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POLYEN.

 

RUSES DE GUERRE

 

LIVRE SIXIÈME.

 livre 5      livre 7

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

LIVRE SIXIEME — CHAP. Ier. — Jason — CHAP. II. — Alexandre de Phérès. — CHAP. III. — Athénocle — CHAP. IV. —Philopoemen — CHAP. V. — Aratus — CHAP. VI. — Pyrrhus — CHAP. VII. — Apollodore — CHAP. VIII. — Egypte — CHAP. IX. — Leucon — CHAP. X. — Alexandre, gouverneur d’Eolie — CHAP. XI. — Aristide —CHAP. XII. — Alexandre, fils de Lysimacus —CHAP. XIII. — Les Amphicthyons. — CHAP. XIV. — Les Samnites. — CHAP. XV. — Les Campaniens — CHAP. XVI. — Les Carthaginois — CHAP. XVII. — Las Ambraciens— CHAP. XVIII. Les Phocéens. —CHAP. XIX. — Les Platéens. — CHAP. XX. — Les Corcyréens — CHAP. XXI. — Les Egestiens — CHAP. XXII. — Les Locriens. . — CHAP. XXIII. — Les Corinthiens. — CHAP. XXIV. — Les Lampsaciens. — CHAP. XXV. — Les Chalcédoniens. — (Manque ici 19 chapitres.) — CHAP. XLV. — Syloson. — CHAP. XLVI. — Alexandre le Thessalien — CHAP. XLVII. — Thrasybule, tyran de Milet — CHAP. XLVIII. — Mentor. — CHAP. XLIX. — Anaxagore — CHAP. L. — Pindare — CHAP. LI. — Théron — CHAP. LII. — Sisyphe — CHAP. LIII. — Agnon — CHAP. LIV. — Amphirète

LIVRE SIXIÈME.

CHAPITRE PREMIER.

JASON.

Jason voulant se rendre maître d'une ville de Thessalie, sans que son dessein fût connu de personne, ordonna une revue générale, et fit des levées de troupes. Quand tous furent armés et en bonne disposition, il fit couler secrètement des coureurs, qui vinrent dire que les ennemis avaient fait irruption dans le pays, à peu près du côté de la ville, qu'il avait dessein de surprendre. Tous ses soldats, portés à bien faire, demandèrent d'être incessamment menés contre les ennemis. Jason les conduisit contre la ville. On ne les y attendait point, et il s'en rendit maître, sans que son entreprise eût été connue aux vainqueurs même, non plus qu'aux vaincus.

II. Jason le Thessalien n'ayant point d'argent à donner à ses troupes soudoyées qui lui en demandaient, s'en fuit chez sa mère, comme s'il eût été poursuivi par ses soldats, dont deux ou trois le talonnaient de si près, qu'ils entrèrent avec lui. Sa mère était riche, elle paya les soldats.

III. Jason ayant gagné une bataille, dit à sa mère que les deux fils jumeaux de Jupiter lui avaient donné un se cours visible dans cette rencontre, et qu'en reconnaissance, il avait promis après la victoire, de régaler ces dieux par un festin auquel il avait invité tous les capitaines et officiers de l'armée. La dame crut ce que lui disait son fils, et lui envoya tout ce qu'elle avait de coupes, de gobelets de table, toute sa vaisselle d'or et d'argent, en un mot tout ce qu'elle avait de plus précieux. Jason se voyant maître de tant de richesses, s'en servit à payer ses troupes.

IV. Jason ayant pris une ville fort riche, en tira un butin considérable. Il pria sa mère de lui envoyer celles de ces femmes qui se connaissaient le plus en étoffes et en ouvrages, afin que parmi les dépouilles elles fissent choix de ce qui conviendrait le mieux à leur maîtresse. La dame envoya toutes ses femmes pour faire ce triage ; mais Jason les enferma et obligea sa mère à lui en payer la rançon.

V. Jason, accompagné d'un de ses frères, alla trouver sa mère qui était avec ses femmes dans un lieu où elle leur faisait faire leurs ouvrages de tapisserie. Il dit qu'il voulait prendre conseil avec elle sur les affaires du gouvernement, et fit retirer toutes ces femmes. Ses gardes avaient ordre de les enlever toutes, et l'exécutèrent. Jason, après une longue conférence avec sa mère,; lui dit en riant, que si elle voulait ravoir ses femmes, elle n'avait qu'à lui envoyer de l'argent.

VI. Jason avait un frère appelé Mérione, homme fort riche, mais avare, et qui ne lui donnait rien. Jason eut un fils, et lorsqu'il fut question de le nommer, il convoqua les principaux seigneurs de Thessalie, et invita son frère à faire la cérémonie de l'imposition du nom. Pendant que Mérione était dans cette occupation, Jason, sous prétexte d'une partie de chasse, fit une incursion du côté de Pagases, où était la maison de Mérione, et Payant investie avec des gens armés de dards, il fit violence aux receveurs, et leur ayant enlevé vingt talents d'argent, revint en diligence prendre sa place au souper, en faisant toujours l'honneur à son frère de vouloir que ce fût lui qui nommât l'enfant. Dans le moment on vint apprendre à Mérione que sa maison avait été pillée. Il nomma l'enfant Porthaon, c'est-à-dire, Pillard.

VII. Jason avait un autre frère nommé Polydore, qu'il mena contre une ville qu'il allait prendre, et dont il lui avait promis de partager le butin avec lui. A l'heure du butin, Jason pria son frère de le frotter bien fort partout. Polydore frottait vigoureusement. Jason se plaignit que sa bague le blessait, et le pria de l'ôter. Polydore la tira de son doigt, et la donna à un homme qui était là et dont on était sûr. Mais cet homme était déjà instruit de ce qu'il fallait faire. Il courut trouver la femme de Polydore, et lui montrant la bague de son mari, dit qu'il avait ordre, en lui remettant cette bague, de recevoir d'elle dix talents d'or. La femme trompée par la bague de son mari, donna l'or. L'homme revint et Jason cessa de se faire frotter.

CHAPITRE II.

ALEXANDRE DE PHÉRÈS.

Pendant que Léosthène assiégeait Panorme, Alexandre n'osant combattre à découvert contre tous les navires de l'Attigue, envoya la nuit une chaloupe avertir les soldats enfermés dans la place, que si quelques navires quittaient leur poste au premier feu qui serait élevé, d'en allumer un .second, pour le faire voir à ceux qui étaient à Magnésie, qui feraient le même signal à ceux de Pagases. En effet Léosthène fit partir trois galères, dont l'une pris la route de Samos, l'autre celle de Thase, et la troisième alla vers l'Hellespont. Les assiégés firent les signaux avec les feux, et Alexandre survenant tout d'un coup avec ses navires, attaqua les Athéniens, et gagna sur eux une victoire navale.

II. Après la bataille navale de Péparèthe, Alexandre espéra de surprendre les Athéniens, que la joie de leur victoire avait rendus négligents. Il ordonna à ceux qui étaient sur ses navires, de se hâter d'aborder au marché du port de Pirée, et d'y enlever tout ce qu'ils trouveraient sur les boutiques. Les Athéniens virent aborder ces gens, et crurent que c'était des vaisseaux amis. Mais les soldats d'Alexandre ayant pris terre, sonnèrent la charge, et tirant l'épée, fondirent sur les boutiques du marché. Les Athéniens coururent dans la ville, annoncer aux généraux la prise de Pirée, et les soldats d'Alexandre ayant tout pillé, remontèrent sur leurs vaisseaux, et se retirèrent.

CHAPITRE III.

ATHENOCLE.

Athénocle soutenant un siège, opposa aux béliers et aux trépans, des poutres de plomb qu'il fit poser en travers sur les créneaux des murs, afin que les machines des ennemis frappant contre, se rompissent. Les ennemis s'avisèrent d'une autre invention, au moyen de laquelle frappant dans un bout de ces poutres, ils les faisaient tomber en ligne perpendiculaire à terre, de dessus les créneaux, sans en être blessés. Après cela ils firent avancer des tortues, dans le dessein d'ébranler les murs par la sape. Les assiégés munis de plomb fondu qu'ils portaient dans des vaisseaux de cuivre, le versaient sur les assiégeants, et disloquaient toutes leurs tortues. A ce plomb fondu, et à toutes les autres matières enflammées que l'on jetait du haut des tours, les assiégeants opposaient le vinaigre, qui a une propriété particulière d'éteindre le feu ; et c'est le plus sûr remède contre la brûlure, car le feu ne fait rien sur le vinaigre. On se sert aussi d'épongés imprégnées d'eau. D'autres, pour préserver les machines contre l'injection du plomb fondu, les enduisent de mortier fait de terre et de crin.

CHAPITRE IV.

PHILOPOEMEN.

Philopœmen ne croyait pas qu'il fût convenable qu'un général marchât à la tête de sa phalange. Il estimait qu'il devait se mettre tantôt à la queue, tantôt au centre, et caracoler souvent de côté et d'autre, pour observer si tout était dans l'ordre, et redresser ce qui n'y était pas.

II. Philopœmen était poursuivi par les Lacédémoniens, et ils le tenaient presque déjà. Philopœmen passa l'Eurotas, et commanda à ses cavaliers d'ôter la bride à leurs chevaux, et de les abreuver à la rivière. Tout le voisinage était couvert d'une forêt épaisse. Les Lacédémoniens voyant la sécurité avec laquelle la cavalerie de Philopœmen avait débridé et menait les chevaux à l'eau, s'imaginèrent qu'il était venu du secours à Philopœmen, et qu'il l'avait placé en embuscade dans cette forêt. Ils n'osèrent passer le fleuve, et se retirèrent.

III. Philopœmen apprit aux peuples d'Achaïe à quitter les longues targes et le javelot, et prendre à la place le bouclier et la pique. Il leur donna encore des casques et des cuirasses, et leur arma les jambes. Il les exerçait à se battre de pied ferme, et non à darder en courant, comme faisaient ceux qui étaient armés d'écus. Il ôta des repas et des habits toutes les superfluités, et tout ce qui n'y était que pour fomenter la mollesse ; et voulait qu'à l'armée on se contentât du simple nécessaire. Par le moyen de cette discipline, Philopœmen forma des troupes qui s'acquirent beaucoup de réputation dans les combats.

CHAPITRE V.

ARATUS.

Antigone avait laissé garnison au Haut-Corinthe. Elle était commandée par Persée le Philosophe, et le général Archélaüs. Il y avait à Corinthe quatre frères syriens qui étaient du nombre de ceux qui gardaient le Haut-Corinthe: Dioclès et ses trois frères. Les trois frères ayant volé l'or du roi, allèrent à Sicyone trouver le changeur Arsias, dont Aratus se servait pour la fabrique des monnaies, et ce fut chez cet homme que les frères trafiquèrent. L'un d'eux, nommé Ergine, passait souvent à Sicyone, et logeant chez le changeur, raisonnait familièrement avec lui. Car occasion il parla de la garde du Haut-Corinthe, et dit qu'à travers un précipice, il avait aperçu une ouverture qui allait de biais, au bout de laquelle il se présentait un mur assez bas et facile à monter. Le changeur en avertit Aratus, qui trouva moyen de gagner Ergine, et promit de lui donner sept talents, s'il pouvait le rendre maître du Haut-Corinthe. Ergine promit de s'y employer avec ses frères. Quand tout fut disposé pour l'entreprise, Aratus ayant donné ordre au reste de ses troupes de veiller et de se tenir sous les armes, détacha quatre cents hommes choisis et les menant avec lui la nuit, s'approcha du mur, y appuya les échelles, et monta. La garnison sentit ce mouvement, et l'on se battit vigoureusement au milieu des ténèbres. La lune éclairait quelquefois les combattants; mais les nuages la venaient souvent cacher, et l'obscurité augmentait la terreur. A la fin Aratus remporta l'avantage, et quand le soleil fut levé, ceux qui étaient avec lui, ouvrirent les portes au reste de ses troupes. Aratus ayant pris Archélaüs, le laissa aller. Il fit mourir Théophraste, qui ne voulut point traiter avec lui. Pour ce qui est du philosophé Persée, voyant que le Haut-Corinthe était pris il s'enfuit à Cenchrées, et de là auprès d'Antigone.

CHAPITRE VI.

PYRRHUS.

Pyrrhus ayant été vaincu par les Romains, et ayant perdu ses éléphants, envoya des ambassadeurs demander du secours à Antigone. Il fut refusé ; mais il ordonna à ses envoyés d'annoncer le contraire à tout le monde, c'est-à-dire, qu'Antigone avait promis de venir le joindre avec une puissante armée. L'espérance de ce renfort attendu de la part d'Antigone, fit que les Tarentins et tout ce que Pyrrhus avait d'alliés en Italie et en Sicile, demeurèrent attachés à lui, au lien qu'ils étaient auparavant sur le point de l'abandonner.

II. Pyrrhus ayant fait irruption dans le Péloponnèse, reçut une ambassade des Spartiates au sujet de l'Arcadie. Il traita avec humanité les ambassadeurs, et promit d'envoyer ses enfants dans leur ville, pour y être élevés dans la discipline de Lycurgue. Les ambassadeurs annoncèrent cette nouvelle à leur retour. Pyrrhus ne laissa pas depuis d'attaquer Sparte. Les Spartiates lui reprochèrent qu'il parlait d'une façon et qu'il agissait de l'autre. Il leur répondit : « Et vous, quand vous voulez faire la guerre, avez-vous coutume d'en avertir auparavant ? Ne trouvez point mauvais si nous avons employé contre les Lacédémoniens une ruse lacédémonienne. »

III. Pyrrhus, avant que d'en venir à la guerre avec ses ennemis, estimait qu'il fallait tout employer pour les gagner la crainte, les présents, les plaisirs, la commisération, la justice, les lois, l'utile et le possible.

CHAPITRE VII.

APOLLODORE.

Apollodore de Cassandrie fut accusé d'avoir aspiré à la tyrannie; il parut en public, habillé de noir, et mena avec lui sa femme et ses filles vêtues de même, et tenant en main les rameaux d'olivier entortillés de laine, à la manière ordinaire des suppliants, il s'abandonna à toute la rigueur des juges. Ils furent émus de compassion, et le renvoyèrent absous. Mais peu de temps après, Apollodore se fit tyran de Cassandrie, et n'épargna pas même les juges qui lui avaient fait grâce. Il disait qu'il était redevable de son salut à son adresse, plutôt qu'à leur humanité.

II. Pendant qu'Apollodore n'était que ministre d'état des Cassandriens, il affectait dans tous ses discours et dans toute sa conduite, de paraître ennemi juré des tyrans et de la tyrannie. Ce fut lui gui fut auteur du décret donné contre le tyran Lacharès, pour le chasser du pays, parce qu'il établissait des liaisons avec le roi Antiochus, pour se rendre maître de Cassandrie. Il s'opposa au décret par lequel Théodore voulait qu'on lui donnât des gardes pour sa sûreté. De plus, il institua une fête publique à l'honneur d'Eurydice, qui avait donné la liberté aux Cassandriens, et l'appela de son nom Eurydicte. Il donna des lois aux soldats qui sortaient du fort, et leur distribua des héritages dans la Pallène, afin qu'ils se rendissent les gardiens de la liberté publique. Enfin, dans les repas, on l'entendait souvent dire qu'il n'y avait rien de plus cruel et de, plus malheureux que la tyrannie. Ayant ainsi trompé tout le monde et acquis la réputation d'homme populaire, il souleva les esclaves et les artisans, et ayant enlevé un jeune enfant appelé Callimèle, il le sacrifia et donna son corps à accommoder au cuisinier Léontomène. Il fit servir les intestins de l'enfant aux conjurés à souper, et après leur en avoir fait boire le sang, mêlé avec du vin rouge, il leur montra le cadavre, pour s'assurer de leur persévérance dans l'entreprise, par cette société d'abomination. Ce fut avec le secours de ces gens qu'il se déclara tyran; et il fut le plus cruel et le plus sanguinaire de tous ceux qui ont porté cette qualité parmi les Grecs, et même parmi les Barbares.

CHAPITRE VIII.

EGYPTE.

Mausole avait envoyé Égypte à Milet, pour concerter la reddition de la place avec ceux qui la .devaient livrer. Égypte y étant abordé avec son vaisseau, découvrit qu'on lui dressait des embûches. Il se hâta de remonter sur son vaisseau, et sachant que ceux qui lui en voulaient étaient cachés sur le bord de la mer pour le surprendre, il fit sortir un homme de son vaisseau, qui dit : « Il faut se hâter d'aller chercher le pilote et Égypte. On n'attend plus qu'eux : il est temps de mettre à la voile. » Les Milésiens ayant entendu ce discours, s'éloignèrent du navire, et allèrent dans la ville chercher Égypte. Le pilote arriva dans l'instant; Égypte coupa le câble, et s'en alla en sûreté.

CHAPITRE IX.

LEUCON.

Leucon, dans une disette d'argent, fit publier qu'il ferait frapper de nouvelles monnaies, et que chacun lui apportât tout ce qu'il en avait d'anciennes, afin que tout fût au même coin et de bon aloi. On lui apporta toutes les vieilles espèces. Il n'y fit d'autres changements que de les refrapper et d'en doubler le prix. Parce moyen il gagna la moitié de tout ce qu'il avait amassé, sans avoir fait tort aux particuliers.

II. Leucon informé que plusieurs habitants, liés ensemble d'amitié, avaient conspiré contre lui, fit venir tous les marchands, et emprunta d'eux tout ce qu'ils avaient d'argent, sous prétexte qu'il en était pressé pour gagner des ennemis avec qui il était en traité et qui devaient se livrer à lui. Les marchands lui accordèrent volontiers ce qu'il demanda. Quand il eut leur argent, il les assembla tous dans son palais, et leur découvrit la conspiration. Il les pria de se rendre ses gardes, d'autant plus que de la conservation de sa personne dépendait la sûreté de leur fortune. Les marchands, pour conserver leurs biens, prirent les armes, et se firent gardes de Leucon et du palais. Avec leur secours et celui de ses autres affidés, Leucon vint à bout d'exterminer tous ceux qui avaient eu part à la conspiration, et ayant affermi son autorité, il rendit l'argent aux marchands.

III. Dans la guerre contre ceux d'Héraclée, Leucon ayant été averti qu'il y avait des capitaines de galères, qui, par trahison, devaient passer du côté des ennemis, les fit prendre, et leur dit qu'on lui avait fait des rapports fâcheux, auxquels il n'ajoutait point foi ; mais que comme il pourrait arriver qu'on soupçonnât leur fidélité, en cas que la fortune ne favorisât pas ses armes, il était expédient qu'ils se tinssent en repos; et il nomma d'autres capitaines en leur place. Cependant il ne laissa pas de donner de l'emploi dans les bourgades du pays aux parents et aux amis des capitaines suspects, comme s'il les eût toujours honorés de sa bienveillance. Mais quand il eut mis fin à la guerre, il dit qu'il était juste de juger les suspects, afin qu'on ne l'accusât pas de les avoir faussement soupçonnés. Ils vinrent à l'auditoire avec leurs parents et leurs amis, et Leucon, les ayant enveloppés de ses troupes, les fit tous mourir.

IV. Pendant que cette guerre durait encore, ceux d'Héraclée faisaient de fréquentes descentes dans le pays. Leucon voyant que ses soldats étaient négligents à s'y opposer, et ne faisaient pas leur devoir, opposa à la descente des ennemis, dans la première ligne, ses propres soldats armés de toutes pièces, et derrière eux il plaça les Scythes, à qui il ordonna publiquement de tirer sur ses propres soldats, s'ils les voyaient négligents à repousser les ennemis. Les soldats ayant entendu ces ordres, s'opposèrent vigoureusement aux efforts que faisaient les ennemis pour aborder.

CHAPITRE X.

ALEXANDRE, GOUVERNEUR D'ÉOLIE.

Alexandre, chargé de la garde des bourgades de l'Éolie, fit venir, à prix d'argent, d'Ionie, les plus fameux athlètes, des joueurs de flûte de grands réputation, Thersandre et Philoxène, et deux acteurs qui étaient en grande vogue, Callipide et Nicostrate ; et indiqua des spectacles. Il se fit un grand concours de toutes les Villes voisines, attiré par la réputation de ces gens. Quand le théâtre fut rempli, Alexandre l'environna des soldats et des Barbares qu'il avait dans les garnisons, et s'étant rendu maître de tous les spectateurs, avec leurs femmes et leurs enfants, il tira de grandes rançons de la plupart, et ayant laissé les lieux au pouvoir de Thibron, il se retira.

CHAPITRE XI.

ARISTIDE.

Pendant que Bénis assiégeait Caulonie, Aristide d'Éléate vint contre lui avec une flotte de douze galères. Denis l'ayant su, lui en opposa quinze bien fournies d'hommes. Aristide jugea à propos de se retirer. La nuit il alluma ses fanaux, et les navires de Denis le suivaient à l'aide de ces lumières, peu s'en fallait même qu'ils ne l'atteignissent. Peu de temps après Aristide ôta les fanaux de ses galères, et en mit d'autres sur des grandes pièces de liège, qu'il abandonna à la merci des flots, et prenant à côté, il se rendit à Caulonie, pendant que les galères de Denis perdaient leur route en donnant la chasse aux pièces de liège.

CHAPITRE XII.

ALEXANDRE, FILS DE LYSIMACHUS.

Alexandre, fils de Lysimachus et de Mécride, voulant surprendre Cotilion, ville de Phrygie, cacha dans une gorge enfoncée, près de la ville, ceux qui l'accompagnaient ; et au point du jour ayant pris un gros habita la phrygienne, tout sale, avec un bonnet, il se fit accompagner de deux enfants, dont l'un et l'autre étaient chargés de bois et avaient une épée sous l'aisselle. Il entra par la porte sous cette figure de paysan. Il ôta son chapeau quand il fut entré, et s'étant fait connaître, il tendit la main, à tout le monde, et dit qu'il était venu pour le salut de la ville. Les gens qu'il avait cachés, sortirent au signal qui leur fut fait, et donnant par la porte qu'ils trouvèrent ouverte, ils s'emparèrent de Cotilion.

CHAPITRE XIII.

LES AMPHICTHYONS.

Les Amphicthyons assiégeaient Cirrha. Une source abondante fournissait de l'eau à la ville par un aqueduc secret. Par le conseil d'Euryloque, on fit apporter d'Anticyre une grande quantité d'ellébore, et on le mêla dans cette eau. Les Cyrrhéens en ayant bu, furent tourmentés de grandes douleurs de ventre. Tous demeurèrent malades et sans forces, et les Amphicthyons se rendirent ainsi maîtres de la ville, sans peine.

CHAPITRE XIV.

LES SAMNITES.

Les Samnites, par un traité fait avec leurs ennemis, promirent par serment de mettre fin à la guerre, et de se contenter, en s'en allant, d'ôter un seul rang de pierre tout autour des murs. Les ennemis ne trouvèrent pas que ce fût grand'chose, et y consentirent. Les Samnites ôtèrent la première assise d'en bas, afin que par ce moyen tout le mur fût renversé.

CHAPITRE XV.

LES CAMPANIENS.

Les Campaniens, par un traité avec leurs ennemis, arrêtèrent que ces gens leur donneraient la moitié de leurs armes. Pour exécuter le traité comme ils l'entendaient, les Campaniens coupèrent les armes par la moitié, et ne laissèrent aux ennemis que les moitiés retranchées.

CHAPITRE XVI.

LES CARTHAGINOIS.

Les Carthaginois, renfermés par Denis dans un lieu qui manquait d'eau, envoyèrent des ambassadeurs pour traiter de la paix avec lui. Denis voulait qu'ils sortissent de toute la Sicile, et qu'ils payassent tous les frais de la guerre. Ils parurent y consentir, mais ils dirent qu'ils n'étaient pas les maîtres de donner Une parole positive, sans le général de la flotte, et demandèrent la liberté d'aller joindre son camp. Denis le leur accorda, quoique Leptive s'y opposât. Quand les Carthaginois eurent décampé, ils renvoyèrent les hérauts de Denis sans rien conclure.

II. Pendant que les Carthaginois faisaient le dégât dans la Sicile, ils s'avisèrent, pour avoir promptement toutes sortes de secours de la Libye, de faire deux horloges d'eau de pareille structure. La hauteur de chacune était divisée en plusieurs cercles. Sur l'un ils avaient écrit : « Il faut des vaisseaux; » sur l'autre : « Envoyez des barques rondes » ; sur un autre : « Il nous faut de l'or » ; sur un autre : « Des machines » ; sur d'autres: « Des vivres, des bêtes, des gens de pied ou de la cavalerie. » De ces deux horloges d'eau ainsi marquées, ils en gardèrent l'une en Sicile, et envoyèrent l'autre à Carthage, avec ordre, quand on verrait un feu allumé, de prendre bien garde au cercle où s'arrêterait l'eau quand on allumerait le second feu. Par ce moyen on lisait à Carthage dans un instant ce que l'on demandait en Sicile, et on l'envoyait sur le champ. C'est ainsi que les Carthaginois vinrent à bout d'avoir très promptement tous les secours dont ils avaient besoin pour soutenir la guerre.

III. Les Carthaginois, prenant la route de Sicile avec une flotte composée de galères et d'autres vaisseaux, furent découverts par Denis, qui vint à leur rencontre avec un grand nombre de navires. Les Carthaginois voyant sa flotte, firent un cercle de leurs barques rondes, en les éloignant raisonnablement l'une de l'autre. Ils placèrent leurs galères au milieu, et mirent beaucoup de monde sur les navires de transport. Ce fut dans cette ordonnance qu'ils soutinrent l'effort des ennemis. Leurs galères s'avancèrent par les espaces vides, et poussées sur les vaisseaux de Denis, en coulèrent une partie à fond, et ruinèrent toutes les manœuvres et les défenses des autres.

IV. Pendant que les Carthaginois faisaient la guerre à Hiéron, ils firent avancer leur flotte, la nuit, assez près de Messène, sous le cap d'Argenne. Il y avait dans le port un grand nombre de galères et de barques rondes, et l'entrée du port était gardée par d'autres navires. Le général carthaginois ayant mandé le capitaine de la galère qui était la plus légère à la course, lui ordonna de voguer le plus près qu'il pourrait de l'entrée du port, et si les ennemis sortaient pour lui donner la chasse, de prendre le large en pleine mer. Le capitaine s'approcha de l'entrée du port. Les commandants des vaisseaux qui étaient à la rade, crurent que cette galère était envoyée à la découverte, et se mirent après avec toute l'ardeur imaginable. Quand ils furent fort éloignés en mer, les Carthaginois se hâtèrent de faire avancer leurs autres vaisseaux, entrèrent dans le port, et trouvant les galères vides, y mirent le feu, et emmenèrent la plupart des vaisseaux de charge.

V. Les Carthaginois, informés que les Romains avaient, du côté de Sicile, une flotte supérieure à la leur en nombre de vaisseaux, résolurent de la diviser. Pour en venir à bout, ils engagèrent quelques particuliers à passer du côté des ennemis comme transfuges, et de promettre à leur général le consul Cneius Cornélius, de lui livrer l'île de Lipara, qui est au-devant de la Sicile. Cornélius les crut, et se disposa avec la moitié de ses vaisseaux, à passer à Lypara. Les Carthaginois le voyant engagé, et la moitié de sa flotté séparée du reste, lui envoyèrent des ambassadeurs pour lui demander la paix et la lui offrir de leur part. Ils le prièrent en même temps de passer dans leur barque, parce que leur général était malade, et que le, traité, pour être plus sûr, devait être fait en sa présence. Le Romain se laissa persuader et passa dans le vaisseau des Carthaginois. Quand les Lybiens furent maîtres de sa personne, ils donnèrent avec tous leurs vaisseaux, et n'eurent pas de peine à remporter la victoire.

CHAPITRE XVII.

LES AMBRACIENS.

Au siège que les Romains avaient mis devant Ambracie, voyant que les ennemis leur blessaient et leur tuaient beaucoup de monde, ils voulurent essayer de se rendre maîtres de la place par le moyen d'une mine. Ils se mirent donc à creuser la terre et leur travail demeura quelque temps caché aux assiégés. Mais la terre qui s'amoncelait, apprit enfin aux Ambraciens ce qui se passait. Ils se mirent à contre-miner de leur côté, et tirant tout à travers une fosse au bout de leurs travaux, ils y mirent des vases légers d'airain, afin de connaître par leur bruit et leur mouvement quand les Romains seraient dessous, et de s'y présenter à eux la pique à la main. Mais comme ces armes ne pouvaient pas être d'un grand usage dans une mine étroite et obscure, ils prirent un tonneau d'une capacité propre à remplir toute la largeur de la mine. Ils percèrent l'un des fonds et y agencèrent un tuyau de fer. Ils remplirent le tonneau de plume menue, y placèrent quelque peu de feu, et ayant mis pardessus une enveloppe de copeaux, ils présentèrent la machine par un bout, dans la mine des ennemis, et à l'autre bout, qui était de leur côté, ils appliquèrent un soufflet de forgeron au tuyau de fer. Le feu s'alluma; la mine fut remplie d'une fumée acre et épaisse, et les Romains ne la pouvant supporter, abandonnèrent leurs travaux souterrains.

CHAPITRE XVIII.

LES PHOCÉENS.

Les Phocéens s'étant renfermés sur le Parnasse avec leurs armes, prirent l'occasion d'une nuit que la lune était pleine, et descendant de la montagne, ils se jetèrent sur leurs ennemis, dont les uns regardant cela comme une apparition nouvelle et surprenante furent saisis de frayeur, et les autres s'imaginèrent que c'étaient de nouveaux ennemis qui étaient survenus. Enfin les Thessaliens furent vaincus, et leur perte fut de quatre mille hommes.
II. Pour rompre la cavalerie des Thessaliens, les Phocéens firent une tranchée auprès de leur ville ; la remplirent de cruches vides, et couvrirent le tout d'un peu de terre. Les ennemis donnèrent dans ce piège, et y perdirent hommes et chevaux.

CHAPITRE XIX.

LES PLATÉENS.

Les Platéens avaient fait des prisonniers sur les Thébains. Ceux-ci firent ensuite une incursion dans le pays de Platée. Les Platéens leur envoyèrent dire qu'ils tueraient leurs prisonniers, s'ils ne sortaient au plus tôt du pays. Les Thébains ne se retirèrent point, et les Platéens exécutèrent leur menace.

II. Les Platéens, assiégés par les Lacédémoniens, attaquèrent leur circonvallation la nuit. Les Lacédémoniens, pour demander du renfort à Thèbes, allumèrent les feux qu'on avait coutume de faire paraître en de pareilles rencontres, et qu'on appelait ennemis. Les Platéens en élevèrent d'op posés dans la Ville, comme amis des Thébains. Leur dessein était de tenir ; ceux de Thèbes en suspens, par les Oppositions de ces signaux ; et ils en vinrent à bout. Les Thébains ne sachant à quoi se déterminer, n'amenèrent point de renfort aux assiégeants.

III. Pendant que les Lacédémoniens et les Thébains assiégeaient Platée, deux cents habitants de cette ville profitant d'une nuit sans lune et fort ombrageuse, excitèrent les autres habitants à faire une fausse attaque d'un côté, pour y attirer les Lacédémoniens, pendant qu'eux se présenteraient de l'autre et s'échapperaient par-dessus les murs avec des échelles. Cela fat fait, et ces gens passèrent heureusement. Après cela, ils ne prirent pas le droit chemin d'Athènes, mais ils suivirent celui de Thèbes, par où il n'y avait pas d'apparence qu'on les suivît; comme en effet les Lacédémoniens coururent après par le Citheron. Les Platéens, par des chemins de traverse, arrivèrent à Thèbes, et de là se sauvèrent à Athènes.

CHAPITRE XX.

LES CORCYRÉENS.

Des exilés de Corcyre s'étaient emparés de la montagne d'Istone, les Athéniens leur firent la guerre ; les exilés leur rendirent les armes et se soumirent à eux, à condition que le traité serait nul, s'il leur arrivait 'dé prendre la fuite. Les Corcyréens ayant peur que les Athéniens ne traitassent ces gens trop favorablement ; envoyèrent quelques personnes sous main, qui persuadèrent aux exilés de s’enfuir chez les Argiens, et leur offrirent un vaisseau. En prenant ainsi le parti de la fuite, ils rendaient nul leur traité avec les Athéniens, qui les traitèrent en parjures, les livrèrent aux Corcyréens, et ceux-ci les firent tous mourir.

CHAPITRE XXI.

LES EGESTIENS.

Les Égestiens ayant besoin du secours des Athéniens, leur en demandèrent, et pour l'obtenir, ils prodiguèrent les offres et les promesses. Les Athéniens envoyèrent des députés pour voir quelles étaient les ressources pécuniaires des Égestiens, Ceux-ci ayant emprunté dans les villes voisines de l'or et de l'argent, en ornèrent les temples des dieux et les maisons des particuliers. Les députés d'Athènes ayant vu toutes ces richesses, en firent le récit chez eux, et le secours fut envoyé par les Athéniens.

CHAPITRE XXII.

LES LOCRIENS.

Les Locriens d'Italie, dits Epizephyriens, dans un traité fait avec les Siciliens, avaient juré: « Nous vous garderons la foi tant que nous marcherons sur votre terre, et tant que nous aurons les têtes sur les épaules. » C'est qu'ils avaient mis sur leurs épaules, par-dessous leurs robes, des têtes d'ail et de la terre sous leurs pieds dans leurs souliers. Les Siciliens se fièrent à ce serment, mais dès le lendemain les Locriens ayant ôté leurs gousses d'ail de dessus leurs épaules, et vidé la terre de leurs souliers, se crurent quittes du serment, et tuèrent tous les Siciliens.

CHAPITRE XXIII.

LES CORINTHIENS.

Les Corinthiens envoyaient du secours à ceux de Syracuse. Ils furent informés qu'une flotte de l'Attique, composée de vingt navires, les attendait du côté de Naupacte. Ils équipèrent vingt-cinq galères, et les firent se tenir à Panorme, à la côte de l'Achaïe, en présence de la flotte des Athéniens. Pendant que les uns et les autres se tenaient réciproquement en respect, des vaisseaux de transport, chargés de soldats corinthiens, partirent du Péloponnèse pour aller au secours des Syracusiens, et les Athéniens s'amusèrent à observer la flotte ennemie qui était devant eux.

CHAPITRE XXIV.

LES LAMPSACIENS.

Les Lampsaciens et les Pariens étaient en différend pour les limites. Ils convinrent ensemble de faire partir de chacune des villes, au premier chant du coq, un certain nombre d'hommes, et que le lieu où ils se rencontreraient, serait la limite des deux États. Quand cela eut été réglé, les Lampsaciens persuadèrent aux pécheurs qui étaient sur !a route des Pariens, de mettre cuire beaucoup de poissons, d'y joindre du vin, comme pour faire sacrifice à Neptune, et d'inviter les Pariens avec amitié à prendre part à l'honneur qu'ils rendaient au Dieu. Les pêcheurs le firent, et les Pariens s'étant amusés à boire et à manger, se ralentirent dans leur course. Les Lampsaciens, de leur côté, poussèrent jusqu'au temple de Mercure, qui n'était éloigné de Pare que de soixante-dix stades, et de Lampsaque de deux cents. Ce fut ainsi que les Lampsaciens gagnèrent une si grande quantité de terrain sur les autres, et eurent pour borne le temple de Mercure.

CHAPITRE XXV.

LES CHALCÉDONIENS.

Les Chalcédoniens étant en guerre avec ceux de Byzance, firent trêve pour cinq jours, et nommèrent de chaque côté dix hommes pour traiter ensemble de la paix. Ils travaillèrent pendant trois jours; le quatrième jour les Chalcédoniens s'absentèrent, sous prétexte de quelques autres occupations, et les Byzantins y consentirent. Mais pendant la nuit les Chalcédoniens ayant armé leurs vaisseaux, fondirent sur les Byzantins, qui ne s'attendaient pas à cette surprise, d'autant plus qu'il restait encore deux jours de trêve.

Il manque ici 19 Chapitres.

CHAPITRE XLV.

SYLOSON.

Syloson, fils de Callitélès, ayant paru homme populaire aux Samiens, fut nommé général. Les Samiens avaient la guerre avec les Eoliens. La fête de Junon vint, et les Samiens ne la célébrèrent point au temple de la Déesse qui était fort loin de la ville. Syloson, persuadé qu'il étonnerait les ennemis par la réputation de son courage et de sa piété, s'il faisait observer religieusement une fête de son pays, dit qu'un général ne devait point souffrir de diminution dans le culte de la Déesse. Les Samiens louèrent la vertu et la religion de leur général, et s'étant assemblés autour du temple, ils y dressèrent des tentes et célébrèrent la fête avec toutes les cérémonies ordinaires. La nuit même Syloson entra dans la ville, et ayant appelé tous les gens de mer qui étaient sur les galères, il se rendit maître de Samos.

CHAPITRE XLVI.

ALEXANDRE LE THESSALIEN.

Alexandre le Thessalien étant prêt de donner un combat sur mer, fit distribuer aux soldats qui étaient sur le tillac une grande quantité de cailloux, et ordonna de les jeter sur les matelots des ennemis, quand les vaisseaux s'approcheraient. Par ce moyen il prétendait mettre leur manœuvre en déroute.

CHAPITRE XLVII.

THRASYBULE, TYRAN DE MILET.

Thrasybule, tyran de Milet, étant assiégé par Alyatte, qui était prêt de prendre la ville par famine, lui envoya demander une trêve d'autant de temps qu'il lui en fallait pour achever le temple de Minerve Assesie. En même temps il ordonna aux habitants d'apporter au marché tout ce qu'ils avaient de vivres, de s'y mettre à table, et de se régaler. Le héraut d'Alyatte ayant vu ces choses, en fit son rapport à son maître qui, croyant par là les Milésiens dans une grande abondance de toutes choses, leva le siège et se retira.

CHAPITRE XLVIII.

MENTOR.

Pendant qu'Hermias était le maître, Mentor envoya aux villes qui lui obéissaient des lettres cachetées du propre cachet d'Hermias, portant commandement de livrer toutes choses à ceux qui présenteraient ces lettres. Ces villes voyant le cachet d'Hermias, crurent se livrer à lui, mais ce fut à Mentor qu'elles se livrèrent.

CHAPITRE XLIX.

ANAXAGORE.

Anaxagore, Codrus et Diodore, fils d'Echéanax, tuèrent Hégésias, tyran d'Iphèse. Philoxène, lieutenant d'Ionie pour le roi Alexandre, demanda ces gens aux Ephésiens, qui les lui refusèrent. Sur leur refus il mit garnison dans la ville, et ayant enlevé les trois hommes, il les mit aux fers dans la citadelle de Sardes. Après qu'ils y eurent souffert une longue prison, un de leurs amis leur fournit une lime, avec quoi ils brisèrent leurs liens, et ayant pris des habits d'esclaves, ils se coulèrent pendant la nuit comme domestiques de la prison ; et ayant déchiré des habits et des nattes, ils s'en servirent comme de cordes pour descendre du fort. Diodore s'estropia des deux pieds en tombant, fut pris par les Lydiens, et envoyé au roi Alexandre pour être puni. La mort d'Alexandre arrivée à Babylone, fut cause que Diodore fut envoyé à Perdicas, à Éphèse, pour y être jugé selon les lois. Anaxagore et Codrus s'étaient sauvés à Athènes, Ayant su la mort d'Alexandre, ils revinrent à Éphèse, et sauvèrent leur frère Diodore.

CHAPITRE L.

PINDARE.

Pendant que Crésus assiégeait Éphèse, une des tours, appelée traîtresse, tomba. Cet accident fit craindre pour la ville, dont on voyait la prise certaine. Pindare, tyran d'Éphèse, persuada aux habitants d'attacher aux colonnes du temple de Diane des ficelles, dont les bouts tenaient aux portes et aux murs de la ville, comme pour marquer qu'on la dédiait à la Déesse. Crésus voulut marquer son respect pour cette divinité, en épargnant une chose qui lui paraissait consacrée ; il traita avec les Éphésiens, et les laissa en liberté.

CHAPITRE LI.

THERON.

Théron avait secrètement dans Agrigente des troupes qu'il avait soudoyées, mais il n'avait point de quoi les payer. Il vola, pour cet effet, les deniers publics, et voici comment. La ville avait dessein d'élever un temple somptueux à Minerve. Théron persuada aux habitants de donner de l'ouvragé aux entrepreneurs, de les obliger à donner caution suffisante, et de leur fixer un terme pour rendre l'ouvrage parfait. Gorgue, fils de Théron, se chargea de l'exécution de l'entreprise : mais Théron ayant touché l'argent de la ville, ne prit ni architectes, ni tailleurs de pierres, ni autres ouvriers, il donna cet argent aux troupes qu’il avait levées contre la ville, et ce fut par leurs propres deniers que les Agrigentins tombèrent sous la domination tyrannique de cet homme.

CHAPITRE LII.

SISYPHE.

Autolycus avait souvent volé des bœufs de Sisyphe. Celui-ci s'avisa de couler du plomb dans la corne du pied de ses bœufs, et de graver dessus ces mots: Autolycus l'a volé. Autolycus continua ses vols ordinaires, à la faveur de la nuit ; et le jour venu, Sisyphe faisant lire aux laboureurs de soin voisinage les caractères imprimés dans les pas des bœufs, convainquit Autolycus de larcin.

CHAPITRE LIII.

AGNON.

Agnon se mit à la tête d'une colonie de l'Attique, dans le dessein de s'aller établir au lieu appelé les Neuf-Voies, sur le bord du Strymon. Un oracle donné aux Athéniens, portait: « Enfants des Athéniens, pourquoi vouloir bâtir dans un lieu coupé de tant de chemins? L'entreprise est difficile, sans le secours des Dieux. Il est réglé d'en haut que la chose ne se fera point, que vous n'ayez trouvé ce qui reste de Rhésus, et que l'ayant apporté de Troie, vous ne l'ayez caché religieusement. Alors votre entreprise aura un heureux succès. » Le général Agnon, pour obéir à cet oracle, envoya des gens à Troie, qui ouvrant la terre, en tirèrent les ossements de Rhésus, et les ayant mis dans un manteau de pourpré, les apportèrent sur le bord du Strymon. Les Barbares qui en occupaient les rivages, empêchaient Agnon de passer la rivière. Agnon fit trêve avec eux pour trois jours, et les Barbares se retirèrent. Pendant ta nuit Agnon passa le Strymon avec ses troupes, et enterra les ossements de Rhésus sur le bord du fleuve ; après quoi, travaillant au clair de la lune, il se mit à creuser des tranchées et fortifier le lieu de mur : mais le jour il se tenait en repos. Enfin l'ouvrage fut achevé en trois nuits. Les Barbares revenant au bout de trois jours, virent le mur élevé. Ils se plaignirent qu'Agnon avait violé la trêve. Il répondit qu'il n'avait rien fait contre la parole donnée; qu'il n'avait travaillé que la nuit, et qu'il était demeuré en repos pendant les trois jours. Ce fut ainsi qu'il établit sa colonie aux Neuf-Voies, et la ville qu'il y bâtit, il lui fit porter le nom d'Amphipolis.

CHAPITRE LIV.

AMPHIRETE.

Amphirete d'Acanthe ayant été pris par des larrons, fut mené lié par eux à Lemnos. Ils espéraient en le tenant dans les fers, en tirer une grosse rançon. Amphirete s'abstint de manger, et but de l'eau saumâtre, où il avait délayé du cinabre. Les larrons voyant ses déjections, crurent qu'il avait la dysenterie. Ils lui ôtèrent ses chaînes, de peur que le chagrin n'augmentât son mal, et que sa mort ne les privât de ce qu'ils espéraient de sa rançon. Amphirete délivré de ses chaînes, s'enfuit à la faveur des ténèbres, et étant monté sur une barque de pêcheurs, se sauva; dans Acanthe.