RETOURNER A LA TABLE DES MATIÈRES DE PLINE L'ANCIEN ATTENTION : police unicode PLINE L'ANCIEN HISTOIRE NATURELLE LIVRE DIX-HUIT. Texte français Paris : Dubochet,
1848-1850.
LIVRE XVIII, TRAITANT DES CÉRÉALES.
I. Goût des anciens pour l'agriculture. Résumé : Faits, histoires et observations, 2060. Auteurs : Massurius Sabinus, Cassius Hémina, Verrius Flaccus, L. Pison, Celse, Turranius Gracilis, D. Silanus, M. Varron, Caton le Censeur, Scropha, les deux Saserna père et fils, Domitius Calvinus, Hygin, Virgile, Trogne Pompée, Ovide, Graecinus, Columelle, Tubéron, L. Tarutius qui a écrit en grec sur les astres, le dictateur César qui a écrit sur le même sujet, Sergius Paulus, Sabinus Fabianus, Cicéron, Calpurnius Bassus, Attéius Capiton, Mamilius Sura, Accius qui a écrit les Praxidica. Auteurs étrangers :
Hésiode, Théophraste, Aristote, Démocrite, le roi Hiéron, le roi
Attale Philométor, le roi Archélaûü, Archytas, Xénophon, Amphiloque d'Athènes,
Anaxipolls de Thasos, Aristophane de Milet, Apollodore de Lemnos, Antigone de
Cume, Agathocle de Chios, Apollonios de Pergame, Aristandre d'Athènes, Bacchius
de Milet, Bion de Soles, Chaeréas d'Athènes, Chraeriste d''Athènes, Diodore de
Priène, Dion de Colophen, Épigène de Rhodes, Évagon de Thasos, Euphronius
d'Athènes, Androtion qui a écrit sur l'agriculture, Æschrion qui a écrit sur le
même sujet, Lysimaque qui a écrit sur le même sujet, Denys qui a traduit Magon,
Diophane qui a fait un abrégé de Denys, Thalès, Eudoxe, Philippe, Calippe,
Dosithée, Parménisque,, Méton, Criton, Oenopide, Zénon, Euctémon,
Harpale,.Hécatée, Anaximandre, Sosigène, Hipparque, Aratus, Zoroastre, Archibius. I. (I.) 1. Nous arrivons maintenant à l'histoire des grains, des jardins, des fleurs, et de tout ce que la terre., outre les arbres et les arbrisseaux, produit avec bénignité. Contemplation infinie, fût-elle même bornée aux herbes, si on calcule les variétés, le nombre, la floraison, les odeurs, les couleurs, les sues, les vertus des plantes que le sol engendre pour la conservation ou le plaisir des hommes ! En ce sujet, je veux avant tout plaider la cause de la terre, et me faire l'avocat de la mère commune de toutes choses, bien que je l'aie déjà défendue au début de cet ouvrage (II, 63); 2. car le sujet lui-même, dans le corps de mon livre, m'amène à la considérer comme produisant aussi des substances nuisibles; et là-dessus nous la chargeons de nos crimes et lui imputons nos fautes. Elle a produit des poisons : qui les trouva, si ce n'est l'homme? Les oiseaux et les bêtes sauvages se contentent d'y prendre garde et de les éviter. Voyez : les éléphants et les ures savent aiguiser et limer leurs cornes contre un arbre, les rhinocéros contre un rocher; les sangliers affilent leurs dents en poignards contre les arbres et les rochers; les animaux sont habiles à se préparer pour nuire toutefois quel est celui d'entre eux, excepté l'homme, qui empoisonne ses armes? Nous, nous empoisonnons les flèches (XXV, 25; XXVII, 76), et au fer même nous donnons quelque chose de plus malfaisant ; nous, nous infectons les fleuves et les éléments de la nature. L'air même, qui entretient la vie, nous en faisons une cause de mort. 3. Et il ne faut pas parler ici d'ignorance chez les animaux : nous avons indiqué (VIII, 36, 41 et 2) les préparatifs qu'ils font pour combattre les serpents, et leurs inventions pour se guérir après le combat; et néanmoins aucun d'eux, si ce n'est l'homme, n'emploie pour arme un poison étranger. Avouons donc notre faute, nous qui ne nous contentons pas des poisons qui naissent spontanément. En effet, la main des hommes« prépare un grand nombre; que dis-je? n'est-il pas des hommes mêmes dont l'existence est comma un poison? Ils vibrent une langue livide comme celle des. serpents; leur âme venimeuse brûle ce qu'elle touche. Ils inculpent tout, et, semblables aux oiseaux funèbres (X, 16), ils troublent leurs ténèbres et le repos de leur nuit par un gémissement, seule voix qu'ils fassent entendre, voulant, comme les animaux de mauvais augure, empêcher par leur rencontre les autres d'agir et d'être utiles à la société. 4. La seule jouissance de ces êtres détestables, c'est de tout haïr; mais la nature, majestueuse en cela même, a engendré en plus grand nombre les hommes honnêtes et vertueux; comme elle est plus féconde en plantes salutaires et nutritives. C'est en vue de l'estime et de la joie de ces gens de bien qu'abandonnant la foule des méchants à leurs passions brûlantes, nous continuerons à servir l'humanité, et avec d'autant plus de constance que nous désirons plus faire un ouvrage utile qu'un ouvrage renommé. Nous n'avons, il est vrai, à parler que des campagnes et des travaux rustiques; mais chez les anciens c'était l'occupation principale et la plus honorée. II. (II.) 1. Romulus établit tout d'abord les prêtées des champs. Ce furent les onze fils d'Acca Laurentia, sa nourrice, et Romulus lui-même, sous le nom de douzième frère. Il leur donna, comme l'insigne le plus auguste de leur sacerdoce, une couronne d'épis attachée avec une bandelette blanche, et ce fut la première couronne chez les Romains. Cette dignité est à vie, et elle accompagne même les exilés et les captifs. Alors deux jugères (50 ares) suffisaient au peuple romain ; et Romulus n'attribua à personne une plus grande portion. Aujourd'hui des hommes naguère esclaves de Néron, dédaignant des vergers de cette étendue, veulent avoir des viviers plus grands; et il faut leur savoir gré s'ils n'ont pas des cuisines plus spacieuses. 2. Numa établit l'usage d'honorer les dieux avec des grains, de les supplier en leur offrant une pâte salée, et, d'après Hémina, de rôtir le blé, attendu que, rôti, il donne une nourriture plus saine. Il n'eut qu'un moyen d'obtenir ce dernier point : ce fut en statuant que le blé n'était pas une offrande pure, à moins de passer par le feu. Il établit aussi les Fornacales, fêtes de la torréfaction du blé, et la fête des dieux Termes, non moins religieusement observée : c'étaient, en effet, les dieux que l'on connaissait surtout dans ces temps. On avait la déesse Séia, ainsi nommée de semer; la déesse Segesta, ainsi nommée des moissons (segetes) : nous voyons leurs statues dans le Cirque. La religion défend de prononcer le nom de la déesse Segesta sous un toit. On ne touchait même rias aux récoltes de grain ou de vin avant que les prêtres en eussent offert les prémices. III. 1. On appelait joug ce qui pouvait être labouré en un seul jour par une paire de bœufs; actus, l'étendue que deux boeufs pouvaient labourer tout d'une haleine : il était de cent vingt pieds; doublé en longueur, il faisait le jugère. La récompense la plus considérable, pour les généraux et pour les citoyens courageux, était l'étendue de terre qu'ils pouvaient circonscrire par un sillon en un seul jour. Il arrivait encore que le peuple, chacun se cotisant, leur donnait un quart de cange (0 lit., 81 ) ou une hémine ( 0 lit., 27) de blé. Les premiers surnoms furent même tirés de l'agriculture. Pilumnus fut ainsi nommé pour avoir inventé le pilon à broyer le blé ; Pison vient de pisere, piler; 2. les Fabius, les Lentulus, les Cicéron, ont eu ces noms d'après l'espèce de légume qu'ils excellaient à cultiver. Dans la famille des Junius on nomma Bubulcus un homme qui savait très bien conduire les boeufs. Dans les cérémonies religieuses, rien de plus sacré que le mariage par confarréation ; et les nouvelles mariées portaient devant elles un gâteau de far (blé). Mal cultiver son champ était une négligence notée par les censeurs; et, comme le dit Caton (De re rust., preaf. ), on croyait très amplement louer celui qu'on disait bon cultivateur. De là vient le mot de locuples, riche; plenus loci, plein de terre; le nom de l'argent même, pecunia (XXXIII, 13), dérive de pecus, bétail. 3. Aujourd'hui encore, dans les registres des censeurs, on comprend sous le nom de pâturages tous les revenus publics, parce que les pâturages furent longtemps le seul revenu de l'État. Les amendes non plus ne s'imposaient qu'en moutons ou en boeufs; et il ne faut pas omettre la douceur des anciennes lois, qui ordonnaient, au magistrat infligeant l'amende, de ne condamner à un boeuf qu'après avoir condamné à un mouton. 4. On appelait bubétiens ceux qui célébraient des jeux pour les boeufs. Le roi Servius le premier imprima sur l'airain monnayé (XXXIII, 13) l'image des moutons et des boeufs. Faire paître furtivement pendant la nuit une récolte de grain obtenue par la charrue, ou la couper, était, d'après les Douze Tables (Tabula VII, 2), un crime capital pour un adulte; il était pendu pour satisfaire à Cérès, punition plus sévère que pour l'homicide : le coupable non adulte était battu de verges au gré du préteur, et le dommage se payait au double. 5. Les distinctions et le rang dans la cité même n'avaient pas d'autre origine: les tribus rustiques étaient les plus estimées, et se composaient de ceux qui avaient des terres; les tribus urbaines, où c'était une ignominie d'être transféré, étaient taxées de fainéantise : aussi n'étaient-elles qu'au nombre de quatre, portant, d'après les quartiers qu'elles habitaient, les noms de Suburrane, Palatine, Colline, Exquiline. Tous les neuf jours les gens de la campagne venaient à la ville pour le marché; en conséquence il n'était pas permis de tenir les comices ce jour-là, pour que le peuple de la campagne ne fût pas détourné de ses affaires. Le repos et le sommeil se prenaient sur la paille; enfin, en raison de l'honneur où était le blé, on donnait à la gloire elle-même le nom d'adorea (ador, blé). J'admire les locutions mêmes de l'ancien langage; voici ce qu'on lit dans les Commentaires des pontifes : « Pour tirer des augures par le sacrifice d'une chienne, prenez jour avant que le blé sorte du fourreau, et avant qu'il entre dans le fourreau. » IV. 1. Avec de pareilles moeurs, non seulement les grains suffisaient sans qu'aucune province alimentât l'Italie, mais encore les denrées étaient d'un bon marché incroyable. Manius Marcius, édile du peuple (an de Rome 208 ), donna le premier le blé au peuple à un as le boisseau. Minutius Augurinus (XXXIV, 11 ), qui avait dévoilé les projets de Sp. Mélius, réduisit, étant onzième tribun du peuple, le prix du blé à un as pendant trois marchés (an de Rome 317) ; aussi une statue lui fut érigée en dehors de la porte Trigemina, à l'aide d'une cotisation du peuple. 2. Trébius, dans son édilité (an de Rome 345), donna au peuple le blé à un as : pour cette raison on lui éleva à lui aussi des statues dans le Capitole et le Palatium; après sa mort, des hommes du peuple le portèrent sur leurs épaules au bûcher. On dit que, l'année où l'on transporta à Rome la Mère des dieux (au de Rome 550), la moisson fut plus abondante qu'elle ne l'avait été depuis dix ans. M. Varron rapporte que, l'année (an de Rome 604) où L. Métellus conduisit dans son triomphe de nombreux éléphants, le boisseau de blé se vendit un as (5 cent.) (XV, 1), ainsi qu'un conge (3 lit., 24) de vin, 30 livres de figues sèches, 10 livres d'huile, 12 livres de viande. 3. Et cette abondance ne provenait pas de vastes domaines empiétant sans cesse sur les voisins ; car la loi de Licinius Stolon avait limité à 500 jugères (125 hect.) la propriété foncière; et il fut lui-même condamné par sa propre loi, convaincu d'en posséder davantage, en employant son fils comme prête-nom. Et encore était-ce la mesure d'un temps où croissait la fortune de la république. On connaît en effet le discours de Manius Curius (VII, 15 ) après des triomphes et d'immenses conquêtes ajoutées à l'empire : « Il faut considérer comme un citoyen dangereux celui à qui sept jugères (1 hect., 75) ne suffisent pas. » C'était la mesure assignée au peuple après l'expulsion des rois. 4. Quelle était donc la cause d'une si grande fécondité? C'est qu'alors les champs étaient cultivés de la main des généraux; et l'on peut croire que la terre s'ouvrait avec complaisance sous un soc chargé de lauriers, sous un laboureur triomphal, soit que ces grands hommes donnassent aux semailles le même soin qu'a la guerre, et missent autant d'attention à la disposition de leurs champs qu'a celle de leur camp, soit que tout fructifie mieux sous des mains honnêtes, parce que tout se fait plus scrupuleusement. Les honneurs accordés à Séranus (an de Rome 497) le trouvèrent occupé à semer, d'où lui vint son surnom. Cincinnatus labourait sur le Vatican ses quatre jugères, qu'on nomme Prés Quinctiens, lorsqu'un messager lui apporta la dictature: celui-ci le trouva même, à ce qu'on rapporte, habit bas, et le visage plein de poussière. 5. « Habillez-vous, lui dit le messager, afin que je vous transmette les ordres du sénat et du peuple romain. » Il y avait alors de ces messagers portant le nom de viator, par cela même qu'ils allaient chercher aux champs les sénateurs et les généraux. Mais aujourd'hui ces mêmes campagnes sont livrées à des esclaves dont les pieds sont enchaînés, aux mains de malfaiteurs, à des hommes dont le visage est marqué; et cependant la terre ne demeure pas sourde. On la nomme mère, on appelle culte les soins qui lui sont rendus; elle accepte cet hommage, et on peut croire qu'elle n'est ni violentée ni indignée. Mais devons-nous nous étonner qu'elle ne récompense pas des esclaves comme elle récompensait des généraux ? V. 1. Aussi donner des préceptes sur l'agriculture fut-il une occupation des hommes du plus haut rang, même chez les étrangers. Parmi les écrivains sur cet objet on compte les rois Hiéron, Philométor Attale, Archélaüs, et les généraux Xénophon et Magon le Carthaginois. A ce dernier notre sénat fit l'honneur, après la prise de Carthage, taudis qu'il distribuait entre les petits rois de l'Afrique les bibliothèques, d'ordonner pour ce seul auteur la traduction en langue latine de ses vingt-huit volumes, bien que dès lors Caton eût composé son livre de préceptes, et de confier l'exécution de cette entreprise à des hommes habiles dans la langue punique. En ce travail un homme d'une très illustre famille, D. Silanus, l'emporta sur tous les autres. J'ai indiqué en tête de cet ouvrage plusieurs savants que je me proposais de suivre : toutefois je citerai ici hors ligne M. Varron (De re rust., 1, 1), qui, à l'âge de quatre-vingt-un ans, crut devoir écrire sur ce sujet. (IV.) 2. Chez les Romains la culture de la vigne ne commença qu'assez tard, et d'abord, comme cela était nécessaire, ils ne furent que laboureurs. Maintenant nous allons traiter des terres labourables, non pas d'une manière superficielle, mais, ainsi que nous l'avons fait jusqu'à présent, en recherchant curieusement les usages anciens et les découvertes postérieures, et en dévoilant à la fois la cause et la raison des choses. Nous parlerons aussi des constellations, indiquant les signes terrestres indubitables qui les accompagnent; d'autant plus que ceux qui jusqu'à présent ont traité avec quelque soin de cette matière peuvent passer pour avoir écrit pour toute autre classe que celle des laboureurs. VI. 1. Et d'abord nous procéderons en grande partie par oracles; les oracles ne sont dans aucune profession plus nombreux ou plus certains; car pourquoi ne pas considérer comme tels des préceptes dictés par le temps infaillible et par la plus véridique expérience? Caton nous fournira les premiers. 2. (V.) La population agricole ( Caton, De re rust., in praef.) produit les hommes les plus braves et les soldats les plus courageux, et qui pensent le moins à mal. N'achetez pas une ferme avec précipitation. N'épargnez pas votre peine dans les travaux rustiques, et surtout ne l'épargnez pas dans l'achat d'une terre on se repent toujours d'une mauvaise acquisition. Quand on achète une terre, il faut avant tout considérer l'eau, la terre et le voisin. Chacun de ces points est susceptible d'explications importantes et Incontestables. Caton recommande (Caton, ib.) en outre d'examiner chez les voisins la carnation : Dans un bon pays, dit-il, la carnation et belle. 3. Atilius Régulus, celui qui fut deux fois consul dans la guerre Punique, disait qu'il ne faut acheter ni une terre malsaine dans la contrée In plus fertile, ni la terre la plus saine dans une contrée stérile. La salubrité d'un lieu ne se reconnaît pas toujours au teint des habitants, car l'habitude fait qu'on résiste même à l'action des contrées malsaines ; en outre, il y a des localités salubres pendant une partie de l'année ; or, il n'y a de sains que les pays qui le sont toute l'année. C'est un mauvais fonds que celui qui lutte contre son mettre. Caton recommande (Caton, ib.) de tenir avant tout à ce que la terre, située comme il a été dit, soit bonne par elle-même; à ce qu'il y ait, dans le voisinage des gens de travail en grand nombre, et une ville importante; à ce qu'il y ait des rivières ou des routes pour l'exportation ; à ce que la terre soit bien bâtie et bien cultivée. Sur ce dernier point je vois qu'on se trompe généralement; on croit que la paresse du dernier propriétaire est en faveur de l'acheteur. 4. Rien de plus coûteux qu'une terre abandonnée. Aussi Caton dit-il (Caton, ib.) qu'il vaut mieux acheter d'un bon maître; qu'il ne faut pas mépriser témérairement la méthode d'autrui, et qu'il en est d'un champ comme d'un homme : quelque gain qu'il fasse, s'il est en même temps de grande dépense, il ne reste pas grand-chose. Caton (Caton, ib.) regarde un vignoble comme le fonds le plus productif, et il n'a pas tort; car il s'est préoccupé avant tout de la dépense. Il met au b second rang les jardins bien arrosés : cela n'est pas faux, s'ils sont situés auprès d'une ville. Les anciens appelaient les prés parata ( fonds tout prêts). Le même Caton, interrogé quel était le revenu le plus assuré, répondit: De bons prés; et ensuite? Des prés médiocres. Le sommaire de tout cela, c'est qu'il estimait le plus le revenu qui exigeait le moins de frais. Cela varie suivant la nature des lieux. Il disait, dans le même esprit (Caton, De re rust., II), qu'un agriculteur doit aimer à vendre; que dans la jeunesse il faut planter 6 sans hésiter, et qu'on ne doit bâtir que quand le fonds est planté, et alors même avec lenteur. Ce qu'il y a de mieux d'après le dicton vulgaire, c'est de profiter de ta folie d'autrui, mais pourvu que l'entretien de la maison de campagne ne soit pas à charge. Cependant on n'a pas tort de dire que celui qui est bien logé vient plus souvent à sa terre, et que le front du mettre est plus utile que son occiput. VII. (VI.) 1. Le juste rapport est que la maison suffise à la terre, et la terre à la maison. Il n'a pas été observé par L. Lucullus et Q. Se vola, qui, dans le même temps, ont donné l'exemple de deux excès opposés : la maison de Scaevola ne suffisait pas à sa campagne, la campagne de Lucullus ne suffisait pas à sa maison. En cela on était repris par les censeurs quand on avait moins à labourer qu'à balayer. La disposition d'une maison de campagne n'est pas sans demander un certain art. C. Marins, sept fois consul, en fit construire une dans le territoire de Misène (III, 9 ), le dernier de tous, et il le fit avec l'habileté qu'il avait dans la castramétation; à tel point que Sylla l'Heureux disait même que, comparés à Marius, ceux qui l'avaient précédé avaient été des aveugles. 2. Il est reconnu qu'il ne faut bâtir ni auprès des marais ni avec une rivière en face: Homère (Od., V, 469) a remarqué avec toute vérité que les fleuves exhalent toujours, avant l'aube, des vapeurs malsaines. La maison doit regarder le nord dans les localités chaudes, le midi dans les localités froides, le lever équinoxial dans les localités tempérées. Bien que, en parlant de la meilleure espèce de sol, nous puissions paraître avoir suffisamment exposé (XVII, 3) à quels caractères on la reconnaît, cependant nous en consignerons de nouveau certains indices traditionnels, en employant surtout les paroles de Caton. L'hièble, le prunier sauvage, la ronce, le petit bulbe (XIX, 30), le trèfle, l'herbe de pré, le chêne, le poirier et le pommier sauvages, sont les indices d'une terre à blé. Il en est de même de la couleur noire ou cendrée de la terre. Un terrain crayeux brûle, à moins qu'il ne soit très maigre; le sable brûle aussi, s'il n'est pas en même temps extrêmement fin : ces remarques sont beaucoup plus sûres pour les plaines que pour les coteaux. 3. Les anciens ont pense qu'avant tout il fallait une mesure dans l'étendue d'une terre ; car leur maxime était : Semer moins et labourer mieux; je vois que telle était aussi l'opinion de Virgile (Georg., II ). A dire vrai, les grandes propriétés ont perdu l'Italie, et elles commencent déjà à perdre les provinces. Six propriétaires possédaient la moitié de l'Afrique, lorsque l'empereur Néron les mit à mort. Cn. Pompée, par une grandeur d'âme spéciale dont il faut lui tenir compte, n'acheta jamais le champ d'un voisin. Magon veut qu'en achetant une terre on vende sa maison de ville; arrêt trop dur, et qui n'est pas conforme à l'utilité publique. C'est par cet exorde qu'il débute; cela montre du moins qu'il voulait que le propriétaire résidât. 4. Il faut ensuite s'occuper d'avoir des métayers entendus: Caton (De re rust., V) a donné beaucoup de préceptes à ce sujet. Quant à nous, qu'il nous suffise de dire que le métayer doit être presque aussi habile que le maître, sans toutefois avoir lui-même cette opinion. La plus mauvaise culture, comme tout travail exécuté par des désespérés, est celle que l'on fait par des esclaves enchaînés. On m'accusera peut-être de témérité d'énoncer une maxime des anciens qui pourra paraître complètement incroyable : c'est que rien n'est moins avantageux que de très bien cultiver. 5. L. Tarius Rufus, qui, né dans la dernière classe, arriva par ses talents militaires au consulat (an de Rome 737 ), et qui du reste était d'une économie antique, dépensa à acheter des terres dans le Picentin, et à les cultiver pour la gloire, au point que son héritier refusa l'héritage, environ cent millions de sesterces ( 21,000,000 fr.) qu'il avait amassés, grâce à la libéralité du dieu Auguste. Pensons-nous donc qu'il y a ruine et famine à cultiver pour la gloire? Oui sans doute ;le mieux, c'est que la mesure soit le juge de toutes choses. Bien cultiver est nécessaire; très bien cultiver est dispendieux, si ce n'est avec ses enfants, son métayer, ou les gens qu'on est obligé de nourrir. Autrement, quand le maure cultive, il n'est pas avantageux de faire certaines récoltes, si on compte ce que coûtera la main-d'oeuvre. Il ne faut pas, dit-on, cultiver avec trop de soin l'olivier ni certaines terres, en Sicile par exemple (XVI, 3) ; aussi les étrangers y sont-ils trompés. VIII. 1. Comment donc cultivera-t-on avec le plus de fruit une terre? En faisant, comme dit l'oracle, du bon avec du mauvais. Mais il est juste de défendre nos aïeux, qui dans leurs préceptes ont eu en vue les avantages de la vie. Eu disant mauvais, ils ont entendu ce qui coûte le moins. Le but suprême de leur prévoyance fut de réduire autant que possible les dépenses. C'étaient là les préceptes donnés par ceux qui faisaient un crime à un triomphateur de posséder dix livres d'argenterie (XXXIII, 30); qui, après la mort d'un métayer, demandaient à abandonner leurs victoires et à retourner dans leurs campagnes, dont la république se chargeait de cultiver les métairies, et qui commandaient les armées, avec le sénat pour métayer. 2. Le même esprit a dicté ces autres oracles : Mauvais laboureur, qui achète ce que le fonds peut fournir; mauvais père de famille, qui fait de jour ce qu'on peut faire de nuit, à moins que le temps ne le permette pas; plus mauvais, qui fait les jours ouvrables ce qui devrait être fait les jours fériés; plus mauvais encore, qui travaille par un beau temps sous son toit plutôt que dans son champ. 3. Je ne puis m'empêcher de citer un exemple pris dans l'antiquité, et témoignant qu'on était dans l'usage de porter devant le peuple même des affaires relatives à l'agriculture, et montrant aussi comment se défendaient les hommes de ce temps. C. Furius Crésinus, affranchi, tirant d'un très petit champ des récoltes beaucoup plus abondantes que ses voisins n'en tiraient de champs très considérables, était l'objet d'une grande jalousie; et on l'accusait d'attirer les moissons d'autrui par des maléfices. 4. En conséquence il fut cité par Sp. Albinus, édile curule. Craignant d'être condamné quand les tribus iraient aux suffrages, il vint sur le forum avec tous les instruments rustiques, des gens robustes et, comme dit Pison, bien nourris et bien vêtus, des outils parfaitement faits, de forts hoyaux, des socs pesants, des boeufs bien repus; puis il dit : Voilà, Romains, mes maléfices ; et je ne puis vous montrer ni faire venir sur le forum mes fatigues, mes veilles et mes sueurs. Il fut absous d'un suffrage unanime. En effet, la culture veut du travail et non de la dépense; aussi les anciens ont-ils dit que l'oeil du maître était ce qui fertilisait le mieux un champ. 5. Nous donnerons en lieu et place les préceptes spéciaux à chaque espèce de culture; en attendant, nous n'omettrons pas les préceptes généraux qui se présentent : d'abord voici un précepte de Caton aussi humain qu'utile: a Agissez de manière à être aimé de vos voisins. Il en donne les raisons; nous pensons qu'elles ne sont douteuses pour personne. Autre recommandation que le même auteur met au rang des plus importantes : c'est que les gens de la métairie ne soient pas mal. Il est de maxime générale en agriculture qu'il ne faut rien faire tardivement; en second lieu, que chaque chose doit être faite en son temps; en troisième lieu, qu'on cherche en vain à rattraper l'occasion perdue. 6. La malédiction de Caton coutre la terre cariée a été suffisamment exposée (XVII, 19 ) ; voici une autre sentence qu'il ne cesse de répéter : « Tout ce qui se peut faire avec un âne coûte très peu. » La fougère meurt au bout de deux ans, si on ne la laisse pas pousser des feuilles; un moyen très efficace d'y réussir, c'est d'en abattre à coups de bâton les branches quand elle bourgeonne. Le suc qui s'en écoule tue les racines. On dit encore qu'elle ne repousse pas, si on l'arrache vers le solstice d'été, ou si on la coupe avec un roseau, ou si on la déracine avec une charrue sur laquelle on a mis un roseau. Réciproquement (XXIV, 50 ) on prescrit de déraciner le roseau avec une charrue sur laquelle on a mis de la fougère. Un' champ rempli de jonc doit être retourné avec la pelle, mais dans les endroits pierreux avec la houe. 7. C'est le feu qui détruit le mieux les broussailles. Il est très avantageux de saigner par des fossés et de dessécher un champ trop humide; de laisser les fossés ouverts dans les terrains crayeux; de les assurer par des haies dans une terre trop meuble, de peur qu'ils ne s'éboulent, ou de les faire en forme de tuile creuse renversée; de couvrir certains fossés que l'on conduit dans d'autres plus grands et plus larges; d'eu garnir le fond, si l'on a cette commodité, avec un lit de cailloux ou de graviers; d'en consolider l'ouverture de chaque côté avec deux pierres surmontées d'une troisième en travers. Démocrite a indiqué le moyen d'extirper une forêt : c'est de faire macérer, pendant un jour, de la fleur de lupin dans du suc de ciguë, et d'en arroser les racines des arbres. IX. (VII.) 1. Voilà le champ préparé; faisons maintenant l'histoire des grains. Il y en a deux premières catégories: les céréales, comme le blé, l'orge; les légumes, comme la fève, le pois chiche. La différence en est trop connue pour qu'il convienne de l'exposer. X. 1. Les céréales se divisent elles-mêmes suivant l'époque des semailles : celles d'hiver, qui, semées vers le coucher des Pléiades (XVIII, 59), sont nourries par la terre pendant la mauvaise saison, telles que le blé, le far, l'orge; celles d'été, qui se sèment en été avant le lever des Pléiades (XVIII, 66), telles que le mil, le panic, le sésame, l'horminum, l'irio, suivant, du moins, l'usage de l'Italie ; car en Grèce et en Asie tous les grains se sèment au coucher des Pléiades; mais il y en a que l'on sème dans les deux saisons en Italie. Quelques-uns se sèment encore à une troisième époque, c'est-à-dire au printemps. Des auteurs nomment grains de printemps le mil, le panic, la lentille, le pois chiche et l'alica (XVIII, 29; XXII, 61); et grains de prime semence, le blé, l'orge, la fève, le navet, la rave. Certaine espèce parmi les blés, et la vesce parmi les légumes, entrent dans le fourrage semé pour les animaux (XVIII, 41 ) :quant au lupin, il est également d'usage pour les animaux et pour l'homme. 2. Tous les légumes, excepté la fève, ont une racine unique, racine dure, attendu qu'elle ne se ramifie pas beaucoup. Le pois chiche a la racine la plus profonde. La racine du blé a des fibres nombreuses, sans ramifications. L'orge lève sept jours après la semaison; les légumes, quatre jours, ou, au plus tard, sept; la fève, du quinzième au vingtième ; les légumes, au bout de trois en Égypte. Dans l'orge, l'une des extrémités du grain produit la racine, l'autre produit la tige, qui fleurit avant les autres céréales. De la partie la plus grosse du grain [des céréales] sort la racine; de la partie la plus mince, la fleur. Dans les autres graines, c'est de la même partie que sortent la fleur et la racine. 3. Les blés, pendant l'hiver, sont en herbe ; au printemps, les blés d'hiver s'élèvent en paille; le mil et le panic, en une tige géniculée et creuse; le sésame, en une tige férulacée. Le fruit de toutes ces semences on est renfermé dans des épis, comme le blé, l'orge, et est défendu par un quadruple rempart d'arêtes, ou est renfermé dans des gousses, comme sur les légumineuses, ;tu est contenu dans des capsules, comme sur le sésame et le pavot. Le mil et le panic appartiennent en commun au cultivateur et aux petits oiseaux; car ils sont renfermés sans défense des tuniques. Le panic est ainsi nommé du mot panicule; la tête en est languissamment penchée, la tige en diminue peu à peu de grosseur, presque aussi dure qu'un scion d'arbre; les grains en sont très serrés les uns contre les autres, et l'épi très allongé a un pied. 4. La chevelure du mil qui renferme la graine est frangée et recourbée. On distingue plusieurs espèces de panic: le panic à mamelles, dont la grappe est divisée en plusieurs épis et dont la tète est double. On distingue aussi le panic à ses couleurs : blanche, noire, rousse et même pourprée. On fait diverses sortes de pain avec le mil (Panicum miliaceum, L.) ; on en fait rarement avec le panic (holcus sorghum, L.) Aucun grain n'est plus pesant que le mil, ou ne grossit plus par la cuisson. Un boisseau donne soixante livres de pain ; et trois septiers mouillés, un boisseau de bouillie. Il y a dix ans qu'on a apporté de l'Inde en Italie un mil de couleur foncée, à gros grains et à tige de roseau; cette tige très grande s'élève à la hauteur de sept pieds; on nomme ce grain loba; c'est le plus productif de tous : un seul grain en produit trois septiers; il faut le semer dans les terrains humides (maïs?). 5. Certains blés commencent à former l'épi au troisième noeud, d'autres au quatrième; mais l'épi est encore caché. Le froment a quatre noeuds, le far (épeautre à deux rangées, triticum dicoccum) six, l'orge huit. Jamais ces blés ne forment d'épis avant que le nombre de ces noeuds soit complet; Ils commencent à fleurir quatre jours ou cinq au plus tard après que l'épi s'est montré; ils défleurissent en autant de jours ou un peu plus. L'orge fleurit au plus tard en sept jours. Varron dit que les grains sont formés au bout de quatre fois neuf jours, et qu'on les moissonne le neuvième mois. 6. Les fèves sortent en feuilles, et puis poussent une tige qui n'est coupée par aucuns noeuds. Les autres légumineuses ont une tige ligneuse, et, parmi elles, le pois chiche, l'ers, la lentille, sont rameux. La tige de certaines de ces plantes, des pois par exemple, est rampante, si elles ne sont pas ramées; sans cette précaution la qualité s'altère. Des légumineuses, la fève seule et le lupin sont unicaules; chez les autres la tige est rameuse et très mince, chez toutes fistuleuse. 7. Quelques plantes produisent la feuille par la racine, d'autres parle sommet;-mais le blé, l'orge, la vesce, et tout ce qui est en paille, n'a qu'une feuille au sommet. Ces feuilles dans l'orge sont rudes, polies sur les autres. Elles sont, au contraire, multiples dans la fève, le pois chiche et le pois. La feuille est semblable à celle du roseau dans le blé, ronde dans la fève et dans une grande partie des légumineuses. Elle est allongée dans l'ervilia (lathyrus cicera, L.) et le pois. Elle est veinée dans le phaséole (XVI, 92), couleur de sang dans le sésame et dans l'irio (sisymbrium irio, L.). Le lupin et le pavot seuls perdent leurs feuilles. Les légumineuses restent longtemps en fleur, et surtout l'ers et le pois chiche; mais la floraison de la fève est la plus longue de toutes, elle dure quarante jours ; chaque rameau ne fleurit pas aussi longtemps; mais un rameau fleurit quand l'autre défleurit. La récolte n'y est pas non plus simultanée, comme elle l'est dans le blé; les gousses se forment à des époques diverses et d'abord à la partie inférieure, la fleur montant peu à peu. 8. Les blés, quand ils ont passé fleur, grossissent et mûrissent généralement en quarante jours ; il en est de même de la fève. Le pois chiche mûrit en très peu de jours; il est bon à cueillir quarante jours après avoir été semé. Le mil, le panic, le sésame et tous les grains d'été sont mûrs quarante jours après la floraison, avec de grandes 1 différences suivant le sol et le ciel. En effet, dans l'Égypte, l'orge se récolte six mois, le blé sept mois après avoir été semés ; dans la Grèce, l'orge au bout de six mois, au bout de huit mois dans le Péloponnèse, et le blé encore plus tardivement. Les grains portés sur du chaume sont renfermés dans un épi chevelu; dans les fèves et les autres légumineuses, ils sont alternativement fixés aux parois de la gousse. Les blés résistent mieux à l'hiver; les légumes fournissent une nourriture plus substantielle. 9. Le blé a plusieurs enveloppes. L'orge est nue ainsi que farines (XVIII, 20, 6), mais surtout l'avoine. Le chaume est plus élevé dans le blé que dans l'orge. L'épi est plus piquant dans l'orge. On bat sur l'aire le blé, le siligo (XVIII, 20, 1) et l'orge; on les sème nettoyés tels qu'on les moud, parce qu'on ne les passe pas au feu. Au contraire, le far, le mil, le panic, ne peuvent être nettoyés sans être passés au feu ; aussi les sème-t-on crus, avec leurs enveloppes. On conserve le far dans l'épi pour le semer, sans le passer au feu. XI. 1. De ces grains le plus léger est l'orge; rarement le boisseau en pèse plus de 15 livres, le boisseau de fèves plus de 22 livres. Le far est plus pesant, et le blé encore davantage. En Égypte, on fait du far (sorte de pâte) avec l'olyra : l'olyra (épeautre) y est regardé comme une troisième sorte de blé. Les Gaules ont aussi leur espèce de far, qu'on y nomme brace (froment blanzé), chez nous sandala. Le grain en est très blanc. Une autre différence, c'est que par boisseau il donne près de quatre livres de pain de plus que tout autre far. Verrius rapporte que le peuple romain n'usa pendant trois cents ans que de far fait de blé. XII. 1. Il y a plusieurs espèces de blé, dénommées d'après les pays qui les produisent. Je ne comparerai aucun blé à celui d'Italie pour la blancheur et le poids, qualités qui le distinguent sur tous; ce n'est qu'avec le blé des parties montagneuses de l'Italie que la comparaison pourrait être soutenue par les blés étrangers. Pour ces blés le premier rang a été tenu par la Béotie, puis par la Sicile, enfin par l'Afrique. Les blés de Thrace, de Syrie et puis d'Égypte tenaient le troisième rang pour la pesanteur; cela avait été décidé par les athlètes, dont la capacité de consommation, semblable à celle des bêtes de somme, avait fixé les rangs ainsi qu'il vient d'être dit. La Grèce a vanté aussi le blé du Pont, lequel n'est pas arrivé jusqu'en Italie. 2. Elle préférait à toute espèce de blé les blés appelés Dracontiens, Strangiens et Sélénusiens. Le caractère de ces espèces est un très gros chaume; aussi les Grecs les attribuaient-ils à un sol gras. Ils recommandaient de semer dans des terrains humides les espèces les plus légères, celles dont le chaume est le plus petit, attendu qu'elles avaient besoin de beaucoup d'aliment. Telles furent les opinions sous le règne d'Alexandre le Grand, lorsque la Grèce était au comble de la gloire et le pays le plus puissant de l'univers : cependant, cent quarante-cinq ans environ avant la mort de ce prince, le poète Sophocle loua, dans sa pièce de Triptolème, le blé d'Italie avant tous les autres. Voici sa pensée, traduite mot pour mot : « L'Italie fortunée se couvre de blanc froment. » Cette blancheur est encore aujourd'hui la qualité particulière du blé d'Italie; aussi suis-je étonné que les Grecs de l'âge suivant n'en aient fait aucune mention. 3. Parmi les blés qu'on importe à Rome, les plus légers sont ceux de la Gaule et de la Chersonèse; car, en grain, ils ne pèsent pas plus de vingt livres par boisseau. Le blé de Sardaigne pèse une demi-livre de plus, celui d'Alexandrie dix onces; c'est aussi le poids de celui de Sicile. Le blé de Béotie pèse une livre entière de plus; celui d'Afrique, une livre trois quarts. Dans l'Italie transpadane, il est à ma connaissance que le boisseau de far pèse vingt-cinq livres, et même, dans les environs de Clusium, vingt-six. Une règle naturelle, c'est que dans toute espèce de blé le pain de munition dépasse d'un tiers le poids du blé. De même le meilleur blé est celui qui, dans la panification, absorbe un conge d'eau (3 litr., 24). 4. Certaines espèces de blé employées sans mélange donnent ce tiers en sus : ainsi le blé des Baléares rend par boisseau trente-cinq livres de pain ; d'autres blés mêlés par portion égale, comme celui de Chypre et d'Alexandrie, donnent aussi ce poids, bien que le grain ne dépasse pas vingt livres. Le blé de Chypre est brun, et donne un pain noir; aussi le mêle-t-on au blé blanc d'Alexandrie, et ils rendent vingt-cinq livres de pain. Le blé de Thèbes en Égypte rend une livre de plus. Pétrir le pain avec l'eau de mer, ce que l'on fait généralement sur les côtes pour épargner le sel, est chose très mauvaise; aucune cause ne prédispose davantage les hommes aux maladies. La Gaule et l'Espagne, qui font une boisson avec les espèces de blé indiquées ailleurs (XIV, 29), emploient pour levain la levure qui se concrète; aussi le pain est-il dans ces contrées plus léger que dans les autres. 5. Le blé offre aussi des différences en raison de la paille : plus elle est grosse, mieux il vaut. Le blé de Thrace est revêtu d'un très grand nombre d'enveloppes qu'exige le froid excessif de ces contrées. C'est aussi le froid qui a fait découvrir le blé de trois mois (blé de mars ), la terre étant couverte de neige pendant le reste de l'année; trois mois environ après qu'il a été semé, on le récolte en Thrace ainsi que dans les autres pays. Cette espèce est connue dans toutes les Alpes, et aucun blé ne réussit mieux dans les provinces septentrionales; il n'a qu'une seule tige, nulle part il n'est volumineux, et il ne se sème que dans une terre légère. 6. Il y a aussi dans les environs d'Aenos, en Thrace, un blé de deux mois qui mûrit quarante jours après avoir été semé chose remarquable, aucun blé n'est plus pesant, et il ne rend pas de son ; la Sicile et l'Achaïe le cultivent dans leurs parties montueuses, ainsi que l'Eubée, autour de Caryste : tant est grande l'erreur de Columelle (De re rust., 9), qui a pensé qu'il n'existait pas même de blé particulier de trois mois ! Le fait est que les blés de printemps sont connus depuis très longtemps; les Grecs les nomment setanies. On dit que dans la Bactriane il y e des blés si gros, qu'un seul grain égale nos épis. XIII. 1. De toutes les céréales la première qui se sème est l'orge, Nous indiquerons aussi l'époque de l'ensemencement de chaque espèce, en en faisant l'histoire. Chez les Indiens il y a une orge cultivée et une orge sauvage, dont ils font un pain de première qualité et de l'alita (XVIII, 29) ; mais leur nourriture favorite est le riz, avec lequel ils préparent la ptisane (XXII, 66) que les autres nations préparent avec l'orge. Les feuilles du riz sont charnues, semblables à celles du poireau, mais plus larges; la tige est haute d'une coudée, la fleur pourpre, la racine ronde comme une perle. XIV. 1. L'orge est un très ancien aliment, comme le prouvent une coutume des Athéniens rapportée par Ménandre, et le surnom de hordearii que l'on donnait aux gladiateurs; de plus, les Grecs n'emploient que l'orge pour faire la polenta. On la prépare de plusieurs manières : les Grecs humectent l'orge avec de l'eau, la font sécher pendant une nuit; le lendemain ils la font rôtir, et puis moudre. Il y en a qui, la faisant rôtir plus fortement, l'humectent derechef avec un peu d'eau, et la font sécher avant de la moudre. 2. D'autres nettoient l'orge fraîchement égrenée des épis verts, l'humectent, la battent dans un mortier, la lavent dans des paniers, la sèchent au soleil, la battent de nouveau, la nettoient, et la font moudre. De quelque manière qu'on prépare la polenta, on prend toujours vingt livres d'orge, trois livres de graine de lin, .une demi-livre de coriandre, un acétabule (0 litr., 068) de sel; on fait d'abord rôtir, puis moudre ce mélange. Ceux qui veulent le garder plus longtemps le mettent, avec la farine et le son, dans des pots de terre neufs. En Italie on rôtit l'orge sans l'arroser préalablement, on en fait une farine très fine, après y avoir mêlé les ingrédients cités, et même du mil. Le pain d'orge, dont usaient les anciens, a été rejeté, et ce n'est plus guère qu'une nourriture pour les animaux. XV. 1. Avec l'orge se fait la ptisane, aliment très- t substantiel et très salutaire, qui est si estimé. Hippocrate, médecin des plus illustres, a consacré uniquement un ouvrage (Du régime dans les maladies aiguës) à la célébrer. La meilleure ptisane est celle d'Utique. En Égypte il y en a une qu'on fait avec une orge à deux angles ( rangs? ). (XVIII, 18). L'espèce d'orge avec laquelle on la prépare dans la Bétique et l'Afrique est nommée glabre par Turranius. Le même auteur pense que l'olyra et l'oryza (riz) sont la même plante. Le procédé pour faire la ptisane est généralement connu. XVI. 1. De la même façon on prépare avec le grain du froment le tragum, en Campanie seulement et en Égypte.
XVII. 1. L'amidon se fait avec toutes les espèces de froment et de siligo; mais le meilleur, avec le blé de trois mois. L'invention en est due à l'île de Chios; et encore aujourd'hui le plus estimé se tire de là. Le nom vient de ce qu'on le prépare sans la meule (ἀ sans, μύλη meule). Après l'amidon fait avec le blé de trois mois, le meilleur est préparé avec le froment le plus léger. Le grain trempe dans de l'eau douce eu des Vaisseaux de bois, de manière à être recouvert par le liquide ; on change cette eau cinq fois par jour; il est encore mieux de la changer aussi la nuit, de sorte qu'il s'imbibe également. Ramolli, on le passe, avant qu'il s'aigrisse, dans une chausse ou dans des paniers; on le répand sur des tuiles enduites de levain, et on le laisse s'épaissir ainsi au soleil. Après l'amidon de Chios on estime le plus celui de Crète, puis celui d'Égypte. Le bon amidon se reconnaît à ce qu'il est lisse et léger; il doit aussi être frais. Caton (De re rust., LXXXVII), parmi nous, en a déjà parlé. XVIII. 1. La farine d'orge s'emploie aussi en médecine. Chose singulière, on fait, à l'usage des bêtes de somme, des boules de pâte avec l'orge durcie au feu et puis moulue; on introduit avec la main ces boules dans leur estomac, et cette préparation augmente leurs forces et les muscles de leur corps. Certains épis ont deux rangs de grains; quelques-uns en ont davantage, jusqu'à six. Le grain lui-même présente certaines différences : il est plus long et plus léger, ou plus court, ou plus rond, plus blanc, plus noir, ou de couleur pourprée. On emploie le dernier pour faire la polenta; le blanc résiste très mal au mauvais temps. L'orge est le plus mou de tous les grains; elle ne veut être semée que dans une terre sèche et meuble, et cependant fertile. 2. La paille est des meilleures; aucune ne lui est comparable pour litière. L'orge est de tous les grains le moins exposé aux accidents, car on l'enlève avant que la rouille s'empare du blé; aussi les laboureurs sages ne sèment du blé que ce qu'il en faut pour leur nourriture. On dit que l'orge se sème avec un sarcloir, ce qui la fait pousser très vite; et la plus productive est celle qui a été récoltée à Carthagène en Espagne, au mois d'avril; on la sème dans ce même mois en Celtibérie, et elle donne deux récoltes dans la même année. On moissonne toutes les orges, dès qu'elles sont mûres, avec plus de hâte que les autres blés; car la paille en est fragile, et le grain renfermé dans une enveloppe très mince. On assure aussi que la polenta est meilleure si l'on a récolté l'orge avant la maturité parfaite. XIX. (VIII.) 1. Les espèces de froment ne sont pas les mêmes partout, et là où Biles sont les mêmes, elles ne portent pas les mêmes noms. Les plus répandues sont le far appelé par les anciens adoreum, le siiigo et le froment. Ces espèces sont communes à plusieurs contrées. L'arinca est propre à la Gaule ; elle abonde aussi en Italie. L'Égypte, la Syrie, la Cilicie, l'Asie et la Grèce ont seules la zéa, I'olyra et la tiphé (XVIII, 20, 6). L'Égypte fait avec son froment une fleur de farine qui est loin d'être égale à celle de l'Italie. Ceux qui usent de la zéa n'ont point de far. La zéa se trouve aussi en Italie, en Campanie surtout; on la nomme semence. Le blé portant ce nom est une très bonne chose, comme nous le dirons bientôt (XVIII, 29; XVIII, 20, 6); c'est pour lui qu'Homère a attribué à la terre l'épithète de ζείδωρος (Il., II, 548), qui donne la zéa, et non, comme quelques-uns le pensent, qui donne la vie. On fait aussi de l'amidon avec la zéa, moins fin que celui dont nous avons parlé (XVIII,17) : c'est la seule différence. 2. De tous les blés le far est le plus dur et résiste le mieux aux hivers; il s'accommode des localités les plus froides, les moins préparées, ou brûlantes et dépourvues d'eau. Ce fut le premier aliment des anciens habitants du Latium: une grande preuve qu'il en était ainsi, est dans les distributions d'adorea qu'on faisait comme nous l'avons dit (XVIII, 3). Il est évident que pendant longtemps les Romains ont vécu de puis ( pâte) et non de pain; car aujourd'hui encore on appelle pulmentarium, qui vient de puis, ce qui se mange avec le pain; et Ennius, poète très ancien, décrivant la famine d'un siège, rapporte que les pères arrachaient la portion de puis à leurs enfants en pleurs. Aujourd'hui les sacrifices suivant les anciens rites et ceux du jour natal se font avec de la puis frite. La puis parait avoir été aussi Inconnue à la Grèce que la polenta à l'Italie. XX. 1. Aucun blé n'est plus avide que le froment, et n'absorbe plus de nourriture. A vrai dire, j'appellerai le siligo (triticum hibernum, L.) un froment délicieux, à cause de sa blancheur, de ses qualités et de son poids. Il convient aux localités humides qu'on trouve dans l'Italie et la Gaule Chevelue, mais au delà des Alpes il ne se maintient que dans le territoire des Allobroges et des Méminiens; dans les autres parties, au bout de deux ans il dégénère en froment. Le remède, c'est de semer les grains les plus pesants. (IX.) Le siligo fournit le plus beau pain et les produits les plus estimés des boulangeries. 2. Le meilleur pain se fait en Italie, pourvu qu'on mêle au siligo de Campanie celui de Pise; le premier est roux, le second est blanc : celui qui est mêlé de craie (XVIII, 29) est plus pesant. Le siligo de Campanie, qu'on nomme châtré, doit rendre par boisseau quatre setiers de fleur de farine, ou, quand il n'est pas châtré, cinq setiers plus un demi-boisseau de fleur de farine, quatre setiers de grosse farine à faire le pain bis, et quatre setiers de son. Le siligo de Pise rend cinq setiers s de farine; le reste est égal. 3. Le siligo de Clusium et celui d'Arétia donnent même six setiers de farine; les autres produits sont égaux. Mais si l'on veut faire de la fine farine, on obtient 16 livres de pain blanc, 3 livres de pain bis, et un demi-boisseau de son. Ces différences tiennent à la mouture. Les grains que l'on moud secs rendent plus de farine; humectés avec de l'eau salée, ils donnent une farine plus blanche, mais il en reste davantage dans le son. Le nom seul montre que farine vient de far. Un boisseau de farine de siligo des Gaules donne 22 livres de pain, d'Italie 24 ou 25 livres, pour le pain cuit (XVIII, 27) dans une tourtière; car pour le pain cuit au four il faut ajouter deux livres des deux côtés. 4. (X.) Le froment produit un similago très estimé. En Afrique, un boisseau doit rendre un demi-boisseau de similago et cinq setiers de pollen ; on donne le nom de pollen, dans le froment, à ce qu'on appelle fleur dans le siligo; les fonderies de cuivre et les fabriques de papyrus s'en servent; en outre il rend quatre setiers de grosse farine et quatre setiers de son. Un boisseau de similago donne 122 livres de pain, et un boisseau de fleur de farine de siligo, 117. Quand les grains sont à un prix moyeu, cette farine vaut 40 as le boisseau ; le similago bluté, 8 as de plus; le siligo bluté, le double. Du temps de Lucius Paulus, on a distingué autrement les qualités de similago : la première rendait 17 livres de pain, la seconde 18, la troisième 19 et 1/3, et de plus deux livres et demie de pain de seconde qualité, deux livres et demie de pain bis et six setiers de son. (Similago, sorte de semoule.) 5. Le siligo ne mûrit jamais tout à la fois, et aucune céréale ne supporte moins les délais, car il est si tendre, que les épis qui sont parvenus à la maturité laissent aussitôt tomber le grain; mais sur pied il court moins de dangers que les autres blés, attendu qu'il a toujours l'épi droit, et qu'il ne retient pas la rosée, qui cause la rouille. 6. L'arinca (triticum hibernum, L.) donne un pain très savoureux. Ce grain est plus ramassé que le far ; l'épi est plus grand, il est aussi plus pesant. IlI est rare que le boisseau en grain ne pèse pas 16 livres pleines. En Grèce, il ne se bat que difficilement : aussi Homère (Il., V, 195) dit-il qu'on le donne aux bêtes de somme; c'est le blé qu'il appelle olyra. Cette espèce est facile à battre en Égypte, et produit beaucoup. Le far est sans barbes; le siligo aussi, excepté celui qu'on appelle siligo de Laconie. Outre les blés indiqués, on a encore l'avoine, le siligo de Laconie, le tragos, toutes espèces exotiques venues de l' Orient et semblables au riz. La tiphé appartient aussi à cette catégorie, et on en fait dans nos contrées un grain mondé semblable au riz. Les Grecs ont la zéa (T. spella, L. ), et l'on dit que la zéa et la tiphé (T. monococcum, L.) dégénérant repassent, si on les sème mondés, à l'état de froment; non pas immédiatement, mais la troisième année. XXI. 1. Rien n'est plus productif que le froment; la nature lui a attribué cette qualité, parce que c'est la substance qu'elle destinait à l'alimentation de l'homme. Un boisseau, si le sol est favorable, comme est celui de la Byzacène (XVII, 3, 12) en Afrique, rend 150 boisseaux. L'intendant du dieu Auguste lui envoya de cette province un pied de froment d'où sortaient près de 40o tiges, chose à peine croyable, toutes provenues d'un seul grain : nous avons les lettres relatives à cette affaire. L'intendant de Néron lui envoya de même 360 tiges venues d'un seul grain. Les champs de Léontium en Sicile, d'autres campagnes de cette île, la Bétique entière, et surtout l'Égypte, rendent cent pour un. Les froments les plus productifs sont le froment rameux, et celui qu'on appelle à cent grains. On a vu aussi jusqu'à cent fèves sur une seule tige. XXII. 1. Nous avons appelé blés d'été (XVIII, 10) t le sésame, le mil, le panic. Le sésame vient de l'Inde; les Indiens en font aussi de l'huile : la couleur de ce grain est blanche. L'erysimum de l'Asie et de la Grèce ressemble au sésame, et il serait le même s'il n'était plus gras; c'est ce qu'on appelle chez nous irio (XVIII, 10,7) ; il doit plutôt être rangé parmi les médicaments que parmi les céréales. La plante appelée horminum par les Grecs est de même nature, mais elle ressemble au cumin; elle se sème en même temps que le sésame ; aucun animal ne mange l'horminum et l'irio (sisymbrium irio, L.) pendant qu'ils sont verts. XXIII. 1. Tous les grains ne sont pas faciles à piler. En Étrurie on fait rôtir l'épi de far, puis on le pile à l'aide d'un pilon dont le bout est armé de fer, et porte une espèce d'étoile garnie de dents en forme de scie : si on ne se sert pas avec attention de cet instrument, on hache le grain et on brise les dents. La plus grande partie de l'Italie emploie un pilon raboteux, ou bien des roues que l'eau fait tourner, et qui froissent le grain. Je vais rapporter l'opinion de Magon sur le procédé de piler : il veut qu'on humecte d'abord le froment à grande eau, puis qu'on enlève l'écorce avec le pilon ; qu'ensuite on le fasse sécher au soleil, et qu'on le remette sous le pilou. Même procédé pour l'orge : vingt setiers d'orge veulent deux setiers d'eau. Pour la lentille, il faut la faire rôtir d'abord, puis la piler légèrement avec du son, ou bien sur vingt setiers de lentilles on ajoute un morceau de brique crue et un demi-boisseau de sable. 2. L'ervllia (lathyrus cicera, L.) se traite comme la lentille. Quant au sésame, on le macère dans l'eau chaude, on l'étend, puis on le frotte, et on le plonge dans l'eau froide, pour faire surnager les pailles; on l'expose de nouveau au soleil sur des linges; si on n'opère pas rapidement, il prend une couleur terne et moisit. Les grains même qui se mondent se pilent de diverses manières. L'épi pilé seul se nomme acus (paille); il ne sert qu'aux orfèvres (XXXIII, 19 ); mais si on bat l'épi sur l'aire avec le chaume, la paille, comme presque partout, est employée à la nourriture des bêtes de somme. Les résidus du mil, du panic et du sésame nettoyés se nomment apluda, et portent ailleurs d'autres noms. XXIV. 1. La Campanie est particulièrement productive en mil (XVIII, 10), et elle en fait une puis blanche (XVIII, 19). On en fait aussi un pain très savoureux. Les nations sarmatiques se nourrissent principalement de cette bouillie ou même de cette farine crue, en y ajoutant du lait de jument ou du sang tiré des veines de la jambe des chevaux. Les Éthiopiens ne connaissent pas d'autre céréale que le mil et l'orge. XXV. 1. Les Gaules et surtout l'Aquitaine font usage du panic (XVIII, 10); l'Italie Circumpadane y ajoute la fève, sans laquelle on n'y fait rien. Les nations du Pont ne préfèrent aucun aliment au panic. Au reste, les grains d'été aiment mieux les lieux arrosés que les pluies. Le mil et le panic n'aiment pas l'eau quand leurs feuilles poussent. Ou défend de les semer entre les vignes ou les arbres à fruit ; car on pense qu'ils amaigrissent la terre. XXVI. (XI.) 1. Le mil s'emploie principalement pour les levains; pétri avec du moût, il se garde un an. On fait aussi du levain avec le son, fin et très bon, du froment même; on pétrit ce son avec du moût blanc de trois jours, et on le sèche au soleil; on en forme de petits pâtés qu'on délaye pour faire le pain ; on les fait bouillir avec du similago (XVIII, 20, 4 ) de zéa, et ou mêle le tout à la farine; on pense que c'est la manière d'obtenir le meilleur pain. Les Grecs ont établi que pour un boisseau de farine il suffisait de huit onces de levain. Ces espèces de levain ne se font que pendant la vendange. Mais, à la saison qu'on veut, on fait du levain d'orge et d'eau : on en forme des gâteaux du poids de deux livres; on les cuit sur le foyer très chaud, ou dans un plat de terre sur la cendre et la braise, jusqu'à ce qu'ils soient roux; puis on les ferme dans des vases jusqu'à ce qu'ils aigrissent : cela fait un levain qu'on délaye pour s'en servir. 2. Quand on faisait du pain d'orge, il levait avec de la farine d'ers ou de cicercule (XXII, 72); la dose était deux livres pour deux boisseaux et demi. Maintenant le levain se fait avec la farine même : on la pétrit avant d'ajouter le sel, on la cuit jusqu'à consistance de bouillie, et on la laisse jusqu'à ce qu'elle aigrisse. Mais d'ordinaire on ne la fait même pas cuire, et on se borne à employer de la matière gardée de la veille. Il est évident que ce qui fait lever la pâte, c'est une substance acide; il est évident aussi que les personnes qui se nourrissent de pain levé sont plus vigoureuses. Notons que les anciens ont pensé que le froment le plus pesant était le plus sain. XXVII. 1. Il paraît inutile de passer en revue les différentes espèces de pain lui-même : on les dénomme tantôt d'après les mets avec lesquels on les mange, tels que le pain aux huîtres; d'après leur saveur recherchée, tels que les artolagans (pain-gâteau); d'après la promptitude de la préparation, tels que les speustiques (tôt-faits) ; d'après le mode de cuisson, pains de four, de moule, de tourtière. On a même, assez récemment, introduit du pays des Parthes un pain nommé aquatique, parce qu'on étend la pâte avec de l'eau, de manière à le rendre léger et percé de vides comme une éponge; d'autres le nomment Parthique. L'excellence du pain dépend de la bonté du siligo et de la finesse du tamis. Certains le pétrissent avec des oeufs et du lait, et même avec du beurre; invention des nations pacifiées qui appliquent désormais leurs soins aux diverses espèces de boulangerie. Le Picénum garde encore la réputation pour le pain qu'il a découvert, et qui se fait avec l'alica : on fait tremper l'alica pendant neuf jours; le dixième jour on la pétrit, en manière de tracte (sorte de pâte allongée), avec du jus de raisin sec; puis on cuit au four dans des pots de terre qui doivent s'y casser; on ne mange ce pain qu'après l'avoir humecté, ordinairement dans du lait miellé. XXXVIII. 1. Il n'y eut pas de boulangers (pistores) à Rome jusqu'à la guerre de Persée, plus de cinq cent quatre-vingts ans après la fondation de la ville. Les vieux Romains faisaient eux-mêmes leur pain; c'était la besogne des femmes, comme ce l'est encore chez plusieurs nations. Plaute, dans la comédie intitulée Aulularia (acte II, sc. VIII, 4) parle de la tourtière à cuire le pain, artopta. Grand débat à ce sujet entre les érudits, sur la question de savoir si ce vers lui appartient. Il demeure établi, d'après l'avis de A. Attius Capiton, qu'alors les cuisiniers étaient dans l'usage de cuire le pain pour les personnes riches, et qu'on ne donnait le nom de pister, boulanger, qu'a ceux qui pilaient le far. On n'avait pas non plus de cuisiniers parmi ses esclaves, et on les louait au marché. Les Gaulois ont inventé les tamis faits avec le crin du cheval ; les Espagnols, les blutoirs et les tamis faits de lin; l'Égypte, ceux de papyrus et de jonc. XXIX. 1. Mais d:abord parlons de la manière de faire l'alica, préparation excellente et très salubre qui donne incontestablement à l'Italie la palme pour les céréales. On en fait sans doute en Égypte aussi, mais d'une qualité tout à fait inférieure. En Italie, on la prépare dans plusieurs localités, par exemple dans les territoires de Vérone et de Pise; toutefois c'est celle de la Campanie qui est,la plus estimée. Là, au-dessous de montagnes couvertes de nuages, est une plaine qui n'a pas moins de quarante miIle pas. Le terroir ( pour indiquer d'abord la nature du sol ) est poudreux à la superficie, spongieux et poreux comme une pierre ponce à la partie inférieure. Les inconvénients des montagnes tournent à son avantage : 2. en effet, il absorbe et filtre des pluies abondantes, et, ne se laissant pas détremper et convertir en boue, il reste d'une culture facile. Ce terroir ne rend par aucune source l'eau qu'il a reçue, mais il la tempère, il la digère et la renferme en lui-même comme un suc nourricier. On le sème pendant toute l'année, une fois avec du panic, deux fois avec du far; et cependant au printemps ces terres, qui ont eu un moment de repos, donnent des roses plus parfumées que les roses cultivées. Ainsi cette terre ne cesse jamais de produire ; 3. aussi dit-on communément que chez les Campaniens il se fait plus de parfums que d'huile chez les autres. Autant le territoire campanien l'emporte sur tous les autres pays, autant un seul de ses cantons nommé Labour ( III, 9, 8), et par les Grecs Phlégréen, l'emporte sur tout le reste. Le Labour est limité des deux côtés par une voie consulaire : l'une va de Putéoles à Capoue, l'autre de Cumes à Capoue. 4. L'alica se prépare avec la zéa, que nous avons appelée semence (XVIII, 20, 6) : on en pille le grain dans un mortier de bois, de peur qu'il ne s'écrase dans une pierre dure. Celui qui se pile au pilon, travail auquel sont condamnés les esclaves enchaînés, a, comme on sait, plus de réputation; l'extrémité du pilon est garnie d'une capsule de fer. Les enveloppes étant enlevées, on concasse de nouveau avec les mêmes instruments le grain mis à nu. On fait de la sorte trois espèces d'alica : la plus fine, la seconde et la plus grosse, qui est nommée aphaerema. Ces espèces n'ont pas encore la blancheur qui les distingue; cependant déjà on les préfère à l'alica d'Alexandrie. 5. Ensuite, chose singulière, on mêle à l'alica une craie qui s'y incorpore, et qui la rend blanche et tendre. Cette craie se trouve entre Putéoles et Naples, dans une colline appelée Leucogée; et il existe un décret du dieu Auguste pour ordonner qu'on payerait ( il établissait une colonie à Capoue) annuellement de son trésor, pour cette colline, 20,000 sesterces (4,200 fr.) aux Napolitains; et il motiva cette redevance sur ce que les Campaniens avaient déclaré que l'alica ne pouvait pas se préparer sans ce fossile. Dans la même colline on trouve du soufre; et il en jaillit les sources Oraxes, bonnes pour éclaircir la vue, guérir les plaies et affermir les dents. 6. L'alica fausse se fait surtout avec une zéa qui dégénère en Afrique; les épis en sont plus larges, plus noirs, et la paille est courte. On pile ce grain avec du sable; et, malgré cela, c'est avec difficulté qu'on en ôte les utricules, et, mis à nu, il ne remplit plus que la moitié de la mesure ; ensuite on y ajoute un quart de plâtre; et quand ce plâtre y est bien incorporé, on tamise le tout dans un tamis à farine. L'alica qui reste sur le tamis se nomme exceptice, et est la plus grosse. Celle qui a passé est tamisée de nouveau avec un tamis plus serré, et elle se nomme alica seconde. Enfin on donne le nom de cribraria à l'alica qui, à son tour, reste sur un tamis très serré et ne laissant passer que le sable. Il y a un autre moyen d'en fabriquer partout : on trie les grains les plus blancs et les plus gros du froment; on les fait cuire à demi dans des pots de terre, puis on les fait sécher au soleil jusqu'à ce qu'ils reviennent à leur premier état; enfin on les brise sous la meule, après les avoir légèrement arrosés. Le graneum de zéa est plus beau que celui de froment, quoique ce ne soit toujours qu'une fausse alica; on le blanchit en y mêlant, au lieu de craie, du lait bouilli. XXX. (XII.) 1. Vient l'histoire des légumes, t parmi lesquels le principal honneur appartient à la fève, puisqu'on a même essayé d'en faire du pain. La farine de fève se nomme lomentum, et, comme celle de tous les légumes, elle rend plus pesant le pain où on la mêle. La fève se vend pour des usages multiples, pour la nourriture des quadrupèdes, et surtout pour celle de l'homme. On la mêle aussi, chez la plupart des nations, au froment et particulièrement au panic (XVIII, 25), entière ou concassée légèrement. Dans les rites antiques, la bouillie de fève a son rôle religieux en l'honneur des dieux. La fève se mange généralement en bouillie; on pense qu'elle engourdit les sens, et qu'elle produit des songes illusoires. 2. Pythagore en condamne l'usage pour cette raison; mais, suivant d'autres, parce que les anses des morts sont dans les fèves. C'est cette dernière opinion qui fait qu'on en prend dans les Parentales (repas funèbres). D'après Varron, le flamine n'en mange pas pour la même cause, et aussi parce qu'on trouve dans la fleur de la fève des lettres lugubres. Les fèves sont l'objet d'une cérémonie religieuse spéciale : l'usage est de rapporter des moissons pour l'auspice une fève qui, pour cela, est appelée referiva (rapportée). On pense aussi qu'il est lucratif de s'en servir dans les enchères publiques. Toujours est-il que, seule de tous les grains, la fève, même rongée, se remplit au croissant de la lune. Elle ne cuit pas complètement dans de l'eau de mer s ou dans toute autre eau salée. 3. Elle se sème avant le coucher des Pléiades, et le premier de tous les légumes, afin que l'hiver passe dessus. Virgile (Géorg., I, 215) prescrit de la semer pendant le printemps, suivant l'usage de l'Italie Circumpadane. Mais la plupart des agriculteurs préfèrent les fèves semées de bonne heure aux fèves de trois mois; eu effet, les gousses et les tiges des premières sont un fourrage très agréable pour le bétail. La fève demande de l'eau surtout pendant la floraison; elle en désire peu quand la fleur est passée. 4. Elle fertilise, comme de l'engrais, le sol où elle a été semée. Aussi, dans la Macédoine et la Thessalie, on retourne le sol quand elle commence à fleurir. Elle vient spontanément dans la plupart des localités, par exemple dans les îles de l'Océan septentrional que pour cette raison les Romains nomment Fabaries (IV, 17 ); elle vient aussi à l'état sauvage dans la Mauritanie, mais elle est très dure et ne cuit pas. 5. L'Égypte produit une fève qui vient sur une tige épineuse; aussi les crocodiles l'évitent, craignant pour leurs yeux. La tige est longue de quatre coudées, elle est très grosse; elle n'a point de noeuds, et elle est tendre. La tête en est semblable à celle du pavot, et couleur de rose; elle renferme des fèves, dont le nombre ne dépasse pas trente. Les feuilles sont larges. Le fruit lui-même est amer et odorant; mais la racine constitue un mets excellent pour les habitants, soit crue, soit cuite; elle ressemble à celle des roseaux. Cette plante croît aussi en Syrie, en Cilicie et sur les bords du Toron, lac de la Chalcide (nymphaea nelumbo, L.). XXXI. 1. Parmi les légumes on sème au mois de novembre la lentille, et en Grèce le pois. La lentille aime un sol plutôt léger que gras, et en général un temps sec. Il y eu a deux espèces en Égypte : l'une plus ronde et plus noire, l'autre ayant la forme de la lentille ordinaire. Le nom de ce légume a, par un usage métaphorique, passé aux taches lenticulaires de la face. Je trouve dans les auteurs que les lentilles donnent l'égalité d'humeur à ceux qui en mangent. Les pois doivent être semés dans des lieux bien exposés, attendu qu'ils supportent très mal le froid; aussi, en Italie et sous les climats un peu rudes, on ne les sème qu'au printemps, dans une terre meuble et légère. XXXII. 1. Le pois chiche est naturellement salé; aussi brûle-t-il le sol, et il ne faut le semer qu'après l'avoir humecté la veille. Il présente plusieurs différences pour la grosseur, la forme, la couleur et le goût. Une espèce ressemble à une tête de bélier (aries), et a pris de là le nom d'ariétin : dans cette espèce il y en a de blancs et de noirs. On distingue encore le pois chiche colombin, que d'autres appellent pois chiche de Vénus : il est blanc, rond, léger, plus petit que l'ariétin; la religion en fait usage aux veillées de Vénus. La cicercula (lathyrus sativus, L.) est aussi un menu-pois, chiche, Inégal, anguleux comme le pois. Les pois chiches les plus savoureux sont ceux qui ressemblent le plus à l'ers; les noirs et les roux sont plus fermes que les blancs. XXXIII. 1. Le pois chiche a les gousses rondes, tandis que les autres légumes les ont allongées et aplaties, comme la graine qu'elles renferment; elles sont cylindriques dans le pois. Celles des phaséoles (XVI, 92) (haricots) se mangent avec le pois même. On peut semer ces derniers, n'importe dans quelle terre, depuis les ides d'octobre (15 octobre) jusqu'aux calendes de novembre (1er novembre ). Il faut cueillir les légumes dès qu'ils ont commencé à mûrir, car ils tombent promptement d'eux-mêmes; et quand ils sont tombés, Ils se cachent dans la terre : tel est le lupin, par exemple. Mais, avant de passer au lupin, parlons d'abord des raves (brassica rapa, L.) XXXIV. (XIII.) 1. Les auteurs latins en ont traité en passant, les auteurs grecs avec un peu plus d'exactitude; toutefois ils les ont, eux aussi, rangées parmi les plantes potagères : mais si l'on veut suivre un ordre convenable, il faut en parler immédiatement après le blé ou du moins après la fève, parce que, après ces deux productions, aucun légume n'est d'un meilleur usage. Remarquons d'abord que tous les animaux en mangent. La rave n'est pas l'aliment le moins nourrissant à la campagne pour les volailles elles-mêmes, surtout cuite dans l'eau. Les quadrupèdes en aiment aussi la feuille. Les hommes, dans la saison convenable, n'estiment pas moins les tendrons de rave que ceux de chou; devenus jaunes et tués dans les greniers, ils sont même plus recherchés que verts. Quant aux raves, elles se conservent laissées en terre, et puis, si on les fait sécher, elles se gardent presque jusqu'à la récolte suivante, et offrent une ressource en cas de disette. 2. Après le vin et le blé, c'est la meilleure récolte dans l'Italie transpadane. La rave n'est pas difficile pour le terrain; elle vient là où, pour ainsi dire, on ne pourrait semer rien autre chose. Le brouillard, le givre, le froid l'alimentent spontanément, et elle atteint une grosseur merveilleuse. J'en ai vu qui passaient quarante livres. Pour la table nous les apprêtons de plusieurs manières. Elles se conservent jusqu'aux raves nouvelles, confites dans de la moutarde. On leur donne, outre leur couleur naturelle, six couleurs, parmi lesquelles est la couleur de pourpre : c'est le seul aliment que l'on teigne. 3. Les Grecs ont distingué deux premières espèces, la rave mâle et la rave femelle. La différence provient du mode de semer, mais la graine est la même; semée serrée ou dans une terre difficile, la rave vient mâle. La graine est d'autant meilleure qu'elle est plus petite. Il y a trois espèces de raves : la première est large, la seconde est arrondie, la troisième est appelée sauvage; elle a une racine allongée, de la ressemblance avec le raifort, la feuille anguleuse et rude, un suc âcre qui, recueilli vers le temps de la moisson et mêlé à du lait de femme, purge les yeux et éclaircit la vue. On pense que le froid rend les raves plus douces et plus grosses. La chaleur les fait pousser en feuilles. Les plus estimées sont celles qui viennent dans le territoire de Nursia; elles se vendent un sesterce (21 cent.) la livre, et deux quand elles sont rares; les meilleures ensuite sont celles du mont Algide. XXXV. 1. Les navets d'Amiterne, dont la nature est presque la même, aiment également les localités froides. Ils se sèment avant les calendes de mars (1er mars), quatre setiers (2 litr., 16) dans un jugère (25 ares). Les cultivateurs soigneux recommandent de semer le navet après cinq labours, la rave après quatre, l'un et l'autre dans un terrain fumé; ils disent que la rave vient mieux, semée avec de la paille. Ils veulent qu'on sème nu, en disant : Je sème pour moi et mes voisins. Le vrai temps de semer les raves et les navets est entre les fêtes des deux divinités Neptune (le 23 juillet) et Vulcain (23 août). On prétend, et c'est une observation subtile, que ces légumes réussissent d'une manière étonnante, si on les sème autant de jours après les fêtes de Neptune que la lune en avait au moment de la première neige de l'hiver précédent. On les sème aussi au printemps dans les lieux chauds et humides. XXXVI. (XIV.) 1. Le lupin est ensuite le légume dont on fait le plus d'usage; car il sert à la nourriture et de l'homme et des quadrupèdes qui ont un sabot. Pour empêcher qu'il ne tombe de la gousse et n'échappe à la main qui le recueille, il faut le récolter après une pluie. De tous les grains qu'on sème, nul n'est d'une nature plus merveilleuse et plus favorisée par la terre. D'abord il suit quotidiennement le soleil dans sa révolution et indique les heures aux laboureurs, même par un temps couvert; en outre il fleurit trois fois; il aime la terre, ne veut pas être couvert par la terre, et c'est le seul qu'on sème sans labourer le sol. 2. Il recherche surtout les lieux sablonneux, secs, et même couverts de gravier. Il ne veut aucune culture; il aime tellement la terre, que, bien que jeté sur un sol couvert de broussailles, au milieu des feuilles et des ronces, il atteint néanmoins le sol par sa racine. Nous avons dit (XVII, 6, 7) qu'il engraisse les champs et les vignobles où on le sème : bien loin d'avoir besoin de fumier, il tient lieu du meilleur engrais. Seul il n'exige aucune dépense, et pour le semer il n'est pas même besoin de l'apporter : il se ressème aussitôt dans le champ d'où il provient, et il ne demande pas même à être répandu sur le terrain, car il tombe spontanément. On le sème le premier de tous, on le récolte le dernier. 3. Ces deux opérations se font généralement dans le mois de septembre; car si on ne prévient pas l'hiver, il souffre des froids. Si des pluies ne viennent pas immédiatement le recouvrir de terre, on le laisse impunément abandonné sur le sol, aucun animal n'y touchant à cause de son amertume. Toutefois on le sème généralement dans un sillon peu profond, et on le recouvre. Parmi les terres fortes, il aime surtout la rouge. Pour engraisser cette terre, il faut retourner le lupin après la troisième floraison, dans une terre sablonneuse après la seconde. 4. Il ne hait que les terrains crayeux et fangeux, et il n'y vient pas : macéré dans de l'eau chaude, les hommes même le mangent. Un boisseau rassasie un bœuf, et lui donne de la force; mis sur le ventre des enfants, il sert de remède. Il est bon de le passer à la fumée ; car, en lieu humide, de petits vers en rongent le germe, et le rendent inutile pour la reproduction. S'il a été mangé en herbe par le bétail, il faut aussitôt l'enfouir par un labourage. XXXVII. (XV.) 1. La vesce engraisse aussi les champs, et la culture n'en est pas pénible. Semée après un seul labour, on ne la sarcle pas, on ne la fume pas; il faut seulement la herser. II y a trois époques pour la semer : vers le coucher d'Arcturus (XVIII, 74), pour la faire manger en herbe au mois de décembre; c'est la meilleure époque pour avoir la graine, car, bien que broutée, elle rapporte. La seconde époque est au mois de janvier, la dernière au mois de mars; c'est celle où la vesce donne le plus de fourrage. De tous les grains, c'est celui qui aime le mieux la sécheresse; néanmoins, Il ne dédaigne pas non plus les lieux ombragés. La graine de la vesce, si on la récolte mûre, donne une paille préférable aux autres. La vesce, si on la sème dans un vignoble sur hautain, enlève la substance aux vignes, et les fait languir. XXXVIII. 1. La culture de l'ers n'est pas non plus pénible; il faut, de plus que pour la vesce, le sarcler; Il est rangé aussi au nombre des médicaments (XXII, 73) : le dieu Auguste a été guéri par l'ers, ses lettres en font foi. Cinq boisseaux suffisent pour ensemencer autant de terre qu'une paire de boeufs en laboure en un jour. Semé au mois de mars, on dit qu'il est nuisible aux boeufs; semé en automne, il leur rend la tête pesante; mais, semé au commencement du printemps, il ne cause aucun mal. XXXIX. (XVI.) 1. La Bifide, c'est-à-dire le fenugrec, se sème après un grattage, dans un sillon qui n'a pas plus de quatre doigts de profondeur; moins on donne de soin à la culture de cette plante, mieux elle vient. II est singulier de trouver quelque chose qui profite par la négligence. Ce qu'on nomme seigle et fourrage ne demande qu'à être hersé. XL. 1. Le seigle est appelé asia parles Taurins au pied des Alpes; très mauvais blé, qui ne sert qu'à écarter la faim. Il est productif, mais ale chaume grêle; il est d'une couleur triste et foncée, mais très pesant. On y male du far pour en adoucir l'amertume; malgré ce mélange, il est très désagréable à l'estomac; il vient dans toute espèce de sol, et rend cent pour un; il sert aussi d'engrais. XLI. 1. Le fourrage (XVIII, 10, 1) se sème très- t serré avec les rebuts du far; on y mêle quelquefois de la vesce ; on le fait en Afrique avec l'orge. Tout cela est destiné à la nourriture des animaux, ainsi qu'un légume abâtardi appelé cracca (vicia villosa, L.), et si aimé des pigeons, qu'ils ne désertent pas, dit-on, le colombier où on leur en donne. XLII. 1. Chez les anciens était une espèce de fourrage que Caton nomme ocynum ; ils s'en servaient pour arrêter la diarrhée des boeufs. Il se composait de plantes fourragères, coupées vertes avant les gelées. Surs Mamilius s'explique autrement; et il dit que dix boisseaux de fèves, deux de vesce, deux d'ervilia (lathyrus cicera), se sèment, mélangés, à l'automne dans un jugère (25 ares); qu'il est encore mieux d'y mêler l'avoine grecque, dont la graine ne tombe pas; que c'est ce qu'on nomme ocynum, et que cela se sème d'ordinaire pour les boeufs. D'après Varron, l'ocynum a reçu ce nom à cause de sa rapidité à pousser, du mot grec ὠκέως, rapidement. XLIII. 1. La luzerne est étrangère même à la Grèce, où elle a été importée lors des guerres des Perses, dans l'invasion faite par l'ordre de Darius ; mais il faut en parler peut-être au premier rang, tant la qualité en est grande : un seul semis dure plus de trente ans. Elle ressemble au trèfle; la tige et les feuilles sont articulées'; plus elle monte en tige, plus les feuilles se rétrécissent. Amphiloque a écrit un livre entier sur cette plante et sur le cytise, traitant des deux à la fois. 2. Le sol où on veut la semer, épierré et nettoyé, reçoit une façon en automne; puis on le laboure et on le herse; on y fait passer la herse jusqu'à trois fois, à cinq jours d'intervalle, et en ajoutant du fumier. La luzerne veut un terrain non arrosé et plein de suc, ou un terrain arrosé. Le sol ainsi préparé, on la sème en mai; autrement elle craindrait les gelées. Il est nécessaire de semer serré pour remplir tout le terrain, et exclure les herbes qui naîtraient dans les interstices. On obtient ce résultat avec vingt boisseaux par jugère (25 ares). Il faut, pour que le soleil ne brûle pas la graine, la remuer aussitôt, et la recouvrir de terre. Si le sol est humide et fécond en herbes, la luzerne est vaincue, et vous n'avez plus qu'un pré. 3. Aussi faut-il tout d'abord la débarrasser, dès qu'elle a un doigt de haut, de toutes les herbes, avec la main plutôt qu'avec le sarcloir. On la coupe quand elle commence à fleurir, et toutes les fois qu'elle a refleuri. Cela se renouvelle six fois par an, quatre fois au moins. Il faut l'empêcher de grener, parce que le fourrage en est meilleur jusqu'à trois ans. Au printemps, on doit la sarcler et la débarrasser des autres herbes. A trois ans il faut la racler à rez terre avec les marres : cette opération tue les autres herbes sans l'endommager, à cause de la profondeur de ses racines. 4. Si les herbes prennent le dessus, l'unique remède est de labourer, retournant plusieurs fois le sol, jusqu'à ce que toutes les autres racines meurent. Il ne faut pas donner la luzerne jusqu'à satiété, de peur qu'il ne soit nécessaire de pratiquer des déplétions sanguines. Verte, elle est plus avantageuse; en séchant elle devient ligneuse, et finalement elle se réduit en une poussière inutile. Quant au cytise (XIII, 47 ), rangé aussi au premier rang parmi les meilleurs fourrages, nous en avons suffisamment parlé à propos des arbrisseaux. Et maintenant il faut achever l'histoire de toutes les céréales, et parler des maladies qui font une partie de cette histoire. XLIV. (XVII.) 1. La première de toutes les maladies du blé est l'avoine; l'orge aussi dégénère en avoine, et à son tour l'avoine devient un équivalent du blé: en effet, les peuples de la Germanie en sèment, et ils ne se nourrissent que de la bouillie de ce grain. Cette dégénération est due surtout à l'humidité du sol et du climat. La seconde cause est la faiblesse de la semence, qui est trop longtemps retenue par la terre avant d'en pouvoir sortir. Il en est de même quand le grain qu'on sème est piqué : cela se reconnaît dès que le grain commence à lever, ce qui prouve que la cause est dans la racine. Il y a encore une autre altération qui se rapproche de l'avoine : c'est quand les grains, étant déjà développés en grosseur, mais non encore mûrs, sont frappés, avant que l'intérieur prenne de la force, par un souffle nuisible, et, vides, s'évanouissent dans l'épi par une sorte d'avortement. 2. Les vents, à trois époques, font du mal au blé et à l'orge : dans la fleur, ou immédiatement après la fleur passée, ou quand ils commencent à mûrir. Dans le dernier cas, ils épuisent le grain ; dans les deux premiers, ils l'empêchent de naître. De fréquents coups de soleil du milieu des nuages nuisent aussi. Il naît encore des vermisseaux dans la racine, quand, des pluies ayant suivi les semailles, une chaleur soudaine a renfermé l'humidité dans le sol. Il s'en produit aussi dans le grain, quand l'épi s'échauffe par des chaleurs survenues après des pluies. 3. Il est en outre un petit scarabée, nommé cantharis, qui ronge les blés. Tous ces animaux meurent quand la nourriture leur manque. L'huile, la poix, la graisse, sont nuisibles aux semences, et il faut se garder de semer des graines qui auraient été en contact avec ces substances. La pluie n'est utile qu'aux grains en herbe; elle nuit au blé et à l'orge pendant la fleur; elle ne fait aucun mal aux légumes, si ce n'est au pois chiche. Les blés qui commencent à mûrir souffrent de la pluie, l'orge plus que les autres. Je mentionnerai aussi une herbe blanche, semblable au panic, qui 'croit dans les champs, et qui est mortelle aux bestiaux ; 4. car-je rangerai plutôt parmi les maladies des céréales que parmi les Réaux de 'la terre même. l'ivraie, le tribulus (XXI, 58), le chardon, la lappa (gratteron, galium aparine, L.), ainsi que les ronces. La rouille (nielle), maladie des céréales et des vignes due à l'intempérie des saisons, est plus nuisible qu'aucune autre; elle est très fréquente dans les localités où la rosée est abondante, dans les vallées qui ne sont pas balayées par les vents; au contraire, les lieux ex posés aux vents et élevés en sont exempts. Parmi les maladies des moissons est aussi l'exubérance, quand et les versent accablées par le poids de leur fécondité. La chenille est une maladie commune à toutes les espèces, même au pois chiche, quand la pluie, ayant enlevé la salure qui lui est naturelle, l'a rendu plus doux (XVIII, 32 ). 5. Il est une herbe qui tue le pois chiche et l'ers, en s'enroulant autour; on la nomme orobanche (lathyrus aphaca, L.). L'ivraie en fait autant au blé; la plante dite aegilops (aegilops ovata, L.), à l'orge; la securidaca (coronilla securidaca, L.), nommée pour sa ressemblance pelecinon (hache) par les Grecs, à la lentille. Ces plantes tuent en s'enroulant: Près de Philippes est une herbe nommée atéramnon dans un sol gras, téramnon dans un sol maigre, et qui tue la fève quand, mouillée, celle-ci a reçu le souffle d'un certain vent. 6. Le grain de l'ivraie, très petit, est renfermé en une enveloppe piquante; dans le pain, il cause très promptement des vertiges; et on dit qu'en Asie et en Grèce les baigneurs, s'ils veulent chasser la foule, jettent cette graine sur des charbons ardents. Le phalangion (XI, 28), petite espèce d'araignée, naît dans l'ers, quand l'hiver a été humide. Des limaces naissent dans la vesce; et quelquefois il sort de terre de petits limaçons qui rongent ce légume d'une manière étonnante. Tel-les sont à peu près les maladies. XLV. 1. Le remède, tant que les céréales sont en herbe, est dans le sarcloir, et, quand on jette la semence, dans la cendre. Quant aux maladies qui existent dans la semence et dans la racine, on s'en garde par les précautions prises avant de semer. On pense que les semences arrosées préalablement de vin sont moins exposées aux maladies. Virgile (Georg., I, 193) recommande d'arroser la fève avec du nitre et du marc d'olive; il promet que par ce moyen elle sera plus grosse; d'autres croient que le meilleur moyen d'en augmenter le développement est de la faire macérer dans de l'urine et de l'eau trois jours avant de-la semer; on dit que, trois fois sarclée, elle rend un boisseau de fèves mondées pour un boisseau de fèves entières; 2. que les autres semences ne sont pas exposées aux vers, mêlées avec des feuilles de cyprès pilées, ou semées pendant l'interlune. Plusieurs, pour défendre le mil, recommandent de porter autour du champ, avant de le sarcler, une grenouille buissonnière, et de l'enfouir au milieu, enfermée dans un vase de terre; que par ce moyen les moineaux ni les vers ne font de mal; mais qu'il faut la déterrer avant de le moissonner, qu'autrement le mil devient amer. On prétend même que les semences touchées avec l'épaule d'une taupe sont plus productives. 3. Démocrite veut qu'avec le suc de la plante nommée aïzoon (XXV, 102), qui vient sur les tulles ou sur les charpentes, et dont le nom latin est sédum ou digitellum, on humecte toutes les graines qu'on va semer. Lorsque la douceur du terroir nuit et que des vers s'attachent aux racines, le remède vulgaire est d'arroser avec de la lie d'huile sans sel, puis de sarcler; si la récolte a commencé à se nouer, de sarcler, de peur que les mauvaises herbes ne prennent le dessus. Les bandes d'étourneaux et de moineaux, fléau peur le mil et le panic, sont chassées (cela est à ma connaissance) par une herbe dont le nom est inconnu, et qu'on enfouit aux quatre coins du champ : chose singulière, il n'y entre absolument aucun oiseau. 4. Les rats sont chassés par la cendre de belette ou de chat délayée et jetée sur la semence, ou par l'eau où on a fait bouillir une belette ou un chat; mais l'odeur de ces animaux se fait sentir même dans le pain aussi regarde-t-on comme plus avantageux de tremper les semences dans du fiel de boeuf. La rouille (nielle), le plus grand fléau des moissons, passe, si l'on fiche des branches de laurier dans un champ, du champ dans les feuilles du laurier. L'exubérance des moissons est réprimée par la dent du bétail, mais seulement quand elles sont en herbe; broutées même plusieurs fois, l'épi n'en ressent aucun dommage ; tandis que tondues une seule fois, cela est certain, elles produisent un grain qui est plus long, mais qui est vide et inutile, et qui, semé, ne vient pas. 5. Pourtant dans la Babylonie on coupe les blés deux fois, et la troisième on les fait brouter; autrement ils ne donneraient que des feuilles. De cette façon ce sol fertile rend cinquante pour un, et même aux plus diligents cent pour un. La culture n'en est pas difficile; il veut être arrosé le plus longtemps possible,. afin que cette fécondité grasse et dense soit détrempée. Il est vrai que l'Euphrate et le Tigre n'apportent pas du limon comme fait le Nil en Égypte, et que la terre elle-même n'engendre pas d'herbe; cependant telle en est la fertilité, que, les moissons ayant été foulées et les graines enfoncées par les pieds dans la terre, une récolte repousse d'elle-même l'année suivante. Une si. grande différence entre les terroirs m'avertit de spécifier à quel sol convient chaque espèce. XLVI. 1. Voici l'opinion de Caton (De re rust VI) : « Dans une terre épaisse et féconde, semer du blé; si elle est sujette aux brouillards, du raifort, du mil, du panic. Il faut semer plus têt (Ib., XXXIV) dans une terre froide et humide, plus tard dans une terre chaude. Dans une terre rouge, ou noire, ou graveleuse, pourvu qu'elle ne soit pas aqueuse, semer le lupin; dans un terrain crayeux et dans la terre rouge, si le sol est bien arrosé, le far; dans un terrain sec, exempt d'herbes et non ombragé, le blé; dans un sol fort, la fève (Ib., XXV) ; la vesce, dans un terrain aussi exempt que possible d'eau et d'herbe; 2. le siligo et le blé, dans un lieu ouvert, élevé, et que le soleil échauffe aussi longtemps que possible; la lentille, dans une terre plantée d'arbrisseaux, rouge, mais sans herbe;f orge, dans une jachère, et dans un, champ qui puisse produire l'année suivante; l'orge de trois mois, dans un terrain où vous ne pourriez faire mûrir le blé, et assez fort pour porter deux ans de suite." Voici encore une opinion sage : Dans une terre légère semez ce qui ne demande pas beaucoup de substance, comme le cityse, et, le pois chiche excepté, les légumes qu'on ne coupe pas, mais qu'on arrache de terre. La dénomination de légumes vient de cette manière de les cueillir, légère. 3. Dans une terre grasse semez ce qui demande plus de substance, le chou, le blé, le siligo, le lin. Ainsi on assignera à l'orge un sol léger, car la racine de cette plante demande moins d'aliment. Pour le blé il faut une terre plus maniable et plus dense. Le far dans un lieu bas se sèmera de préférence au blé ; le blé et l'orge, dans un lieu tempéré, Les coteaux produisent du blé plus fort, mais en moindre quantité. Le far et le siligo se mettent dans un sol crayeux et humide. (XVIII ) Les céréales ont présenté une seule fois un prodige (du moins je n'en ai trouvé qu'un) sous le consulat de P. Aelius et de Cn. Cornélius, année où Annibal fut vaincu (an de Rome 553) : on rapporte que du blé naquit alors sur des arbres. XLVII. 1. Après avoir suffisamment parlé des espèces de grains et de sols, nous allons parler maintenant des manières de labourer, rappelant avant tout les facilités propres à l'Égypte. Le Nil, remplissant les fonctions de cultivateur, commence à déborder, comme nous l'avons dit (V, 10 ), au solstice d'été et à la nouvelle lune, lentement d'abord, puis avec plus d'impétuosité, tant que le soleil est dans le signe du Lion. Puis il se ralentit, le soleil ayant passé au signe de la Vierge ; et il rentre dans son lit quand cet astre est dans la Balance. S'il n'a pas dépassé douze coudées, la famine est certaine; elle ne l'est pas moins, s'il a dépassé seize coudées. En effet, il décroît d'autant plus lentement qu'il a crû avec plus d'abondance, et il empêche les semailles. 2. On pensait vulgairement que les Égyptiens, semant aussitôt après le retrait des eaux, faisaient passer des porcs, qui par leur piétinement enfonçaient les semences dans un sol humide; et je pense que jadis cela s'est fait ainsi. Aujourd'hui encore le travail n'est pas beaucoup plus pénible : cependant il est certain qu'on enterre avec la charrue les semences jetées d'abord sur le limon laissé par le fleuve, c'est-à-dire au commences ment du mois de novembre ; puis un petit nombre sarclent les mauvaises herbes, ce qu'on nomme herborisation (botanismos). Les autres ne visitent plus les champs qu'avec la faucille, un peu avant les calendes d'avril (1er avril ). La moisson se termine en mai : le chaume n'a jamais une coudée, car le fond est du sable; et le grain n'est alimenté que par le limon déposé. 3. Le blé de la Thébaïde a la prééminence, parce que la basse Égypte est marécageuse. Même procédé, mais avec plus d'avantage encore, à Séleucie de la Babylonie, à l'aide des inondations de l'Euphrate et du Tigre, attendu que là l'irrigation est dispensée par la main des habitants. La Syrie aussi laboure légèrement, taudis qu'en beaucoup de lieux de l'Italie une seule charrue essouffle huit boeufs. Toutes les opérations agricoles, et surtout celle-là, sont régies par l'oracle : Consultez ce que supporte chaque terroir. XLVIII. 1. Il y a plusieurs espèces de socs. On nomme coutre le fer qui, coupant la terre dure avant qu'elle soit profondément entamée, trace d'avance par ses incisions les sillons futurs que le soc renversé doit ouvrir en labourant. Une autre espèce (c'est le soc commun) est un levier terminé par un bec. La troisième espèce, employée dans un terroir facile, ne s'étend pas sur toute la longueur du bois, mais n'offre qu'une pointe exiguë, à l'extrémité. Cette pointe est plus large dans la quatrième espèce, où elle est façonnée en instrument tranchant; et le même instrument ouvre le sol, et coupe par ses côtés les racines des herbes. 2. On a imaginé, il n'y a pas longtemps, dans la Rhétie de la Gaule, d'ajouter deux petites roues à la charrue, qu'ils nomment alors planarati ; la pointe du soc a la figure d'une pelle; on ne s'en sert que dans des terres cultivées, et qui sortent presque d'être en jachère. Le soc large retourne les mottes. On jette aussitôt la semence, et l'on trahie dessus des herses. Les terres ainsi ensemencées n'ont pas besoin d'être sarclées. On laboure de la sorte avec un attelage de deux ou trois paires de boeufs. Une estimation convenable porte à quarante jugères (10 hectares) dans un sol facile, et à trente dans un sol difficile, ce que peut labourer par an une paire de boeufs. XLIX. (XIX.) 1. En labourant, il faut grandement suivre l'oracle de Caton (De re rust., LXI) : Quelle est la première chose? Bien cultiver. Quelle est la seconde? Bien labourer. Quelle est la troisième? Fumer. Ne labourez pas une terre inégale (humide en dessus, sèche en dessous). Labourez en temps convenable. Dans les lieux chauds, il faut ouvrir le sol à partir du solstice d'hiver; dans les lieux froids, à partir de l'équinoxe du printemps; et plus tôt dans nue contrée sèche que dans une contrée humide; plus tôt dans une terre forte que dans une terre meuble, dans une terre grasse que dans une terre maigre. Là où les étés sont secs et brûlants, et la terre crayeuse ou légère, il est plus avantageux de labourer entre le solstice d'été et l'équinoxe d'automne; là où les chaleurs sont légères, les pluies fréquentes, le sol gras et herbeux, de labourer pendant les chaleurs. Il convient encore de labourer en hiver un sol profond et pesant, un sol très léger et sec peu avant le temps des semailles. 2. Le labourage a aussi ses règles : Ne touchez pas à la terre quand elle est boueuse. Labourez aussi fortement que possible ;,ouvrez la terre avant de labourer. Cette première façon a l'avantage, laissant la motte retournée, de tuer les racines des herbes. Quelques-uns veulent qu'en tout cas on ouvre la terre à partir de l'équinoxe du printemps. Le terrain labouré une fois an printemps se nomme, à cause de l'époque du labour, vervactum. Cela est également nécessaire dans une jachère. On nomme jachère le champ qui se sème de deux années l'une. Les boeufs de labour doivent être attelés d'aussi court que possible, afin qu'ils labourent la tête élevée; c'est de cette façon qu'ils se meurtrissent le moins le col. Si on laboure entre des arbres et des vignes, on musellera les boeufs, pour qu'ils ne broutent pas les pousses tendres. 3. On a une petite hache suspendue à la charrue, pour trancher les racines; cela vaut mieux que de les arracher avec la charrue, et de faire lutter les boeufs contre elles. En labourant, achevez le sillon sans reprendre haleine. Il est de règle de donner le premier labour dans un jour à un jugère (25 ares) à la profondeur de neuf pouces, ou le second labour à un jugère et demi, si le sol est facile; sinon, de donner le premier labour à un demi-jugère, ou le second à un jugère; car la nature a mis des bornes au travail même des animaux. On doit toujours tracer des sillons droits, puis des sillons qui coupent les premiers obliquement. 4. Sur les coteaux on laboure transversalement seulement, mais en détournant le soc tantôt en bas, tantôt en haut. L'homme est tellement laborieux, qu'il remplit même le rôle du boeuf. De fait, sans cet animal des peuples montagnards labourent avec le sarcloir (XVIII, 18;), Le laboureur, s'il ne se tient pas courbé, prévarique (ne laboure pas droit). Ce mot est passé par une métaphore dans le langage du barreau : qu'on se garde donc de la chose là où le mot a été inventé. On nettoiera de temps en temps le soc avec un bâton garni d'une curette. On ne doit pas laisser entre deux sillons des bancs qui n'aient pas été retournés, non plus que des mottes trop grosses. Un champ est mal labouré, quand il faut le herser après les semailles. Une terre n'est bien labourée que quand on ne peut reconnaître en quel sens le soc est allé. Il est d'usage d'interposer, si le terrain le demande, des rigoles, sillons plus larges qui conduisent l'eau dans les fossés. 5. (XX.) Après avoir réitéré le labourage transversal, on brise les mottes, si cela est nécessaire, avec. une claie ou un râteau; et cette opération se renouvelle après les semailles. Cela se fait, quand la coutume le permet, avec une herse plane ou avec une planche attachée à la charrue; cette opération, qui couvre les semences, se nomme lirare : c'est de là que vient le mot de délire. On pense que Virgile (Georg., 1,47 ) a voulu recommander de semer après quatre labours, quand il a dit que le champ qui produisait la meilleure moisson était celui qui avait essuyé deux fois le soleil et deux fois le froid. Il vaut mieux semer après cinq labours dans les terres fortes, comme sont la plupart des terres d'Italie; en Toscane, on va jusqu'à neuf labours. La fève et la vesce se sèment sans inconvénient dans une terre non labourée; c'est autant de travail épargné. 6. Nous n'omettrons pas une méthode de labourer que les dévastations des guerres ont suggérée dans l'Italie transpadane : les Salassiens, ravageant les campagnes situées au pied des Alpes, se jetèrent sur le panic et le mil, qui commençaient déjà à croître; n'en pouvant rien tirer, ils passèrent la charrue dans les champs : la moisson n'en fut que plus abondante ; et ce résultat enseigna ce qu'on appelle maintenant artrare, c'est-à-dire aratrare, qui, je pense, était l'ancien mot (labourer le blé en herbe). Cela se fait quand le chaume commençant à croître a déjà poussé deux ou trois feuilles. Nous ne priverons pas non plus le lecteur d'un fait récent arrivé dans le territoire de Trèves, trois ans avant l'année (an de Rome 830) où j'écris ceci. Les blés ayant été gelés par un hiver très rigoureux, les habitants ensemencèrent de nouveau leurs champs, les binèrent au mois de mars, et eurent une récolte très abondante. Maintenant faisons l'histoire de la culture de chaque espèce de céréale. L. (XXI.) 1. Hersez, binez et sarclez, aux jours I qui seront indiqués (XVIII, 65), le siligo, le far, le blé, la zéa, l'orge. Un seul manoeuvre suffira par jugère (25 ares) pour chaque espèce. Le binage relâche au printemps un sol attristé et endurci par le froid de l'hiver, et ouvre l'accès au soleil renaissant. Celui qui bine doit éviter de déraciner le blé. Il vaut mieux biner deux fois le blé, l'orge, la zéa et la fève. Le sarclage, quand le blé est noué, arrache les herbes inutiles, débarrasse la racine, et dégage la moisson. Parmi les légumes, le pois chiche demande les mêmes opérations que le far. il n'importe guère à la fève d'être sarclée: triomphant des mauvaises herbes, le lupin se sarcle seulement. On herse et l'on bine le mil et le panic; on ne renouvelle pas ces opérations, ou ne sarcle pas. Le fenugrec (XVIII, 39) et le faséole se hersent seulement. 2. Il y a des espèces de terre dont la fécondité oblige de faire passer la moisson en herbe sous le peigne (c'est une espèce de claie armée de dents de fer), et néanmoins il faut aussi y mettre le bétail. Les blés broutés ont besoin ensuite d'être ranimés par le binage. Mais en Bactriane, en Afrique, à Cyrène, toutes ces opérations sont rendues inutiles par la bénignité du climat; et après les semailles on ne va aux champs que pour en rapporter le blé à l'aire. Là, la sécheresse empêche les mauvaises herbes de pousser, et nourrit le blé, qui reçoit les rosées de la nuit. 3. Virgile (Georg., I, 71 ) conseille de laisser reposer la terre de deux années l'une; et cela, si l'étendue du domaine le permet, est sans aucun doute ce qu'il y a de plus utile. Dans le cas où cela n'est pas possible, on ensemencera de far le terrain sur lequel on a récolté du lupin, ou de la vesce on de la fève, ou tout autre grain qui rend la terre plus féconde. Il faut encore noter, remarque des plus importantes, que l'on sème intercurremment certaines plantes en vue d'autres; mais elles ne profitent guère. Nous renvoyons, pour ne pas répéter plusieurs fois la même chose, au livre précédent, où nous en avons parlé (XVII, 7 ); la nature de chaque sol importe ici beaucoup. LI. (XXII.) 1. On rencontre, quand on va aux Syrtes et à Leptis la Grande, une ville d'Afrique au milieu des sables; on la nomme Tacape (XVI, 50). Le sol, qui y est arrosé, jouit d'une fertilité merveilleuse dans un espace d'environ 3,000 pas en tous sens. Une source y coule, abondante, il est vrai, mais dont les eaux se distribuent aux habitants pendant un nombre, fixé d'heures. Là, sous un palmier très élevé, croît un olivier, sous l'olivier un figuier, sous le figuier un grenadier, sous le grenadier une vigne : sous la vigne on sème du blé, puis des légumes, puis des herbes potagères, tous dans la même année, tous s'élevant à l'ombre les uns des autres. 2. Quatre coudées en carré de ce sol, mesurées non les doigts étendus, mais à poing fermé, se vendent 4 deniers (3 fr., 28). Ce qu'il y a de plus étonnant, c'est que la vigne y porte deux fois et se vendange deux fois dans l'année. Si on n'en épuisait pas la fécondité du sol par une production multipliée, chaque récolte y périrait par l'exubérance. Le fait est qu'on y récolte toute l'année quelque chose ; et il est certain que les hommes n'en provoquent pas la fertilité. Au reste, il y a une grande différence entre les eaux pour les irrigations. La province Narbonnaise renferme une source célèbre, nommée Orge : dans cette source naissent des herbes tellement recherchées des boeufs, qu'ils y plongent la tête entière pour les atteindre; mais il est certain que ces herbes n'y croissent qu'autant qu'elles sont alimentées par les pluies. C'est donc à chacun à connaître sa terre et son eau. LII. (XXIII.) 1. Si la terre est de celles que nous avons appelées tendres (XVII, 3), on pourra semer du mil après la récolte de l'orge, de la rave après la récolte du mil; après ces deux récoltes, de l'orge ou du blé, comme en Campanie ; il suffit de labourer une telle terre quand on l'ensemence. Voici un autre ordre : le champ qui a eu du far se reposera pendant les quatre mois d'hiver, puis on y mettra la fève du printemps, qui y demeurera jusqu'à la fève d'hiver ( XVIII, 30, 3 ). Une terre trop grasse peut ne se reposer qu'un an, si, après la récolte du blé, on sème ces légumes la troisième année : une terre maigre doit se reposer deux ans sur trois. Quelques-uns recommandent de ne semer le blé que dans une terre qui s'est reposée l'année précédente. LIII. 1. Ici un point très important est la théorie de l'engrais, dont nous avons aussi parlé dans le livre précédent (XVII, 6). La seule chose qui soit reconnue de tous, c'est qu'il ne faut semer que dans une terre fumée : toutefois il y a là-dessus aussi des règles spéciales. Le mil, le panic, la rave, le navet, ne doivent être semés que dans un terrain fumé. Dans un terrain non fumé, semez plutôt du blé que de l'orge. Il en est de même des jachères : quoiqu'on prescrive d'y semer la fève, toutefois il ne faut la semer que dans un terrain fumé tout récemment. Veut-on semer quelque chose en automne? on enterrera par un labourage le fumier au mois de septembre, après la pluie. Veut-on semer au printemps? on répandra le fumier pendant l'hiver. Il est de règle de mettre dix-huit charretées par jugère (25 ares ); de disséminer le fumier avant qu'il se dessèche, ou après les semailles faites. Si on a omis de fumer à ce moment, le second engrais se fait, avant le binage, avec de la poudre de volière. 2. J'ajouterai, pour régler aussi ce point, qu'une charretée de fumier doit coûter un denier (82 cent.) ; que chaque tête de menu bétail en doit fournir une charretée, et chaque tête de gros, dix charretées : si cela n'est pas, on en conclura que le laboureur a mal fait la litière du bétail. Il en est qui pensent que le meilleur moyeu de fumer un champ est d'y faire parquer les troupeaux renfermés par des rets. Un champ, s'il n'est pas fumé, se refroidit; si on le fume trop, il est brûlé : il vaut mieux fumer souvent qu'avec excès. Il est raisonnable d'ajouter d'autant moins de fumier qu'une terre est plus chaude. LIV. (XXIV.) 1. La meilleure semence est celle d'une année ; celle de deux ans vaut moins, celle de trois, moins encore; au delà, elle est stérile. La règle pour toutes les espèces est donnée par une seule espèce : le blé qui descend au plus bas de l'aire doit être réservé pour semence ; c'est en effet le meilleur, parce que c'est le plus pesant; il n'est pas de moyen plus sûr d'en déterminer la bonté. L'épi qui a des intervalles entre les grains sera rejeté. Le meilleur grain est celui qui a une teinte rouge, et qui, brisé sous la dent, présente cette même teinte; celui qui a plus de blanc à l'Intérieur vaut moins. Il est certain que des terres demandent plus de semence les unes que les autres; et, opinion superstitieuse des laboureurs, ils s'imaginent que ces terres sont affamées et qu'elles mangent la semence. Il est raisonnable d'ensemencer plus tôt les lieux humides, de peur que, la saison des pluies venant, la semence ne pourrisse; plus tard dans les lieux secs, afin que les pluies suivent l'ensemencement, autrement la semence, restant longtemps sans germer, se perdrait. 2. Quand on sème de bonne heure, il faut semer dru, parce que le grain est longtemps à germer ; quand on sème tard, semer clair, parce que le blé trop épais s'étoufferait. Il y a aussi un certain art à jeter également la semence; la main doit s'accorder avec la marche, et toujours avec le pied droit. Il y en a encore qui sèment bien par une prérogative mystérieuse, attendu qu'ils ont la main heureuse et féconde. Il ne faut pas transporter la semence de localités froides dans des localités chaudes, ni de localités précoces dans des localités tardives. Quelques-uns, croyant bien faire, ont donné à tort le précepte contraire. LV. 1. Dans un sol moyen il convient de semer par jugère (25 ares) cinq boisseaux de blé ou de siligo, dix boisseaux de far on de semen (XVIII, 19) (c'est le nom que nous donnons à une espèce de blé), six d'orge, pour la fève un cinquième de, plus que pour le blé, douze boisseaux de vesce, trois boisseaux de pois chiche, de cicercule (lathyrus sativus) et de pois, dix de lupin, trois de lentilles (quant à celles-ci on veut qu'elles soient semées avec du fumier sec), six d'ers, six de fenugrec, quatre de faséoles, vingt de fourrage, quatre setiers de mil et de panic. La quantité est plus grande dans un sol gras, moindre dans un sol maigre. I I y a encore une autre différence : dans un sol fort, ou crayeux, ou humide, six boisseaux de blé ou de siligo; dans un sol meuble (27), sec et fécond, quatre. 2. Un sol maigre, si le blé n'y est pas clair, produit des épis menus et maigres. Les terres grasses donnent des tiges nombreuses d'une seule graine, et avec une semence claire font une moisson épaisse; ainsi, on sèmera entre quatre et six boisseaux, selon la nature du sol. D'autres recommandent d'en semer cinq, ni plus, ni moins. On sème dans un terrain planté ou sur un coteau comme dans un terrain maigre. C'est ici que se rapporte une règle qu'il faut soigneusement observer : Ne faites pas tort à la moisson. Accius, dans le Praxidique, a ajouté qu'il fallait semer quand la lune était dans le Bélier, les Gémeaux, le Lion, la Balance et le Verseau ; Zoroastre, quand le soleil a passé douze degrés du Scorpion, et que la lune est dans le Taureau. LVI. 1. Vient maintenant la question de savoir à quel temps il faut semer les grains, question renvoyée ici, exigeant une grande attention, et dépendant en grande partie de la considération des astres; aussi exposerons-nous d'abord toutes les opinions qui se rattachent à ce sujet. Hésiode, qui, le premier de tous, a donné des préceptes sur l'agriculture, a indiqué une seule époque pour semer : c'est après le coucher des Pléiades. Il écrivait en effet dans la Béotie, province de la Grèce, où, comme nous l'avons dit (XVIII, 10, 8), on sème ainsi. Il est reconnu parmi les auteurs les plus exacts qu'il est pour la terre, comme pour les oiseaux et les quadrupèdes, certains besoins de produire, dont les Grecs fixent l'époque au moment où elle est chaude et humide. 2. Virgile (Georg., I, 208 et 227) recommande de semer le blé et le far après le coucher des Pléiades ; l'orge, entre l'équinoxe d'automne et le solstice d'hiver; la vesce, les faséoles et la lentille, au coucher du Bouvier (XVIII, 74). Aussi importe-t-il de déterminer les jours du lever et du coucher de ces constellations et des autres. Il en est qui prescrivent de semer même avant le coucher des Pléiades, du moins dans une terre sèche et en des pays chauds, disant que la semence se garde, au lieu que l'humidité la gâterait, et qu'elle lève en un seul jour après la première pluie. D'autres disent qu'il faut semer sept jours après le coucher des Pléiades, qui est ordinairement suivi de pluie. Quelques-uns disent de semer dans les terres froides après l'équinoxe d'automne, dans les terres chaudes plus tard, de peur que la pousse ne soit trop active avant l'hiver. 3. Mais il est reconnu de tous qu'il ne faut pas semer vers le solstice d'hiver, par une grande raison : c'est que les blés d'hiver semés avant le solstice lèvent le septième jour, mais, semés après le solstice, ne lèvent guère que le quarantième. Il en est qui se hâtent, et qui répètent que si des semailles hâtives trompent souvent, des semailles tardives trompent 'toujours. Au contraire, d'autres prétendent qu'il vaut mieux semer au printemps qu'en un mauvais automne, et que si l'on est forcé de semer au printemps, on choisira l'époque entre le Favonius (II, 41) et l'équinoxe de mars. 4. Quelques- uns, sans s'occuper des phénomènes célestes, comme étant inutiles, se règlent sur les saisons au printemps, le lin, l'avoine et le pavot, et, comme le font encore les habitants de l'Italie transpadane, jusqu'au temps de la fête de Minerve (le I9 mars); la fève et le siligo, au mois de novembre; le far, à la fin de septembre, jusqu'aux ides d'octobre (15 octobre) ; d'autres, après ce jour jusqu'aux calendes de novembre (1er novembre). Ainsi ces derniers ne se préoccupent aucunement du ciel, tandis que les autres s'en préoccupent trop, et par conséquent subtilisent en aveugles; car il s'agit des affaires de villageois ignorant les lettres, à plus forte raison l'astronomie. 5. Il faut avouer cependant que l'observation céleste joue un grand rôle dans l'agriculture, au point que Virgile (Georg., I, 204) prescrit d'apprendre, avant tout, à connaître les vents et le cours des astres, et de se régler là-dessus non moins que les navigateurs. C'est une tentative difficile et immense que de vouloir unir la science du ciel à l'ignorance rustique (28): cependant il faut l'essayer, en vue du grand avantage qu'y a la société. Toutefois, la difficulté astronomique qu'out éprouvée même les savants doit être mise sous les yeux, afin que l'esprit revienne consolé du ciel, et connaisse au moins les faits, s'il n'a pu les prévoir à l'avance. LVII. (XXV.) 1. Avant tout, le calcul des jours même de l'année et du mouvement solaire est d'une difficulté presque insurmontable. Aux trois cent soixante-cinq jours on ajoute des jours intercalaires, produits de quarts de jour et de nuit ; de là vient qu'on ne peut indiquer des époques fixes pour les astres. Ajoutez une obscurité des choses avouée de tous : tantôt en effet la mauvaise saison, s'annonçant, anticipe même de plusieurs jours, ce que les Grecs appellent προχείμασις (avant-hiver), et la belle saison retarde, ce qui est nommé ἐπιχείμασις (arrière-hiver) : l'effet du ciel tombe sur la terre tantôt plus vite, tantôt plus tardivement; et d'ordinaire c'est quand la sérénité est rétablie que nous entendons dire que l'action de l'astre est accomplie. 2. En outre, car tous ces phénomènes dépendent d'astres réglés et fixés au ciel, le mouvement des étoiles amène intercurremment des grêles, des pluies qui ne sont pas non plus d'une faible action, comme nous l'avons enseigné (XVII, 2), et qui troublent l'ordre espéré. Et ne pensons pas que ces méprises n'arrivent qu'à nous; les autres animaux s'y trompent, bien que plus sagaces que nous sur ce point, vu que leur vie en dépend : l'on voit les oiseaux d'été tués par des froids hâtifs ou tardifs, et les oiseaux d'hiver par des chaleurs hâtives ou tardives. 3. Aussi Virgile (Georg., I, 3 335) recommande-t-il d'étudier encore le cours des astres errants, avertissant d'observer le passage de Saturne, planète froide. Il en est qui regardent comme l'indice le plus sûr du printemps l'apparition des papillons, à cause de la délicatesse de cet insecte. Or, l'année même où nous écrivions ceci (au 830 de Rome), il a été noté que les papillons, ayant éclos, furent détruits à trois reprises par le froid, et que les oiseaux étrangers, ayant apporté l'espérance du printemps avant le 9 des calendes do février (27 janvier), eurent bientôt après à essuyer un hiver très rigoureux. 4. La double difficulté est d'abord d'avoir à demander au ciel la règle de toute chose, puis d'être obligé de contrôler cette règle par des faits apparents. Avant tout signalons la convexité du monde et les différences du globe terrestre, qui font que le même astre se montre à des temps divers suivant les nations, de sorte que l'influence ne s'en fait pas sentir partout aux mêmes jours. La difficulté a été encore accrue par les auteurs qui ont observé en des lieux différents, ou même qui, ayant observé dans les mêmes lieux, ont publié des résultats divergents. Il y a eu trois écoles, la Chaldéenne, l'Égyptienne, la Grecque. Une quatrième a été formée chez nous par le dictateur César, qui ramena l'année à la révolution solaire avec l'aide de Sosigène, astronome habile. 5. Et ce calcul même, où l'on découvrit une erreur, a été corrigé : pendant douze années consécutives on ne fit pas d'intercalation, attendu que l'année, qui auparavant anticipait, maintenant retardait sur les astres. Sosigène lui-même, quoique plus exact que les autres, n'a pas cessé, dans trois mémoires, de témoigner de ses doutes en se corrigeant lui-même. Les auteurs que nous avons indiqués au commencement de ce livre (29) ont révélé ces discordances, l'avis de l'un s'accordant rarement avec l'avis de l'autre. Cela est moins étonnant dans ceux qui s'excuseront par la différence des lieux. Parmi ceux qui dans le même pays sont en désaccord, nous choisirons un exemple de dissidence : Hésiode (car nous avons aussi sous son nom un livre sur les astres) a rapporté que le coucher matinal des Pléiades se faisait au moment de l'équinoxe d'automne; Thalès, qu'il se faisait vingt-cinq jours après cet équinoxe; Anaximandre, vingt-neuf; Euctémon, quarante-huit. 6. Quant à nous, nous suivrons les calculs de César : ils se rapportent spécialement à l'Italie. Toutefois, nous relaterons aussi les opinions des autres; car nous sommes les interprètes, non d'un seul pays, mais de la nature entière. Nous nommerons, non pas les auteurs, ce qui serait trop long, mais les pays. Les lecteurs auront seulement à se souvenir que, pour abréger, sous le nom d'Attique nous entendons aussi les Cyclades; sous celui de Macédoine, la Magnésie et la Thrace; sous celui d'Égypte, la Phénicie, Chypre et la Cilicie; sous celui de Béotie, la Locride, la Phocide et les contrées limitrophes; sous celui d'Hellespont, la Chersonèse et le continent jusqu'au mont Athos; sous celui d'Ionie, l'Asie et les lies Asiatiques; sous celui de Péloponnèse, l'Achaïe et les terres situées à l'occident; la Chaldée indiquera la Syrie et la Babylonie. 7. On ne s'étonnera pas que je passe sous silence l'Afrique, l'Espagne et les Gaules, car personne dans ces contrées n'a laissé d'observations sur le lever des astres. Toutefois, Il ne sera pas difficile de le calculer, même dans ces contrées, en étudiant la disposition des cercles que nous avons présentés dans le sixième livre (VI, 39). Grâce à cette étude, ou connaît les relations astronomiques non seulement des nations, mais encore des villes en particulier: étant donnés les cercles déterminés par l'égalité des ombres, on choisit, dans les terres que nous avons nommées, le cercle qui a rapport à la localité objet du problème, et qui détermine en même temps le lever des astres pour cette localité. 8. Il faut encore remarquer (II, 48) que tous les quatre ans les saisons ont leurs excès; et qu'elles reviennent les mêmes sans grande différence, en raison du soleil; mais que tous les huit ans elles ont un redoublement, à la révolution de la centième lune. LVIII. 1. Tout le système repose sur trois sortes I d'observations : le lever des astres, leur coucher, et le commencement précis des saisons. Le lever et le coucher s'entendent de d eux façons : dans la première les étoiles sont cachées par l'arrivée du soleil et cessent d'être visibles, ou bien elles se montrent quand il est parti : l'usage aurait. mieux dit en appelant ce dernier cas émersion plutôt que lever, et l'autre occultation au lieu de coucher; dans la seconde, les étoiles, à un certain jour, se montrent ou disparaissent, au coucher ou au lever da soleil ; ce qu'on nomme lever et coucher du matin ou du soir, suivant que ce phénomène a lieu le matin ou au crépuscule. II faut au moins un intervalle de trois quarts d'heure avant le lever ou après le coucher du soleil, pour qu'elles soient visibles. En outre, certaines étoiles se lèvent et se couchent deux fois (XVIII, 69). Tout ce que nous disons s'applique aux étoiles fixes. LIX. 1. L'année est divisée en quatre saisons, dont le commencement précis est signalé par des alternatives dans la durée du jour. Le jour croit après le solstice d'hiver, et égale les nuits à l'équinoxe du printemps, au bout de quatre-vingt-dix jours trois heures. Puis il surpasse les nuits jusqu'au solstice d'été pendant quatre-vingt-treize jours douze heures, et de même jusqu'à l'équinoxe d'automne : alors, redevenu égal à la nuit, il décroît jusqu'au solstice d'hiver, pendant quatre-vingt-neuf jours trois heures. Il s'agit, dans tous ces changements, d'heures équinoxiales et non des heures d'un jour quelconque. Les saisons commencent toutes au huitième degré des signes du zodiaque : le solstice d'hiver, au huitième degré du Capricorne, avant le 8 des calendes de janvier (25 décembre) à peu près; l'équinoxe du printemps, au huitième degré du Bélier ; le solstice d'été, au huitième degré de l'Écrevisse ; l'autre équinoxe, au huitième degré de la Balance. Il est rare que ces jours mêmes n'annoncent pas quelque changement de temps. 2. A leur tour ces quatre saisons sont subdivisées chacune en deux parties égales : entre le solstice d'été et l'équinoxe d'automne le coucher de la Lyre indique au quarante-sixième jour le commencement de l'automne ; de l'équinoxe d'automne au solstice d'hiver, le coucher matinal des Pléiades le commencement de l'hiver, au quarante-quatrième jour; du solstice d'hiver à l'équinoxe du printemps, le souffle du Favonius (II, 47) le printemps, au quarante-cinquième jour; après l'équinoxe du printemps, le lever matinal des Pléiades le commencement de l'été, au quarante-huitième jour. Nous commencerons par les semailles du blé, c'est-à-dire par le coucher matinal des Pléiades ; la mention des petites constellations ne ferait qu'interrompre nos explications et augmenter la difficulté; et, vers la même époque, la constellation orageuse d'Orion se couche, après avoir parcouru un long espace. LX. 1. La plupart avancent le temps des semailles, et sèment le onzième jour de l'équinoxe d'automne, à l'époque du lever de la Couronne, où l'on peut compter d'une manière presque certaine sur plusieurs jours de pluie de suite; Xénophon (Oecon., p. 860) veut qu'on ne sème pas avant que la Divinité en ait donné le signal, c'est-à-dire, d'après l'interprétation de Cicéron, avant les pluies de novembre. De fait, la règle véritable est de ne pas semer avant que les feuilles aient commencé à tomber. Quelques-uns pensent que cela arrive au coucher même des Pléiades, avant le 3 des ides de novembre (11 novembre), comme nous l'avons dit (II, 47). Les marchands d'habits eux-mêmes observent cette constellation, qui se remarque facilement dans le ciel; par son coucher ils augurent de l'hiver, eux que met à l'affût l'avarice naturelle aux marchands. 2. Le coucher nuageux des Pléiades annonce un hiver pluvieux, aussitôt ils élèvent le prix des manteaux; un coucher serein annonce un hiver rigoureux, et ils forcent le prix des autres vêtements. Quant au laboureur, incapable de consulter le ciel, ses buissons lui tiendront lieu de cette constellation, et il regardera son terrain, qu'il verra jonché de feuilles. Cette chute des feuilles, ici plus tardive, là plus précoce, indique la température de l'année; car il y a correspondance entre l'effet produit et la nature du ciel et du lieu; et ce qui fait l'avantage de cette méthode, c'est qu'elle est à la fois commune à tout l'univers et spéciale à chaque localité: 3. sujet d'étonnement pour celui qui ne se souviendra pas que le pouliot (II, 41) fleurit dans les garde-manger le jour même du solstice d'hiver, tant la nature a voulu que rien ne nous fût caché! Elle a donné en conséquence la chute des feuilles pour signal des semailles; c'est là la vraie doctrine, portant avec elle une garantie fournie par la nature. Elle conseille alors de s'adresser à la terre, elle promet une sorte d'engrais, elle annonce que le sol est protégé contre les froids et les vents; elle avertit de se hâter. LXI. 1. Varron (De re rust., I, 34) n'a pas fixé d'autre époque pour semer les fèves. D'autres veulent qu'on les sème en pleine lune, les lentilles du vingt-cinquième au trentième jour de la lune, la vesce pendant les mêmes jours de la lune; de la sorte, elle sera exempte des limaçons. Quelques-uns veulent que l'on sème ainsi la vesce pour fourrage, mais au printemps la vesce pour graine. Il est un autre signe plus manifeste encore, que nous devons à la prévoyance admirable de la nature. A ce sujet nous citerons les propres paroles de Cicéron (Divin., I, 15) : « Le lentisque toujours vert et toujours chargé de fruits a coutume de porter une triple récolte; par son triple produit, il indique les trois époques du labourage. " Une de ces fructifications indique l'époque dont nous parlons maintenant, qui est aussi celle où l'on sème le lin et le pavot. 2. Caton (De re rust., XXXVIII) donne pour le pavot les règles suivantes : « Brûlez dans un champ qui aura porté du blé les branches et les sarments qui vous seront inutiles; quand vous les aurez brûlés, semez-y du pavot. " Le pavot sauvage, dont l'usage est merveilleux, s'emploie contre les maux de gorge, bouilli dans du miel; le pavot cultivé a aussi une vertu somnifère. Voilà ce que nous avions à dire sur les semailles d'hiver. LXII. (XXVI.) 1. Mais, pour compléter une sorte d'abrégé de toute l'agriculture, nous ajouterons qu'à la même époque il convient de fumer les arbres et aussi de rechausser les vignes (un journalier suffit par jugère (25 ares ); de tailler les vignes et leurs arbres, si les conditions du lieu le permettent; de préparer le sol avec la houe pour les pépinières; de creuser les rigoles; de faire sortir l'eau des champs; de laver le pressoir, et de le tenir à couvert. Ne faites pas couver les poules à partir des calendes de novembre (1er novembre), jusqu'après le solstice d'hiver; pendant tout l'été, jusqu'aux calendes de novembre (X, 74 et 75), faites couver treize oeufs à chaque poule, moins en hiver, mais non pas moins de neuf. 2. Démocrite pense que l'hiver sera tel qu'auront été le jour du solstice d'hiver et les trois jours voisins ; et que l'été sera aussi tel que le jour du solstice de juin. Vers le solstice d'hiver, pendant quatorze jours environ, époque de la ponte des alcyons, les vents se calment, et le ciel est plus doux; mais en cela, comme dans tout le reste, on devra juger l'influence des astres par l'événement, et ne pas attendre les changements de temps comme une échéance, à des jours fixes. LXIII. 1. Ne touchez pas à la vigne pendant le solstice d'hiver. Hyginus conseille de clarifier et même de transvaser les vins le septième jour après le solstice d'hiver, pourvu que la lune ait sept jours. On propage les cerisiers vers le solstice d'hiver. Alors il convient de mouiller les glands pour les boeufs; on en donne un boisseau par paire; une plus grande quantité les incommode ; et, en quelque temps que vous leur en donniez, si vous leur en donnez moins de trente jours de suite, on prétend que la gale au printemps vous en fera repentir. C'est l'époque que nous avons fixée pour la coupe des bois (XVI, 74). Les autres travaux s'effectuent surtout pendant les veillées; car les nuits sont fort longues : on tresse des corbeilles, des claies, des paniers; on coupe du bois pour les torches; on prépare trente échalas ou soixante pieux pendant le jour, cinq échalas ou dix pieux à la veillée du soir, autant avant le jour. LXIV. 1. Depuis le solstice d'hiver jusqu'au Favonius, voici, d'après César, les constellations importantes qui donnent des signes : le Chien se couche le matin au troisième jour des calendes de janvier (30 décembre), jour auquel on rapporte que l'Aigle se couche le soir pour l'Attique et les contrées limitrophes. La veille des nones de janvier (le 4 janvier), d'après César, le Dauphin se lève le matin, et la Lyre le lendemain, jour auquel la Flèche se couche le soir pour l'Égypte. Aux 6 des ides de janvier (le 8 janvier), le même Dauphin se couchant le soir, on a en Italie un froid continu, comme aussi quand le soleil entre dans le Verseau, ce qui arrive vers le 16 des calendes de février (17 janvier); le 8 des calendes (25 janvier), l'étoile appelée Royale par Tubéron, dans la poitrine du Lion, se couche le matin; et la veille des nones de février (le 4 février ), la Lyre se couche le soir. 2. Dans les derniers jours de cette époque, partout où le climat le permettra, il faut travailler la terre avec la houe, pour planter les rosiers et la vigne; soixante journaliers suffisent pour un jugère (25 ares); on nettoie les fossés, on en fait de nouveaux. Avant le jour on aiguise les outils, on les emmanche, on répare les tonneaux, on en gratte les douves, ou l'on en met de nouvelles. LXV. 1. Du Favonius à l'équinoxe du printemps, le I4 des calendes de mars (16 février) annonce, d'après César, un temps variable pendant trois jours; il en est de même le 8 des calendes (le 22 février) à l'apparition des hirondelles, et le lendemain au lever du soir d'Arcturus. César a observé que cela a lieu aussi le 3 des nones de mars (5 mars), au lever de l'Écrevisse. La plupart des auteurs disent que cela arrive à l'émersion du Vendangeur, le 8 des ides (le 8 mars) au lever du Poisson septentrional, et le lendemain au lever d'Orion. C'est à cette époque qu'on observe dans l'Attique le lever du Milan. César a noté le coucher du Scorpion aux ides de mars (le 15 mars), qui lui furent funestes; le lever du Milan pour l'Italie, au 15 des calendes d'avril (18 mars); le coucher matinal du Cheval, au I2 des calendes (21 mars ). 2. Cet intervalle de temps est l'époque de la plus grande activité pour les laboureurs, celle qui les occupe le plus, et où ils sont le plus sujets à se tromper. En effet, ils sont appelés à leurs travaux, non le jour où le Favonius doit souffler, mais celui où il commence réellement à souffler. Il faut guetter ce moment avec beaucoup d'attention; c'est un signal que la Divinité leur donne en ce mois, signal qui n'est ni trompeur ni équivoque, si on observe avec soin. Nous avons dit dans le second livre ( II, 46 et 47) d'où ce vent souffle et de quel côté il vient, et nous le dirons bientôt un peu plus en détail. 3. Ainsi, à partir du jour, quel qu'il soit, où il commencera à souffler (ce qui n'arrive pas toujours .au 6 des ides de février (8 février ), soit qu'il souffle avant, quand le printemps anticipe, soit qu'il souffle après, quand l'hiver se prolonge; à partir de ce jour, dis-je, les gens de la campagne doivent se livrer à d'innombrables occupations, et terminer les plus pressantes, celles qui ne peuvent être différées. Qu'on sème les blés de trois mois; qu'on taille les vignes de la façon que nous avons dit (XVII, 35) ; qu'on s'occupe des oliviers; qu'on plante et qu'on greffe les arbres à fruit; que l'on houe les vignes; qu'on prenne des plants dans les pépinières, et qu'on les y remplace; qu'on plante et que l'on coupe les roseaux, les saules, les genêts; qu'on plante les ormes, les peupliers, les platanes, comme il a été dit (XVII, 15 ). Alors il convient de nettoyer les champs de blé, de biner les céréales d'hiver, et surtout le far. 4. Le moment précis pour le far, c'est quand il commence à avoir quatre brins. Quant à la fève, on ne la bine pas avant qu'elle ait trois feuilles, et même alors il faut la biner légèrement, et non la fouir. Dans tous les cas, il ne faut pas y toucher pendant les quinze premiers jours de la floraison. Ne binez l'orge que quand elle est sèche. La taille des vignes doit être terminée à l'équinoxe du printemps; quatre journaliers taillent et attachent un jugère (25 ares) de vigne; quand le vignoble est sur hautain, un seul ouvrier fait quinze arbres. 5. Dans le même temps on s'occupe des jardins et des plants de rosiers, dont nous parlerons à part dans les livres suivants; dans le même temps aussi, de la topiaire. C'est alors le bon moment pour faire les fosses. On ouvre la terre pour l'avenir, d'après la recommandation de Virgile surtout (Georg., I, 83), afin que le soleil mûrisse les mottes. Un conseil plus utile, c'est celui de ne labourer dans le milieu du printemps que les terres de moyenne qualité; car si à cette époque on laboure une terre grasse, les herbes envahissent aussitôt les sillons; si une terre maigre, les chaleurs subséquentes la dessèchent, et de la sorte enlèvent la substance aux semences qu'on y jettera : il vaut mieux, cela est certain, labourer ces deux sortes de terre en automne. 6. Caton (De re rust., XI.) règle ainsi les travaux du printemps : Creuser les fosses, faire les pépinières; dans les lieux gras et humides planter les ormes, les figuiers, les arbres à fruit, les oliviers ; fumer par une lune sèche les prés qui ne sont pas arrosés; les défendre du souffle du Favonius, les nettoyer; détruire la racine des mauvaises herbes; émonder les figuiers; faire des pépinières nouvelles et réparer les anciennes, le tout avant que la vigne commence à fleurir : de même, à la floraison da poirier, on commencera à labourer les sols maigres et sablonneux; puis ceux qui sont les plus pesants et les plus humides, on les labourera en dernier lieu. 7. Ce labourage a donc deux indices : l'indice fourni par le lentisque (XVIII, 61) montrant son premier fruit, et l'indice fourni par la floraison du poirier. Il y a encore un troisième indice dans la floraison de la scille parmi les bulbes, et, parmi les plantes à couronnes, dans la floraison du narcisse : la seille et le narcisse, comme le lentisque, fleurissent trois fois, et indiquent par leur première fleur le premier labourage, le second par leur seconde, et le dernier par leur troisième fleur : c'est ainsi que les choses se fournissent des indices les unes aux autres. Une précaution qui n'est pas des moins importantes, c'est, pendant la floraison des fèves, de ne pas toucher au lierre, car ce temps lui est nuisible et funeste. Quelques végétaux donnent eux-mêmes les signes qui les concernent; tel est le figuier : quand un petit nombre de feuilles poussent au sommet en forme de coupe, c'est alors surtout que le figuier doit être planté. LXVI. 1. L'équinoxe du printemps paraît s'accomplir avant le 8 des calendes d'avril (25 mars). Entre cet équinoxe et le lever matinal des Pléiades, les calendes d'avril (1er avril ) annoncent, d'après César, du mauvais temps. Le 3 des nones d'avril (le 3 avril ), dans l'Attique, les Pléiades se couchent le soir, le lendemain dans la Béotie, le jour des nones même ( 5 avril) pour César et les Chaldéens. En Égypte, Orion et son glaive commencent à se cacher. D'après César, le 6 des ides (le 8 avril), le coucher de la Balance indique la pluie. Le 14 des calendes de mai (18 avril), en Égypte, les Hyades se couchent le soir ; c'est une constellation orageuse, et qui trouble le ciel et la mer; elles se couchent le 16 (16 avril) pour l'Attique, le 15 (le 17 avril) pour César, et annoncent trois jours de mauvais temps; 2. en Assyrie, elles se couchent le 12 des calendes (le 20 avril ). Cette constellation porte vulgairement le nom de Parilicienne, parce que l'observation en est devenue célèbre à cause de la fête (XIX, 24) [ des Parilies et ] de la fondation de Rome, qui arrive le 11 des calendes de mai ( 21 avril), jour auquel le temps redevient ordinairement serein. Les Grecs appellent ces étoiles Hyades, parce qu'elles amènent la pluie (ὕειν, pleuvoir); les Latins pensant, à cause de la similitude du sou, que ce nom provenait du mot ὅς ( pourceau), les ont par ignorance appelées Sucules (petites truies). Pour César, le 8 des calendes (le 24 avril) est un jour noté. Le 7 des calendes (le 25 avril), en Égypte, les Chevreaux se lèvent. Le 6 des calendes (le 26 avril ), dans la Béotie et dans l'Attique, le Chien se couche le soir, la Lyre se lève le matin. En Assyrie, Orion se couche tout entier le 5 des calendes (le 27 avril); le Chien, le 3 des calendes (le 29 avril ). Le 6 des nones de mai (le 2 mai), d'après César, les Hyades se lèvent le matin; et le 8 des ides (le 8 mai), la Chèvre, qui annonce la pluie; en Égypte, le même jour, le Chien se couche le soir. Telle est à peu près la marche des astres jusqu'au 6 des ides de mai ( 10 mai), époque du lever des Pléiades. 3. Dans cet intervalle de temps, pendant les quinze premiers jours le laboureur se hâtera de faire ce qu'il n'a pu terminer avant l'équinoxe, pour peu qu'il se souvienne que ceux qui taillent tard leurs vignes s'exposent à une honteuse dérision par l'imitation du chant de l'oiseau de passage qu'on nomme coucou (X, 1I). On regarde en effet comme un déshonneur et comme une véritable humiliation, que cet oiseau trouve la serpe dans la vigne. De là aussi les railleries piquantes dont les cultivateurs sont l'objet dès le commencement du printemps. 4. Toutefois ces railleries paraissent d'un détestable augure, tant il est vrai que, dans la campagne, des plus petites choses on fait des indices naturels. A la fin de cette époque sont les semailles du panic et du mil. Il convient de les faire après la maturité de l'orge; et, dans le même terrain, un indice commun de la maturité de l'orge et des semailles du panic et du mil, c'est, le soir, la présence des cicindèles (XI, 34) dans les campagnes. Les paysans appellent ainsi ces étoiles volantes que les Grecs nomment lampyrides (vers luisants), présent de l'incroyable bonté de la nature. LXVII. (XXVII.) 1. La nature avait formé dans le ciel le groupe notable des Pléiades ; non contente de ces étoiles, elle a fait encore des Pléiades terrestres, s'écriant pour ainsi dire : Pourquoi contemplerais-tu le ciel, agriculteur? pourquoi checherais-tu les astres, villageois ?déjà les nuits n'accordent qu'un sommeil trop court à tes fatigues. Eh bien! au milieu de tes herbes je dissémine des étoiles à ton usage; je te les montre le soir quand tu reviens de tes travaux ; et, pour que tu ne puisses passer outre, j'appelle ton attention par une merveille. Vois-tu comme les ailes de ces insectes recèlent un éclat semblable à celui du feu, et produisent de la lumière la nuit précisément? Je t'ai donné des plantes qui indiquent les heures, et, afin que tu ne détournes pas les yeux de la terre, même pour considérer le soleil, l'héliotrope et le lupin tournent avec lui. 2. Pourquoi maintenant regardes-tu en haut, et interroges-tu le ciel lui-même? Vois, tu as à tes pieds d'autres Pléiades; elles arrivent à jour fixe, elles durent un temps déterminé par leur liaison avec cette constellation, dont il est certain qu'elles sont le produit. Quiconque aura semé les plantes d'été avant leur apparition se frustrera lui-même .Dans cet intervalle, l'abeille, sortant, annonce que la fève fleurit; et la fève qui fleurit appelle l'abeille au dehors. Un autre signe de la fin du froid sera encore donné : quand tu verras le mûrier pousser (XVI, 41), ne crains plus de dommage causé par le froid. 3. Donc il s'agit de placer les boutures d'oliviers, d'ôter la mousse des oliviers eux mêmes, d'arroser les prés, dans les premiers jours de l'équinoxe; quand l'herbe montera en tige, d'éloigner les eaux, d'épamprer les vignes. L'époque fixe pour cette opération est quand les pampres ont atteint quatre doigts de longueur; un journalier épampre un jugère (25 ares). On bine une seconde fois les champs de blé; on peut biner pendant vingt jours; on croit qu'après l'équinoxe le binage nuit et aux vignobles et aux champs de blé. C'est encore le temps de laver les moutons. 4. Après le lever des Pléiades, des pronostics sont attachés, d'après César, au lever matinal d'Arcturus, qui se fait le lendemain (11 mai); au lever de la Lyre, qui se fait le 3 des ides de mai (13 mai) ; au coucher du soir de la Chèvre, qui se fait le 12 des calendes de juin (le 2I mai ); et au coucher du Chien, qui se fait pour l'Attique le même jour. Le t t des calendes (le 22 mai), pour César, le glaive d'Orion commence à se coucher; le 3 des nones de juin (le 3 Juin), pour César et pour l'Assyrie, l'Aigle se lève le soir; le 8 des ides (le 6 juin), Arcturus se couche le matin, et pour l'Italie le 6 (le 8 juin). Le 4 des ides (le 10 juin), le Dauphin se lève le soir; le 17 des calendes de juillet (le 15 juin), le glaive d'Orion se lève, ce qui arrive quatre jours plus tard en Égypte. Le 11 des calendes (le 21 juin), le glaive du même Orion commence, d'après César, à se coucher. Le 8 des calendes de juillet (le 24 juin), le jour est le plus long de toute l'année et la nuit la plus courte; c'est le solstice d'été. 5. Dans cet intervalle de temps on épampre la vigne, et on a soin qu'une vieille vigne reçoive une façon, et une jeune vigne deux; on tond les moutons; on retourne le lupin pour engraisser le sol; on laboure la terre; on coupe la vesce pour fourrage; on récolte les fèves, puis on les bat. 6. (XXVIII.) Les prés se fauchent vers les calendes de juin (1er juin) ; cette culture, qui est la plus facile et qui coûte le moins, exige que j'entre dans des détails : il faut laisser en prés les terrains fertiles qui sont humides ou arrosés, et les arroser encore avec l'eau de pluie de la voie publique. Il est aussi avantageux, pour avoir de bonne herbe, de labourer, puis de passer la herse, mais, avant de la passer, de semer la fleur provenant des fenils, et de répandre celle qui tombe des râteliers à foin. On ne les arrosera pas la première année, et le bétail n'y paîtra pas avant la seconde fenaison, de peur que les herbes ne soient arrachées, ou que, foulées, elles ne poussent plus bien. 7. Les prés vieillissent, et il faut les rajeunir en y semant des fèves, ou des raves ou du mil, puis l'année suivante du blé, et en les remettant en prés la troisième année. En outre, toutes les fois qu'un pré n été fauché, il faut y passer la faucille, c'est-à-dire scier ce qui a échappé aux faucheurs, car il est tout à fait inutile de laisser grainer les herbes. La meilleure herbe dans un pré est le trèfle, puis le gramen; la plus mauvaise, le mimmulus (34), qui porte des gousses fort nuisibles. 8. L'équisétis (XXVI, 83) (equisetum fluviatile, L.), ainsi dite de sa ressemblance avec les crins du cheval, est encore odieuse. Le temps de faucher est quand l'épi commence à défleurir et à prendre de la force; on doit faucher avant que l'herbe soit sèche. Caton dit (De re rust., LIII) : Ne fauchez pas le foin tardivement; fauchez-le avant que la graine soit mûre. Quelques-uns arrosent les prés la veille, là où sont des moyens d'irrigation. Il vaut mieux faucher pendant les nuits humides de rosée. Dans certaines parties de l'Italie, on fauche; après la moisson. Cette opération était plus coûteuse anciennement. 9. On ne connaissait pas d'autres pierres à aiguiser que celles de Crète et d'outre-mer (XXXVI, 47), et encore n'avivaient-elles le taillant de la faux qu'avec de l'huile; aussi le faucheur marchait-il avec une corne, pour l'huile, attachée à la cuisse. L'Italie a fourni des pierres à eau qui mordent sur le fer comme une lime; mais ces pierres à eau verdissent promptement. Il y a deux espèces de faux : la faux d'Italie est plus courte, et maniable même au milieu des ronces; 10. celle des Gaules abrége l'ouvrage dans les vastes domaines, car elle coupe l'herbe par le milieu, et laisse celle qui est courte. Le faucheur italienne coupe que de la main droite. Un seul journalier doit faucher en un jour un jugère (35 ares); un seul journalier attache douze cents bottes, du poids de quatre livres chacune. L'herbe coupée doit être retournée au soleil, et on ne la mettra en meules que quand elle sera sèche; si on ne prend pas cette précaution, une vapeur s'exhalera au matin de la meule, qui certainement sera bientôt enflammée par le soleil et consumée. 11. On doit arroser de nouveau les prés fauchés, afin de récolter le foin d'automne, qu'on appelle cordum (regain. A Intéramna, dans l'Ombrie, on fauche les prés quatre fois par an, même les prés non arrosés; trois fois dans la plupart des localités ; et ensuite le pâturage de ces prés n'est pas d'un moindre profit que le foin même. Cela appartient au soin du gros bétail ; et l'élève des bêtes de somme donnera à chacun conseil là-dessus, élève surtout lucrative quand elle produit pour les quadriges. LXVIII. 1. Nous avons dit (XVIII, 50 ) que le solstice d'été arrive dans le huitième degré de l'Ecrevisse, et le 8 des calendes de juillet (le 24 juin). C'est une grande époque dans l'année, une grande chose dans le monde. Depuis le solstice d'hiver jusque-là, pendant six mois, les jours ont crû; le soleil, qui, dans son ascension vers le nord, a gravi les hauteurs, commence, à cette borne, à rebrousser et à revenir vers le midi, pour allonger les nuits pendant six autres mois et diminuer les jours. 2. Dès lors c'est le temps de faire et de rentrer les récoltes les unes après les autres, et de se préparer contre l'âpre et rigoureux hiver. Il convenait que la nature eût marqué de signes non douteux cette conversion. Aussi les a-t-elle mis sous la main même des cultivateurs, et elle a ordonné que ce jour-là les feuilles se retournassent, et fussent l'indice de l'accomplissement du solstice (XVI, 36). Et ce ne sont pas les feuilles des arbres sauvages et éloignés; ceux qui cherchent des signes n'ont pas besoin d'aller dans les bois reculés et dans les montagnes : ce ne sont pas, non plus, les feuilles des arbres des villes et que la topiaire cultive seule, quoique le phénomène s'y voie aussi; 3. la nature a retourné la feuille de l'olivier, qu'on rencontre à chaque pas; elle a retourné celle du tilleul, qu'on recherche pour mille usages ; elle a retourné celle du peuplier blanc, qui est même marié à la vigne. C'est encore peu, dit-elle; tu as l'orme, support de la vigne; j'en retournerai aussi la feuille. Tu en ramasses la feuille pour fourrage (XVI, 38); tu tailles la vignes. donne un coup d'oeil, et tu vois le solstice : les feuilles regardent le ciel par une autre partie qu'elles ne le regardaient la veille. 4. Tu attaches tout avec le saule, le plus humble des arbrisseaux, et que tu dépasses de toute la tête; j'en retournerai aussi les feuilles. Pourquoi te plaindre d'être un paysan? il ne dépend pas de moi que tu ne comprennes le ciel et ne saches les choses célestes. Je donnerai un. signe pour tes oreilles même : écoute les gémissements des pigeons ; garde-toi de penser que le solstice d'été est passé, tant que tu n'auras pas vu le pigeon couver. 5. Depuis le solstice d'été jusqu'au coucher de la Lyre, Orion se lève, d'après César, le 6 des calendes de juillet( le 26 juin); le 4 des nones (le 4 juillet), sa ceinture se lève pour l'Assyrie, et, en Égypte, le brûlant Procyon se lève le matin; cette constellation n'a pas de nom chez les Romains, à moins que nous ne voulions l'entendre sous la dénomination de Canicule, c'est-à-dire, petit Chien, comme elle est peinte parmi les astres; elle est d'une grande importance, comme nous allons le dire. 6. Le 3 des nones (le 5 juillet), pour les Chaldéens, la Couronne se couche le matin; dans l'Attique, Orion se lève tout entier ce jour-là. La veille des ides de juillet (le 14 juillet), Orion cesse de se lever pour les Égyptiens aussi ; le 16 des calendes d'août (le 17 juillet), Procyon se lève pour l'Assyrie; et le lendemain presque pour tous les lieux (II, 47), époque d'une signification reconnue de tous, à laquelle nous donnons le nom de lever du Chien, et qui coïncide avec l'entrée du soleil dans le premier degré du Lion. Ce lever a lieu vingt-trois jours après le solstice d'été; l'influence en est ressentie par les mers, par les terres, et même par beaucoup d'animaux, comme nous l'avons dit en son lieu (II, 40; IX, 25). Cet astre n'est pas moins révéré que les étoiles comptées au rang des dieux ; il rend le soleil plus ardent, et il entre pour beaucoup dans les chaleurs de l'été. 7. Le 13 des calendes d'août (le 20 juillet), I'Aigle se couche le matin pour l'Égypte, et les vents précurseurs des vents étésiens (II, 47 ) commencent, ce qui, d'après César, se fait sentir à l'Italie le 10 des calendes (le 23 juillet ). L'Aigle se couche le matin pour l'Attique; le 3 des calendes (le 30 juillet), l'étoile Royale dans la poitrine du Lion se couche le matin, d'après César. Le 8 des ides d'août (le 6 août ), la moitié d'Arcturus cesse d'être visible; la Lyre ouvre l'automne par son coucher, le 3 des ides (le 11 août), comme César le note; mais, comme l'a montré un calcul exact, le 6 des ides du même mois (le 8 août). 8. Cet intervalle de temps est capital pour la vigne; la constellation que nous avons nommée Canicule décide du sort des raisins. On dit alors que la vigne charbonne (XVII, 37, 5 ), brûlée par la maladie comme par un charbon. On ne peut comparer à ce fléau ni les grêles ni les orages, ni les accidents qui ne produisent jamais les chertés; ces coups frappent des champs isolés, tandis que le charbon frappe des pays entiers. Et le remède n'en serait pas difficile, si les hommes n'aimaient mieux calomnier la nature qu'en tirer parti. 9. On rapporte que Démocrite, qui, le premier, comprit et démontra les rapports du ciel avec la terre, voyant ses travaux méprisés par les plus riches de ses concitoyens, et présageant la cherté de l'huile d'après le lever des Pléiades de la façon que nous avons exposée (XVIII, 67) et que nous allons indiquer plus clairement, acheta l'huile de tout le pays, laquelle était à très bon marché, à cause de la belle apparence de l'olivier; achat qui surprit ceux qui ne lui savaient rien tant à coeur que la pauvreté et le calme de l'étude : mais dès que le motif et le profit immense de ces acquisitions furent manifestes, il rendit la marchandise au repentir avare des propriétaires désappointés, et se contenta d'avoir ainsi prouvé qu'il lui serait facile de s'enrichir quand il le voudrait. 10. Dans la suite, Sextius, philosophe romain, renouvela, à l'aide de la même observation, ce trait à Athènes. Telle est l'utilité de la science, et j'en mêlerai les notions aux choses de la campagne, avec autant de clarté et de netteté qu'il me sera possible. La plupart ont dit que la rosée brûlée par un soleil ardent était la cause de la rouille (nielle) des blés et du charbon des vignes : je crois que cela est faux en partie, que tout charbon dépend du froid, et que le soleil en est innocent. Avec quelque attention on s'en convaincra : d'abord on ne voit survenir cette affection que pendant les nuits, et avant que le soleil ait de la force; ensuite elle dépend tout entière de l'influence lunaire, car une telle calamité ne survient que pendant la conjonction ou pendant la pleine lune, c'est-à-dire dans les deux cas où cet astre a le plus d'action : en effet, en conjonction, la lune est pleine aussi, comme nous l'avons dit plusieurs fois (II, 6) ; seulement, alors, elle renvoie au ciel toute la lumière qu'elle reçoit du soleil. 11. La différence de ces deux états est grande, mais manifeste : dans la conjonction, la lune est très chaude en été, et froide en hiver; au contraire, pleine, elle rend les nuits froides en été, chaudes en hiver. La cause, bien que Fabianus et les auteurs grecs expliquent autrement le phénomène, en est évidente : c'est que, pendant la conjonction, en été, elle marche avec le soleil dans un cercle voisin de la terre, et s'échauffe par le feu qu'elle en reçoit de près; en hiver, elle est éloignée ainsi que le soleil ; tandis que pendant le plein, en été, la lune est loin de nous et en opposition avec le soleil ; en hiver, elle s'approche de nous par le cercle de l'été. Donc, humide par elle-même, toutes les fois qu'elle est froide, elle congèle d'une manière incroyable les brouillards qui tombent alors. LXIX. 1. Avant tout, nous devons nous souvenir qu'il y a deux sortes de dommages célestes. Les uns, que nous appelons tempêtes, comprennent les grêles, les ouragans et les autres phénomènes semblables; survenant, on leur donne le nom de force majeure : ils proviennent, comme nous l'avons dit plusieurs fois, de constellations malfaisantes, telles qu'Arcturus, Orion, les Chevreaux. Les autres sont ceux qui se produisent par un ciel calme et dans des nuits sereines, sans qu'on s'en aperçoive, si ce n'est quand ils sont accomplis : généraux et bien différents des précédents, ils sont appelés par les uns rouille (nielle), par les autres brûlure, par d'autres charbon, mais par tous stérilité. C'est de ces derniers que nous allons parler, donnant des détails non consignés par écrit avant nous : nous exposerons d'abord les causes. 2. (XXIX.) Ces causes sont, outre la lune, au nombre de deux, et dépendent d'un petit nombre de lieux dans le ciel. D'une part, les Pléiades influent spécialement sur les récoltes, ouvrant par leur lever l'été, par leur coucher l'hiver, et renfermant dans un espace de six mois les moissons, les vendanges, et la maturité de toutes les productions. D'autre part, il est dans le ciel un cercle qu'on nomme voie lactée; elle est facile à voir; ses effluves fournissent, comme une mamelle, le lait à toutes les semences; deux constellations la signalent, l'Aigle au nord, et au midi la Canicule, dont nous avons fait mention en son lieu (XVIII, 68, 5). 3. La voie lactée même traverse le Sagittaire et les Gémeaux, et, passant parle centre du soleil; coupe deux fois la ligne équinoxiale; elle a, aux deux points de section, d'un côté l'Aigle, de l'autre la Canicule. Aussi, les influences de ces deux constellations s'étendent-elles sur toutes les terres cultivées ; car ce sont les deux seuls points où le centre du soleil corresponde à celui de la terre. Donc, dans les jours de ces constellations, si l'air pur et doux transmet â la terre ce suc fécondant et lacté, les récoltes croissent et prospèrent. 4. Si la lune, de la façon qu'il a été dit (XVIII, 4 68), envoie un froid humide, l'amertume de ce mélange dans cette espèce de lait fait périr les fruits naissants. La mesure du dommage dépend, dans chaque climat, de la combinaison de l'une et l'autre causes; aussi, ne se fait-il sentir dans tout l'univers ni également ni le même jour. Nous avons dit (XVI, 42) que l'Aigle se lève en Italie le 13 des calendes de janvier (le 20 décembre); et le cours de la nature ne permet pas de compter avant ce jour sur rien dans les fruits de la terre. Mais si la lune se trouve alors en conjonction, nécessairement tous les fruits d'hiver et tous les fruits hâtifs souffriront. 5. La vie des anciens était grossière et sans lettres; toutefois chez eux l'observation ne fut pas moins ingénieuse que ne l'est maintenant la théorie. En effet, ils redoutaient trois époques pour les récoltes; c'est pourquoi ils instituèrent autant de cérémonies et de jours de fête, les Rubigalia, les Floralia, les Vinalia. Les Rubigalia furent établis par Numa l'an 11 de son règne, et ils se célèbrent maintenant le 7 des calendes do mai (le 25 avril), parce que c'est vers cette époque que la rouille (rubigo) envahit les blés. Varron fixe ce temps au moment où le soleil est dans le dixième degré du Taureau, comme le voulaient les calculs pour ce temps; 6. mais la vraie cause est que dix-neuf jours après l'équinoxe du printemps, selon l'observation variée des peuples, le Chien se couche du 7 au 4 des calendes de mai (du 25 au 28 avril). Le Chien est une constellation dangereuse par elle-même, et à laquelle il faut préalablement sacrifier une petite chienne (39). Les Romains ont aussi Institué au 4 des calendes de mai (le 28 avril) les Floralia, l'an 516 de Rome, d'après les oracles de la Sybille, afin que la floraison s'achetât heureusement. 7. Varron fixe ce jour au moment où le soleil est dans le quatorzième degré du Taureau. Si la pleine lune se rencontre pendant ces quatre jours, le blé et tout ce qui fleurira souffrira nécessairement. Les premiers Vinalia, qui ont été établis le 9 des calendes de mal (le 23 avril) pour la dégustation des vins, n'ont aucun rapport avec les fruits de la terre, pas plus que les fêtes dont nous avons déjà parlé n'en ont avec les vignes et les oliviers; car la pousse de ces derniers arbres ne commencé qu'avec le lever des Pléiades, le 6 des ides de mai (le 10 mai), comme nous l'avons enseigné (XVI, 42; XVIII, 66). Ce sont encore là quatre jours pendant lesquels on ne veut pas voir tomber de la rosée (on redoute en effet la constellation froide d'Arcturus, qui se couche le lendemain), et encore moins arriver la pleine lune. 8. Le 4 des nones de juin (le 2 juin), l'Aigle se lève de nouveau le soir, jour critique pour les oliviers et les vignes en fleur s'il coïncide avec la pleine lune. Pour moi, je pense que le 8 des calendes de juillet (le 24 juin), jour de solstice, est dangereux par une raison semblable, et qu'il en est de même du lever du Chien vingt-trois jours après le solstice d'été, si toutefois la lune est alors en conjonction; car la chaleur cause du mal, et les grains de raisin durcissent (XVII, 31, 8). D'un autre côté, la pleine lune est nuisible le 4 des nones de juillet (le 4 juillet), quand la Canicule se lève pour l'Égypte, ou du moins le 10 des calendes d'août (le 17 juillet), quand elle se lève pour l'Italie. 9. Il en est de même du 13 des calendes d'août (le 20 juillet), quand l'Aigle se couche, jusqu'au 10 des calendes du même mois (le 23 juillet). Les seconds Vinalia, qui se célèbrent avant le 23 des calendes de septembre (le 20 août), n'ont aucun rapport avec ces influences. Varron les fixe au moment où la Lyre commence à se coucher le matin; il veut que ce soit le commencement de l'automne, et que cette fête ait été établie pour conjurer les mauvais temps. Maintenant on observe que la Lyre se couche le 6 des ides d'août (le 8 août). 10. Telles sont les influences funestes du ciel. Je ne nierai pas que ces époques ne doivent être changées par le lecteur, suivant la diversité des climats; mais il me suffit d'avoir démontré la théorie, le reste dépendra des observations particulières. Dans tous les cas, l'action de la lune pleine ou en conjonction interviendra: cela n'est pas douteux. Et ici je m'arrête pour admirer la bonté de la nature : d'abord le mal ne peut se reproduire tous les ans, à cause de la révolution fixe des astres ; il est limité à un petit nombre de nuits d'une année, et il est facile de connaître quand il doit survenir. Pour qu'il ne fût pas à craindre dans tous les mois, la nature a encore réglé qu'en été les conjonctions, en hiver les pleines lunes sont sûres, excepté deux; qu'il n'y a de danger que dans les nuits d'été, et, parmi les nuits, dans les plus courtes, et que cette influence ne se fait pas sentir le jour. 11. En outre, ces phénomènes sont si faciles à reconnaître, que la fourmi, animal très petit, se repose dans la conjonction et travaille dans la pleine lune, même pendant les nuits ; que l'oiseau parra (X, 45 et 50) cesse de paraître le jour où Sirius se lève, jusqu'à ce qu'il se couche; et qu'au contraire le loriot (X, 48) paraît le jour même du solstice d'été. La conjonction et la pleine lune ne sont nuisibles, même pendant les un ils, que lorsque le temps est serein et l'air complètement calme; car, avec des nuages ou du vent, la rosée ne tombe pas. Encore est-il des remèdes contre ces influences. LXX. 1. Quand vous avez des craintes, brûlez dans les vignes et dans les champs des sarments ou des tas de paille, ou des herbes, ou des broussailles arrachées : la fumée sera un préservatif. Cette fumée de paille est bonne aussi contre les brouillards, quand les brouillards sont nuisibles. Quelques-uns recommandent de brûler trois écrevisses vivantes dans les hautains, pour que le charbon ne fasse pas de mal ; d'autres veulent qu'on brûle à petit feu de la chair de silure (IX, 17), de manière que le vent en disperse la fumée dans tout le vignoble. Varron pense que si, au coucher de la Lyre, qui est le commencement de l'automne, on consacre un raisin peint au milieu des vignes, les mauvais temps feront moins de mal. Archibius a écrit à Antiochus, roi de Syrie : Si on enterre une grenouille rubète dans un pot neuf, au milieu des blés, on est garanti des effets du mauvais temps. LXXI. 1. Les travaux rustiques dans cet intervalle de temps sont : donner une seconde façon à la terre, labourer, déchausser les arbres, et, dans les lieux où la chaleur l'exige, les rechausser. Les végétaux qui bourgeonnent ne doivent point être bêchés, si ce n'est dans un fonds excellent; on binera les pépinières ; on fera la récolte de l'orge; on préparera l'aire au blé, à l'aide de craie détrempée avec de la lie d'huile, d'après Caton (De re rust., CXXIX ), et, d'après Virgile (Géorg., I, 178), travaillée plus péniblement. En général, ou se contente de l'aplanir et de l'enduire de fiente de boeuf délayée; on regarde cet enduit comme suffisant contre la poussière. LXXII. (XXX.) 1. La moisson elle-même se fait de différentes façons. Dans les vastes domaines des Gaules, une grande caisse dont le bord est armé de dents, et que portent deux roues, est conduite dans le champ de blé par un boeuf qui la pousse devant lui; les épis arrachés par les dents tombent dans la caisse. Ailleurs on coupe les chaumes par le milieu à l'aide d'une faucille, et on détache les épis entre deux merges ( sorte d'instrument). Ailleurs on arrache le blé avec la racine, et ceux qui emploient ce procédé prétendent que par là ils donnent au sol une espèce de labour, tandis qu'ils ne font qu'en ôter le suc. Voici des usages différents : là où l'on couvre les maisons en chaume, on garde la paille aussi longue que possible; là où le foin est rare, on emploie la paille pour litière. On ne fait pas des toits avec le chaume du panic. On brûle presque toujours le chaume du mil. On conserve la paille d'orge, qui est très agréable aux boeufs. Dans les Gaules, on cueille le panic et le mil épi à épi, avec un peigne à main. 2. Dans certains pays on obtient le grain en le faisant passer sous des herses dans l'aire; ailleurs on le fait fouler aux pieds des juments, ailleurs on le bat au fléau. Plus le froment est moissonné tard, plus il est abondant; mais plus on le moissonne promptement, plus il est beau et bien nourri. L'époque la plus convenable, c'est avant que le grain se soit durci, et quand il a déjà pris couleur; mais l'oracle est de faire la moisson plutôt deux jours trop tôt que deux jours trop tard. Le siligo et le blé grossissent même dans l'aire et le grenier. Le far, n'étant pas facile à battre, doit être serré en épi ; on le débarrasse seulement de la paille et des barbes. 3. Plusieurs nations se servent de la paille en guise de foin. La plus estimée est celle qui est plus légère, plus menue, et plus rapprochée de l'état pulvérulent; aussi la meilleure est celle du mil, la meilleure ensuite celle de l'orge, la plus mauvaise celle du blé, si ce n'est pour les bêtes de fatigue. Dans les endroits pierreux, le chaume, quand il est desséché, se brise avec des bâtons, et est employé pour litière. Si la paille manque, ou fait manger même le chaume. Voici le procédé : ou le coupe plutôt, on l'asperge longtemps avec de la saumure, on le fait sécher, et on en fait des bottes qu'on donne pour foin aux boeufs. Il en est qui mettent le feu aux chaumes dans le champ, pratique très vantée par Virgile (Georg:, I, 84) ; le plus grand mérite en est de brûler la graine des mauvaises herbes. La diversité des méthodes de moissonner dépend de l'étendue des terres et de la cherté de la main-d'oeuvre. LXXIII. 1. La connexion conduit à la conservation des grains. Quelques-uns prescrivent de construire à grands frais des greniers avec des murs de trois pieds d'épaisseur, en briques; en outre, d'y jeter le blé par le comble, de n'y pas laisser entrer l'air, et de n'y pratiquer aucune fenêtre. D'autres recommandent de ne les ouvrir que du côté du levant d'été ou du côté du nord, et de les construire sans chaux; la chaux, suivant eux, est très nuisible aux grains: quant à ce qu'ils ont prescrit sur l'amures ou lie d'huile, nous l'avons indiqué (XV, 8). Ailleurs, au contraire, on élève sur des piliers les greniers, qui sont en bois, et on préfère y ouvrir un accès à l'air de tous côtés, même par le bas. 2. D'autres pensent que le grain diminue en grosseur mis sur un plancher suspendu, et s'échauffe mis sous les tuiles. Beaucoup défendent aussi de le ventiler, disant que le charançon ne pénètre pas en profondeur au delà de quatre doigts, et qu'au delà il n'y a pas de danger. Columelle (De re rust., II, 21) a énoncé que le Favonius est utile au grain; ce qui me parait surprenant, bien que ce vent soit très sec). Il en est qui recommandent de mettre le grain dans le grenier après avoir suspendu à l'entrée une grenouille rubète par une des pattes de derrière. Quant à nous, serrer le grain en temps convenable nous parait la précaution la plus importante; s'il a été récolté peu mûr et peu ferme, ou si on le rentre chaud, nécessairement il s'y développera des insectes nuisibles. 3. Plusieurs causes le font se conserver : ou l'enveloppe du grain quand elle est multiple, comme dans le mil; ou la nature grasse du suc, qui comme liquide n'est que suffisant, comme dans le sésame; ou l'amertume, comme dans le lupin, et la cicercula (lathyrus sativus). C'est dans le blé surtout que se développent les insectes, parce, qu'il s'échauffe par sa densité même, et est enveloppé d'un son épais. La peau de l'orge est plus mince, comme celle des légumes; aussi ne s'y produit-il pas d'insectes. La. fève est revêtue de tuniques épaisses; aussi s'échauffe-t-elle. Quelques-uns arrosent, pour le conserver, le blé lui-même avec de la lie d'huile, un quadrantal (25 litr., 92) pour mille boisseaux. 4. D'autres le saupoudrent avec de la craie de Chalcis ou de Carie, ou même avec de l'absinthe. Il y a aussi à Olynthe, et dans Cérinthe, ville d'Eubée, une terre empêchant les grains de se gâter. Serrés en épis, ils ne sont guère sujets à être attaqués. Toutefois, la manière la plus avantageuse est de les conserver, comme en Cappadoce et en Thrace, dans des fosses nommées silos. Dans l'Espagne et l'Afrique, la première précaution est de faire ces silos dans un terrain sec; puis on y fait un lit de paille; en outre, on y serre les grains avec leur épi. De la sorte, si aucun air ne pénètre dans les grains, il est certain qu'il ne s'y engendre rien de nuisible. Varron (De re rust., I, 57) dit qu'ainsi serré le blé se garde cinquante ans, et le mil cent; que la fève et les légumes qu'on met dans des tonneaux à huile, lutés avec de la cendre, se gardent longtemps. 5. Le même auteur rapporte que de la fève s'est conservée dans une certaine grotte d'Ambracie depuis le siècle du roi Pyrrhus jusqu'à la guerre des Pirates terminée par le grand Pompée, c'est-à-dire pendant environ cent vingt ans. Le pois chiche est le seul qu'aucun insecte n'attaque dans les greniers. D'autres posent sur de la cendre des vases contenant du vinaigre et frottés de cendre, et mettent les légumes en tas par-dessus, croyant que de cette façon il ne naît pas d'insectes ; d'autres serrent les légumes dans des tonneaux qui ont eu des salaisons et qu'ils enduisent de plâtre; d'autres aspergent la lentille de vinaigre aromatisé avec le laser (XIX, 15 ), la font sécher, et l'enduisent d'huile. Mais le moyen le plus expéditif, c'est de cueillir pendant la conjonction de la lune ce qu'on veut préserver do toute atteinte. Aussi importe-t-il beaucoup de savoir si l'on récolte pour garder ou pour vendre; en effet, cueillis pendant le croissant de la lune les grains grossissent. LXXIV. (XXXI.) 1. Vient maintenant, d'après la division de l'année, l'automne depuis le coucher de la Lyre jusqu'à l'équinoxe, et ensuite jusqu'au coucher des Pléiades et au commencement de l'hiver. Dans ces intervalles, des pronostics sont fournis par le Cheval, qui se lève le soir, pour l'Attique, la veille des ides d'août (le 12 août), et parle Dauphin, qui se couche le même jour pour l'Égypte et pour César. Le 11 des calendes de septembre (22 août) l'étoile qui se nomme le Vendangeur commence à se lever le matin pour César et pour l'Assyrie; elle promet à la vendange la maturité, qui se reconnaît par le changement de couleur des grains. Pour l'Assyrie, le 5 des calendes (le 28 août) la Flèche se couche et les vents étésiens cessent de souffler. Aux nones (le 5 septembre) le Vendangeur se lève pour l'Égypte; pour l'Attique, Arcturus se lève le matin, et la Flèche se couche le matin aussi. 2. Le 5 des ides de septembre (le 9 septembre), d'après César, la Chèvre se lève le soir. La moitié d'Arcturus devient visible la veille des ides (le 12 septembre ), annonçant le plus mauvais temps sur terre et sur mer pendant cinq jours. On expose ainsi les rapports des constellations : s'il a plu au coucher du Dauphin il n'y aura pas de pluie avec Arcturus. On doit prendre pour le signe du lever de cette constellation le départ des hirondelles; car si elle les surprend elles périssent. Le 16 des calendes d'octobre (le 16 septembre), en Égypte, l'Épi, que tient la Vierge, se lève le matin et les vents étésiens cessent de souffler. Cette contellation donne des pronostics, d'après César, le 14 des calendes (le 18 septembre ); d'après les Assyriens, le 13 (le 19 septembre). D'après César, le 11 des calendes (le 21 septembre) le noeud des Poissons se couche; et le 8 des calendes d'octobre (le 24 septembre) est le jour de l'équinoxe. 3. Puis Philippe, Callippe, Dosithée, Parménisque, Conon, Criton, Démocrite, Eudoxe, s'accordent, ce qui est rare, pour dire que la Chèvre se lève au matin le 4 des calendes d'octobre (le 28 septembre), et les Chevreaux le 3 (le 26 septembre ). Le 6 des nones d'octobre (le 2 octobre) la Couronne se lève le matin pour l'Attique. Le 3 des nones (le 3 octobre) le Cocher se couche le matin pour l'Asie et pour César. Le 3 des nones (le 5 octobre), d'après César, la Couronne commence â se lever; et le lendemain les Chevreaux se couchent le soir. D'après César, l'étoile brillante dans la Couronne se lève le 8 des ides d'octobre (le 8 octobre) ; et les Pléiades se lèvent le soir le 3 des ides (le 13 octobre). Aux ides (le 15 octobre ) la Couronne se lève tout entière. Le 6 des calendes de novembre (le 27 octobre) les Hyades. se lèvent le soir. La veille des calendes (le 31 octobre ) Arcturus se couche, d'après César; et les Hyades se lèvent avec le soleil. Le 4 des nones (le 2 novembre) Arcturus se couche le soir. 4. Le 5 des ides de novembre (le t) novembre) l'épée d'Orion commence à se coucher; puis, le 3 des ides (le 11 novembre) Les Pléiades se couchent. Dans ces intervalles les travaux rustiques sont de semer tes navets et les raiforts aux jours que nous avons indiqués (XVIII, 35 ). Les gens de la campagne pensent qu'il n'est pas bon de semer les raves après le départ de la cigogne; nous, nous pensons qu'il faut les semer après les fêtes de Vulcain, et les raves précoces avec le panic (XVIII, 10, 1). Après le coucher de la Lyre on sème la vesce, les faséoles, le fourrage (XVIII, 42) ;on recommande de le faire quand la lune est en conjonction. C'est encore le temps de cueillir de la feuille; un homme peut par jour en remplir quatre paniers : si on la cueille au décours de la lune elle ne pourrit pas; il ne faut pas la ramasser desséchée. 5. Les anciens pensaient que la vendange n'était jamais mûre avant l'équinoxe; je vois que maintenant presque partout on se hâte davantage. En conséquence, j'en indiquerai l'époque par des signes précis. Voici les règles : Ne cueillez pas le raisin chaud, c'est-à-dire dans sa sécheresse et avant que la pluie soit survenue; ne le cueillez pas chargé de rosée, c'est-à-dire s'il y a eu de la rosée pendant la nuit, ni avant qu'elle ait été dissipée par le soleil. Commencez à vendanger quand le pampre commence à se coucher sur le cep, ou quand. après avoir ôté un grain d'une grappe serrée, vous remarquez que le vide ne se comble pas, c'est-à-dire que le grain ne grossit plus.. Le nombre des grains est plus grand lorsqu'il arrive qu'on vendange au croissant de la lune. 6. Un seul 6 pressurage doit remplir 20 culeus (10, 368 litres); c'est la juste mesure. A raison de 20 culeus et de 20 cuvées; un seul pressoir suffit pour 20 jugères (5 hect). Dans quelques pressoirs on ne se sert que d'un madrier ; il vaut mieux en employer deux, même lorsqu'ils sont très longs. L'avantage, est dans la longueur plutôt que dans l'épaisseur; ainsi les plus grands pressent le mieux. Anciennement on rabattait les madriers avec des cordes, des bandes de cuir et des leviers ;.mais depuis un siècle on a inventé les pressoirs à la grecque, danse lesquels une vis agit par des spires en forme d'ampoule. Une étoile est fixée à l'arbre par des moises, à l'aide desquelles cet arbre soulève en basculant des cages remplies de pierres, moyen très ingénieux. 7. Il y a vingt-deux ans qu'on a imaginé de porter de haut en bas toute la pression sur les madriers qui couvrent les raisins, en plaçant la vis au milieu du pressoir„ et en chargeant les madriers avec des corps pesants. De cette manière on emploie des madriers plus courts, un pressoir moins volumineux, et un bâtiment moins spacieux. 8. C'est aussi dans cette saison qu'il faut cueillir les fruits. On reconnaît que le moment est convenable quand il en tombe quelqu'un par maturité, et non par l'effet du mauvais temps. C'est encore l'époque d'exprimer la lie de vin, de faire cuire le raisiné par une nuit sans lune, ou, s'il y a pleine lune, dans le jour; et avant le lever ou après le coucher de la lune, dans les deux autres quartiers. On ne prendra le raisin ni sur une vigne jeune ni sur une vigne de marais, et on le prendra mûr; on n'écumera le raisiné qu'avec les feuilles; car si du bois touchait le vase, on s'imagine que le raisiné sentirait le brûlé et la fumée. Le véritable temps de la vendange est depuis l'équinoxe jusqu'au coucher des Pléiades, quarante-quatre jours. D'après un dicton do vignerons c'est peine perdue passé ce temps, à cause du froid, de poisser les tonneaux. 9. Toutefois j'ai vu des gens ne vendanger qu'aux calendes de janvier (1er janvier) par manque de futailles, et mettre les vins nouveaux dans des piscines, ou répandre les vins vieux pour faire place à des vins de qualité douteuse. Cela arrive aussi souvent par l'effet d'une récolte trop abondante que par d'impitoyables spéculations sur la cherté publique. La règle d'un équitable père de famille est d'user du produit de chaque année, et cela même est aussi très lucratif. Quant aux autres détails sur les vins, je les ai amplement donnés; j'ai dit de même qu'après la vendange faite il faut se hâter de cueillir les olives; et j'ai exposé eu qui regarde l'huile, et ce qui doit être fait jusqu'au lever des Pléiades. LXXV. (XXXII.) 1. Maintenant j'ajouterai quelques notions nécessaires sur la lune, les vents et les présages, afin de compléter tout ce qui concerne les astres. Virgile (Georg., I, 276) a cru devoir assigner à certains jours de la lune certaines opérations, suivant en cela l'indication de Démocrite. Pour nous, ici comme dans tout l'ouvrage, nous ne consultons que l'utilité des règles générales. Couper, cueillir, serrer, tout cela se fait avec plus de sûreté (II, 6) pendant le décours que pendant le croissant de la lune. 2. Ne touchez au fumier que pendant le décours. Fumez surtout à l'époque de la conjonction, ou dans ta nouvelle lune, Châtrez au décours les verrats, les taureaux, les béliers, les chevreaux. Mettez les oeufs à couver quand la lune est nouvelle. Faites les fosses de nuit, quand la lune est pleine. Rechaussez les arbres en pleine lune. Dans les lieux humides, semez pendant la conjonction, et dans les quatre jours autour de cette époque. On recommande aussi de ventiler les grains et les légumes et de les serrer vers la fin de la lune; de faire les pépinières quand la lune est au-dessus de l'horizon, de fouler les raisins quand elle est au-dessous; comme aussi de couper le bois (XVI, 74), et autres travaux dont nous avons parlé en lieu et place. 3. L'observation de la lune n'est pas très facile, et nous en avons déjà parlé dans le second livre (II, 11 ); mais voici ce que même des paysans pourront comprendre : toutes les fois qu'on la verra à l'occident et qu'elle éclairera pendant les premières heures de la nuit, elle sera dans son croissant, et l'on verra la moitié de son disque; quand elle se lèvera au moment du coucher du soleil et à l'opposite de cet astre, de façon qu'ils soient vus en même temps, ce sera alors pleine lune; toutes les fois qu'elle se lèvera à l'est et que,n'éclairant pas les premières heures de la nuit, elle se montrera une partie du jour, elle sera dans son décours, et de nouveau on n'en verra que la moitié; 4. quand elle aura cessé d'être visible, elle sera en conjonction, ce qu'on appelle interlune; elle sera au-dessus de l'horizon en même temps que le soleil pendant la conjonction, et elle y sera le premier jour tout entier; le second jour elle empiétera sur la nuit de dix douzièmes d'une heure et d'un quart de douzième (51 minutes 1/4 ); le troisième jour elle empiétera de la même quantité que sur le second, et ainsi de suite jusqu'au quinzième; le quinzième jour elle sera au-dessus de l'horizon pendant toute la nuit, et au-dessous pendant toute la journée. Le seizième jour elle restera sous l'horizon pendant les dix douzièmes et un quart (51 minutes 1/4) de la première heure de la nuit; chaque jour elle ajoutera au retard précédent un retard de la même quantité, jusqu'à la conjonction. Et autant de temps, demeurant sous l'horizon, elle enlèvera aux premières parties de la nuit, autant de temps, demeurant sur l'horizon, elle ajoutera aux dernières parties de la nuit, et empiétera sur le jour de mois en mois. La révolution sera alternativement de trente jours et de vingt-neuf. Telle est la théorie des lunaisons. LXXVI. (XXXIII.) 1. Celle des vents est un peu plus minutieuse. Observez, le premier jour venu, l'endroit où se lève le soleil, et placez-vous debout à la sixième heure (midi ), de manière à avoir le levant à gauche; le midi sera en face, et le nord à dos. Le sentier qui traverse un champ dans cette direction se nomme cardinal. Dans cette position il vaut mieux se retourner, afin de voir son ombre; autrement votre ombre sera derrière vous. Ayant ainsi fait volte-face, vous aurez le levant à droite, le couchant à gauche; il sera la sixième heure (midi) quand en face de vous l'ombre sera la plus courte. 2. Par le milieu de cette ombre, dans sa longueur, tracez soit un sillon avec un sarcloir, soit une raie avec de la cendre, de vingt pieds de long, par exemple. Au milieu de cette longueur, c'est-à-dire au dixième pied, décrivez un petit cercle qu'on appelle ombilic. La partie qui sera du côté de la tête de l'ombre sera du côté du vent du nord. Vous qui émondez les arbres, que les coupures ne regardent pas de ce côté, non plus que les hautains et les vignes, si ce n'est en Afrique, à Cyrène, en Égypte. Quand le vent souffle de là, ne labourez pas, ne vaquez pas aux autres travaux dont nous allons parler. La partie de la ligne qui sera du côté des pieds de l'ombre regarde le midi, et donne l'Auster (vent du sud), qui, avons-nous dit, est appelé Notus par les Grecs. 3. Quand le vent vient de là, ne touchez, laboureur, ni au bois ni à la vigne. Il est humide ou brûlant en Italie; en Afrique il amène des chaleurs dévorantes avec le beau temps. En Italie, les ceps regarderont de ce côté, mais non les coupures des arbres et des vignes que l'on taille. Se garderont de ce vent pendant les quatre jours du lever des Pléiades (XVII, 2, 1 ), ceux qui plantent des oliviers, ceux qui greffent en fente, ceux qui écussonnent. Il sera à propos de donner des avis de précaution, pour l'Italie encore, au sujet de l'heure même, Ne coupez pas les feuilles au milieu du jour. Lorsque vous verrez midi approcher en été, l'ombre se raccourcissant, conduisez, berger, le troupeau loin du soleil, en des lieux ombragés. 4. Quand vous faites paître en été, le bétail (VIII, 75), qu'il regarde l'occident avant midi, l'orient après midi; autrement il souffrira, comme si en hiver et au printemps vous le meniez dans la rosée. Il a été dit plus haut qu'il ne fallait pas faire paître les animaux contre le vent du nord; ce vent leur fait fermer les yeux ou leur cause une ophtalmie, et ils périssent promptement de diarrhée. Si l'on veut avoir des femelles, il faut que les mères soient tournées du côté de ce vent pendant l'accouplement. LXXVII. (XXXIV.) 1. Nous avons dit (XVIII, 76) que l'ombilic était tracé sur le milieu de la ligne; une ligne transversale le coupera par le milieu, elle est dirigée du levant équinoxial au couchant équinoxial; et le sentier qui se trouvera couper le champ dans cette direction se nommera decumanus. On tracera ensuite deux autres lignes croisées et obliques, de sorte qu'étant à droite et à gauche du nord elles se portent à droite et à gauche du midi. 2. Toutes ces lignes passeront par le centre, seront toutes égales entre elles, et toutes à des distances égales. Il faudra chercher de la sorte une fois l'orientation de chaque champ; ou si on veut en user souvent, on la représentera en bois à l'aide de règles égales fixées sur un tambour petit, mais arrondi au compas. Dans le procédé que j'enseigne, il faut prévenir une erreur que des gens ignorants pourraient commettre : ce qu'il faut vérifier, c'est le midi, qui est toujours le même ; mais, le soleil se levant chaque jour à un autre point du ciel que la veille, n'allez pas prendre le levant pour tracer votre base. 3. L'orientation ainsi déterminée, l'extrémité de la ligne la plus voisine du nord vers le levant indiquera le lever solsticial, c'est-à-dire celui du plus long jour, et le vent Aquilon, appelé Borée par les Grecs. Plantez de ce côté les arbres et les vignes ; mais ce vent soufflant ne labourez pas, ne semez pas de blé, ne faites pas do plantations : en effet, il resserre et frappe les racines des jeunes arbres pendant le transport. Autre est, sachez-le bien, ce qui convient aux arbres adultes, autre ce qui convient aux arbres enfants. 4. Je n'ai pas oublié que dans cette partie les Grecs placent le vent qu'ils nomment Coecias; mais Aristote, homme d'une science immense, qui y a aussi placé le Caecias, donne la raison climatologique pour laquelle l'Aquilon souffle en sens contraire de l'Africus. Toutefois, le laboureur ne redoute pas l'Aquilon pendant toute l'année : ce vent est adouci (II, 47) par Sirius au milieu de l'été; il change de nom, et s'appelle Étésien. Ainsi, quand vous le sentirez froid défiez-vous-en; toutes les influences assignées à l'Aquilon sont encore plus pernicieuses dans le vent du nord. Dans l'Asie, la Grèce, l'Espagne, l'Italie maritime, la Campanie, l'Apulie, les hautains et les vignes doivent regarder du côté de ce vent (l'Aquilon). Si vous voulez avoir des mâles (VIII, 72 ), faites paître le troupeau de manière que ce vent féconde le mâle qui doit féconder la femelle. L'Africus, appelé Libs par les Grecs, souffle du coucher d'hiver à l'opposite de l'Aquilon. Quand après l'accouplement les animaux se retournent du côté de L'Africus, sachez que des femelles ont été conçues. 5. La troisième ligne après le nord, qui, avons-nous dit, coupe l'ombre transversalement et se nomme décumane, sera du côté du lever équinoxial et du vent Subsolanus, appelé Apéliotes par les Grecs. Dans les localités salubres, les maisons de campagne et les vignes doivent avoir cette exposition. Il est doucement pluvieux. Toutefois le Favonius, qui lui est opposé, soufflant du coucher équinoxial, et nommé par les Grecs Zéphyre, est plus sec; Caton a prescrit de tourner de ce côté les plantations d'oliviers (XV, 6) : ce vent commence le printemps et ouvre la terre; un peu froid, mais salubre. Il autorisera à tailler la vigne, à soigner les blés, à planter les arbres, à greffer les arbres à fruit, à s'occuper des oliviers; et par son souffle il donnera le signal des travaux au cultivateur. 6. La quatrième ligne à partir du nord, laquelle avoisine le midi du côté du levant, indiquera le lever d'hiver et le vent Vulturne, appelé Eurus par les Grecs. Il est sec et chaud. Les ruches et les vignes en Italie et en Gaule doivent regarder de ce côté. A l'opposite du Vulturne, le Corus souffle du côté du couchant solsticial, à l'occident du nord; les Grecs le nomment Argestes; il est des plus froids, ainsi que tous ceux qui soufflent du côté du nord; il amène encore la grêle, et il faut s'en défier à l'égal du vent du septentrion. Le Vulturne, si, quand il commence à souffler, la partie du ciel d'où il souffle est sereine, ne se prolongera pas dans la nuit; mais le Subsolanus dure pendant la plus grande partie de ta nuit. Un vent que l'on sent chaud, quel qu'il soit, se soutient pendant plusieurs jours. La terre annonce, se desséchant soudainement, l'Aquilon; s'humectant sans cause apparente, le vent du midi. LXXVIII. (XXXV.) 1. Après avoir exposé ce qui concerne les vents, il convient, pour ne pas tomber dans les répétitions, de passer aux autres présages des mauvais temps, dont la connaissance a beaucoup intéressé Virgile; il avertit que plus d'une fois pendant la moisson même les vents se livrent des combats funestes aux imprévoyants (Georg., I, 313). On rapporte que Démocrite, pendant que son frère Damase moissonnait par une chaleur dévorante., le pria de laisser le reste des blés, et de serrer à la hâte ce qui était coupé : une pluie violente qui survint peu d'heures après justifia sa prédiction. On recommande même de ne planter les roseaux que la pluie étant imminente, et de ne semer les blés que la pluie devant suivre. Ainsi traiterons-nous brièvement de ces pronostics, nous arrêtant aux plus essentiels. Nous prendrons d'abord les présages fournis par le soleil : 2. Pur à son lever, sans être brûlant, il annonce un jour serein; mais pâle il annonce une grêle orageuse. SI se couchant serein il se lève le lendemain serein aussi, l'assurance du beau temps est encore plus grande. S'il se lève caché dans le nuage, il présage de la pluie; il présage du vent quand les nuages rougissent avant qu'il se lève, et en outre de la pluie quand des nuages noirs sont mêlés parmi les rouges. Quand ses rayons sont rouges au lever et au coucher, les pluies seront abondantes. Si les nuages sont rouges à son coucher, ils promettent du beau temps pour le lendemain. 3. Si au lever ils se dispersent partie au midi, partie à l'Aquilon, bien que le ciel soit serein autour du soleil, néanmoins c'est une annonce de pluie et de vents; de pluie, si ses rayons paraissent contractés à son lever ou à son coucher. S'il pleut au moment de son coucher, ou si les rayons attirent à eux les nuages, c'est l'annonce d'un violent orage pour le lendemain. Quand au lever les rayons ne sont pas vifs, bien qu'ils ne soient pas entourés de nuages, ils présagent la pluie. 4. Si avant le lever les nuages se pelotonnent, ils indiquent un violent orage; si repoussés du levant ils vont vers le couchant, le beau temps. Si les nuages cernent le soleil, moins ils laisseront de lumière plus la tempête sera forte ; s'ils forment un double cercle elle sera plus terrible encore; si cela arrive au lever de manière que les nuages rougissent, c'est l'indice d'une tempête très grande; si les nuages s'appuient sur le soleil sans l'environner, ils présagent le vent du côté où ils sont, et en outre de la pluie, s'ils sont au midi. 5. Si, à son lever, le soleil est entouré d'un cercle, il y aura du vent du côté où le cercle s'ouvrira; si le cercle s'évanouit également, il indique du beau temps. Si à son lever le soleil prolonge au loin des rayons à travers les nuages, et que le milieu soit vide, ce sera de la pluie; si les rayons se montrent avant le lever, de l'eau et du veut. S'il y a un cercle blanc à son coucher, légère tempête pour la nuit ;s'il y a un nuage, tempête plus violente; si le soleil parait blanc lui-même, il y aura du vent; si le cercla est noir, grand vent du côté où le cercle s'ouvrira. LXXIX. 1. De droit viennent ensuite les présages de la lune. L'Égypte observe surtout le quatrième jour de la lune. Si elle se lève resplendissante d'une lumière pure, on pense qu'on aura du beau temps; si elle est rouge, du vent; si elle est noire, de la pluie. Au cinquième jour les cornes du croissant annoncent toujours, émoussées, de la pluie; droites et aiguës, du vent, surtout au quatrième jour. Allongée en une pointe roide, la corne septentrionale présage le vent du nord, la corne inférieure le vent du midi; droites toutes deux, elles présagent une nuit venteuse. Si au quatrième jour elle est entourée d'un cercle rutilant, elle avertit qu'il y aura vents et pluies. 2. On lit dans Varron ce qui suit : Si au quatrième jour la lune a les cornes droites, elle présage une grande tempête en nier, à moins qu'elle n'ait autour d'elle une couronne, et que cette couronne ne soit nette; car ce signe annonce qu'il n'y aura pas d'orage avant la pleine lune. Si dans sou plein la moitié du disque est claire, c'est l'annonce de jours sereins; si elle est rouge, de vents; si elle est noirâtre, de pluies. 3. Si un brouillard environne le disque nuageux, on aura du vent du côté où le cercle se rompra; si le cercle est double la tempête sera plus forte, et encore plus si les cercles sont au nombre de trois, ou noirs, interrompus et disjoints. Si la nouvelle lune se lève avec la corne supérieure noirâtre, il y aura des pluies au décours; si c'est la corne inférieure, avant la pleine tune; si cette noirceur est au milieu, pendant la pleine lune. Si, pleine, elle est entourée d'un cercle, elle annonce du vent du côté où ce cercle sera le plus brillant; une tempête terrible si dans le lever les cornes du croissant sont grosses. Si, le Favonius soufflant, elle ne se montre pas avant le quatrième jour, elle sera orageuse pendant tout le mois. 4. Si au seizième jour elle paraît très enflammée, c'est un présage de tempêtes violentes. Il y a encore huit époques de la lune où elle fait certains angles avec le soleil ; la plupart n'en observent les présages qu'entre ces époques; ce sont le troisième jour, le septième, le onzième, le quinzième, le dix-neuvième, le vingt-troisième, le vingt-septième, et le jour de la conjonction. LXXX. 1. Au troisième rang doit être placée l'observation des étoiles. On en voit parfois courir çà et là (II, 6 et 36), et des vents surviennent aussitôt du côté où ce présage s'est montré. Quand le ciel tout entier est également resplendissant aux époques que nous avons indiquées (XVIII, 59, 2), c'est l'annonce d'un automne serein et froid. Si le printemps et l'été n'ont point passé sans quelques pluies, l'automne qui suivra sera beau, couvert, et peu venteux. 2. La sérénité de l'automne annonce un hiver venteux. Quand l'éclat des étoiles s'obscurcit soudainement, et cela sans nuage ni brouillard, c'est l'annonce de pluies ou de tempêtes violentes. Si l'on voit voltiger de nombreuses étoiles, laissant une traînée blanchissante, elles présagent du vent dans cette direction. Si elles courent dans le même sens, les vents seront constants; inconstants, si elles courent dans des directions différentes. Si des cercles renferment quelqu'une des planètes, de la pluie viendra. 3. Il y a dans le signe de l'Écrevisse deux petites étoiles, nommées les Anons; le petit espace qui les sépare est occupé par un petit nuage qu'on appelle la Crèche : quand par un ciel serein ce nuage cesse d'être visible, c'est le présage d'une tempête violente. Si des deux étoiles la septentrionale est dérobée par le brouillard, le vent du midi sévit; l'Aquilon, si c'est la méridionale. Un arc-en-ciel double annonce la pluie; après la pluie, un beau temps qui n'est pas aussi assuré. De nouveaux cercles autour de quelques astres présagent la pluie. LXXXI. 1. Lorsqu'en été il a tonné plus qu'il n'a éclairé, c'est l'annonce du vent du côte où il tonne; de pluie, au contraire, s'il y a eu moins de tonnerres que d'éclairs. Quand par un ciel serein il éclaire et il tonne, cela présage du mauvais temps. L'orage sera horrible si les éclairs partent des quatre parties du ciel. Quand il éclaire seulement du côté de l'Aquilon, c'est un présage de pluie pour le lendemain. Quand il éclaire du côté du septentrion, c'est le présage du vent du nord. Quand par une nuit sereine il éclaire du côté du vent du sud, ou du Corus ou du Favonius, il y aura du vent et de la pluie de ces côtés. Le tonnerre du matin indique le vent, le tonnerre du midi la pluie. LXXXII. 1. Quand par un ciel serein on volt les nuages se mouvoir, on doit attendre le vent du côté, quel qu'il soit, où les nuages se meuvent; s'ils s'agglomèrent en un seul point, l'approche du soleil les dispersera. Si cela arrive du côté de l'Aquilon, c'est présage de veut; si du côté du midi, c'est présage de pluie. Au coucher du soleil, si les nuages s'écartant à droite et à gauche de cet astre se répandent dans le ciel, ils annoncent une tempête. Très noirs du côté du levant, ils menacent de pluie pour la nuit; du côté du couchant, pour le lendemain. Si les nuages se répandent en grande quantité du côté du levant comme des flocons de laine, c'est un présage de pluie pour trois jours. Quand les nuages s'arrêtent sur le sommet des montagnes, c'est signe de mauvais temps; si les sommets des montagnes s'éclaircissent, c'est signe de beau temps. Un nuage chargé et blanchâtre, qu'on appelle tempête blanche, annonce la grêle. Un nuage isolé, bien que petit, même dans un ciel serein, annonce un vent orageux. LXXXIII. 1. Les nuages descendant du haut des monts, ou tombant du haut du ciel, ou s'arrêtant dans les vallées, annoncent du beau temps.
LXXXIV. 1. Après viennent les pronostics tirés des feux qu'on a sur terre : pâles et faisant du bruit, ils annoncent les tempêtes; les champignons qui se forment aux lampes annoncent la pluie; si la flamme est flexueuse et vacillante, c'est l'indice de vent : il en est de même quand les lampes s'éteignent d'elles-mêmes ou s'allument difficilement ; il en est de même encore quand il s'y forme des amas d'étincelles pendantes, ou quand le charbon adhère aux vases qu'on retire du feu, ou quand le feu couvert écarte la cendre chaude ou lance des étincelles, ou quand la cendre se concrète dans le foyer et quand le charbon jette un vif éclat. LXXXV. 1. Il est aussi des présages tirés des eaux : si la mer tranquille dans le port suspend son mouvement et murmure au dedans d'elle-même, c'est présage de vent; si elle murmure par intervalles, c'est présage de mauvais temps et de pluie. Si les rivages et les côtes retentissent par une mer tranquille, cela annonce une tempête violente. Il en est de même du bruit que la mer tranquille fait entendre, de son écume qui se disperse, ou du bouillonnement de l'eau. Les poumons de mer (téthye ou méduse?) nageant sur les flots annoncent du mauvais temps pour plusieurs jours. Souvent encore la mer se gonfle en silence, et, plus soulevée que par les souffles ordinaires, elle indique que déjà les vents la travaillent à l'intérieur. LXXXVI. 1. Les bruits des montagnes et les mugissements des forêts fournissent des présages, ainsi que les feuilles qui frémissent sans que l'on sente un souffle dans l'air, ainsi que la bourre du peuplier et de l'épine qui voltige, ainsi que les plumes qui nagent sur les eaux. Dans les campagnes même la tempête est annoncée par le fracas qui la précède, et le ciel grondant fournit un pronostic qui n'est pas équivoque. LXXXVII. 1. Les animaux donnent aussi des présages. Les dauphins folâtrant sur la mer tranquille annoncent du vent du côté d'où ils viennent. Quand ils jettent de l'eau par une mer agitée, ils annoncent le calme. Le calmar qui voltige, les coquillages qui s'attachent, les hérissons de mer qui se fixent avec leurs piquants (IX, 51), ou qui se lestent avec du sable, sont des signes de tempête. Même pronostic quand les grenouilles coassent plus qu'à l'ordinaire, et quand les foulques font entendre leurs cris dès le matin. Les plongeons et les canards nettoyant leurs plumes avec le bec présagent le vent, ainsi que les autres oiseaux aquatiques qui courent en troupes, que les grues qui gagnent à la hâte l'intérieur des terres, que les plongeons qui s'enfuient loin de la mer et des étangs. 2. Les grues volant silencieusement au haut des airs annoncent le beau temps, ainsi que la chouette qui crie pendant la pluie; mais si elle crie par un temps serein, elle annonce de la tempête. Les corbeaux qui croassent avec une espèce de gloussement et qui se secouent annoncent le vent, s'ils font cela sans interruption; si leurs cris sont entrecoupés, ils annoncent de la pluie avec du vent. Les choucas se retirant tardivement après la pâture annoncent le mauvais temps, ainsi que les oiseaux blancs quand ils se réunissent en troupes, et les oiseaux de terre quand ils vont crier contre l'eau et arrosent leurs plumes principalement la corneille; ainsi que l'hirondelle rasant l'eau de si prés qu'elle la frappe de son aile, que les oiseaux qui perchent quand ils se réfugient dans leur nid, que les oies quand elles nous assourdissent de Clameurs continuelles, et que le héron quand il reste triste au milieu des sables. LXXXVIII. 1. Il n'est pas étonnant sans doute que les oiseaux aquatiques, et, en général, que les oiseaux perçoivent les présages de l'air. Les troupeaux bondissant et folâtrant avec une allégresse grossière fournissent aussi un pronostic du temps. Il en est de même des boeufs qui flairent le ciel et qui se lèchent à contre-poil; des pourceaux fangeux éparpillant les bottes de foin qui ne leur sont pas destinées; des fourmis qui contre leur naturel se tiennent oisives et renfermées, ou qui se hâtent et apportent leurs oeufs; et des vers de terre qui sortent de leurs trous. LXXXIX. 1. Il est certain que le trèfle aussi se hérisse et dresse ses feuilles à l'approche de la tempête.
XC.
1. Enfin, dans les repas et sur nos tables,
les plats où l'on met de la viande, venant à suer et laissant la sueur sur les
plateaux, présagent de violentes tempêtes.
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