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ATTENTION : police unicode PLINE L'ANCIEN HISTOIRE NATURELLE LIVRE TREIZE Texte français Paris : Dubochet,
1848-1850. LIVRE Xlll, TRAITANT DE L'HISTOIRE DES ARBRES EXOTIQUES ET DES PARFUMS. I. Des parfums; quand ils ont commencé à être en usage. - II. Espèces de parfums, et douze compositions. - III. Diapasma, magma, et moyens de vérifier les parfums. - IV. Luxe excessif en fait de parfums.- V. Quand a-t-on commencé à en faire usage à Rome? - VI. Des palmiers. - VII. Nature des palmiers. - VIII. Comment on multiplie les palmiers. - IX. Des espèces de palmiers et de leurs caractères distinctifs. - X. Arbres de la Syrie, pistachier, cottana, damascène, myxa. - XI. Cèdre. Arbres qui portent en même temps des fruits de trois années. - XII. Térébinthinier. - XIII. Sumac. - XIV. Arbres d'Égypte : figuier d'Égypte. - XV. Figuier de Chypre. - XVI. Silique ceraunia. - XVII. Du persica. Sur quels arbres les fruits se succèdent. - XVIII. Cuci. - XIX. Épine égyptienne. - XX. Neuf espèces de gommes. Sareocolle. - XXI. Du papyrus; de l'usage du papier; quand il a commencé. - XXII. Comment on fabrique le papier. - XXIII. Neuf espèces de papier. - XXIV. Comment on éprouve le papier. - XXV. Défauts du papier. - XXVI. De la colle du papier. - XXVII. Des livres de Numa. - XXVIII. Arbres de l'Éthiopie. - XXIX. Arbre atlantique. Du citre, et des tables faites de ce bois. - XXX. Des beautés et des défauts que l'on trouve dans ce bois. - XXXI. Du citron. - XXXII. Du lotos. - XXXIII. Arbres de la Cyrénaïque. Le paliure. - XXXIV. Neuf espèces de grenadiers. Du balauste. - XXXV. Arbres de l'Asie et de la Grèce : l'épipactide, l'érice, le grain de Cnide ou thymelée, ou chamelée, ou pyrosachne , ou enestre, ou eneorum. - XXXVI. Tragion, tragacanthe. - XXXVII. Tragos ou scorpion , myrice ou brye, ostrys. - XXXVIII. Evonymos. - XXXIX. L'arbre éon. - XL. Andrachie. - XLI. La coccygie, l'apharce. - XLII. La férule. - XLIII. La thapsie. -XLIV. Le caprier ou cynosbate , ou ophiostaphylon. - XLV. La sariphe. - XLVI. L'épine royale. - XLVII. Le cytise. - XLVIII. Arbres et arbustes de la Méditerranée : phycus ou prason, ou zoster. - XLIX. Bryon marin. - L. Productions végétales de la mer Rouge. - LI. Productions végétales de la mer des Indes. - LII. Productions végétales de la mer Troglodytique : chevelure d'Isis, charitoblépharon. Résumé : Faits, histoires et observations, 468 Auteurs : M. Varron , Mucien, Virgile, Fabianus, Sebosus, Pomponius Mela, Fabius Pictor, Hygin, Trogue Pompée, Procilius, l'empereur Claude, Cornelius Nepos, Sextius Niger qui a écrit en grec sur la médecine, Cassius Hémina; L. Pison, Tuditanus, Valérius Antias. Auteurs étrangers : Théophraste, Hérodote, Callisthène, Isigone, Clitarque, Anaximène, Duris, Néarque, Onésicrite, Polycrite, Olympiodore, Diognète, Cléobule, Anticlide, Charès de Mitylène, Ménechme, Dorothée d'Athènes, Lycus, Antée, Éphippe, Dion , Adimante , Ptolémée fils de Lagus, Marsyas le Macédonien, Zoïle le Macédonien, Démocrite, Amphiloque, Alexandre Polyhistor, Aristomaque, le roi Juba, Apollodore qui a écrit sur les odeurs, le médecin Héraclide, le médecin Botrys, le médecin Archidème, le médecin Denys, le médecin Démocède, le médecin Euphronius, le médecin Mnésis, le médecin Diagoras, le médecin lollas, Héraclide de Tarente, Xénocrate d'Éphèse.
[2] Les parfums vont de droit aux Perses : ils en sont toujours pénétrés, et par ce moyen ils masquent la mauvaise haleine que leur donne leur gourmandise (XI, 115). Le premier exemple de l'usage des parfums que je trouve et la boîte à parfums (VII, 30 ) dont Alexandre s'empara, au milieu des autres dépouilles, lors de la prise du camp de Darius. Plus tard, ce genre de luxe a été admis par les Romains au nombre des jouissances de la vie les plus prisées et les plus distinguées. On a commencé aussi à les employer en l'honneur des morts : en conséquence, nous nous étendrons davantage sur ce sujet. Les parfums qui ne sont pas le produit d'arbrisseaux ne seront, pour le moment, indiqués que par leur nom; nous en exposerons les caractères en lieu et place.
[2] On prisa longtemps par-dessus tout le parfum de safran do Soles en Cilicie, puis celui de Rhodes; le parfum d'oenanthe (XII, 62) de Chypre, puis celui d'Adramytte; le parfum de marjolaine (XXI, 35) de Cos a eu la vogue, puis le parfum de coing (XXIII, 54) de la même île a été préféré. Quant au parfum de cypre (XII, 5 ), on prisa d'abord celui de l'île de Chypre, puis celui d'Égypte, où tout à coup le parfum de Mendès et le métopion obtinrent la préférence; puis la Phénicie s'empara de ces deux derniers parfums, et laissa à l'Égypte la prééminence pour le parfum de cypre. Athènes a conservé avec persévérance son panathénaïcon. II y avait jadis un pardalium dans la ville de Tarse, mais on n'en connaît plus la composition et le mélange. On a cessé encore de faire du parfum de narcisse (XXI, 75) avec la fleur de cette plante. [3] Deux éléments entrent dans la confection des parfums, la partie liquide et la partie solide : la première n'est guère composée que d'huiles, la seconde l'est de substances odorantes; celle-ci se nomme stymma (épaississant), celle-la hédysma (douceur). Un troisième élément est la couleur, que beaucoup négligent. Pour la coloration on ajoute le cinabre (XXXIII, 30) et l'anchuse (XXII, 23). On sale l'huile pour la conserver. Quand on a ajouté l'anchuse. on n'ajoute pas de sel. On ajoute de la résine ou de la gomme pour fixer l'odeur dans le parfum solide, laquelle, sans cette addition, se perd et s'évanouit rapidement. [4] Le plus prompt à préparer, et vraisemblablement le premier qu'on ait fabriqué, est celui qui se fait avec le bryon (XII, 61) et l'huile de balan (XII, 46). La composition du parfum de Mendès se compliqua par l'addition de résine à l'huile de balan ; aujourd'hui on y ajoute de préférence du métopion : c'est une huile extraite des amendes amères en Égypte, et à laquelle on ajoute de l'omphacium (XII, 60), du cardamome, du jonc (XII, 48), du calamus, du miel, du vin, de la myrrhe, de la graine de baumier, du galbanum et de la térébenthine. [5] Parmi les parfums les plus communs aujourd'hui, et, selon l'opinion commune, les plus anciens, est celui qui est composé d'huile de myrte, de calamus (XII, 48), de cyprès, de cypre (henné, Lawsonia inermis), de lentisque et d'écorce de grenade. Pour moi, je pense que les parfums composés avec la rose, qui vient partout, ont été les plus répandus. La composition du parfum de rose fut longtemps très simple : omphacium, fleur de rose, fleur de safran, cinabre, calamus, miel, jonc, fleur de sel ou anchuse, vin. Même procédé pour le parfum de safran : on ajoute du cinabre, de l'anchuse et du vin. Même procédé pour le parfum de marjolaine (XXI, 35) : on ajoute l'omphacium (XII, 60) et le calamus; [6] ce dernier parfum est excellent dans l'île de Chypre et à Mitylène, où abonde la marjolaine. On mêle encore des huiles à plus bas prix, celles de myrte et de laurier, auxquelles on ajoute l'huile de marjolaine, le lis, le fenugrec, la myrrhe, la cannelle, le nard, le jonc, le cinnamome. Avec les coings ordinaires et ceux qui sont appelés struthies on prépare, comme nous le dirons (XXIII, 54), le melinum, qui passe dans les parfums avec l'addition de l'omphacium, de l'huile de cypre, de celle de sésame, du baume, du jonc, de la cannelle et de l'aurone. Le parfum de lis est le plus fluide : il est composé de lis, d'huile de balan, de calamus, de miel, de cinnamome, de safran, de myrrhe. [7] Le parfum de cypre est fait avec du cypre; de l'omphacium, du cardamome, du calamus, de l'aspalathe (XII, 52) et de l'aurone; quelques-uns y ajoutent de la myrrhe et du panax (XII, 57) ; le meilleur est celui de Sidon, puis celui d'Égypte, si on n'y ajoute pas de l'huile de sésame; il se conserve pendant quatre ans ; le cinnamome lui donne de la force. Le parfum de fenugrec (XXIV, 120) se fait avec l'huile récente, le souchet (XXI, 70), le calamus, le mélilot, le fenugrec, le miel, le marum (XII, 63) et la marjolaine; c'était le parfum le plus en vogue au temps du poète comique Ménandre. Longtemps après, le premier rang passa au mégalium, ainsi appelé à cause de sa renommée, et fait avec de l'huile de balan, du baume, du calamus, du jonc, du xylobalsamum (XII, 54), de la cannelle et de la résine; il doit être ventilé pendant la cuisson jusqu'à ce qu'il cesse d'être odorant; l'odeur revient parle refroidissement. [8] Des essences isolées constituent aussi des parfums célèbres : au premier rang le malobathrum (XII, 59), puis l'iris d'Illyrie et la marjolaine de Cyzique : ces deux derniers végétaux sont des herbes; on y ajoute peu d'ingrédients, variables suivant les parfumeurs; ceux qui en ajoutent le plus mettent du miel, de la fleur de sel, de l'omphacium , des feuilles d'agnus (XXIV, 38 ), du panax, toutes substances étrangères. Le parfum de cinnamome monte à des prix prodigieux. Au cinname on ajoute de l'huile de balan, du xylobalsamum, du calamus, du jonc, des graines de baumier, de la myrrhe, du miel odorant; c'est le plus épais des parfums. Le prix en est de 25 deniers (20 fr. 50) à 300 (246 fr.). Le parfum de nard ou foliatum (XI, 27) est composé d'ompltacium, d'huile de balan, de jonc, de costus (XII, 25 ), de nard, d'amome (XII, 28), de myrrhe, de baume. A ce propos on se rappellera que les herbes qui, avons-nous dit, simulent le nard indien, sont au nombre de neuf (XII, 26 et 27) : que de moyens de falsification!
[9] Tous les
parfums deviennent plus pénétrants par le costus et l'amome, qui portent surtout
à l'odorat; la myrrhe leur donne plus de consistance et de suavité ; le safran
les rend plus propres aux emplois médicaux ; ils sont très pénétrants même avec
l'amome seul, qui va jusqu'à causer des maux de tête. Quelques-uns se contentent
d'arroser les substances les plus précieuses avec la décoction des autres,
épargnant la dépense; mais la force du parfum n'est pas aussi grande que quand
tous les ingrédients ont bouilli ensemble. La myrrhe, à elle seule, sans huile,
constitue un parfum; pour cela on n'emploie que la myrrhe stacté, autrement elle
donne trop d'amertume. Le parfum de cypre rend les parfums verts, celui de lis
les rend onctueux, celui de Mendès noirs, celui de roses blancs; la myrrhe les
rend pâles. Telles sont les inventions anciennes, auxquelles se sont ajoutées
plus tard les falsifications des fabriques. Maintenant parlons du parfum qui est
le comble du raffinement et le plus estimé [10] (II.) il est nommé le parfum royal, parce qu'il est ainsi composé pour les rois des Parthes : myrobolan (XII, 46), costus, amome, cinname-comaque (XII, 63 ), cardamome, épi de nard, marum, myrrhe, cannelle, styrax, ladanum, baume, calamus (XII, 48), jonc (XII, 48), oenanthe, malobathrum (XII, 59), serichatum (XII, 45), cypre , aspalathe, panax, safran, souchet, marjolaine, lotus, miel, vin. Ni l'Italie, conquérante de toutes les nations, ni même l'Europe entière, ne fournissent aucune des productions qui entrent dans la fabrication des parfums, excepté l'iris d'Illyrie et le nard des Gaules; car le vin, la rose, les feuilles de myrte, et l'huile, sont à peu près de tous les pays.
[2] Mais il faut faire ici quelque distinction. Nous lisons dans Cicéron (XVII, 3, 11) que les parfums qui sentent la terre sont plus agréables que ceux qui sentent le safran : c'est que même dans cet objet, où la corruption éclate le plus, on aime à tempérer le mal par un peu de sévérité. Quelques-uns recherchent surtout la consistance dans les parfums, c'est ce qu'ils appel lent parfum épais; ils aiment à être non pas humectés, mais enduits de parfum. Nous avons vu oindre la plante des pieds, raffinement enseigné, disait-on, à Néron par M. Othon. [3] Comment, je le demande, l'odeur mise à cette partie du corps pouvait-elle être sentie et faire plaisir? Nous avons entendu aussi un simple particulier ordonner que les murs des bains fussent aspergés de parfum ; l'empereur Caligula en faisait mettre dans ses bains de siège. Et qu'on ne regarde pas cela comme un privilège de prince :un esclave de Néron en a fait ensuite autant. Toutefois, ce qui est étonnant, c'est que ce genre de luxe ait pénétré même dans les camps: les aigles et les étendards, poudreux et gardés par des mains vaillantes, sont parfumés les jours de fêtes. Plût au ciel que nous pussions dire quel est l'auteur de cet usage! Sans doute c'est mues par ce prix corrupteur que les aigles ont fait la conquête du monde. Grâce à ces patronages que nous cherchons à nos vices, on s'autorise à user de parfums sous le casque.
[2] Les grands palmiers forment des forêts; le tronc même est muni tout autour de feuilles pointues, disposées en forme de peigne; ce sont les palmiers sauvages : toutefois, par une débauche vagabonde, ils ont commerce avec les palmiers cultivés. Ceux-ci, ronds et élevés, sont garnis circulairement de tubérosités épaisses formées par l'écorce et arrangées en gradins, ce qui offre de la facilité aux Orientaux pour grimper sur l'arbre. L'homme s'entoure, lui et l'arbre, d'un cercle d'osier; et de cette façon il parvient au haut avec une rapidité merveilleuse. Tout le feuillage est au sommet, ainsi que le fruit. Le fruit n'est pas entre les feuilles comme dans les autres arbres, mais au milieu des branches : il pend en grappes à des pédicules qui lui sont propres, participant à la fois de la grappe et de la pomme. Les feuilles sont terminées par une pointe en forme de couteau ; les côtés en sont canaliculés, et elles ont donné la première idée d'une armée faisant face de deux côtés : aujourd'hui on les fend (XVI, 37) pour faire des cordes, des nattes et des parasols légers. [3] Les naturalistes les plus exacts ont dit que les arbres, et, à vrai dire, tous les végétaux que la terre produit, même les herbes, ont les deux sexes. Pour le moment il suffit d'avoir rappelé cette observation, qui n'est manifeste dans aucun arbre plus que dans le palmier. Le mâle fleurit; la femelle ne fleurit pas, et a seulement un bourgeon en forme d'épi. Dans l'un et l'autre la chair du fruit se forme d'abord, puis le noyau, c'est-à-dire la graine; ce qui le prouve, c'est que sur la même tige on trouve de jeunes fruits sans noyau. Ce noyau est oblong, et non arrondi comme celui des olives; en outre il est fendu, sur le dos, d'une fente à bords renflés; et en avant, au milieu, est sur la plupart un ombilic, d'où la racine commence à sortir. [4] En le semant on le place sur la face antérieure, et on en juxtapose deux, au-dessus desquels on en met deux autres, parce qu'un seul ne donne qu'une plante faible ; mais les quatre se réunissent. Ce noyau est séparé de la chair du fruit par plusieurs enveloppes blanches, et par d'autres qui adhèrent au fruit même; jouant librement dans l'intérieur, il ne tient qu'au sommet par un fil. La chair du fruit mûrit en un an. Cependant en certains lieux, par exemple en Chypre, sans mûrir il a déjà une saveur douce et agréable; la feuille y est plus large, et le fruit plus arrondi qu'ailleurs; on ne l'avale pas, on se contente de le mâcher et d'en exprimer le suc. [5] En Arabie aussi on dit que les palmiers ont un goût d'une douceur fade; toutefois Juba met au-dessus de toutes la datte des Arabes Scénites, nommée dablan. On assure que dans une forêt naturelle les palmiers femelles privés de mâles n'engendrent pas; que plusieurs femelles autour d'un seul mâle inclinent de son côté leur feuillage, qui semble le flatter; que lui, hérissant sa chevelure, féconde les autres par sou souffle, par la vue, et par la poussière même; que, l'arbre mâle étant coupé, les femelles, veuves, deviennent stériles. Leurs amours sont si bien connues, que l'homme a imaginé de produire la fécondation en secouant les fleurs et le duvet des mâles, ou même seulement leur poussière, sur les femelles.
[2] Devenus grands, on les émonde pour les faire grossir, mais on laisse les branches de la longueur d'un demi-pied, opération ailleurs mortelle pour l'arbre. Nous avons dit (XIII, 7) qu'ils se plaisent dans un terrain salé (XVII, 3) ; là où le sol n'est pas salé , on jette du sel, non sur les racines, mais à une certaine distance. Quelques palmiers, dans la Syrie et l'Égypte, se divisent en deux troncs, dans la Crète en trois et même en cinq. Les palmiers portent dès l'âge de trois ans ; mais dans l'île de Chypre, la Syrie et l'Égypte, à l'âge de quatre ans; quelques-uns ne portent qu'à l'âge de cinq : l'arbre a la hauteur d'un homme; le fruit n'a pas de noyau tant que l'arbre est jeune, ce qui lui a fait donner le nom d'eunuque.
[2] Les palmiers à fruit ont un noyau les uns plus court , les autres plus long, ceux-ci plus mou, ceux-la plus dur, quelques-uns osseux et en forme de croissant : la superstition veut qu'on les polisse avec la dent, et l'on s'en sert contre les charmes. Ce noyau est dans des enveloppes plus ou moins nombreuses, plus ou moins épaisses. De la sorte on trouve quarante-neuf espèces, si l'on veut énumérer tous les noms même barbares et les vins différents tirés de ces arbres. Les plus célèbres sont ceux qu'on nommait royaux, parce qu'ils étaient uniquement réservés aux rois de Perse; il n'y en avait qu'à Babylone, dans le seul jardin de Bagoas. Bagoas est le nom que les Perses donnent aux eunuques, dont quelques-uns ont régné sur ce pays. Ce jardin s'est toujours trouvé dans l'enceinte du palais du souverain. [3] Mais dans les contrées méridionales les dattes les plus renommées sont les syagres (dattes de sanglier), et ensuite les margarides. Ces dernières sont courtes, blanches, rondes, plus semblables à des grains de raisin qu'à des dattes; d'où le nom, qui est tiré de celui des perles( margarita). On dit que l'arbre qui les porte est unique dans la Chora [d'Alexandrie] (VI, 39), ainsi que celui qui porte les syagres. Chose singulière! on nous a dit que ce dernier arbre meurt et renaît de lui-même avec le phénix, qui , pense-t-on, a emprunté son nom à ce palmier à cause de cette particularité ; au moment où j'écris, cet arbre donne des fruits. Le fruit lui-même est gros, dur, raboteux, et différent des autres dattes par un goût sauvage qui a quelque ressemblance avec celui de la chair de sanglier; c'est évidemment ce qui lui a fait donner le nom de syagre. Au quatrième rang sont les sandalides, appelées ainsi de leur ressemblance avec les sandales. On assure que sur les confins de l'Éthiopie se trouvent cinq de ces arbres, et pas davantage, non moins admirables par la douceur de leur fruit que par leur rareté. [4] Au cinquième rang sont les caryotes, non seulement très nourrissantes, mais encore pleines de jus : c'est avec elles qu'on fait en Orient les principaux vins (VI, 32,18; XIV, 19); lis portent à la tête ; del à vient le nom donné au fruit (κάρος, sommeil). Si là est l'abondance et la quantité, c'est en Judée qu'est le renom; non pas toute la Judée, mais principalement le territoire de Jéricho. Toutefois on estime aussi celles d'Archélaïs, de Phasélis et de Livias, vallées du même pays. La grande qualité de ces dattes est d'avoir un jus onctueux et lactescent, et une sorte de saveur vineuse jointe à un goût de miel très doux. Les caryotes de Nicolaüs sont plus sèches, mais très grosses : quatre mises bout à bout font une coudée. Moins belles, mais soeurs des caryotes pour le goût, les adelphides, ainsi nommées à cause de cela, out une douceur qui s'en rapproche, sans être la même. La troisième espèce de caryotes se nomme patète; elle a un excès de jus; le fruit, ivre de liquide, crève sur sa mère même, et semble avoir été foulé. [5] Parmi les dattes sèches sont les dattes semblables à des joncs, qui sont très longues, très minces, et courbées vers la terre. Quant à celles de cette espèce que nous consacrons au culte des dieux, elles sont appelées chydées (communes) par les Juifs, nation remarquable pour son mépris des divinités. Celles surtout de la Thébaïde et de l'Arabie sont desséchées, minces, allongées; brûlées par une chaleur perpétuelle , elles se couvrent d'une croûte plutôt que d'une peau. Dans l'Éthiopie même la datte est friable, tant elle est sèche, et on en fabrique du pain comme avec la farine; elle vient sur un arbrisseau à branches d'une coudée de long, à feuille large, à fruit rond et plus gros qu'une pomme ; on nomme cette datte coïx (cycas oircinalis, L.); elle mûrit en trois ans : [6] c'est un arbrisseau toujours couvert de fruits, à tous les degrés de maturité. La datte de la Thébaïde est aussitôt serrée dans des tonneaux, avec sa chaleur et son esprit; autrement, cet esprit ne tarde pas à se perdre : on la sèche au four; sans cette précaution, elle se flétrirait. Les dattes des autres espèces sont peu estimées; les Syriens et Juba les nomment tragemata (dragées); dans le reste de la Phénicie et dans la Cilicie elles portent le nom de balans (glands) , nom vulgaire même pour nous Latins. Il y a aussi plusieurs espèces de ces dernières dattes; elles diffèrent par la rondeur et par la longueur; elles diffèrent aussi par la couleur, les unes étant noires, les autres rouges : on dit qu'elles n'offrent pas moins de variétés de couleur que la figue. Ce sont les blanches qui plaisent le plus. Elles diffèrent de même par la dimension, selon le nombre qu'il en faut pour faire une coudée. Quelques-unes ne sont pas plus grosses qu'une fève. [7] On ne conserve que celles qui viennent dans des lieux salés et sablonneux, comme dans la Judée et la Cyrénaïque. Celles d'Égypte, de Chypre, de Syrie et de Séleucie Assyrienne ne se conservent pas; elles servent à l'engraissement des pourceaux et autres animaux. On reconnaît que ce fruit est gâté ou vieux quand il a perdu une verrue blanche par où il tient à la grappe. Des soldats d'Alexandre furent étouffés par des dattes vertes; accident dû dans le pays des Gédrosiens à la qualité du fruit (XII, 12 ), ailleurs à la quantité. En effet, les dattes fraîches ont une telle douceur, qu'on ne cesse d'en manger que par la crainte du danger.
[2] On fait ainsi sept récoltes, et en été le fruit est plein de lait. Quatre fois dans l'été, un fruit nouveau pousse sous l'ancien, même quand on ne gratte pas ce dernier, et le fait tomber avant la maturité. Le bois, d'une nature toute particulière, est au nombre des plus utiles; on le plonge dans des étangs, immédiatement après l'avoir coupé; c'est le moyeu de le sécher : d'abord il va au fond, puis il surnage; et l'eau, qui pénètre tout autre bois, pompe l'humidité qui est dans celui-ci. Il est à point quand il commence à surnager.
[2] c'est un canton à 300 stades (5 kil. et demi) du Nil, boisé et arrosé par des sources particulières. (X.) Là est aussi le prunier égyptien; il ressemble assez à l'épine susdite, le fruit à la nèfle; il mûrit au solstice d'hiver. L'arbre ne perd pas ses feuilles. Le fruit renferme un gros noyau, mais la chair même tient lieu, par sa nature et par son abondance, d'une moisson aux habitants; on le nettoie, on l'écrase, et on en fait des gâteaux que l'on conserve. Il y a aussi aux environs de Memphis une région boisée où les arbres sont si gros, que trois hommes ne pourraient les embrasser. Un de ces arbres est merveilleux, non par son fruit ou par un usage quelconque, mais par le phénomène qu'il présente: ressemblant à une épine (mimosa polyacantha, L. ), il a des feuilles en forme d'ailes, qui tombent dès qu'un homme touche les branches , et qui ensuite renaissent.
[2] La terre que le poète appelle Égypte n'est pas même celle que nous entendons, et qui, dans son nome Sebennytique du moins, ne produit guère que du papyrus; cette dernière est un produit de l'alluvion du Nil, car Homère (Od., IV, 355) rapporte que de l'île de Pharos (II, 87), aujourd'hui réunie par un pont à Alexandrie, il y a jusqu'au continent un jour et une nuit de navigation à la voile. Dans la suite, le roi Ptolémée ayant défendu l'exportation du papier, à cause de la rivalité entre lui et le roi Eumène au sujet des bibliothèques (XXXV, 2), le parchemin fut, au rapport du même Varron, inventé à Pergame. Enfin cet objet, dont l'immortalité des hommes dépend, devint d'un usage commun.
[2] Vient ensuite le Saitique (V, 9), ainsi nominé de la ville de Saïs, qui en fabrique beaucoup ; on le fait avec des rognures de basse qualité. Le Ténéotique, ainsi nommé d'une localité voisine de Saïs, est fait avec des matériaux plus rapprochés de l'écorce; il ne se vend plus à la qualité, il se vend au poids. Quant à l'emporétique, il ne peut servir à écrire; on ne l'emploie que pour envelopper les autres papiers et emballer les marchandises; de là lui vient le nom qu'il porte (papier des marchands). Au delà est l'écorce du papyrus, dont l'extérieur ressemble au jonc; elle n'est bonne qu'a faire des cordes qui vont dans l'eau. [3] On fait toutes les sortes sur une table humectée avec l'eau du Nil; ce liquide trouble tient lieu de colle. D'abord sur cette table inclinée on colle les bandes dans toute la longueur du papyrus; seulement ou les rogne à chaque extrémité; puis on pose transversalement d'autres bandes en forme de treillage. On les soumet à la presse; cela fait une feuille, que l'on sèche au soleil. On joint entre elles ces feuilles, mettant d'abord les meilleures, et ainsi de suite jusqu'aux plus mauvaises. La réunion de ces feuilles forme un scapus (main), qui n'en a jamais plus de vingt.
[2] en outre il laissait passer les lettres, et quand on écrivait sur le verso on craignait d'effacer le recto : dans tous les cas, la transparence en était désagréable à l'oeil. On lit donc la chaîne du papier avec des bandes de seconde qualité, et la trame avec des bandes de première. Claude augmenta aussi la largeur : la dimension fut d'un pied [pour le papier ordinaire], et d'une coudée pour le grand ; mais l'usage fit reconnaître un inconvénient : une bande, si elle venait à se détacher, gâtait plusieurs pages. Ces avantages ont fait préférer le papier de Claude à tous les autres; mais la vogue est restée au papier Auguste pour la correspondance épistolaire. Le papier Livie, qui n'avait rien de la première qualité mais tout de la seconde, resta à son rang.
[2] « On s'étonnait que ces livres eussent pu durer : Térentius en donnait cette explication : Au milieu du cercueil, disait-il, était une pierre carrée, attachée en tous sens par des branchages cirés (XVI, 70) ; les livres avaient été mis sur cette pierre; il pensait que c'était cela qui les avait empêchés de pourrir. Il ajoutait que ces livres avaient été garnis de feuilles de citronnier (XIII, 31 ; XII, 7 ), ce qui devait les avoir défendus contre l'attaque des teignes. Ces livres renfermaient des écrits relatifs à la philosophie de Pythagore; ils furent brûlés par le préteur Q. Petilius, parce que c'étaient des écrits philosophiques. " L. Pison, qui avait été censeur, rapporte la même histoire dans le premier livre de ses Commentaires; mais il dit que ces volumes renfermaient sept livres du droit pontifical et sept livres de philosophie pythagoricienne. Tuditanus, dans son treizième livre, rapporte qu'ils renfermaient les décrets de Numa. Varron, dans le sixième livre des Antiquités humaines, Valerius Antias, dans son deuxième livre, ont écrit qu'ils renfermaient deux livres latins sur les choses pontificales, et deux livres grecs sur les préceptes de la philosophie. [3] Ce dernier auteur expose, dans son troisième livre, les raisons qui firent qu'on les brûla. C'est un fait reconnu de tous que la Sibylle apporta (XXXIV, 11) à Tarquin le Superbe trois livres, dont deux furent brûlés par elle-même, et le troisième avec le Capitole, au temps de Sylla (XXXIII, 5 ). En outre, Mutianus, trois fois consul, a rapporté récemment avoir lu, étant gouverneur de la Lycie, dans un certain temple, une lettre écrite de Troie, sur papier, par Sarpédon. Cela me paraît d'autant plus étonnant, que le delta d'Égypte n'existait pas au temps d'Ho¬mère (XIII, 21); ou si on se servait déjà du papier, pourquoi Homère (Il., VI, 168) dit-il que, dans la Lycie même , on remit à Bellérophon des tablettes, et non une lettre ? Le papyrus est sujet aussi à manquer. Il y eut sous le règne de Tibère une disette de papier, au point qu'il fallut nommer des sénateurs pour en régler la distribution; autrement les relations de la vie auraient été troublées.
[2] La plus grande table qu'on eût encore vue est celle de Ptolémée, roi de Mauritanie; elle était faite de deux demi-circonférences réunies ensemble; elle avait quatre pieds et demi de diamètre, et trois pouces d'épaisseur; et l'art, en cachant la jointure, avait rendu cette pièce plus belle que si elle avait été naturellement d'une seule pièce. La plus grande, d'une seule pièce, est la table qui porte le nom de Nomius, affranchi de l'empereur Tibère : elle a quatre pieds moins trois quarts de pouce, et elle est épaisse de six pouces, moins la même fraction. [3] A ce sujet n'omettons pas de remarquer qu'une table de l'empereur Tibère, d'un diamètre de quatre pieds deux pouces et un quart, et d'une épaisseur d'un pouce et demi, était plaquée d'une lame de citre, tandis que la table de son affranchi était si riche. Ce qui sert à faire les tables est un noeud de la racine; on estime surtout les noeuds qui ont été tout entiers sous la terre; ils sont plus recherchés que ceux qui viennent au-dessus du sol et que ceux qui sont dans les branches. Ainsi, à proprement parler, ce qu'on achète si cher est un défaut de l'arbre. On peut se faire une idée de la grosseur du citre et de ses racines en considérant les tables rondes qu'il fournit. Il ressemble au cyprès femelle sauvage (cupressus sempervirens, L.) par le feuillage, l'odeur et la tige. Le mont Ancorarius, de la Mauritanie citérieure, a donné le citre le plus estimé; il est déjà épuisé.
[2] Défauts de la table : 1° le bois; on appelle bois l'absence d'éclat, un fond uni et sans dessin, ou ayant des dessins semblables à la feuille de platane; 2° la ressemblance avec les veines ou la couleur de l'yeuse; 3° des fentes ou des gerçures semblables à des fentes, détériorations auxquelles les exposent surtout la chaleur et les vents; 4° une bande noire semblable à une murène, une cou-leur ponctuée comme l'écorce de pavot, ou en somme se rapprochant du noir, ou des taches de mauvaise couleur. [3] Les barbares enfouissent dans la terre le citre encore vert, et l'enduisent de cire. Les ouvriers le mettent pendant sept jours sur des tas de blé, et attendent ensuite sept autres jours; il est étonnant combien cette pratique lui ôte de son poids. Les naufrages ont enseigné récemment que ce bois aussi se dessèche par l'action de la mer, et prend alors une dureté et une densité qui le rendent inaltérable; aucun autre moyen ne lui donne à ce point ces qualités. On l'entretient le mieux dans son lustre en le frottant avec la main sèche, surtout quand on revient du bain. Comme s'il était né pour les vins, il n'en est point taché. [4] Cet arbre étant parmi les quelques éléments d'une vie élégante, je m'y arrêterai encore un peu. (XVI.) Il a été connu d'Homère; il se nomme en grec thyon ou thya. Ce poète rapporte (Od., V, 60) que Circé, dont il fait une déesse, le brûlait, pour son agrément, avec d'autres bois odoriférants; ce qui prouve combien est grande l'erreur de ceux qui par le mot de thyon entendent tous les parfums : en effet, dans le même vers Homère nomme le cèdre et le mélèse; on voit par là qu'il n'a parlé que d'arbres. [5] Théophraste (cet auteur, immédiatement postérieur à l'époque d'Alexandre le Grand, est le premier qui ait écrit les événements de notre histoire vers l'an 440 de Rome), Théophraste, disons-nous, y parle déjà de la grande estime où est le citre, écrivant qu'on cite des charpentes de temples anciens faites de ce bois; qu'employé dans les toitures il dure, pour ainsi dire, éternellement , et qu'il est inattaquable; que rien n'est plus veiné que sa racine, et ne fournit des ouvrages plus précieux ; que le plus beau citre vient dans les environs du temple de Jupiter Hammon; qu'il en naît aussi dans la partie inférieure de la Cyrénaïque. Mais il n'a pas parlé des tables; du reste, on n'en commit pas de plus ancienne que celle de Cicéron, ce qui prouve qu'elles sont récentes.
[2] il vient très serré sur les branches, comme les baies de myrte, et non , ce qui a lieu en Italie, comme les cerises; dans la patrie de l'arbre, c'est un aliment tellement doux, qu'une nation (Lotophages) (rhamnus lotus, L.) et une contrée en ont pris leur nom (V, 7), et que les étrangers, séduits par cette hospitalité, oublient leur pays. On dit que ceux qui en mangent n'éprouvent pas de maladies du ventre. Le fruit qui n'a pas de noyau intérieur est meilleur que celui qui en a. On en extrait aussi un vin semblable au vin miellé, qui, dit Cornélius Népos, ne se garde pas au delà de dix jours : le même auteur ajoute que les baies hachées avec l'alica (XXII, 61 ), mises dans des tonneaux, sont conservées pour la table. Nous lisons même que les armées qui traversaient l'Afrique, dans un sens ou dans l'autre, s'en sont nourries. Le bois est de couleur noire; on le recherche pour les flûtes. [3] Avec la racine on fait des manches de couteaux et d'autres petits ustensiles. Tel est le lotus, arbre; mais on donne aussi le nom de lotus à une herbe ( mélilot, melilotus officinalis, L.), et, en Égypte, à une tige du genre des plantes marécageuses (nymphaea nelumbo, L.). Cette dernière plante pousse quand les eaux du Nil qui ont arrosé le pays se retirent; la tige en est semblable à celle de la lève ; les feuilles, plus courtes et plus minces, sont nombreuses et entassées; le fruit est au sommet, et semblable à celui du pavot pour les dentelures et pour tout le reste : à l'intérieur sont des graines comme le millet (XXII, 28). Les indigènes mettent ces têtes en tas, et les laissent pourrir; puis ils séparent la graine par le lavage, la sèchent, la pilent, et en font du pain. Ce qu'on ajoute est singulier : ces têtes, semblables au pavot, se ferment au soleil couchant, et sont recouvertes par les feuilles; au soleil levant, elles s'ouvrent, alternatives qui durent jusqu'à la maturité du fruit et la chute de la fleur, qui est blanche. (XVIII.) [2] On dit de plus pour le lotus de l'Euphrate, que la tête même et la fleur rentrent le soir dans l'eau, y restent jusqu'au milieu de la nuit, et s'enfoncent si profondément, qu'en plongeant même la main on ne peut les trouver; qu'ensuite elles se retournent, se redressent peu à peu, sortent hors de l'eau au lever du soleil, s'épanouissent, et continuent à s'élever au point d'être beaucoup au-dessus du niveau de l'eau. Ce lotus a la racine de la grosseur d'un cognassier ; elle est couverte d'une écorce noire, semblable à celle des châtaignes. Le dedans de la racine est blanc, agréable à manger; mais crue elle l'est moins que cuite, soit dans l'eau, soit sur la braise. Rien n'engraisse mieux les cochons que les pelures de cette racine.
[2] Cependant les médecins disent que, mêlée à d'autres substances, elle est utile contre certaines maladies; on l'emploie dans l'alopécie, les sugillations et les meurtrissures, comme si on manquait de remèdes, sans recourir à des plantes criminelles! Mais ils se servent de prétextes pour introduire des agents nuisibles; et leur impudence est si grande, qu'ils font croire qu'un poison appartient à l'art médical. La thapsie d'Afrique est la plus énergique. Quelques-uns font une incision à la tige lors de la moisson, et ils pratiquent dans la racine même un creux où le suc afflue; ils l'enlèvent quand il est desséché. D'autres pilent les feuilles, la tige, la racine dans un mortier, coagulent le suc par l'action du soleil, et le divisent en pastilles. [3] L'empereur Néron, au commencement de son règne, donna du renom à cette plante : dans ses tapages nocturnes, il lui arrivait de recevoir des contusions sur la face; il faisait des onctions avec la thapsie, l'encens et la cire; et le lendemain, contre le bruit qui courait, il montrait sa figure sans contusions. Il est certain que l'on conserve très bien le feu dans les férules : celles d'Égypte sont les meilleures.
[2] Aucun autre fourrage ne rend le lait meilleur ou plus abondant; et par-dessus tout, dans la médecine vétérinaire, cette substance, de quelque ma¬nière qu'on l'emploie, guérit les maladies. Bien plus, Aristomaque recommande de la donner, sèche et bouillie dans de l'eau, à boire avec du vin aux nourrices manquant de lait; et il dit que les enfants seront plus robustes et plus grands: verte, ou, si elle est sèche, humectée, il la fait prendre à la volaille. Démocrite et Aristomaque promettent aussi que les abeilles ne manqueront pas là où il y aura du cytise. Aucun fourrage ne coûte moins cher. On le sème en même temps que l'orge; ou bien, au printemps, en graine, comme le poireau; ou, en tige, l'automne avant le solstice d'hiver. Semé en graine, il doit être mouillé; a s'il ne vient pas de pluie, on l'arrose après l'ensemencement. A une coudée de haut, on le replante dans des trous d'un pied de profondeur; on le transplante aux équinoxes, quand l'arbrisseau est tendre. En trois ans il est arrivé à tout son développement. On le récolte à l'équinoxe du printemps, quand la fleura passé; un enfant, une vieille femme, dont la main-d'oeuvre est peu chère, y suffisent. Il est blanc; et , pour en exprimer brièvement la ressemblance, c'est un arbrisseau à feuilles de trèfle, mais plus étroites. On le donne aux animaux de deux en deux jours ; en hiver on l'humecte, car il est desséché. [3] Dix livres rassasient un cheval; il faut pour les animaux plus petits une quantité proportionnée. Pour le dire en passant, il est avantageux de semer de l'ail et de l'oignon entre les rangées du cytise. Cet arbrisseau a été trouvé dans l'île de Cythnos, et delà transplanté dans toutes les Cyclades, puis dans les villes grecques; ce quia beaucoup augmenté la production du fromage. En conséquence, je suis étonné qu'il soit rare en Italie. Il ne craint ni la chaleur, ni le froid , ni la grêle, ni la neige. Hygin ajoute qu'il ne craint pas même les rava¬ges des ennemis, car le bois n'en sert à rien.
[2] Le phycos qui naît sur les rochers autour de la Crète sert à teindre en pourpre; le meilleur vient à l'aquilon de l'île, ainsi que les meilleures éponges. Une troisième espèce est semblable au gramen; la racine et la tige ont des noeuds comme les roseaux.
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