῶν θαυματοποιῶν, γοητεύειν μόνον καὶ κολακεύειν τὸν ἀκροατὴν δυνάμενον, ὠφελεῖν δὲ μηδέν; Προτέραν δ' (οὐδ') ἀρετὴν ποιητοῦ λέγοιμεν ἂν ἡντινοῦν ἄλλην, ἢ τὴν μιμητικὴν τοῦ βίου διὰ λόγων. Πῶς ἂν οὖν μιμοῖτο ἄπειρος ὢν τοῦ βίου καὶ ἄφρων; Οὐ γὰρ οὕτω φαμὲν τὴν τῶν ποιητῶν ἀρετὴν ὡς ἢ τεκτόνων ἢ χαλκέων· ἀλλ' ἐκείνη μὲν οὐδενὸς ἔχεται καλοῦ καὶ σεμνοῦ, ἡ δὲ ποιητοῦ συνέζευκται τῇ τοῦ ἀνθρώπου, καὶ οὐχ οἷόν τε ἀγαθὸν γενέσθαι ποιητὴν μὴ πρότερον γενηθέντα ἄνδρα ἀγαθόν. 6. Τὸ δὲ δὴ καὶ τὴν ῥητορικὴν ἀφαιρεῖσθαι τὸν ποιητὴν τελέως ἀφειδοῦντος ἡμῶν ἐστι. Τί γὰρ οὕτω ῥητορικὸν, ὡς φράσις; Τί δ' οὕτω ποιητικόν; Τίς δ' ἀμείνων Ὁμήρου φράσαι; Νὴ Δία, ἀλλ' ἑτέρα φράσις ἡ ποιητική. Τῷ γε εἴδει, ὡς καὶ ἐν αὐτῇ τῇ ποιητικῇ ἡ τραγικὴ καὶ ἡ κωμική, καὶ ἐν τῇ πεζῇ ἡ ἱστορικὴ καὶ ἡ δικανική. Ἆρα γὰρ οὐδ' ὁ λόγος ἐστὶ γενικός, οὗ εἴδη ὁ ἔμμετρος καὶ ὁ πεζός; Ἢ λόγος μέν, ῥητορικὸς δὲ λόγος οὐκ ἔστι γενικὸς καὶ φράσις καὶ ἀρετὴ λόγου; Ὡς δ' εἰπεῖν, ὁ πεζὸς λόγος, ὅ γε κατεσκευασμένος, μίμημα τοῦ ποιητικοῦ ἐστι. Πρώτιστα γὰρ ἡ ποιητικὴ κατασκευὴ παρῆλθεν εἰς τὸ μέσον καὶ εὐδοκίμησεν· εἶτα ἐκείνην μιμούμενοι, λύσαντες τὸ μέτρον, τἆλλα δὲ φυλάξαντες τὰ ποιητικά, συνέγραψαν οἱ περὶ Κάδμον καὶ Φερεκύδη καὶ Ἑκαταῖον· εἶτα οἱ ὕστερον ἀφαιροῦντες ἀεί τι τῶν τοιούτων, εἰς τὸ νῦν εἶδος κατήγαγον ὡς ἂν ἀπὸ ὕψους τινός· καθάπερ ἄν τις καὶ τὴν κωμῳδίαν φαίη λαβεῖν τὴν σύστασιν ἀπὸ τῆς τραγῳδίας, καὶ τοῦ κατ' αὐτὴν ὕψους καταβιβασθεῖσαν εἰς τὸ λογοειδὲς νυνὶ καλούμενον. Καὶ τὸ ἀείδειν δὲ ἀντὶ τοῦ φράζειν τιθέμενον παρὰ τοῖς πάλαι ταὐτὸ τοῦτο ἐκμαρτυρεῖ, διότι πηγὴ καὶ ἀρχὴ φράσεως κατεσκευασμένης καὶ ῥητορικῆς ὑπῆρξεν ἡ ποιητική. Αὕτη γὰρ προσεχρήσατο τῷ μέλει κατὰ τὰς ἐπιδείξεις· τοῦτο δ' ἦν ᾦδὴ ἢ λόγος μεμελισμένος, ἀφ' οὗ δὴ ῥαψῳδίαν τ' ἔλεγον καὶ τραγῳδίαν καὶ κωμῳδίαν. ὥστ' ἐπειδὴ τὸ φράζειν πρώτιστα ἐπὶ τῆς ποιητικῆς ἐλέγετο φράσεως, αὕτη δὲ μετ' ᾦδῆς [ ἦν], τὸ ἀείδειν [ αὐτοῖς] τὸ αὐτὸ τῷ φράζειν ὑπῆρξε παρ' ἐκείνοις. Καταχρησαμένων δ' αὐτῶν θατέρῳ καὶ ἐπὶ τοῦ πεζοῦ λόγου, καὶ ἐπὶ θάτερον ἡ κατάχρησις διέβη. Καὶ αὐτὸ δὲ τὸ πεζὸν λεχθῆναι τὸν ἄνευ τοῦ μέτρου λόγον ἐμφαίνει τὸν ἀπὸ ὕψους τινὸς καταβάντα καὶ ὀχήματος εἰς τοὔδαφος. 7. Ἀλλ' οὐδὲ τὰ σύνεγγυς μόνον, ὥσπερ Ἐρατοσθένης εἴρηκε, καὶ τὰ ἐν τοῖς Ἕλλησιν, ἀλλὰ καὶ τῶν πόρρω πολλὰ λέγει καὶ δι' ἀκριβείας Ὅμηρος καὶ μᾶλλόν γε τῶν ὕστερον μυθολογεῖται, οὐ πάντα τερατευόμενος, ἀλλὰ καὶ πρὸς ἐπιστήμην ἀλληγορῶν ἢ διασκευάζων ἢ δημαγωγῶν ἄλλα τε καὶ τὰ περὶ τὴν Ὀδυσσέως πλάνην· περὶ ἧς πολλὰ διαμαρτάνει τούς τ' ἐξηγητὰς φλυάρους ἀποφαίνων καὶ αὐτὸν τὸν ποιητήν· περὶ ὧν ἄξιον εἰπεῖν διὰ πλειόνων. 8. Καὶ πρῶτον ὅτι τοὺς μύθους ἀπεδέξαντο οὐχ οἱ ποιηταὶ μόνον, ἀλλὰ καὶ αἱ πόλεις πολὺ πρότερον καὶ οἱ νομοθέται τοῦ χρησίμου χάριν, βλέψαντες εἰς τὸ φυσικὸν πάθος τοῦ λογικοῦ ζῴου· φιλειδήμων γὰρ ἅνθρωπος, προοίμιον δὲ τούτου τὸ φιλόμυθον· ἐντεῦθεν οὖν ἄρχεται τὰ παιδία ἀκροᾶσθαι καὶ κοινωνεῖν λόγων ἐπὶ πλεῖον. Αἴτιον δ', ὅτι καινολογία τίς ἐστιν ὁ μῦθος, οὐ τὰ καθεστηκότα φράζων ἀλλ' ἕτερα παρὰ ταῦτα· ἡδὺ δὲ τὸ καινὸν καὶ ὃ μὴ πρότερον ἔγνω τις· τοῦτο δ' αὐτό ἐστι καὶ τὸ ποιοῦν φιλειδήμονα. Ὅταν δὲ προσῇ καὶ τὸ θαυμαστὸν καὶ τὸ τερατῶδες, ἐπιτείνει τὴν ἡδονήν, ἥπερ ἐστὶ τοῦ μανθάνειν φίλτρον. Κατ' ἀρχὰς μὲν οὖν ἀνάγκη τοιούτοις δελέασι χρῆσθαι, προιιούσης δὲ τῆς ἡλικίας ἐπὶ τὴν τῶν ὄντων μάθησιν ἄγειν, ἤδη τῆς διανοίας ἐρρωμένης καὶ μηκέτι δεομένης κολάκων. Καὶ ἰδιώτης δὲ πᾶς καὶ ἀπαίδευτος τρόπον τινὰ παῖς ἐστι φιλομυθεῖ τε ὡσαύτως· ὁμοίως δὲ καὶ ὁ πεπαιδευμένος μετρίως· οὐδὲ γὰρ οὗτος ἰσχύει τῷ λογισμῷ, πρόσεστι δὲ καὶ τὸ ἐκ παιδὸς ἔθος. Ἐπεὶ δ' οὐ μόνον ἡδὺ ἀλλὰ καὶ φοβερὸν τὸ τερατῶδες, ἀμφοτέρων ἐστὶ τῶν εἰδῶν χρεία πρός τε τοὺς παῖδας καὶ τοὺς ἐν ἡλικίᾳ· τοῖς τε γὰρ παισὶ προσφέρομεν τοὺς ἡδεῖς μύθους εἰς προτροπήν, εἰς ἀποτροπὴν δὲ τοὺς φοβερούς. Ἥ τε γὰρ Λάμια μῦθός ἐστι καὶ ἡ Γοργὼ καὶ ὁ Ἐφιάλτης καὶ ἡ Μορμολύκη. Οἵ τε πολλοὶ τῶν τὰς πόλεις οἰκούντων εἰς μὲν προτροπὴν ἄγονται τοῖς ἡδέσι τῶν μύθων, ὅταν ἀκούωσι τῶν ποιητῶν ἀνδραγαθήματα μυθώδη διηγουμένων, οἷον Ἡρακλέους ἄθλους ἢ Θησέως, ἢ τιμὰς παρὰ θεῶν νεμομένας, ἢ νὴ Δία ὁρῶσι γραφὰς ἢ ξόανα ἢ πλάσματα τοιαύτην τινὰ περιπέτειαν ὑποσημαίνοντα μυθώδη· εἰς ἀποτροπὴν δέ, ὅταν κολάσεις παρὰ θεῶν καὶ φόβους καὶ ἀπειλὰς ἢ διὰ λόγων ἢ διὰ τύπων ἀοράτων τινῶν προσδέχωνται, ἢ καὶ πιστεύωσι περιπεσεῖν τινας. Οὐ γὰρ ὄχλον γε γυναικῶν καὶ παντὸς χυδαίου πλήθους ἐπαγαγεῖν λόγῳ δυνατὸν φιλοσόφῳ καὶ προσκαλέσασθαι πρὸς εὐσέβειαν καὶ ὁσιότητα καὶ πίστιν, ἀλλὰ δεῖ καὶ διὰ δεισιδαιμονίας· τοῦτο δ' οὐκ ἄνευ μυθοποιίας καὶ τερατείας. Κεραυνὸς γὰρ καὶ αἰγὶς καὶ τρίαινα καὶ λαμπάδες καὶ δράκοντες καὶ θυρσόλογχα, τῶν θεῶν ὅπλα, μῦθοι καὶ πᾶσα θεολογία ἀρχαιική· ταῦτα δ' ἀπεδέξαντο οἱ τὰς πολιτείας καταστησάμενοι μορμολύκας τινὰς πρὸς τοὺς νηπιόφρονας. Τοιαύτης δὲ τῆς μυθοποιίας οὔσης καὶ καταστρεφούσης εἰς τὸ κοινωνικὸν καὶ τὸ πολιτικὸν τοῦ βίου σχῆμα καὶ τὴν τῶν ὄντων ἱστορίαν, οἱ μὲν ἀρχαῖοι τὴν παιδικὴν ἀγωγὴν ἐφύλαξαν μέχρι τῶν τελείων ἡλικιῶν, καὶ διὰ ποιητικῆς ἱκανῶς σωφρονίζεσθαι πᾶσαν ἡλικίαν ὑπέλαβον· χρόνοις δ' ὕστερον ἡ τῆς ἱστορίας γραφὴ καὶ ἡ νῦν φιλοσοφία παρελήλυθεν εἰς μέσον. Αὕτη μὲν οὖν πρὸς ὀλίγους, ἡ δὲ ποιητικὴ δημωφελεστέρα καὶ θέατρα πληροῦν δυναμένη· ἡ δὲ δὴ τοῦ Ὁμήρου ὑπερβαλλόντως. Καὶ οἱ πρῶτοι δὲ ἱστορικοὶ καὶ φυσικοὶ μυθογράφοι.
9.
Ἅτε
δὴ πρὸς τὸ
παιδευτικὸν
εἶδος τοὺς
μύθους
ἀναφέρων ὁ
ποιητὴς
ἐφρόντισε
πολὺ μέρος
τἀληθοῦς·
« ἐν δ' ἐτίθει
καὶ ψεῦδος» Ὡς δ' ὅτε τις χρυσὸν περιχεύεται ἀργύρῳ ἀνήρ, οὕτως ἐκεῖνος ταῖς ἀληθέσι περιπετείαις προσεπετίθει μῦθον, ἡδύνων καὶ κοσμῶν τὴν φράσιν· πρὸς δὲ τὸ αὐτὸ τέλος τοῦ ἱστορικοῦ καὶ τοῦ τὰ ὄντα λέγοντος βλέπων. Οὕτω δὴ τόν τε Ἰλιακὸν πόλεμον γεγονότα παραλαβὼν ἐκόσμησε ταῖς μυθοποιίαις, καὶ τὴν Ὀδυσσέως πλάνην ὡσαύτως· ἐκ μηδενὸς δὲ ἀληθοῦς ἀνάπτειν κενὴν τερατολογίαν οὐχ Ὁμηρικόν. Προσπίπτει γάρ, ὡς εἰκός, ὡς πιθανώτερον ἂν οὕτω τις ψεύδοιτο, εἰ καταμίσγοι τι καὶ αὐτῶν τῶν ἀληθινῶν· ὅπερ καὶ Πολύβιός φησι περὶ τῆς Ὀδυσσέως πλάνης ἐπιχειρῶν· τοιοῦτο δ' ἐστὶ καὶ τό Ἱσκε ψεύδεα πολλὰ λέγων ἐτύμοισιν ὁμοῖα. Οὐ γὰρ πάντα ἀλλὰ πολλά, ἐπεὶ οὐδ' ἂν ἦν ἐτύμοισιν ὁμοῖα. Ἔλαβεν οὖν παρὰ τῆς ἱστορίας τὰς ἀρχάς. Καὶ γὰρ τὸν αἰόλον δυναστεῦσαί φασι τῶν περὶ τὴν Λιπά ραν νήσων, καὶ τῶν περὶ τὴν αἴτνην καὶ Λεοντίνην Κύκλωπας καὶ Λαιστρυγόνας ἀξένους τινάς· διὸ καὶ τὰ περὶ τὸν πορθμὸν ἀπροσπέλαστα εἶναι τοῖς τότε, καὶ τὴν Χάρυβδιν καὶ τὸ Σκύλλαιον ὑπὸ λῃστῶν κατέχεσθαι. Οὕτω δὲ καὶ τοὺς ἄλλους τῶν ὑπὸ Ὁμήρου λεγομένων ἐν ἄλλοις τόποις ἱστοροῦμεν· οὕτω δὲ καὶ τοὺς Κιμμερίους εἰδὼς οἰκοῦντας τὸν Κιμμερικὸν Βόσπορον πρὸς βορρᾶν καὶ ζοφώδη μετήγαγεν οἰκείως εἰς σκοτεινόν τινα τόπον τὸν καθ' ᾅδην, χρήσιμον ὄντα πρὸς τὴν μυθοποιίαν τὴν ἐν τῇ πλάνῃ. Ὅτι δ' οἶδεν αὐτούς, οἱ χρονογράφοι δηλοῦσιν, ἢ μικρὸν πρὸ αὐτοῦ τὴν τῶν Κιμμερίων ἔφοδον ἢ κατ' αὐτὸν ἀναγράφοντες. 10. Ὡς δ' αὕτως καὶ τοὺς Κόλχους εἰδὼς καὶ τὸν Ἰάσονος πλοῦν τὸν εἰς Αἶαν καὶ τὰ περὶ Κίρκης καὶ Μηδείας μυθευόμενα καὶ ἱστορούμενα περὶ τῆς φαρμακείας καὶ τῆς ἄλλης ὁμοιοτροπίας, συγγενείας τε ἔπλασε τῶν οὕτω διῳκισμένων, τῆς μὲν ἐν τῷ μυχῷ τοῦ Πόντου, τῆς δ' ἐν τῇ Ἰταλίᾳ, καὶ ἐξωκεανισμὸν ἀμφοῖν, τάχα καὶ τοῦ Ἰάσονος μέχρι τῆς Ἰταλίας πλανηθέντος· δείκνυται γάρ τινα καὶ περὶ τὰ Κεραύνια ὄρη καὶ περὶ τὸν Ἀδρίαν καὶ ἐν τῷ Ποσειδωνιάτῃ κόλπῳ καὶ ταῖς πρὸ τῆς Τυρρηνίας νήσοις τῆς τῶν Ἀργοναυτῶν πλάνης (σημεῖα). Προσέδοσαν δέ τι καὶ αἱ Κυάνεαι, ἅσπερ Συμπληγάδας καλοῦσι πέτρας τινές, τραχὺν ποιοῦσαι τὸν διέκπλουν τὸν διὰ τοῦ Βυζαντιακοῦ στόματος· ὥστε παρὰ μὲν τὴν Αἶαν ἡ Αἰαίη, παρὰ δὲ τὰς Συμπληγάδας αἱ Πλαγκταὶ, καὶ ὁ δι' αὐτῶν πλοῦς τοῦ Ἰάσονος πιθανὸς ἐφάνη· παρὰ δὲ τὴν Σκύλλαν καὶ τὴν Χάρυβδιν ὁ διὰ τῶν σκοπέλων πλοῦς. Ἁπλῶς δ' οἱ τότε τὸ πέλαγος τὸ Ποντικὸν ὥσπερ ἄλλον τινὰ ὠκεανὸν ὑπελάμβανον, καὶ τοὺς πλέοντας ἐκεῖσε ὁμοίως ἐκτοπίζειν ἐδόκουν ὥσπερ τοὺς ἔξω στηλῶν ἐπὶ πολὺ προιιόντας· καὶ γὰρ μέγιστον τῶν καθ' ἡμᾶς ἐνομίζετο, καὶ διὰ τοῦτο κατ' ἐξοχὴν ἰδίως πόντον προσηγόρευον, ὡς ποιητὴν Ὅμηρον. Ἴσως οὖν καὶ διὰ τοῦτο μετήνεγκε τὰ ἐκ τοῦ Πόντου πρὸς τὸν ὠκεανὸν ὡς εὐπαράδεκτα διὰ τὴν κατέχουσαν δόξαν. Οἶμαι δὲ καὶ τῶν Σολύμων τὰ ἄκρα τοῦ Ταύρου τὰ περὶ τὴν Λυκίαν ἕως Πισιδίας κατεχόντων τὰ ὑψηλότατα καὶ τὰς ἀπὸ τῆς μεσημβρίας ὑπερβολὰς ἐπιφανεστάτας παρεχόντων τοῖς ἐντὸς τοῦ Ταύρου, καὶ μάλιστα τοῖς περὶ τὸν Πόντον, καθ' ὁμοιότητά τινα καὶ τούτους ἐξωκεανισθῆναι· φησὶ γὰρ ἐπὶ τοῦ πλέοντος ἐν τῇ σχεδίᾳ
Τὸν
δ' ἐξ
αἰθιόπων
ἀνιὼν κρείων
Ἐνοσίχθων Τάχα δὲ καὶ τοὺς μονομμάτους Κύκλωπας ἐκ τῆς Σκυθικῆς ἱστορίας μετενήνοχε· τοιούτους γάρ τινας τοὺς Ἀριμασπούς φασιν, οὓς ἐν τοῖς Ἀριμασπείοις ἔπεσιν ἐνδέδωκεν Ἀριστέας ὁ Προκοννήσιος. 11. Δεῖ δὲ ταῦτα προυποθέμενον σκοπεῖν, τί λέγουσιν οἱ φήσαντες περὶ Σικελίαν ἢ Ἰταλίαν γενέσθαι τῷ Ὀδυσσεῖ τὴν πλάνην καθ' Ὅμηρον· ἔστι γὰρ ἀμφοτέρως τοῦτο δέξασθαι, καὶ βέλτιον καὶ χεῖρον. Βέλτιον μέν, ἂν οὕτω δέχηται [τις], ὅτι πεισθεὶς ἐκεῖ τὴν πλάνην τῷ Ὀδυσσεῖ γενέσθαι, λαβὼν ἀληθῆ ταύτην τὴν ὑπόθεσιν ποιητικῶς διεσκεύασε· τοῦτο γὰρ οἰκείως ἂν λέγοιτο περὶ αὐτοῦ· καὶ οὐ μόνον γε περὶ Ἰταλίαν, ἀλλὰ καὶ μέχρι τῶν ἐσχάτων τῆς Ἰβηρίας ἐστὶν εὑρεῖν ἴχνη τῆς ἐκείνου πλάνης καὶ ἄλλων πλειόνων. Χεῖρον δέ, ἐάν τις καὶ τὴν διασκευὴν ὡς ἱστορίαν δέχηται, ἐκείνου ὠκεανὸν καὶ ᾋδην καὶ Ἡλίου βόας καὶ παρὰ θεαῖς ξενίας καὶ μεταμορφώσεις καὶ μεγέθη Κυκλώπων καὶ Λαιστρυγόνων καὶ μορφὴν Σκύλλης καὶ διαστήματα πλοῦ καὶ ἄλλα πλείω τοιαῦτα τερατογραφοῦντος φανερῶς. Οὔτε δὲ πρὸς τοῦτον ἄξιον ἀντιλέγειν οὕτω φανερῶς καταψευδόμενον τοῦ ποιητοῦ, καθάπερ οὐδ', εἰ φαίη, τοῦτον τὸν τρόπον γενέσθαι τὸν εἰς τὴν Ἰθάκην κατάπλουν τοῦ Ὀδυσσέως καὶ τὴν μνηστηροφονίαν καὶ τὴν ἐπὶ τοῦ ἀγροῦ συστᾶσαν μάχην τοῖς Ἰθακησίοις πρὸς αὐτόν· οὔτε πρὸς τὸν δεξάμενον οἰκείως προσπλέκεσθαι δίκαιον. 12. Ὁ Ἐρατοσθένης δὲ πρὸς ἀμφοτέρας τὰς ἀποφάσεις ἀπήντηκεν οὐκ εὖ. Πρὸς μὲν τὴν δευτέραν, ὅτι πειρᾶται διαβάλλειν φανερῶς ψευδῆ καὶ οὐκ ἄξια λόγου διὰ μακρῶν· πρὸς δὲ τὴν προτέραν, ποιητήν τε ἅπαντα ἀποφήνας φλύαρον, καὶ μήτε τόπων ἐμπειρίαν μήτε τεχνῶν πρὸς ἀρετὴν συντείνειν νομίσας· τῶν τε μύθων τῶν μὲν ἐν τόποις οὐ πεπλασμένοις πεφημισμένων, οἷον ἐν Ἰλίῳ καὶ Ἴδῃ καὶ Πηλίῳ, τῶν δὲ ἐν πεπλασμένοις, καθάπερ ἐν οἷς αἱ Γοργόνες ἢ ὁ Γηρυόνης, ταύτης φησὶ τῆς ἰδέας εἶναι καὶ τοὺς κατὰ τὴν Ὀδυσσέως πλάνην λεγομένους, τοὺς δὲ μὴ πεπλάσθαι λέγοντας ἀλλ' ὑποκεῖσθαι ἐξ αὐτοῦ τοῦ μὴ συμφωνεῖν ἐλέγχεσθαι ψευδομένους· τὰς γοῦν Σειρῆνας τοὺς μὲν ἐπὶ τῆς Πελωριάδος καθιδρύειν, τοὺς δὲ ἐπὶ τῶν Σειρηνουσσῶν πλείους ἢ δισχιλίους διεχουσῶν σταδίους· εἶναι δ' αὐτὰς σκόπελον τρικόρυφον διείργοντα τὸν Κυμαῖον καὶ Ποσειδωνιάτην κόλπον. Ἀλλ' οὔθ' ὁ σκόπελος οὗτος ἐστὶ τρικόρυφος οὔθ' ὅλως κορυφοῦται πρὸς ὕψος, ἀλλ' ἀγκών τις ἔκκειται μακρὸς καὶ στενὸς ἀπὸ τῶν κατὰ Συρρεντὸν χωρίων ἐπὶ τὸν κατὰ Καπρίας πορθμόν, ἐπὶ θάτερα μὲν τῆς ὀρεινῆς τὸ τῶν Σειρήνων ἱερὸν ἔχων, ἐπὶ θάτερα δὲ πρὸς τῷ Ποσειδωνιάτῃ κόλπῳ νησίδια τρία προκείμενα ἔρημα πετρώδη, ἃ καλοῦσι Σειρῆνας· ἐπ' αὐτῷ δὲ τῷ πορθμῷ τὸ Ἀθήναιον, ᾧπερ ὁμωνυμεῖ καὶ ὁ ἀγκὼν αὐτός. 13. Ἀλλ' οὐδ' εἰ μὴ συμφωνοῦσιν οἱ τὴν ἱστορίαν τῶν τόπων παραδιδόντες, εὐθὺς ἐκβάλλειν δεῖ τὴν σύμπασαν ἱστορίαν· ἀλλ' ἔσθ' ὅτε καὶ πιστοῦσθαι τὸ καθόλου μᾶλλόν ἐστιν. Οἷόν τι λέγω, ζητουμένου εἰ κατὰ Σικελίαν καὶ Ἰταλίαν ἡ πλάνη γέγονε καὶ εἰ αἱ Σειρῆνες ἐνταῦθά που λέγονται, ὁ μὲν φήσας ἐν τῇ Πελωριάδι πρὸς τὸν ἐν ταῖς Σειρηνούσσαις διαφωνεῖ, ἀμφότεροι δὲ πρὸς τὸν περὶ Σικελίαν καὶ Ἰταλίαν λέγοντα οὐ διαφωνοῦσιν, ἀλλὰ καὶ μείζω πίστιν παρέχουσιν· ὅτι καίπερ μὴ τὸ αὐτὸ χωρίον φράζοντες ὅμως οὐκ ἐκβεβήκεσάν γε τοῦ κατὰ τὴν Ἰταλίαν ἢ Σικελίαν. Ἐὰν δὲ προσθῇ τις ὅτι ἐν Νεαπόλει Παρθενόπης δείκνυται μνῆμα μιᾶς τῶν Σειρήνων, ἔτι πλείων προσεγένετο πίστις, καίτοι τρίτου τινὸς λεχθέντος τούτου τοῦ τόπου. Ἀλλ' ὅτι ἐν τούτῳ τῷ κόλπῳ τῷ ὑπὸ Ἐρατοσθένους λεχθέντι Κυμαίῳ, ὃν ποιοῦσιν αἱ Σειρηνοῦσσαι, καὶ ἡ Νεάπολις ἵδρυται, βεβαιοτέρως πιστεύομεν τὸ περὶ τούτους τοὺς τόπους γεγονέναι τὰς Σειρῆνας· οὔτε γὰρ τὸν ποιητὴν ἀκριβῶς ἕκαστα πυθέσθαι, οὔθ' ἡμεῖς παρ' ἐκείνου ζητοῦμεν τὸ ἀκριβές· οὐ μὴν οὐδ' οὕτως ἔχομεν ὡς ὑπολαμβάνειν καὶ μηδὲν πεπυσμένον περὶ τῆς πλάνης, μήθ' ὅπου μήθ' ὅπως γεγένηται, ῥαψῳδεῖν. 14. Ἐρατοσθένης δὲ Ἡσίοδον μὲν εἰκάζει πεπυσμένον περὶ τῆς Ὀδυσσέως πλάνης ὅτι κατὰ Σικελίαν καὶ Ἰταλίαν γεγένηται, πιστεύσαντα τῇ δόξῃ μὴ μόνον τῶν ὑφ' Ὁμήρου λεγομένων μεμνῆσθαι, ἀλλὰ καὶ αἴτνης καὶ Ὀρτυγίας τοῦ πρὸς Συρακούσαις νησίου καὶ Τυρρηνῶν· Ὅμηρον δὲ μήτε εἰδέναι ταῦτα, μήτε βούλε σθαι ἐν γνωρίμοις τόποις ποιεῖν τὴν πλάνην. Πότερον οὖν αἴτνη μὲν καὶ Τυρρηνία γνώριμα, Σκύλλαιον δὲ καὶ Χάρυβδις καὶ Κίρκαιον καὶ Σειρηνοῦσσαι οὐ πάνυ; Ἢ καὶ Ἡσιόδῳ μὲν ἔπρεπε μὴ φλυαρεῖν, ἀλλὰ ταῖς κατεχούσαις δόξαις ἀκολουθεῖν, Ὁμήρῳ δὲ πᾶν, ὅ τι ἂν ἐπ' ἀκαιρίμαν γλῶσσαν ἴῃ, κελαδεῖν; Χωρὶς γὰρ τῶν λεχθέντων περὶ τοῦ τρόπου τῆς πρεπούσης Ὁμήρῳ μυθοποιίας, καὶ τὸ πλῆθος τῶν συγγραφέων τῶν ταὐτὰ θρυλούντων, καὶ τῆς κατὰ τοὺς τόπους ἐπιχωριαζούσης φήμης διδάσκειν δύναται, διότι ταῦτα οὐ ποιητῶν πλάσματά ἐστιν οὐδὲ συγγραφέων, ἀλλὰ γεγενημένων ἴχνη καὶ προσώπων καὶ πράξεων. 15. Καὶ Πολύβιος δ' ὀρθῶς ὑπονοεῖ τὰ περὶ τῆς πλάνης· τὸν γὰρ αἰόλον τὸν προσημαίνοντα τοὺς ἔκπλους ἐν τοῖς κατὰ τὸν πορθμὸν τόποις ἀμφιδρόμοις οὖσι καὶ δυσέκπλοις διὰ τὰς παλιρροίας ταμίαν τε εἰρῆσθαι τῶν ἀνέμων καὶ βασιλέα νενομίσθαι φησί· καθάπερ Δαναὸν μὲν, τὰ ὑδρεῖα τὰ ἐν Ἄργει παραδείξαντα, Ἀτρέα δὲ, τοῦ ἡλίου τὸν ὑπεναντίον τῷ οὐρανῷ δρόμον, μάντεις τε καὶ ἱεροσκοπουμένους ἀποδείκνυσθαι βασιλέας· τούς θ' ἱερέας τῶν Αἰγυπτίων καὶ Χαλδαίους καὶ Μάγους, σοφίᾳ τινὶ διαφέροντας τῶν ἄλλων ἡγεμονίας καὶ τιμῆς τυγχάνειν παρὰ τοῖς πρὸ ἡμῶν, οὕτω δὲ καὶ τῶν θεῶν ἕνα ἕκαστον τῶν χρησίμων τινὸς εὑρετὴν γενόμενον τιμᾶσθαι. Ταῦτα δὲ προοικονομησάμενος οὐκ ἐᾷ τὸν Αἰόλον ἐν μύθου σχήματι ἀκούεσθαι, οὐδ' ὅλην τὴν Ὀδυσσέως πλάνην, ἀλλὰ μικρὰ μὲν προσμεμυθεῦσθαι καθάπερ καὶ τῷ Ἰλιακῷ πολέμῳ, τὸ δ' ὅλον περὶ Σικελίαν καὶ τῷ ποιητῇ πεποιῆσθαι καὶ τοῖς ἄλλοις συγγραφεῦσιν, ὅσοι τὰ περιχώρια λέγουσι τὰ περὶ τὴν Ἰταλίαν καὶ Σικελίαν. Οὐκ ἐπαινεῖ δὲ οὐδὲ τὴν τοιαύτην τοῦ Ἐρατοσθένους ἀπόφασιν, διότι φησὶ τότ' ἂν εὑρεῖν τινα ποῦ Ὀδυσσεὺς πεπλάνηται, ὅταν εὕρῃ τὸν σκυτέα τὸν συρράψαντα τὸν τῶν ἀνέμων ἀσκόν. Καὶ τοῦτο δ' οἰκείως εἰρῆσθαι τοῖς συμβαίνουσι περὶ τὸ Σκύλλαιον καὶ τὴν θήραν τῶν γαλεωτῶν τὸ ἐπὶ τῆς Σκύλλης·
Αὐτοῦ δ'
ἰχθυάᾳ σκόπελον
περιμαιμώωσα Τοὺς γὰρ θύννους ἀγεληδὸν φερομένους παρὰ τὴν Ἰταλίαν, ἐπειδὰν ἐμπέσωσι καὶ κωλυθῶσι τῆς Σικελίας ἅψασθαι, περιπίπτειν τοῖς μείζοσι τῶν ζῴων, οἷον δελφίνων καὶ κυνῶν καὶ ἄλλων κητωδῶν· ἐκ δὲ τῆς θήρας αὐτῶν πιαίνεσθαι τοὺς γαλεώτας, οὓς καὶ ξιφίας λέγεσθαι καὶ κύνας φησί. Συμβαίνειν γὰρ ταὐτὸν ἐνθάδε καὶ κατὰ τὰς ἀναβάσεις τοῦ Νείλου καὶ τῶν ἄλλων ὑδάτων, ὅπερ ἐπὶ πυρὸς καὶ ὕλης ἐμπιπραμένης· ἀθροιζόμενα γὰρ τὰ θηρία φεύγειν τὸ πῦρ ἢ τὸ ὕδωρ, καὶ βορὰν γίνεσθαι τοῖς κρείττοσι. 16. Ταῦτα δ' εἰπὼν διηγεῖται τῶν γαλεωτῶν θήραν, ἣ συνίσταται περὶ τὸ Σκύλλαιον· σκοπὸς γὰρ ἐφέστηκε κοινὸς ὑφορμοῦσιν ἐν δικώποις σκαφιδίοις πολλοῖς, δύο καθ' ἕκαστον σκαφίδιον· καὶ ὁ μὲν ἐλαύνει, ὁ δ' ἐπὶ τῆς πρώρας ἕστηκε δόρυ ἔχων, σημήναντος τοῦ σκοποῦ τὴν ἐπιφάνειαν τοῦ γαλεώτου· φέρεται δὲ τὸ τρίτον μέρος ἔξαλον τὸ ζῷον. Συνάψαντος δὲ τοῦ σκάφους, ὁ μὲν ἔπληξεν ἐκ χειρός, εἶτ' ἐξέσπασεν ἐκ τοῦ σώματος τὸ δόρυ χωρὶς τῆς ἐπιδορατίδος· ἀγκιστρώδης τε γάρ ἐστι καὶ χαλαρῶς ἐνήρμοσται τῷ δόρατι ἐπίτηδες, καλώδιον δ' ἔχει μακρὸν ἐξημμένον. Τοῦτ' ἐπιχαλῶσι τῷ τρωθέντι τέως ἕως ἂν κάμῃ σφαδάζον καὶ ὑποφεῦγον· τότε δ' ἕλκουσιν ἐπὶ τὴν γῆν, ἢ εἰς τὸ σκάφος ἀναλαμβάνουσιν, ἐὰν μὴ μέγα ᾖ τελέως τὸ σῶμα. Κἂν ἐκπέσῃ δὲ εἰς τὴν θάλατταν τὸ δόρυ, οὐκ ἀπόλωλεν· ἔστι γὰρ πηκτὸν ἔκ τε δρυὸς καὶ ἐλάτης, ὥστε βαπτιζομένου τοῦ δρυίίνου βάρει μετέωρον εἶναι τὸ λοιπὸν καὶ εὐανάληπτον. Συμβαίνειν δέ ποτε καὶ τιτρώσκεσθαι διὰ τοῦ σκαφιδίου τὸν κωπηλάτην διὰ τὸ μέγεθος τοῦ ξίφους τῶν γαλεωτῶν καὶ τὸ τὴν ἀκμὴν τοῦ ζῴου συαγρώδη εἶναι καὶ τὴν θήραν. Ἔκ τε δὴ τῶν τοιούτων εἰκάζοι τις ἄν, φησί, περὶ Σικελίαν γενέσθαι τὴν πλάνην κατὰ τὸν Ὅμηρον, ὅτι τῇ Σκύλλῃ προσῆψε τὴν τοιαύτην θήραν, ἣ μάλιστ' ἐπιχώριός ἐστι τῷ Σκυλλαίῳ· καὶ ἐκ τῶν περὶ τῆς Χαρύβδεως λεγομένων ὁμοίων τοῖς τοῦ πορθμοῦ πάθεσι. Τὸ δέ Τρὶς μὲν γάρ τ' ἀνίησιν, ἀντὶ τοῦ δίς, γραφικὸν εἶναι ἁμάρτημα ἢ ἱστορικόν. 17. Καὶ τὰ ἐν τῇ Μήνιγγι δὲ τοῖς περὶ τῶν Λωτοφάγων εἰρημένοις συμφωνεῖν. Εἰ δέ τινα μὴ συμφωνεῖ, μεταβολὰς αἰτιᾶσθαι δεῖν ἢ ἄγνοιαν ἢ καὶ ποιητικὴν ἐξουσίαν, ἣ συνέστηκεν ἐξ ἱστορίας καὶ διαθέσεως καὶ μύθου. Τῆς μὲν οὖν ἱστορίας ἀλήθειαν εἶναι τέλος, ὡς ἐν Νεῶν καταλόγῳ τὰ ἑκάστοις τόποις συμβεβηκότα λέγοντος τοῦ ποιητοῦ, τὴν μὲν πετρήεσσαν τὴν δὲ ἐσχατόωσαν πόλιν, ἄλλην δὲ πολυτρήρωνα, τὴν δ' ἀγχίαλονΝ τῆς δὲ διαθέσεως ἐνέργειαν εἶναι τὸ τέλος, ὡς ὅταν μαχομένους εἰσάγῃ, μύθου δὲ ἡδονὴν καὶ ἔκπληξιν. τὸ δὲ πάντα πλάττειν οὐ πιθανόν, οὐδ' Ὁμηρικόν· τὴν γὰρ ἐκείνου ποίησιν φιλοσόφημα πάντας νομίζειν, οὐχ ὡς Ἐρατοσθένης φησί, κελεύων μὴ κρίνειν πρὸς τὴν διάνοιαν τὰ ποιήματα, μηδ' ἱστορίαν ἀπ' αὐτῶν ζητεῖν. Πιθανώτερόν τε τό Ἔνθεν δ' ἐννῆμαρ φερόμην ὀλοοῖς ἀνέμοισιν ἐν βραχεῖ διαστήματι δέχεσθαι ( οἱ γὰρ ὀλοοὶ οὐκ εὐθύδρομοι) ἢ ἐξωκεανίζειν, ὡς ἂν οὐρίων πνεόντων συνεχῶς. Συνθεὶς δὲ τὸ διάστημα τὸ ἐκ Μαλεῶν ἐπὶ στήλας σταδίων δισμυρίων καὶ δισχιλίων πεντακοσίων, εἰ, φησί, τοῦτο θείημεν ἐν ταῖς ἐννέα ἡμέραις διηνύσθαι ἰσοταχῶς, ἑκάστης ἂν ἡμέρας ὁ πλοῦς συμβαίνοι σταδίων δισχιλίων πεντακοσίων. Τίς οὖν ἱστόρηκεν ἐκ Λυκίας ἢ Ῥόδου δευτεραῖόν τινα ἀφιγμένον εἰς Ἀλεξάνδρειαν, ὄντος τοῦ διαστήματος σταδίων τετρακισχιλίων; Πρὸς δὲ τοὺς ἐπιζητοῦντας πῶς τρὶς εἰς Σικελίαν ἐλθὼν οὐδ' ἅπαξ διὰ τοῦ πορθμοῦ πέπλευκεν Ὀδυσσεύς, ἀπολογεῖται διότι καὶ οἱ ὕστερον ἔφευγον ἅπαντες τὸν πλοῦν τοῦτον. 18. Τοιαῦτα μὲν εἴρηκεν. Ἔστι δὲ τἆλλα μὲν εὖ λεγόμενα· ὅταν δ' ἀνασκευάζῃ τὸν ἐξωκεανιζόμενον καὶ πρὸς ἀκριβῆ μέτρα τὸν τῶν ἡμερῶν πλοῦν ἀνάγῃ καὶ διαστήματα, ὑπερβολὴν οὐκ ἀπολείπει τῆς ἀνομολογίας· ἅμα μὲν γὰρ παρατίθησι τὰ τοῦ ποιητοῦ ἔπη· Ἔνθεν δ' ἐννῆμαρ φερόμην ὀλοοῖς ἀνέμοισιν, ἅμα δ' ἐπικρύπτεται· καὶ γὰρ ταῦτα τοῦ ποιητοῦ,
Αὐτὰρ
ἐπεὶ ποταμοῖο
λίπεν ῥόον
ὠκεανοῖο καὶ τὸ Νήσῳ ἐν Ὠγυγίῃ, ὅθι τ' ὀμφαλός ἐστι θαλάσσης· καὶ ὅτι ἐνταῦθα οἰκεῖ Ἄτλαντος θυγάτηρ· καὶ τὸ περὶ τῶν Φαιάκων,
Οἰκέομεν δ'
ἀπάνευθε
πολυκλύστῳ
ἐνὶ πόντῳ Ταῦτα γὰρ πάντα φανερῶς ἐν τῷ Ἀτλαντικῷ πελάγει πλαττόμενα δηλοῦται. Ὁ δὲ ταῦτ' ἐπικρυπτόμενος τὰ φανερῶς λεγόμενα ἀναιρεῖ. Τοῦτο μὲν οὖν οὐκ εὖ· τὸ δὲ περὶ Σικελίαν καὶ Ἰταλίαν γεγονέναι τὴν πλάνην ὀρθῶς, ἐπεὶ τίς ἔπεισε ποιητὴς ἢ συγγραφεὺς Νεαπολίτας μὲν λέγειν μνῆμα Παρθενόπης τῆς Σειρῆνος, τοὺς δὲ ἐν Κύμῃ καὶ Δικαιαρχείᾳ καὶ Οὐεσουίῳ Πυριφλεγέθοντα καὶ Ἀχερουσίαν λίμνην καὶ νεκυομαντεῖον τὸ ἐν τῷ Ἀόρνῳ καὶ Βάιον καὶ Μισηνὸν τῶν Ὀδυσσέως ἑταίρων τινάς; Οὕτω δὲ καὶ τὰ περὶ Σειρηνούσσας καὶ τὰ περὶ τὸν πορθμὸν καὶ Σκύλλαν καὶ Χάρυβδιν καὶ Αἰόλον· ἅπερ οὔτ' ἀκριβῶς ἐξετάζειν δεῖ οὔτ' ἄρριζα καὶ ἀνέστια ἐᾶν, ἀληθείας μηδὲν προσαπτόμενα μηδ' ὠφελείας ἱστορικῆς. 19. Καὶ αὐτὸς δὲ ὑπονοήσας τοῦτο ὁ Ἐρατοσθένης, ὑπολάβοι τις ἄν, φησί, τὸν ποιητὴν βούλεσθαι μὲν ἐν τοῖς προσεσπερίοις τόποις τὴν πλάνην τῷ Ὀδυσσεῖ ποιεῖν, ἀποστῆναι δ' ἀπὸ τῶν ὑποκειμένων, τὰ μὲν οὐκ ἀκριβῶς πεπυσμένον, τὰ δὲ οὐδὲ προελόμενον οὕτως, ἀλλ' ἐπὶ τὸ δεινότερον καὶ τὸ τερατωδέστερον ἕκαστα ἐξάγειν. Τοῦτο μὲν αὐτὸ εὖ, τὸ δ' οὗ χάριν τοῦτ' ἐποίει κακῶς δεξάμενος· οὐ γὰρ φλυαρίας, ἀλλ' ὠφελείας χάριν. Ὥστε δίκαιός ἐστιν ὑπέχειν λόγον καὶ περὶ τούτου καὶ διότι φησὶ τὰ πόρρω τερατολογεῖσθαι μᾶλλον διὰ τὸ εὐκατάψευστον. Πολλοστὸν γὰρ μέρος ἐστὶ τὰ πόρρω τερατολογούμενα τῶν ἐν τῇ Ἑλλάδι καὶ ἐγγὺς τῆς Ἑλλάδος· οἷα δὴ τὰ κατὰ τοὺς Ἡρακλέους ἄθλους καὶ Θησέως καὶ τὰ ἐν Κρήτῃ καὶ Σικελίᾳ μυθευόμενα καὶ ταῖς ἄλλαις νήσοις, καὶ τὰ περὶ τὸν Κιθαιρῶνα καὶ Ἑλικῶνα καὶ Παρνασσὸν καὶ Πήλιον καὶ τὴν Ἀττικὴν ὅλην καὶ Πελοπόννησον· οὐδείς τε ἐκ τῶν μύθων ἄγνοιαν αἰτιᾶται τῶν μυθοποιῶν. Ἔτι δὲ, ἐπεὶ οὐ πάντα μυθεύουσιν, ἀλλὰ πλείω προσμυθεύουσι, καὶ μάλιστα Ὅμηρος, [ὁ] ζητῶν τί οἱ παλαιοὶ προσμυθεύουσιν οὐ ζητεῖ, εἰ τὰ προσμυθευόμενα ὑπῆρξεν ἢ ἐστίν, ἀλλὰ καὶ μᾶλλον οἷς προσμυθεύεται τόποις ἢ προσώποις, περὶ ἐκείνων ζητεῖ τἀληθές· οἷον τὴν Ὀδυσσέως πλάνην, εἰ γέγονε, καὶ ποῦ. 20. Τὸ δ' ὅλον οὐκ εὖ, τὸ τὴν Ὁμήρου ποίησιν εἰς ἓν συνάγειν τῇ τῶν ἄλλων ποιητῶν εἴς τε τἆλλα καὶ εἰς αὐτὰ τὰ νῦν προκείμενα, τὰ τῆς γεωγραφίας, καὶ μηδὲν αὐτῷ πρεσβεῖον ἀπονέμειν. Καὶ γὰρ εἰ μηδὲν ἄλλο, τόν γε Τριπτόλεμον τὸν Σοφοκλέους ἢ τὸν ἐν ταῖς Βάκχαις ταῖς Εὐριπίδου πρόλογον ἐπελθόντα καὶ παραβαλόντα τὴν Ὁμήρου περὶ τὰ τοιαῦτα ἐπιμέλειαν, ῥᾷον ἦν αἰσθέσθαι τὴν ὑπερβολὴν ἢ τὴν διαφοράν· Ὅπου γὰρ χρεία τάξεως ὧν μέμνηται τόπων, φυλάττει τὴν τάξιν ὁμοίως μὲν τῶν Ἑλληνικῶν, ὁμοίως δὲ τῶν ἄπωθεν·
Ὅσσαν ἐπ' Οὐλύμπῳ
μέμασαν θέμεν,
αὐτὰρ ἐπ'
Ὄσσῃ Καὶ ἐν τῷ Καταλόγῳ τὰς μὲν πόλεις οὐκ ἐφεξῆς λέγει· οὐ γὰρ ἀναγκαῖον· τὰ δὲ ἔθνη ἐφεξῆς. Ὁμοίως δὲ καὶ περὶ τῶν ἄπωθεν·
Κύπρον
Φοινίκην
τε καὶ
αἰγυπτίους
ἐπαληθεὶς Ὅπερ καὶ Ἵππαρχος ἐπισημαίνεται. Οἱ δ' ἐφ' ὧν τάξεως χρεία, ὁ μὲν τὸν Διόνυσον ἐπιόντα τὰ ἔθνη φράζων, ὁ δὲ τὸν Τριπτόλεμον τὴν κατασπειρομένην γῆν, τὰ μὲν πολὺ διεστῶτα συνάπτουσιν ἐγγύς, τὰ δὲ συνεχῆ διασπῶσι·
Λιπὼν δὲ
Λυδῶν τὰς
πολυχρύσους
γύας Τοιαῦτα δὲ καὶ ὁ Τριπτόλεμος ποιεῖ. Κἀν τοῖς κλίμασι δὲ κἀν τοῖς ἀνέμοις διαφαίνει τὸ πολυμαθὲς τὸ περὶ τὴν γεωγραφίαν Ὅμηρος, ἐν ταῖς τοποθεσίαις λέγων ἅμα καὶ ταῦτα πολλαχοῦ·
Αὐτὴ δὲ
χθαμαλὴ
πανυπερτάτη
εἰν ἁλὶ κεῖται Καὶ μὴν τὴν ἄγνοιάν γε τῶν τοιούτων τελείαν ἡγεῖται σύγχυσιν τῶν ἁπάντων·
Ὦ φίλοι,
οὐ γάρ τ'
ἴδμεν, ὅπῃ
ζόφος οὐδ'
ὅπῃ ἠώς,
Κἀνταῦθα δ' εἰπόντος εὖ τοῦ ποιητοῦ, Βορέης καὶ Ζέφυρος, τώ τε Θρῄκηθεν ἄητον, οὐκ εὖ δεξάμενος [ ὁ] αὐτὸς συκοφαντεῖ ὡς καθόλου λέγοντος, ὅτι ὁ ζέφυρος ἐκ Θρᾴκης πνεῖ, ἐκείνου λέγοντος οὐ καθόλου, ἀλλ' ὅταν κατὰ τὴν Θρᾳκίαν θάλατταν συμπέσωσι περὶ τὸν Μέλανα κόλπον αὐτοῦ τοῦ Αἰγαίου μέρος οὖσαν. Ἐπιστροφὴν γὰρ λαμβάνει πρὸς νότον ἀκρωτηριάζουσα ἡ Θράάκη καθ' ἃ συνάπτει τῇ Μακεδονίᾳ, καὶ προπίπτουσα εἰς τὸ πέλαγος, τοὺς Ζεφύρους ἐντεῦθεν πνέοντας ἀποφαίνει τοῖς ἐν Θάσῳ καὶ Λήμνῳ καὶ Ἴμβρῳ καὶ Σαμοθράάκῃ καὶ τῇ περὶ αὐτὰς θαλάττῃ, καθάπερ καὶ τῇ Ἀττικῇ ἀπὸ τῶν Σκειρωνίδων πετρῶν, ἀφ' ὧν καὶ Σκείρωνες καλοῦνται οἱ Ζέφυροι, καὶ μάλιστα οἱ Ἀργέσται. Οὐκ ἐνόησε δὲ τοῦτο Ἐρατοσθένης, ὑπενόησε δ' ὅμως. Αὐτὸς γοῦν ἐξηγεῖται τὴν ἐπιστροφὴν ἣν λέγω τῆς χώρας· ὡς καθόλου οὖν δέχεται, εἶτ' ἀπειρίαν αἰτιᾶται τοῦ ποιητοῦ, ὡς τοῦ Ζεφύρου μὲν ἀπὸ τῆς ἑσπέρας πνέοντος καὶ τῆς Ἰβηρίας, τῆς δὲ Θρακης ἐκεῖσε μὴ διατεινούσης. Πότερον οὖν τὸν Ζέφυρον ἀγνοεῖ ἀπὸ ἑσπέρας πνέοντα; Ἀλλ' ὅταν οὕτω φῇ, φυλάττει τὴν οἰκείαν αὐτοῦ τάξιν·
Σὺν
δ' Εὖρός
τε Νότος τε
πέσον Ζέφυρός
τε δυσαὴς ἢ τὴν Θρᾴκην οὐκ οἶδε μὴ προπίπτουσαν πέραν τῶν Παιονικῶν καὶ Θετταλικῶν ὀρῶν; Ἀλλὰ καὶ ταύτην τὴν ἐφεξῆς κατὰ τοὺς Θρᾷκας εἰδὼς καὶ κατονομάζων τήν τε παραλίαν καὶ τὴν μεσόγαιαν Μάγνητας μέν τινας καὶ Μαλιεῖς καὶ τοὺς ἐφεξῆς Ἕλληνας καταλέγει μέχρι Θεσπρωτῶν, ὁμοίως δὲ καὶ τοῖς Παίοσι τοὺς ὁμόρους Δόλοπας καὶ Σελλοὺς περὶ Δωδώνην μέχρις Ἀχελώου· Θρᾳκῶν δ' οὐ μέμνηται περαιτέρω. Εὐεπιφόρως δὲ ἔχει πρὸς τὴν ἐγγυτάτην καὶ γνωριμωτάτην ἑαυτῷ θάλατταν, ὡς καὶ ὅταν φῇ·
Κινήθη δ'
ἀγορὴ ὡς
κύματα μακρὰ
θαλάσσης |
21. Suivant certains auteurs, il n'y aurait que deux vents principaux, Borée (le vent du Nord) et Notus (le vent du Sud); quant aux autres vents, à savoir Eurus, qui souffle du levant d'été (N.-E.), Apéliote, qui souffle du levant d'hiver (S.-E.), Zéphyr, qui souffle du couchant d'été (N-O.) et Argeste, qui souffle du couchant d'hiver (N-E..), ils ne différeraient de ces deux vents principaux que parce que, comme on le voit, ils s'écartent légèrement de leur direction. Pour réduire ainsi le nombre des vents à deux seulement, ces auteurs s'appuient du témoignage de Thrasyalcès et de celui d'Homère lui-même, qu'ils nous montrent rattachant dans ses vers l'Argeste au Notus : « De l'Argeste-Notus (69) , » et le Zéphyr à Borée : « Borée et Zéphyr, tout deux soufflant de la Thrace (70). » Mais Posidonius, de son côté, affirme qu'aucun des maîtres, qui font autorité dans la matière, ni Aristote, ni Timosthène, ni Bion, l'astrologue, n'ont jamais rien enseigné de pareil au sujet des vents, qu'ils nomment, eux, Caecias, le vent qui souffle du levant d'été, et Libs, le vent diamétralement opposé, celui par conséquent qui souffle du couchant d'hiver, Eurus, celui qui souffle du levant d'hiver et Argeste, celui qui souffle à l'opposite, enfin Apéliote et Zéphyr les vents intermédiaires (le vent d'est et le vent d'ouest), que dans le Zéphyr malin d'Homère, maintenant, il faut reconnaître notre Argeste, et dans son doux et harmonieux Zéphyr notre Zéphyr proprement dit, comme il faut reconnaître dans son Argeste-Notus notre LeucoNotus, ainsi nommé de ce qu'il forme seulement quelques légers nuages et par opposition au Notus proprement dit, lequel est toujours accompagné au contraire de nuages sombres et épais. Dans les vers suivants, par exemple : « De même, quand le Zéphyr, sous les coups de ses irrésistibles tourbillons, dissipe les Nuages d'Argeste-Notus (71), » Homère, au dire de Posidonius, veut parler du malin Zéphyr, qui disperse en effet les faibles nuages amassés par le LeucoNotus, et c'est à titre d'épithète seulement qu'il a joint le nom d'Argeste à celui du Notus. Telles sont les corrections ou rectifications, qui nous ont paru devoir être faites à ce que dit Ératosthène au commencement du Ier livre de sa Géographie. 22. Mais, persistant dans ses préventions, Ératosthène accuse plus loin Homère d'avoir ignoré que le Nil a plus d'une bouche, il veut même qu'il n'ait point connu ce nom de Nil, qu'Hésiode, lui, connaissait, puisqu'il l'a cité. Qu'Homère ait ignoré ce nom, soit : il est assez vraisemblable que de son temps on ne s'en servait pas encore. On pourrait de même admettre qu'il n'a point connu l'existence des différentes bouches du fleuve, s'il était vraisemblable que de son temps ces bouches fussent encore inexplorées et que peu de personnes seulement fussent instruites qu'il y en avait plus d'une. Si, au contraire, de son temps déjà, comme de nos jours, la plus connue, la plus surprenante des merveilles de l'Égypte, celle qui méritait le plus d'être observée et décrite, était le fleuve lui-même, avec le double phénomène de ses crues et de ses bouches multiples, comment supposer que ceux, dont les récits avaient fait connaître au poète et le fleuve Ægyptus et la contrée de même nom, et Thèbes d'Égypte et l'île de Pharos, eussent eux-mêmes ignoré le fait en question, ou que, le connaissant, ils eussent négligé de lui en parler, si ce n'est en raison de cette notoriété même? Quand on songe d'ailleurs qu'Homère lui-même a parlé de l'Éthiopie, des Sidoniens et des Erembes, de la mer Extérieure et de la division des Éthiopiens en deux corps de nation, on s'explique encore bien moins comment il aurait pu ne rien savoir de choses beaucoup plus proches, de choses universellement connues. Qu'il n'en ait rien dit, peu importe : le silence n'est point signe d'ignorance (Homère n'a point parlé davantage du lieu de sa naissance ni de mainte autre circonstance qu'assurément il connaissait) : la cause en est bien plutôt qu'il aura jugé hors de propos de rappeler des faits trop connus à des gens qu'il savait déjà instruits. 23. Cette autre imputation d'ignorance qu'on élève parfois contre Homère au sujet de Pharos, et pour l'avoir qualifiée d'île pélagienne (comme qui dirait île de la haute mer), n'est pas mieux fondée. Peut-être même y a-t-il lieu de voir dans cette circonstance la preuve qu'Homère n'a rien ignoré des particularités que nous signalions tout à l'heure au sujet de l'Égypte. Jugez-en plutôt. Ceux qui aiment à narrer leurs voyages sont tous volontiers hâbleurs: Ménélas était du nombre. Ayant remonté jusqu'au pays des Éthiopiens, il avait naturellement entendu parler des crues du Nil et savait aussi comment les atterrissements du fleuve ajoutent sans cesse à l'étendue de l'Égypte; il savait notamment ce que, par suite de ces dépôts successifs, le continent avait déjà gagné sur le canal situé en avant des bouches du fleuve, circonstance qui a donné lieu à ce mot si juste d'Hérodote, que l'Égypte tout entière est un présent du Nil, ou sinon l'Égypte tout entière, du moins la région qui s'étend au- dessous du Delta et qu'on nomme la Basse-Égypte. Mais on avait dû lui dire en même temps que l'île de Pharos se trouvait primitivement en pleine mer. Or, c'en était assez pour qu'il imaginât, par un mensonge gratuit, et, bien qu'il n'en fût plus ainsi de son temps, de représenter cette île toujours aussi éloignée des côtes d'Égypte qu'elle avait pu l'être dans l'origine. - Oui, mais qui fait mentir Ménélas de la sorte? Le poète. Le poète n'ignorait donc, à ce qu'il semble, ni le phénomène des crues du Nil, ni cette autre circonstance qu'il compte plusieurs bouches. 24. Même erreur de prétendre qu'Homère a ignoré l'existence de l'isthme qui sépare la mer d'Égypte du golfe Arabique et qu'il a menti grossièrement en représentant « Les Éthiopiens, aux derniers confins de la terre, partagés en deux nations (72). » L'expression d'Homère est au contraire parfaitement juste, et c'est à tort que les modernes l'ont critiquée; loin d'avoir, ainsi qu'ils le prétendent, ignoré l'existence de cet isthme, Homère, je ne crains pas de l'affirmer, en avait pleine connaissance; je dis plus, il a, dans le passage en question, désigné l'isthme en termes exprès, et ce sont les grammairiens mêmes, à commencer par Aristarque et Cratès, ces coryphées de la critique, qui n'ont point su comprendre le sens de ses paroles. Voici déjà qui le prouve : pour compléter le sens de ce vers, « Les Éthiopiens, qui habitent aux derniers confins de la terre, partagés en deux nations », Homère en ajoute un autre, sur le texte duquel Aristarque et Cratès ne s'accordent même point, Aristarque voulant qu'on écrive : Οἱ μὲν δυσομένου Ὑπερίονος, οἱ δ' ἀνίοντος « L'une au couchant, l'autre au levant », et Cratès proposant de lire Ἠ μέν δυσομένου Ὑπερίονος. Ἠ δ' ἀνίοντος « A la fois au couchant et au levant », sans que, du reste, pour leurs thèses respectives, il importe le moins du monde qu'on adopte une leçon plutôt que l'autre. Voici en effet quelles sont ces thèses : affectant, comme toujours, de raisonner en mathématicien, Cratès commence par poser en principe que la zone torride est occupée par l'Océan et se trouve bornée de part et d'autre par la zone tempérée, tant la portion que nous habitons que la portion qui se trouve dans l'hémisphère opposé; puis, s'appuyant sur ce que le nom d'Éthiopiens désigne pour nous toutes les populations méridionales, répandues le long de l'Océan, et qui semblent former la bordure extrême de la terre habitée, il conclut que, par analogie, on doit concevoir au delà de l'Océan l'existence d'autres Éthiopiens, occupant par rapport aux différents peuples de cette seconde zone tempérée et sur les bords dudit Océan la même situation extrême. Et de la sorte, ajoute-t-il, il y a bien effectivement deux nations d'Éthiopiens séparées l'une de l'autre par l'Océan. Pour expliquer maintenant l'addition de ce second vers : « A la fois au couchant et au levant », il fait remarquer que, comme le zodiaque céleste est toujours directement placé au-dessus du zodiaque terrestre, et que celui-ci, dans son obliquité, ne dépasse jamais l'une ou l'autre Éthiopie, il faut nécessairement aussi concevoir que le soleil accomplit sa révolution tout entière dans l'intervalle céleste correspondant aux mêmes limites, s'y levant et s'y couchant en différents points et avec des apparences diverses pour les différents peuples. Telle est l'explication que propose Cratès, et qu'il juge la plus conforme aux principes astronomiques; mais il aurait pu dire plus simplement, sans abandonner pour cela sa thèse sur le fait même de la division des Éthiopiens en deux nations, que les Éthiopiens s'étendent du levant au couchant, et habitent tout le long de l'Océan sur l'un et l'autre rivages. Et alors qu'importe, pour le sens, qu'on lise le vers en question tel que Cratès le donne, ou comme l'écrit Aristarque : « L'une au couchant, l'autre au levant », ce qui revient bien à dire que les Éthiopiens habitent tant au couchant qu'au levant des deux côtés de l'Océan? Aristarque, lui, rejette l'explication de Cratès et veut que cette division en deux nations distinctes se soit, dans la pensée d'Homère, appliquée uniquement aux Éthiopiens de notre hémisphère, à ceux-là même, qui, pour nous autres Grecs, représentent l'extrémité méridionale de la terre; et comme en fait cette division n'existe pas, qu'il n'y a point là deux Éthiopies, l'une occidentale, l'autre orientale, mais bien une seule située au midi par rapport à la Grèce et contiguë à l'Égypte, il en conclut que, sur ce point comme sur tant d'autres, signalés par Apollodore dans le second livre de son Commentaire sur le catalogue des vaisseaux, Homère a ignoré la vérité, et, par ignorance, substitué à la géographie réelle une géographie fantastique. 25. Pour répondre à Cratès, il faudrait s'engager dans une discussion fort longue, qui n'aurait peut-être pas grand rapport avec l'objet qui nous occupe. Quant à Aristarque, s'il mérite qu'on le loue d'abord pour avoir rejeté l'hypothèse de Cratès, laquelle en effet prête à mille objections, et pour avoir entrevu qu'il s'agissait, dans le passage d'Homère, de notre Éthiopie et non point d'une autre, sur le reste, en revanche, il nous paraît, lui aussi, donner prise à la critique. Premièrement, il n'avait que faire de disserter si minutieusement sur la leçon à adopter, l'une et l'autre leçon pouvant également bien s'ajuster à son sens. Y a-t-il, en effet, la moindre différence à dire : « On compte dans notre hémisphère deux nations d'Éthiopiens, l'une à l'orient, l'autre à l'occident, ou ceci : « On compte dans notre hémisphère deux nations d'Éthiopiens, car il y a de ces Éthiopiens tant à l'orient qu'à l'occident? » En second lieu, l'opinion qu'il soutient repose sur certains faits matériellement faux. Supposons avec lui que le poète a effectivement ignoré l'existence de l'isthme et que c'est bien des Éthiopiens limitrophes de l'Égypte qu'il a voulu parler dans ce vers, « Les Éthiopiens divisés en deux nations, » ne le sont-ils pas en effet? Et est-ce vraiment par ignorance que le poète s'est exprimé ainsi? L'Égypte et les Égyptiens, depuis le Delta jusqu'à Syène, ne sont-ils pas divisés, partagés en deux par le Nil, « Ceux-ci au couchant, ceux-là au levant? » Et l'Égypte est-elle autre chose que la vallée même du fleuve, autrement dit le terrain inondé par ses eaux ? Ne s'étend-elle point des deux côtés du Nil, au levant et au couchant? Mais l'Éthiopie, à son tour, est le prolongement direct de l'Égypte, elle offre avec ce pays de grandes analogies et par sa situation relativement au cours du Nil et par la disposition générale des lieux : comme l'Égypte, elle est étroite, longue et sujette à des inondations périodiques, et tout l'espace situé en dehors de la limite des débordements du fleuve, tant sur la rive orientale que sur la rive occidentale, n'y est de même qu'un désert aride, presque partout inhabitable : cela étant, pourquoi donc ne serait-elle pas, elle aussi, divisée en deux régions distinctes? Le Nil, par la longueur de son cours, lequel s'étend à plus de mille stades au midi, et par la largeur de son lit, capable d'enserrer des îles peuplées de plusieurs milliers d'hommes, comme voilà Méroé, la plus grande de toutes, Méroé, résidence des rois d'Éthiopie et métropole de la contrée, le Nil, dis-je, a pu paraître à ceux qui veulent à toute force séparer l'Asie de la Libye une ligne de démarcation suffisante, et il n'aurait pas suffi à partager en deux l'Éthiopie ! Quelle est pourtant la principale objection de ceux qui s'élèvent contre cette délimitation des deux continents par le fleuve ? Que l'Égypte et l'Éthiopie se trouvent par là en quelque sorte démembrées et divisées en deux parties, l'une libyque et l'autre asiatique, inconvénient très grand en effet, et qu'on ne peut éviter qu'en renonçant tout à fait à délimiter les deux continents, ou en leur cherchant une autre ligne de démarcation que le fleuve. 26. En dehors de ces explications, du reste, on pourrait concevoir encore d'autre façon la division de l'Éthiopie en deux parties. Tous les navigateurs qui ont, dans l'Océan, longé les côtes de la Libye, soit à partir de la mer Érythrée, soit à partir des colonnes d'Hercule, après s'être avancés plus ou moins loin, se sont trouvés arrêtés par différents obstacles et ont dû rétrograder, ce qui a donné lieu de croire, en général, que le passage était intercepté par un isthme, bien que la mer Atlantique, surtout dans sa partie australe, ne forme qu'un seul et même courant continu. Mais tous s'étaient accordés à appeler Éthiopie les points ou contrées extrêmes, terme de leur navigation, et à les faire connaître sous cette dénomination. Qu'y aurait-il donc de déraisonnable à admettre qu'Homère, sur la foi de semblables récits, a cru devoir partager les Éthiopiens en deux groupes, l'un oriental, l'autre occidental, en attendant qu'on sût s'ils occupaient aussi ou n'occupaient point tout l'espace intermédiaire? Éphore, enfin, rapporte une autre tradition fort ancienne, qu'on peut supposer sans invraisemblance avoir été connue d'Homère : suivant cette tradition, qui avait cours, dit-il, parmi les Tartessiens, les Éthiopiens auraient poussé leurs incursions dans l'intérieur de l'Afrique jusqu'au Dyris [ou Atlas] (73) et y auraient laissé une partie des leurs, tandis que le reste se serait répandu tout le long du littoral; or Éphore conjecture que c'est le fait de cette séparation qui a suggéré à Homère l'expression suivante : « Les Éthiopiens divisés en deux nations aux extrémités de la terre. » 27. Voilà déjà ce qu'on pourrait répondre à Aristarque et à ses partisans; mais il y a maint autre argument plus plausible encore à faire valoir, pour achever de décharger le poète de l'imputation de grossière ignorance qui pèse sur lui. Ainsi, en me reportant aux opinions des anciens Grecs, en voyant comment ils comprenaient tout ce qu'ils connaissaient de peuples septentrionaux sous le seul et même nom de Scythes, ou sous celui de nomades qu'emploie Homère, et comment plus tard, avec le progrès des découvertes dans l'Occident, ils adoptèrent aussi pour cette partie de la terre des dénominations générales, soit les noms simples de Celtes et d'ibères, soit les noms mixtes de Celtibères et de Celloscythes, étant réduits par ignorance à ranger ainsi sous une seule et même dénomination des peuples séparés et distincts, je crois pouvoir affirmer que le nom d'Éthiopie désignait de même pour eux toute la région méridionale de la terre baignée par l'Océan. Et voici qui le prouve. C'est d'abord un passage du Prométhée déchaîné d'Eschyle (74): « [Là tu verras] l'Érythrée rouler ses flots sacrés sur un sable rougi, et s'étendre non loin de l'Océan, ce lac aux reflets d'airain, ce lac, source de richesses pour l'Éthiopien, où le soleil, qui voit toute chose, vient plonger sans cesse son corps immortel et par les chaudes ablutions d'une eau doucement pénétrante retremper l'ardeur de ses coursiers fatigués. » Comme c'est, en effet, dans toute la longueur du climat méridional que l'Océan rend au soleil le service dont parle le poète et se trouve avoir par rapport à l'astre du jour la position indiquée dans ces vers, on peut en conclure, ce semble, qu'Eschyle croyait les Éthiopiens répandus réellement sur toute la longueur du climat méridional. On lit maintenant dans le Phaéthon d'Euripide que Clymène avait été donnée à Mérops, « Mérops, souverain maître de cette terre que, du haut de son rapide quadrige, le soleil levant frappe d'abord de ses feux dorés : ses noirs voisins l'appellent l'étincelante étable où se reposent les coursiers de l'aurore et du soleil (75) » Dans le présent passage, à la vérité, le poète attribue « l'étincelante étable » en commun aux coursiers de l'Aurore et à ceux du Soleil ; mais dans tout ce qui suit il se borne à dire qu'elle est placée non loin du palais de Mérops. Or, cette donnée géographique, par la façon du moins dont elle est liée à l'ensemble du drame, ne saurait s'entendre exclusivement de notre Éthiopie, limitrophe de l'Égypte, et elle nous paraît embrasser plutôt toute l'étendue des côtes de l'Océan, d'une extrémité à l'autre du climat méridional. 28. Éphore explique aussi dans le même sens l'opinion des anciens au sujet de l'Éthiopie. Voici en effet ce qu'on lit dans sa Description de l'Europe : « Supposons le ciel et la terre divisés en quatre régions : les Indiens occuperont celle d'où souffle l'Apéliote ; les Éthiopiens, celle d'où souffle le Notus ; les Celtes, la région du Couchant ; et les Scythes, la région boréale. » A quoi il ajoute que l'Éthiopie et la Scythie sont plus étendues que les deux autres régions, l'Éthiopie se prolongeant depuis le levant d'hiver jusqu'à l'extrême occident, et la Scythie se trouvant située juste à l'opposite. Qu'Homère, maintenant, ait partagé ces idées, la chose ressort clairement et de la position qu'il assigne à Ithaque, « VERS LA SOMBRE RÉGION (autrement dit vers le Nord), tandis que les autres ils s'écartent davantage vers l'AURORE ET LE SOLEIL (76) » (expression qui, pour lui, désigne tout le côté méridional de la terre), et de cet autre passage, « Soit qu'ils volent à droite du côté de l'aurore et du soleil, soit qu'ils gagnent à gauche la région ténébreuse du ciel (77), » et de celui-ci encore, « Allons, amis, puisque nous ignorons et le côté de la nuit et le côté de l'aurore, et le point de l'horizon où le soleil, ce flambeau des humains, descend au-dessous de la terre et le point d'où son char remonte et s'élève au-dessus. (78) » tous passages, du reste, sur lesquels nous revenons dans notre description d'Ithaque pour les mieux éclaircir. Conséquemment dans ce vers, « Car Jupiter s'en fut hier vers l'Océan peur visiter les vertueux Éthiopiens (79), » il nous faut généraliser le sens et entendre que l'Océan se déploie sur toute la longueur du climat méridional et l'Éthiopie pareillement, puisque, sur quelque point dudit climat que vous arrêtiez votre pensée, c'est toujours sur l'Océan et sur l'Éthiopie que vous tombez. C'est dans un sens général aussi que le poète a dit ailleurs, « Mais il fut aperçu de Neptune, qui revenant alors des rivages de l'Éthiopie, du haut des monts Solymes, le découvrit au loin (80), » cette double expression « des rivages de l'Éthiopie, du haut des monts Solymes » étant l'équivalent de celle-ci « des régions du Midi » ; car ce n'est point des Solymes de Pisidie que le poète parle ici, mais d'un peuple imaginaire, avons-nous dit, portant le même nom, et qu'il suppose placé par rapport à l'esquif sur lequel erre son héros et par rapport aux peuples situés au sud de ce point (lesquels ne sauraient être que ses Éthiopiens) juste dans la même position où les Solymes de Pisidie se trouvaient être par rapport au Pont et à l'Éthiopie proprement dite, sise au-dessus de l'Égypte. Ce qu'Homère enfin dit des grues doit être pris également en thèse générale : « Fuyant l'hiver et les pluies torrentielles, elles s'envolent en criant vers les rivages de l'Océan, et leurs cris annoncent « à la nation des Pygmées et la guerre et le trépas (81). » Car ce n'est pas en Grèce seulement qu'on voit ainsi les grues émigrer vers le Midi ; les choses ne se passent pas autrement en Italie, en Ibérie, aux environs de la mer Caspienne et dans la Bactriane. Mais, comme il est constant que l'Océan règne tout le long du littoral méridional, et que les grues se portent sur tous les points de l'Océan indifféremment pour y chercher un abri contre les frimas, il faut admettre en même temps que, dans la pensée d'Homère, les Pygmées étaient répandus sur toute la longueur de ses rivages. Que si, maintenant, il a plu aux modernes de restreindre le nom d'Éthiopiens aux seuls voisins de l'Égypte et de circonscrire dans les mêmes limites la tradition relative aux Pygmées, ceci ne saurait réagir sur les opinions des Anciens: les noms d'Achéens et d'Argiens ne désignent plus aujourd'hui pour nous la totalité des peuples ayant pris part naguère à l'expédition contre Ilion, mais il est avéré qu'Homère leur prêtait cette signification. Or c'est à peu près là ce que je dis, quand, pour expliquer le partage que fait Homère des Éthiopiens en deux nations, je prétends qu'il faut entendre, ce nom de l'ensemble des populations répandues depuis le levant jusqu'au couchant, le long des rivages de l'Océan. En effet, du moment qu'on l'entend de la sorte, il saute aux yeux que les Éthiopiens se trouvent naturellement partagés en deux groupes par le golfe Arabique, lequel se peut comparer à un grand arc de méridien, à le voir s'étendre, semblable à un fleuve, sur une longueur de près de quinze mille stades et sur une largeur dont le maximum n'excède point mille stades, avec cet autre avantage à ajouter à celui de son extrême longueur, que le fond dudit golfe n'est séparé de la mer de Péluse que par un trajet de trois à quatre journées de marche à travers l'isthme. Les mieux avisés d'entre ceux qui prétendent séparer rigoureusement l'Asie de la Libye ont bien reconnu cet avantage, et, dans leurs essais de délimitation, ils ont préféré le golfe au Nil, comme offrant une ligne de démarcation plus convenable à établir entre les deux continents, puisque le golfe s'étend presque d'une mer à l'autre, tandis que le Nil, à la grande distance où il est encore de l'Océan, ne saurait séparer qu'imparfaitement l'Asie de la Libye. Eh bien ! J'en suis convaincu pour ma part, Homère concevait, lui aussi, toute la région méridionale de la terre partagée en deux par le golfe Arabique; seulement, si cela est, comment admettre qu'il ait pu ignorer l'existence de l'isthme que forme ce golfe avec la mer d'Égypte? 29. II serait en effet de la dernière invraisemblance, qu'instruit, comme il l'était, de la situation exacte de Thèbes, de la Thèbes d'Égypte, laquelle est distante des bords de notre mer de 5000 stades (82) ou peu s'en faut, Homère n'eût connu ni le fond du golfe Arabique, ni l'existence de l'isthme qui le prolonge et qui se trouve n'avoir en largeur que mille stades tout au plus. Et ce qui devra paraître plus invraisemblable encore, c'est qu'Homère ait pu savoir que le Nil portait le nom, le nom même d'une contrée aussi vaste que l'est l'Égypte, sans en avoir deviné la cause, vu que le mot d'Hérodote (83) que l'Égypte est un présent du fleuve et qu'elle avait dû à ce titre recevoir le nom du fleuve lui-même, semble devoir s'offrir tout naturellement à l'esprit de chacun. Quelles sont d'ailleurs, entre toutes les particularités d'un pays, les particularités les plus universellement connues? Celles-là toujours qui offrent en soi quelque chose d'étrange et qui se trouvent en outre placées de façon à frapper tous les regards. Or le double phénomène des crues du Nil et de ses atterrissements est précisément dans ce cas. Et de même que le voyageur, qui aborde en Égypte, apprend avant tout à connaître la nature du Nil, les indigènes n'ayant rien à dire qui puisse étonner davantage un étranger et lui donner une plus haute idée de leur pays (car il suffit d'être instruit du régime de ce fleuve pour concevoir aussitôt ce que peut être la contrée tout entière qu'il arrose), de même, loin de l'Égypte et dans les récits qui nous viennent de ce pays, le nom du Nil est encore le premier qui frappe notre oreille. Ajoutez à ce qui précède la curiosité du poète et son amour des voyages attestés par tous ses biographes et directement par maints passages ou allusions de ses poèmes : que de preuves réunies pour établir qu'Homère a toujours bien su et bien dit ce qui était à dire et que ce sont uniquement les faits notoires qu'il a tus ou indiqués par de simples épithètes! 30. N'est-il pas étrange après cela de voir des Égyptiens, des Syriens (les mêmes contre qui nous disputons présentement), qui n'entendent même pas Homère dans ce qu'il dit des choses de leur pays, et que notre discussion vient de convaincre d'ignorance, oser traiter Homère d'ignorant! D'abord, règle générale, le silence n'est point une preuve d'ignorance : Homère n'a rien dit des courants contraires de l'Euripe, ni du défilé des Thermopyles ni de mainte autre curiosité de la Grèce connue de tout le monde, et assurément ce n'est point par ignorance. Mais ce qui est plus fort, il lui arrive quelquefois de parler des choses sans que ces sourds de parti pris le daignent entendre, auquel cas naturellement toute la faute est à eux. Chacun sait qu'Homère, sous le nom d'enfants du ciel, désigne non seulement les torrents, mais encore tous les autres cours d'eau, et cela apparemment parce qu'il savait que tous sont grossis par les pluies. Mais toute qualification générale appliquée à ce qui est hors ligne devient par cela même qualification particulière : l'épithète enfant du ciel notamment ne saurait avoir la même valeur, attribuée au torrent ou bien au fleuve ordinaire qui ne tarit jamais. Or, dans le cas présent, il y a, si l'on peut dire, double degré de supériorité; et, de même qu'il existe des hyperboles d'hyperboles, celles-ci par exemple, « être plus léger que l'ombre d'un liège », « être plus timide qu'un lièvre phrygien », « avoir moins de terre (il s'agit d'un champ) qu'une épître laconienne [n'a de mots] », de même, appliquée au Nil, la qualification d'enfant du ciel semble un superlatif ajouté au superlatif. Car, si le torrent déjà a plus de droit que les autres cours d'eau à cette qualification d'enfant du ciel, le Nil y a plus de droit encore que tous les torrents, quels qu'ils soient, les surpassant tous tellement par le volume et la durée de ses crues. Et, comme nous avons d'ailleurs victorieusement démontré qu'Homère n'ignorait aucune des particularités du régime de ce fleuve, s'il lui a appliqué l'épithète en question, ce ne peut être que dans le sens que nous venons de dire. Voici maintenant une particularité, celle d'avoir plusieurs bouches ou embouchures, qui se trouvait être commune à une infinité de fleuves, Homère ne l'a point jugée digne d'être signalée, à des gens surtout qu'il savait déjà instruits du fait. Mais Alcée lui-même n'en a point parlé davantage, et cependant, s'il faut l'en croire, il avait fait, lui, le voyage d'Égypte. Quant au phénomène des atterrissements du Nil, lequel pourrait déjà se déduire du seul fait des crues du fleuve, la mention s'en trouve implicitement contenue dans ce que dit le poète de l'île de Pharos. Qu'un informateur quelconque, que la commune renommée, pour mieux dire, ait pu représenter à Homère l'île de Pharos comme étant encore aussi éloignée du continent qu'il le marque, à savoir d'une journée de navigation tout entière, la chose est inadmissible, le mensonge aurait été par trop flagrant. En revanche, il était tout simple que des renseignements sur la nature des crues du Nil et de ses atterrissements fussent plus vagues, plus généraux ; or, de tels renseignements Homère aura pu conclure que l'île, à l'époque où Ménélas la visitait, se trouvait plus éloignée de la terre ferme qu'elle ne l'était de son temps, et, pour donner à cette circonstance une couleur fabuleuse, il aura pris sur lui de faire la distance plus grande encore. Mais l'emploi des fables, avons-nous dit, ne saurait être considéré comme un indice d'ignorance : ainsi, ni la fable de Protée, ni le mythe des Pygmées, ni ces prodigieux effets attribués aux breuvages magiques, ni tant d'autres fictions analogues n'accusent l'ignorance géographique ou historique du poète, et si elles prouvent quelque chose c'est uniquement l'envie de plaire et d'amuser. - « Comment se fait-il pourtant, dira-t-on, qu'Homère ait pu parler de l'aiguade de Pharos, quand il est avéré que Pharos manque d'eau? » « Là s'ouvre un port, excellent mouillage, d'où les vaisseaux rapides s'élancent à la mer chargés de l'eau limpide des sources profondes (84). » D'abord, répondrons-nous, il ne serait pas impossible qu'avec le temps l'aiguade de l'île se fût tarie; en second lieu Homère ne dit pas formellement qu'on tirât l'eau des sources mêmes de Pharos, mais seulement que le chargement des navires se faisait en ce lieu à cause de l'excellence de son port; et il était facile apparemment d'aller puiser l'eau sur la côte vis-à-vis. Ajoutons que par cette façon de s'exprimer le poète semble en quelque sorte avouer que, lorsqu'il a fait ailleurs de Pharos une île de pleine mer, il n'a point dit vrai, mais qu'il a amplifié et exagéré à la façon des poètes.
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21. Εἰσὶ δέ τινες, οἵ φασιν εἶναι δύο τοὺς κυριωτάτους ἀνέμους Βορέαν καὶ Νότον, τοὺς δὲ ἄλλους κατὰ μικρὰν ἔγκλισιν διαφέρειν· τὸν μὲν ἀπὸ θερινῶν ἀνατολῶν Εὖρον χειμερινῶν δὲ Ἀπηλιώτην· δύσεων δὲ θερινῶν μὲν Ζέφυρον χειμερινῶν δὲ Ἀργέστην. Τοῦ δὲ δύο εἶναι τοὺς ἀνέμους ποιοῦνται μάρτυρας Θρασυάλκην τε καὶ τὸν ποιητὴν αὐτὸν [ τῷ] τὸν μὲν Ἀργέστην τῷ Νότῳ προσνέμειν· ἀργεστᾶο Νότοιο, τὸν δὲ Ζέφυρον τῷ Βορέᾳ· Βορέης καὶ Ζέφυρος, τώ τε Θρῄκηθεν ἄητον. Φησὶ δὲ Ποσειδώνιος, μηδένα οὕτως παραδεδωκέναι τοὺς ἀνέμους τῶν γνωρίμων περὶ ταῦτα, οἷον Ἀριστοτέλη, Τιμοσθένη, Βίωνα τὸν ἀστρολόγον· ἀλλὰ τὸν μὲν ἀπὸ θερινῶν ἀνατολῶν Καικίαν, τὸν δὲ τούτῳ κατὰ διάμετρον ἐναντίον Λίβα, ἀπὸ δύσεως ὄντα χειμερινῆς· πάλιν δὲ τὸν μὲν ἀπὸ χειμερινῆς ἀνατολῆς Εὖρον, τὸν δ' ἐναντίον Ἀργέστην· τοὺς δὲ μέσους Ἀπηλιώτην καὶ Ζέφυρον. Τὸν δὲ ποιητὴν δυσαῆ μὲν Ζέφυρον λέγειν τὸν ὑφ' ἡμῶν καλούμενον Ἀργέστην, λίγα δὲ πνέοντα Ζέφυρον τὸν ὑφ' ἡμῶν Ζέφυρον, Ἀργέστην δὲ Νότον τὸν Λευκόνοτον· οὗτος γὰρ ὀλίγα τὰ νέφη ποιεῖ, τοῦ λοιποῦ Νότου ὀλεροῦ πως ὄντος.
Ὡς
ὁπότε Ζέφυρος
νέφεα
στυφελίξῃ, Τὸν γὰρ δυσαῆ Ζέφυρον νῦν λέγει, ὃς εἴωθε διασκιδνάναι τὰ ὑπὸ τοῦ Λευκονότου συναγόμενα ἀσθενῆ ὄντα, ἐπιθέτως τοῦ Νότου νῦν ἀργέστου λεγομένου. Ταῦτα μὲν δὴ ἐν ἀρχῇ τοῦ πρώτου τῶν γεωγραφικῶν εἰρημένα τοιαύτην τινὰ τὴν ἐπανόρθωσιν ἔχει. 22. Ἐπιμένων δὲ τοῖς περὶ Ὁμήρου ψευδῶς ὑποληφθεῖσι καὶ ταῦτά φησιν, ὅτι οὐδὲ τὰ τοῦ Νείλου στόματα οἶδε πλείω ὄντα οὐδ' αὐτὸ τοὔνομα, Ἡσίοδος δὲ οἶδε· μέμνηται γάρ. τὸ μὲν οὖν ὄνομα εἰκὸς μήπω λέγεσθαι κατ' αὐτόν· τὰ δὲ στόματα εἰ μὲν ἦν ἀφανῆ καὶ ὀλίγοις γνώριμα, ὅτι πλείω καὶ οὐχ ἕν, δοίη τις ἂν [ μὴ] πεπύσθαι αὐτόν· εἰ δὲ τῶν κατ' Αἴγυπτον τὸ γνωριμώτατον καὶ παραδοξότατον καὶ μάλιστα πάντων μνήμης ἄξιον καὶ ἱστορίας ὁ ποταμὸς καὶ ἦν καὶ ἐστίν, ὡς δ' αὕτως αἱ ἀναβάσεις αὐτοῦ καὶ τὰ στόματα, τίς ἂν ἢ τοὺς ἀγγέλλοντας αὐτῷ ποταμὸν αἴγυπτον καὶ χώραν καὶ Θήβας Αἰγυπτίας καὶ Φάρον ὑπολάβοι μὴ γνωρίζειν ταῦτα, ἢ γνωρίζοντας μὴ λέγειν, πλὴν εἰ μὴ διὰ τὸ γνώριμον; Ἔτι δ' ἀπιθανώτερον, εἰ τὴν μὲν αἰθιοπίαν ἔλεγε καὶ Σιδονίους καὶ Ἐρεμβοὺς καὶ τὴν ἔξω θάλατταν καὶ τὸ διχθὰ δεδάσθαι τοὺς Αἰθίοπας, τὰ δ' ἐγγὺς καὶ γνώριμα μή. Εἰ δὲ μὴ ἐμνήσθη τούτων, οὐ τοῦτο σημεῖον τοῦ ἀγνοεῖν ( οὐδὲ γὰρ τῆς αὐτοῦ πατρίδος ἐμνήσθη οὐδὲ πολλῶν ἄλλων) ἀλλὰ μᾶλλον τὰ λίαν γνώριμα ὄντα φαίη τις ἂν δόξαι μὴ ἄξια μνήμης εἶναι πρὸς τοὺς εἰδότας. 23. Οὐκ εὖ δὲ οὐδὲ τοῦτο προφέρουσιν αὐτῷ τὸ περὶ τῆς νήσου τῆς Φαρίας, ὅτι φησὶ πελαγίαν, ὡς κατ' ἄγνοιαν λέγοντι. Τοὐναντίον γὰρ κἂν μαρτυρίῳ χρήσαιτό τις τούτῳ πρὸς τὸ μὴ ἀγνοεῖσθαι μηδὲν ὑπὸ τοῦ ποιητοῦ τῶν εἰρημένων ἀρτίως περὶ τὴν Αἴγυπτον. Γνοίης δ' ἂν οὕτως· ἀλαζὼν δὴ πᾶς ὁ πλάνην αὑτοῦ διηγούμενος· τούτων δ' ἦν καὶ ὁ Μενέλαος, ὃς ἀναβεβηκὼς μέχρις Αἰθιόπων ἐπέπυστο τὰς ἀναβάσεις τοῦ Νείλου καὶ τὴν χοῦν ὅσην ἐπιφέρει τῇ χώρᾳ, καὶ τὸν πρὸ τῶν στομάτων πόρον ὅσον ἤδη προσχώσας τῇ ἠπείρῳ προστέθεικεν, ὥστε εἰκότως ὑπὸ τοῦ Ἡροδότου καὶ τὴν ὅλην Αἴγυπτον τοῦ ποταμοῦ δῶρον λέγεσθα· κἂν εἰ μὴ τὴν ὅλην, τήν γε ὑπὸ τῷ Δέλτα τὴν κάτω χώραν προσαγορευομένην. Ἱστόρησε δὲ καὶ τὴν Φάρον πελαγίαν οὖσαν τὸ παλαιόν· προσεψεύσατο δὴ καὶ τὸ πελαγίαν εἶναι, καίπερ μηκέτι πελαγίαν οὖσαν. Ὁ δὲ ταῦτα διασκευάζων ὁ ποιητὴς ἦν· ὥστ' ἐκ τούτων εἰκάζειν, ὅτι καὶ τὰς ἀναβάσεις ᾖδει καὶ τὰ στόματα τοῦ Νείλου. 24. Ἡ δ' αὐτὴ ἁμαρτία καὶ περὶ τοῦ ἀγνοεῖν τὸν ἰσθμὸν τὸν μεταξὺ τοῦ Αἰγυπτίου πελάγους καὶ τοῦ Ἀραβίου κόλπου καὶ περὶ τοῦ ψευδῶς λέγεσθαι Αἰθίοπες, τοὶ διχθὰ δεδαίαται ἔσχατοι ἀνδρῶν. Καὶ γὰρ τοῦτο ἐκείνου λέγοντος καλῶς, ἐπιτιμῶσιν οἱ ὕστερον οὐκ εὖ. Τοσούτου γὰρ δεῖ τοῦτ' ἀληθὲς εἶναι τὸ ἀγνοεῖν Ὅμηρον τὸν ἰσθμὸν τοῦτον, ὥστε ἐκεῖνον μέν φημι μὴ εἰδέναι μόνον, ἀλλὰ καὶ ἀποφαίνεσθαι ἄντικρυς, τοὺς δὲ γραμματικοὺς μηδὲ λέγοντος ἐκείνου αἰσθάνεσθαι ἀπὸ Ἀριστάρχου καὶ Κράτητος τῶν κορυφαίων ἐν τῇ ἐπιστήμῃ ταύτῃ. Εἰπόντος γὰρ τοῦ ποιητοῦ· Αἰθίοπας, τοὶ διχθὰ δεδαίαται, ἔσχατοι ἀνδρῶν, περὶ τοῦ ἐπιφερομένου ἔπους διαφέρονται, ὁ μὲν Ἀρίσταρχος γράφων, Οἱ μὲν δυσομένου Ὑπερίονος, οἱ δ' ἀνιόντος, ὁ δὲ Κράτης, Ἠμὲν δυσομένου Ὑπερίονος, ἠδ' ἀνιόντος,
οὐδὲν
διαφέρον πρὸς
τὴν ἑκατέρου
ὑπόθεσιν
οὕτως ἢ
ἐκείνως
γράφειν. Ὁ μὲν γὰρ,
ἀκολουθῶν
τοῖς
μαθηματικῶς
λέγεσθαι
δοκοῦσι, τὴν
διακεκαυμένην
ζώνην
κατέχεσθαί
φησιν ὑπὸ τοῦ
ὠκεανοῦ· παρ' ἑκάτερον δὲ
ταύτης εἶναι
τὴν εὔκρατον, τήν τε καθ'
ἡμᾶς καὶ τὴν
ἐπὶ θάτερον
μέρος. Ὥσπερ
οὖν οἱ παρ' ἡμῖν Αἰθίοπες οὗτοι
λέγονται οἱ
πρὸς
μεσημβρίαν κε
κλιμένοι παρ' ὅλην τὴν οἰκουμένην
ἔσχατοι τῶν
ἄλλων
παροικοῦντες
τὸν ὠκεανόν, οὕτως οἴεται
δεῖν καὶ πέραν
τοῦ ὠκεανοῦ
νοεῖσθαί
τινας Αἰθίοπας ἐσχάτους τῶν
ἄλλων τῶν ἐν τῇ
ἑτέρᾳ εὐκράτῳ,
παροικοῦντας
τὸν αὐτὸν
τοῦτον
ὠκεανόν· διττοὺς δὲ
εἶναι καὶ
διχθὰ
δεδάσθαι ὑπὸ
τοῦ ὠκεανοῦ. Προσκεῖσθαι
δὲ τὸ 25. Πρὸς μὲν οὖν Κράτητα μακροῦ λόγου δεῖ, καὶ ἴσως οὐδὲν ὄντος πρὸς τὰ νῦν. Ἀριστάρχου δὲ τοῦτο μὲν ἐπαινῶμεν, διότι τὴν Κρατήτειον ἀφεὶς ὑπόθεσιν, δεχομένην πολλὰς ἐνστάσεις περὶ τῆς καθ' ἡμᾶς Αἰθιοπίας ὑπονοεῖ γεγονέναι τὸν λόγον· τὰ δ' ἄλλα ἐπισκοπῶμεν. Καὶ πρῶτον ὅτι καὶ αὐτὸς μικρολογεῖται μάτην περὶ τῆς γραφῆς. Καὶ γὰρ ἂν ἑκατέρως γράφηται, δύναται ἐφαρμόττειν τοῖς νοήμασιν αὐτοῦ. τί γὰρ διαφέρει λέγειν ἢ οὕτως, δύο εἰσὶ καθ' ἡμᾶς Αἰθίοπες, οἱ μὲν πρὸς ἀνατολὰς, οἱ δὲ πρὸς δύσεις· ἢ οὕτως, καὶ γὰρ "πρὸς ἀνατολὰς καὶ πρὸς δύσει ς; Ἔπειθ' ὅτι ψευδοῦς προίίσταται δόγματος. Φέρε γὰρ τὸν ποιητὴν ἀγνοεῖν μὲν τὸν ἰσθμόν, τῆς δὲ κατ' Αἴγυπτον Αἰθιοπίας μεμνῆσθαι ὅταν φῇ· Αἰθίοπας, τοὶ διχθὰ δεδαίαται· Πῶς οὖν; Οὐ διχθὰ δεδαίαται οὕτω, ἀλλ' ἀγνοῶν οὕτως εἴρηκεν ὁ ποιητής; Πότερ' οὐδ' ἡ Αἴγυπτος, οὐδ' οἱ Αἰγύπτιοι ἀπὸ τοῦ Δέλτα ἀρξάμενοι μέχρι πρὸς Συήνην ὑπὸ τοῦ Νείλου δίχα διῄρηνται, Οἱ μὲν δυσομένου Ὑπερίονος, οἱ δ' ἀνιόντος; Τί δ' ἄλλο ἡ Αἴγυπτός ἐστι πλὴν ἡ ποταμία, ἣν ἐπικλύζει τὸ ὕδωρ; Αὕτη δ' ἐφ' ἑκάτερα τοῦ ποταμοῦ κεῖται πρὸς ἀνατολὴν καὶ δύσιν. Ἀλλὰ μὴν ἡ Αἰθιοπία ἐπ' εὐθείας ἐστὶ τῇ Αἰγύπτῳ καὶ παραπλησίως ἔχει πρός τε τὸν Νεῖλον καὶ τὴν ἄλλην φύσιν τῶν τόπων. Καὶ γὰρ αὕτη στενή τέ ἐστι καὶ μακρὰ καὶ ἐπίκλυστος. τὰ δ' ἔξω τῆς ἐπικλύστου ἔρημά τε καὶ ἄνυδρα καὶ σπανίως οἰκεῖσθαι δυνάμενα, τὰ μὲν πρὸς ἕω τὰ δὲ πρὸς δύσιν κεκλιμένα. Πῶς οὖν οὐχὶ καὶ δίχα διῄρηται; Ἢ τοῖς μὲν τὴν Ἀσίαν ἀπὸ τῆς Λιβύης διαιροῦσιν ἀξιόλογον τοῦθ' ὅριον ἐφάνη ὁ Νεῖλος, μῆκος μὲν ἀνατείνων ἐπὶ τὴν μεσημβρίαν πλειόνων ἢ μυρίων σταδίων, πλάτος δέ, ὥστε καὶ νήσους ἀπολαμβάνειν μυριάνδρους, ὧν μεγίστη ἡ Μερόη τὸ βασίλειον καὶ μητρόπολις τῶν Αἰθιόπων, αὐτὴν δὲ τὴν Αἰθιοπίαν οὐχ ἱκανὸς ἦν διαιρεῖν δίχα; Καὶ μὴν οἵ γε ἐπιτιμῶντες τοῖς τὰς ἠπείρους τῷ ποταμῷ διαιροῦσι τῶν ἐγκλημάτων τοῦτο μέγιστον προφέρουσιν αὐτοῖς, ὅτι τὴν αἴγυπτον καὶ τὴν Αἰθιοπίαν διασπῶσι καὶ ποιοῦσι τὸ μέν τι μέρος ἑκατέρας αὐτῶν Λιβυκόν, τὸ δ' Ἀσιατικόν· ἢ εἰ μὴ βούλονται τοῦτο, ἢ οὐ διαιροῦσι τὰς ἠπείρους ἢ οὐ τῷ ποταμῷ. 26. Χωρὶς δὲ τούτων ἐστὶ καὶ ἄλλως διαιρεῖν τὴν Αἰθιοπίαν. Πάντες γὰρ οἱ παραπλεύσαντες τῷ ὠκεανῷ τὴν Λιβύην, οἵ τε ἀπὸ τῆς Ἐρυθρᾶς καὶ οἱ ἀπὸ τῶν Στηλῶν, μέχρι ποσοῦ προελθόντες εἶτα ἀνέστρεψαν ὑπὸ πολλῶν ἀποριῶν κωλυόμενοι, ὥστε καὶ πίστιν κατέλιπον τοῖς πολλοῖς, ὡς τὸ μεταξὺ διείργοιτο ἰσθμῷ· καὶ μὴν σύρρους ἡ πᾶσα Ἀτλαντικὴ θάλαττα, καὶ μάλιστα ἡ κατὰ μεσημβρίαν. Ἅπαντες δὲ οὗτοι τὰ τελευταῖα χωρία, ἐφ' ἃ πλέοντες ἦλθον, Αἰθιοπικὰ προσηγόρευσαν καὶ ἀπήγγειλαν οὕτως. Τί οὖν ἄλογον, εἰ καὶ Ὅμηρος ὑπὸ τοιαύτης ἀκοῆς ἀχθεὶς δίχα διῄρει, τοὺς μὲν πρὸς ἀνατολὴν λέγων, τοὺς δὲ πρὸς δύσιν, τῶν μεταξὺ οὐ γινωσκομένων εἴτε εἰσὶν εἴτε μὴ εἰσίν; Ἀλλὰ μὴν καὶ ἄλλην τινὰ ἱστορίαν εἴρηκεν παλαιὰν Ἔφορος, ᾗ οὐκ ἄλογον ἐντυχεῖν καὶ Ὅμηρον. Λέγεσθαι γάρ φησιν ὑπὸ τῶν Ταρτησσίων Αἰθίοπας τὴν Λιβύην ἐπελθόντας μέχρι αὐάσεως τοὺς μὲν αὐτοῦ μεῖναι, τοὺς δὲ καὶ τῆς παραλίας κατασχεῖν πολλήν· τεκμαίρεται δ' ἐκ τούτου καὶ Ὅμηρον εἰπεῖν οὕτως· Αἰθίοπες, τοὶ διχθὰ δεδαίαται, ἔσχατοι ἀνδρῶν. 27. Ταῦτά τε δὴ πρὸς τὸν Ἀρίσταρχον λέγοι ἄν τις καὶ πρὸς τοὺς ἀκολουθοῦντας αὐτῷ καὶ ἄλλα τούτων ἐπιεικέστερα, ἀφ' ὧν τὴν πολλὴν ἄγνοιαν ἀφαιρήσεται τοῦ ποιητοῦ. Φημὶ γὰρ κατὰ τὴν τῶν ἀρχαίων Ἑλλήνων δόξαν, ὥσπερ τὰ πρὸς βορρᾶν μέρη τὰ γνώριμα ἑνὶ ὀνόματι Σκύθας ἐκάλουν ἢ Νομάδας, ὡς Ὅμηρος, ὕστερον δὲ καὶ τῶν πρὸς ἑσπέραν γνωσθέντων Κελτοὶ καὶ Ἴβηρες ἢ μικτῶς Κελτίβηρες καὶ Κελτοσκύθαι προσηγορεύοντο, ὑφ' ἓν ὄνομα τῶν καθ' ἕκαστα ἐθνῶν ταττομένων διὰ τὴν ἄγνοιαν, οὕτω τὰ μεσημβρινὰ πάντα Αἰθιοπίαν καλεῖσθαι τὰ πρὸς ὠκεανῷ. μαρτυρεῖ δὲ τὰ τοιαῦτα. Ὅ τε γὰρ Αἰσχύλος ἐν Προμηθεῖ τῷ λυομένῳ φησὶν οὕτω·
Φοινικόπεδόν
τ' ἐρυ"θρᾶς
ἱερὸν Παρ' ὅλον γὰρ τὸ μεσημβρινὸν κλίμα τοῦ ὠκεανοῦ ταύτην πρὸς τὸν ἥλιον ἴσχοντος τὴν χρείαν καὶ τὴν σχέσιν, παρ' ὅλον καὶ τοὺς Αἰθίοπας τάττων φαίνεται. Ὅτ' Εὐριπίδης ἐν τῷ Φαέθοντι τὴν Κλυμένην δοθῆναί φησι
Μέροπι τῆσδ' ἄνακτι
γῆς, Νῦν μὲν δὴ κοινὰς ποιεῖται τὰς ἱπποστάσεις τῇ τε Ἠοῖ καὶ τῷ Ἡλίῳ, ἐν δὲ τοῖς ἑξῆς πλησίον αὐτάς φησιν εἶναι τῇ οἰκήσει τοῦ Μέροπος· καὶ ὅλῃ γε τῇ δραματουργίᾳ τοῦτο παραπέπλεκται, οὐ δή που τῆς κατ' Αἴγυπτον ἴδιον ὄν, μᾶλλον δὲ τῆς παρ' ὅλον τὸ μεσημβρινὸν κλίμα διηκούσης παραλίας. 28. Μηνύει δὲ καὶ Ἔφορος τὴν παλαιὰν περὶ τῆς Αἰθιοπίας δόξαν, ὅς φησιν ἐν τῷ περὶ τῆς Εὐρώπης λόγῳ, τῶν περὶ τὸν οὐρανὸν καὶ τὴν γῆν τόπων εἰς τέτταρα μέρη διῃρημένων, τὸ πρὸς τὸν ἀπηλιώτην Ἰν δοὺς ἔχειν, πρὸς νότον δὲ Αἰθίοπας, πρὸς δύσιν δὲ Κελτούς, πρὸς δὲ βορρᾶν ἄνεμον Σκύθας. Προστίθησι δ', ὅτι μείζων ἡ Αἰθιοπία καὶ ἡ Σκυθία· δοκεῖ γάρ, φησί, τὸ τῶν Αἰθιόπων ἔθνος παρατείνειν ἀπ' ἀνατολῶν χειμερινῶν μέχρι δυσμῶν, ἡ Σκυθία δ' ἀντίκειται τούτῳ. Ὅτι δ' ὁ ποιητὴς ὁμόλογος τούτοις, καὶ ἐκ τῶνδε δῆλον ὅτι ἡ μὲν Ἰθάκη κεῖται
Πρὸς ζόφον (ὅπερ ἐστὶ πρὸς
ἄρκτον) αἱ δέ
τ' ἄνευθε Ὅλον τὸ νότιον πλευρὸν οὕτω λέγων·. καὶ ἔτι, ὅταν φῇ·
Εἴτ'
ἐπὶ δέξι' ἴωσι
πρὸς ἠῶ τ' ἠέλιόν τε, Καὶ πάλιν·
Ὦ
φίλοι, οὐ γάρ τ'
ἴδμεν, ὅπῃ
ζόφος, οὐδ' ὅπῃ
ἠώς, Περὶ ὧν λέγεται καὶ ἐν τοῖς περὶ τῆς Ἰθάκης λόγοις σαφέστερον. Ὁταν οὖν φῇ·
Ζεὺς
γὰρ ἐς ὠκεανὸν
μετ' ἀμύμονας Αἰθιοπῆας κοινότερον δεκτέον καὶ τὸν ὠκεανὸν τὸν καθ' ὅλον τὸ μεσημβρινὸν κλίμα τεταμένον καὶ τοὺς Αἰθίοπας· ᾧ γὰρ ἂν τόπῳ τοῦδε τοῦ κλίματος προσβάλῃς τὴν διάνοιαν, καὶ ἐπὶ τῷ ὠκεανῷ ἔσῃ καὶ ἐπὶ τῇ Αἰθιοπίᾳ. Οὕτω δὲ λέγει καὶ τὸ
Τὸν δ'
ἐξ Αἰθιόπων
ἀνιὼν ἴσον τῷ ἀπὸ μεσημβρινῶν τόπων, Σολύμους λέγων οὐ τοὺς ἐν τῇ Πισιδίᾳ, ἀλλ' ὡς ἔφην πρότερον πλάσαι τινὰς ὁμωνύμους, τοὺς ἀναλόγως ἔχοντας πρός τε τὸν πλέοντα ἐν τῇ σχεδίᾳ καὶ τοὺς ἐκεῖ μεσημβρινούς, ὡς ἂν Αἰθίοπας, ὡς οἱ Πισιδικοὶ πρός τε τὸν Πόντον καὶ τοὺς ὑπὲρ τῆς Αἰγύπτου Αἰθίοπας. Οὕτω δὲ καὶ τὸν περὶ τῶν γεράνων λόγον κοινὸν ποιούμενός φησιν·
Αἵ τ' ἐπεὶ "οὖν
χειμῶνα φύγον
καὶ ἀθέσφατον
ὄμβρον, Οὐ γὰρ ἐν μὲν τοῖς κατὰ τὴν Ἑλλάδα τόποις ὁρᾶται φερομένη ἡ γέρανος ἐπὶ τὴν μεσημβρίαν, ἐν δὲ τοῖς κατὰ τὴν Ἰταλίαν ἢ Ἰβηρίαν οὐδαμῶς ἢ τοῖς κατὰ τὴν Κασπίαν καὶ Βακτριανήν. Κατὰ πᾶσαν οὖν τὴν μεσημβρινὴν παραλίαν τοῦ ὠκεανοῦ παρατείνοντος, ἐφ' ἅπασαν δὲ καὶ χειμοφυγούντων, δέχεσθαι δεῖ καὶ τοὺς Πυγμαίους μεμυθευμένους κατὰ πᾶσαν. Εἰ δ' οἱ ὕστερον τοὺς Αἰθίοπας ἐπὶ τοὺς κατ' Αἴγυπτον μόνους μετήγαγον καὶ τὸν περὶ τῶν Πυγμαίων λόγον, οὐδὲν ἂν εἴη πρὸς τὰ πάλαι. Καὶ γὰρ Ἀχαιοὺς καὶ Ἀργείους οὐ πάντας μὲν νῦν φαμεν τοὺς στρατεύσαντας ἐπὶ Ἴλιον, Ὅμηρος δὲ καλεῖ πάντας. παραπλήσιον δέ ἐστιν ὃ λέγω καὶ περὶ τῶν δίχα διῃρημένων Αἰθιόπων, ὅτι δεῖ δέχεσθαι τοὺς παρ' ὅλην διατείνοντας τὴν ὠκεανῖτιν ἀφ' ἡλίου ἀνιόντος μέχρι ἡλίου δυομένου. Οἱ γὰρ οὕτω λεγόμενοι Αἰθίοπες δίχα διῄρηνται φυσικῶς τῷ Ἀραβίῳ κόλπῳ, ὡς ἂν μεσημβρινοῦ κύκλου τμήματι ἀξιολόγῳ, ποταμοῦ δίκην ἐν μήκει σχεδόν τι καὶ πεντακισχιλίων σταδίων ἐπὶ τοῖς μυρίοις, πλάτει δ' οὐ πολὺ τῶν χιλίων μείζονι τῷ μεγίστῳ· πρόσεστι δὲ τῷ μήκει καὶ τὸ τὸν μυχὸν τοῦδε τοῦ κόλπου διέχειν τῆς κατὰ Πηλούσιον θαλάττης τριῶν ἢ τεττάρων ἡμερῶν [ὁδόν], ἣν ἐπέχει ὁ ἰσθμός. Καθάπερ οὖν οἱ χαριέστεροι τῶν διαιρούντων τὴν Ἀσίαν ἀπὸ τῆς Λιβύης ὅρον εὐφυέστερον ἡγοῦνται τοῦτον τῶν ἠπείρων ἀμφοῖν τὸν κόλπον, ἢ τὸν Νεῖλον ( τὸν μὲν γὰρ διήκειν παρ' ὀλίγον παντελῶς ἀπὸ θαλάττης ἐπὶ θάλατταν, τὸν δὲ Νεῖλον πολλαπλάσιον ἀπὸ τοῦ ὠκεανοῦ διέχειν, ὥστε μὴ διαιρεῖν τὴν Ἀσίαν πᾶσαν ἀπὸ τῆς Λιβύης)· τοῦτον ὑπολαμβάνω τὸν τρόπον κἀγὼ τὰ μεσημβρινὰ μέρη πάντα καθ' ὅλην τὴν οἰκουμένην δίχα διῃρῆσθαι νομίσαι τὸν ποιητὴν τῷ κόλπῳ τούτῳ. Πῶς οὖν ἠγνόει τὸν ἰσθμόν, ὃν οὗτος ποιεῖ πρὸς τὸ Αἰγύπτιον πέλαγος; 29. Καὶ γὰρ δὴ καὶ τελέως ἄλογον, εἰ τὰς μὲν Αἰγυπτίους Θήβας ᾖδει σαφῶς, αἳ διέχουσι τῆς καθ' ἡμᾶς θαλάττης σταδίους μικρὸν ἀπολείποντας ἀπὸ τῶν πεντακισχιλίων, τὸν δὲ μυχὸν τοῦ Ἀραβίου κόλπου μὴ ᾖδει, μηδὲ τὸν ἰσθμὸν τὸν κατ' αὐτόν, πλάτος ἔχοντα οὐ πλειόνων ἢ χιλίων σταδίων. Πολὺ δ' ἂν ἀλογώτερον δόξειεν, εἰ τὸν μὲν Νεῖλον ᾖδει ὁμωνύμως τῇ τοσαύτῃ χώρᾳ λεγόμενον, τὴν δ' αἰτίαν μὴ ἑώρα τούτου· μάλιστα γὰρ ἂν προσπίπτοι τὸ ῥηθὲν ὑφ' Ἡροδότου, διότι δῶρον ἦν ἡ χώρα τοῦ ποταμοῦ, καὶ διὰ τοῦτο ἠξιοῦτο τοῦ αὐτοῦ ὀνόματος. Ἄλλως τε τῶν παρ' ἑκάστοις ἰδίων ταῦτ' ἐστὶ γνωριμώτατα, ἃ καὶ παραδοξίαν ἔχει τινά, καὶ ἐν τῷ φανερῷ πᾶσίν ἐστι· τοιοῦτον δ' ἐστὶ καὶ ἡ τοῦ Νείλου ἀνάβασις καὶ ἡ πρόσχωσις τοῦ πελάγους. Καὶ καθάπερ οἱ προσαχθέντες πρὸς τὴν Αἴγυπτον οὐδὲν πρότερον ἱστοροῦσι περὶ τῆς χώρας, ἢ τὴν τοῦ Νείλου φύσιν διὰ τὸ τοὺς ἐπιχωρίους μήτε καινότερα τούτων λέγειν ἔχειν πρὸς ἄνδρας ξένους, μήτ' ἐπιφανέστερα περὶ τῶν παρ' αὐτοῖς ( τῷ γὰρ ἱστορήσαντι περὶ τοῦ ποταμοῦ κατάδηλος καὶ ἡ χώρα γίνεται πᾶσα ὁποία τίς ἐστιν)· οὕτω καὶ οἱ πόρρωθεν ἀκούοντες οὐδὲν πρότερον ἱστοροῦσι τούτου. Προστίθει οὖν τούτῳ καὶ τὸ φιλείδημον τοῦ ποιητοῦ καὶ τὸ φιλέκδημον, ὅπερ αὐτῷ μαρτυροῦσιν ὅσοι τὸν βίον ἀναγράφουσι, καὶ ἐξ αὐτῶν δὲ λαμβάνεται τῶν ποιημάτων πολλὰ παραδείγματα τοῦ τοιούτου. Οὗτος μὲν οὖν ἐκ πλεόνων ἐλέγχεται καὶ εἰδὼς καὶ λέγων ῥητῶς τὰ ῥητὰ καὶ σιγῶν τὰ λίαν ἐκφανῆ ἢ ἐπιθέτως λέγων. 30. Θαυμάζειν δὲ δεῖ τῶν Αἰγυπτίων καὶ Σύρων, πρὸς οὓς νῦν ἡμῖν ὁ λόγος, εἰ μηδ' ἐκείνου λέγοντος τὰ παρ' αὐτοῖς ἐπιχώρια συνιᾶσιν, ἀλλὰ καὶ ἄγνοιαν αἰτιῶνται, ᾗ αὐτοὺς ἐνόχους δείκνυσιν ὁ λόγος. Ἁπλῶς δὲ τὸ μὴ λέγειν οὐ τοῦ μὴ εἰδέναι σημεῖόν ἐστιν· οὐδὲ γὰρ τὰς τροπὰς τοῦ Εὐρίπου λέγει οὐδὲ τὰς Θερμοπύλας οὐδ' ἄλλα πλείω τῶν γνωρίμων παρὰ τοῖς Ἕλλησιν, οὐ μὴν ἠγνόει γε. Ἀλλὰ καὶ λέγει, οὐ δοκεῖ δὲ τοῖς ἐθελοκωφοῦσιν, ὥστε ἐκείνους αἰτιατέον. Ὁ ποιητὴς τοίνυν διιπετέας καλεῖ τοὺς ποταμούς, οὐ τοὺς χειμάρρους μόνους, ἀλλὰ καὶ πάντας κοινῶς, ὅτι πληροῦνται πάντες ἀπὸ τῶν ὀμβρίων ὑδάτων· ἀλλὰ τὸ κοινὸν ἐπὶ τῶν κατ' ἐξοχὴν ἴδιον γίνεται. Ἄλλως γὰρ ἂν τὸν χειμάρρουν ἀκούοι τις διιπετῆ καὶ ἄλλως τὸν ἀέναον· ἐνταῦθα δὲ διπλασιάζει πως ἡ ἐξοχή. Καὶ καθάπερ εἰσί τινες ὑπερβολαὶ ἐπὶ ὑπερβολαῖς, ὡς τὸ κουφότερον εἶναι φελλοῦ σκιᾶς, δειλότερον δὲ λαγὼ Φρυγός, ἐλάττω δ' ἔχειν γῆν τὸν ἀγρὸν ἐπιστολῆς Λακωνικῆς· οὕτως ἐξοχὴ ἐπὶ ἐξοχῇ συντρέχει ἐπὶ τοῦ διιπετῆ τὸν Νεῖλον λέγεσθαι. ὁ μὲν γὰρ χειμάρρους ὑπερβέβληται τοὺς ἄλλους ποταμοὺς τῷ διιπετὴς εἶναι· Ὀ δὲ Νεῖλος καὶ τοὺς χειμάρρους, ἐπὶ τοσοῦτον πληρούμενος καὶ πλήθους καὶ χρόνου. Ὥστ' ἐπεὶ καὶ γνώριμον ἦν τὸ πάθος τοῦ ποταμοῦ τῷ ποιητῇ, ὡς παραμεμυθήμεθα, καὶ κέχρηται τῷ ἐπιθέτῳ τούτῳ κατ' αὐτοῦ, οὐκ ἄλλως δεκτέον ἢ ὡς εἰρήκαμεν. Τὸ δὲ πλείοσι στόμασιν ἐκδιδόναι κοινὸν καὶ πλειόνων, ὥστ' οὐκ ἄξιον μνήμης ὑπέλαβε, καὶ ταῦτα πρὸς εἰδότας· καθάπερ οὐδ' Ἀλκαῖος, καίτοι φήσας ἀφῖχθαι καὶ αὐτὸς εἰς Αἴγυπτον. Αἱ δὲ προσχώσεις καὶ ἐκ τῶν ἀναβάσεων μὲν δύνανται ὑπονοεῖσθαι καὶ ἐξ ὧν δὲ εἶπε περὶ τῆς Φάρου. Ὁ γὰρ ἱστορῶν αὐτῷ περὶ τῆς Φάρου, μᾶλλον δὲ ἡ κοινὴ φήμη, διότι μὲν τότε τοσοῦτον ἀπεῖχεν ἀπὸ τῆς ἠπείρου, ὅσον φησί, δρόμον νεὼς ἡμερήσιον, οὐκ ἂν εἴη διατεθρυλημένη ἐπὶ τοσοῦτον ἐψευσμένως. Ὅτι δ' ἡ ἀνάβασις καὶ αἱ προσχώσεις τοιαῦταί τινες, κοινότερον πεπύσθαι εἰκὸς ἦν· ἐξ ὧν συνθεὶς ὁ ποιητὴς, ὅτι πλέον ἢ τότε ἀφειστήκει τῆς γῆς ἡ νῆσος κατὰ τὴν Μενελάου παρουσίαν, προσέθηκε παρ' ἑαυτοῦ πολλαπλάσιον διάστημα τοῦ μυθώδους χάριν. Αἱ δὲ μυθοποιίαι οὐκ ἀγνοίας (χ άριν) σημεῖον ( γὰρ) δή που· οὐδὲ ( γὰρ) τὰ περὶ τοῦ Πρωτέως καὶ τῶν Πυγμαίων, οὐδ' αἱ τῶν φαρμάκων δυνάμεις, οὐδ' εἴ τι ἄλλο τοιοῦτον οἱ ποιηταὶ πλάττουσιν· οὐ γὰρ κατ' ἄγνοιαν τῶν τοπικῶν λέγεται, ἀλλ' ἡδονῆς καὶ τέρψεως χάριν. πῶς οὖν καὶ ἄνυδρον οὖσαν φησὶν ὕδωρ ἔχειν;
Ἐν
δὲ λιμὴν
εὔορμος, ὅθεν τ'
ἀπὸ νῆας
ἐίσας Ἀλλ' οὔτε τὸ ὑδρεῖον ἐκλιπεῖν ἀδύνατον, οὔτε τὴν ὑδρείαν ἐκ τῆς νήσου γενέσθαι φησίν, ἀλλὰ τὴν ἀναγωγὴν μόνην διὰ τὴν τοῦ λιμένος ἀρετήν, τὸ δ' ὕδωρ ἐκ τῆς περαίας ἀρύσασθαι παρῆν, ἐξομολογουμένου πως τοῦ ποιητοῦ δι' ἐμφάσεως, ὅτι πελαγίαν εἶπεν οὐ πρὸς ἀλήθειαν, ἀλλὰ πρὸς ὑπερβο λὴν καὶ μυθοποιίαν.
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31. Du reste, comme tout ce récit des erreurs de Ménélas, dans Homère, semble au premier abord donner raison à ceux qui lui reprochent d'avoir absolument ignoré la géographie de ces contrées, le mieux que nous ayons à faire est de commencer par exposer une à une les critiques que ce récit a soulevées, pour les soumettre ensuite elles-mêmes à un examen sérieux et pour rendre ainsi la justification du poète plus complète et plus claire. Ménélas dit à Télémaque, en l'entendant s'extasier sur la somptuosité de sa royale demeure : « Oui, mais pour rapporter tous ces trésors, j'ai dû beaucoup souffrir et longtemps errer sur mes vaisseaux ; et quand, après huit ans, je revins dans ma patrie, j'avais parcouru Chypre, la Phénicie, l'Égypte et visité tour à tour les Éthiopiens, les Sidoniens et les Erembes et la Libye tout entière (85). » Or, on se demande d'abord quels sont ces Éthiopiens, chez qui Ménélas put se rendre ainsi d'Égypte en naviguant? Car, il n'y a point d'Éthiopiens sur les rivages de notre mer, et, d'autre part, les vaisseaux de Ménélas n'auraient jamais pu franchir les cataractes du Nil. Quels sont aussi ces Sidoniens? Ce ne sont pas ceux de Phénicie assurément : le poète n'avait que faire, ayant préalablement nommé le genre, de mentionner en outre l'espèce. Qui sont enfin ces Erembes, dont le nom paraît là pour la première fois? Chacune de ces questions a donné lieu à un grand nombre de solutions différentes que le grammairien Aristonic, de nos jours, a, dans son Commentaire sur les erreurs de Ménélas, relatées tout au long. Nous nous bornerons, nous, à les reproduire ici en abrégé. Il y a d'abord certains auteurs qui veulent que ce soit par mer que Ménélas a gagné l'Éthiopie : parmi ceux-là même, les uns introduisent l'idée d'un périple, que Ménélas aurait exécuté en faisant le tour par Gadira jusqu'aux rivages de l'Inde, et cela sans doute pour essayer de proportionner la longueur du trajet à la durée si prolongée de l'absence du héros, absence que Ménélas lui-même dit avoir été de huit années; suivant d'autres, les vaisseaux du héros auraient franchi directement l'isthme attenant au golfe Arabique; d'autres enfin les font passer par quelqu'un des canaux [dérivés du Nil]. Or, d'une part, le périple que Cratès introduit ici, n'est nullement nécessaire, non qu'il soit d'une exécution impossible (les errances mêmes d'Ulysse n'offrent pas d'impossibilité absolue), mais parce qu'Il n'ajoute rien à la vraisemblance des hypothèses mathématiques de cet auteur et n'explique pas davantage la longue durée des errances de Ménélas : il dut y avoir en effet, pour retenir si longtemps le héros éloigné de ses foyers, et des retards involontaires occasionnés par les difficultés mêmes de la navigation, puisque Ménélas avoue n'avoir sauvé que cinq vaisseaux sur soixante, et des retards volontaires utilisés au profit de son avarice. Nestor ne dit-il point : « C'est ainsi qu'en parcourant les mers Ménélas entassait sur ses vaisseaux tant d'or et tant d'objets précieux (86) » [Et Ménélas lui-même ne rappelle-t-il point tout ce qu'il avait amassé de richesses] « En parcourant Chypre, la Phénicie, l'Égypte (87) » Quant à ce passage direct à travers l'isthme ou par un des canaux dérivés du Nil, si le poète en eût parlé, personne à coup sûr n'y eût vu autre chose qu'une fiction poétique; mais il n'en a dit mot, et ne serait-ce pas alors introduire gratuitement et contre toute vraisemblance une nouvelle difficulté dans le débat que de l'invoquer? Je dis contre toute vraisemblance, puisque avant la guerre de Troie aucun de ces canaux n'existait encore : Sésostris qui passe pour avoir entrepris d'en creuser un, avait de lui-même renoncé à son projet, présumant le niveau de la mer par trop élevé. Et pour ce qui est de l'isthme même, on ne voit pas qu'il ait pu être navigable davantage. Ératosthène, qui suppose le contraire, se trompe évidemment : il conjecture que l'ouverture du détroit des colonnes d'Hercule n'avait pas encore eu lieu, de telle sorte que la mer intérieure, privée de toute communication avec la mer extérieure, couvrait alors l'isthme entier, lequel se trouvait être d'un niveau sensiblement inférieur au sien, mais qu'une fois la rupture de la barrière effectuée, le niveau de ladite mer s'étant naturellement abaissé, ses eaux laissèrent à découvert tout le terrain aux environs du mont Casius et de Péluse jusqu'à la mer Érythrée. Mais quelle autorité avons-nous qui nous atteste qu'avant l'expédition des Grecs contre Ilion l'ouverture du détroit n'avait pas encore eu lieu ? — Dira-t-on par hasard que, si Homère, pour faire entrer Ulysse dans l'Océan du côté de l'occident, a supposé le détroit déjà ouvert, en faisant d'autre part naviguer Ménélas d'Égypte en Éthiopie, il avait dû le supposer fermé encore? — On oublie qu'in fait dire aussi par Protée à Ménélas, à Ménélas lui-même « Les dieux te conduiront vers les Champs Élyséens à l'extrémité de la terre (88). » Or, de quelle extrémité peut-il être ici question, si ce n'est de l'extrémité occidentale de la terre, de quelque lieu extrême situé de ce côté, comme le prouve la mention du zéphyr, placée à dessein par le poète dans les vers qui, suivent : « Toujours du sein de l'Océan s'élève le souffle harmonieux du zéphyr (89). » Il faut en convenir, tout ce système d'Ératosthène n'est qu'un tissu d'énigmes. 32. D'ailleurs, s'il est vrai qu'Homère d'une ou d'autre façon ait été instruit qu'anciennement la mer couvrait de ses eaux l'isthme tout entier, ce serait une raison de plus pour nous de croire à cette division des Éthiopiens en deux corps de nation, puisque, dans ce cas-là, la ligne de démarcation aurait été représentée par un bras de mer aussi considérable. Quelles richesses, en outre, Ménélas eût-il pu rapporter de chez les Éthiopiens de la mer extérieure et des bords de l'Océan? Quand Télémaque s'extasie sur la somptuosité de son palais, que distingue-t-il dans cette quantité infinie d'objets précieux? « L'or, l'électre, et l'argent, et l'ivoire (90). » Or, de ces différentes substances, aucune, si ce n'est l'ivoire, n'abonde chez ces peuples, extrêmement pauvres pour la plupart, et tous encore nomades. - Soit, dira-t- on; mais près de là était l'Arabie et tout le pays jusqu'à l'Inde, l'Arabie, qui, seule entre toutes les contrées de la terre, a reçu le nom d' Heureuse, et l'Inde, qui sans porter expressément le même nom, n'en est pas moins réputée et représentée aussi comme une très heureuse contrée. - A quoi nous répondrons à notre tour qu'Homère n'a point connu l'Inde, car autrement il n'eût point manqué d'en parler; et, en ce qui concerne l'Arabie, l'Arabie heureuse, comme on l'appelle aujourd’hui, tout en convenant qu'il l'a connue, nous ferons remarquer que, de son temps, elle était loin d'être riche encore, qu'elle manquait même du nécessaire et n'était guère peuplée que de scénites. Quant au canton, qui produisait les parfums ou aromates, et d'où est venu ce nom d'aromatophore, étendu plus tard à l'Arabie entière à cause de la rareté de cette denrée et du prix qu'on y attache en nos contrées, il n'en formait que la moindre partie. Aujourd'hui, à la vérité, les Arabes ne manquent de rien ; l'activité, le développement de leur commerce les enrichit sans cesse, mais dans ce temps-là en était-il déjà ainsi? La chose est peu probable. Si le commerce des aromates, d'ailleurs, suffisait à enrichir un marchand, un simple chamelier, ce qu'il fallait à l'avide Ménélas, c'étaient ou les profits de la guerre, ou les présents de rois et de chefs ayant le moyen et en même temps la volonté de donner à proportion de l'illustration de sa race et de la gloire de son nom; et, comme en effet les Égyptiens, voire même ceux des Éthiopiens et des Arabes qui confinent à l'Égypte, possédaient déjà un certain degré de civilisation et pouvaient avoir entendu quelque chose du retentissement de la gloire des Atrides, surtout après l'heureuse issue de la guerre de Troie, Ménélas avait tout lieu d'espérer en leur munificence. Qu'on se rappelle ce que dit Homère à propos de cette fameuse cuirasse d'Agamemnon : « Cinyras la lui avait donnée naguère, comme gage d'hospitalité; car le grand renom du héros avait pénétré jusqu'à Chypre (91). » Ajoutons que Ménélas, dans ses longues erreurs, avait passé la plus grande partie du temps dans les parages de la Phénicie, de la Syrie, de l'Égypte et de la Libye ainsi que dans les eaux de Chypre, sur les côtes en un mot et parmi les îles de notre mer intérieure, tous pays en effet où il lui était facile soit d'obtenir de ces précieux gages d'hospitalité, soit de s'enrichir par la violence et la piraterie aux dépens surtout des anciens alliés des Troyens, tandis que les populations barbares, les populations lointaines des bords de la mer extérieure n'auraient guère pu offrir au héros une perspective semblable. Cela étant, quand le poète nous dit que Ménélas était venu jusqu'en Éthiopie, [le mieux n'est-il point d'entendre que ce héros n'avait pas pénétré au cœur même du pays], mais qu'il s'était contenté d'en toucher la frontière du côté de l'Égypte? D'autant qu'il n'est pas impossible que cette frontière fût alors plus rapprochée de Thèbes qu'elle ne l'est aujourd'hui, bien que la frontière actuelle en soit déjà, assez rapprochée, puisqu'elle passe près de Syène et de Philae, la première de ces deux villes, Syène, appartenant à l'Égypte, et l'autre, Philae, ayant une population mixte d'Éthiopiens et d'Égyptiens. Or, une fois arrivé à Thèbes, Ménélas aura bien pu, surtout à la faveur de l'hospitalité royale, atteindre ces premières limites de l'Éthiopie, voire même les dépasser un peu : cette supposition n'a rien qui choque la raison. C'est ainsi qu'Ulysse dit être venu dans le pays des Cyclopes, pour s'être avancé seulement depuis la mer jusqu'à l'antre de Polyphème, situé, comme il le marque lui-même, tout à l'entrée du pays; pour l'Aeolie et le pays des Lestrygons la même chose. En général, il lui suffit d'avoir un jour abordé en tel ou tel point d'un pays pour dire qu'il l'a visité. Voilà donc comment Ménélas sera venu en Éthiopie; en Libye pareillement, il lui aura suffi de toucher à quelques points de la côte, comme est ce port voisin d'Ardanie, au-dessus de Paraetonium, qui a retenu le nom de Ménélas. 33. Si maintenant, après avoir nominé les Phéniciens, Homère mentionne aussi les Sidoniens, dont la ville était proprement la métropole ou capitale de la Phénicie, il ne fait en cela qu'user une fois de plus d'une figure de mots qui lui était familière, témoin ce vers : « Il guide jusqu'aux vaisseaux LES TROYENS ET HECTOR (92); » et ceux-ci : « LES FILS du magnanime Oeneus n'étaient plus au nombre des vivants; lui-même n'existait plus; ET MÉLÉAGRE, le héros à la blonde chevelure, était mort (93); » celui-ci encore : « Il vint jusqu'à l'IDA ET JUSQU'AU GARGARE (94); » et ce dernier passage : « Les habitants de L'EUBEE, DE CHALCIS et D'ÉRÉTRIE (95). » Sapho, du reste, a dit aussi « Soit que tu aies pour patrie CYPRE , PAPHOS, ou PANORME. » Toutefois, Homère a dû avoir quelque autre raison encore pour que, dans une énumération générale comme celle-là, et après avoir nommé la Phénicie, il ait ajouté la mention particulière de Sidon. S'il n'eût voulu qu'énumérer dans leur ordre les différents pays où Ménélas avait été, il pouvait se borner à lui faire dire : « Ayant parcouru tour à tour Cypre, la Phénicie l'Égypte, je passai jusqu en Éthiopie. » Mais pour qu'on sût que le séjour du héros chez les Sidoniens avait été de longue durée, il était bon que leur nom revînt souvent, soit directement dans les souvenirs de Ménélas, soit indirectement dans les récits du poète. Et voilà pourquoi celui-ci ne manque pas une occasion de vanter les richesses et l'industrie des Sidoniens, pourquoi il rappelle l'hospitalité donnée par eux plus anciennement à Hélène en compagnie de son ravisseur, pourquoi encore il nous montre les appartements de Pâris tout remplis de précieux ouvrages sidoniens, « On y voyait étalés les riches tissus aux mille couleurs, ouvrage des femmes sidoniennes, que le divin Pâris avait naguère ramenées de Sidon, sur le même vaisseau qui emportait Hélène (96); » et le palais de Ménélas également, car ce héros dit à Télémaque : « Je veux te donner cette coupe ciselée; elle est d'argent massif, l'or en couronne les lèvres; c'est l'oeuvre de Vulcain, elle me fut offerte en présent par l'illustre roi des Sidoniens, lorsque, regagnant ma patrie, je m'arrêtai sous son toit hospitalier (97). » Et nul doute qu'ici l'expression « c'est l'oeuvre de Vulcain » ne doive être prise dans un sens figuré, comme une hyperbole analogue à ce qu'on dit tous les jours des belles choses, qu'elles sont l'oeuvre de Minerve, l'oeuvre des Grâces et des Muses ; c'est qu'en effet les Sidoniens étaient de très-habiles artistes, le poète le dit formellement dans le passage où il parle de la beauté du vase qu'Eunée avait donné pour racheter Lycaon : « Il n'était rien sur la terre qu'il n'effacât par sa beauté : les Sidoniens avaient mis tout leur art à le décorer et des marchands phéniciens l'avaient apporté sur leur vaisseau (98). » 34. Sur les Erembes maintenant que n'a-t-on point dit ! Mais de toutes les opinions émises la plus vraisemblable est celle qui veut que sous ce nom le poète ait désigné les Arabes. Zénon, notre Zénon, va plus loin, et corrigeant le texte d'Homère il lit le vers ainsi : « Tour à tour je visitai Éthiopiens, Sidoniens, ARABES [au lieu d'Erembes] ». Il n'est pas nécessaire pourtant de changer cette leçon, qui est assurément fort ancienne ; mieux vaut croire que c'est le nom lui-même qui a éprouvé quelqu'une de ces altérations si fréquentes, si communes dans toutes les langues; et c'est précisément ce que certains grammairiens cherchent à mettre en lumière par la comparaison des lettres dans l'une et dans l'autre forme. Pour nous, nous serions tenté de préférer, comme plus sûr encore, le procédé de Posidonius, qui, même dans le cas présent, a cru devoir consulter la parenté et l'affinité primordiale des peuples pour retrouver l'étymologie du nom. Il est constant, en effet, que les nations arménienne, syrienne, arabe ont entre elles beaucoup de cette affinité et comme un air de famille qui se manifeste dans leurs langues, leurs genres de vie et leurs caractères physiques, là surtout où elles se trouvent être proches voisines, en Mésopotamie par exemple, pays dont la population appartient précisément à ces trois nations et où naturellement la ressemblance entre elles éclate davantage. Car, en admettant même que, par le fait des climats ou de la position géographique, il y ait quelque différence sensible des populations plus septentrionales aux populations méridionales et des unes et des autres aux populations intermédiaires, les caractères communs ne laissent pas que de prédominer. Ajoutons que les Assyriens et les Ariens offrent avec ces mêmes peuples, aussi bien qu'entre eux, une grande ressemblance. Eh bien ! De cette ressemblance entre les peuples, Posidonius conclut la ressemblance des noms eux-mêmes. Or, il est de fait que les peuples, que nous appelons Syriens, portent en syriaque le nom d'Arammæens, et qu'il y a de la ressemblance entre ce nom et ceux d'Arméniens, d'Arabes et d'Erembes, ce dernier nom n'étant peut-être bien qu'une épithète ou qualification particulière dont se servaient les anciens Grecs pour désigner les Arabes comme le sens étymologique du mot semblerait le donner à entendre. On s'accorde en effet généralement à dériver l'étymologie du mot d'Erembes des mots εἰς τἠν ἔραν ἐμβαίνειν (pénétrer, habiter sous terre). Seulement, avec le temps on aura à cette dénomination d'Erembes substitué la traduction plus claire de Troglodytes, nom qui désigne, comme on sait, la partie de la nation arabe établie sur le côté du golfe arabique attenant à l'Égypte et à l'Éthiopie. Ce sont donc ces Arabes, suivant toute vraisemblance, que le poète a voulu désigner sous le nom d'Erembes et ce qu'il dit du voyage de Ménélas en leur pays doit s'entendre sans doute comme ce qu'il dit du voyage d'Éthiopie, car les Erembes, ainsi que les Éthiopiens, étaient proches voisins de la Thébaïde. Ajoutons qu'en rappelant ce voyage et celui d'Éthiopie le héros ne pouvait avoir en vue les avantages commerciaux ou les riches présents qu'il en avait retirés (ces profits ayant été apparemment peu de chose), mais uniquement la longueur et le prestige même du voyage, car c'était alors une gloire réelle d'avoir pénétré aussi loin, témoin ce vers : « Il a de beaucoup d'hommes visité les cités et observé les mœurs (99); » et ceux-ci encore : « Mais j'ai dû beaucoup souffrir et longtemps errer sur mes vaisseaux pour rapporter tous ces trésors (100). » Hésiode, il est vrai, dans son Catalogue, mentionne une certaine « Fille d'Arabus, fils lui-même du bienfaisant Hermès et de Thronia, fille du roi Belus (101). » Stésichore la nomme également, mais s'il est permis d'inférer de ce double témoignage que, du temps de ces poètes. la contrée en question avait déjà reçu en mémoire d'Arabus le nom d'Arabie, il peut bien se faire aussi que du temps des héros il n'en fût pas encore de même. 35. Quant à ceux qui ont imaginé de faire des Erembes soit une tribu particulière de la nation éthiopienne, soit une tribu de Céphènes, voire en troisième lieu une tribu de Pygmées, sans parler de mille autres fictions du même genre, s'ils nous paraissent mériter moins de confiance, c'est qu'indépendamment du peu de vraisemblance qu'offre la chose en soi ils font là une sorte de confusion de l'histoire et de la fable. Nous retrouvons cette même confusion chez ceux qui, voulant faire de l'Océan extérieur le théâtre des erreurs de Ménélas, placent les Sidoniens et naturellement aussi les Phéniciens sur les bords de la mer Persique ou sur tel autre rivage de l'Océan. A vrai dire, la façon dont ces auteurs se contredisent entre eux n'entre pas pour peu de chose dans l'incrédulité qu'ils rencontrent. Tandis que les uns, en effet, regardent les Sidoniens de notre mer intérieure comme une colonie des Sidoniens de l'Océan, ajoutant, qui plus est, que le nom de Phéniciens leur est venu de la couleur rouge des eaux de la mer extérieure, les autres affirment précisément l'inverse. Il en est aussi qui transportent l'Éthiopie dans notre Phénicie et font de Jopé le théâtre des aventures d'Andromède, non qu'ils ignorent la véritable situation des lieux en question, mais ils prétendent user des licences du genre mythique, comme ont fait Hésiode et tant d'autres que cite Apollodore. Seulement, en comparant aux fictions d'Homère les fictions de ces auteurs, Apollodore ne sait pas tenir la balance égale. Citant, par exemple, comme terme de comparaison, ce qu'Homère raconte et du Pont et de l'Égypte, il en tire contre le poète une accusation en règle d'ignorance : suivant lui, le poète a voulu dire la vérité, mais, loin de la dire, il a, faute de savoir, donné le faux pour le vrai. Or, nous le demandons, jamais personne se serait-il avisé d'accuser Hésiode d'ignorance, pour avoir parlé d'Hérnicynes, de Macrocéphales et de Pygmées (102), quand Homère a pu user impunément de fictions semblables, et entre autres précisément de ce même mythe des Pygmées, quand en outre Alcman nous parle de Stéganopodes et Eschyle de Cynocéphales, de Sternophthalmes et de Monommates (103), quand surtout nous tolérons tant d'ouvrages en prose, écrits soi-disant dans le genre historique, et qui contiennent, sans que leurs auteurs l'avouent, tant de mythes véritables. C'est qu'en effet il saute aux yeux d'abord que c'est de propos délibéré et nullement par ignorance historique que les auteurs de ces ouvrages ont entremêlé de fables leurs récits, imaginant ainsi l’impossible afin de flatter le goût du public pour le merveilleux. Seulement, ce qui peut faire croire à leur ignorance, c'est qu'en général, et pour trouver plus aisément créance, ils ont choisi de préférence comme théâtre de leurs fictions les parties de la terre les plus mystérieuses et les plus ignorées. Au moins Théopompe a-t-il la bonne foi d'avouer ce qui en est : il déclare hautement qu'il mêlera plus d'une fois la fable à l'histoire, mieux seulement que n'ont su le faire Hérodote, Ctésias, Hellanicus et les différents historiens qui ont écrit sur l'Inde. 36. Pour ce qui est, maintenant, des phénomènes de l'Océan, il est bien vrai, [comme le marque Ératosthène], qu'Homère les a décrits sous la forme d'un mythe, car, en thèse générale, c'est là la forme que tout poète doit chercher à donner à sa pensée, et, dans le cas présent, c'est évidemment le double phénomène du flux et du reflux qui lui a suggéré l'idée de sa fable de Charybde; mais cela ne veut point dire que cette fable en elle-même ait été créée de toutes pièces par l'imagination d'Homère; loin de là, Homère n'a fait qu'arranger et mettre en œuvre certaines notions positives concernant le détroit de Sicile. Que si, maintenant, il a parlé de trois reflux au lieu de deux pour les vingt-quatre heures : « car TROIS FOIS par jour elle vomit l'onde amère, et TROIS FOIS la ravale (104), » voici, à ce qu'il semble, ce qu'on pourrait dire pour le justifier : d'abord, il n'y a pas à supposer un instant que ce soit par ignorance du phénomène lui-même que le poète s'est exprimé de la sorte, mais il fallait qu'il ménageât un effet tragique, un effet de terreur : Circé ayant besoin de terrifier le héros pour le détourner plus sûrement de son fatal projet, on conçoit qu'elle appelle le mensonge à son aide. Que dit-elle, en effet, dans le passage en question? « Trois fois par jour Charybde vomit l'onde amère et trois fois elle la ravale avec un bruit terrible. Évite alors, évite de te trouver à sa portée au moment du reflux : autrement Neptune lui-même ne pourrait te soustraire à la mort. » Et pourtant Ulysse assiste sans périr à ce terrible reflux; lui-même raconte la scène en ces termes : « Et voilà que le monstre engloutit de nouveau l'onde amère. Mais moi, me suspendant aux branches élevées d'un figuier sauvage, comme la chauve-souris, j'y demeurai attaché (105). » Il attend de la sorte que les débris de son vaisseau reparaissent, les saisit au passage et se sauve; et par le fait Circé se trouve avoir menti. Mais l'ayant fait mentir sur un point, Homère a bien pu la faire mentir sur un autre, et dans ce vers : « Car trois fois par jour elle vomit », lui faire dire exprès trois fois au lieu de deux ; d'autant qu'il existe dans le langage ordinaire une hyperbole toute pareille, « trois fois heureux et trois fois malheureux », dont tout le monde se sert, et qu'Homère lui-même a souvent employée, dans ce vers-ci par exemple : « Trois fois heureux les Grecs (106); » dans cet autre également, « Nuit charmante et TROIS FOIS désirée (107), » et dans cet autre encore, « [Fendue] en TROIS et quatre (108). » Peut-être d'ailleurs serait-on fondé à voir dans l'heure marquée par le héros comme un moyen adroit du poète pour laisser au moins pressentir la vérité. Car il est certain que le double reflux dans l'espace d'un jour et d'une nuit ferait mieux comprendre que le reflux triple comment les débris du naufrage ont pu rester si longtemps engloutis et reparaître si tard, au gré du héros toujours cramponné aux branches de son figuier : « Aux rameaux du figuier sans relâche attaché, j'attendais que le monstre revomît le mât et la carène; mais ce moment tarda longtemps au gré de mon impatience : ce fut à l'heure où, pressé par la faim, le juge se lève et quitte l'assemblée, après avoir entre les citoyens aux prises décidé maints procès, à cette heure seulement que du sein de Charybde ces précieux débris reparurent à mes yeux (109). » Toutes ces circonstances effectivement indiquent un laps de temps considérable, celle-ci surtout, « que déjà le soir étendait son voile sur la terre », sans compter que le poète, au lieu de dire simplement et d'une manière générale « à l'heure où le juge se lève », a ajouté, « ayant décidé maints procès », ce qui implique une heure encore plus avancée. Enfin, Homère n'aurait offert au héros naufragé qu'un moyen de salut bien peu vraisemblable, si, avant qu'il eût eu le temps d'être emporté au loin, un nouveau reflux eût pu tout à coup le ramener en arrière. 37. Apollodore, à son tour, en partisan décidé d'Eratosthène, reproche à Callimaque d'avoir nommé, lui, un grammairien consommé, d'avoir nommé, dis-je, contrairement à la donnée homérique, qui consiste à transporter dans l'Océan le théâtre des errances d'Ulysse, Gaudos et Corcyre parmi les lieux où le héros aborda. Mais de deux choses l'une : ou les errances d'Ulysse n'ont eu lieu nulle part et ne sont de tout point qu'une fiction d'Homère, auquel cas le reproche est légitime, ou bien, elles ont eu lieu réellement, seulement en d'autres parages, et alors il faudrait le dire nettement, en précisant surtout quels sont ces parages, pour que la prétendue erreur pût être rectifiée. Or, comme on ne saurait dire avec vraisemblance, nous l'avons démontré plus haut, que tout ici est pure fiction, et que d'autre part on ne désigne aucune localité qui paraisse répondre mieux [que Gaudos et Corcyre] aux descriptions du poète, Callimaque nous semble devoir être renvoyé de la plainte. 38. Démétrius de Scepsis n'a pas raison davantage dans ses critiques, et, qui plus est, on pourrait s'en prendre à lui souvent des erreurs qu'a commises Apollodore. Ainsi, en voulant réfuter certaine assertion de Néanthès de Cyzique, qui avait signalé comme un des incidents de la navigation des Argonautes vers le Phase (navigation attestée et par Homère et par maint autre écrivain) l'érection de ces temples ou autels de la Mère Idéenne qui se voient près de Cyzique, Démétrius s'emporte jusqu'à nier qu'Homère ait même eu connaissance de cette expédition de Jason vers le Phase. Or, en niant cela, Démétrius fait plus que de contredire le témoignage formel d'Homère, il se contredit lui-même, car il a lui-même raconté, [d'après Homère apparemment], comment Achille, après avoir dévasté Lesbos et tant d'autres lieux, épargna Lemnos et les îles voisines, à cause de la parenté qui l'unissait à Jason et au fils de Jason, Euneôs, alors maître de Lemnos Quoi donc! Le poète aurait su qu'Achille et Jason étaient parents, compatriotes ou simplement voisins, qu'en un mot un lien quelconque existait entre eux (lien du reste se réduisant à ceci, que tous deux se trouvaient être Thessaliens de nation, mais originaires l'un d'Iolcos, l'autre de la Phthiotide-Achaeide), et il aurait cependant ignoré comment Jason, bien que Thessalien et natif d'Iolcos, en était venu à ne laisser de postérité nulle part en Thessalie, notamment à Iolcos, et avait placé son fils sur le trône de Lemnos! Il aurait connu Pélias et les Péliades, notamment la plus belle d'entre elles, ainsi que son fils, « Eumélus, né des amours d'Admète et d'Alceste, d'Alceste, la plus belle entre toutes les femmes, comme elle était déjà la plus belle entre les filles de Pélias (110); » et pas une des aventures, j'entends des aventures authentiques de Jason, d'Argo et des Argonautes, ne serait parvenue à sa connaissance, si bien qu'il ne faudrait voir dans la navigation de Jason au sein de l'Océan, après sa séparation d'avec Aeétès qu'une pure fiction de l'imagination du poète sans le moindre fondement historique ! 39. Non ; et puisque tout le monde convient que la première partie de l'expédition des Argonautes, leur départ pour le Phase, sur l'ordre de Pélias, leur retour, leur prise de possession chemin faisant de telle et telle île, sont des faits dont on peut admettre l'authenticité, nous ne voyons pas, en vérité, pourquoi la seconde partie de leur voyage, devenu pour eux comme pour Ulysse et pour Ménélas une suite d'erreurs sans fin, serait accueillie avec plus d'incrédulité, quand ces erreurs sont attestées de même et par des monuments encore debout aujourd'hui, et par la mention formelle d'Homère. La ville d'Aea, par exemple, se voit encore sur les bords du Phase, personne ne doute qu'Aeétès n'ait réellement régné en Colchide, son nom même est demeuré pour le pays une sorte de nom national, on parle toujours de la magicienne Médée, et les richesses que la Colchide tire actuellement de ses mines d'or, d'argent et de fer, laissent assez deviner quel a dû être le vrai motif de l'expédition des Argonautes, le même apparemment qui avait, dès auparavant, poussé Phrixus vers les rives du Phase. Il existe en outre des monuments de l'une et de l'autre expédition, témoin ce Phrixeum, qui s'élève sur la frontière même de la Colchide et de l'Ibérie, et cette foule de Jasonium, qu'on trouve répandus partout en Arménie, en Médie et dans les pays environnants. De même, autour de Sinope et sur toute cette côte, dans la Propontide aussi, dans l'Hellespont, et jusque dans les eaux de Lemnos, on signale maint vestige du passage de Jason et de celui de Phrixus ; on retrouve, qui plus est, les traces de Jason et des Colchidiens envoyés à sa poursuite en Crète, en Italie, dans l'Adriatique même, ce que rappelle, en partie du moins Callimaque, quand il nomme « Et le temple d'Aeglète et l'île d'Anaphé, proche voisine de Théra, cette noble fille de Lacédémone (111) », dans l'élégie dont voici le début, « Je dirai d'abord comment du séjour d'Aeétès le Cyté une troupe de héros put à travers les mers regagner les rivages de l'antique Haemonie, » et qu'il ajoute à propos de ces Colkhes ou Colchidiens : « A peine entrés dans la mer d'Illyrie, ils suspendent le mouvement de leurs rames; et non loin de la pierre qui recouvre la dépouille de la blonde Harmonie, ils fondent une humble cité : c'est pour le Grec LA VILLE DES PROSCRITS, mais, d'un mot de leur langue, ils l'ont nommée POLAE (112). » Enfin, suivant certains auteurs, Jason aurait remonté la plus grande partie du cours de l'Ister; mais d'autres se bornent à le faire pénétrer par cette voie jusqu'à l'Adriatique, et, si les premiers ont montré qu'ils ignoraient complètement la géographie de ces contrées, ceux-ci, du moins, en supposant l'existence d'un second fleuve Ister, qui sorti-rait du grand Ister pour aller se jeter dans l'Adriatique, n'ont pas avancé quelque chose de tout à fait invraisemblable et absurde. 40. Or, ce sont des données de ce genre que le poète a eues à sa disposition et qu'il a mises en oeuvre, tantôt suivant rigoureusement l'histoire, et tantôt ajoutant à l'histoire les fictions de son imagination, conformément à la méthode générale des poètes et à la sienne en particulier: il suit l'histoire par exemple, quand il nomme Aeétès, qu'il parle de Jason et du navire Argo, qu'il crée son Aeea à l'image de la réelle Aea, qu'il place Euneôs sur le trône de Lemnos et fait de cette île une alliée d'Achille , tout comme il fait une autre Médée de la magicienne Circé, « Propre soeur de l'homicide Aeétés (113). » Au contraire, il ajoute et mêle la fiction à l'histoire, quand il transporte en plein Océan le théâtre des erreurs qui suivirent l'expédition de Colchide; car l'expression « Argo, nom chéri, nom connu de tous les mortels (114), » très juste quand on admet la précédente distinction et qu'on conçoit l'expédition du navire Argo dirigée dans le principe vers des lieux connus et abondamment peuplés, ne se comprend plus, si, comme l'affirme Démétrius de Scepsis d'après l'autorité de Mimnerme, lequel plaçait la résidence d'Aeétès sur les bords mêmes de l'Océan, c'est dans la mer extérieure et vers les derniers confins de l'Orient que Jason se vit de prime abord envoyé par Pélias pour chercher la Toison d'or : l'expédition ainsi dirigée vers des lieux inconnus, ignorés, devient invraisemblable, sans compter qu'une navigation, comme celle-là, dans des parages absolument déserts et inhabités, et qui nous semblent aujourd'hui encore le dernier degré de l'éloignement, n'était pas de nature à procurer grande gloire ni « à intéresser tous les coeurs (115). »
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31. Ἐπεὶ δὲ καὶ τὰ περὶ τῆς πλάνης τῆς Μενελάου λεχθέντα συνηγορεῖν δοκεῖ τῇ ἀγνοίᾳ τῇ περὶ τοὺς τόπους ἐκείνους, βέλτιον ἴσως ἐστὶ τὰ ἐν τοῖς ἔπεσι τούτοις ζητούμενα προεκθεμένους ἅμα ταῦτά τε διαστεῖλαι καὶ περὶ τοῦ ποιητοῦ ἀπολογήσασθαι καθαρώτερον. Φησὶ δὴ πρὸς Τηλέμαχον ὁ Μενέλαος θαυμάσαντα τὸν τῶν βασιλείων κόσμον·
Ἦ γὰρ
πολλὰ παθὼν
καὶ πόλλ' ἐπαληθεὶς Ζητοῦσι δὲ, πρὸς τίνας ἦλθεν αἰθίοπας, πλέων ἐξ Αἰγύπτου· οὔτε γὰρ ἐν τῇ καθ' ἡμᾶς θαλάττῃ οἰκοῦσί τινες Αἰθίοπες, οὔτε τοῦ Νείλου τοὺς καταράκτας ἦν διελθεῖν ναυσί· τίνες τε οἱ Σιδόνιοι· οὐ γὰρ οἵ γε ἐν Φοινίκῃ· οὐ γὰρ ἂν τὸ γένος προθεὶς τὸ εἶδος ἐπήνεγκε· τίνες τε οἱ Ἐρεμβοί· καινὸν γὰρ τὸ ὄνομα. Ἀριστόνικος μὲν οὖν ὁ καθ' ἡμᾶς γραμματικὸς ἐν τοῖς περὶ τῆς Μενελάου πλάνης πολλῶν ἀναγέγραφεν ἀνδρῶν ἀποφάσεις περὶ ἑκάστου τῶν ἐκκειμένων κεφαλαίων· ἡμῖν δ' ἀρκέσει κἂν ἐπιτέμνοντες λέγωμεν. Οἱ μὲν δὴ πλεῦσαι φήσαντες εἰς τὴν Αἰθιοπίαν, οἱ μὲν περίπλουν τῶν διὰ Γαδείρων μέχρι τῆς Ἰνδικῆς εἰσάγουσιν, ἅμα καὶ τὸν χρόνον τῇ πλάνῃ συνοικειοῦντες, ὅν φησιν, ὅτι ὀγδοάτῳ ἔτει ἦλθον· οἱ δὲ διὰ τοῦ ἰσθμοῦ τοῦ κατὰ τὸν Ἀράβιον κόλπον· οἱ δὲ διὰ τῶν διωρύγων τινός. Οὔτε δ' ὁ περίπλους ἀναγκαῖος, ὃν Κράτης εἰσάγει, οὐχ ὡς ἀδύνατος εἶναι ( καὶ γὰρ [ οὐδ'] ἡ Ὀδυσσέως πλάνη ἀδύνατος), ἀλλ' ὅτι οὔτε πρὸς τὰς ὑποθέσεις τὰς μαθηματικὰς χρήσιμος, οὔτε πρὸς τὸν χρόνον τῆς πλάνης. Καὶ γὰρ ἀκούσιοι διατριβαὶ κατέσχον αὐτὸν ὑπὸ δυσπλοίας, φήσαντος ὅτι ἀπὸ ἑξήκοντα νεῶν πέντε ἐλείφθησαν αὐτῷ, καὶ ἑκούσιοι χρηματισμοῦ χάριν· φησὶ γὰρ ὁ Νέστωρ·
Ὣς
ὁ μὲν, ἔνθα
πολὺν βίοτον
καὶ χρυσὸν
ἀγείρων, Ὅ τε διὰ τοῦ ἰσθμοῦ πλοῦς ἢ τῶν διωρύγων λεγόμενος μὲν ἠκούετο ἂν ἐν μύθου σχήματι, μὴ λεγόμενος δὲ περιττῶς καὶ ἀπιθάνως εἰσάγοιτο ἄν. Ἀπιθάνως δὲ λέγω, ὅτι πρὸ τῶν Τρωικῶν οὐδεμία ἦν διῶρυξ· τὸν δὲ ἐπιχειρήσαντα ποιῆσαι Σέσωστριν ἀποστῆναί φασι, μετεωροτέραν ὑπολαβόντα τὴν τῆς θαλάττης ἐπιφάνειαν. ἀλλὰ μὴν οὐδ' ὁ ἰσθμὸς ἦν πλόιμος· ἀλλ' εἰκάζει ὁ Ἐρατοσθένης οὐκ εὖ. Μὴ γάρ πω τὸ ἔκρηγμα τὸ κατὰ τὰς Στήλας γεγονέναι νομίζει· ὥστε ἐνταῦθα [ μὴ] συνάπτειν τὴν εἴσω θάλατταν τῇ ἐκτὸς καὶ καλύπτειν τὸν ἰσθμὸν μετεωροτέραν οὖσαν, τοῦ δ' ἐκρήγματος γενομένου ταπεινωθῆναι καὶ ἀνακαλύψαι τὴν γῆν τὴν κατὰ τὸ Κάσιον καὶ τὸ Πηλούσιον μέχρι τῆς Ἐρυθρᾶς. Τίνα οὖν ἔχομεν ἱστορίαν περὶ τοῦ ἐκρήγματος τούτου διότι πρὸ τῶν Τρωικῶν οὔπω ὑπῆρχεν; Ἴσως δ' ὁ ποιητὴς ἅμα μὲν τὸν Ὀδυσσέα ταύτῃ διεκπλέοντα εἰς τὸν ὠκεανὸν πεποίηκεν, ὡς ἤδη ἐκρήγματος γεγονότος, ἅμα δὲ εἰς τὴν Ἐρυθρὰν τὸν Μενέλαον ἐκ τῆς Αἰγύπτου ναυστολεῖ ὡς οὔπω γεγονότος. ἀλλὰ καὶ τὸν Πρωτέα εἰσάγει λέγοντα αὐτῷ,
Ἀλλά
σ' ἐς Ἠλύσιον πεδίον καὶ
πείρατα γαίης Ποῖα οὖν; Καὶ ὅτι ἑσπέριόν τινα λέγει τόπον τοῦτον ἔσχατον, ὁ Ζέφυρος παρατεθεὶς δηλοῖ·
Ἀλλ' αἰεὶ Ζεφύροιο
λιγυπνείοντας
ἀήτας Ταῦτα γὰρ αἰνίγματος πλήρη. 32. Εἰ δ' οὖν καὶ σύρρουν ποτὲ ὑπάρξαντα τὸν ἰσθμὸν τοῦτον ὁ ποιητὴς ἱστορήκει, πόσῳ μείζονα ἂν ἔχοιμεν πίστιν τοῦ τοὺς Αἰθίοπας διχθὰ διῃρῆσθαι, πορθμῷ τηλικούτῳ διειργομένους; Τίς δὲ καὶ χρηματισμὸς παρὰ τῶν ἔξω καὶ κατὰ τὸν ὠκεανὸν Αἰθιόπων; Ἅμα μὲν γὰρ θαυμάζουσι τοῦ κόσμου τῶν βασιλείων οἱ περὶ Τηλέμαχον τὸ πλῆθος ὅ ἐστι Χρυσοῦ τ' ἠλέκτρου τε καὶ ἀργύρου ἠδ' ἐλέφαντος. Τούτων δ' οὐδενὸς πλὴν ἐλέφαντος εὐπορία παρ' ἐκείνοις ἐστίν, ἀπορωτάτοις τῶν ἁπάντων οὖσι τοῖς πλείστοις καὶ νομάσι. Νὴ Δία, ἀλλ' ἡ Ἀραβία προσῆν καὶ τὰ μέχρι τῆς Ἰνδικῆς· τούτων δ' ἡ μὲν εὐδαίμων κέκληται μόνη τῶν ἁπασῶν, τὴν δέ, εἰ καὶ μὴ ὀνομαστὶ καλοῦσιν, οὕτως ὑπολαμβάνουσί γε καὶ ἱστοροῦσιν ὡς εὐδαιμονεστάτην· τὴν μὲν οὖν Ἰνδικὴν οὐκ οἶδεν Ὅμηρος, εἰδὼς δὲ ἐμέμνητο ἄν· τὴν δ' Ἀραβίαν, ἣν εὐδαίμονα προσαγορεύ ουσιν οἱ νῦν, τότε δ' οὐκ ἦν πλουσία, ἀλλὰ καὶ αὐτὴ ἄπορος καὶ ἡ πολλὴ αὐτῆς σκηνιτῶν ἀνδρῶν· ὀλίγη δ' ἡ ἀρωματοφόρος, δι' ἣν καὶ τοῦτο τοὔνομα εὕρετο ἡ χώρα διὰ τὸ καὶ τὸν φόρτον εἶναι τὸν τοιοῦτον ἐν τοῖς παρ' ἡμῖν σπάνιον καὶ τίμιον. Νυνὶ μὲν οὖν εὐποροῦσι καὶ πλουτοῦσι διὰ τὸ καὶ τὴν ἐμπορίαν εἶναι πυκνὴν καὶ δαψιλῆ, τότε δ' οὐκ εἰκός. Αὐτῶν δὲ χάριν τῶν ἀρωμάτων ἐμπόρῳ μὲν καὶ καμηλίτῃ γένοιτ' ἄν τις ἐκ τῶν τοιούτων φορτίων εὐπορία· Μενελάῳ δὲ λαφύρων ἢ δωρεῶν ἔδει παρὰ βασιλέων καὶ δυναστῶν, ἐχόντων τε ἃ δώσουσι καὶ βουλομένων [διδόναι] διὰ τὴν ἐπιφάνειαν αὐτοῦ καὶ εὔκλειαν. Οἱ μὲν οὖν Αἰγύπτιοι καὶ οἱ πλησίον Αἰθίοπες καὶ Ἄραβες οὔθ' οὕτω τελέως ἄβιοι, οὔτ' ἀνήκοοι τῆς τῶν Ἀτρειδῶν δόξης, καὶ μάλιστα διὰ τὴν κατόρθωσιν τοῦ Ἰλιακοῦ πολέμου, ὥστ' ἐλπὶς ἦν τῆς ἐξ αὐτῶν ὠφελείας· καθάπερ ἐπὶ τοῦ θώρακος τοῦ Ἀγαμέμνονος λέγεται,
Τόν ποτέ οἱ Κινύρης δῶκε ξεινήιον εἶναι·
Καὶ δὴ καὶ τὸν πλείω χρόνον τῆς πλάνης λεκτέον μὲν ἐν τοῖς κατὰ Φοινίκην καὶ Συρίαν καὶ
33. Εἰ δὲ Φοίνικας εἰπὼν ὀνομάζει καὶ Σιδωνίους, τὴν μητρόπολιν αὐτῶν σχήματι συνήθει χρῆται, ὡς Τρῶάς τε καὶ Ἕκτορα νηυσὶ πέλασσε· καί
Οὐ γὰρ
ἔτ' οἰνῆος μεγαλήτορος υἱέες ἦσαν, καὶ Ἴδην δ' ἵκανεν - καὶ Γάργαρον· καί Οἳ δ' εὔβοιαν ἔχον - καὶ Χαλκίδα τ' εἰρέτριάν τε· καὶ Σαπφώ Ἤ σε Κύπρος ἢ Πάφος ἢ Πάνορμος. Καίτοι καὶ ἄλλο τι ἦν τὸ ποιῆσαν, καίπερ ἤδη μνησθέντα τῆς Φοινίκης, ἰδίως πάλιν καὶ τὴν Σιδῶνα συγκαταλέξαι. πρὸς μὲν γὰρ τὸ τὰ ἐφεξῆς ἔθνη καταλέξαι ἱκανῶς εἶχεν οὕτως εἰπεῖν,
Κύπρον Φοινίκην τε καὶ Αἰγυπτίους ἐπαληθεὶς Ἵνα δ' ἐμφήνῃ καὶ τὴν παρὰ τοῖς Σιδωνίοις ἀποδημίαν τὴν ἐπὶ πλέον γενομένην, καλῶς εἶχεν εἴτ' ἀναλαβεῖν εἴτε καὶ παραλαβεῖν· ἐμφαίνει [ δὲ] διὰ τῶν ἐπαίνων τῆς παρ' αὐτοῖς εὐτεχνίας [ καὶ] τοῦ τὴν Ἑλένην προεξενῶσθαι τοῖς ἀνθρώποις μετὰ Ἀλεξάνδρου· διόπερ παρὰ τῷ Ἀλεξάνδρῳ πολλὰ τοιαῦτα ἀποκείμενα λέγει·
Ἔνθ' ἔσαν οἱ πέπλοι παμποίκιλοι, ἔργα γυναικῶν Καὶ παρὰ τῷ Μενελάῳ· λέγει γὰρ πρὸς Τηλέμαχον,
Δώσω τοι κρητῆρα τετυγμένον· ἀργύρεος δὲ Δεῖ δὲ δέξασθαι πρὸς ὑπερβολὴν εἰρημένον τὸ Ἡφαίστου ἔργον, ὡς λέγεται Ἀθηνᾶς ἔργα τὰ καλὰ καὶ Χαρίτων καὶ Μουσῶν. Ἐπεὶ ὅτι γε οἱ ἄνδρες ἦσαν καλλίτεχνοι, δηλοῖ τὸν κρατῆρα ἐπαινῶν, ὃν ὁ εὔνεως ἔδωκεν ἀντὶ Λυκάονος· φησὶ γάρ,
Κάλλει ἐνίκα πᾶσαν ἐπ' αἶαν 34. Περὶ δὲ τῶν Ἐρεμβῶν πολλὰ μὲν εἴρηται, πιθανώτατοι δ' εἰσὶν οἱ νομίζοντες τοὺς Ἄραβας λέγεσθαι. Ζήνων δ' ὁ ἡμέτερος καὶ γράφει οὕτως· Αἰθίοπάς θ' ἱκόμην καὶ Σιδονίους Ἄραβάς τε. Τὴν μὲν οὖν γραφὴν οὐκ ἀνάγκη κινεῖν παλαιὰν οὖσαν· αἰτιᾶσθαι δὲ βέλτιον τὴν τοῦ ὀνόματος μετάπτωσιν πολλὴν καὶ ἐπιπολαίαν οὖσαν ἐν πᾶσι τοῖς ἔθνεσιν. Ἀμέλει δὲ καὶ ποιοῦσί τινες παραγραμματίζοντες. ἄριστα δ' ἂν δόξειεν εἰπεῖν ὁ Ποσειδώνιος κἀνταῦθα ἀπὸ τῆς τῶν ἐθνῶν συγγενείας καὶ κοινότητος ἐτυμολογῶν. Τὸ γὰρ τῶν Ἀρμενίων ἔθνος καὶ τὸ τῶν Σύρων καὶ Ἀράβων πολλὴν ὁμοφυλίαν ἐμφαίνει κατά τε τὴν διάλεκτον καὶ τοὺς βίους καὶ τοὺς τῶν σωμάτων χαρακτῆρας, καὶ μάλιστα καθὸ πλησιόχωροί εἰσι. Δηλοῖ δ' ἡ Μεσοποταμία ἐκ τῶν τριῶν συνεστῶσα τούτων ἐθνῶν· μάλιστα γὰρ ἐν τούτοις ἡ ὁμοιότης διαφαίνεται. Εἰ δέ τις παρὰ τὰ κλίματα γίνεται διαφορὰ τοῖς προσβόρροις ἐπὶ πλέον πρὸς τοὺς μεσημβρινοὺς καὶ τούτοις πρὸς μέσους τοὺς ὅρους, ἀλλ' ἐπικρατεῖ γε τὸ κοινόν. Καὶ οἱ Ἀσσύριοι δὲ καὶ οἱ Ἀριανοὶ παραπλησίως πως ἔχουσι καὶ πρὸς τούτους καὶ πρὸς ἀλλήλους. Εἰκάζει γε δὴ καὶ τὰς τῶν ἐθνῶν τούτων κατονομασίας ἐμφερεῖς ἀλλήλαις εἶναι. τοὺς γὰρ ὑφ' ἡμῶν Σύρους καλουμένους ὑπ' αὐτῶν τῶν Σύρων Ἀραμμαίους καλεῖσθαι· τούτῳ δ' ἐοικέναι τοὺς Ἀρμενίους καὶ τοὺς Ἄραβας καὶ Ἐρεμβούς, τάχα τῶν πάλαι Ἑλλήνων οὕτω καλούντων τοὺς Ἄραβας, ἅμα καὶ τοῦ ἐτύμου συνεργοῦντος πρὸς τοῦτο. Ἀπὸ γὰρ τοῦ εἰς τὴν ἔραν ἐμβαίνειν τοὺς Ἐρεμβοὺς ἐτυμολογοῦσιν οὕτως οἱ πολλοί, οὓς μεταλαβόντες οἱ ὕστερον ἐπὶ τὸ σαφέστερον Τρωγλοδύτας ἐκάλεσαν· οὗτοι δέ εἰσιν Ἀράβων οἱ ἐπὶ θάτερον μέρος τοῦ Ἀραβίου κόλπου κεκλιμένοι, τὸ πρὸς Αἰγύπτῳ καὶ Αἰθιοπίᾳ. Τούτων δ' εἰκὸς μεμνῆσθαι τὸν ποιητὴν καὶ πρὸς τούτους ἀφῖχθαι λέγειν τὸν Μενέλαον, καθ' ὃν τρόπον εἴρηται καὶ πρὸς τοὺς Αἰθίοπας· τῇ γὰρ Θηβαίδι καὶ οὗτοι πλησιάζουσιν· ὁμοίως οὐκ ἐργασίας οὐδὲ χρηματισμοῦ χάριν τούτων ὀνομαζομένων ( οὐ πολὺ γὰρ ἦν τοῦτο), ἀλλὰ τοῦ μήκους τῆς ἀποδημίας καὶ τοῦ ἐνδόξου· ἔνδοξον γὰρ τοσοῦτον ἐκτοπίσαι. Τοιοῦτον δὲ καὶ τὸ Πολλῶν ἀνθρώπων ἴδεν ἄστεα καὶ νόον ἔγνω· καὶ τὸ
Ἦ
γὰρ πολλὰ παθὼν καὶ πόλλ' ἐπαληθεὶς Ἡσίοδος δ' ἐν Καταλόγῳ φησί
Καὶ κούρην Ἀράβοιο, τὸν
Ἑρμάων ἀκάκητα Οὕτω δὲ καὶ Στησίχορος λέγει. Εἰκάζειν οὖν ἐστιν, ὅτι ἀπὸ τούτου καὶ ἡ χώρα Ἀραβία ἤδη τότε ὠνομάζετο· κατὰ δὲ τοὺς ἥρωας τυχὸν ἴσως οὔπω. 35. Οἱ δὲ πλάττοντες Ἐρεμβοὺς ἴδιόν τι ἔθνος Αἰθιο πικὸν καὶ ἄλλο Κηφήνων καὶ τρίτον Πυγμαίων καὶ ἄλλα μυρία ἧττον ἂν πιστεύοιντο, πρὸς τῷ μὴ ἀξιοπίστῳ καὶ σύγχυσίν τινα ἐμφαίνοντες τοῦ μυθικοῦ καὶ ἱστορικοῦ σχήματος. ὅμοιοι δ' εἰσὶ τούτοις καὶ οἱ Σιδονίους ἐν τῇ κατὰ Πέρσας θαλάττῃ διηγούμενοι ἢ ἄλλοθί που τοῦ ὠκεανοῦ, καὶ τὴν τοῦ Μενελάου πλάνην ἐξωκεανίζοντες· ὁμοίως δὲ καὶ τοὺς Φοίνικας. Τῆς δ' ἀπιστίας αἴτιον οὐκ ἐλάχιστόν ἐστι τὸ ἐναντιοῦσθαι ἀλλήλοις τοὺς λέγοντας. Οἱ μὲν γὰρ καὶ τοὺς Σιδονίους τοὺς καθ' ἡμᾶς ἀποίκους εἶναι τῶν ἐν τῷ ὠκεανῷ φασί, προστιθέντες καὶ διὰ τί Φοίνικες ἐκαλοῦντο, ὅτι καὶ ἡ θάλαττα ἐρυθρά· οἱ δ' ἐκείνους τούτων. Εἰσὶ δ' οἳ καὶ τὴν Αἰθιοπίαν εἰς τὴν καθ' ἡμᾶς Φοινίκην μετάγουσι, καὶ τὰ περὶ τὴν Ἀνδρομέδαν ἐν Ἰόπῃ συμβῆναί φασιν· οὐ δήπου κατ' ἄγνοιαν τοπικὴν καὶ τούτων λεγομένων, ἀλλ' ἐν μύθου μᾶλλον σχήματι· καθάπερ καὶ τῶν παρ' Ἡσιόδῳ καὶ τοῖς ἄλλοις, ἃ προφέρει ὁ Ἀπολλόδωρος, οὐδ' ὃν τρόπον παρατίθησι τοῖς Ὁμήρου ταῦτα εἰδώς. Τὰ μὲν γὰρ Ὁμήρου τὰ περὶ τὸν Πόντον καὶ τὴν Αἴγυπτον παρατίθησιν ἄγνοιαν αἰτιώμενος, ὡς λέγειν μὲν τὰ ὄντα βουλομένου, μὴ λέγοντος δὲ τὰ ὄντα, ἀλλὰ τὰ μὴ ὄντα ὡς ὄντα κατ' ἄγνοιαν. Ἡσιόδου δ' οὐκ ἄν τις αἰτιάσαιτο ἄγνοιαν, Ἡμίκυνας λέγοντος καὶ Μακροκεφάλους καὶ Πυγμαίους· οὐδὲ γὰρ αὐτοῦ Ὁμήρου ταῦτα μυθεύοντος, ὧν εἰσι καὶ οὗτοι οἱ Πυγμαῖοι, οὐδ' Ἀλκμᾶνος Στεγανόποδας ἱστοροῦντος, οὐδ' Αἰσχύλου Κυνοκεφάλους καὶ Στερνοφθάλμους καὶ Μονομμάτους, ὅπου γε οὐδὲ τοῖς πεζῇ συγγράφουσιν ἐν ἱστορίας σχήματι προσέχομεν περὶ πολλῶν, κἂν μὴ ἐξομολογῶνται τὴν μυθογραφίαν. Φαίνεται γὰρ εὐθὺς ὅτι μύθους παραπλέκουσιν ἑκόντες οὐκ ἀγνοίᾳ τῶν ὄντων, ἀλλὰ πλάσει τῶν ἀδυνάτων τερατείας καὶ τέρψεως χάριν. δοκοῦσι δὲ κατ' ἄγνοιαν, ὅτι μάλιστα καὶ πιθανῶς τὰ τοιαῦτα μυθεύουσι περὶ τῶν ἀδήλων καὶ τῶν ἀγνοουμένων. Θεόπομπος δὲ ἐξομολογεῖται φήσας ὅτι καὶ μύθους ἐν ταῖς ἱστορίαις ἐρεῖ, κρεῖττον ἢ ὡς Ἡρόδοτος καὶ Κτησίας καὶ Ἑλλάνικος καὶ οἱ τὰ Ἰνδικὰ συγγράψαντες. 36. Περὶ δὲ τῶν τοῦ ὠκεανοῦ παθῶν εἴρηται μὲν ἐν μύθου σχήματι· καὶ γὰρ τούτου στοχάζεσθαι δεῖ τὸν ποιητήν. Ἀπὸ γὰρ τῶν ἀμπώτεων καὶ τῶν πλημμυρίδων ἡ Χάρυβδις αὐτῷ μεμύθευται, οὐδ' αὐτὴ παντάπασιν Ὁμήρου πλάσμα οὖσα, ἀλλ' ἀπὸ τῶν ἱστορουμένων περὶ τὸν Σικελικὸν πορθμὸν διεσκευασμένη. εἰ δὲ δὶς τῆς παλιρροίας γινομένης καθ' ἑκάστην ἡμέραν καὶ νύκτα ἐκεῖνος τρὶς εἴρηκε· Τρὶς μὲν γάρ τ' ἀνίησιν ἐπ' ἤματι, τρὶς δ' ἀναροιβδεῖ, λέγοιτ' ἂν καὶ οὕτως· οὐ γὰρ κατ' ἄγνοιαν τῆς ἱστορίας ὑποληπτέον λέγεσθαι τοῦτο, ἀλλὰ τραγῳδίας χάριν καὶ φόβου, ὃν ἡ Κίρκη πολὺν τοῖς λόγοις προστίθησιν ἀποτροπῆς χάριν, ὥστε καὶ τὸ ψεῦδος παραμίγνυσθαι. Ἐν αὐτοῖς γοῦν τοῖς ἔπεσι τούτοις εἴρηκε μὲν οὕτως ἡ Κίρκη·
Τρὶς μὲν γάρ τ' ἀνίησιν ἐπ' ἤματι, τρὶς δ' ἀναροιβδεῖ Καὶ μὴν παρέτυχέ τε τῇ ἀναρροιβδήσει ὁ Ὀδυσσεὺς καὶ οὐκ ἀπώλετο, ὥς φησιν αὐτός·
Ἡ μὲν ἀνερροίβδησε
θαλάσσης ἁλμυρὸν ὕδωρ· Εἶτα περιμείνας τὰ ναυάγια καὶ λαβόμενος πάλιν αὐτῶν σώζεται, ὥστ' ἐψεύσατο ἡ Κίρκη. ὡς οὖν τοῦτο, κἀκεῖνο τὸ « τρὶς μὲν γάρ τ' ἀνίησιν ἐπ' ἤματι » ἀντὶ τοῦ δίς, ἅμα καὶ τῆς ὑπερβολῆς τῆς τοιαύτης συνή θους πᾶσιν οὔσης, τρισμακαρίους καὶ τρισαθλίους λεγόντων· καὶ ὁ ποιητής· Τρισμάκαρες Δαναοί, καί Ἀσπασίη τρίλλιστο, [ καί ] Τριχθά τε καὶ τετραχθά. Ἴσως δ' ἄν τις καὶ ἀπὸ τῆς ὥρας τεκμήραιτο, ὅτι ὑπαινίττεταί πως τὸ ἀληθές· μᾶλλον γὰρ [ ἂν] ἐφαρμόττοι τῷ δὶς γενέσθαι τὴν παλίρροιαν κατὰ τὸν συνάμφω χρόνον, τὸν ἐξ ἡμέρας καὶ νυκτός, ἢ τῷ τρὶς τοσοῦτον χρόνον μεῖναι τὰ ναυάγια ὑποβρύχια, ὀψὲ δὲ ἀναβληθῆναι ποθοῦντι. Καὶ συνεχῶς προσισχομένῳ τοῖς κλάδοις·
Νωλεμέως δ' ἐχόμην, ὄφρ' ἐξεμέσειεν ὀπίσσω Πάντα γὰρ ταῦτα χρόνου τινὸς ἔμφασιν ἀξιολόγου δίδωσι, καὶ μάλιστα τὸ τὴν ἑσπέραν ἐπιτεῖναι, ( καὶ) μὴ κοινῶς εἰπόντα, ἡνίκα ὁ δικαστὴς ἀνίσταται, ἀλλ' ἡνίκα κρίνων νείκεα πολλά, ὥστε βραδῦναι πλέον τι καὶ ἄλλως δὲ οὐ πιθανὴν ἂν ὑπέτεινε τῷ ναυαγῷ τὴν ἀπαλλαγήν, εἰ πρὶν ἀποσπασθῆναι πολὺ καὶ αὐτίκα εἰς τοὐπίσω παλίρρους μετέπιπτεν. 37. Ἀπολλόδωρος δὲ ἐπιτιμᾷ Καλλιμάχῳ, συνηγορῶν τοῖς περὶ τὸν Ἐρατοσθένη, διότι καίπερ γραμματικὸς ὢν παρὰ τὴν Ὁμηρικὴν ὑπόθεσιν καὶ τὸν ἐξωκεανισμὸν τῶν τόπων, περὶ οὓς τὴν πλάνην φράζει, Γαῦδον καὶ Κόρκυραν ὀνομάζει. Ἀλλ' εἰ μὲν μηδαμοῦ γέγονεν ἡ πλάνη, ἀλλ' ὅλον πλάσμα ἐστὶν Ὁμήρου τοῦτο, ὀρθὴ ἡ ἐπιτίμησις· ἢ, εἰ γέγονε μέν, περὶ ἄλλους δὲ τόπους, δεῖ λέγειν εὐθὺς καὶ περὶ τίνας, ἐπανορθούμενον ἅμα τὴν ἄγνοιαν. Μήτε δὲ ὅλου πλάσματος εἶναι πιθανῶς λεγομένου, καθάπερ ἐπεδείκνυμεν, μήτ' ἄλλων τόπων κατὰ πίστιν μείζω δεικνυμένων, ἀπολύοιτ' ἂν τῆς αἰτίας ὁ Καλλίμαχος. 38. Οὐδ' ὁ Σκήψιος δὲ Δημήτριος εὖ, ἀλλὰ καὶ τῷ Ἀπολλοδώρῳ τῶν ἁμαρτιῶν ἐνίων αἴτιος ἐκεῖνος κατέστη. Πρὸς γὰρ Νεάνθη τὸν Κυζικηνὸν φιλοτιμοτέρως ἀντιλέγων εἰπόντα ὅτι οἱ Ἀργοναῦται πλέοντες εἰς Φᾶσιν τὸν ὑφ' Ὁμήρου καὶ τῶν ἄλλων ὁμολογούμενον πλοῦν, ἱδρύσαντο τὰ τῆς Ἰδαίας μητρὸς ἱερὰ περὶ Κύζικον, ἀρχὴν φησὶ μηδ' εἰδέναι τὴν εἰς Φᾶσιν ἀποδημίαν τοῦ Ἰάσονος Ὅμηρον. Τοῦτο δ' οὐ μόνον τοῖς ὑφ' Ὁμήρου λεγομένοις μάχεται, ἀλλὰ καὶ τοῖς ὑπ' αὐτοῦ. Φησὶ γὰρ τὸν Ἀχιλλέα Λέσβον μὲν πορθῆσαι καὶ ἄλλα χωρία, Λήμνου δ' ἀποσχέσθαι καὶ τῶν πλησίον νήσων διὰ τὴν πρὸς Ἰάσονα καὶ τὸν υἱὸν Εὔνεων συγγένειαν τότε τὴν νῆσον κατέχοντα. Πῶς οὖν ὁ ποιητὴς τοῦτο μὲν ᾖδει, διότι συγγενεῖς ἢ ὁμοεθνεῖς ἢ γείτονες ἢ ὁπωσοῦν οἰκεῖοι ὑπῆρχον ὅ τε Ἀχιλλεὺς καὶ ὁ Ἰάσων ( ὅπερ οὐδαμόθεν ἄλλοθεν, ἀλλ' ἐκ τοῦ Θετταλοὺς ἀμφοτέρους εἶναι συνέβαινε, καὶ τὸν μὲν Ἰώλκιον, τὸν δ' ἐκ τῆς Φθιώτιδος Ἀχαιίδος ὑπάρχειν), τοῦτο δ' ἠγνόει, πόθεν ἦλθε τῷ Ἰάσονι, Θετταλῷ καὶ Ἰωλκίῳ ὑπάρχοντι, ἐν μὲν τῇ πατρίδι μηδεμίαν καταλιπεῖν διαδοχήν, Λήμνου δὲ καταστῆσαι κύριον τὸν υἱόν; Καὶ Πελίαν μὲν ᾖδει καὶ τὰς Πελιάδας καὶ τὴν ἀρίστην αὐτῶν καὶ τὸν υἱὸν αὐτῆς
Εὔμηλον, τὸν ὑπ'
Ἀδμήτῳ τέκε δῖα γυναικῶν τῶν δὲ περὶ τὸν Ἰάσονα συμβάντων καὶ τὴν Ἀργὼ καὶ τοὺς Ἀργοναύτας, τῶν ὁμολογουμένων παρὰ πᾶσιν, ἀνήκοος ἦν, ἐν δὲ τῷ ὠκεανῷ τὸν παρ' αἰήτου πλοῦν ἔπλαττεν, ἀρχὴν μηδε_ |