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POLYEN.

 

RUSES DE GUERRE

 

LIVRE CINQUIÈME.

 livre 4      livre 6

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

LIVRE CINQUIÈME.

 

CHAP. Ier. — Phalaris — CHAP. II. — Denis — CHAP. III. —Agathocle — CHAP. IV. — Hipparin — CHAP. V. — Théocle — CHAP. VI. — Hippocrate — CHAP. VII. — Daphnée — CHAP. VIII. — Leptine — CHAP. IX. — Hannon — CHAP. X. — Himilcon — CHAP. XI. Gescon — CHAP. XII. — Timoléon — CHAP. XIII. — Ariston — CHAP. XIV. — Thrasiméde — CHAP. XV. — Mégaclés — CHAP. XVI. — Pammenès — CHAP. XVII. — Héraclide — CHAP. XVIII. — Agathostrate — CHAP. XIX. — Lycus — CHAP. XX. — Ménécrate — CHAP. XXI. — Athénodore — CHAP. XXII. — Diotime — CHAP. XXIII. — Tynnique — CHAP. XXIV. —- Clitarque — CHAP. XXV. —- Tymarque —CHAP. XXVI. — Eudocime — CHAP. XXVII. — Pausistrate — CHAP. XXVIII. — Théognis. . — CHAP. XXIX. — Dioclès — CHAP. XXX. — Chilius — CHAP. XXXI. — Cypséle — CHAP. XXXII. — Télésinique. — CHAP. XXXIII. — Pompisque. — CHAP. XXXIV. — Nicon — CHAP. XXXV. — Néarque — CHAP. XXXVI. —Dorothée — CHAP. XXXVII. Sosistrate — CHAP. XXXVIII. — Diognète. — CHAP. XXXIX. — Archebius — CHAP. XL. — Aristocrate — CHAP. XLI. —Aristomaque — CHAP. XLII. — Charimène — CHAP. XLIII. — Cal-liade — CHAP. XLIV. — Memnon — CHAP. XLV. — Philomèle — CHAP. XLVI. — Démoclès — CHAP. XLVII. — Pannetius — CHAP. XLVIII. — Pyrechmès — CHAP. XLIX. — Satyre (manque).

CHAPITRE PREMIER.

PHALARIS.

Les Agrigentins avaient formé le dessein d'élever un temple à Jupiter gouverneur, dans leur citadelle, bâtie très solidement sur un roc, qui était d'ailleurs un lieu sacré, et d'y poser, comme au plus, haut lieu, la statue de cette divinité. Ils destinaient à cet ouvrage deux cents talents. Phalaris, receveur des impôts, s'offrit pour avoir la direction de l'ouvrage, et promit d'y employer les plus habiles ouvriers, de fournir abondamment tous les matériaux, et de donner des cautions suffisantes pour la sûreté des deniers publics. Le peuple admit volontiers toutes ses propositions, et crut que l'expérience qu'il pouvait avoir acquise dans son emploi, lui rendait cette direction plus facile qu'à tout autre. Il commença donc par se charger de l'argent du public; il gagea plusieurs étrangers, acheta un grand nombre d'esclaves, et fit porter dans la citadelle toutes sortes de matériaux, pierres, bois et fer. On n'en était encore qu'à creuser les fondements, qu'il fit descendre à la ville un homme qui dit : « Quiconque indiquera ceux qui ont dérobé dans la citadelle du bois ou du fer, recevra une telle somme d'argent. » Le peuple marqua beaucoup d'indignation de ces vols. Phalaris dit : « Permettez-moi donc de fortifier la citadelle. » La permission lui fut accordée de l'environner de murailles. Alors Phalaris ayant ôté de la chaîne ses esclaves, les arma de pierres et de haches, tant simples, qu'à deux tranchants, et ayant pris l'occasion de la fête des Thesmophories, il fit irruption dans la ville, tua la plupart des hommes, se rendit maître des femmes et des en fans, et usurpa l'autorité souveraine dans l'État.

II. Phalaris voulant désarmer les Agrigentins, fit publier qu'il donnerait; au public hors de la ville, un spectacle magnifique d'athlètes. Mais pendant que tous les habitants étaient dehors pour voir les jeux, il fit fermer les portes de la ville, et commanda à ses gardes d'enlever les armes de toutes les maisons.

III. Les Agrigentins faisaient la guerre à ceux de Sicile. Phalaris ne pouvant venir à bout de les dompter parce qu'ils avaient des vivres en abondance, fit retirer son armée, et laissa même ses grains à ceux de Sicile, à, condition qu'il enlèverait ce qui avait été semé, quand le temps de la moisson serait venu. Les Siciliens acceptèrent la condition avec joie. Mais Phalaris corrompit par argent ceux qui avaient la garde des blés des Siciliens. Ils découvrirent les toits des greniers, et les blés furent pourris. Phalaris enleva toute la moisson, et les Siciliens se trouvant sans blés, par l'un et l'autre moyen, furent contraints par la disette de se soumettre à Phalaris.

IV. Teute commandait dans Vessa, ville des Siciliens, fameuse par sa grandeur et l'abondance de toutes choses. Phalaris envoya des gens demander sa fille en mariage. Quand Teute eut accepté la proposition, Phalaris prit de jeunes soldats sans barbe, et les ayant habillés en filles, les envoya sur des chariots avec des présents, comme des filles destinées à servir la nouvelle mariée. Quand ils se furent emparés de la maison, ils tirèrent leurs épées, et Phalaris s'étant montré, se rendit maître de Vessa.

CHAPITRE II.

DENIS.

Les troupes soudoyées avaient pris la résolution de mettre à mort Denis, tyran de Sicile, et s'étant donné le mot, firent irruption dans sa maison. Denis se présenta devant eux, vêtu d'une manière à leur faire compassion, et les cheveux salis de poussière, et s'abandonna à tout ce qu'on voudrait lui faire souffrir. Les conjurés le voyant dans ce misérable état en eurent pitié et le laissèrent aller sans lui faire de mal. Mais peu de temps après, Denis ayant trouvé moyen de les enfermer chez les Léontains au milieu de ses troupes, les extermina tous.

II. Denis, fils d'Hermocrate, était l'un des ministres des Syracusiens et secrétaire d'état pour la guerre. Dans celle que l'on eut contre Carthage, les Syracusiens furent plusieurs fois vaincus. Ils s'en prirent aux généraux, et Denis ne fit point difficulté de les accuser, publiquement de trahison. Il y en eut de condamnés à mort, et d'autres qui prirent la fuite. Alors Denis prenant prétexte de la haine que son zèle lui avait attirée, et du danger pressant de la guerre des Carthaginois, demanda au peuple des gardes pour la sûreté de sa personne, et les obtint. Par ce moyen il devint tyran de Syracuse, et très puissant, et non seulement il conserva son autorité jusqu'à la vieillesse, mais encore il la transmit à son fils après lui.

III. Denis avait une attention particulière à tâcher de deviner les complots qui se pouvaient former contre lui. Il se présenta un étranger dans la ville, qui se vanta qu'il avait un secret infaillible pour découvrir toutes sortes de conspirations. Il fut appelé à la citadelle, mais il dit à Denis qu'il voulait lui parler seul à seul, pour tenir son secret caché. Tout le monde s'écarta, et cet homme dit à Denis : « Tu n'as qu'à dire avec satisfaction que tu as véritablement appris le moyen de prévoir toutes les conspirations. Il n'y aura plus personne qui ose conspirer. » Cette ruse plut à Denis ; il fit de grands présents à l'homme, et fit savoir à ses gardes et à toutes ses troupes, qu'il avait appris le plus merveilleux moyen de prévoir toute sorte de factions et de complots. On le crut, et personne n'osa plus rien entreprendre contre lui.

IV. Denis le jeune étant parti pour une expédition maritime, avait laissé la garde de la citadelle et des trésors à Andron; Timocrate l'engagea à se joindre avec lui pour se rendre maîtres de la place et des richesses. Denis revint peu de jours après, et n'ayant rien su d'Andron, il ne laissa pas de lui dire qu'il avait tout appris des autres, et qu'il souhaitait seulement qu'il lui confessât qui avait été le plus ardent à vouloir profiter de l'occasion de son absence. Andron séduit, lui nomma Timocrate. Denis fit aussitôt mourir Andron, pour le punir, disait-il, de ne lui avoir pas découvert cette conspiration aussitôt après son retour. Pour ce qui est de Timocrate, mari de sa sœur, il se contenta de le faire arrêter, et même depuis, à la prière de cette sœur, il lui rendit la liberté, et l'envoya dans le Péloponnèse.

V. Quelques habitants de Naxe avaient donné parole à Denis de lui livrer la ville. Il se présenta sûr le soir devant la place, avec sept mille hommes. Les habitants, avertis de la trahison, montèrent sur les tours, et ceux qui étaient du complot, appelaient aussi du haut des tours Denis et ses troupes. Denis menaça ceux qui étaient sur les murs, de passer tout au fil de l'épée, s'ils ne livraient pas volontairement la ville. Dans le même temps et à la faveur de l'obscurité il fit avancer dans le port de Naxe une galère à cinquante rames, qui portait un grand nombre de comités avec leurs sifflets; Comme chacun donnait son signal, les Naxiens crurent qu'il y avait autant de galères ennemies qu'ils entendaient de signaux distingués ; et la peur les contraignit à se rendre volontairement à Denis.

VI. Denis voyant qu'Himilcon était venu avec sa flotte boucher l'entrée du port de Motyée, retira ses troupes de devant cette place, et étant allé camper en présence des ennemis, dit aux matelots et aux soldats de prendre courage et de travailler à mettre les galères en sûreté. Sous le cap qui environnait le port, il y avait un espace uni et plein de boue, qui pouvait avoir vingt stades de largeur. Les soldats ayant couvert le terrain de madriers, firent passer par dessus, dans un seul jour, quatre-vingts galères. Himilcon eut peur que Denis ayant rassemblé toute sa flotte, ne fît le tour du cap et ne vînt l'enfermer dans le port. Il profita d'un vent de nord favorable, mit à la voile, et se retira, et Denis sauva de cette sorte le port, la ville et sa flotte.

VII. Denis poursuivi par Dion, n'avait plus que la citadelle de Syracuse. Il envoya vers les Syracusiens pour traiter avec eux. Ils répondirent que s'il renonçait à la domination, l'on écouterait ses envoyés ; mais que s'il n'y renonçait pas, on lui ferait la guerre sans composition. Denis renvoya d'autres gens dire que si Ton voulait traiter avec lui par députés, il abdiquerait volontiers. On le crut, la ville lui députa, et la joie que l'on avait de voir la fin de la tyrannie, fit que les gardes se dissipèrent. Denis retint les députés de la ville, et sortant du fort, mena ses soldats avec de grands cris contre les murs, et fit une violente irruption dans la ville. De cette manière il conserva la jouissance de la citadelle, et recouvra la ville.

VIII. Les députés des Syracusiens que Denis avait retenus, il les renvoya le lendemain aux habitants. Ils furent suivis de plusieurs femmes qui portaient à Dion et à Mégaclès son frère des lettres de leur sœur et de la femme de l'un des deux, et d'autres lettres aux autres habitants dont les femmes étaient enfermées dans la citadelle. On fut d'avis de faire lecture publiquement de ces lettres dans l'assemblée. Dans la plupart on ne voyait autre chose que des supplications des femmes qui conjuraient les habitants de ne les laisser point périr et de faire la paix avec Denis. Il se trouva une lettre dont l'adresse était : « Hipparin à son père. » Et ce père était Dion. Quand le greffier eut lu l'adresse, il ouvrit la lettre ; mais ce n'était pas le fils de Dion qui avait écrit, c'était Denis lui-même, qui écrivait familièrement et avec de grandes marques d'union et d'amitié à Dion, et lui faisait de grandes promesses. Cette lecture rendit Dion suspect aux Syracusiens, qui n'eurent plus tant de confiance eh lui, et c'était ce que Denis avait eu principalement en vue.

IX. Denis voyant que les Carthaginois venaient fondre dans le pays avec une armée de deux cent mille hommes, fit élever de tous côtés des forts, et y mit des gens de guerre, avec ordre de traiter avec les Carthaginois et de recevoir leurs garnisons. Les Carthaginois furent fort aises de prendre possession du pays sans coup férir, et partagèrent en différentes garnisons la plupart de leurs troupes. Quand Denis vit leurs plus grandes forces dispersées par tous ces détachements, il attaqua le reste, et remporta la victoire.

X. Denis voulant subjuguer la ville d'Himère, fit amitié avec les habitants, et attaquâtes petites villes de leur voisinage. Cependant au lieu de les presser vivement il passait le temps à des pourparlers. Ceux d'Himère fournirent assez longtemps des vivres à son armée, mais voyant qu'il n'avançait rien, ils jugèrent que c'était véritablement contre eux-mêmes qu'il avait assemblé tant de troupes, et cessèrent de lui envoyer des vivres. Denis prit prétexte de ce refus pour se dire offensé par eux ; il tourna ses armes contre Himère, en fit le siège, et s'en rendit maître de force.

XI. Denis avait dessein de réformer les plus vieux soldats, et de leur ôter la paie. Ils murmurèrent hautement contre lui, et les jeunes mêmes prenaient leur parti, en disant qu'il était indigne de traiter ainsi la vieillesse. Denis, informé de ce tumulte, convoqua l'assemblée, et décida de cette sorte : « Les jeunes gens, je les destine pour les dangers et les combats ; et les vieux, je les mettrai en garnison dans les forts, ou ils tireront la même solde qu'auparavant. Ils sont d'une fidélité éprouvée ; les lieux seront en sûreté sous leur garde, et ils auront moins de peine. » Tous les soldats furent contents, et se séparèrent les uns des autres avec joie. Mais quand Denis vit les anciens distribués en différentes garnisons, et qu'ils n'avaient plus l'appui de la multitude, il les cassa comme il avait résolu.

XII. Denis ayant dessein de surprendre une ville maritime, voulut en même temps, et connaître la fidélité de chacun, et tenir son entreprise secrète, en sorte que personne ne sut où il voulait aborder. Pour cet effet il donna à chaque capitaine de galère un paquet cacheté, dans lequel il n'y avait rien d'écrit, avec ordre de ne l'ouvrir que quand il aurait élevé le signal, mais de l'ouvrir, alors, et d'aller aborder au lieu qui serait marqué dans l'écrit: La flotte se mit en route, et Denis, avant que de donner le signal, se mit sur une barque légère, et allant de vaisseau en vaisseau, demanda à chaque capitaine le paquet qu'il lui avait fait donner. Tous ceux dont les paquets se trouvèrent décachetés, il les fit punir de mort, comme traîtres ; et aux autres, il leur donna d'autres paquets où ils trouvèrent indiqué le lieu de la descente. Ce secret si bien couvert fut cause qu'il surprit Amphipolis et s'en empara.

XIII. Denis voulant savoir ce que pensaient de lui ceux qui étaient sous sa domination, fit dresser un état de toutes les chanteuses et autres courtisanes, et se fit apporter la liste de tous leurs noms. La plupart des gens s'imaginèrent que c'était une disposition pour un nouvel impôt. Mais Denis n'en mit aucun sur ces femmes. Il leur fit donner la question à chacune en particulier pour les forcer à lui rendre compte de tout ce qu’elles avaient entendu dire contre la tyrannie, par ceux à la débauche desquels elles avaient servi ; et de tous ceux qu'il apprit par ce moyen qu'ils avaient mal parlé de lui, les uns furent tués par ses ordres, et les autres exilés.

XIV. Denis avait désarmé les habitants. Or quand l'occasion se présentait de faire la guerre aux ennemis, il commandait aux habitants de se rendre à cent stades hors de la ville. Là il leur rendait les armes. Mais après le combat, avant qu'on rentrât dans la ville, et que les portes en fussent ouvertes, il ordonnait de nouveau aux habitants de quitter toutes leurs armes.

XV. Denis voulant savoir qui étaient ceux qui avaient le plus d'éloignement pour sa domination, se retira dans un petit port d'une côte écartée d'Italie, et fit courir le bruit que ses soldats l'avaient tué. Ceux à qui sa domination avait déplu, en marquèrent beaucoup de joie et couraient se faire part les uns aux autres de la chute du tyran. Leur joie ne fut pas de longue durée; Denis les enleva tous et les fit périr.

XVI. Denis feignit une autre fois d'être malade, et fit courir le bruit qu'il n'était pas possible qu'il en réchappât. Et comme il vit que cette nouvelle avait donné une excessive joie à bien des gens, il se montra tout à coup avec ses gardes en public, et ordonna qu'on fît mourir ceux qui avaient donné des marques de joie.

XVII. Denis tirait de grandes rançons des prisonniers Carthaginois; mais les prisonniers Grecs, il les renvoyait sans rançon. Cette humanité du tyran parut suspecte aux Carthaginois ; ils congédièrent tous les Grecs qui étaient à leur solde. Denis y gagna de n'avoir point de Grecs pour ennemis.

XVIII. Denis faisait la guerre aux Messinois, et il y en avait parmi les habitants que l'on soupçonnait de vouloir lui livrer la ville. Pour en augmenter le trouble et le soupçon, Denis faisait ravager les terres des autres et épargner les leurs. Je sais que d'autres généraux ont usé de la même adresse ; mais voici ce que Denis fit de plus. Il envoya un soldat chargé d'un talent d'or, comme pour le distribuer à ceux que l'on soupçonnait. Il fut pris par les Messinois avec son or ; on l'interrogea et l'on sut de lui à qui il portait cet or. On voulut punir sur-le-champ, comme traîtres, ceux qu'il avait nommés. Mais c'étaient des personnes puissantes, qui résistèrent vigoureusement. Cela donna lieu à une sédition, et la sédition rendit Denis maître de Messine.

XIX. Denis manquant d'argent, eut recours à un nouvel impôt sur les habitants. Ils refusèrent de le payer, et dirent qu'ils étaient épuisés par les précédents. Denis ne voulut point les forcer ; mais ayant laissé passer quelque temps, il ordonna aux archontes de tirer hors du temple tout ce "qui était dans le trésor d'Esculape, et il y avait beaucoup de présents d'or et d'argent, de faire porter le tout au marché, comme chose profane, et le vendre à l'encan. Les Syracusiens achetèrent ces ouvrages avec beaucoup d'empressement, et Denis ramassa des sommes considérables. Quand il les eut en son pouvoir, il fit publier un ordre, sur peine de la vie, à tous ceux qui avaient acheté quelque chose qui eût été dédié à Esculape, de le rendre incontinent au trésor de son temple. Tout fut rendu au trésor d'Esculape, et Denis garda l'argent qu'il avait extorqué.

XX. Denis ayant pris une ville dont la plupart des habitants étaient morts, ou avaient pris la fuite, vit bien qu'elle était trop grande pour pouvoir être gardée par peu de personnes. Il y laissa quelques troupes en garnison, et pour suppléer au reste, il fit épouser aux esclaves qui étaient restés les filles de leurs maîtres, afin que devenus par là irréconciliables avec eux, ils lui gardassent plus fidèlement la Ville.

XXI. Denis alla dans le pays des Tyrrhéniens avec une flotte de cent galères et quelques vaisseaux de débarquement, chargés de chevaux. Il fit descente au temple de Leucothée, en enleva soixante-dix talents d'argent monnayé, et remit aussitôt à la voile. Il fut informé que les soldats et les matelots avaient butiné de leur côté et caché quelques talents d'or et un plus grand nombre de talents d'argent. Il fit publier, avant que de mettre à terre, qu'il laisserait à ceux qui avaient pillé, la moitié de ce qu'ils avaient pris, pourvu qu'ils lui donnassent fidèle ment l'autre moitié ; mais, qu'il punirait de mort ceux qui n'obéiraient pas. Les soldats et les matelots apportèrent la moitié de leur butin. Denis trouva moyen de leur tirer le reste ; et pour les dédommager, il leur donna des vivres pour un mois.

XXII. Il y avait du côté de l'Italie des Pariens attachés aux principes de Pythagore, et Denis, tyran de Sicile, traitait avec ceux de Métaponte et les autres peuples d'Italie pour les engager à faire amitié avec lui. Evéphème insinuait aux enfants qu'il avait sous sa conduite, et à leurs pères, de ne prendre aucune confiance au tyran. Denis en fut dans une grande colère, et trouva moyen de se rendre maître de la personne d'Evéphème, comme il passait de Métaponte a Rège, et l'accusa en plein conseil de lui avoir fait un tort infini. Evéphème n'en disconvint pas, mais il soutint qu'il avait eu raison, parce que les gens qu'il avait persuadé, étaient ses amis, au lieu qu'il ne connaissait pas seulement le tyran de vue. Denis le condamna à mort. Evéphème, sans se troubler, lui dit : « Je m'y soumets, puisque c'est une chose résolue. Mais j'ai à Pare une sœur qui n'est point mariée. Je veux aller en mon pays, et la marier ; après cela je reviendrai mourir. » Ce discours fut reçu des assistants avec de grands éclats de rire: mais le tyran en fut étonné. Il dit: « Et quelle assurance donneras-tu de ton retour? Je donnerai caution, dit Evéphème, et je trouverai qui mourra pour moi, si je ne reviens pas. » Aussitôt ayant fait appeler Eucite, il le pria de demeurer caution pour lui. Celui-ci l'accepta sans difficulté, et se soumit à la mort, si Evéphème manquait de se représenter en six mois. En attendant il se constitua prisonnier. La chose était déjà digne d'admiration : mais ce qui le fut bien davantage, c'est qu'Evéphème, après avoir établi sa sœur, vint se livrer lui-même en Sicile, et demander la délivrance de son garant. Denis, pénétré d'estime pour l'un et pour l'autre, les délivra tous deux, et les prenant par la main, les pria de l'admettre pour troisième ami, de vivre à sa cour, et de partager avec lui ses biens et sa puissance. Ils rendirent grâces au tyran de sa bonne volonté : mais ils le prièrent de leur permettre de retourner à leurs occupations ordinaires, qui étaient d'élever la jeunesse ; et Denis le leur accorda. Cette action concilia à Denis l'affection des peuples de la côte d'Italie.

CHAPITRE III.

AGATHOCLE.

Agathocle, tyran de Sicile, après avoir fait serment aux ennemis, le viola, et tua ceux qui s'étaient rendus sur sa parole. Il tourna la chose en raillerie avec ses amis, et dit: « Nous avons soupé ; vomissons les serments que nous avions avalés. »

II. Agathocle ayant vaincu les Léontins, leur envoya Dinocrate, l'un de ses généraux, pour leur dire qu'il voulait imiter à leur égard l'humanité dont avait usé Dénis pour sauver les Italiens qui avaient été vaincus auprès du fleuve Elépore. Les Léotins le crurent, et s'estimèrent heureux. Agathocle étant entré dans la ville, ordonna qu'ils se rendissent tous à l'assemblée sans armes. Le général dit: « Que celui-là lève la main, qui est du même sentiment qu'Agathocle. » Agathocle dit aussitôt: « Mon sentiment est qu'ils soient tous mis à mort. » Ils étaient dix mille; et les soldats d'Agathocle les tuèrent sur le lieu même.

III. Agathocle, informé que les principaux de Syracuse penchaient à la révolte, prit occasion d'une victoire remportée sur les Carthaginois pour faire un sacrifice et un festin où il convia cinq cents hommes du nombre de ceux qui lui étaient suspects. L'appareil du banquet était magnifique, et quand le vin eut mis tout le monde dans la joie, Agathocle parut au milieu de rassemblée, vêtu d'une robe légère à la tarentine, joua de la flûte et de la lyre, et dansa. Le plaisir avait tout mis en mouvement, et l'assemblée était tumultueuse. Il feignit que la lassitude l'obligeait de se retirer, et dans le mo ment des gens armés en grand nombre étonnèrent le lieu de l'assemblée. Ils étaient mille, de sorte que deux se mirent contre chacun des conviés, et les tuèrent tous.

IV. Ophélas le Cyrénien, faisait la guerre avec des troupes nombreuses : Agathocle ayant su qu'il aimait les garçons, lui donna en otage son fils Héraclide, qui était d'une grande beauté. Il avertit seulement son fils de résister pendant quelques jours, et de ne pas céder aux caresses d'Ophélas. L'enfant vint, et le Cyrénien, charmé de sa beauté, ne s'occupait que de lui, et lui donnait tous ses soins, Agathocle amenant les Syracusiens sur ces entrefaites, tua Ophélas, s'empara de tout ce qui était sous sa domination, et recouvra son fils qui n'avait point encore été déshonoré.

V. Agathocle voulait aller porter la guerre du côté de Carthage. Jetant près de mettre à la voile, il fit, dans le dessein d'éprouver ceux qui seraient en disposition de le suivre courageusement, courir une déclaration, par laquelle il permettait à ceux qui voudraient penser à leur conservation, de sortir des vaisseaux, et d'emporter ce qui était à eux. Il y eut assez de gens qui prirent ce parti. Agathocle les fit tous mourir, comme lâches et sans foi, et ayant loué comme courageux et fidèles ceux qui étaient demeurés, il fit le trajet avec soixante vaisseaux, et ayant pris terre en Lybie, mit le feu à tous ses navires, afin que ses soldats perdant l'espérance de la fuite, missent tout leur salut dans leurs efforts et dans la victoire. Ce fut ainsi qu'Agathocle demeura maître des Carthaginois et de plusieurs villes de la Lybie.

VI. Agathocle demanda aux Syracusiens deux mille soldats équipés de tout, sous prétexte de les mener en Phénicie, où il disait que l'appelait une faction qui s'était déclarée en sa faveur. Les Syracusiens le crurent, et lui donnèrent ce qu'il souhaitait. Mais ayant reçu les soldats, il laissa là la Phénicie, et fondant sur les alliés, il alla raser les forts de la côte de Tauromène.

VII. Agathocle fit trêve avec Amilcar. Celui-ci s'en retourna en Lybie, et Agathocle ayant convoqué l'assemblée à Syracuse, dit : « Voici le jour que j'ai souhaité avec tant d'empressement, jour heureux où je vois ma patrie jouir de la liberté. » Dans le moment il ôta son manteau militaire et son épée, et paraissant au milieu de tous comme un simple habitant sans distinction, il donna lieu d'espérer que l'autorité demeurerait entre les mains d'un homme populaire et modéré. Mais an bout de six jours, il tua un grand nombre d'habitants, en chassa plus de cinq mille, et s'empara de la souveraine puissance dans Syracuse.

VIII. Agathocle ayant été informé que Tysarque, Anthropin, Dioclès, et leurs amis, entreprenaient quelque chose contre lui, les fit venir et les mit à la tête des troupes nombreuses, qu'il voulait, disait-il, envoyer sous leur conduite, au secours d'une place des alliés que les ennemis attaquaient. « Trouvez-vous demain, dit-il, au palais de Timoléon avec vos armes et vos chevaux, et nous réglerons le temps et l’ordre de l'expédition. » Cette proposition fit d'autant plus de plaisir aux conjurés, qu'ils voyaient qu'Agathocle leur fournissait lui-même des troupes pour exécuter leur dessein. Mais quand ils furent assemblés le lendemain au palais de Timoléon, des gens préparés par Agathocle et qui attendaient son signal, ayant été avertis, fondirent sur Dioclès, Tysarque et Anthropin, et percèrent de coups plus de deux cents hommes. Leurs amis voulurent les secourir, et de ceux-ci il en demeura six cents sur la place.

CHAPITRE IV.

HIPPARIN.

Pendant qu'Hipparin était chez les Léontins, il apprit que Syracuse était sans défense, parce que les habitants étaient sortis avec Callippe pour quelque expédition. Trouvant l'occasion favorable, il partit de chez les Léon, tins la nuit, et envoya des gens à Syracuse, avec ordre de tuer les gardes. Il fut obéi ; les gardes furent tués; on lui ouvrit quelques fausses portes, et Hipparin faisant entrer par là des étrangers, se rendit maître de Syracuse.

CHAPITRE V.

THÉOCLE.

Théocle ayant amené avec lui des Chalcidiens d'Eabée, se rendit maître de la ville des Léontins, avec le secours des Siciliens qui l'avaient habitée auparavant. Dans la suite, une colonie de Platéens, sortie du pays de Mégare, vint se répandre dans le pays des Léontins. Théocle dit que les serments l'empêchaient de chasser les Siciliens; mais qu'il ferait ouvrir les portes la nuit à la colonie, et qu'elle pouvait traiter les Siciliens eh ennemis. Les Mégariens se saisirent de la place publique et du château, et tombant en arrhes sur les Siciliens qui étaient désarmés, les contraignirent à prendre la fuite. Par ce moyen les Chalcidiens eurent pour concitoyens la colonie de Mégare, au lieu de ceux de Sicile.

II. Six mois après, Théocle trouva moyen de chasser les Mégariens de la ville. Il dit qu'il avait fait vœu pendant la guerre, s'il demeurait maître de la ville, de sacrifier aux douze dieux, et de faire une procession en armes. Les Mégariens furent sans soupçon, et dirent : « A la bonne heure, faites un heureux sacrifice. » Ils prêtèrent même leurs armes aux Chalcidiens pour la cérémonie. On fit le sacrifice, et les Chalcidiens marchaient en grande pompe. Quand ils furent tous rassemblés dans la place et bien armés, Théocle ordonna au héraut de crier : « Mégariens, sortez de la ville avant que le soleil se couche. » Les Mégariens eurent recours aux autels, et supplièrent, ou qu'on ne les chassât point, ou qu'on les renvoyât avec leurs armes. Mais Théocle ayant pris conseil avec les Chalcidiens, ne fut pas d'avis de laisser tant d'ennemis emporter des armes. Les Mégariens désarmés se réfugièrent à Troïle pour y passer l'hiver, et les Chalcidiens ne les y souffrirent pas plus longtemps.

CHAPITRE VI.

HIPPOCRATE.

Hippocrate ayant dessein d'assujettir la ville d'Ergète, avait des distinctions flatteuses pour les Ergetins qui étaient à sa solde ; il leur donnait toujours la meilleure part du butin, de plus grandes récompenses, et des louanges excessives, comme aux plus braves de tous ses soldats ; le tout dans le dessein d'attirer dans ses troupes un plus grand nombre de leurs compatriotes. Ceux de la ville, informés de cette conduite, estimaient heureux ceux qui portaient les armes sous Hippocrate, et tous venaient s'engager avec lui, en sorte que la ville se trouvait déserte. Hippocrate les ayant reçus gracieusement, se mit en marche la nuit, et s'avança dans la plaine des Lestrygons. Il fit camper les Ergetins du côté de la mer, et le reste de ses troupes plus avant en terre ferme. Pendant que les Ergetins étaient bornés par les côtes et par les flots, Hippocrate fit avancer sa cavalerie contre leur ville, et la surprenant sans défense, il lui fit déclarer la guerre par un héraut, et donna le signal à ses troupes de Gélos et de Camarine, défaire main basse sur tous les Ergetins.

CHAPITRE VII.

DAPHNÉE.

Dans une bataille que donnaient à ceux de Carthage les Syracusiens et les Italiens, les Syracusiens avaient l'aile droite, et les Italiens la gauche. Daphnée entendit de grands cris du côté de l'aile gauche, et s'y étant rendu en diligence, y vit les Italiens maltraités, et sur le point d'être vaincus. Il retourna avec précipitation à l'aile droite, et dit aux Syracusiens : « Les Italiens gagnent la victoire à l'aile gauche; il serait bon que nous fissions aussi un effort de notre côté. » Les Syracusiens persuadés que leur général disait la vérité, s'écrièrent : « Poussons tous sans nous épargner. » Ils firent de si grands efforts, qu'à la fin ils mirent les Barbares en fuite.

CHAPITRE VIII.

LEPTINE.

Les Carthaginois, après avoir passé le cap de Pachyn, avaient fait une descente, et ravageaient tout sur terre et sur mer. Leptine posa la nuit des cavaliers en embuscade ; et ayant envoyé secrètement quelques gens plus loin, il leur ordonna de mettre le feu aux logements. Les Carthaginois voyant le feu, y coururent, pour enlever ce que les flammes épargneraient. Mais ils furent coupés par l'embuscade, dans laquelle ils donnèrent, furent poursuivis jusqu'à leurs galères, et la plupart même furent tués.
II. Leptine, parti de Lacédémone, était abordé à Tarente. Les Tarentins ne firent point de mal aux matelots, quand ils les virent à terre, parce qu'ils étaient Lacédémoniens : mais ils cherchaient à se saisir de Leptine. Il quitta ses habits ordinaires, et se chargeant lui-même de son bagage et d'un faix de bois, il remonta sur son vaisseau, coupa l'amarre, retira l'esquif, et reprenant ceux de ses matelots qui purent revenir à la nage, il alla se réfugier auprès de Denis.

CHAPITRE IX.

HANNON.

Hannon conduisait quelques troupes de débarquement amenées de Cartilage, et voguait le long des côtes de la Sicile. Denis le tyran envoya un grand nombre de vaisseaux lui donner la chasse. On était presque sur le point d'en venir à l'abordage, lorsqu'Hannon s'avisa de baisser les voiles. Les ennemis en firent autant. Dans l'instant Hannon commanda que l'on déferlât, et qu'on mît au vent; ce qui fut fait avec une promptitude surprenante. Cette manœuvre donna lieu aux Carthaginois de, s'échapper par la fuite, pendant que les ennemis, qui n'étaient pas si bons hommes de mer, n'agissaient que lentement et avec embarras.

CHAPITRE X.

HIMILCON.

Himilcon de Carthage, sachant le penchant que les Lydiens avaient pour le bon vin, remplit de vin mixtionné de suc de mandragore plusieurs cruches de terre ; et les ayant laissées par-ci par-là dans les faubourgs, se renferma dans la ville, comme s'il n'eût pu résister aux efforts des Lydiens. Ceux-ci bien joyeux de l'avoir réduit à se renfermer au dedans de ses murs, trouvèrent les cruches et n'épargnèrent pas le vin. Ils en burent avec excès, et un sommeil profond les livra sans défense à l'ennemi.

II. Himilcon passant avec la flotte de Carthage, de Lybie en Sicile, la nuit, avait marqué par écrit aux capitaines de ses vaisseaux le lieu où l'on devait se railler, en cas que l'on se séparât par quelque accident imprévu. C'était une précaution contre les avis que les transfuges pouvaient donner aux ennemis. Pour ôter encore aux ennemis la connaissance de sa route, il avait bouché son fanal par-devant, afin de leur en cacher la lumière.

III. Himilcon avait dessein de prendre une ville de Lybie, à laquelle on arrivait par deux chemins malaisés et gardés tous deux par les Lybiens. Il leur envoya un transfuge qui leur dit : « Des deux chemins qui conduisent ici, les Carthaginois veulent en aplanir un pour faciliter leur passage et faire une tranchée à l'autre, pour vous empêcher de les surprendre et les environner. » Les Lybiens voyant qu'en effet on portait des terres dans l'un de «es chemins, et qu'on rendait l'autre impraticable par des tranchées, ajoutèrent foi au transfuge, et se rendirent tous au chemin que Ton aplanissait, bien résolus de s'opposer au passage des ennemis. Mais pendant la nuit, Himilcon, faisant porter des madriers qu'il avait fait préparer, les jeta sur les tranchées et en ayant fait des ponts, fit passer son armée dessus et prit la ville, pendant que les Lybiens gardaient l'autre chemin.

IV. Himilcon assiégeait Agrigente. Les assiégés firent une sortie considérable. Himilcon ayant partagé son armée, donna un ordre secret à une partie de ses troupes qu'il avait mises aux mains avec eux, de prendre la fuite. Il fut obéi, et les Agrigentins poursuivirent les fuyards avec ardeur. Pendant que cela se passait, Himilcon fit mettre le feu tout auprès des murs, à une pilé de bois, et plaça une embuscade dans un lieu couvert. Ceux qui poursuivaient les fuyards, ayant aperçu la fumée, s'imaginèrent que les habitants les rappelaient. Ils reprirent le chemin de la ville ; et alors ceux qui avaient feint de prendre la fuite, se mirent à les pousser jusqu'au lieu de l'embuscade. Ainsi ces Agrigentins serrés de tous côtés, furent tous tués ou faits prisonniers.

V. Himilcon était auprès de Cronium, campé devant les généraux de Denis. Les habitants de Cronium voulaient recevoir les Carthaginois ; mais les généraux n'en étaient pas d'avis. Il y avait une grande forêt entre le camp d'Himilcon et celui des ennemis. Himilcon sachant les dispositions des habitants, prit l'occasion d'un vent qui portait au visage des ennemis, et ayant mis le feu à la forêt, profita de la fumée qui les aveuglait, et se coula vers les murs de la ville sans être aperçu. Les portes lui furent ouvertes par ceux qui le voulaient recevoir, et il fut dedans avant que les généraux de Denis le sussent.

CHAPITRE XI.

GESCON.

L'un des généraux de Lybie et des Carthaginois qui avait eu le plus de réputation, et qui avait le mieux réussi à la guerre avait été Amilcar. Mais l'envie de ses adversaires l'avait attaqué ; ils l'avaient accusé d’aspirer à la tyrannie, et l'avaient fait condamner à mort. Gescon son frère avait été envoyé en exil, et les biens de l'un et de l'autre avaient été vendus et distribués publiquement aux habitants. Apres cela les Carthaginois eurent d'autres généraux, furent vaincus en plusieurs rencontres, et souvent en danger de voir leur état au pouvoir des ennemis. Enfin ils se repentirent d'avoir chassé Gescon. Ils le firent revenir, le réhabilitèrent dans son grade, et lui livrèrent tous ses ennemis, afin qu'il en prît telle vengeance qu'il jugerait à propos. Les ayant reçus liés, il les fit amener devant toute la multitude assemblée, et leur ayant fait mettre ventre à terre, il leur donna à chacun deux ou trois légers coups de pied sur le cou, pour toute punition du meurtre de Son frère. Après cela il les renvoya en leur disant : « Nous n'avons pas rendu le mal pour le mal; mais nous avons voulu vaincre le mal par le bien. » Cette action lui concilia non seulement tous les Carthaginois, mais les ennemis même, et ceux qui étaient en liaison avec eux ; et tous généralement lui rendirent obéissance, comme à un excellent capitaine. La confiance du peuple ranimée par l'habileté du général, changea la face des affaires, et la victoire accompagna Gescon dans ses combats.

CHAPITRE XII.

TIMOLÉON.

Les Carthaginois avaient fait une descente en Sicile, et Timoléon s'avançait contre eux avec son armée. Les Carthaginois ayant fait rencontre d'un mulet chargé d'aches, le prirent à mauvais augure et se découragèrent, parce que dans leur pays l'on orne les tombeaux des morts de festons d'aches. Timoléon, au contraire, fit envisager cet accident à ses soldats comme un présage de la victoire, d'autant que ceux de Corinthe couronnaient d'aches ceux qui remportaient le prix aux jeux isthmiques. Le leur ayant dit, il prit une couronne d'aches» et en fit prendre à tous les chefs qui étaient autour de lui. A leur exemple tous les soldats en firent autant, et se trouvèrent animés à remporter la victoire.

II. Timoléon poursuivait Mamereus, tyran de Catane, qui avait trompé beaucoup de personnes, et leur avait ôté la vie contre la foi des serments; Le tyran se rendit à Timoléon, et consentit d'être jugé par ceux de Syracuse, pourvu que Timoléon ne l'accusât point. Timoléon jura qu'il ne l'accuserait point, et sur cette assurance Mamereus vint à Syracuse. Timoléon l'ayant amené à l'assemblée, dit: «Je ne l'accuse point, parce que je l'ai promis ainsi, mais je conseille que l'on s'en défasse au plus tôt, car il est juste que celui qui a trompé tant de gens, le soit aussi une fois à son tour.

III. Timoléon ayant joint ses troupes à celles des Syracusiens, aperçut d'une hauteur, les Carthaginois, au nombre de cinquante mille hommes, répandus dans la plaine. En même temps il s'éleva un orage qui portait contre les ennemis. Il convoqua l'assemblée, et dit : « Les ennemis sont pris; il y a un oracle qui assure que campant en ce lieu, ils seront exterminés, et le moment de leur défaite est spécifié dans l'oracle même : l'orage s'élèvera subitement; et le voilà. Ce discours releva le courage des Grecs, et le petit nombre, animé par l'oracle prétendu, remporta la victoire sur le plus grand.

CHAPITRE XIII.

ARISTON.

Ariston, capitaine de vaisseau, escortait avec son navire de guerre trois barques chargées de grains. Il parut une galère ennemie, et dans le moment le vent tomba. Ariston fit rapprocher ensemble les trois barques, et les suivit de près, afin que si la galère ennemie attaquait les barques il pût de son vaisseau lancer des traits sur les ennemis, et si les barques essayaient de faire irruption sur la galère ennemie, il pût l'enfermer entre elle et son vaisseau.
II. Pendant que les Athéniens et les Syracusiens se faisaient la guerre sur mer, Ariston Corinthien capitaine de vaisseau, voyant que les uns et les autres demeuraient dans l'inaction, manda aux archontes d'envoyer des vivres sur la flotte. Quand cela eut été fait, il recula sur la côte ; et ayant mis son monde à terre, il fit dîner. Les Athéniens crurent que ces gens se retiraient, et qu'ils se tenaient pour vaincus. Dans la joie que leur donna cette confiance, ils prirent terre et se disposèrent aussi à prendre leur repas. Les Syracusiens remontèrent sur leurs navires, et profitant du trouble des Athéniens n'eurent pas de peine à vaincre, eux qui avaient bien repu des gens qui n'avaient pas eu le temps de manger.

CHAPITRE XIV.

THRASIMEDE.

Thrasimède, fils de Philomèle, aimait la fille de Pisistrate. La rencontrant un jour qui marchait en cérémonie dans une procession, il courut lui donner un baiser. Les frères de la fille se plaignirent de cette action, comme d une grande insulte. Mais Pisistrate dit : « Si nous punissons ceux qui nous aiment, que ferons-nous à ceux qui nous haïssent? »
II. Thrasimède ne pouvant plus résister à la violence de son amour, prit avec lui quelques jeunes gens de son âge, et épia l'occasion que la fille de Pisistrate allait faire un sacrifice au bord de la mer. Ils mirent l'épée à la main, écartèrent la; foule, prirent la fille, la mirent sur un vaisseau, et s'en allèrent à Égine. Hippias, fils aîné de Pisistrate, qui donnait la chasse aux écumeurs de mer, ayant fait rencontre de ce vaisseau, jugea à l'ardeur avec laquelle il le voyait ramer, que c'était un pirate, et l'ayant attaqué, le prit. Il délivra sa sœur, et emmena prisonniers Thrasimède et ses compagnons. Quand on les eut présentés devant le tyran, ils n'eurent point recours aux prières. Ils lui dirent hardiment qu'il pouvait les traiter comme bon lui semblerait, et que dans le moment qu'ils s'étaient résolus à l'enlèvement de sa fille, ils avaient tous fait état de mépriser la mort. Pisistrate admira le courage intrépide de ces jeunes gens, et consentit au mariage de sa fille avec Thrasimède. Il acquit par là leur estime et leur amitié. Ils ne le regardèrent plus comme un tyran, mais comme un bon père et un bon citoyen.

CHAPITRE XV.

MEGACLES.

Mégaclès était de Messine en Sicile. Il était fort opposé à Agathocle, tyran de Syracuse, et avait ligué contre lui beaucoup de Siciliens; il avait même promis de grandes récompenses à qui pourrait lui ôter la vie. Agathocle irrité, se prépara pour assiéger Messine. Il envoya un héraut demander Mégaclès aux Messinois, et s'ils refusaient de le livrer, il menaça de prendre la ville, et de faire tous les habitants esclaves. Mégaclès n'eut point peur de la mort; il s'y offrit volontairement, à condition seulement qu'on l'enverrait comme ambassadeur. Les Messinois y consentirent, et Mégaclès étant venu dans le camp d'Agathocle, dit : ce Me voilà venu vers toi, et comme ambassadeur et comme victime. Donne-moi d'abord audience avec tes amis, comme à un ambassadeur. » Agathocle rassembla ses amis, et Mégaclès exposa en leur présence les droits de sa patrie. Il finit en disant : Si les Messinois attaquaient Syracuse, seraitce pour eux ou pour les Syracusains que tu te déclarerais ? » Agathocle sourit à ces paroles; ses amis le prièrent de pardonner à l'ambassadeur. Agathocle mit fin à la guerre et fit amitié avec les Messinois.

CHAPITRE XVI.

PAMMENES.

Pammenès conduisait ses troupes à Thèbes à travers la Phocide. Les ennemis s'étaient saisis d'une hauteur appelée Phïlobéote. On y allait par deux chemins étroits, l'un desquels était déjà pris. Pammenès donna de la profondeur à ses rangs ; et ayant disposé ses troupes de manière qu'elles pussent marcher sans embarras, il feignit d'avancer par la droite. Les ennemis quittant alors sa gauche, coururent à sa droite pour s'opposer à sa marche, et Pammenès profitant de leur erreur, courut en diligence à la gauche, et fit passer ses troupes en toute sûreté.

II. Pammenès avait dans son armée beaucoup de cavalerie. Les ennemis étaient supérieurs en nombre de gens couverts d'écus. Il leur opposa le peu qu'il en avait, avec son infanterie le gère, c'est-à-dire ce qu'il avait de plus faible à ce que les ennemis avaient de plus fort, avec ordre de prendre la fuite, afin de séparer les porteurs d'écus d'avec le reste de leur phalange. Quand cela fut fait, il prit la cavalerie de l'autre aile, et fondit avec sur les ennemis qui se trouvèrent enveloppés, tant par cette cavalerie que par ceux qui avaient feint auparavant de prendre la fuite, et avaient fait volte-face ; et de cette manière ils furent entière ment défaits.

III. Pammenès avait dessein de se rendre maître du port des Sycioniens. Il se proposa de l'attaquer par terre, et en même temps, ayant chargé de soldats un vaisseau rond, il l'envoya à l'entrée du port. Quelques-uns de ces soldats descendirent à terre le soir, sans armes, comme gens qui ne venaient là que pour acheter des vivres. Le soir même Pammenès voyant le vaisseau arrivé, attaqua la ville à grand bruit. Les habitants du port accoururent au tumulte pour secourir la ville ; et pendant ce temps-là les soldats qui étaient dans le vaisseau ayant fait descente, s’emparèrent du port, sans y trouver de résistance.

IV. Pammenès trompa les ennemis, en leur faisant prendre le change par de faux signaux. Il avait ordonné à ses soldats d'aller à la charge, quand la trompette sonnerait la retraite, et de faire retraite quand la trompette sonnerait la charge. De l'une et de l'autre manière il déconcerta les ennemis, et leur fit souffrir de grandes pertes.

V. Pammenès se trouvant avec peu de troupes, environné d'une grande multitude, envoya un transfuge dans le camp des ennemis. Cet homme ayant eu l'adresse d'attraper le mot, revint le dire à Pammenès, qui attaqua les ennemis la nuit ; et traversant le camp à cheval, à la faveur du mot qu'il avait appris, il y fit un grand carnage, sans que les ennemis, trompés par ce signal, pussent reconnaître leurs compagnons dans les ténèbres.

CHAPITRE XVII.

HÉRACLIDE.

Démétrius, après avoir laissé Athènes à la garde d'Héraclide, s'en était allé en Lydie. Les généraux des Athéniens résolurent, dans un conseil secret, de persuader à Jéroclès le Carien, chef des étrangers, d'ouvrir les portes la nuit, et de donner entrée à des soldats de l'Attique qui tueraient Héraclide. Cela fut réglé à Hisse, dans le temps qu'on y faisait la cérémonie lustrale des petits mystères ; et les généraux Hipparque et Mnésiéme prirent et donnèrent le serment. Mais Jéroclès demeura fidèle à Héraclide, et lui découvrit toute la conspiration. Celui-ci convint avec Jéroclès qu'il laisserait entrer les conjurés la nuit, et qu'à cet effet, on démolirait, pour leur faciliter l'entrée, une partie des portes. On introduisit la nuit quatre cent vingt hommes, conduits par Mnésidème, Polyclès, Callisthène, Théopompe, Satyre, Anétoride, Sthénocrate et Pythion. Héraclide fit fondre sur eux deux mille soldats bien armés, qui les tuèrent tous à mesure qu'ils entraient.

II. Un autre Héraclide, architecte de Tarente, avait promis à Philippe, père de Persée, de brûler lui seul la flotte des. Rhodiens. Pour disposer la chose, il sortit de la cour de Philippe, portant sur lui des marques des mauvais traitements qu'il disait avoir reçus; et s'étant réfugié au pied d'un autel, il prit des branches sacrées à la manière des suppliants, et implora la miséricorde de la multitude. Il fit tout cela si naturellement, qu'il y eut beaucoup de Macédoniens qui ne purent s'empêcher de dire qu'on avait eu tort d'en user avec lui de la sorte. Ensuite il monta sur une barque, et venant à Rhodes, il dit : « Je me réfugie auprès de vous, car c'est à cause de vous-mêmes que je suis maltraité et chassé de Philippe. Il voulait vous faire la guerre et je tâchais de l'en empêcher, et pour vous faire voir que je dis la vérité, voilà des lettres qu'il a écrites aux Crétois pour les exciter à vous attaquer conjointement avec lui. » Les Rhodiens se laissèrent persuader par ces lettres, et reçurent parmi eux Héraclide, comme un homme qui leur rendrait de grands services contre Philippe. Il prit occasion d'un grand vent, et mit le feu la nuit aux arsenaux et aux ateliers des Rhodiens, qui furent tous brûlés avec les galères qui s'y trouvèrent. Pour lui, après avoir fait son coup, il remonta sur une barque, et s'en étant retourné en Macédoine, il tint le premier rang entre les amis de Philippe.
CHAPITRE XVIII.

AGATHOSTRATE.

Les Rhodiens faisaient la guerre au roi Ptolémée ; ils étaient du côté d'Éphèse, et Chrémonide commandait la flotte de Ptolémée, destinée contré eux. Agathostrate commandait celle des Rhodiens. Quand il fut à la vue des ennemis, il recula, et retourna mouiller pendant quelque temps ait même lieu d'où il était parti. Les ennemis se persuadèrent qu'il n'osait en venir aux mains, poussèrent de grands cris de joie, et rentrèrent dans le port. Agathostrate serrant sa flotte, attaqua les ennemis par ses deux ailes. Ils ne l'attendaient plus, et avaient pris terre au temple de Vénus. Il les surprit et remporta la victoire sur eux.
CHAPITRE XIX.

LYCUS.

Ainette, général de Démétrius avait la garde d'Éphèse, et permettait aux Pirates de faire des coursés sur les confins. Lychus, général de Lysimachus, trouva moyen de gagner, à force de présents, Andron, chef des pirates, qui le rendit maître d'Éphèse; et voici comment. Il prit les soldats de Lycus, les désarma, les lia comme prisonniers, et les fit voir aux habitants en veste et en manteau, sans aucune arme qui parût; mais ils avaient des dagues cachées sous l'aisselle, dont ils avaient ordre de se servir quand ils seraient auprès de la citadelle. Pendant qu'ils mettaient à mort les gardes et les portiers du fort, on donna le signala Lycus et à ceux qui étaient avec lui. Ils firent irruption dans la place, prirent Ainette, et s'emparèrent d'Éphèse. Ils récompensèrent les Pirates, mais ils les renvoyèrent aussitôt, parce qu'ils n'estimèrent pas qu'il fût de la ; prudence de se fier à des gens qui avaient eu si peu de fidélité pour leurs anciens amis.
CHAPITRE XX.

MENECRATE.

Menecrate, voulant s'emparer de Salamine en Chypre, donna l'assaut deux fois et fut repoussé. Toutes les deux fois ses soldats prirent la fuite et se retirèrent sur leurs vaisseaux. Il résolut d'attaquer la place une troisième fois, et ayant mis ses troupes à terre, il ordonna aux pilotes d'emmener les vaisseaux au signal qu'il leur ferait, et de les aller cacher derrière un cap voisin. Les soldats vont encore à l'assaut, et sont repoussés comme auparavant; mais ne voyant plus leurs vaisseaux, vers lesquels ils prenaient la fuite, ils mirent toute leur ressource dans le désespoir, et ne pouvant plus fuir, ils se battirent avec tant d'ardeur, qu'ils remportèrent la victoire, et demeurèrent maîtres de Salamine.

CHAPITRE XXI.

ATHÉNODORE.

Athénodore faisant la guerre pour le roi, fut vaincu par Phocion, auprès d'Atarne. Il engagea ses soldats et les capitaines à se battre avec acharnement jusqu'à la mort. Ayant lié ses soldats par ce serment, il les ramena à la charge, et l'on vit alors les vainqueurs vaincus, et ceux qui avaient auparavant été défaits, remporter la victoire.

CHAPITRE XXII.

DIOTIME.

Diotime escortait avec deux galères, des barques chargées de grains. Il fut atteint du côté de Chio, pendant un temps calme, par vingt galères lacédémoniennes. Il prit la fuite autour de ses barques, et comme ses vaisseaux étaient très légers à la course, il ne reçut aucun dommage. Au contraire, donnant de temps en temps par la poupe sur les vaisseaux ennemis qui s'avançaient le plus, il en fit couler dix à fond. Il était contre toute apparence, que ceux qui fuyaient remportassent la victoire contre ceux qui leur donnaient la chasse, et c'est cependant ce qui arriva dans cette rencontre.

II. Diotime, avec dix navires, rencontra les Lacédémoniens qui en avaient autant, mais qui n'osaient cependant approcher, parce qu'ils craignaient les Athéniens, et savaient qu'ils étaient meilleurs hommes de mer. Diotime, pour les tromper, ôta les rames d'un côté de ses galères, et les ayant accouplés deux à deux, ne mit qu'une voile à chaque couple, et vogua de cette manière. Les Lacédémoniens ne voyant que cinq voiles, crurent qu'il n'y avait que cinq vaisseaux, et continuèrent leur route avec mépris. Diotime détacha les galères, et donnant sur les ennemis avec dix vaisseaux et une manœuvré bien conduite, il fit couler à fond six vaisseaux lacédémoniens, et en prit quatre avec tous ceux qui étaient dessus.

III. Diotime, général de la flotte des Athéniens, ayant une expédition à faire, assembla secrètement les capitaines de galères, et leur dit qu'il prendrait pour faire sa route les vaisseaux les plus légers à la course. Mais il ne donnait cet avis que pour empêcher les capitaines de demeurer seuls, ce qui serait arrivé, s'il eût emmené sans eux le plus grand nombre des meilleurs vaisseaux.

IV. Diotime conduisit la flotte dans un canton du pays ennemi, la nuit. Il tira de chaque vaisseau un bon nombre de gens, et les ayant mis à terre, il les posa en embuscade. Au point du jour il fit arrêter ses navires du côté de cette embuscade. Il avait donné ordre à ceux qui étaient sur le tillac de se préparer au combat, et aux trois ordres des rameurs, de hausser les rames les uns après les autres, c'est-à-dire ceux du plus bas rang les premiers; le second pont ensuite, et puis ceux d'en haut. Pendant ce temps-là il essaya de faire prendre terre à l'une de ses barques. Les ennemis accoururent pour s'y opposer; mais les gens qui étaient en embuscade, se montrèrent, tuèrent un grand nombre d'ennemis, et mirent le reste en fuite ; après quoi Diotime fit sa descente sans péril.

CHAPITRE XXIII.

TYNNIQUE.

Theudosie, ville du Pont, était assiégée par des tyrans du voisinage, et était en danger d'être prise. Voici comme Tynnique en fit lever le siège. Il partit d'Héraclée avec un vaisseau rond et une galère, qu'il chargea d'autant de soldats qu'il en put rassembler. Il prit aussi trois trompettes et autant de canots d'une seule pièce, dans chacun desquels il ne pouvait tenir qu'un homme; il part la nuit, et étant arrivé près: de Theudosie, il mit les canots à l'eau, et un trompette dans chacun, avec ordre de s'écarter raisonnablement les uns des autres, et au signal qu'on leur ferait du vaisseau rond et de la galère, de se mettre à sonner de la trompette les uns après les autres, en sorte qu'il parût qu'elles étaient en grand nombre. Au signal qui fut donné, les trompettes firent leur devoir avec tant d'éclat que toute la ville et les environs en retentissaient. Les assiégeants s'imaginèrent qu'il était venu une flotte considérable au secours de la place. Ils abandonnèrent honteusement les gardes qu'ils avaient posées, et s'en allèrent. Tynnique s'avança avec ses deux vaisseaux, et jouit de la gloire d'avoir délivré Theudosie.

CHAPITRE XXIV.

CLITARQUE.

Les ennemis venaient contre Clitarque. Il ne voulut pas être réduit à se défendre derrière ses murs. Il fit sortir toutes ses troupes hors de la ville, en fit fermer les portés, et s'en fit jeter les clefs par-dessus les murailles. Les ayant prises, il les montra aux soldats. Ils se tinrent pour dit qu'ils n'avaient que faire d'espérer de trouver une retraite dans la ville; ils s'animèrent à combattre courageusement, et remportèrent la victoire.

CHAPITRE XXV.

TYMARQUE.

Tymarque, étolien, ayant fait descente en Asie, se trouva dans un pays très peuplé. La multitude des ennemis était grande, et il avait sujet de craindre que ses troupes ne prissent la fuite. Pour les en empêcher, il mit le feu à tous ses navires. Les soldats n'ayant plus d'espérance de pouvoir fuir, combattirent courageusement, et remportèrent la victoire.

CHAPITRE XXVI.

EUDOCIME.

Eudocime voyant ses soldats animés les uns contre les autres dans un tumulte, et prêts à s'entre attaquer, ne trouva point de meilleur moyen, pour apaiser la sédition, que d'ordonner aux coureurs de crier partout que les ennemis venaient attaquer les retranchements. A cette nouvelle, le tumulte cessa, chacun reprit son poste, et tous veillèrent à la garde du camp.

CHAPITRE XXVII.

PAUSISTRATE.

Pausistrate, général de la flotte des Rhodiens, indiqua une revue générale de ses troupes. Tous les soldats parurent avec leurs plus belles armes. Il les fit tous monter sur leurs vaisseaux, et chacun, par ses ordres, arrangea régulièrement ses armes en son lieu; après quoi, Pausistrate établit des gardes pour empêcher qu'il en fût emporté aucune.

CHAPITRE XXVIII.

THÉOGNIS.

Théognis, général des Athéniens, voyant ses soldats en différend pour les rangs et la marche, et que l'envie d'avoir le pas les uns sur les autres mettait tout en désordre, fit partir la nuit quelques cavaliers, et les envoya vers des hauteurs, avec ordre de se montrer comme ennemis, parce qu'en effet on en attendait de ce côté là. Ils obéirent, et Théognis aussitôt rallia toutes ses troupes avec empressement. La crainte des ennemis fit cesser les contestations, et chacun reprit son poste. Alors Théognis leur dit: « Ce n'est rien, vos ennemis sont vos amis. Mais vous êtes bien; gardez désormais les rangs que vous vous êtes donnés vous-mêmes. »

II. Théognis soupçonnant qu'il y avait des espions dans le camp, posa des gardes au dehors des retranchements, et ordonna que chacun se tînt sous les armes. De cette manière, il lui fut aisé de découvrir les espions, parce qu'ils ne se" trouvèrent pas; armés comme les autres.

CHAPITRE XXIX.

DIOCLÈS.

Dioclès, général des Athéniens, étant dans le pays ennemi, s'aperçut que ses soldats marchaient en désordre et à la débandade, et négligeaient de porter leurs armes. Il s'avisa de changer coup sur coup le mot du guet. Les soldats en conjecturèrent que l'ennemi était proche, reprirent les armes et gardèrent exactement leurs rangs dans la marche.

CHAPITRE XXX.

CHILIUS.

Chilius l'Arcanien, étant à Lacédémone, apprit que les Spartiates mettaient en délibération de murer l'isthme, et d'abandonner les Athéniens et tous les autres Grecs qui étaient hors du Péloponnèse. Il dit à ce sujet: « Quand les Athéniens et les autres Grecs, abandonnés par vous, auront traité de leurs intérêts avec les Perses, les Barbares trouveront aisément plusieurs lieux propres à faire descente dans le Péloponnèse. » Les Lacédémoniens, persuadés par ce discours, laissèrent là, leur projet de l'isthme, et admirent tous, les Grecs dans la guerre contre les Barbares.

CHAPITRE XXXI.

CYPSÈLE.

Cypsèle prit les plus illustres d'entre les. Bacchiades, et les envoya à Delphes comme députés, pour consulter l'oracle, pour le bien public des Corinthiens. Mais il leur défendit de remettre le pied dans le pays de Corinthe. C'est ainsi qu'il continua de se maintenir dans la tyrannie en sûreté, en chassant les plus nobles des citoyens.

CHAPITRE XXXII.

TÉLÉSINIQUE.

Télésinique de Corinthe, se battait sur mer avec les Athéniens dans le port de Syracuse. Quand le combat eut duré une partie du jour, il envoya une chaloupe à la ville demander aux Syracusains de lui envoyer des vivres au port. Aussitôt qu'on les eut apportés, il leva le signal ; et laissant la victoire indécise, il entra dans le port. Les Athéniens, de leur côté, prirent terre et se séparèrent ça et là, pour prendre leur repas. Télésinique avait trouvé des vivres tout prêts ; ses troupes eurent bientôt repu. Sans perdre de temps, il plaça sur le tillac ses archers et ses autres gens de trait, et fondant avec cette multitude bien en ordre sur les Athéniens troublés et embarrassés dans les mouvements qu'ils faisaient pour se rembarquer, il leur présenta l'éperon de ses galères, et les mit en déroute.

II. Télésinique ayant pris garde que les ennemis mangeaient aux mêmes signaux que lui, en un mot qu'ils l'imitaient dans toute, sa manœuvre, ordonna à ceux qui étaient sur ses galères les plus légères à la course, de, dîner ayant le jour, et puis de se, reposer sur leurs vaisseaux. Quand l'heure du dîner fut venue, il fit faire le signal, ordinaire, et l'on se mita manger dans les vaisseaux où l'on n'avait pas encore repu. Les ennemis, de leur côté, voyant ceux-là occupés à manger, en firent autant. Alors Télésinique faisant avancer sur le tillac ceux qu'il avait eu soin de faire repaître avant le jour, donna sur les ennemis occupés à prendre leur repas, et fit périr un grand nombre de leurs galères.

CHAPITRE XXXIII.

POMPISQUE.

Pompisque, Arcadien, avait cette pratique dans ses campements. Les chemins qui conduisaient à son camp, il les coupait par des tranchées, et les rendait impraticables, et en dressait de nouveaux, afin que les espions et ceux qui auraient pu faire des entreprises de nuit, marchant par les anciens chemins, tombassent dans les tranchées, faute d'avoir connaissance des chemins nouvellement dressés.

II. Pompisque s'étant aperçu que les ennemis observaient avec attention ses signaux et ses ordres, commanda en secret à ses soldats de faire tout le contraire de ce qui serait ordonné à cri public,.

III. Pompisque ayant bloqué une ville, tenait la plus grande partie du pays fermée aux habitants. Il n'y eut qu'un certain canton qu'il laissa libre, et défendit à ceux qui faisaient le dégât d'y toucher. Les habitants se répandirent en liberté de ce côté-là. Pompisque ayant appris par les coureurs que les habitants s'étaient rassemblés en ce lieu en grand nombre, les y surprit, et les fit presque tous prisonniers.

IV. Pompisque assiégeait une place, et ne pouvait venir à bout de la prendre. Il fit passer du côté des assiégés un transfuge, qui leur dit que les Arcadiens le rappelaient, et qu'ils ne savaient comment se résoudre à souffrir la honte de lever le siège. Ces nouvelles donnèrent de la joie aux habitants. Elle fut bien plus grande, lorsque, peu de jours après, ils virent les ennemis décamper. Alors ajoutant pleinement foi au transfuge, ils sortirent et se mirent à piller le camp. Pompisque retourna contre eux, les prit et se rendit maître de la place.

V. Pour découvrir plus aisément les espions des ennemis, Pompisque avait coutume, après avoir placé son camp sur des hauteurs, d'y faire des avenues fort étroites, dont les entrées étaient marquées par des chapeaux. C'était par là qu'il ordonnait à ceux qui allaient aux vivres et au fourrage d'entrer et de sortir. Les espions évitaient ces chemins, comme trop fréquentés, et le soin qu'ils prenaient de tenir des chemins de traverse, les faisait découvrir et prendre.

VI. Pompisque employait pour espions des gens inconnus les uns aux autres, pour les empêcher de se concerter ensemble, et de dite de fausses nouvelles. Il leur défendait aussi de s'entretenir avec qui que ce fût de l'armée, de peur que par jalousie contre eux, on ne fît savoir aux ennemis leurs démarches.
CHAPITRE XXXIV.

NICON.

Nicon, pilote samien, voulant passer à travers les galères ennemies qu'il avait rencontrées, et n'être point découvert, goudronna et espalma la sienne de la même manière qu'il sut que les autres avaient accommodé les leurs ; et ayant choisi les plus habiles et les plus vigoureux rameurs, il vogua le long des proues des autres navires, comme étant de la même flotte, au grand étonnement des ennemis, qui ne le reconnurent pour n'être pas des leurs, que lorsqu'il n'était plus possible de l'arrêter.

CHAPITRE XXXV.

NÉARQUE.

Telmisse était au pouvoir d'Antipatride, Néarque de Crète voulant s'en emparer, aborda au port, et demanda à parler à Antipatride, avec qui il était en liaison d'amitié depuis longtemps. Antipatride descendit du fort, et conféra avec Néarque, qui lui dit qu'il voulait confier à sa garde des filles de joie et des jeunes gens qu'il avait faits captifs. Antipatride s'en chargea sans difficulté. Les jeunes gens liés portèrent le bagage de musique des courtisanes ; mais dans les étuis des flûtes il y avait des dagues nues, et dans les sacs il y avait des targes. Quand on fut arrivé dans le fort, ceux qui menaient les courtisanes et les jeunes gens, empoignèrent les dagues, et de cette manière Néarque se rendit maître de Thelmisse.

CHAPITRE XXXVI.

DOROTHÉE.

Dorothée, de Leucade, n'avait qu'un seul vaisseau, poursuivi par deux vaisseaux ennemis. Il avait quelque peu d'avance, et enfila la route du port. Mais au lieu d'y entrer, il détourna tout d'un coup à côté. Le premier vaisseau qui le poursuivait, ne put retenir sa course, et Dorothée revirant dessus, le fit couler à fond. L'autre galère qui suivait, voyant ce qui était arrivé à celle-là, prit le large, et s'échappa par la fuite.

CHAPITRE XXXVII.

SOSISTRATE.

Sosistrate persuada au peuple de Syracuse d'envoyer en exil les amis d'Agathocle, et ceux qui lui avaient prêté secours pour usurper la domination dans l'état. Quand on eut mis hors de la ville tous ces gens qui se trouvaient au nombre de mille, les cavaliers et les autres gens de guerre qui les conduisaient, en tuèrent dès lors une partie; et ceux qui avaient pris la fuite, Sosistrate permit qu'on les fît mourir. Il s'empara des biens de tous les bannis ; et ayant ramassé des soldats grecs et barbares, et même des malheureux tirés des mines où ils étaient condamnés, il en fit ses gardes, et demeura maître de Syracuse.

CHAPITRE XXXVIII.

MOGNETE.

Diognete, Athénien, voulant prendre une certaine ville, «ut des troupes à terre la nuit, et les fit poser en embuscade. Le jour venu, il s'avança à découvert avec sa flotte. Les habitants sortirent pour s'opposer à sa descente. Pendant ce temps-là, ceux de l'embuscade attaquèrent la ville et la prirent sans grande résistance, et Diognete, de son côté, fit sa descente; malgré tous les efforts des habitants, qu'il contraignit à se soumettre.

CHAPITRE XXXIX.

ARCHEBIUS.

Archebius, d'Héraclée, voyant que les ennemis faisaient des descentes continuelles, rassembla plusieurs barques de pêcheurs; et les ayant amarrées par la quille, d'une manière qu'il était difficile de les détacher, il se mit en embuscade avec quelques soldats, et fit mettre un trompette en sentinelle au haut d'un arbre. Cet homme aperçut les ennemis qui s'avançaient avec une frégate longue, et deux galères à trente bancs, et qu'ayant débarqué, les uns faisaient le dégât sur la côte, et les autres s'attachaient à défaire les amarres des barques des pêcheurs. Il sonna de la trompette, et dans le moment Archebius sortant de son embuscade, attaqua et défit les ennemis, prit leurs trois vaisseaux, et les emmena dans le port de la ville.

CHAPITRE XL.

ARISTOCRATE.

Aristocrate, Athénien, ayant pris un vaisseau lacédémonien, le monta et alla mouiller à une ville amie des Spartiates. Le vaisseau fut reçu dans le port comme ami. Mais ceux qui étaient dessus avaient des dagues cachées. Ayant pris terre au port, ils firent irruption sur ceux qui s'y promenaient, en tuèrent dix, et en enlevèrent vingt-cinq, qu'ils entraînèrent sur leur vaisseau, et s'en allèrent avec cette proie, dont Aristocrate retira depuis une grosse rançon.
CHAPITRE XLI.

ARISTOMAQUE.

Aristomaque ayant pris des galères des Cardiens, fit passer dessus ses rameurs, et orna ces galères des dépouilles des siennes propres. Il s'avança de cette sorte, au son des flûtes, eh faisant remorquer après lui ses propres galères, comme gagnées sur l'ennemi, et arriva sur le soir au port des Cardiens. Ils sortirent hors de la ville en grande joie. Ils s'imaginaient que leurs galères avaient remporté la victoire. Mais la descente des soldats d'Aristomarque les détrompa. Il prit un grand nombre de ces habitants.

CHAPITRE XLII.

CHARIMÈNE.

Charimène, de Milet, s'étant réfugié dans la Phasélide, y fut poursuivi par des frégates longues de Périclès le Lycien. Pour se sauver, il prit une fausse chevelure, et traversant à pied le pays même qui était sous l'obéissance de Périclès, il eut le bonheur de s'échapper.

CHAPITRE XLIII.

CALLIADE.

Le pilote Calliade se voyant vivement poursuivi par un vaisseau très léger à la course, changeait de moment à autre le mouvement de son gouvernail, selon qu'il voyait qu'on venait sur lui, pour éviter que le vaisseau ennemi ne donnât de son avant dans son gouvernail, et afin qu'il ne fît tout au plus effort que contre les basses rames.

CHAPITRE XLIV.

MEMNON.

Memnon avait dessein de faire la guerre à Leucon, tyran du Bosphore. Pour savoir au juste quelle était la force et la multitude des ennemis, il envoya un ambassadeur à Leucon, avec une galère, comme pour traiter aveclui d'alliance et d'amitié. Il joignit à l'ambassadeur, Aristonique d'Olynthe, le plus fameux joueur de lyre qui fût alors dans toute la Grèce, afin que la réputation de ce maître si renommé attirât tout le monde dans les lieux où l'ambassadeur aborderait. Le concours prodigieux qui se devait faire dans les théâtres pour entendre Aristonique, devait sans doute fournir à l'ambassadeur, un moyen sûr de connaître le nombre de ces hommes.

II. Memnon voyant que les ennemis rie voulaient point descendre d'un poste très avantageux qu'ils avaient occupé, et ne pouvant les forcer à combattre, se retira du lieu où il s'était fortifié, et partageant son armée en deux, il la disposa de sorte qu'une moitié semblait menacer l'autre d'en venir aux mains. En même temps il fit passer un transfuge du côté des ennemis, qui leur dit qu'il y avait une sédition générale dans le camp des Grecs, qu'ils étaient prêts de s'égorger les uns les autres, que c'était pour cela surpris par les ennemis pendant qu'ils se battraient eux-mêmes ; et qu'on ne devait pas laisser échapper une si belle occasion sans prendre les armes et fondre sur des gens qui n'étaient pas en état de résister. Les ennemis ajoutèrent foi au rapport du transfuge; d'autant plus qu'ils croyaient voir les choses comme il les leur disait. Ils descendirent enfin, des hauteurs où ils étaient postés; mais dans le moment que Memnon les vit dans la plaine, ce fut contre eux que combattirent ses troupes, et non pas contre elles-mêmes, et tous furent réduits sous son obéissance.

III. Charès tenait Aristonyme as siégé dans Métymne. Memnon lui envoya une ambassade pour le prier d'épargner Aristonyme, qui était son ami, qui l'avait été de son père, et avec qui il avait des liaisons d'hospitalité. Au surplus il l'avertissait que la nuit sui vante il serait au secours d'Aristonyme avec tous ses soldats. Charès méprisa l'avis des ambassadeurs, et crut qu'il était impossible qu'une armée pesante comme celle de Memnon, fût à Métymne la nuit même. Memnon ayant marché le soir cinq stades, mit sur des barques douze cents soldats, et leur donna ordre, quand ils seraient mon tés au fort, d'allumer du feu, et de fondre sur les ennemis. Cela fut fait. La nuit augmenta la terreur de l'attaque, et le feu s'élevant, obligea Charès éprendre la fuite, parce qu'il s'imagina qu'en effet Memnon était entré dans le fort avec toutes ses troupes.

IV. Memnon, à la tête de quatre mille soldats, plaça son camp à quarante stades de Magnésie, et l'environna d'un bon mur tout autour. Parmenion et Atale étaient dans Magnésie avec dix mille hommes. Memnon, après avoir bien fortifié son camp, en fit sortir ses troupes préparées au combat, et s'avança jusqu'à dix stades. Les ennemis vinrent à sa rencontre : On se battit; Memnon fit sonner la retraite, et se renferma dans l'enceinte de ses murs. Les ennemis en firent autant de leur côté. Un autre jour Memnon mena ses troupes contre les ennemis, qui se présentèrent pareillement ; il se retira encore, et ils firent de même ; et ce jeu se fit plus d'une fois par jour. Enfin Memnon s'étant aperçu qu'ils avaient quitté leurs armes, et se mettaient à dîner, il se montra de nouveau en bon ordre, et les trouva désarmés, dans l'embarras et l'agitation, et leur phalange toute dérangée; il en tua un grand nombre, en fit beaucoup de prisonniers, et contraignit le reste à se retirer dans Magnésie.

V. Memnon faisant incursion dans le pays de Cyzique, se mit sur la tête un chapeau macédonien, et ordonna à tous les commandants d'en faire autant. Ceux de Cyzique voyant cela de dessus leurs murs, s'imaginèrent que c'était Chalcus le Macédonien, leur ami et leur allié, qui venait à leur secours. Ils ouvrirent aussitôt les portes pour le recevoir. Mais ayant reconnu ces gens aies voir de près, ils refermèrent leurs portes. Memnon ravagea le plat pays, et s'en alla chargé de butin.

CHAPITRE XLV.

PHILOMÈLE.

Dans le temps que les Thébains et les Thessaliens faisaient la guerre aux peuples de la Phocide. Philomèle demanda la conduite des armes, et répondit du succès si on le faisait général. Ayant obtenu cette charge, il soudoyades troupes étrangères, et s'étant emparé des deniers sacrés, il les employa avec effronterie à son profit particulier, et changea en tyrannie une autorité qu'il n'avait reçue que par commission.

CHAPITRE XLVI.

DÉMOCLÈS.

Démoclès ayant été chargé d'une ambassade, fut accusé par les autres ambassadeurs, qu'il avait eu pour collègues, d'avoir fait un tort considérable aux affaires de Denis. Le tyran en fut irrité. Démoclès leur dit : « Tout notre différend vient de ce qu'après le souper ils ont voulu chanter les vers de Stésiphore et de Pindare, et moi je me suis mis à chanter des pièces de ta façon »; et dans le moment il entonna un des airs qu'avait fait Denis. Gela fit plaisir au tyran, qui ne voulut plus entendre parler de l'accusation.

CHAPITRE XLVII.

PANNETIUS.

Pannetius était général des Léontins; dans le temps qu'ils étaient en guerre avec les Mégariens au sujet des limites du pays. Il trouva moyen d'animer les pauvres et les gens de pied contre les marchands et les cavaliers, en suggérant aux premiers de se plaindre que dans les combats tout l'avantagé était pour ceux-ci, et toute la peine et la perte pour eux. Ensuite il ordonna une revue générale des armes, et la fit faire hors des portes. U compta toutes les armes, et prit soin de les examiner ; après quoi délivrant les chevaux aux palefreniers et aux postillons, il leur ordonna de les mener à la pâture. Il avait préparé, pour l'exécution de son dessein, six cents hommes armés d'écus, et avait chargé celui qui les commandait de compter les armes. Il fit semblant d'avoir besoin de se mettre à l'ombre, et se retira sous des arbres. Il persuada aux palefreniers et aux postillons d'attaquer leurs maîtres. En effet ils montèrent sur les chevaux, saisirent les armes qui avaient été comptées, et trouvant leurs maîtres sans armes, les mirent à mort, Les porteurs d'écus donnèrent leur consentement à ce carnage. Ils coururent avec précipitation dans la ville, et la mirent au pouvoir de Pannetius, qui en devint ainsi le tyran par leur ministère.

CHAPITRE XLVIII.

PYRÉCHMÈS.


Ce chapitre manque dans le texte, aussi bien que le suivant. Pour savoir qui était Pyrechmès, il n'y a qu'à voir Strabon, liv. 8, et Pausanias au commencement du premier des Héliaques.

CHAPITRE XLIX.

SATYRE.

Manque.
On croit que Satyre était un des rois du Bosphore Cimmérien. Il est encore fait mention de Satyre dans Polyen, liv. 8, chap. 54. Diodore en a aussi parlé.