Platon traduit par Victor Cousin Tome I

 

PAUSANIAS

DESCRIPTION DE LA GRÈCE.

TOME PREMIER. 1. L'ATTIQUE

Traduction française : M. CLAVIER + notes de l’abbé GÉDOYN
Notes
numérisées par Marc Szwajcer

Texte bilingue

 

 

 

PAUSANIAS

LIVRE I.

ATTIQUE.

 

 

 

CHAPITRE I.

Les promontoires Sunium et Laurium. Le Pirée. Munychie et Phalère, ports. Colias.

DANS cette partie du continent de la Grèce qui regarde les Cyclades[1] et la mer Égée,[2] s'élève en avant de l'Attique le promontoire Sunium.[3] En le côtoyant vous trouvez un port, et sur le sommet du promontoire le temple de Minerve (Athéna) Suniade.[4] En naviguant un peu plus avant, vous voyez Laurium, où étaient jadis les mines d'argent des Athéniens, et une petite île déserte nommée l'île de Patrocle.[5] Ce Patrocle commandait les vaisseaux que Ptolémée, fils de Ptolémée,[6] et petit-fils de Lagus, envoya au secours des Athéniens contre Antigone, fils de Démétrius, qui ravageait lui-même leur pays avec ses troupes de terre, tandis que ses vaisseaux les tenaient bloqués. Patrocle plaça son camp dans cette île et y construisit un fort.

Le Pirée[7] était déjà anciennement un bourg,[8] mais il n'y avait point de port avant que Thémistocle fût archonte, et Phalère[9] était alors le port des Athéniens; c'est là en effet que la mer est le plus près de la ville. Ménésthée partit, dit-on, de Phalère pour se rendre au siège de Troie, et Thésée s'y était embarqué auparavant pour aller donner à Minos satisfaction de la mort d'Androgée.[10] Thémistocle, lorsqu'il fut archonte, trouvant que le Pirée était bien plus commode pour les navigateurs, et offrait d'ailleurs trois ports au lieu d'un seul qu'il y avait à Phalère, y fit les constructions nécessaires pour le rendre praticable, et les loges destinées à recevoir les vaisseaux y étaient encore de mon temps. Le tombeau de Thémistocle est vers le plus grand de ces ports, car on dit que les Athéniens s'étant repentis de leur injustice à son égard, ses os furent apportés de Magnésie[11] par ses parents. Il paraît que ses enfants revinrent aussi à Athènes, et ils placèrent dans le Parthénon[12] un tableau représentant Thémistocle.

L'enceinte consacrée à Jupiter (Zeus) et à Minerve (Athéna) est ce que le Pirée offre de plus remarquable. Jupiter (Zeus), tient son sceptre d'une main, une Victoire de l'autre, et Minerve (Athéna) tient une pique ; ces deux statues sont en bronze. On y voit le tableau où Arcésilas[13] a peint Léosthène et ses enfants : ce Léosthène à la tête des Athéniens et de tous les autres Grecs, ayant défait les Macédoniens, d'abord dans la Béotie, ensuite au-delà des Thermopyles, les obligea de se renfermer dans Lamie, de l'autre côté du mont Œta. Un long portique sert de marché à ceux qui demeurent près de la mer, (car il y a un autre marché pour ceux qui sont plus éloignés du port). On voit derrière ce portique, deux statues, représentant Jupiter (Zeus), et le Peuple, tous deux debout; elles sont de Léocharès.[14] Sur le bord de la mer est un temple de Vénus (Aphrodite) que Conon[15] fit bâtir après la victoire navale qu'il remporta sur les Lacédémoniens, vers Cnide, dans la Chersonèse de la Carie.[16] Les Cnidiens ont en effet la plus grande vénération pour Vénus (Aphrodite), qui a plusieurs temples chez eux. Celui de Vénus (Aphrodite) Doritis[17] est le plus ancien ; celui de Vénus (Aphrodite) Acrée[18] a été bâti ensuite; le plus moderne de tous est celui de Vénus (Aphrodite) nommée Euplée[19] par les Gnidiens, mais plus généralement connue sous le nom de Vénus (Aphrodite) de Gnide.

Les Athéniens ont à Munychie un autre port et un temple de Diane (Artémis) Munychia ; et à Phalère, comme je l'ai déjà dit, un troisième port, avec un temple de Cérès (Déméter) auprès. On y voit aussi un temple de Minerve (Athéna) Sciras;[20] un peu plus loin, un temple de Jupiter (Zeus), et des autels érigés aux dieux inconnus,[21] aux héros, aux fils de Thésée et à Phalérus, qui fit avec Jason le voyage de Colchos, disent les Athéniens. Androgée, fils de Minos, y a pareillement un autel qu'on nomme l'autel du héros, mais ceux qui cherchent à connaître mieux que les autres, les antiquités du pays, savent qu'il est dédié à Androgée.

Le promontoire Colias est à vingt stades de Phalère ; c'est-là qu'après la défaite des Mèdes, les débris de leur escadre furent jetés par les flots. On y voit la statue de Vénus (Aphrodite) Colias et celles des Génétyllides,[22] déesses qui sont, je crois, les mêmes que celles qui portent le nous de Gennaïdes chez les Phocéens de l'Ionie. Sur la route de Phalère à Athènes est un temple qui n'a plus ni portes ni toit : il fut brûlé, dit-on, par Mardonius, fils de Gobryas. Si la statue qu'on y voit est, comme on le dit, un ouvrage d'Alcamène, on conçoit pourquoi elle n'a pas été mutilée par Mardonius.[23]

CHAPITRE II.

L'amazone Antiope. Les tombeaux. Des poètes royaux. Des rois successifs de l'Attique.

En entrant dans la ville d'Athènes, vous trouvez le tombeau de l'amazone Antiope. Pindare dit qu'elle avait été enlevée par Thésée et Pirithoüs ; mais voici ce qu'on lit dans les vers d'Hègias de Trézène. Héraclès ayant assiégé la ville de Themiscyre sur le Thermodon,[24] ne put cependant pas parvenir à la prendre; elle lui fut livrée par Antiope devenue amoureuse de Thésée, qui avait suivi Hercule dans cette expédition. Les Athéniens, de leur côté, disent que les Amazones étant venues dans l'Attique, Antiope fut percée d'un coup de flèche par Molpadie, qui fut elle-même tuée par Thésée, et on montre aussi son tombeau à Athènes.

En montant du Pirée à la ville, on découvre les ruines des murs que Conon fit bâtir après le combat naval de Gnide ; car ceux que Thémistocle avait construits après la retraite des Mèdes furent démolis pendant la tyrannie des trente.[25] Deux personnages très connus, Ménandre, fils de Diopithès, et Euripide,[26] ont leurs tombeaux sur cette route. Celui d'Euripide est un Cénotaphe, car ce poète, étant allé vers le roi Archélaüs, fut enterré dans la Macédoine. Beaucoup d'écrivains ont raconté comment il mourut; et je veux bien croire ce qu'ils disent.[27]

Les poètes fréquentaient alors les rois ; déjà avant Euripide, Anacréon[28] avait vécu auprès de Polycrate, tyran de Samos; Hiéron[29] avait reçu Eschyle et Simonide[30] à Syracuse; Denys, qui fut par la suite tyran de la Sicile, avait Philoxène[31] à sa cour; Antagoras de Rhodes[32] et Aratus de Soles[33] vinrent à celle d'Antigone, roi de Macédoine. Mais Homère et Hésiode, ou n'eurent pas le bonheur d'être recherchés par des souverains, ou le dédaignèrent ; Hésiode, par ce qu'il aimait la vie champêtre et craignait la fatigue des voyages. Pour Homère, qui en avait fait de fort longs, il préféra une vaste renommée[34] aux avantages de la fortune qu'il aurait pu trouver dans le commerce des grands. Il nous présente en effet, dans ses poèmes, Dérnodocus à la cour d'Alcinoüs, et il nous apprend qu'Agamemnon partant pour le siège de Troie avait laissé je ne sais quel poète auprès de son épouse.[35]

On voit à peu de distance des portes de la ville un tombeau sur lequel est un guerrier debout près de son cheval. Je ne sais pas qui c'est, mais l'homme et le cheval sont l'ouvrage de Praxitèle.[36] En entrant dans la ville, vous trouvez un édifice, pour l'appareil des pompes religieuses[37] qui se font, les unes tous les ans, les autres à des époques plus éloignées. Non loin de là un temple de Cérès (Déméter) renferme la statue de la déesse, celle de sa fille et Iacchus tenant à la main une torche. Une inscription gravée sur le mur en lettres attiques, nous apprend que ces statues sont de Polyclète.[38] Près de ce temple est un Neptune (Poséidon) à cheval, lançant sa pique au géant Polybotès,[39] sur lequel les habitants de Cos racontent une fable où il est question du promontoire de la Tortue. L'inscription qu'on y lit maintenant indique un autre personnage que Poséidon. Depuis les portes de la ville jusqu'au Céramique,[40] règnent des portiques devant lesquels sont des statues en bronze représentant différents personnages, hommes ou femmes, qui se sont distingués ou par leurs actions on par leurs écrits. Un de ces portiques renferme quelques temples de dieux, un gymnase qui porte le nom de Mercure (Hermès), et même encore la maison de Polytion, où quelques Athéniens d'un rang distingué parodièrent les mystères d'Éleusis;[41] elle est maintenant consacrée à Bacchus (Dionysos), qui a reçu le surnom de Melpoménus comme Apollon celui de Musagète; et pour la même raison. Ce portique vous présente aussi les statues de Minerve (Athéna) Pæonia, de Jupiter (Zeus), de Mnémosyne, des Muses et d'Apollon, faites et offertes par Eubulide[42] ; on y voit encore Acratus[43] l'un des génies de la suite de Bacchus (Dionysos); mais ce n'est qu'une tête enchâssée dans le mur. Après l'enceinte consacrée à Bacchus (Dionysos), vous trouvez un petit édifice avec des statues de terre qui représentent Amphictyon, roi des Athéniens, donnant un repas à Bacchus (Dionysos) et aux autres dieux. Là se voit enfin Pégase d'Éleuthère qui introduisit à Athènes le culte de Bacchus (Dionysos) ; il fut secondé par l'oracle de Delphes, qui rappela aux Athéniens le voyage du dieu dans l'Attique, du temps, d'Icarius.[44]

Amphictyon parvint au trône de la manière suivante. Actæus fut, dit-on, le premier roi[45] de ce qu'on nomme maintenant l'Attique. Cécrops,[46] qui avait épousé sa fille, prit la couronne après sa mort; il eut trois filles, Hersé, Aglaure, Pandrose, et un fils nommé Erysichthon, qui ne régna point, étant mort avant Cécrops, dont le trône fut occupé par Cranaüs le plus puissant des Athéniens. Cranaüs eut plusieurs filles, entre autres Atthis, de qui le pays prit le nom d Attique au lieu de celui d'Actée qu'il portait auparavant. Amphictyon se révolta contre Cranaüs, dont il avait cependant épousé la fille, le détrôna et fut renversé lui-même par Erichthonius et ses partisans. On dit qu'Erichthonius n'avait point de père mortel, et qu'il était fils de Vulcain (Héphaïstos) et de la Terre.

CHAPITRE III.

Le Céramique, ses portiques, ses temples et ses statues. Les Gaulois.

Le quartier appelé le Céramique tient son nom du héros Ceramus,[47] qu'on dit aussi fils de Dionysos et d'Ariane. Le portique royal[48] est le premier à droite ; c'est là que siège celui des archontes annuels qui prend le titre de roi. Il y a sur le faîte de ce portique quelques figures en terre cuite, Thésée précipitant Sciron dans la mer, Héméra portant Céphale qu'elle enleva; dit-on, éprise de sa beauté. Elle eut de lui un fils nommé Phaéton qu'elle fit gardien de son temple,[49] ainsi que le racontent plusieurs poètes, entre autres Hésiode dans ses vers sur les femmes célèbres. Près de ce portique sont des statues qui représentent Conon debout, Timothée son fils, et le roi de Chypre Évagoras, qui engagea le roi Artaxerxés à confier les vaisseaux Phéniciens à Conon. Évagoras donna ce conseil parce qu'il était Athénien lui-même et originaire de Salamine; il descendait en effet de Tenter et d'une fille de Cinyras. Là sont aussi Jupiter (Zeus) surnommé Éleuthère et l'empereur Adrien, qui répandant ses bienfaits sur d'autres peuples soumis à son empire, en combla particulièrement les Athéniens.

Dans le portique qui est derrière sont peints les douze grands dieux,[50] et sur le mur opposé, Thésée, la Démocratie[51] et le Peuple. On a voulu exprimer par là que ce fut Thésée qui établit à Athènes un gouvernement fondé sur l'égalité. En effet, l'opinion vulgaire veut que Thésée ait remis le gouvernement au peuple et que la démocratie ait subsisté jusqu'à l'usurpation de Pisistrate. D'autres traditions également fausses ont cours parmi la multitude; comme elle ne connaît pas l'histoire, chacun prend pour des vérités ce qu'il a entendu dès son enfance dans les chœurs religieux et dans les tragédies ; on[52] dit aussi que Thésée reprit la couronne après la mort de Ménesthée, et que ses descendants régnèrent à Athènes jusqu'à la quatrième génération. Si je voulais écrire des généalogies, je ferais facilement l'énumération de ceux qui ont régné depuis Mélanthus jusqu'à Clidicus, fils d'Æsimide, et de ceux qui avaient régné depuis Thésée.

On a peint dans ce même portique la bataille de Mantinée, où les Athéniens étaient comme auxiliaires des Lacédémoniens. Xénophon et d'autres ont écrit toute l'histoire de cette guerre; la prise de la Cadmée,[53] la défaite des Lacédémoniens à Leuctres, l'invasion des Béotiens dans le Péloponnèse et comment les Athéniens envoyèrent des secours aux Lacédémoniens. Le tableau dont il s'agit représente le combat de la cavalerie ; les personnages les plus connus sont, Gryllos, fils de Xénophon, du côté des Athéniens, et parmi les Béotiens Épaminondas de Thèbes. Ces tableaux sont d'Euphranor[54] qui a peint aussi, dans le temple voisin, Apollon surnommé Patroos[55] ; des deux statues d'Apollon placées devant ce temple, l'une est de Léocharès ; celle d'Apollon Alexicacos est de Calamis.[56] Ce surnom, du dieu vient, disent les Athéniens, de ce qu'il leur indiqua, par un oracle rendu à Delphes, les moyens de faire cesser la peste dont ils étaient affligés en même temps que de la guerre du Péloponnèse.

On a bâti dans le même endroit un temple de la mère des dieux, sa statue a été faite par Phidias;[57] près de là est le Sénat des cinq cents[58] qui se renouvelle chaque année. On y remarque une statue de Jupiter (Zeus) Bulæus ; un Apollon, ouvrage de Pisias,[59] et une statue du Peuple, de la main de Lyson.[60] Protogène de Caunium[61] et Olbiade y ont peint, le premier, les législateurs d'Athènes, et le second, ce Callippus qui conduisit les Athéniens aux Thermopyles, pour s'opposer à l'irruption des Gaulois dans la Grèce.[62]

Ces Gaulois habitent les extrémités de l'Europe, vers une mer immense dont on ne connaît pas les extrémités,[63] qui est sujette au flux et au reflux, semée d'écueils et remplie de monstres qui ne ressemblent en rien à ceux de nos mers.[64] Le pays de ces Gaulois est traversé par l'Éridan,[65] fleuve sur les bords duquel les filles du Soleil pleurent, dit-on, la mort de Phaéton leur frère. Le nom de Gaulois qu'on leur donne n'a prévalu que très tard; ils prenaient anciennement celui de Celtes;[66] nom que les autres peuples leur donnaient aussi.

CHAPITRE IV.

Les Gaulois. Ancyre. Leur Pergame.

Ces peuples ayant rassemblé une armée considérable, prirent leur route le long du golfe Ionien[67] et chassèrent de leur pays les Illyriens, les peuples qui demeurent entre l'Illyrie[68] et la Macédoine, les Macédoniens eux-mêmes, et envahirent la Thessalie. Ils étaient déjà près des Thermopyles,[69] que les Grecs pour la plupart n'avaient pas encore songé à sortir de l'inaction pour s'opposer à l'irruption des barbares. Très maltraités d'abord par Philippe et par Alexandre, les Grecs avaient perdu le reste de leurs forces sous Antipater et sous Cassandre, de sorte que chaque peuple croyait, à cause de sa faiblesse, pouvoir sans honte, se dispenser de concourir à la défense commune.

Les Athéniens, quoique les plus épuisés par une longue guerre contre les Macédoniens, et par de nombreuses défaites, résolurent cependant d'aller défendre les Thermopyles avec ceux des Grecs qui voudraient se réunir à eux, et ils prirent Callippos pour général. S'étant postés à l'endroit où le passage pour entrer dans la Grèce est le plus étroit, ils arrêtèrent effectivement les Gaulois ; mais ceux-ci ayant trouvé le sentier par lequel Éphialte de Trachine[70] avait jadis conduit les Mèdes, forcèrent les Phocéens qui le gardaient et se trouvèrent de l'autre côté de l'Œta sans que les Grecs en fussent instruits.

Les Athéniens rendirent en cette occasion les plus grands services aux autres Grecs, en combattant de part et d'autre les barbares qui les enveloppaient. Ceux qui étaient sur les vaisseaux eurent surtout beaucoup à souffrir, le golfe Lamiaque étant très bourbeux aux environs des Thermopyles; ce qui vient, je crois, des eaux Thermales qui s'écoulent par-là dans la mer. Ils avaient donc beaucoup plus de peine que les autres; car, après avoir reçu les Grecs sur leurs vaisseaux, il fallait que, malgré le poids de ces hommes et de leurs armes, ils se tirassent à force de rames de ces eaux bourbeuses. Ils sauvèrent ainsi les autres Grecs.

Les Gaulois se trouvant en-deçà des Thermopyles, ne s'inquiétèrent point des autres villes, empressés qu'ils étaient d'aller piller Delphes et les richesses du dieu. Les habitants de Delphes et les Phocéens des villes voisines du Parnasse se rassemblèrent pour les combattre, et les Étoliens, qui avaient alors une jeunesse très nombreuse et très florissante, leur envoyèrent aussi des secours. A peine en fut-on venu aux mains que la foudre éclata de toutes parts sur les Gaulois; des rochers se détachant du Parnasse fondirent sur eux, et l'on vit apparaître des guerriers armés de toutes pièces[71] qui leur inspirèrent beaucoup d'effroi. Deux de ces guerriers, Hyperochus et Hamadocus, venaient, dit-on, du pays des Hyperboréens; le troisième était Pyrrhus, fils d'Achille, à qui les Delphiens, depuis le secours qu'il leur porta en cette occasion, sacrifient comme à un héros, tandis qu'auparavant, le regardant comme un ennemi, ils méprisaient même son tombeau.

Les Gaulois s'étant embarqués pour la plupart, passèrent en Asie et en ravagèrent les côtes. Ils furent ensuite repoussés dans l'intérieur, par les habitants de Pergame, pays qu'on appelait jadis la Teuthranie, et ils s'établirent dans la contrée située au-delà du fleuve Sangarius, après avoir pris aux Phrygiens Ancyre, ville fondée jadis par Midas,[72] fils de Gordias; l'ancre trouvée par Midas, se voyait encore de mon temps dans le temple de Jupiter (Zeus). On y voit aussi la fontaine qui porte le nom de Midas, aux eaux de laquelle il avait, dit-on, mêlé du vin pour prendre Silène.[73] Les Gaulois prirent donc Ancyre ainsi que Pessinonte, ville située au pied de la montagne sur laquelle on dit qu'Agdistis[74] et Atys sont enterrés. On voit encore à Pergame des dépouilles des Gaulois ainsi qu'un tableau où le combat qu'on leur livra est représenté. Le pays de Pergame était, dit-on, anciennement consacré aux Cabires.[75] Les habitants se prétendent issus des Arcadiens, qui passèrent en Asie avec Télèphe.[76] Ils se sont distingués par trois exploits très mémorables; en faisant la conquête de l'Asie mineure; en chassant les Gaulois, et en attaquant sous les ordres de Télèphe, les Grecs, qui, commandés par Agamemnon, ravageaient la Mysie, où ils avaient débarqué par erreur, la prenant pour le pays des Troyens. Les Pergaméniens peuvent s'être signalés dans d'autres guerres, mais elles ne sont pas venues à ma connaissance. Je reviens maintenant à mon sujet.

CHAPITRE V.

Le Tholus. Les Héros Éponymes. Hadrien.

L'ÉDIFICE nommé le Tholus[77] est auprès du sénat des cinq cents. Les Prytanes[78] y offrent des sacrifices et on y voit quelques petites statues d'argent. Un peu plus haut sont les statues des héros dont les tribus d'Athènes ont dans la suite pris les noms. Hérodote nous fait connaître celui qui porta de quatre à dix le nombre des tribus, et changea leurs anciens noms.[79]

Les Éponymes[80] (c'est le nom qu'on donne à ces héros,) sont Hippothoon, fils de Neptune (Poséidon) et d'Alopé, fille de Cercyon; Antiochus, fils d'Hercule et de Midée, fille de Phylas, et Ajax, fils de Télamon. Les héros Athéniens sont, Léos,[81] qui, d'après un oracle, livra sa fille pour le salut de l'état; Érechthée, qui défit les Éleusiniens et tua leur général Immaradus, fils d'Eumolpe; Ægée, Œnée, fils naturel de Pandion, et Acamas l'un des fils de Thésée.

Quant à Cécrops et à Pandion dont on voit aussi les statues parmi celles des Éponymes, je ne sais pas quels sont les personnages honorés sous ces noms-là ; deux Cécrops, en effet, ont été rois, le premier est celui qui avait épousé la fille de Cranaüs; un autre Cécrops, fils d'Érechthée, petit-fils de Pandion, arrière petit-fils d'Érichthonius, régna dans la suite et finit par aller s'établir dans l'Eubée.[82] On connaît aussi deux Pandion qui ont régné ; le premier, fils d'Erichthonius, et l'autre, fils du second Cécrops. Ce dernier ayant été détrôné par les Métionides se réfugia avec ses enfants chez Phylas, roi de Mégare,[83] dont il avait épousé la fille ; il y mourut de maladie, dit-on, et son tombeau se voit dans la Mégaride sur le rocher de Minerve (Athéna) Æthyia près de la mer. Ses fils étant revenus de Mégare, chassèrent les Métionides,[84] et Égée leur aîné monta sur le trône d'Athènes. Ce Pandion fut malheureux en filles, et elles ne laissèrent point de fils pour le venger. Il avait cependant, pour sa sûreté, contracté une alliance avec un roi Thrace, mais il est impossible aux humains de prévenir ce qui a été résolu par les dieux. On raconte que Térée, qui avait épousé Progné, déshonora Philomèle, action contraire à toutes les lois reçues dans la Grèce, et que de plus, il la mutila,[85] ce qui mit ces deux femmes dans la nécessité de se venger de lui. Il y a dans la citadelle une statue de Pandion qui mérite d'être vue.

Ce sont là les anciens héros Éponymes. Quelques tribus, depuis, ont pris les noms d'Attale, roi de Mysie; de Ptolémée, roi d'Égypte, et de mon temps, celui de l'empereur Adrien, prince qui a donné le plus grand lustre au culte des dieux et qui a tout fait pour le bonheur de chacun des peuples soumis à son empire. Il n'a jamais entrepris aucune guerre sans y être forcé, il a dompté les Hébreux, peuple des pays au-dessus de la Syrie,[86] qui s'étaient révoltés:[87] les temples qu'il a fait bâtir en entier, ceux qu'il a enrichis de ses offrandes ou agrandis par de nouvelles constructions, les dons qu'il a faits à des villes Grecques et même à des villes barbares qui ont eu recours à lui, tout cela se trouve écrit à Athènes dans le temple consacré à tous les Dieux.

CHAPITRE VI.

Ptolémée, fils de Lagus.

QUANT à Attale et à Ptolémée, ils sont trop anciens pour qu'il reste beaucoup de souvenirs de leurs actions. Depuis longtemps on néglige les écrivains[88] qui, ayant vécu avec eux, nous ont transmis leur histoire; c'est ce qui m'a déterminé à entrer dans quelques détails sur ce qu'ils ont fait, et sur les moyens employés par leurs pères pour conquérir l'Égypte, la Mysie et les pays circonvoisins.

Ptolémée, suivant les Macédoniens, était réellement né de Philippe,[89] fils d'Amyntas, quoiqu'il passât pour fils de Lagus : sa mère, en effet, était enceinte, lorsque Philippe la donna en mariage à Lagos. Ptolémée se signala, dit-on, en Asie par plusieurs actions éclatantes[90] ; et lorsque Alexandre courut un si grand danger chez les Oxydraques, il fut celui qui s'exposa le plus pour sa défense[91] : après la mort de ce prince, il s'opposa à ceux qui voulaient donner tous ses états à Aridée,[92] fils de Philippe, et fut ainsi la principale cause du partage qui s'en fit en plusieurs royaumes.

Étant passé en Égypte, il tua Cléomène qu'Alexandre avait établi satrape de ce pays, et qui lui était suspect parce qu'il le croyait attaché à Perdiccas. Il se fit remettre le corps d'Alexandre par les Macédoniens, qui étaient chargés de le transporter à Ægæ,[93] et il lui fit faire à Memphis[94] des obsèques suivant les usages de la Macédoine. Sachant que Perdiccas voulait lui faire la guerre, il mit l'Égypte en état de défense ; sous le titre spécieux de protecteur d'Aridée, fils de Philippe, et d'Alexandre, fils d'Alexandre et de Roxane,[95] fille d'Oxyarte. Perdiccas voulait en effet enlever à Ptolémée le royaume d'Égypte, mais il fut repoussé. Ayant perdu par cet échec une partie de sa réputation militaire, étant d'ailleurs devenu odieux aux Macédoniens, il fut tué par les gardes du corps.[96]

La mort de Perdiccas enhardit Ptolémée à faire de nouvelles entreprises, il s'empara donc de la Syrie et de la Phénicie; et d'un autre côté, il reçut dans ses états Séleucus, qui avait été chassé des siens par Antigone ; il prit même les armes pour s'opposer aux projets de ce dernier, et engagea Cassandre fils d'Antipater, ainsi que Lysimaque, roi de Thrace à se réunir à lui pour cette guerre,[97] en leur parlant de la fuite de Séleucus et de l'accroissement redoutable pour tous que prenait la puissance d'Antigone.

Ce dernier n'était pas très rassuré sur sa position, il se préparait cependant à la guerre, et ayant appris que Ptolémée marchait en Libye contre les Cyrénéens, qui s'étaient révoltés, il se jeta soudainement sur la Syrie et la Phénicie, qui ne firent aucune résistance; après en avoir confié la défense à Démétrius son fils, jeune encore, mais qui annonçait beaucoup de talents, il retourna vers l'Hellespont.[98] Il n'y était pas encore arrivé que la nouvelle de la défaite de Démétrius par Ptolémée, l'obligea de revenir avec son armée. Démétrius n'avait pourtant pas abandonné tout le pays à Ptolémée, il avait même attiré dans une embuscade et tué un parti peu nombreux d'Égyptiens. Dans ces circonstances, Ptolémée, ne jugeant pas à propos d'attendre Antigone, se retira en Égypte.

L'hiver étant passé, Démétrius conduisit une escadre vers l'île de Chypre,[99] y défit en combat naval Ménélas l'un des satrapes de Ptolémée, et ensuite Ptolémée lui-même, qui était venu l'attaquer. Ptolémée, s'enfuit en Égypte ; assiégé en pleine temps par les troupes de terre que commandait Antigone et par les forces navales de Démétrios, il se vit alors réduit aux dernières extrémités ; mais une armée de terre qu'il plaça vers Péluse,[100] et les vaisseaux par lesquels il défendit l'entrée du fleuve, lui conservèrent ses états. Antigone, forcé de renoncer pour le moment à l'espoir de prendre l'Égypte, envoya Démétrius avec des vaisseaux attaquer l'île de Rhodes[101] : il se flattait que cette île, s'il parvenait à s'en emparer, lui servirait de place d'armes pour faire la guerre aux Égyptiens : mais les Rhodiens se défendirent avec tant de valeur et d'habileté, et Ptolémée employa si bien tout ce qu'il avait de moyens pour les secourir,[102] que Démétrius fut obligé de se retirer.

Peu de temps après avoir échoué dans ces deux entreprises, Antigone eut encore la témérité de livrer bataille à Lysimaque, Cassandre et Séleucus, dont les forces étaient réunies.[103] Il y perdit la plus grande partie de son armée, et il mourut lui-même épuisé de fatigue, surtout par la durée de la guerre contre Eumènes. Cassandre est à mon avis le plus criminel de tous les rois qui contribuèrent à la chute d'Antigone, car c'était par les secours de ce prince qu'il avait conservé le royaume de Macédoine, et il ne rougit point de faire la guerre à son bienfaiteur.

Antigone étant mort, Ptolémée reprit la Syrie et l'île de Chypre et rétablit Pyrrhus sur le trône de l'Épire. Magas, fils de Bérénice, alors épouse de Ptolémée, reprit aussi Cyrène[104] cinq ans après sa rébellion. Si Ptolémée devait réellement le jour à Philippe, fils d'Amyntas, il tenait bien de son Père par son goût effréné pour les femmes; en effet, Eurydice, fille d'Antipater, était son épouse, et lui avait donné des enfants, lorsqu'il en eut de Bérénice dont les charmes le séduisirent, et qu'Antipater avait envoyée en Égypte avec sa fille. Près de mourir, il laissa le trône à Ptolémée : c'était un fils qu'il avait eu de cette Bérénice, et non de la fille d'Antipater. Ce second Ptolémée est celui qui donna son nom à une des tribus d'Athènes.

CHAPITRE VII.

Ptolémée Philadelphe. Magas.

CE Ptolémée étant devenu amoureux d'Arsinoé sa sœur de père et de mère, l'épousa, ce qui était contraire aux lois des Macédoniens, mais non à celles des Égyptiens, dont il était roi. Il fit mourir Argeus, son second frère, qui avait, dit-on, conspiré contre lui.[105] Le corps d'Alexandre le Grand fut apporté de Memphis à Alexandrie par son ordre. Un autre de ses frères, né d'Eurydice, fut mis à mort pour avoir fait révolter les habitants de l'île de Chypre. Il restait à Ptolémée un frère de mère, nommé Magas, fils que Bérénice avait eu d'un certain Philippe, Macédonien, à la vérité, mais d'ailleurs peu connu et né dans la classe vulgaire. Magas, qui, par la protection de sa mère, avait obtenu le gouvernement de Cyrène, poussa les Cyrénéens à la révolte, et les conduisit contre Ptolémée : celui-ci ayant fortifié l'entrée de ses états, attendait les rebelles, lorsque leur chef apprenant en route le soulèvement des Marmarides, peuple Nomade de la Libye,[106] revint à Cyrène pour les soumettre. Ptolémée voulait poursuivre les Cyrénéens, mais voici ce qui l'en empêcha. A la nouvelle de la révolte de Magas, il avait pris à sa solde des troupes étrangères, et entre autres, environ quatre mille Gaulois; ayant découvert qu'ils travaillaient à se rendre maîtres de l'Égypte, il les fit entrer dans une île déserte au milieu du Nil, où ils périrent tous de faim, ou en se tuant les uns les autres.

Cependant Magas, qui avait déjà épousé Apamé, fille d'Antiochus, fils de Séleucus, décida son beau-père à violer le traité que Séleucus avait fait avec Ptolémée, et à tourner ses armes contre l'Égypte; mais Ptolémée, ayant appris qu'Antiochus se mettait en marche, envoya des troupes[107] dans tous les états de ce prince, et en désolant les peuples les plus faibles par des incursions, en contenant par des corps d'armées ceux qui étaient plus puissants, il occupa tellement Antiochus qu'il ne songea plus à venir attaquer l'Égypte. Ce Ptolémée est, comme je l'ai déjà dit, celui qui, pour secourir Athènes, contre Antigone, roi de Macédoine, envoya une escadre qui ne fut pourtant pas très utile aux Athéniens. L'Arsinoé dont il eut des enfants était fille de Lysimaque : Arsinoé sœur et femme de Ptolémée, mourut avant lui sans laisser d'enfants, et donna son nom à un des nomes de l'Égypte, l'Arsinoïte.

CHAPITRE VIII.

Attale. Statues et temples. Odéon.

C'EST ici le lieu de parler d'Attale, puisqu'il est aussi l'un des héros Éponymes des Athéniens. Un certain Docimus, Macédonien, général d'Antigone et qui se donna ensuite à Lysimaque avec toutes ses richesses, avait à son service Philétairus de Paphlagonie, eunuque. Je dirai en parlant de Lysimaque, à quelle occasion Philétairus l'abandonna pour se jeter dans le parti de Séleucos.

Attale dont il s'agit, était fils d'Attale, frère de ce Philétairus, et Eumène son cousin lui laissa ses états. Le plus mémorable de ses exploits est son expédition contre les Gaulois, qu'il chassa de la partie de l'Asie voisine de la mer, et repoussa jusque dans le pays qu'ils habitent maintenant.[108]

Après les statues des Éponymes, vous trouvez des statues de dieux ; Amphiaraüs, la Paix tenant dans ses bras Ploutos encore enfant[109] ; la statue en bronze de Lycurgue, fils de Lycophron[110] ; Callias, qui, suivant la plupart des Athéniens, fit au nom de tous les Grecs la paix avec Artaxerxés, fils de Xerxès ; enfin Démosthène,[111] que les Athéniens forcèrent de se retirer à Calaurie, île en face de Trézène : dans la suite ils le rappelèrent, ils l'exilèrent encore après leur défaite à Lamie, et il retourna de nouveau à Calaurie, où il finit par s'empoisonner. Il fut le seul des exilés Grecs qu'Archias ne put pas livrer à Antipater et aux Macédoniens. Cet Archias, natif de Thurium,[112] s'était chargé d'une commission bien barbare, de livrer à la vengeance d'Antipater, tous ceux qui avaient été d'une faction opposée à celle des Macédoniens, avant la défaite des Grecs dans la Thessalie.[113] C'est ainsi que Démosthène devint victime de son amour pour les Athéniens. On a dit, avec beaucoup de raison ce me semble, que celui qui se livre sans réserve aux affaires publiques, et qui croit pouvoir compter sur le peuple, n'a jamais une heureuse fin.

Il y a près de la statue de Démosthène, un temple de Mars où l'on voit deux statues de Vénus (Aphrodite), une de Mars faite par Alcamène, une de Minerve (Athéna), ouvrage de Locrus de l'île de Paros, et une d'Enyo faite par les fils de Praxitèle. On voit autour du temple Hercule, Thésée, Apollon dont les cheveux sont ceints d'une bandelette, Caladès[114] qui a écrit, dit-on, des lois pour les Athéniens, et Pindare qui les ayant loués dans ses vers reçut d'eux, entre autres récompenses, les honneurs d'une statue.[115] Non loin de là sont Harmodius et Aristogiton qui tuèrent Hipparque, on trouvera dans d'autres livres des détails sur la cause de leur conspiration, et sur les moyens qu'ils prirent pour l'exécuter, Anténor a fait les plus anciennes de ces statues d'hommes célèbres, et Critias les autres.[116] Xerxès, ayant pris Athènes, que ses habitants avaient abandonnée, emporta ces statues avec le reste du butin, mais Antiochos les renvoya par la suite aux Athéniens.[117]

Devant l'entrée du théâtre, nommé l'Odéon, sont les statues des rois d'Égypte, tous connus sous le nom de Ptolémée, mais distingués par des surnoms tels que Philométor pour l'un, Philadelphe pour un autre ; et Ptolémée, fils de Lagos, fut surnommé Sôter par les Rhodiens. Ptolémée Philadelphe est celui dont j'ai fait mention en parlant des Éponymes ; la statue d'Arsinoé sa sœur est auprès de la sienne.

CHAPITRE IX.

Ptolémée Philométor et Cléopâtre. Lysimaque.

Ptolémée Philométor[118] était le huitième descendant de Ptolémée fils de Lagus. On lui donna ce surnom par ironie, car je ne connais pas de prince pour qui sa mère ait eu une aversion pareille à celle que Cléopâtre avait pour lui. Ne pouvant souffrir qu'il régnât, quoique l'aîné, elle le fit d'abord envoyer par son père dans l'île de Chypre. Parmi les diverses raisons qu'on donne de cette malveillance, la principale était l'espoir de trouver dans Alexandre le plus jeune de ses enfants, plus de soumission. Elle voulut donc le faire nommer par les Égyptiens ; et comme ils s'y opposèrent, elle l'envoya dans l'île de Chypre avec le titre de général, mais au fond pour devenir, par les armes d'Alexandre, plus redoutable à Ptolémée. A la fin, ayant blessé ceux de ses eunuques qu'elle croyait les plus dévoués à son propre service, elle les présenta au peuple en disant que Ptolémée avait voulu la faire périr, et que c'était lui qui les avait mis en cet état. Les Alexandrins fondirent sur Ptolémée pour le tuer, mais il leur échappa en s'embarquant, et l'on plaça sur le trône Alexandre qui revint de l'île de Chypre. Cléopâtre fut punie de son injustice envers Ptolémée ; car Alexandre, qui lui devait la couronne, la fit mourir. Bientôt, voyant son crime découvert, il prit la fuite pour se soustraire à la fureur du peuple ; Ptolémée revint et remonta sur le trône. Les Thébains (de l'Égypte) s'étant révoltés, il leur fit la guerre, les soumit la troisième année de leur rébellion, et ne laissa subsister chez eux aucun vestige de cette opulence jadis supérieure à celle des plus riches cités de la Grèce, à celle même du temple de Delphes, et d'Orchomène en Béotie.[119] Ptolémée subit peu de temps après la loi commune à tous les mortels, et les Athéniens qu'il avait comblés de bienfaits nombreux, et qui mériteraient un plus long récit, lui érigèrent une statue en bronze, ainsi qu'à Bérénice le seul enfant légitime qu'il eut. A la suite des statues des rois d'Égypte on voit celles de Philippe et d'Alexandre son fils qui ont fait de trop grandes choses pour n'en parler qu'incidemment dans un ouvrage dont ils ne sont pas le sujet. Les honneurs que les Athéniens ont rendus aux rois d'Égypte sont fondés sur une reconnaissance réelle pour les bienfaits qu'ils en ont reçus ; ceux qu'ils ont décernés à Philippe et à Alexandre sont principalement l'ouvrage de la flatterie du peuple ; quant à Lysimaque,[120] ce n'est point par bienveillance qu'ils lui ont érigé une statue, mais c'est parce qu'ils pensaient qu'il pouvait leur être utile dans les circonstances où ils se trouvaient.

Lysimaque était Macédonien et l'un des gardes du corps d'Alexandre le Grand, qui, dans un accès de colère, l'ayant fait enfermer dans une loge avec un lion,[121] fut tout étonné de voir qu'il avait dompté cet animal. Il conçut dès lors pour lui beaucoup d'admiration et le distingua comme l'un des plus braves Macédoniens. Après sa mort Lysimaque devint roi des Thraces voisins de la Macédoine, c'est-à-dire, de ceux qui étaient déjà soumis à Philippe et à Alexandre, et qui ne forment qu'une portion peu considérable de la nation Thrace. En effet, excepté les Celtes, aucun peuple ne peut se prétendre aussi nombreux que les Thraces : jamais, avant que les Romains les eussent vaincus, ils n'avaient été complètement soumis. Aujourd'hui toute la Thrace obéit à Rome, ainsi que tout le pays des Celtes, du moins ce qui valait la peine d'être conquis ; car les Romains ont volontairement négligé les portions que la rigueur du froid ou la nature du sol rendent stériles, encore y possèdent-ils tout ce qui peut avoir quelque importance. Les Odryses[122] furent le premier des peuples voisins contre qui Lysimaque tourna ses armes. Il attaqua ensuite les Gètes[123] et Dromichætes leur roi : mais ayant affaire à un peuple qui n'était pas novice dans le métier de la guerre et qui pouvait mettre sur pied des armées bien plus nombreuses que les siennes, il se vit dans un péril extrême auquel pourtant il vint à bout d'échapper en laissant prisonnier Agathoclès son fils, qui le suivait à la guerre pour la première fois. Ayant encore essuyé dans la suite plusieurs défaites, et la captivité de son fils lui tenant au cœur, il fit la paix avec Dromichætes en lui cédant la partie de ses états située au-delà de l’Ister,[124] et en lui donnant, bien malgré lui, sa fille en mariage. Selon quelques auteurs, ce fut Lysimaque lui-même que les Gètes firent prisonnier, et ce fut Agathoclès qui traita pour le délivrer avec Dromichætes. Lysimaque, de retour dans ses états, maria Agathoclès avec Lysandra, fille de Ptolémée,[125] fils de Lagos et de Bérénice. Ensuite il passa par mer en Asie, où il concourut à la subversion de l'empire d'Antigone. Il transféra Éphèse sur les bords de la mer, où elle est encore maintenant, et y transporta les Colophoniens et les Lébédiens dont il détruisit les villes[126] ; événement que Phœnix, poète ïambique de Colophon,[127] a déploré dans ses vers. Hermésianax[128] le poète élégiaque ne vivait plus sans doute ; car il n'aurait pas manqué d'exprimer ses regrets sur la prise de Colophon. Lysimaque fit aussi la guerre à Pyrrhus, fils d'Æacide ; et profitant de l'absence de ce prince, qui était le plus souvent hors de l'Épire, il ravagea ce pays d'un bout à l'autre, et pénétra même jusqu'aux tombeaux des rois. Hiéronyme de Cardie[129] ajoute, ce qui me paraît peu croyable, qu'il brisa ces tombeaux et dispersa les ossements qu'ils contenaient ; mais comme cet historien a généralement la réputation de n'avoir écouté que sa haine pour les autres rois et son affection pour Antigone qu'il a comblé de louanges non méritées, il est évident qu'il écrit ici par malveillance ; car il n'est pas probable qu'un Macédonien se soit porté à violer ces tombeaux. Lysimaque, d'ailleurs, savait bien que ceux dont ils renfermaient les restes étaient les ancêtres d'Alexandre comme de Pyrrhus, la mère d'Alexandre étant Épirote et du sang des Æacides. Enfin, l'alliance qui se forma dans la suite entre Lysimaque et Pyrrhus, prouve qu'il ne s'était rien passé dans cette guerre qui dût les rendre ennemis irréconciliables. Il est possible qu'Hiéronyme eût d'autres motifs de haine contre Lysimaque, mais l'un de ses plus vifs ressentiments venait de ce que ce prince avait détruit Cardie[130] pour fonder Lysimachie sur l'isthme de la Chersonèse de Thrace.

CHAPITRE X.

Lysimaque.

LA bonne intelligence subsista entre Lysimaque et les Macédoniens : sous le règne d'Aridée,[131] et sous ceux de Cassandre et de ses fils ; mais la couronne étant parvenue à Démétrius, fils d'Antigone, Lysimaque, qui s'attendait à être bientôt attaqué par lui, crut devoir le prévenir et l'attaqua le premier. Il savait en effet que ce prince avait comme son père le goût des conquêtes ; il voyait en même temps, qu'appelé dans la Macédoine par Alexandre, fils de Cassandre, Démétrius, l'avait tué en arrivant, et s'était fait nommer roi des Macédoniens à sa place. Lysimaque, s'étant décidé à la guerre par toutes ces raisons, fut vaincu vers Amphipolis,[132] et peu s'en fallut qu'il ne perdît la Thrace ; mais Pyrrhus étant venu à son secours, il la conserva et s'empara même du pays des Nestiens[133] et de la Macédoine dont la plus grande partie cependant restait à Pyrrhus alors son allié, qui était venu de l'Épire avec des forces considérables. Démétrius passa ensuite en Asie, où il fit la guerre à Séleucus, et tant que ses affaires furent en bon état, Lysimaque et Pyrrhus restèrent alliés, mais leur amitié cessa dès que Démétrius fut au pouvoir de Séleucus et la guerre ayant éclaté entre eux, Lysimaque défit complètement Antigone, fils de Démétrius et Pyrrhus lui-même, et s'empara de la Macédoine après avoir forcé Pyrrhus de retourner dans l'Épire.

L'amour est ordinairement pour les hommes la cause de beaucoup de malheurs, et Lysimaque l'éprouva. Heureux lui-même en enfants, et se voyant renaître dans ceux qu'Agathoclès son fils avait déjà de Lysandra, il épousa, quoique avancé en âge, une sœur de Lysandra nommée Arsinoé. Celle-ci craignit que ses enfants ne devinssent, après la mort de Lysimaque, sujets d'Agathoclès, et trama, dit-on, la perte de ce jeune prince. D'autres ont écrit qu'elle était devenue amoureuse de lui, et que pour se venger de ses mépris, elle résolut de le faire périr. Ils ajoutent que Lysimaque eut bien connaissance dans la suite, du crime de sa femme, mais il n'en fut pas plus avancé, ses amis l'ayant tout à fait abandonné.[134]

En effet, lorsqu'il eut souffert qu'Arsinoé fit périr Agathoclès, Lysandra se réfugia, vers Séleucos, emmenant avec elle ses enfants et ses frères,[135] auxquels il ne restait plus que cet asile, depuis que Ptolémée leur père les avait chassés de sa présence ; ils y furent suivis par Alexandre, fils de Lysimaque et d'une femme Odrysienne; ils se rendirent tous à Babylone, et pressèrent Séleucos de déclarer la guerre à Lysimaque. D'un autre côté, Philétære, à qui Lysimaque avait confié la garde de ses trésors, indigné de la mort d'Agathoclès et se croyant peu en sûreté du côté d'Arsinoé, s'empara de Pergame sur le Caïque[136] et envoya un héraut à Séleucus pour se donner à lui avec toutes les richesses qu'il avait en sa garde. Lysimaque ayant appris ces événements se hâta de passer en Asie pour commencer lui-même la guerre ; il en vint aux mains avec Séleucus, mais il fut complètement défait et perdit la vie dans le combat. Son corps fut rendu par Lysandra : Alexandre, ce fils qu'il avait eu d'une femme Odrysienne, l'obtint à force de prières, le fit ensuite transporter dans la Chersonèse, et lui donna la sépulture à l'endroit où le tombeau de Lysimaque se voit encore aujourd'hui, entre le bourg de Cardie et la ville de Pactye : voilà ce que j'ai à dire concernant Lysimaque.

CHAPITRE XI.

Pyrrhus.

On voit aussi à Athènes une statue de Pyrrhus. Ce prince ne tenait à Alexandre que par son extraction, il avait pour père Æacides, fils d'Arymbas, et Olympias, mère d'Alexandre, était fille de Néoptolème, né, ainsi qu'Arymbas, d'Alcétas, fils de Tharypas. On compte quinze générations d'hommes depuis ce dernier jusqu'à Pyrrhus, fils d'Achille. Après la prise de Troie, Pyrrhus l'ancien, dédaigna la Thessalie et alla aborder en Épire, où il s'établit d'après les prédictions d'Hélénus. Il n'eut point d'enfants d'Hermione,[137] mais il en eut trois d'Andromaque, Molossus, Piélus et Pergamus qui était le plus jeune. Pyrrhus ayant été tué à Delphes,[138] Hélénus[139] épousa Andromaque et en eut aussi un fils nommé Cestrinus ; comme Hélénus en mourant avait laissé ses états à Molossus[140] fils de Pyrrhus, Cestrinus et les Épirotes qui voulurent bien s'attacher à son sort, allèrent s'établir sur les bords du fleuve Thyamis.[141] Pergamus passa en Asie et tua en combat singulier Aréius, roi de la Teuthranie, qui avait consenti que son royaume fut le prix du vainqueur. Il donna à la ville le nom de Pergame qu'elle porte encore maintenant,[142] et on y voit un monument héroïque[143] qui lui est dédié ainsi qu'à Andromaque qui l'avait accompagné en Asie.

Piélos resta en Épire, et c'est de lui, non de Molossus, que descendaient Pyrrhus fils d'Æacides et ses ancêtres, Les Épirotes n'eurent qu'un seul roi jusqu'à Alcétas, fils de Tharypas : ses fils, d'abord divisés, s'accordèrent enfin à partager également le pouvoir, et ils observèrent fidèlement leurs conventions. Dans la suite des temps Alexandre, fils de Néoptolème, étant mort dans la Lucanie, et Olympias étant retournée dans l'Épire par crainte d'Antipater, Æacides fils d'Arymbas déféra à ses conseils en d'autres choses, et en la suivant à la guerre contre Aridée et les Macédoniens, quoique les Épirotes ne voulussent pas marcher avec lui. Olympias, après sa victoire, se conduisit avec beaucoup de cruauté envers Aridée qu'elle fit mourir, et se permit des excès encore plus barbares envers les autres Macédoniens, de sorte qu'on ne la plaignit pas du traitement que Cassandre lui fit éprouver dans la suite. Quant à Æacides, les Épirotes, par haine pour Olympias, refusèrent d'abord de le recevoir ; avec le temps néanmoins, il obtint d'eux son pardon : son retour dans ses états fut empêché par Cassandre ; une bataille se livra vers Œniades,[144] entre Philippe frère de Cassandre et Æacides, ce dernier fut blessé et mourut peu de jours après.

Les Épirotes appelèrent alors au trône Alcétas, fils d'Arymbas et frère aîné d'Æacides, mais d'un caractère si emporté, que son père l'avait chassé de chez lui ; à peine arrivé, il commit des actes de violence contre ses sujets, qui se révoltèrent et le tuèrent pendant la nuit avec ses enfants ; ils firent alors revenir Pyrrhus, fils Æacides, que Cassandre vint attaquer aussitôt après son arrivée ; et Pyrrhus, qui, jeune encore, n'avait pas eu le temps d'affermir son autorité, s'enfuit à l'approche des Macédoniens, et se rendit en Égypte chez Ptolémée, fils de Lagus : Ptolémée lui donna en mariage une fille du premier lit de sa femme, et le ramena en Épire avec une escadre Égyptienne.

Les Corcyréens sont le premier peuple Grec que Pyrrhus, devenu roi, ait attaqué[145] ; voyant en effet que leur île était située devant ses états, il ne voulut pas qu'on pût s'en servir de place d'armes contre lui. A la guerre de Corcyre succéda celle contre Lysimaque, ensuite celle contre Démétrius, qu'il dépouilla de la Macédoine, d'où il fut chassé à son tour par Lysimaque : en parlant de ce dernier, j'ai déjà donné quelques détails sur les circonstances les plus importantes de la vie de Pyrrhus à cette époque.

Pyrrhus est à ma connaissance le premier Grec qui ait fait la guerre aux Romains, car Diomède[146] et les Argiens n'eurent rien à démêler, dit-on, avec Énée : les Athéniens avaient bien aussi conçu l'espérance de subjuguer toute l'Italie, mais l'échec qu'ils éprouvèrent à Syracuse[147] les empêcha de mesurer leurs forces avec les Romains ; enfin, Alexandre fils de Néoptolème, de la même famille que Pyrrhus, mais plus ancien que lui, mourut dans la Lucanie[148] avant d'en être venu aux mains avec eux.

CHAPITRE XII.

Suite de l'histoire de Pyrrhus. Des Éléphants.

Pyrrhus est donc le premier qui, parti de la Grèce au delà du golfe Ionien, soit venu attaquer les Romains. Il fut appelé en Italie par les Tarentins, qui trop faibles pour résister par eux-mêmes aux Romains avec lesquels ils étaient en guerre depuis quelque temps, crurent que Pyrrhus qu'ils avaient obligé précédemment en lui prêtant des vaisseaux pour son expédition contre Corcyre, ne leur refuserait pas son secours. Il se décida principalement sur l'exposé que lui firent les ambassadeurs Tarentins de la richesse de l'Italie, qui à elle seule, disaient-ils, valait la Grèce en entier ; et sur ce qu'ils lui représentèrent, qu'il y aurait de l'injustice de sa part à négliger ses amis au moment où ils avaient recours à sa protection. Tandis qu'ils partaient, la prise de Troie revint à la mémoire de Pyrrhus, et il ne douta pas que cette guerre ne se terminât de même, il descendait en effet d'Achille et allait faire la guerre à des descendants des Troyens.[149] Comme il ne mettait jamais de délai entre le projet et l'exécution, son parti ne fut pas plutôt pris, qu'il équipa des vaisseaux longs et ronds pour transporter les hommes et les chevaux.

Quelques hommes peu connus comme écrivains, nous ont laissé des livres intitulés, Mémoires de Pyrrhus ; on ne peut s'empêcher, en les lisant, d'admirer la sagesse avec laquelle il se préparait d'avance aux combats qu'il avait sans cesse à livrer, et l'intrépidité qu'il montrait au moment de l'action. Dans la guerre dont il s'agit, il passa en Italie avec ses vaisseaux sans que les Romains en fussent instruits, il ne se montra pas même à eux aussitôt après son arrivée ; il ne parût avec son armée que lorsque le combat fut engagé entre les Tarentins et les Romains, et tombant sur ces derniers à l'improviste, il les mit en désordre,[150] comme cela devait être ; au reste, comme il savait bien qu'il n'était pas en état de se mesurer avec les Romains, il s'était procuré des éléphants pour les lâcher contre eux. Alexandre est le premier prince de l'Europe qui ait eu des éléphants, il les prit après qu'il eût vaincu Porus et les Indiens. Les rois ses successeurs en eurent aussi après sa mort ; Antigone surtout en possédait un grand nombre. Ceux de Pyrrhus lui venaient de la victoire qu'il avait remportée sur Démétrius fils d'Antigone, et leur vue répandit l'épouvante parmi les Romains qui les prenaient pour toute autre chose que des animaux. Les dents d'éléphants étaient depuis longtemps connues et employées à divers ouvrages, mais avant que les Macédoniens eussent passé en Asie, les éléphants eux-mêmes n'étaient connus que des Indiens, des Libyens et des autres peuples voisins, Homère dit bien, à la vérité, que les lits des rois et même les maisons des plus opulents d'entre eux, étaient ornés d'ivoire, mais il ne parle des éléphants dans aucun de ses poèmes, et s'il en avait vu, ou s'il en avait appris quelque chose, il en aurait fait mention plutôt que des combats des Pygmées et des Grues.

Pyrrhus se laissa bientôt après entraîner dans la Sicile par une ambassade des Syracusains ; les Carthaginois débarqués dans cette île avaient chassé les habitants de toutes les villes Grecques,[151] excepté de Syracuse qu'ils tenaient assiégée ; Pyrrhus ayant appris cela des ambassadeurs, laissa là Tarente, ainsi que tous les Grecs de cette côte de l'Italie, passa en Sicile, et fit lever aux Carthaginois le siège de Syracuse. Enflé de ce succès, il ne réfléchit pas que les Carthaginois, Tyriens, Phéniciens d'origine,[152] étaient à cette époque, de tous les peuples barbares, le plus exercé à la mer, et il eut la témérité de leur livrer un combat sur cet élément, avec des vaisseaux montés par des Épirotes, qui pour la plupart ne connaissaient même pas la mer à l'époque du siège de Troie, et ignoraient encore l'usage du sel, ainsi que nous l'apprend Homère, qui dit dans l'Odyssée, en parlant d'eux ; ces peuples qui ne connaissent pas la mer, et ignorent l'usage du sel dans leurs aliments.[153]

CHAPITRE XIII.

Guerre de Pyrrhus et d'Antigone. Cléonyme.

PYRRHUS, ayant été défait sur mer par les Carthaginois,[154] se rendit à Tarente,[155] avec le reste de ses vaisseaux. Il y éprouva un échec considérable, et prévoyant bien que les Romains ne le laisseraient pas partir tranquillement, il prépara sa retraite de la manière suivante. Après avoir été vaincu à son retour de la Sicile, il avait écrit sur le champ aux rois de l'Asie et à Antigone, pour demander de l'argent aux uns, des troupes aux autres, et tous les deux à Antigone. Ses envoyés étant revenus avec les réponses, il rassembla les principaux des Épirotes et des Tarentins, et au lieu de leur lire les lettres qu'il avait reçues, il leur dit que des secours allaient arriver. La renommée apprit bientôt aux Romains que les Macédoniens et les peuples de l'Asie venaient au secours de Pyrrhus, et cette nouvelle fit que les Romains restèrent tranquilles. Pyrrhus s'embarqua la nuit suivante et aborda au promontoire que forment les monts Cérauniens.[156] Ayant laissé reposer ses troupes après les pertes qu'il avait éprouvées en Italie, il déclara la guerre à Antigone contre lequel il alléguait différents griefs, entre autre le refus de lui envoyer des secours ; et après avoir défait la propre armée de ce prince, et même les Gaulois qu'il avait à sa solde, il le repoussa dans les villes maritimes de la Macédoine, et s'empara de toute la partie haute de ce pays, ainsi que de la Thessalie. Le combat fut très acharné et la victoire de Pyrrhus des plus complètes, comme on peut en juger par les armures des Gaulois qu'il consacra dans le temple de Minerve (Athéna) Itonia,[157] entre Phères et Larisse,[158] avec cette inscription : Ces boucliers pris aux féroces Gaulois sont une offrande de Pyrrhus, roi des Molosses, à Minerve (Athéna) Itonia, après la défaite de toute l'armée d'Antigone. Qu'on ne s'étonne point de sa victoire, la valeur est encore, comme jadis, le partage des Æacides. Il consacra les boucliers des Macédoniens eux-mêmes, dans le temple de Jupiter (Zeus) à Dodone,[159] avec l'inscription suivante : Ces boucliers, dépouille des superbes Macédoniens qui jadis ravagèrent l'opulente Asie, et firent peser sur la Grèce le joug de la servitude : ces boucliers, séparés maintenant des bras qui les portaient, ornent les colonnes du temple de Jupiter (Zeus). Si Pyrrhus, en général très disposé à saisir toutes les occasions qui s'offraient de faire des conquêtes, abandonna la Macédoine, quoiqu'elle fût presque entièrement subjuguée, il en faut rejeter la faute sur Cléonyme, qui lui persuada de laisser la Macédoine pour aller dans le Péloponnèse. Cléonyme, tout Lacédémonien qu'il était, introduisit une armée ennemie dans son pays par des raisons que j'expliquerai après avoir fait connaître son extraction.

Plistoanax, fils de Pausanias, qui commandait les Grecs à la bataille de Platées,[160] fut père d'un autre Pausanias, dont le fils fut Cléombrote, qui perdit la vie à Leuctres[161] en combattant contre Épaminondas et les Thébains. Cléombrote laissa, deux fils, Agésipolis et Cléomène. Agésipolis étant mort sans enfants, Cléomène prit la couronne : il eut deux fils, Acrotatus et Cléonyme. Acrotatus l'aîné étant mort du vivant de son père, Aréus son fils, et Cléonyme se disputèrent le trône, après la mort de Cléomène. Cléonyme succomba et engagea par je ne sais quel moyen, Pyrrhus à venir dans la Laconie. Les Lacédémoniens n'avaient jamais éprouvé de revers avant la bataille de Leuctres, et ils ne conviennent pas d'avoir été jusque là vaincus sur terre. Léonidas,[162] disent-ils, fut victorieux, mais il n'avait pas assez de monde avec lui, pour détruire entièrement l'armée des Mèdes ; l'affaire de l'île de Sphactérie[163] contre les Athéniens commandés par Démosthène, fut suivant eux une surprise, et non une victoire. La première défaite qu'ils essuyèrent fut donc dans la Béotie. Ils furent ensuite complètement vaincus par Antipater et les Macédoniens. L'invasion de Démétrius au moment où ils s'y attendaient le moins, fut la troisième calamité de ce genre. Quand ils virent pour la quatrième fois l'ennemi dans leur pays, ils se rangèrent en bataille avec les Argiens et les Messéniens qui étaient venus à leur secours. Pyrrhus les ayant vaincus, fut sur le point de prendre leur ville à la première attaque, mais un peu de repos qu'il se donna après avoir ravagé le pays et rassemblé le butin, laissa aux Lacédémoniens le temps de mettre leur ville en état de défense, ce qui n'était pas très difficile, car on l'avait déjà entourée de fossés profonds et de fortes palissades durant la guerre contre Démétrius, on avait même élevé des murs vers les endroits qu'il était le plus aisé d'attaquer. D'un autre côté, Pyrrhus étant ainsi occupé par la guerre de Lacédémone, Antigone, qui avait repris les villes de la Macédoine, se hâta de venir dans le Péloponnèse, prévoyant bien que si une fois Pyrrhus subjuguait la Laconie et la plus grande partie de cette presqu'île, il ne retournerait pas en Épire, mais irait porter de nouveau la guerre en Macédoine. Antigone se disposait à passer de l'Argolide dans la Laconie, lorsque Pyrrhus vint lui-même à Argos ; et ayant encore été vainqueur, il entra dans la ville avec les fuyards, ce qui rompit, comme cela était naturel, son ordre de bataille. Le combat s'étant alors engagé de tous les côtés, vers les temples, vers les maisons, dans les rues et dans les différents endroits de la ville, Pyrrhus se trouva seul et reçut un coup à la tête. On dit qu'il fut blessé par une femme qui lui jeta une tuile : mais les Argiens prétendent que ce fut par Cérès[164] (Déméter) sous la figure de cette femme ; et Leucéas[165] l'un des exégètes du pays, raconte cette mort dans ses vers, de la même manière que les Argiens. D'après les ordres de l'oracle, un temple fut érigé à Cérès (Déméter), à l'endroit où Pyrrhus fut tué, et il est enterré dans ce temple.

Il est assez étonnant que plusieurs des Æacides aient terminé leurs jours à peu près de même par la vengeance des dieux. Achille fut, suivant Homère, tué par Apollon et par Alexandre,[166] fils de Priam ; la Pythie ordonna aux Delphiens de tuer Pyrrhus,[167] fils d'Achille, et l'on vient de voir comment les Argiens et Leucéas dans ses vers racontent la mort de Pyrrhus fils d'Æacides. Leur récit diffère cependant de celui d'Hiéronyme de Cardie, mais tout homme qui s'est attaché à un roi, est obligé d'écrire ce qui lui est agréable, et si on a cru pouvoir excuser Philistus[168] de ce que l'espoir d'être rappelé à Syracuse, lui a fait garder le silence sur les plus grands forfaits de Denys, ne doit-on pas, à plus forte raison, pardonner à Hiéronyme de n'avoir écrit que ce qui pouvait plaire à Antigone? La puissance des Épirotes finit avec le règne de Pyrrhus.

CHAPITRE XIV.

De l'Odéon. De Triptolème, Épimenide et Thalès.

De Minerve (Athéna) et Vénus (Aphrodite) Uranie.

En entrant dans l'Odéon d'Athènes, vous trouvez plusieurs statues, et entre autres un Dionysos qui mérite d'être vu. Près de là, est la fontaine Ennéacrunus (à neuf tuyaux[169]) qui a été ainsi décorée par Pisistrate. Il y a des puits dans tout le reste de la ville, mais il n'y a pas d'autre fontaine.[170] Au-dessus de cet édifice sont deux temples dédiés, l'un à Cérès (Déméter) et à sa fille, et l'autre à Triptolème dont on y voit la statue. Je vais raconter ce qu'on dit de ce héros, en laissant de côté ce qui concerne Déiopè.[171] Les Argiens sont de tous les Grecs, les mieux fondés à disputer aux Athéniens l'honneur de l'ancienneté,[172] et la gloire des faveurs divines ; il en est de même des Phrygiens à l'égard des Égyptiens. On dit donc que Cérès (Déméter), lorsqu'elle vint à Argos, fut reçue chez Pélasgus,[173] et qu'elle y apprit de Chrysanthis ce que celle-ci savait de l'enlèvement de sa fille. Dans la suite des temps, Trochilus Hiérophante, ayant encouru la haine d'Agenor, s'enfuit d'Argos et alla, dit-on, dans l'Attique, où il épousa une femme d'Éleusis dont il eut deux fils, Eubuléus et Triptolème. Telle est la tradition des Argiens. Pour les Athéniens et leurs partisans, ils savent que Triptolème fils de Céléus, fut le premier qui sema du blé. On chante des vers de Musée (si toutefois ils sont de ce poète), qui nous apprennent que Triptolème était fils de l'Océan et de la Terre.[174] Suivant les vers d'Orphée (je ne crois pas non plus qu'ils soient de lui), Dysaulès eut deux fils, Eubuléus et Triptolème, auxquels Cérès (Déméter) enseigna la culture du blé pour les récompenser de ce qu'ils lui avaient appris de sa fille. Enfin, Chœrilus,[175] Athénien, dit dans la tragédie d'Alopé, que Cercyon et Triptolème étaient tous deux fils d'une fille d'Amphictyon, mais que Rharus était le père de Triptolème, et Neptune (Poséidon) celui de Cercyon. Je me disposais à continuer ce discours et à décrire tout ce qu'on voit à Athènes dans le temple nommé l'Eleusinion, mais j'ai été arrêté par un songe[176] ; je m'en tiendrai donc à dire ce qu'il est permis à tout le monde de savoir. Devant le temple où est la statue de Triptolème, se voit un bœuf de bronze que l'on conduit au sacrifice. Vous y remarquez aussi Épimenide de Cnosse assis ; on raconte qu'étant allé aux champs, il entra dans une caverne où il s'endormit et ne s'éveilla qu'au bout de quarante ans. Il fit des vers dans la suite et purifia plusieurs villes, entre autres celle d'Athènes. Thalès, qui délivra Lacédémone de la peste,[177] ne tenait en rien à cet Épimenide, et n'était pas de la même ville, car Polymnastus[178] de Colophon, qui a fait pour les Lacédémoniens des vers en son honneur, dit qu'il était de Gortyne.[179] Un peu plus loin est le temple d'Eucléia[180] (la bonne renommée), qui a été fait aussi du produit des dépouilles des Mèdes, débarqués à Marathon. Cette victoire me parait celle dont les Athéniens tiraient le plus de vanité, aussi le poète Eschyle, se voyant près de sa fin, ne voulut rappeler dans son épitaphe,[181] ni les poésies qui lui ont acquis tant de réputation, ni les combats de Diane (Artémis)ion et de Salamine, où il s'était distingué ; il se contenta d'y inscrire son nom, celui de sa patrie, et d'ajouter qu'il avait pour témoins de sa valeur, le bois sacré de Marathon et les Mèdes qui y débarquèrent.

Le temple de Vulcain (Héphaïstos) est au-dessus du Céramique et du portique royal ; connaissant ce qu'on raconte de la naissance d'Erichthonius,[182] je n'ai point été surpris de voir dans ce temple la statue de Minerve (Athéna) auprès de celle de Vulcain (Héphaïstos), et en voyant la couleur bleue foncée des yeux de la déesse, j'ai reconnu que c'était une tradition Libyenne. Les Libyens disent en effet que Minerve (Athéna) était fille de Neptune (Poséidon) et de la nymphe du lac Tritonis, et c'est pour cela qu'elle a, comme Neptune (Poséidon), les yeux couleur d'eau de mer. On voit tout auprès, le temple de Vénus (Aphrodite) Uranie[183] ; le culte de cette déesse a pris naissance chez les Assyriens[184] ; il fut adopté ensuite par les Cypriens de Paphos et les Phéniciens d'Ascalon[185] dans la Palestine ; les habitants de Cythère[186] le reçurent de ces derniers, et Égée attribuant au courroux de cette déesse le malheur qu'il avait d'être encore sans enfants, ainsi que l'infortune de ses sœurs,[187] introduisit son culte dans Athènes. La statue en marbre de Paros qu'on voit maintenant dans son temple est l'ouvrage de Phidias. Il y a chez les Athmonéens, l'un des peuples de l'Attique, un temple d'Uranie, bâti, à ce qu'ils disent, par Porphyrion, qui avait régné dans l'Attique avant Actæus. On raconte dans les bourgs beaucoup de choses, bien différemment qu'on ne le fait dans la ville.

CHAPITRE XV.

Du Pœcile et de ses Peintures.

En allant au Pœcile, portique ainsi nommé à cause des peintures dont il est orné, on trouve un Mercure (Hermès) Agoræus en bronze, et tout auprès une porte avec un trophée dessus pour la victoire que la cavalerie Athénienne remporta sur Plistarque, frère de Cassandre, qui commandait la cavalerie de ce prince et celle de ses alliés. Quand vous entrez dans le portique même, vous voyez d'abord un tableau représentant les Athéniens rangés en bataille en présence des Lacédémoniens, à Œnoé dans l'Argolide.[188] On n'en est point encore au fort de la mêlée, et il ne s'est encore fait aucune action éclatante, le combat ne fait que de commencer, et l'on vient seulement d'en venir aux mains. Sur le mur du milieu on voit le combat de Thésée et des Athéniens contre les Amazones. Ces femmes sont les seules que leurs défaites n'aient pas empêchées de se présenter avec intrépidité à de nouveaux périls ; car, malgré la prise de Thémiscyre par Hercule, et la perte de l'armée qu'elles avaient envoyée ensuite contre Athènes, elles ne laissèrent pas d'aller au secours des Troyens contre les Athéniens eux-mêmes, et les autres Grecs. Après les Amazones, se présentent les Grecs qui viennent de prendre Troie. Les chefs sont assemblés pour délibérer sur l'attentat d'Ajax contre Cassandre.[189] On aperçoit dans le tableau, Ajax lui-même, Cassandre et d'autres captives. Plus loin, la bataille de Marathon[190] ; les Béotiens de Platées et des autres villes alliées de l'Attique en sont aux mains avec les Barbares, et de ce côté, l'avantage est à peu près égal des deux parts. Hors du champ de bataille, les Barbares sont en fuite et se poussent les uns les autres dans le marais. A l'extrémité, se distinguent les vaisseaux Phéniciens ; les Grecs tuent les Perses qui cherchent à y monter. Vous distinguez dans ce tableau, le héros Marathon, de qui le bourg a pris le nom ; Thésée, qui paraît sortir de la terre,[191] et Minerve (Athéna), et Hercule ; car les Marathoniens, à ce qu'ils disent eux-mêmes, sont les premiers qui aient rendu les honneurs divins à Hercule. Les plus reconnaissables parmi les combattants, sont, Callimachus,[192] qui était alors Polémarque ; Miltiade, l'un des Généraux, et le héros Echetlus[193] dont je parlerai par la suite. Sous ce portique, sont des boucliers d'airain, les uns ont été pris aux Scionéens[194] et à leurs alliés ; ainsi nous l'apprend l'inscription placée au-dessus ; les autres, enduits de poix afin d'être préserves de la rouille, sont, dit-on, ceux des Lacédémoniens faits prisonniers dans l'île de Sphactérie.

CHAPITRE XVI.

Le Pœcile. Séleucus.

Devant ce portique plusieurs statues en bronze, représentent des hommes célèbres. Vous y voyez d'abord Solon,[195] qui donna des lois aux Athéniens ; ensuite Séleucus, à qui sa grandeur future avait été annoncée dès les commencements par des présages non douteux. Au moment de son départ de la Macédoine avec Alexandre, il offrait à Jupiter (Zeus) un sacrifice dans la ville de Pelles,[196] le bois qui était sur l'autel s'approcha de lui-même de la statue et s'enflamma sans qu'on y mît le feu. Après la mort d'Alexandre, Séleucus, ayant conçu des craintes sur l'approche d'Antigone qui venait à Babylone, s'enfuit vers Ptolémée, fils de Lagus. Revenu par la suite à Babylone, il défit l'armée d'Antigone et tua ce prince lui-même. Dans la suite il vainquit et fit prisonnier Démétrius, fils d'Antigone qui était venu l'attaquer. Voyant ainsi toutes ses entreprises couronnées par le succès, et ayant peu après détrôné Lysimaque, Séleucus céda ses états de l'Asie à son fils Antiochus et se mit en marche pour la Macédoine avec une armée composée de troupes Grecques et Barbares. Il avait aussi avec lui Ptolémée, frère de Lysandra, qui, s'étant enfui de la cour de Lysimaque, avait trouvé une retraite auprès de Séleucus. Quand celui-ci fut arrivé vers Lysimachie avec son armée, ce Ptolémée, homme si entreprenant qu'on l'avait surnommé Céraunus (la foudre), le tua par trahison,[197] abandonna aux soldats le pillage des richesses royales, s'empara du royaume de Macédoine et le gouverna jusqu'à l'invasion des Gaulois, contre lesquels il osa prendre les armes, ce que n'avait encore fait aucun roi : mais il fut tué par ces barbares. Antigone, fils de Démétrius, rentra alors en possession de la Macédoine. Séleucus est, à mon avis, un des rois qui s'est le plus distingué par son amour pour la justice, et sa piété envers les dieux. Il renvoya en effet aux Milésiens la statue en bronze d'Apollon Branchide[198] que Xerxès avait emportée à Ecbatane,[199] et lorsqu'il transféra les Babyloniens à Séleucie, ville qu'il venait de fonder sur le Tigre, il laissa subsister les murs de Babylone[200] et le temple de Bel, et permit aux Chaldéens d'habiter les environs de ce temple.

CHAPITRE XVII.

L'autel de la Pitié. Le Gymnase de Ptolémée. Le temple de Thésée.

Il y a sur la place publique d'Athènes, plusieurs monuments peu remarqués en général,[201] entre autres l'autel de la Pitié, divinité la plus utile de toutes dans les diverses vicissitudes de la vie, et que les Athéniens seuls honorent d'un culte particulier ; ils se sont distingués en effet non seulement par leur humanité, mais encore par leur piété envers les dieux,[202] car ils ont érigé des autels à la Pudeur, à la Renommée et à la Valeur, et leur exemple prouve évidemment que ceux qui se signalent par leur piété en sont récompensés par une prospérité constante.

Près de la place il y a un lieu d'exercice ou gymnase, qui porte le nom de Ptolémæum, son fondateur ; on y voit des Mercure (Hermès) en marbre, de figure quarrée, qui sont d'une grande beauté. Ptolémée y est en bronze aussi bien que Juba le Libyen,[203] et Chrysippe de Soli.[204] Le temple de Thésée n'est pas loin de là ; vous y trouverez de fort belles peintures ; premièrement le combat des Athéniens contre les Amazones, et ce combat est encore gravé sur le bouclier de Minerve (Athéna), et sur le piédestal de la statue de Jupiter (Zeus) Olympien, en second lieu la bataille des Centaures et des Lapithes ; Thésée a déjà tué un Centaure; du reste, l'avantage est à peu près égal des deux parts. le tableau peint sur le troisième mur du temple, est presque inintelligible pour ceux qui n'en connaissent pas le sujet, ce qui vient, ou de ce que le temps en a détruit une partie, ou de ce que Micon n'a pas peint l'histoire entière. Minos ayant emmené dans l'île de Crète, Thésée et d'autres jeunes gens des deux sexes,[205] devint amoureux de Péribée; comme Thésée s'opposait fortement à sa passion, il s'emporta contre lui, et entre autres propos injurieux, il lui dit qu'il n'était pas fils de Neptune (Poséidon), et qu'il ne pourrait pas lui rapporter un anneau qu'il se trouvait avoir au doigt, s'il le jetait dans la mer. Et il jeta, dit-on, au même moment, cet anneau dans les flots ; Thésée s'y précipita et en ressortit bientôt avec l'anneau et une couronne d'or qu'Amphitrite lui avait donnée. Quant à la mort de Thésée, on la raconte de plusieurs manières différentes ; on dit qu'il resta enchaîné jusqu'à ce qu'Hercule l'eût délivré ; mais voici le récit le plus vraisemblable à ce sujet Thésée étant allé attaquer les Thesprotes pour enlever la femme de leur roi, que Pirithoüs[206] voulait épouser, y perdit la plus grande partie de ses troupes, et fut lui-même fait prisonnier ainsi que Pirithoüs qui était allé avec lui, et le roi des Thesprotes les garda enchaînés dans Cichyre.[207] Il y a peut-être dans la Thesprotide d'autres monuments remarquables, comme le temple de Jupiter (Zeus) à Dodone,[208] et le hêtre sacré de ce dieu ; on y voit aussi vers Cichyre le lac Achérusien, le fleuve Achéron et le Cocyte qui roule une eau très désagréable. Et je pense que c'est après avoir observé tout cela, qu'Homère hasarde dans ses poèmes tout ce qu'il dit des enfers,[209] et donne aux fleuves qu'il y place les noms de ceux de la Thesprotide. Tandis que Thésée était ainsi détenu, les fils de Tyndare[210] vinrent assiéger Aphidne, la prirent et rétablirent Ménesthée[211] sur le trône. Ménesthée ne tint aucun compte des fils de Thésée qui s'étaient retirés chez Eléphénor[212] dans l'Eubée, mais pensant que Thésée, s'il revenait jamais du pays des Thesprotes, serait un concurrent très redoutable, il s'empara si bien de l'esprit du peuple par ses manières prévenantes, que dans la suite, lorsque ce prince revint, on refusa de le recevoir. Thésée s'embarqua pour aller vers Deucalion dans l'île de Crète, et fut porté par les vents dans l'île de Scyros[213] dont les habitants le reçurent avec distinction, à cause de l'éclat de sa naissance, et de la considération qu'il s'était acquise par ses exploits ; c'est pour cela que Lycomède trama sa perte. On ne lui érigea un monument héroïque à Athènes, que quelque temps après la défaite des Mèdes à Marathon, et lorsque Cimon, fils de Miltiade ayant chassé les habitants de Scyros de leur île, pour venger la mort de Thésée, eut apporté ses ossements à Athènes.

CHAPITRE XVIII.

Temple des Dioscures. Enceinte d'Aglaure. Prytanée.

Temples de Sérapis, d'Ilithye, de Jupiter (Zeus) Olympien.

Le temple des Dioscures[214] est ancien ; on les a représentés debout, et leurs enfants sont à cheval auprès d'eux. Polygnote a peint dans ce temple leur mariage avec les filles de Leucippe, et Micon, les héros qui s'embarquèrent avec Jason pour aller à Colchos : il a peint surtout avec le plus grand soin Acaste et ses chevaux. L'enceinte consacrée à Aglaure[215] est au-dessus du temple des Dioscures ; on raconte à son sujet que Minerve (Athéna) mit Erichthonius dans une boîte, qu'elle confia aux trois sœurs Aglaure, Hersé et Pandrose, en leur défendant de chercher à savoir ce qu'elle contenait. Pandrose lui obéit, dit-on, mais les deux autres ouvrirent la boîte, et dès qu'elles virent Erichthonius, elles devinrent furieuses, et se précipitèrent du haut du rocher où est la citadelle, de l'endroit même où il est le plus escarpé. C'est par cet endroit que les Mèdes y montèrent et tuèrent ceux qui, croyant avoir mieux saisi que Thémistocle le sens de l'oracle,[216] avaient entouré la citadelle de pieux et de pièces de bois. Près de cette enceinte est le Prytanée[217] où sont écrites les lois de Solon ; on y voit les statues de la Paix, de Vesta (Hestia), et de quelques hommes célèbres, entre autres, celle d'Autolycus le pancratiaste.[218] Miltiade et Thémistocle y sont aussi, mais on a enlevé les inscriptions de leurs statues, pour y substituer les noms d'un Romain et d'un Thrace. En allant de là dans le bas de la ville, vous trouvez le temple de Sérapis,[219] divinité que les Athéniens reçurent de Ptolémée ; le temple le plus célèbre que ce dieu ait en Égypte, est celui d'Alexandrie, et le plus ancien, celui de Memphis, où il n'est pas permis aux étrangers d'entrer, ni même aux prêtres, excepté lorsqu'on enterre le dieu Apis.[220] A peu de distance du temple de Sérapis, est une petite place où Thésée et Pirithoos se concertèrent pour leur expédition contre Lacédémone et contre les Thesprotes. On a érigé près de là un temple à Ilithye qui vint, dit-on, du pays des Hyperboréens à Délos pour assister Diane (Artémis) dans ses couches. Les Déliens offrent des sacrifices à Ilithye, chantent en son honneur un hymne d'Olen,[221] et disent que les autres peuples ont appris d'eux le nom de cette déesse, fille, suivant les Crétois, de Junon (Héra), qui lui donna, le jour à Amnisos[222] dans le pays de Cnosse. Les Athéniens sont les seuls chez qui les statues d'Ilithye, faites en bois, soient couvertes jusqu'aux pieds : deux de ces statues viennent de l'île de Crète et sont une offrande de Phèdre, si l'on en croit les femmes ; la plus ancienne a été apportée de Délos par Erysichthon.[223]

C'est l'empereur Adrien qui a fait ériger la nef du temple de Jupiter (Zeus) Olympien, et une statue de ce dieu, admirable, moins par sa dimension,[224] (car à l'exception des colosses qu'on voit à Rhodes et à Rome, les autres statues colossales sont à peu près de la même taille,) que parce qu'elle est entièrement d'or et d'ivoire, et que malgré sa grandeur, elle est travaillée avec beaucoup d'art. Avant d'entrer dans ce temple, vous trouvez quatre statues de l'empereur Hadrien, deux en marbre de Thassos, et deux en marbre Égyptien. Devant les colonnes, s'élèvent d'autres statues que les Athéniens appellent les statues des colonies.[225] L'enceinte du temple qui n'a pas moins de quatre stades de tour,[226] en est aussi remplie, chaque ville en ayant érigé une à l'empereur Hadrien ; mais les Athéniens les ont toutes surpassées en plaçant derrière le temple la statue colossale de ce prince, qui mérite d'être vue. On remarque divers monuments anciens dans cette enceinte ; à savoir, un Jupiter (Zeus) en bronze, le temple de Saturne et de Rhéa, et l'enceinte consacrée à la Terre surnommée Olympienne. Le sol de cette enceinte offre une ouverture d'environ une coudée,[227] par laquelle on dit que les eaux s'écoulèrent après le déluge de Deucalion. On y jette tous les ans des gâteaux de farine de froment pétris avec du miel. Vous trouvez aussi dans l'enceinte du temple de Jupiter (Zeus) Olympien une statue placée sur une colonne, et qui représente Isocrate : on a fait sur cet orateur trois observations importantes ; la première, qu'il fut très constant dans ses habitudes, n'ayant pas cessé d'avoir des disciples jusqu'à la fin de sa très longue vie, car il vécut quatre-vingt dix huit ans ; la seconde, qu'il se montra fort prudent, au point de ne vouloir jamais entrer dans les charges ni se mêler des affaires publiques ; la troisième enfin, qu'il aimait tellement la liberté, qu'à la nouvelle de la bataille de Chéronée, il se laissa mourir volontairement de chagrin.[228] Il y a dans le même endroit un trépied en bronze supporté par des Perses en marbre de Phrygie ; les hommes et le trépied sont également dignes de remarques. L'ancien temple de Jupiter (Zeus) avait été érigé par Deucalion,[229] à ce que disent les Athéniens ; et pour prouver qu'il avait demeuré à Athènes, ils montrent son tombeau qui n'est pas très éloigné du temple actuel. Hadrien a orné Athènes de plusieurs autres édifices qui sont, le temple de Junon (Héra), celui de Jupiter (Zeus) Panhellénien[230] et le Panthéon. Mais on admire surtout des Portiques formés par cent vingt colonnes de marbre de Phrygie et dont les murs sont du même marbre, on y voit des salles dont les plafonds sont ornés d'or et d'albâtre, et qui sont décorées de tableaux et des statues, elles contiennent des livres. Le Gymnase qui porte le nom d'Hadrien est dans le même endroit; il est orné de cent colonnes de marbre de Libye.

CHAPITRE XIX.

Le temple d'Apollon Delphinien. Vénus (Aphrodite) dans les jardins.

Le Cynosarge. Le Lycée. L’Ilissus. Agræ.

Après le temple de Jupiter (Zeus) Olympien, et dans son voisinage, est la statue d'Apollon Pythien,[231] ainsi qu'un autre temple d'Apollon surnommé Delphinien.[232] On raconte que ce temple étant achevé, à l'exception du toit, Thésée vint à Athènes, où il était absolument inconnu : sa tunique descendait jusqu'aux talons, et sa chevelure était tressée avec élégance ; lorsqu'il passa devant le temple, les ouvriers qui travaillaient au toit lui demandèrent en raillant, comment il se faisait qu'une jeune fille en âge de se marier, courut ainsi les champs toute seule. Il ne leur répondit rien, mais ayant dételé les bœufs de la voiture qui était près de là, il en jeta la couverture plus haut que le toit du temple qu'ils venaient de faire. On ne dit rien de particulier sur l'endroit nommé les Jardins, ni sur le temple de Vénus (Aphrodite), ni même sur la statue de cette déesse qui est auprès de ce temple. Cette statue est de forme carrée, comme les Mercure (Hermès) et l'inscription nous apprend que Vénus (Aphrodite) Uranie est l'aînée des Parques. La Vénus (Aphrodite) dans les jardins d'Alcamène, est un des ouvrages qu'on admire le plus à Athènes.[233] Le temple d'Hercile, nommé le Cynosarge,[234] est près de là. Ceux qui ont lu l'oracle où il est question d'une chienne blanche, savent d'où vient ce nom. On y voit les autels d'Hercule et d'Hébé, fille de Jupiter (Zeus), qui fut, dit-on, mariée à Hercule ; Alcmène et Iolaüs qui aida Hercule dans la plupart de ses travaux y ont aussi des autels. Le Lycée a pris son nom de Lycus, fils de Pandion, il a été dès son origine, et il est encore maintenant consacré à Apollon, qui a pris le surnom de Lycien. On dit que Lycus a aussi donné le nom de Lyciens aux Termiliens,[235] chez qui il se retira, lorsqu’Égée l'eut chassé d'Athènes. Derrière le Lycée est le tombeau de Nisus, roi de Mégare ; ce prince ayant été tué par Minos, fut emporté par les Athéniens qui l'enterrèrent là. Suivant la tradition, ce Nisus avait des cheveux couleur de pourpre,[236] et le destin avait décidé qu'il mourrait aussitôt qu'ils seraient coupés. Les Crétois arrivés dans la Mégaride, en prirent du premier abord toutes les villes, et formèrent le siège de Nisée, où Nisos s'était réfugié. La fille de Nisus devenue amoureuse de Minos, coupa les cheveux de son père. Voilà ce qu'on raconte.

Les fleuves qui arrosent l'Attique, sont l'Ilissus, l'Éridan qui porte le même nom qu'un fleuve des Gaules, et se jette dans l'Ilissos.[237] On dit qu'Orithye jouait sur les bords de l'Ilissos, lorsque Borée l'enleva : elle devint son épouse, et ce fut en faveur de cette alliance, que Borée vint au secours des Athéniens en faisant périr la plus grande partie des vaisseaux des barbares. Les Athéniens disent que l'Ilissus est consacré à différentes divinités, entre autres aux Muses, qui ont sur ses bords un autel sous le nom de Muses Ilissiades. On y montre aussi l'endroit où les Péloponnésiens tuèrent Codrus,[238] fils de Mélanthus, roi d'Athènes. En traversant l'Ilissus, vous trouvez le canton nommé Agræ,[239] et le temple de Diane (Artémis) Agrotera. Cet endroit est, dit-on, le premier où Diane (Artémis) ait chassé à son arrivée de Délos, c'est pourquoi sa statue tient un arc. Il serait difficile de faire partager par une simple description le plaisir et l'admiration qu'on éprouve à la vue du stade de marbre blanc[240] qui est près de là. Voici ce qui peut faire juger de sa grandeur. Sur les bords de l'Ilissus s'élève un mont qui forme un croissant, dont les deux extrémités vont rejoindre la rive du fleuve.[241] Un Athénien nommé Hérode,[242] en a fait un stade, et y a presque épuisé la carrière du mont Pentélique.

CHAPITRE XX.

La rue des Trépieds. Praxitèle et Phryné. Temple de Bacchus (Dionysos). Siège d'Athènes par Sylla.

Les Trépieds sont une rue qui vient du Prytanée ; on lui donne ce nom à cause de quelques petits temples sur lesquels sont des trépieds de bronze qui contiennent des statues d'un très grand prix. On y voit le Satyre que Praxitèle regardait comme un de ses meilleurs ouvrages. Phryné, dont il était l'amant, lui ayant un jour demandé la plus belle de ses statues, il consentit, dit-on, à la lui donner, mais il ne voulut pas la désigner. Alors Phryné aposta un de ses esclaves qui vint en courant, dire que le feu ayant pris à la maison de Praxitèle, avait consumé la plus grande partie de ses ouvrages, que cependant tout n'avait pas péri. Praxitèle se précipita aussitôt à la porte en criant que tout le fruit de ses travaux était perdu, si la flamme n'avait pas épargné son Amour et son Satyre ; Phryné le rassura en lui disant qu'il n'y avait rien de brûlé ; mais que grâce à cette ruse, elle venait d'apprendre de lui-même, ce qu'il avait fait de mieux ; et elle choisit la statue de l'Amour. On voit dans le temple voisin, un Satyre encore enfant, présentant une coupe à Bacchus (Dionysos) ; l'Amour debout, et le Bacchus (Dionysos) qui est auprès, sont de Thymilus.[243] Le temple de Cacchus qui est vers le théâtre, est le plus ancien de tous. Il y a dans la même enceinte deux temples et deux statues de Bacchus (Dionysos) ; l'un est le Bacchus (Dionysos) d'Éleuthère,[244] et l'autre en ivoire et en or, est un ouvrage d'Alcamène. Les peintures qui ornent ce lieu sont Bacchus (Dionysos) ramenant Vulcain (Héphaïstos) au ciel. Les Grecs racontent que Junon (Héra) ayant précipité Vulcain (Héphaïstos) du ciel aussitôt après sa naissance, ce dieu, pour satisfaire son ressentiment, lui envoya en présent un trône où il y avait des liens invisibles, et Junon (Héra) s'y étant assise, se trouva enchaînée ; aucun des autres dieux n'ayant pu fléchir Vulcain (Héphaïstos), Bacchus (Dionysos) qui avait toute sa confiance, l'enivra et l'amena au ciel. On a aussi représenté dans ce temple Penthée et Lycurgue[245] subissant la peine de leur conduite injurieuse envers Bacchus (Dionysos) ; Ariane endormie, Thésée partant, et Bacchus (Dionysos) venant enlever Ariane. Dans le voisinage du temple de Bacchus (Dionysos) et du théâtre, est un édifice qui avait été bâti, dit-on, sur le modèle de la tente de Xerxès, il a été rebâti de nouveau, ayant été brûlé par Sylla, général Romain, après la prise d'Athènes. Voici les causes de cette guerre. Mithridate était roi des peuples barbares du pont Euxin : ceux qui veulent savoir sous quel prétexte il fit la guerre aux Romains, comment il passa en Asie, quelles sont les villes qu'il prit de force, ou qui acceptèrent son amitié, peuvent satisfaire ailleurs leur curiosité, je me bornerai à la prise d'Athènes. Aristion, que Mithridate employait dans ses ambassades aux villes grecques, était Athénien, et ce fut lui qui détermina ses concitoyens à préférer l'alliance de ce prince à celle des Romains ; il n'entraîna cependant pas tout le monde, mais seulement le bas peuple, et même ce qu'il y avait de plus turbulent ; les Athéniens d'un certain rang, passèrent d'eux-mêmes chez les Romains. Un combat s'étant livré, les Romains eurent un très grand avantage et poursuivirent jusque dans la ville, Aristion ; et jusque dans le Pirée, les barbares commandés par Archélaus ; ce dernier était aussi un des généraux de Mithridate ; il avait été repoussé précédemment avec une perte considérable, et avait même été blessé par les Magnésiens[246] du mont Sipyle, dont il ravageait le pays.

Les Romains ayant formé le siège d'Athènes, Taxile, général de Mithridate, qui assiégeait alors Élatée dans la Phocide, instruit de l'état des Athéniens par leurs envoyés, se mit en marche pour l'Attique avec ses troupes. A cette nouvelle, le général Romain laissa une portion de son armée devant Athènes, pour en continuer le siège, et alla avec la plus grande partie de ses forces à la rencontre de Taxile, dans la Béotie. Le troisième jour après, il reçut la nouvelle de la prise d'Athènes par l'armée qu'il avait laissée devant cette place, et cette armée apprit le même jour la défaite de Taxile à Chéronée. Sylla de retour dans l'Attique, enferma dans le Céramique, les Athéniens qui s'étaient déclarés contre lui, et les ayant fait tirer au sort, en fit mourir un sur dix. Sa colère ne se relâchant point, quelques Athéniens sortirent secrètement de la ville ; et allèrent à Delphes demander à l'oracle, si la volonté du destin était qu'Athènes fut entièrement déserte, et la Pythie leur fit la réponse où il est question d'une outre.[247] Sylla fut dans la suite atteint d'une maladie, de laquelle j'apprends que Phérécyde de Scyros[248] avait déjà été affligé.[249] Sa conduite envers un grand nombre d'Athéniens, fut beaucoup plus barbare qu'on ne devait l'attendre d'un Romain ; cependant j'attribue moins sa maladie à cet excès, qu'à la colère de Jupiter (Zeus) Hicésius[250] irrité de ce qu'il avait fait mourir Aristion, après l'avoir arraché du temple de Minerve (Athéna), où il s'était réfugié. La ville d'Athènes réduite à la plus grande détresse par cette guerre des Romains, redevint florissante sous le règne de l'empereur Hadrien.

CHAPITRE XXI.

Sophocle. Eschyle. Niobé. Dédale. Temple d'Esculape. Armes des Sarmates.

Temple d'Apollon Gryniéen.

On voit dans le théâtre d'Athènes des portraits de poètes tragiques et comiques, très obscurs pour la plupart. Ménandre est en effet le seul de ces derniers qui ait eu de la célébrité, et parmi les tragiques qui sont là, Sophocle et Euripide,[251] sont les plus connus. On raconte que les Lacédémoniens ayant fait une irruption dans l'Attique au moment de la mort de Sophocle, Bacchus (Dionysos) apparut en songe à celui qui les commandait,[252] et lui ordonna de rendre à la nouvelle Sirène les honneurs dus aux morts. Il pensa que ce songe désignait Sophocle et ses poésies ; en effet, on compare encore maintenant le charme des poèmes et des discours au chant des Sirènes. Je crois que le portrait d'Eschyle a été fait longtemps après sa mort,[253] et après le tableau de la bataille de Marathon. Eschyle dit que dans sa jeunesse s'étant endormi dans une vigne où il gardait les raisins, Bacchus (Dionysos) lui apparut en songe, et lui ordonna de composer une tragédie ; lorsqu'il fit jour, il essaya d'obéir au dieu, et y réussit avec beaucoup de facilité : voilà ce qu'il racontait. Sur le mur austral de la citadelle, du côté du théâtre, on voit une Égide au milieu de laquelle est une tête dorée de la Gorgone Méduse. Vers le sommet du théâtre, et dans les roches, au-dessous de la citadelle, est une grotte[254] sur laquelle est un trépied qui renferme Apollon et Diane (Artémis) tuant les enfants de Niobé.[255] J'ai été moi-même au mont Sipyle, et j'ai vu cette Niobé ; c'est un rocher escarpé qui, vu de près, ne ressemble nullement à une femme, mais en vous éloignant un peu, vous croyez voir une femme ayant la tête penchée et en pleurs.

En allant du théâtre à la citadelle, vous trouvez le tombeau de Talus[256] ; Dédale[257] ayant tué ce Talus qui était son élève et fils de sa sœur, fut obligé de s'enfuir dans l'île de Crète d'où il s'évada dans la suite, et il alla dans la Sicile chez Cocalus. Le temple d'Esculape mérite d'être vu à cause des statues du dieu, de ses enfants et des peintures dont il est orné. Il renferme la fontaine près de laquelle Halirrhothios, fils de Neptune (Poséidon), viola, dit-on, Alcippe, fille d'Arès, et fut tué par ce dieu ; meurtre qui devint le sujet d'un procès, le premier de ce genre. On voit aussi dans ce temple une cuirasse Sarmate,[258] qui prouve que ces peuples ne sont pas moins industrieux que les Grecs. Les Sarmates n'ont ni mines de fer, ni moyens de se procurer ce métal, étant de tous les barbares de ces contrées, ceux qui ont le moins de commerce avec les étrangers ; ils y suppléent de la manière suivante. Ils mettent à leurs lances des pointes d'os, leurs arcs sont de bois de cormier, ainsi que leurs flèches qui sont aussi armées d'os. Ils jettent des cordes sur leurs ennemis, et après les avoir enveloppés, ils détournent leurs chevaux, et renversent, en tirant ces cordes, tous ceux qui s'y trouvent pris. Quant à leurs cuirasses, voici comment ils les font : ils nourrissent tous beaucoup de chevaux, ce qui leur est facile, le pays étant possédé en commun et ne produisant que des herbes sauvages, car ce peuple est nomade. Ils se servent de ces chevaux non seulement pour la guerre, mais encore pour leur nourriture, et pour les sacrifices qu'ils font aux divinités du pays. Ils amassent la corne de leurs pieds, la nettoient et la fendent en plaques qu'ils assemblent comme des écailles de serpents[259] ; ceux qui n'ont point vu de serpents, n'ont qu'à se représenter une pomme de pin encore verte, ses écailles peuvent très bien se comparer aux plaques que les Sarmates font avec cette corne ; ils les percent, les cousent les unes aux autres avec des nerfs de chevaux ou de bœufs et en font des cuirasses non moins élégantes ni moins solides que celles des Grecs, car elles résistent également bien aux coups portés de près et aux javelots. Les cuirasses de lin sont bien moins utiles à la guerre qu'à la chasse, car le fer les pénètre en forçant un peu, tandis que les dents des lions et des léopards s'y émoussent. On peut voir des cuirasses de lin dans différents temples, et entre autres dans celui d'Apollon Gryniéen,[260] où il y a un bois sacré de la plus grande beauté, tout planté d'arbres cultivés, ou qui sans produire de fruits flattent agréablement la vue ou l'odorat.

CHAPITRE XXII.

Hippolyte et Phèdre. Propylées. Peintures.

En continuant par là votre route vers la citadelle, après le temple d'Esculape, vous trouvez celui de Thémis, et devant ce dernier le tombeau de terre qu'on a élevé à Hippolyte. On dit que les imprécations de son père furent la cause de sa mort, et les barbares eux-mêmes, qui ne sont pas entièrement étrangers à la langue grecque, ont entendu parler de l'amour de Phèdre et de la criminelle audace de sa nourrice pour servir sa passion. Les Trœzéniens montrent aussi chez eux le tombeau d'Hippolyte et ils racontent ainsi son histoire. Thésée devant épouser Phèdre, et ne voulant pas, s'il en avait des enfants, qu'Hippolyte leur fût soumis, ni qu'il fût roi à leur préjudice, l'envoya chez Pitthée,[261] qui devait l'élever et lui laisser le royaume de Trœzène. Quelque temps après, Pallas et ses fils se révoltèrent contre Thésée qui, les ayant tués,[262] alla se faire purifier à Trœzène ; ce fut là que Phèdre vit pour la première fois Hippolyte, et qu'en étant devenue amoureuse, elle résolut de se tuer. On voit à Trœzène un myrte dont les feuilles sont toutes percées, on prétend qu'il n'a pas toujours été ainsi, et que ces trous sont l'ouvrage de Phèdre qui, dans le chagrin où la plongeait son amour, le perçait avec l'aiguille qui lui servait à tenir ses cheveux. Thésée après avoir réuni en une seule cité les habitants des différents bourgs, établit à Athènes le culte de Vénus (Aphrodite) Pandémos (la populaire) et celui de Pitho (la persuasion). Les anciennes statues n'existaient plus de mon temps, et celles qu'on voit aujourd'hui, ont été faites par des artistes d'un talent assez distingué. Vous trouvez ensuite le temple de la Terre Courotrophos (qui nourrit les jeunes garçons) et celui de Cérès (Déméter) Chloé (verdoyante).[263] Ceux qui veulent connaître la raison de ces surnoms peuvent la demander aux prêtres.

La citadelle n'a qu'une seule entrée, tous les autres côtés étant très escarpés ou fortifiés de murs. Les Propylées ont leur faîte en marbre blanc, et c'est l'ouvrage le plus admirable qu'on ait fait jusqu'à présent, tant pour le volume des pierres que pour la beauté de l'exécution. Je ne saurais dire au juste si les deux figures équestres qu'on y voit représentent les fils de Xénophon, ou si elles n'ont été faites que pour servir d'ornement. Le temple de la Victoire Aptéros (sans ailes[264]) est à droite des Propylées.[265] La mer se découvre de cet endroit, et c'est de là, dit-on, qu'Égée se précipita et se tua lorsqu'il vit revenir avec des voiles noires le vaisseau qui avait transporté les jeunes Athéniens dans l'île de Crète. Thésée, en effet, comptant sur sa valeur était parti avec l'espoir de tuer le Minotaure, et avait promis à son père de mettre des voiles blanches au vaisseau s'il revendit vainqueur. Ariane lui ayant été enlevée, il oublia sa promesse, et Égée croyant qu'il avait péri, se tua en se précipitant du haut de la citadelle ; et on voit encore à Athènes, le monument héroïque d'Égée. A gauche des Propylées est un petit édifice orné de peintures ; parmi celles que le temps n'a pas entièrement effacées, on remarque Diomède emportant de Troie la statue de Minerve (Athéna), et Ulysse à Lemnos se saisissant des flèches de Philoctète. On y voit aussi Oreste et Pylade, tuant, l'un Égisthe,[266] et le second, les fils de Nauplius qui étaient venus au secours d'Égisthe. Une autre partie de ce tableau représente Polyxène qu'on va sacrifier sur le tombeau d'Achille.[267] Homère a bien fait de passer sous silence une action aussi cruelle. Il me semble aussi qu'il a eu raison de dire qu'Achille prit Scyros, au lieu de le représenter dans cette île confondu avec de jeunes filles, comme l'ont fait d'autres poètes, ce que Polygnote a représenté dans l'édifice dont nous parlons. Il y a peint également Nausicaa avec ses compagnes, lavant ses vêtements dans le fleuve, et Ulysse debout auprès d'elles, le tout d'après Homère. On y remarque encore d'autres peintures, à savoir : Alcibiade avec les emblèmes de la victoire de la course des chars qu'il avait remportée à Némée ; Persée se rendant à Sériphe,[268] et portant à Polydecte la tête de Méduse ; (je réserve pour un autre livre ce que j'ai à dire de Méduse) : au-dessus de ces peintures, en laissant de côté l'enfant qui porte des urnes et le lutteur peint par Timænète, on voit le portrait de Musée. J'ai lu dans des vers que Musée avait reçu de Borée le don de voler dans les airs ; mais ces vers sont, à ce que je crois, d'Onomacrite,[269] car je ne connais rien qui soit incontestablement de Musée, excepté l'hymne pour les Lycomèdes,[270] en l'honneur de Cérès (Déméter). Vers l'entrée même de la citadelle vous trouvez la statue de Mercure (Hermès) Propylæus ; et les Grâces,[271] qui sont, à ce qu'on dit, l'ouvrage de Socrate fils de Sophronisque. Socrate fut reconnu par la Pythie pour le plus sage de tous les mortels, honneur que n'avait pu obtenir Anacharsis[272] quoiqu'il le désirât et se fût rendu à Delphes pour cela.

CHAPITRE XXIII.

Les sept Sages. Léæna. Diitrephès. Les Satyres. La Citadelle.

Les Grecs disent, entre autres choses, qu'il y a eu sept sages ; ils y placent un tyran de Lesbos,[273] et Périandre, fils de Cypsélus, quoique Pisistrate et Hippias, son fils, fussent bien plus humains que Périandre, et bien plus habiles que lui dans l'art militaire et dans celui de gouverner les hommes ; au moins jusqu'à l'assassinat d'Hipparque, car Hippias se livrant alors à toute sa colère, sévit contre différentes personnes, et contre une femme nommée Léæna[274] ; en effet, après la mort d'Hipparque, (ce que je dis n'a point encore été écrit, quoique les Athéniens en général le tiennent pour constant) il la fit expirer dans les tourments, présumant d'après ses liaisons d'amour avec Aristogiton, qu'elle n'avait pas ignoré ses projets : les Athéniens, lorsqu'ils eurent secoué le joug des fils de Pisistrate, consacrèrent une lionne en bronze pour honorer la mémoire de cette femme. La statue de Vénus (Aphrodite) qu'on voit auprès est, dit on, une offrande de Callias, et a été faite par Calamis. Non loin de là, est la statue en bronze de Diitréphès, percé de flèches ; il est connu par divers exploits que racontent les Athéniens, et il fut chargé de reconduire dans leur pays les soldats Thraces qui, n'étant arrivés qu'après le départ de Démosthène pour Syracuse, n'avaient pas pu s'embarquer. Diitréphès les conduisit par l'Euripe de Chalcis, jusqu'à l'endroit où Mycalesse, ville de la Béotie, est dans l'intérieur des terres ; il débarqua alors, et ayant remonté dans le pays, il prit cette ville, et les Thraces en massacrèrent tous les habitants, non seulement ceux qui étaient en âge de porter les armes, mais encore les femmes et les enfants. En voici la preuve. Celles des villes de la Béotie que les Thébains détruisirent ont toutes été rétablies et subsistent encore maintenant parce que leurs habitants s'enfuirent lorsqu'elles furent prises. Mycalesse aurait donc aussi été rétablie par ceux, qui auraient survécu à sa destruction, si les barbares n'avaient pas tout massacré. J'ai été étonné de voir Diitréphès ainsi percé, de flèches, l'usage de l'arc étant inconnu aux Grecs, les Crétois seuls exceptés, car les Locriens d'Opunte[275] qui, suivant Homère, allèrent au siège de Troie avec l'arc et la fronde, étaient déjà pesamment armés à l'époque de la guerre des Mèdes. Les Maliens eux-mêmes n'ont pas conservé l'usage des flèches ; je ne crois pas qu'il leur fût connu avant Philoctète, et ils y renoncèrent bientôt. Près de Diitréphès (je passe sous silence les statues moins remarquables) ; on voit Hygiée[276] (la santé), qu'on dit fille d'Esculape, Minerve (Athéna) surnommée elle-même Hygiée, et une pierre assez peu élevée pour qu'un homme de petite taille puisse s'asseoir dessus. On dit que Silènes s'y reposa, lorsque Bacchus (Dionysos) vint dans l'Attique ; le nom de Silènes se donne aux Satyres avancés en âge. Voulant savoir plus positivement à quoi m'en tenir sur l'existence des Satyres, j'ai questionné beaucoup de monde, et voici ce que j'ai appris d'Euphémus Carien. S'étant embarqué pour aller en Italie, il fut écarté de sa route par les vents, et emporté dans la mer extérieure (l'Océan), où les vaisseaux ne vont jamais. Ils y virent beaucoup d'îles, les unes désertes, les autres peuplées d'hommes sauvages. Les matelots ne voulaient pas approcher de ces dernières, ayant abordé précédemment dans quelques-unes, et sachant de quoi leurs habitants étaient capables ; ils s'y virent cependant encore forcés. Les matelots donnaient à ces îles le nom de Satyrides, leurs habitants sont roux et ont des queues presque aussi longues que celles des chevaux. Ils accoururent vers le vaisseau dès qu'ils l'aperçurent, ils ne parlaient point, mais ils se jetèrent sur les femmes pour les violer. A la fin, les matelots épouvantés leur abandonnèrent une femme barbare qu'ils jetèrent dans l'île, et les Satyres peu satisfaits des jouissances naturelles, assouvirent leur brutalité sur toutes les parties de son corps.

Les autres choses que j'ai remarquées dans la citadelle d'Athènes, sont un enfant en bronze fait par Lycius,[277] de Diane (Artémis) Brauronia, la statue de la déesse est de Praxitèle ; ce surnom de Diane (Artémis) vient de Brauron bourg de l'Attique où se trouve l'ancienne Diane (Artémis) en bois, qui était, dit-on, dans la Tauride.[278] Parmi les offrandes se trouve aussi le cheval Durien en bronze. A moins de croire les Phrygiens absolument dépourvus de bon sens,[279] on sera convaincu que ce cheval était une machine de guerre inventée par Epéus[280] pour renverser les murs de Troie. Les Grecs les plus vaillants se cachèrent, dit-on, dans ce cheval, et c'est ainsi qu'il est représenté en bronze, car vous en voyez sortir Teucer, Ménesthée et les deux fils de Thésée. Viennent ensuite des statues d'hommes célèbres ; la première est celle d'Epicharinus,[281] vainqueur à la course avec les armes ; elle est de Critias : Œnobios fit une bonne action en obtenant un décret pour le rappel de Thucydide, fils d'Olorus : sa statue est aussi là. Thucydide fut assassiné[282] en revenant de son exil et on voit son tombeau vers les portes Mélitides. Je ne répéterai point ce que d'autres ont dit d'Hermolycus le Pancratiaste[283] et de Phormion, fils d'Asopichus, à qui on a aussi érigé des statues ; j'ajouterai seulement au sujet de Phormion, qu'étant d'une famille distinguée et jouissant lui-même de la meilleure réputation, il se trouvait accablé de dettes ; ce qui lui fit prendre le parti de se retirer dans le bourg de Pæanie[284] : il y faisait sa résidence, lorsque les Athéniens le choisirent pour général de leurs forces navales ; il refusa de s'embarquer en disant qu'il avait beaucoup de dettes et que tant qu'elles ne seraient pas payées, il ne pourrait guère inspirer du courage à ses soldats : alors les Athéniens qui voulaient absolument l'avoir pour général, payèrent ses créanciers.

CHAPITRE XXIV.

Zeus Poliéus. Le Parthénon. La Statue de Minerve (Athéna). Les Arimaspes. Apollon Parnopios.

On voit aussi dans la citadelle, (Minerve) Athéna frappant le Silène Marsyas, parce qu'il avait ramassé les flûtes que la déesse avaient jetées et dont elle ne voulait pas qu'on se servît. Un peu au-delà de tous les objets dont je viens de parler, est un groupe représentant le combat de Thésée et du Minotaure, soit que celui-ci fût un homme, soit qu'il fût un monstre, opinion qui a prévalu ; des femmes ont en effet, même de mon temps, donné le jour à des monstres bien plus extraordinaires. Vous y voyez aussi Phrixus, fils d'Athamas, qui après avoir été transporté à Colchos[285] par un bélier, le sacrifie à un dieu qui, autant que je puis le conjecturer, est celui que les Orchoméniens nomment Jupiter (Zeus) Laphystios.[286] Après avoir coupé les cuisses, suivant l'usage des Grecs, il les regarde brûler. Viennent ensuite plusieurs autres figures parmi lesquelles vous remarquez Hercule étranglant deux serpents ; Minerve (Athéna) sortant de la tête de Jupiter (Zeus), et un taureau, offrande de l'Aréopage : à quelle occasion cette offrande? Ce serait la matière de beaucoup de conjectures : j'ai déjà remarqué que les Athéniens attachent beaucoup plus d'importance que les autres peuples à tout ce qui concerne le culte des dieux. Ils sont les premiers qui aient donné le surnom d'Ergané à Minerve[287] (Athéna), qui aient fait des Mercures en forme de colonnes et qui aient érigé un temple au Génie Spoudaium. Ceux qui tiennent moins à l'antiquité des ouvrages qu'à leur beauté, peuvent remarquer un homme qui a un casque sur la tête et dont les ongles sont en argent, c'est un ouvrage de Cleoitas.[288] Les autres statues sont, la Terre suppliant Jupiter (Zeus) de lui envoyer de la pluie,[289] soit que l'Attique seule en eût besoin, soit que la sécheresse affligeât toute la Grèce ; Timothée,[290] fils de Conon, et Conon lui-même ; Progné et Itys son fils dont elle médite la mort : c'est une offrande d'Alcamène ; Minerve (Athéna) et Neptune (Poséidon) faisant paraître l'une un olivier et l'autre une vague de la mer ; la statue de Jupiter (Zeus) par Léocharès et celle de Jupiter (Zeus) Poliéos.[291] Je vais décrire ce qui se pratique dans les sacrifices qu'on lui offre, mais je ne dirai pas la raison qu'on en donne. On met sur son autel de l'orge et du blé mêlés ensemble[292] qu'on laisse là sans aucune garde ; le boeuf destiné au sacrifice s'approche de l'autel et mange ces grains, alors un des prêtres qu'on nomme le Bouphonus, lui lance sa hache (ainsi le veut la coutume) et prend aussitôt la fuite ; les assistants, comme s'ils n'avaient pas vu celui qui a commis cette action, font faire le procès à la hache.[293] C'est ainsi que tout cela se passe.

Vous arrivez ensuite au temple nommé le Parthénon[294] ; l'histoire de la naissance de Minerve (Athéna) occupe tout le fronton antérieur, et on voit sur le Fronton[295] opposé sa dispute avec Poséidon au sujet de l'Attique. La statue de la déesse est en ivoire et en or,[296] sur le milieu de son casque est un Sphinx, (je rapporterai dans la description de la Béotie, ce qu'on dit du Sphinx), et des Gryphons sont sculptés sur les deux côtés. Aristée de Proconnèse[297] dit dans ses vers que les Gryphons, pour défendre l'or que le pays produit, combattent avec les Arimaspes,[298] dont le pays est au-dessus de celui des Issédons.[299] Ces Arimaspes dont le pays est au-dessus de celui des Issédons sont des hommes qui naissent tous avec un seul œil ; quant aux Gryphons, ils ont le corps d'un lion, avec les ailes et le bec d'un aigle. Mais en voilà assez sur les Gryphons. Athéna est debout, avec une tunique qui lui descend jusqu'aux pieds. Sur sa poitrine est une tête de Méduse en ivoire. Elle tient d'une main une Victoire qui a quatre coudées ou environ de haut, et de l'autre une pique. Son bouclier est posé à ses pieds, et près de la pique est un serpent[300] qui représente peut-être Erichthonios. La naissance de Pandore[301] est sculptée sur le piédestal de la statue. Hésiode et d'autres poètes disent que Pandore est la première femme qu'il y ait eu, et que le sexe féminin n'existait pas avant elle.

Je n'ai pas vu dans le temple d'autre statue que celle de l'empereur Hadrien, et vers l'entrée, celle d'Iphicrate qui se signala par un grand nombre d'actions éclatantes. Au-delà du temple est la statue en bronze d'Apollon Parnopius qui passe pour l'ouvrage de Phidias. On l'a surnommé Parnopius, parce qu'il promit de délivrer le pays des sauterelles (Parnopes) qui le ravageaient ; on sait qu'il tint sa parole, mais on ne dit pas par quel moyen. J'ai vu trois fois les sauterelles détruites sur le mont Sipyle, et toujours d'une manière différente. Les unes furent emportées par un violent coup de vent ; les autres furent détruites par une pluie suivie d'une chaleur excessive. La troisième fois elles périrent saisies d'un froid subit. Tout cela est arrivé de mon temps.

CHAPITRE XXV.

Statues. Guerre des Athéniens et des Macédoniens. Lacharès.

On voit dans la citadelle d'Athènes la statue de Périclès,[302] fils de Xanthippe et celle de Xanthippe lui-même qui combattit à Mycale[303] contre les Mèdes. Mais Périclès n'est pas dans le même endroit. Tout auprès de Xanthippe est placé Anacréon de Téos, le premier, après Sapho de Lesbos,[304] qui ait consacré presque tous ses vers à l'amour. Vous diriez à le voir qu'il est dans l'ivresse et qu'il chante. On voit ensuite deux ouvrages de Dinomène,[305] Io, fille d'Inachus et Callisto, fille de Lycaon. Leur histoire est à peu près la même ; Jupiter (Zeus) en fût amoureux, et Junon (Héra) irritée les changea l'une en vache et l'autre en ourse. Vers le mur du Sud sont des figures représentant la guerre des dieux et des géants qui habitaient jadis l'Isthme de Pallène[306] dans la Thrace ; le combat des Athéniens et des Amazones ; celui de Marathon contre les Mèdes et la défaite des Gaulois dans la Mysie. Ces figures, qui ont environ deux coudées de haut chacune, sont une offrande d'Attale. On y voit aussi Olympiodore qui se fit une grande réputation par ses actions éclatantes et surtout par les circonstances où il se trouva. Il rendit en effet le courage aux Athéniens tellement accablés par de fréquentes défaites, qu'ils n'osaient plus se livrer à des espérances flatteuses.

L'échec qu'ils éprouvèrent à Chéronée[307] fut le commencement de tous les maux de la Grèce, ceux qui n'avaient pas voulu prendre part au péril commun, et ceux qui s'étaient rangés avec les Macédoniens, ayant subi comme les autres le joug de l'esclavage. Philippe en effet s'empara de la plupart des villes, et tout en traitant de la paix avec les Athéniens, il leur fit dans la réalité beaucoup de mal en leur ôtant les îles et en les privant de l'empire de la mer. Ils demeurèrent quelque temps en repos sous le règne de Philippe et ensuite sous celui d'Alexandre ; mais après la mort de ce dernier, ils crurent ne pas devoir souffrir que la Grèce restât toujours sous le joug des Macédoniens, qui venaient de choisir Aridée pour roi, et de donner le commandement général à Antipater. Ils résolurent donc de prendre les armes pour leur liberté et invitèrent les autres peuples à les seconder.

Les villes qui prirent par à cette guerre furent, dans le Péloponnèse, Argos, Épidaure, Sicyone, Trœzène, Élis, Phlionte et Messène; et dans la Grèce hors de l'Isthme, les Locriens, les Phocéens, les Thessaliens, les Carystiens et ceux des Acarnaniens qui sont confédérés avec les Étoliens. Quant aux Béotiens, qui s'étaient partagé le territoire de Thèbes après la destruction de cette ville, craignaient que Athéniens ne voulussent rétablir Thèbes ; ils assistèrent au contraire les Macédoniens de toutes leurs forces. Chaque ville avait ses généraux particuliers, et on donna le commandement en chef à Léosthène Athénien, à cause de la prééminence de sa patrie, et parce qu'il paraissait très entendu dans l'art militaire : il avait d'ailleurs de grands droits à la reconnaissance de toute la Grèce. Alexandre en effet voulant établir en Asie tous les Grecs qui étaient à la solde de Darius ou de ses satrapes, Léosthène le prévint en les ramenant par mer en Europe. Il avait déjà surpassé par ses exploits les espérances qu'on avait conçues de lui, lorsque sa mort porta le découragement dans tous les esprits et fut la principale cause du peu de succès de cette entreprise : et les Athéniens se virent obligés de recevoir une garnison Macédonienne qui s'empara d'abord de Munychie, ensuite du Pirée et des longs murs.[308] Antipater étant mort, Olympias revint de l'Épire, fit mourir Aridée et régna quelque temps, mais elle fut bientôt après assiégée et prise par Cassandre qui la livra à la multitude.

Cassandre étant devenu roi (je laisse de côté ce qui n'a pas rapport aux Athéniens) s'empara de Salamine, de Panacte,[309] lieu fortifié dans l'Attique, et donna pour tyran aux Athéniens, Démétrius fils de Phanostrate, qui était déjà renommé pour son savoir : celui-ci fut déposé par Démétrius, fils d'Antigone, qui, jeune alors, cherchait à mériter les louanges des Grecs ; mais Cassandre, dont la haine pour les Athéniens était encore très violente, s'étant attaché Lacharès, qui avait jusque là été à la tête du peuple, lui inspira le projet d'usurper l'autorité, et ce Lacharès fut de tous les tyrans que nous connaissons, le plus cruel et le plus impie. Démétrius, fils d'Antigone, quoiqu'il eût déjà quelques différends avec les Athéniens, les délivra cependant de la tyrannie de ce Lacharès, qui, voyant la ville prise, s'enfuit dans la Béotie ; comme il avait emporté les boucliers d'or de la citadelle, et dépouillé la statue de Minerve (Athéna) de tous les ornements qui pouvaient se détacher, on lui soupçonna de très grandes richesses, et quelques habitants de Coronée le tuèrent pour s'en emparer. Démétrius, fils d'Antigone, ayant rendu la liberté aux Athéniens, ne leur rendit cependant pas le Pirée aussitôt après la fuite de Lacharès, et les ayant vaincus quelque temps après, il mit une garnison dans leur ville même, et fortifia à cet effet le Musée, colline située en face de la citadelle, dans l'ancienne enceinte de la ville. Le poète Musée,[310] chantait, dit-on, ses vers sur cette colline, et quand il mourut de vieillesse, il y fut enterré. On y a dans la suite érigé un tombeau à un Syrien. Démétrios s'empara donc du Musée, et le fit fortifier.

CHAPITRE XXVI.

Olympiodore. Léocrite. Diane (Artémis) Leucophryné. L'Érechthéion.

Statue de Minerve (Athéna) tombée du ciel. Callimaque.

Quelques Athéniens étant venus dans la suite à réfléchir sur la gloire de leurs ancêtres, et sur la prééminence que leur patrie avait perdue, prirent à l'instant même Olympiodore pour général. Comptant beaucoup plus sur leur bonne volonté que sur leurs forces réelles, il les conduisit tous sur le champ, jeunes gens et vieillards, contre les Macédoniens ; ces derniers étant venus à sa rencontre, il les défit et prit le Musée où ils s'étaient réfugiés : c'est ainsi qu'Athènes fut délivrée du joug des Macédoniens. Les Athéniens combattirent tous avec beaucoup de valeur, mais celui qui montra le plus d'intrépidité, fut Léocrite, fils de Protarchus ; le premier il monta sur le mur et il s'élança le premier dans le Musée ; il fut tué dans le combat, et les Athéniens entre autres honneurs qu'ils lui décernèrent, consacrèrent son bouclier dans le temple de Jupiter (Zeus) Éleuthère et y inscrivirent son nom et ses exploits. Voilà l'action la plus éclatante d'Olympiodore. Il reprit en outre le Pirée et Munychie ; et ayant rassemblé les Éleusiniens, il défit les Macédoniens, qui faisaient des incursions dans leur pays. Avant ces derniers événements, il s'était rendu par mer en Étolie, et avait engagé les Étoliens à venir au secours de l'Attique, dans laquelle Cassandre était entré avec une armée ; et les Athéniens durent principalement à cette alliance la cessation des hostilités de Cassandre. Les Athéniens ont honoré la mémoire d'Olympiodore par divers monuments érigés dans le Prytanée et dans la citadelle, et par un tableau placé à Éleusis : et les Phocéens d'Élatée lui ont érigé à Delphes une statue en bronze, en reconnaissance de ce qu'il les secourut lorsqu'ils secouèrent le joug de Cassandre.

Près de la statue d'Olympiodore est une Diane (Artémis) en bronze, surnommée Leucophryné. C'est une offrande des fils de Thémistocle : les Magnètes, dont le roi de Perse[311] avait donné le gouvernement à Thémistocle, adorent effectivement Diane (Artémis) Leucophryné. Mais mon intention étant de décrire toute la Grèce, il faut que j'aille en avant. Endœus, Athénien et élève de Dédale, le suivit dans l'île de Crète lorsqu'il fut exilé à cause du meurtre de Calus ; la Minerve (Athéna) assise est de lui, et l'inscription porte qu'elle a été offerte par Callias et faite par Endœus. On donne le nom d'Érechthéion à un édifice devant l'entrée duquel est l'autel de Jupiter (Zeus) Hypatus (très haut) ; on n'y sacrifie rien qui ait eu vie ; on y offre seulement des gâteaux et on ne se sert point de vin dans ces sacrifices. En entrant dans cet édifice vous trouvez trois autels : le premier est dédié à Neptune (Poséidon) ; on sacrifie aussi sur cet autel à Érechthée, d'après un oracle ; le second est dédié au héros Boutès,[312] et le troisième à Vulcain (Héphaïstos). Les peintures qu'on voit sur les murs sont relatives à la famille des Boutades. Cet édifice est doublé[313] et on y trouve un puits d'eau de mer, ce qui n'est pas très surprenant, car il y en a dans plusieurs endroits au milieu des terres, entre autres à Aphrodisie dans la Carie ; mais ce que celui-ci offre de remarquable, c'est que lorsque le vent du sud souffle, on y entend un bruit pareil à celui des flots. Il y a sur le rocher l'empreinte d'un trident ; cette empreinte et ce puits sont les signes que Neptune (Poséidon) fit paraître pour prouver que le pays lui appartenait.

La ville d'Athènes est en général consacrée à Minerve (Athéna), ainsi que tout le pays ; car dans les bourgs même où l'on honore plus particulièrement certaines divinités, on n'en rend pas moins un culte solennel à Minerve (Athéna) : mais de toutes les statues de la déesse, la plus vénérée est celle qu'on voit dans la citadelle nommée anciennement Polis (la ville). Déjà même elle était l'objet du culte de tous les peuples de l'Attique avant qu'ils se fussent réunis. L'opinion commune est que cette statue tomba jadis du ciel, je n'examinerai pas si elle est vraie ou non. La lampe consacrée à la déesse est l'ouvrage de Callimaque, on ne la remplit d'huile qu'une fois par an, et elle brûle jusqu'à pareil jour de l'année suivante, quoiqu'elle soit allumée jour et nuit. La mèche est de lin Carpasien,[314] le seul qui brûle sans se consumer. La fumée se dissipe par le moyen d'un palmier de bronze placé au-dessus de la lampe et qui s'élève jusqu'au plafond. Callimaque, qui a fait cette lampe, quoique inférieur aux sculpteurs du premier ordre, quant à l'art en lui-même, s'éleva cependant au-dessus de tous par son intelligence ; car il inventa le premier le moyen de forer le marbre. Il prit le nom de Catatechnos, où peut-être ce nom lui fut-il donné par d'autres, et ne fit-il que l'adopter.[315]

CHAPITRE XXVII.

Temple de Minerve (Athéna) Poliade. Arrhéphores. Tolmidès. Thésée. Minos et le Minotaure.

On voit dans le temple de Minerve (Athéna) Poliade[316] un Mercure (Hermès) en bois qui est, à ce qu'on dit, une offrande de Cécrops ; on l'aperçoit à peine à cause des branches de myrte qui le couvrent.[317] Les offrandes les plus remarquables, sont parmi les anciennes une chaise pliante, ouvrage de Dédale ; quelques dépouilles des Mèdes, à savoir la cuirasse de Masistius, qui commandait leur cavalerie à la bataille de Platées, et un sabre qui passe pour celui de Mardonius. Masistius fut bien tué par des cavaliers Athéniens ; mais Mardonius fut tué par un Spartiate, et les Lacédémoniens contre qui il combattait, n'ayant pas pris son sabre eux-mêmes, ne l'auraient certainement pas laissé prendre aux Athéniens. Quant à l'olivier, les Athéniens, savent seulement que c'est celui que la déesse produisit pour prouver que le pays lui appartenait. Il fut brûlé, ajoutent-ils, lorsque les Mèdes mirent le feu à la ville, et il repoussa dans la nuit à deux coudées ou environ de hauteur. Le temple de Pandrose est contigu à celui de Minerve (Athéna) ; Pandrose est la seule des trois filles de Cécrops, qui ait respecté le dépôt fait par la déesse. Une circonstance m'a singulièrement étonné : je crois devoir la rapporter, parce qu'elle est peu connue. Deux jeunes filles que les Athéniens nomment les Arrhéphores,[318] logent à peu de distance du temple de Minerve (Athéna), et même, durant un certain temps, elles y prennent leur nourriture. La fête étant arrivée, voici ce qu'elles font pendant la nuit. Elles prennent sur leur tête ce que la prêtresse de la déesse leur donne à porter, elles ignorent ce que c'est, et la prêtresse ne le sait pas elle-même. Il y a dans la ville, à peu de distance de la Vénus (Aphrodite) dans les jardins, une enceinte où se trouve un chemin souterrain ouvert par la nature, elles descendent par-là, laissent au fonds ce qu'on leur a donné, et elles reçoivent et rapportent quelque autre chose, également couverte. On les congédie ensuite, et on les remplace par deux autres jeunes filles qu'on amène dans la citadelle. Près du temple de Minerve (Athéna) est une statue de vieille femme assez bien faite, qui n'a guère qu'une coudée de haut, on dit que c'est Lysimaché prêtresse de Minerve (Athéna). Vous y voyez aussi deux grandes statues de bronze représentant deux hommes qui combattent ensemble ; on donne à l'un le nom d'Érechthée, et à l'autre celui d'Eumolpe ; mais les Athéniens, au moins ceux qui connaissent les antiquités de leur pays, savent que ce dernier est Immarade, fils d'Eumolpe, qui fut tué par Érechthée. On a placé sur un piédestal la statue de Tolmidès, et celle de ... son devin.[319] Ce Tolmidès, à la tête d'une escadre Athénienne, alla ravager le Péloponnèse et d'autres pays. Il brûla vers Gythium les loges destinées aux vaisseaux, des Lacédémoniens, ainsi que Bœes, l'une des villes du territoire de Sparte. Il prit l'île de Cythère, débarqua dans la Sicyonie, défit les Sicyoniens qui avaient pris les armes pour s'opposer à ses ravages, et les ayant mis en fuite, les poursuivit jusque dans la ville. De retour dans sa patrie, il conduisit des Athéniens en colonie dans l'Eubée et à Naxos. Il entra ensuite dans la Béotie avec une armée, en ravagea une grande partie, assiégea et prit Chéronée, mais s'étant avancé jusqu'à Haliarte, il fut tué en combattant, et son armée fut complètement défaite. Voilà ce que j'ai appris de l'histoire de Tolmidès. Il y a dans la citadelle quelques anciennes statues de Minerve (Athéna) encore entières, mais si noires et si calcinées, qu'elles ne résisteraient pas au moindre coup ; elles furent, ainsi que tout le reste, la proie des flammes, lorsque le roi des Mèdes prit la ville que les Athéniens en âge de porter les armes avaient abandonnée pour monter sur leurs vaisseaux. On y remarque aussi une chasse au sanglier (est-ce le sanglier de Calydon? je l'ignore) et le combat d'Hercule et de Cygnus. On dit que ce Cygnus avait déjà tué plusieurs personnes, entre autres Lycus de Thrace ; il les engageait au combat, en promettant un prix à celui qui pourrait le vaincre. Hercule le tua aux environs du fleuve Pénée. Les Trœzéniens ont sur Thésée diverses traditions et ils racontent qu'Hercule étant venu voir Pitthée, quitta sa peau de lion pour se mettre à table. Plusieurs enfants de Trœzène parmi lesquels était Thésée âgé tout au plus de sept ans, s'approchèrent de lui : mais à la vue de cette peau ils s'enfuient tous, à l'exception de Thésée, qui, loin de montrer aucun effroi, arracha une hache des mains de quelqu'un des valets, et fondit courageusement sur ce qu'il croyait un lion véritable. Ils racontent en second lieu, qu'Égée ayant caché sous une pierre une épée et une chaussure qui devaient un jour servir à son fils à se faire reconnaître, s'embarqua pour Athènes. Thésée, lorsqu'il eut atteint l'âge de seize ans, souleva la pierre, prit ce qu'Égée avait caché dessous et s'en alla. Ce dernier trait est représenté dans la citadelle ; tout est en bronze, à l'exception de la pierre.[320] On y a représenté un autre exploit de Thésée, qu'on raconte ainsi. Un Taureau ravageait divers cantons de l'île de Crète, surtout les environs du fleuve Téthrin. Il y avait anciennement de ces monstres[321] qui répandaient la terreur parmi les hommes, comme le sanglier de Calydon, celui d'Érymanthe, la laie de Crommyon près Corinthe, le lion de Némée, celui du Parnasse et les serpents, qui ont existé dans plusieurs endroits de la Grèce. Ces monstres, disait-on, avaient été, les uns produits par la terre, les autres consacrés à quelque dieu, d'autres enfin, avaient été envoyés pour la punition des mortels. Les Crétois disent que Neptune (Poséidon), irrité de ce que Minos, maître des mers de la Grèce, ne lui rendait pas des honneurs plus grands qu'aux autres dieux, envoya ce Taureau dans leur pays. Hercule le transporta de l'île de Crète dans le Péloponnèse, et ce fut l'un de ses douze travaux. Il le lâcha dans les plaines d'Argos, et ce Taureau s'étant enfui, traversa l'isthme de Corinthe, et vint dans l'Attique aux environs de Marathon : il tua sur son passage plusieurs personnes, entre autres Androgée, fils de Minos. Persuadé que les Athéniens n'étaient pas innocents de la mort de son fils, Minos vint à la tête d'une escadre fondre sur l'Attique, et maltraita tellement les Athéniens, qu’ils furent forcés de lui accorder sept jeunes garçons et autant de filles pour le Minotaure qui demeurait, dit-on, à Gnosse, dans le labyrinthe. On ajoute que Thésée amena dans la suite ce Taureau dans la citadelle et l'offrit en sacrifice à Minerve (Athéna). Cet exploit a été consacré par un monument qui est une offrande du bourg de Marathon.

CHAPITRE XXVIII.

Cylon. Statue en bronze de Minerve (Athéna). L'Aréopage. Tribunaux.

Je ne saurais dire au juste pourquoi on a érigé dans la citadelle, une statue en bronze à Cylon, quoiqu'il eût cherché à se rendre tyran de sa patrie.[322] C'est, je l'imagine, parce qu'il était très bel homme, qu'il avait d'ailleurs quelque célébrité, ayant remporté aux jeux Olympiques le prix de la course du double stade nommée Diaulus ; et qu'il avait épousé la fille de Théagène, tyran de Mégare. Outre ce que je viens de décrire, la citadelle renferme deux offrandes, dîme du butin fait à la guerre. La première est une Minerve (Athéna) en bronze : elle a été érigée aux dépens des Mèdes débarqués à Marathon. Elle est l'ouvrage de Phidias, et c'est Mys,[323] qui a, dit-on, gravé sur le bouclier de la déesse le combat des Lapithes et des Centaures,[324] et les autres sujets qui y sont représentés. On ajoute qu'il a gravé ce bouclier et ses autres ouvrages d'après les dessins de Parrhasios fils d'Evénor.[325] La pointe de la pique de Minerve (Athéna) et l'aigrette de son casque se voient de la mer, dès le promontoire Sounium.[326] La seconde offrande est un char en bronze, dîme du butin fait sur les Béotiens et les Chalcidiens de l'Eubée.[327] Vous y remarquez encore deux autres offrandes, une statue de Périclès, fils de Xanthippe, et une Minerve (Athéna), le plus admirable de tous les ouvrages de Phidias. Elle est nommée la Lemnienne, parce qu'elle a été offerte par les Lemniens. Les murs de la citadelle, excepté la partie, que Cimon, fils de Miltiade, a fait construire, sont l'ouvrage des Pélasges qui demeuraient jadis au-dessous de la citadelle. Ils se nommaient, dit-on, Agrolas et Hyperbius ; j'ai voulu savoir qui ils étaient, mais je n'ai pu apprendre autre chose si ce n'est que, Siciliens d'origine, ils étaient allés s'établir dans l'Acarnanie.

En descendant non dans la ville basse, mais un peu au-dessous des Propylées, vous trouvez une fontaine, et tout auprès, un temple d'Apollon dans une grotte; ce fut là, dit-on, qu'Apollon eut commerce avec Créuse, fille d'Érechthée. Il y a dans le même endroit un temple consacré à Pan. On raconte, au sujet de ce dieu, que Philippide[328] envoyé à Lacédémone pour annoncer le débarquement des Perses dans l'Attique, dit à son retour que les Lacédémoniens avaient différé leur départ, leurs lois ne leur permettant pas de sortir pour combattre, avant que la lune fût dans son plein[329] : mais il ajouta qu'il avait rencontré Pan sur le mont Parthénius, et que ce dieu lui avait dit qu'il voulait du bien aux Athéniens et qu'il se trouverait à Marathon pour les secourir : c'est sur cet avis que le culte de Pan s'établit à Athènes. L'Aréopage[330] est aussi au-dessous de la citadelle ; on le nomme ainsi parce que Mars (Arès) est le premier qui y ait été jugé. J'ai déjà dit que ce dieu avait tué Halirrhothius, et à quel sujet. On dit aussi que dans la suite Oreste y fut jugé pour le meurtre de sa mère, et l'on voit encore l'autel de Minerve (Athéna) Aréïa[331] qu'il dédia après son absolution. Les deux pierres brutes[332] sur lesquelles se tiennent l'accusateur et l'accusé, sont nommées, l'une, la pierre de l'impudence, et l'autre, la pierre de l'insulte. Près de là est le temple des déesses connues à Athènes sous le nom de Semnæ (Sévères) et qu'Hésiode dans sa Théogonie nomme Érinyes. Eschyle est le premier qui les ait représentées avec des serpents enlacés dans leurs cheveux ; mais leurs statues, ainsi que celles des autres divinités infernales placées dans ce temple, n'ont rien d'effrayant. Ces divinités sont : Pluton, Mercure (Hermès) et la Terre. Tous ceux qui ont été absous par l'Aréopage, étrangers ou citoyens, offrent un sacrifice dans ce temple. Le tombeau d'Œdipe est dans son enceinte; mes recherches m'ont appris que ses os avaient été apportés de Thèbes ; car ce que Sophocle dit de la mort d'Œdipe, ne paraît pas croyable[333] ; on lit en effet dans Homère que Mécistée alla disputer un prix à Thèbes ; aux jeux qui furent célébrés à la mort d'Œdipe.

Il y a d'autres tribunaux à Athènes ; mais ils ne sont pas aussi célèbres que l'Aréopage. Le Parabyste[334] et le Trigone ont pris leur nom, le premier de ce que n'étant destiné qu'aux petites causes, il est dans un quartier peu fréquenté, et le second de la forme de l'édifice où il tient ses séances. Le tribunal rouge et le tribunal vert ont pris ces noms de leur couleur, et ils les conservent encore. Le plus considérable de tous, celui devant lequel se portent le plus d'affaires, c'est le tribunal nommé Héliée. Il y a d'autres tribunaux pour connaître des meurtres ; d'abord celui qui porte le nom d'Epipalladium où sont jugés les meurtres involontaires. Que Démophon[335] y ait été jugé le premier, on en convient assez généralement ; mais pour quelle cause? c'est sur quoi l'on n'est pas d'accord. Vous entendrez raconter que Diomède, revenant du siège de Troie avec ses vaisseaux, fut surpris par la nuit à la vue du port de Phalère, que les Argiens se croyant dans un pays ennemi et non dans l'Attique, débarquèrent et se mirent à piller ; que Démophon ne les connaissant pas non plus, accourut pour les repousser, en tua plusieurs et leur enleva le Palladium : qu'en retournant à la ville, il renversa sous les pieds de son cheval un Athénien qu'il n'avait point aperçu, et qui en mourut : qu'en conséquence le procès fut fait à Démophon, à la poursuite des parents du mort, suivant les uns ; à celle des Argiens, selon les autres. Les causes de ceux qui ont commis un meurtre, mais qui prétendent l'avoir commis légitimement, sont portées au tribunal Delphinium.[336] Thésée y fut absous par ce motif du meurtre de Pallas et de ses fils qui s'étaient révoltés contre leur souverain. Avant ce jugement rendu en sa faveur, tout homme qui en avait tué un autre était obligé de subir un exil ; s'il restait dans le pays, il s'exposait à être tué de même.

Dans le Prytanée est un tribunal où l'on juge le fer et les autres instruments qui ont servi à commettre un meurtre ; voici, je crois, quelle en fut l'origine. Érechthée régnait à Athènes, lorsque le Buphone tua, pour la première fois, un bœuf sur l'autel de Jupiter (Zeus) Poliéus, et laissant sa hache là, s'enfuit du pays[337] ; sur le champ on fit le procès à la hache qui fut déclarée innocente : cette cérémonie se renouvelle encore tous les ans. D'autres choses inanimées ont, dit-on, servi d'elles-mêmes d'instruments à la juste punition de quelques crimes, et l'exemple le plus célèbre en ce genre est celui du sabre de Cambyse.[338] Le Phréattys[339] est dans le Pirée, sur les bords de la mer ; c'est là que les exilés viennent se défendre s'ils sont accusés de quelque autre crime après leur départ : du bord de leur vaisseau ils font entendre leur justification à des juges qui sont à terre. On dit que Teucer fut le premier qui se défendit de cette manière devant Télamon, au sujet de la mort d'Ajax, dont il se disait innocent. Je suis entré dans tous ces détails pour faire connaître les soins que les Athéniens apportent à l'administration de la justice.

CHAPITRE XXIX.

L'Académie. Enceinte consacrée à Diane (Artémis). Tombeaux.

On vous montre près de l'Aréopage le vaisseau qui sert à la pompe des Panathénées. Il peut s'en trouver de plus grands, mais je n'en connais point de plus considérable que le vaisseau sacré de Délos,[340] qui a neuf rangs de rames depuis le tillac. Hors de la ville, dans les bourgs et sur les chemins, vous voyez des temples de Dieux, et des tombeaux érigés à des héros et à d'autres personnes. L'Académie[341] qui est tout auprès de la ville était jadis le domaine d'un simple particulier,[342] c'est maintenant un gymnase. En y descendant, vous trouvez une enceinte consacrée, à Diane (Artémis), et des statues en bois représentant Aristé et Callisté (très bonne, et très belle), surnoms qui sont à ce que je crois, ceux de Diane (Artémis), et les vers de Sapho confirment ma conjecture. Je connais une autre tradition sur ces deux noms, mais je n'en dirai rien. Il y a dans le même endroit un petit temple où l'on porte, tous les ans à certains jours, la statue de Dionysos Éleuthère. Voilà tous les temples qui se trouvent de ce côté.

Quant aux tombeaux, vous voyez d'abord celui de Thrasybule, fils de Lycus, homme bien supérieur à tout ce qu'il y a jamais eu de personnages célèbres à Athènes. Pour ne pas parler de toutes ses actions, je me bornerai à dire pour prouver ce que j'avance, que parti d'abord de Thèbes avec soixante hommes seulement, il renversa la tyrannie de ceux qu'on appelait les Trente. Il réconcilia les Athéniens, et leur recommanda la concorde. Suivent les tombeaux de Périclès, de Chabrias et de Phormion, les tombeaux de tous les Athéniens tués dans divers combats sur terre et sur mer, excepté ceux qui périrent à Marathon, et qui par une distinction due à leur bravoure furent enterrés au lieu même où ils avaient combattu. Tous les autres l'ont été sur le chemin qui conduit d'Athènes à l'Académie ; un cippe sur chaque tombe porte le nom du mort et du bourg où il était né. Les premiers qu'on y ait enterrés sont ceux qui, après s'être emparés de toute la Thrace, jusqu'à Drabesque,[343] se laissèrent surprendre par les Edones,[344] qui les taillèrent en pièces. Le tonnerre, en tombant sur eux, contribua aussi, dit-on, à leur défaite. Parmi leurs généraux, Léagre était le premier, après lui Sophane de Décélée, qui avait tué Eurybathe Argien, jadis vainqueur au Pentathle, aux jeux Néméens ; Eurybathe avait amené des secours aux Éginètes. Cette armée est la troisième que les Athéniens aient envoyée hors de leur pays. Je ne parle pas de la guerre de Troie, qui fut entreprise en commun par tous les Grecs. Les Athéniens firent en particulier une première expédition en Sardaigne, avec Iolaus ; la seconde fut dans l'Ionie, et la troisième dans la Thrace, c'est celle dont il est ici question.

Devant leur tombeau se voit un cippe sur lequel sont sculptés deux cavaliers qui combattent. On dit que ces deux cavaliers sont Mélanopus et Macartatus qui furent tués dans un combat contre les Lacédémoniens et les Béotiens, sur les confins d'Éleusis du côté de Tanagras.[345] Vous découvrez ensuite la tombe des cavaliers Thessaliens qui, fidèles à l'ancienne amitié qui unissait les deux peuples, vinrent au secours des Athéniens, lorsque les Lacédémoniens firent leur première irruption dans l'Attique, sous le commandement d'Archidamus. Les tombeaux suivants sont ceux des archers Crétois, de quelques Athéniens, de Clisthène, inventeur de la division en tribus encore aujourd'hui subsistantes, et des cavaliers Athéniens tués en même temps que les cavaliers Thessaliens, dont je viens de parler. On a encore enterré là, les Cléoniens qui vinrent dans l'Attique avec les Argiens, (je dirai à quelle occasion, lorsque j'en serai à la description d'Argos), et les Athéniens qui firent la guerre aux Éginètes, quelque temps avant l'invasion des Mèdes. Le Peuple d'Athènes avait par une loi très sage, admis les esclaves, qui l'avaient mérité, aux honneurs de la sépulture publique,[346] et avait permis d'inscrire leurs noms sur des cippes. Ces inscriptions portent que ces esclaves avaient combattu vaillamment auprès de leurs maîtres. On lit ensuite les noms de beaucoup d'autres personnages tués, les armes à la main, en divers pays, entre autres, des principaux de ceux qui marchèrent contre Olynthe,[347] et de Mélisandre qui remonta le Méandre avec ses vaisseaux, jusque dans la Carie supérieure. On a enterré dans le même endroit, les Athéniens qui furent tués dans la guerre contre Cassandre, et les Argiens qui étaient alors venus à leur secours. Voici, disent les Athéniens, à quelle occasion ils contractèrent cette alliance avec les Argiens. La ville de Sparte ayant éprouvé un tremblement de terre, les Ilotes[348] se révoltèrent et se retirèrent à Ithome.[349] Les Lacédémoniens, pour les soumettre, demandèrent des secours à d'autres peuples et aux Athéniens, qui leur envoyèrent une troupe d'élite, commandée par Cimon, fils de Miltiade. Les Lacédémoniens, ayant conçu quelques soupçons, la renvoyèrent ; ce qui fut pris pour une insulte intolérable par les Athéniens, qui, aussitôt après le retour de cette troupe, contractèrent une alliance avec les Argiens, de tout temps ennemis des Spartiates. Les Athéniens se disposant dans la suite à livrer bataille aux Lacédémoniens et aux Béotiens réunis, vers Tanagre, dans la Béotie, les Argiens vinrent à leur secours, et d'abord eurent l'avantage; mais la nuit étant survenue, ils ne purent pas assurer leur victoire. Le combat recommença le lendemain, et les Spartiates furent vainqueurs par la trahison des Thessaliens, qui abandonnèrent l'armée Athénienne.

Voici encore des tombeaux dont je crois devoir parler. Apollodore, Athénien, commandait un corps de troupes à la solde d'Arsitès, satrape de la Phrygie, sur les bords de l'Hellespont ; Arsitès[350] l'ayant envoyé au secours des Périnthiens,[351] dont le pays avait été envahi par Philippe ; Apollodore força ce prince de se retirer : son tombeau est là, ainsi que celui d'Eubulus, fils de Spintharus, et de plusieurs autres, à qui la fortune ne fut pas aussi favorable que le méritait leur valeur. Ceux-ci avaient conspiré contre le tyran Lacharès; ceux-là avaient formé le projet de reprendre le Pirée aux Macédoniens, mais trahis, les uns et les autres par leurs complices, ils périrent avant d'avoir exécuté leurs desseins. On y voit aussi ceux qui furent tués à Corinthe ; les Dieux montrèrent bien en cette occasion, et dans la suite à Leuctres, que les hommes les plus vaillants et reconnus pour tels par les Grecs, ne sont rien sans la fortune ; en effet, les Lacédémoniens, qui à Corinthe avaient vaincu les Athéniens, les Corinthiens, les Béotiens et les Argiens réunis, furent complètement défaits à Leuctres, par les Béotiens tout seuls. Après le tombeau de ceux qui furent tués à Corinthe, vous voyez un cippe avec une inscription en vers élégiaques, qui vous apprend que de ceux qui sont enterrés là, les uns furent tués dans l'Eubée et dans l'île de Chios, et les autres, aux extrémités du continent de l'Asie, ainsi que dans la Sicile : excepté Nicias, tous les généraux sont nommés dans l'inscription, tous les soldats mêmes, Athéniens et Platéens, sans distinction. Voici pourquoi on a omis le nom de Nicias : Philistos dit, et je suis d'accord avec lui, que Démosthène ne voulut point être compris dans la capitulation qu'il fit pour ses troupes, et que lorsqu'il se vit pris, il voulut se tuer : Nicias, au contraire, se rendit volontairement ; il fut donc convaincu de s'être offert à l'esclavage, lâcheté indigne d'un guerrier, et qu'on a punie en ne gravant point son nom sur le cippe. Un autre cippe présente les noms de ceux qui furent tués dans la Thrace, à Mégare et dans l'Arcadie, lorsque Alcibiade eut déterminé les Arcadiens de Mantinée et les Éléens à se séparer des Lacédémoniens ; de ceux qui défirent les Syracusains avant l'arrivée de Démosthène en Sicile ; on a enterré dans le même lieu ceux qui périrent dans un combat naval vers l'Hellespont, dans la bataille de Chéronée contre les Macédoniens ; dans l'expédition contre Amphipolis,[352] sous les ordres de Cléon, et à Délium, dans le pays de Tanagras : ainsi que ceux que Léosthène conduisit dans la Thessalie contre les Macédoniens, et ceux que Cimon emmena dans l'île de Chypre ; enfin, ceux qui, avec Olympiodore, chassèrent la garnison Macédonienne ; ces derniers ne sont que treize en tout. Les Athéniens disent que jadis ils envoyèrent un petit corps de troupes au secours de Rome contre quelque peuple de son voisinage ; et que d'ailleurs dans un combat contre les Carthaginois, cinq vaisseaux Athéniens secondèrent ceux des Romains : les guerriers qui périrent en ces deux occasions, sont aussi enterrés là. J'ai déjà parlé des exploits de Tolmidès et de ses compagnons d'armes : j'ai indiqué le genre de leur mort ; ceux que cela peut intéresser sauront qu'ils sont enterrés sur le même chemin : on y voit aussi le tombeau des Athéniens qui remportèrent, sous les ordres de Cimon, deux grandes victoires dans le même jour ; l'une navale, dans les eaux de l'Eurymédon[353] ; l'autre sur terre, près des bords de ce fleuve ; les tombes de Conon et de Timothée, qui, après Miltiade et Cimon, donnèrent le second exemple d'un père et d'un fils, illustres par leurs belles actions. Là sont enfin les tombeaux de Zénon, fils de Mnaséas ; de Chrysippe de Soles[354] ; de Nicias, fils de Nicomède, de son temps le plus habile peintre d'animaux ; d'Harmodios et Aristogiton, qui tuèrent Hipparque, fils de Pisistrate ; de l'orateur Éphialte, qui contribua beaucoup à la subversion des lois de l'Aréopage[355] ; de l'orateur Lycurgue,[356] fils de Lycophron, qui amassa dans le trésor public six mille cinq cents talents[357] de plus que Périclès, fils de Xanthippe : on devait à ce même Lycurgue, les ornements qui servaient aux pompes solennelles en l'honneur de Minerve (Athéna), des Victoires en or, et les parures de cent jeunes filles. Il fit fabriquer pour la guerre des armes et des traits, porta à quatre cents le nombre des trirèmes de guerre, acheva le théâtre que d'autres avaient commencé ; il bâtit de plus, dans le Pirée, de nouvelles loges pour recevoir les vaisseaux, et le Gymnase qui est auprès du Lycée. Les ouvrages d'or et d'argent qu'il avait fait exécuter, furent enlevés par le tyran Lacharès ; mais les édifices subsistent encore maintenant.

CHAPITRE XXX.

Éros et Antéros. Tombeau de Platon. Tour de Timon. Colonus Hippius.

Il y a devant l'entrée de l'Académie un autel dédié à Éros (l'Amour), avec une inscription portant que Charmus est le premier Athénien qui ait érigé une statue à ce dieu.[358] L'autel dédié à Antéros[359] (le contre Amour), qu'on voit dans la ville,[360] a été, dit-on, érigé par les étrangers domiciliés dans Athènes, et voici à quelle occasion. Timagoras, l'un de ces étrangers, devint amoureux de Mélès,[361] jeune Athénien, qui n'ayant que du mépris pour lui, lui ordonna de monter sur le sommet le plus élevé du rocher (où est la citadelle), et de se précipiter en bas. Timagoras, toujours prêt à complaire au jeune homme, au péril de sa propre vie, se précipita du haut de ce rocher : et Mélès, quand il le vit expirant, eut tant de regrets de l'avoir perdu, qu'à son tour il s'élança du même sommet, et se tua. Les étrangers domiciliés à Athènes, honorent depuis ce temps-là Antéros comme le génie vengeur de Timagoras. On voit dans l'Académie un autel de Prométhée, qui est le point de départ d'une course qu'on fait en tenant des flambeaux allumés ; on court du côté de la ville, et il ne suffit pas, pour remporter le prix, d'arriver le premier, il faut encore conserver son flambeau allumé. Si le premier le laisse éteindre, il perd ses prétentions à la victoire, elles passent au second ; puis au troisième, si le second ne conserve pas son flambeau allumé ; enfin, le prix n'est donné à personne, si tous les flambeaux s'éteignent.[362] Il y a dans le même endroit divers autels consacrés aux Muses, à Mercure (Hermès), à Minerve (Athéna) et à Hercule ; les autels de ces deux dernières divinités sont dans l'intérieur de l'Académie. On y voit aussi un olivier qui est, dit-on, le second qui ait paru. Non loin de l'Académie est le tombeau de Platon. Les dieux pronostiquèrent, de la manière suivante, qu'il serait un des plus célèbres philosophes. Socrate, quand Platon vint se mettre au nombre de ses disciples, avait, la nuit précédente, vu en songe un cygne qui volait dans ses bras. Or, le cygne est un oiseau qui passe pour musicien,[363] depuis, dit-on, qu'un certain Cygnus, musicien célèbre, et roi des Liguriens, peuple de la Gaule, au-delà de l'Éridan, fut à sa mort métamorphosé par Apollon, et prit la forme de l'oiseau qui porte son nom. Je veux bien croire que les Liguriens aient eu un roi grand musicien, mais on ne me persuadera pas qu'il ait été changé d'homme en oiseau. Dans le même lieu s'élève la tour de Timon, le seul homme qui ait cru qu'on ne pouvait vivre heureux qu'en fuyant tous ses semblables. L'endroit nommé Colonus Hippius, est, dit-on, le premier lieu de l'Attique où Œdipe ait mis le pied,[364] tradition qui ne s'accorde point avec ce que dit Homère. Vous y remarquerez l'autel de Neptune (Poséidon) Hippius, celui de Minerve (Athéna) Hippia, le monument héroïque de Pirithoüs et de Thésée, celui d'Œdipe et celui d'Adraste.[365] Le bois sacré de Neptune (Poséidon) et son temple, furent brûlés par Antigone, dans une irruption qu'il fit dans l'Attique, que son armée avait déjà ravagée d'autres fois.

CHAPITRE XXXI.

Bourgs. Prémices des Hyperboréens. Monument d'Erysichthon, de Cranaüs et d'Ion.

Les petits bourgs de l'Attique se sont formés comme au hasard. Voici ce qu'ils offrent de plus remarquable. On voit chez les Alimusiens,[366] un temple de Cérès (Déméter) Thesmophore et de sa fille, à Zoster,[367] près de la mer, des autels dédiés à Minerve (Athéna), à Apollon, à Diane (Artémis) et à Latone. C'est là, disent les gens du pays, que Latone sentant ses couches approcher, délia sa ceinture, ce qui fit donner à cet endroit le nom de Zoster ; ils ne disent cependant pas qu'elle y soit accouchée. Les Prospaltiens[368] ont aussi un temple de Cérès (Déméter) et de sa fille. Il y en a un de la Mère des dieux à Anagyre. On rend à Céphale un culte très solennel aux Dioscures, que les habitants nomment les grands dieux. On voit à Prasies[369] un temple d'Apollon, où arrivent, dit-on, les prémices des Hyperboréens. Ce peuple les transmet aux Arimaspes, qui les remettent aux Issédons ; les Scythes les reçoivent de ces derniers, et les portent à Sinope,[370] d'où elles arrivent à Prasies, par le moyen des Grecs ; de là, les Athéniens les portent à Délos. Ces prémices sont enveloppées dans de la paille de froment, et personne ne sait en quoi elles consistent. On voit aussi à Prasies le tombeau d'Erysichthon, qui revenant des fêtes de Délos, mourut dans la traversée. J'ai déjà dit que Cranaüs, roi d'Athènes, fut détrôné par Amphictyon, son gendre ; il s'enfuit, dit-on, avec ses troupes à Lamptrée où il mourut ; il y fut enterré, et les habitants de Lamprée[371] montrent encore maintenant le tombeau de Cranaüs. Ion, fils de Xuthus, demeura aussi quelque temps chez les Athéniens, et les commanda dans une guerre contre les Éleusiniens ; son tombeau est à Potamus,[372] du moins suivant la tradition vulgaire. On voit à Phlyes[373] les autels d'Apollon Dionysodotos, de Diane (Artémis) Sélasphoros,[374] de Bacchus (Dionysos) Anthius, des nymphes Isménides[375] et de la Terre, nommée dans le pays la Grande Déesse ; et dans un autre temple les autels de Cérès (Déméter) Anèsidôras, de Jupiter (Zeus) Ctésias, de Minerve (Athéna) Tithrone,[376] de Coré Protogone (la fille première née), et des déesses connues sous le nom de Semnæ (Sévères). A Myrrhinonte,[377] Colænis a une statue en bois, et les Athmonéens[378] adorent Diane (Artémis) Amarysia. J'ai questionné les exégètes du pays sur ces deux noms ; comme ils ne m'ont rien appris de positif, voici ce que j'ai conjecturé. Amarynthe est une ville de l'Eubée, où l'on adore Diane (Artémis) Amarysia, les Athéniens eux-mêmes célèbrent en son honneur une fête avec non moins de pompe que les Eubéens, et c'est de là qu'est venu, je pense, le surnom de celle que les Athéniens ont en vénération. Quant à Colænis, qu'on adore à Myrrhinonte, je crois qu'elle a pris son nom de Colænus.[379] J'ai déjà dit que suivant la tradition de plusieurs bourgs, il y avait eu des rois dans l'Attique avant Cécrops, et les Myrrhinusiens prétendent que Colænus en était un. Les Acharniens[380] forment aussi un bourg, ils rendent un culte à Apollon Agyéus et à Hercule. Ils ont chez eux un autel de Minerve (Athéna) Hygiéa ; ils donnent à cette déesse le surnom d'Hippia ; et à Bacchus (Dionysos) celui de Melpomène (chantant), ainsi que celui de Cissus (lierre), et ils disent que leur pays est le premier où cette plante ait paru.

CHAPITRE XXXII.

Montagnes de l'Attique. Statues de dieux. Marathon. Fontaine Macarie.

Les montagnes de l'Attique sont, le Pentélique,[381] célèbre par ses carrières de marbre ; le Parnès, où l'on va chasser aux sangliers et aux ours, et le mont Hymette, lieu le plus propre qu'on connaisse à l'éducation des abeilles, excepté cependant le pays des Halizons,[382] où elles sont si familières qu'elles suivent les hommes dans les pâturages. Elles sont libres, on ne les renferme point dans des ruches, mais elles travaillent où il leur plaît, et leur ouvrage est si bien lié, qu'il est impossible de séparer la cire du miel. Les Athéniens ont érigé des statues de dieux jusque sur ces montagnes ; à savoir celle de Minerve (Athéna), sur le Pentélique ; celle de Jupiter (Zeus) Hymettien, sur le mont Hymette, où l'on voit aussi les autels de Jupiter (Zeus) Ombrius (pluvieux) et d'Apollon Proopsius (très en vue). Il y a sur le Parnès une statue en bronze de Jupiter (Zeus) Parnésien, un autel de Jupiter (Zeus) Sémaléos (qui donne des présages) et un autre autel sur lequel on sacrifie à Jupiter (Zeus), surnommé tantôt Ombrius, tantôt Apémius (qui préserve de la souffrance) ; dans l'Attique est encore le mont Anchesmus, peu élevé, sur lequel se trouve une statue de Jupiter (Zeus) Anchesmus.[383] Avant d'en venir à la description des îles, je vais encore parler de ce qui se voit dans les bourgs.

Marathon[384] est à une égale distance d'Athènes et de Carystos, ville de l'Eubée ; c'est là qu'abordèrent les Barbares quand ils envahirent l'Attique ; ils y furent défaits, et perdirent même quelques uns de leurs vaisseaux en se retirant. Les Athéniens qui furent tués en cette occasion, ont été enterrés à Marathon même, et des cippes placés sur leurs tombeaux indiquent le nom de chacun d'eux, et celui de leurs tribus. Un tombeau particulier a été érigé aux Béotiens de Platées, et un autre aux esclaves qui combattirent pour la première fois en cette occasion. Miltiade, fils de Cimon, a aussi son tombeau à part ; il ne fut pas tué dans le combat, et mourut dans la suite après que les Athéniens lui eurent fait son procès, pour avoir échoué dans son expédition contre Paros. On entend toutes les nuits à Marathon des hennissements de chevaux, et un bruit pareil à celui que font des combattants. Ceux qui n'y viennent que par pure curiosité ne s'en trouvent pas bien ; mais ceux qui, n'ayant entendu parler de rien, passent là par hasard, n'ont rien à craindre du courroux des esprits. Les Marathoniens donnent le nom de héros à ceux qui ont péri dans ce combat, et les honorent comme tels, ainsi que Marathon, de qui leur bourg a pris son nom, et Hercule, auquel ils ont, disent-ils, rendu les honneurs divins avant tous les autres Grecs. Ils racontent aussi qu'un personnage qui avait l'air et le costume d'un paysan, se trouva au combat, et tua beaucoup de Mèdes avec un soc de charrue. Il disparut ensuite, et Apollon, consulté à son sujet par les Athéniens, leur ordonna de rendre des honneurs au héros Echetlæus, mais il ne leur donna pas d'autres éclaircissements. On a érigé sur le champ de bataille même, un trophée de marbre blanc. Les Athéniens donnèrent aussi, à ce qu'ils disent, la sépulture aux Mèdes, regardant comme un devoir sacré de couvrir de terre les corps humains. Je n'ai cependant pas pu trouver leur tombeau, et on ne remarque aucun amas de terre ni aucun autre signe qui puisse le faire reconnaître ; on les jeta sans doute pêle-mêle dans une grande fosse. Vous verrez à Marathon la fontaine Macarie, et voici ce qu'on en raconte. Hercule s'étant enfui de Tirynthe à cause d'Eurysthée[385] alla demeurer chez son ami Céyx, roi de Trachine[386] ; lorsque Hercule eut quitté le séjour des mortels, Eurysthée voulut se faire livrer les enfants de ce héros. Céyx les fit partir pour Athènes, en leur disant qu'il était trop faible pour les défendre, mais qu'ils trouveraient dans Thésée un protecteur tel qu'ils pouvaient le souhaiter. Ils se présentèrent à lui comme suppliants, et Thésée n'ayant pas voulu les livrer, Eurysthée lui déclara la guerre : c'est la première qui ait éclaté entre les Péloponnésiens et les Athéniens. On raconte qu'un oracle avait prédit à ces derniers, qu'ils ne pouvaient pas espérer la victoire, à moins qu'un des enfants d'Hercule ne se dévouât volontairement à la mort. Alors Macaria, fille d'Hercule et de Déjanire, s'étant tuée elle-même, assura la victoire aux Athéniens, et on donna son nom à la fontaine dont il s'agit. Il y a aussi à Marathon un lac très marécageux, où beaucoup de Barbares se précipitèrent en fuyant, faute de connaître le pays, et c'est là, dit-on, que périt la plus grande partie de cette troupe. Au-dessus de ce lac ; sont les mangeoires en marbre des chevaux d'Artapherne, et on voit sur le rocher des vestiges de sa tente. Il sort de ce lac un fleuve dont l'eau, dans le voisinage même du lac, est très bonne pour abreuver les bestiaux, mais vers son embouchure dans la mer elle devient salée, et se remplit de poissons de mer. En avançant un peu dans la plaine, vous trouvez la montagne de Pan, et une grotte qui mérite d'être vue. L'entrée en est fort étroite, mais en avançant vous trouvez des chambres, des bains, et ce qu'on nomme le troupeau de Pan ; ce sont des rochers qui ont pour la plupart, la figure de chèvres.

CHAPITRE XXXIII.

Brauron. Rhamnuse et le temple de Némésis.

Le bourg de Brauron[387] est à quelque distance de Marathon. On dit qu'Iphigénie, fille d'Agamemnon, y débarqua à son retour de la Tauride, d'où elle avait pris la fuite, emportant la statue de Diane[388] (Artémis) ; on ajoute qu'ayant laissé cette statue à Brauron, elle se rendit à Athènes et ensuite à Argos. La statue en bois de Diane (Artémis) qu'on voit à Brauron, est aussi fort ancienne, mais je dirai dans un autre lieu, où se trouve, à ce que je crois, celle qui fut enlevée aux Barbares de la Tauride.

Rhamnouse[389] est à soixante stades tout au plus de Marathon, en suivant la route qui conduit à Orope le long de la côte : les maisons des habitants sont sur le bord de la mer. Le temple de Némésis est un peu au-dessus, à quelque distance du rivage. Il n'y a pas de divinité plus implacable pour ceux qui abusent insolemment de leur pouvoir ; et son courroux se manifesta, à ce qu'il me semble, d'une manière bien évidente envers les barbares qui débarquèrent à Marathon. N'imaginant pas qu'Athènes pût leur résister, ils avaient apporté pour ériger un trophée, un bloc de marbre, dont Phidias se servit pour faire la statue de Némésis.[390] Elle a sur la tête une couronne ornée de petites figures, représentant des cerfs et des Victoires ; elle tient de la main gauche une branche de pommier,[391] et de la droite un vase sur lequel sont sculptés des Éthiopiens. Je ne conçois guère pourquoi Phidias les a placés là, et je n'ai point été satisfait de l'explication que m'ont donnée ceux qui croient le savoir ; ils prétendent que ces Éthiopiens sont là pour désigner le fleuve Océan, père de Némésis, sur les bords duquel il y a des Éthiopiens. Mais l'Océan n'est pas un fleuve, c'est la plus reculée de toutes les mers navigables, ses côtes sont habitées par les Celtes et les Ibères,[392] et l'on y trouve une île nommée la Bretagne. Parmi les Éthiopiens qui demeurent au-dessus de Syéné, les plus éloignés sont les Ichtyophages,[393] qui habitent les bords de la mer Érythrée, autour d'un golfe qui porte leur nom ; ceux de Méroé et de la plaine Éthiopique, sont les plus renommés par leur équité et on voit chez eux la table du Soleil[394] ; mais il n'y a point de mer dans leur pays, et ils n'ont pas d'autre fleuve que le Nil. Nous connaissons d'autres Éthiopiens voisins des Maures et dont le pays s'étend jusqu'à celui des Nasamons. Ces Nasamons, qui connaissent, disent-ils, les mesures de la terre, donnent le nom de Loxites aux peuples nommés Atlantes par Hérodote, et qui habitent les extrémités de la Libye vers le mont Atlas ; ils ne sèment rien et vivent de raisins sauvages. Il n'y a de fleuve ni chez ces Éthiopiens, ni chez les Nasamons. Car les eaux qui, vers le mont Atlas forment trois courants, sont bientôt entièrement absorbées par les sables. Les Éthiopiens ne sont donc voisins ni de l'Océan ni d'aucun fleuve. Cette eau, qui sort du mont Atlas, est trouble, et on y trouve, vers la source même, des crocodiles qui n'ont pas moins d'une coudée de long et se plongent dans l'eau à l'approche des hommes. Beaucoup de personnes pensent que ces courants après avoir traversé les sables, reparaissent de nouveau et forment le Nil. L'Atlas est si élevé, qu'on dit que son sommet touche le ciel, mais les eaux qui s'y amassent et les arbres qui y croissent de toutes parts, le rendent inaccessible. Il n'est connu que du côté du pays des Nasamons, car je ne crois pas qu'on en ait jamais, approché par mer. Mais en voilà assez sur cet article.

Cette statue de Némésis est sans ailes, ainsi que les autres anciennes statues de cette déesse. J'ai cependant appris dans la suite que les Némésis en bois qu'on a dans la plus haute vénération à Smyrne, sont ailées. Cette déesse exerçant principalement son empire, sur ceux qui deviennent amoureux, les Smyrnéens ont cru devoir lui donner des ailes comme à l'Amour. Je vais passer aux bas reliefs sculptés sur la base de cette statue. Je dirai d'abord pour en faciliter l'intelligence, qu'Hélène était, suivant les Grecs, fille de Némésis,[395] et que Léda fut sa nourrice et l'éleva. Mais ils s'accordent tous à lui donner pour père Jupiter (Zeus) et non Tyndarée. Phidias, en conséquence de cette tradition, a représenté sur cette base, Léda conduisant Hélène à Némésis ; Tyndarée, ses fils, un homme avec un cheval, debout auprès d'eux, et qu'on nomme Hippéas ; Agamemnon, Ménélas et Pyrrhus, fils d'Achille, le premier mari d'Hermione, fille d'Hélène. Il n'y a pas mis Oreste, à cause de son attentat sur sa mère, Hermione ne cessa cependant pas de vivre avec lui ; elle en eut même un enfant. On voit encore sur cette base, Epochus et un autre jeune homme, ils étaient frères d'Œnoé,[396] qui a donné son nom à l'un des bourgs de l'Attique. C'est tout ce que j'ai pu apprendre à leur sujet.

CHAPITRE XXXIV.

Orope. Temple d'Amphiaraus.

Le pays d'Orope, situé entre l'Attique et Tanagras ; faisait autrefois partie de la Béotie ; il appartient maintenant aux Athéniens, qui, malgré des guerres continuelles au sujet de cette contrée, n'en ont la possession assurée, que depuis que Philippe la leur a donnée après avoir pris Thèbes. La ville est sur les bords de la mer et n'a rien qui mérite qu'on en parle. Le temple d'Amphiaraüs est à douze stades tout au plus de la ville. On dit que ce héros ayant pris la fuite après la déroute des Argiens devant Thèbes fut englouti, avec son char, la terre s'étant ouverte sous ses pas. D'autres disent que cela arriva, non dans cet endroit, mais à Harma (le char) sur la route de Thèbes à Chalcis. Les Oropiens sont les premiers qui lui aient rendu les honneurs divins, et leur exemple fut bientôt suivi dans tout le reste de la Grèce. Je pourrais nommer d'autres mortels de ces temps-là, à qui les Grecs ont rendu les honneurs divins ; on a même consacré des villes à quelques-uns, comme Eléonte dans la Chersonèse à Protésilas,[397] et Lébadie dans la Béotie à Trophoniou. Pour Amphiaraüs, les Oropiens lui ont érigé un temple, et une statue en marbre blanc, l'autel est divisé en plusieurs parties, dont la première est consacrée à Hercule, à Jupiter (Zeus) et à Apollon Pæon ; la seconde aux Héros et à leurs femmes ; la troisième, à Vesta (Hestia), à Mercure (Hermès), à Amphiaraüs et à Amphilochus l'un de ses fils,[398] car Alcmæon, à cause du meurtre d'Eriphyle,[399] n'est admis à partager les honneurs divins ni dans le temple d'Amphiaraüs, ni dans celui d'Amphilochus. La quatrième partie de l'autel est consacrée à Vénus (Aphrodite), Panacée, Iasius, Hygiée et Minerve (Athéna) Pæonia ; et la cinquième enfin, aux Nymphes, à Pan et aux fleuves Achéloüs et Céphise.

Les Athéniens ont aussi érigé dans leur ville un autel à Amphilochus, et il a dans la ville de Malles en Cilicie, un oracle, le plus véridique[400] de ceux qui se sont conservés jusqu'à moi. Il y a tout auprès du temple d'Orope, une fontaine qui porte le nom d'Amphiaraus ; on n'y offre point de sacrifices, et son eau ne sert ni pour les lustrations ni pour se laver les mains ; mais ceux qui ont été guéris de quelque maladie par les conseils de l'oracle, y jettent de l'or et de l'argent monnayés.[401] Ce fut, dit-on, par là qu'Amphiaraüs sortit de la terre lorsqu'il eut été admis parmi les dieux. Iophon de Gnosse, l'un des exégètes, montrait des oracles en vers hexamètres qui étaient, disait-il, ceux qu'Amphiaraüs rendit aux Argiens lorsqu'ils allèrent assiéger Thèbes. La multitude tient opiniâtrement à ce qui la flatte ; mais la vérité est que dans les temps anciens, à l'exception de ceux qui étaient, dit-on, ravis hors d'eux-mêmes par Apollon, aucun devin ne rendait d'oracles proprement dits, mais il y en avait de très habiles à interpréter les songes, ou à tirer des présages du vol des oiseaux, ou à lire l'avenir dans les entrailles des victimes. Je pense qu'Amphiaraüs s'était particulièrement livré à l'interprétation des songes, car c'est par des songes qu'il fait connaître l'avenir,[402] depuis qu'il est au rang des dieux. Celui qui veut le consulter, se purifie d'abord, par un sacrifice qu'il offre à Amphiaraüs et à tous ceux dont les noms se trouvent réunis au sien ; cela fait, il lui immole un bélier sur la peau duquel il se couche, et il attend en dormant qu'un songe lui apprenne ce qu'il veut savoir.

CHAPITRE XXXV.

Iles de Patrocle et d'Hélène. Salamine. Ajax, Géryon et Hyllus.

Les îles que les Athéniens possèdent dans le voisinage du continent sont, celle de Patrocle dont j'ai déjà parlé ; une autre au-dessus du promontoire Sounium qu'on laisse à gauche en naviguant vers l'Attique ; Hélène y débarqua, dit-on, après la prise de Troie, et l'île a pris pour cette raison le nom d'Hélène.[403] Salamine[404] située devant Éleusis s'étend jusqu'au vis à vis de la Mégaride ; ce fut Cychrée qui lui donna le nom de Salamine sa mère, fille d'Asopus ; les Éginètes vinrent ensuite s'y établir avec Télamon ; Philæus, fils d'Eurysace, fils d'Ajax, ayant été fait citoyen d'Athènes, l'a donna, dit-on, aux Athéniens. Les Salaminiens furent chassés de cette île, plusieurs siècles après, par les Athéniens, qui les accusaient de s'être laissés vaincre exprès dans la guerre contre Cassandre, et d'avoir rendu leur ville aux Macédoniens de leur plein gré et sans y être forcés. Les Athéniens condamnèrent aussi à mort Ascètade, qui avait été nommé général des Salaminiens, et jurèrent de ne jamais oublier leur trahison. On voit encore à Salamine les ruines de la place publique, le temple d'Ajax avec sa statue en bois d'ébène, et les Athéniens lui rendent toujours le même culte, aussi qu'à Eurysace, à qui on a aussi érigé un autel à Athènes. On montre à Salamine, à peu de distance du port, une pierre, et les gens du pays disent que Télamon assis dessus, suivit des yeux le vaisseau qui emmenait ses fils à Aulis, où ils allaient joindre l'armée des Grecs. Les habitants de Salamine disent que la fleur qui porte le nom d'Ajax parut pour la première fois dans leur île lors que ce héros mourut.[405] Cette fleur est d'un blanc tirant sur le rouge, de la même forme que le lys, mais un peu plus petite. Ses feuilles sont aussi moins grandes et elles offrent les mêmes lettres que les Hyacinthes.[406] Les Éoliens qui ont repeuplé Ilion dans la suite, racontent au sujet du jugement des armes, qu'Ulysse ayant fait naufrage, les flots apportèrent les armes d'Achille vers le tombeau d'Ajax. Voici, d'un autre côté, ce que j'ai appris d'un habitant de la Mysie sur la taille de ce héros. La mer en baignant son tombeau l'ouvrit du côté du rivage, ce qui rendit facile l'accès à l'endroit où était le corps, et pour me donner une idée de sa grandeur, il me dit que l'os de son genou que les médecins nomment la rotule, était aussi grand que le disque[407] dont les athlètes enfants se servent pour le Pentathle. J'ai vu des Celtes de ces contrées reculées, voisines de celles qu'on ne peut plus habiter à cause du froid : la taille de ces Celtes qu'on nomme les Cabares, n'a rien d'extraordinaire et n'excède pas celle des corps que j'ai vus en Égypte. Voici ce qui m'a paru le plus extraordinaire en ce genre. Un certain Protophane Magnésien des bords du Léthé remporta dans le même jour le prix de la lutte et celui du pancrace aux jeux olympiques. Des voleurs ouvrirent son tombeau dans l'espoir d'y trouver quelque chose à dérober, et comme ils ne le refermèrent pas, plusieurs personnes y entrèrent ensuite par curiosité. On remarqua que ses côtes n'étaient point séparées, et ne formaient qu'un seul os depuis l'épaule jusqu'aux plus petites côtes, que les médecins appellent du nom, de fausses côtes. Il y a devant la ville de Milet une île nommée Ladé, de laquelle se détachèrent jadis deux petites îles, dont l'une se nomme l'île d'Astérius, parce qu'Astérius, qui passait pour fils d'Anax, fils de la Terre, y fut, dit-on, enterré. Le corps de cet Astérius n'a pas moins de dix coudées de long. Voici encore ce que j'ai vu d'étonnant dans une petite ville de la Lydie supérieure, nommée les Portes de Téménus ; une colline du voisinage s'étant fendue par la rigueur du froid, on y aperçut des ossements d'une grandeur si démesurée, que sans leur forme, on n'aurait guère pu croire qu'ils eussent appartenu à un homme. Le bruit se répandit aussitôt dans le pays que c'était les os de Géryon,[408] fils de Chrysaor. On croyait reconnaître son trône dans un rocher d'une montagne voisine, taillé en saillie et ressemblant à un siège. On donnait le nom d'Océan à un torrent qui coule auprès ; et comme, suivant la tradition, Géryon avait des bœufs d'une très grande beauté, on assurait que quelques personnes avaient trouvé des cornes en labourant. Je me permis de les contredire en leur prouvant que Géryon demeurait à Gadès[409] ; que son tombeau n'y existe pas, mais qu'on y voit un arbre qui offre différentes formes. Alors les exégètes Lydiens reconnurent que ce corps était celui d'Hyllus, fils de la Terre, qui a donné son nom au fleuve voisin : ils ajoutent qu'Hercule, en mémoire de son séjour auprès d'Omphale, donna à son fils[410] le nom de ce fleuve.

CHAPITRE XXXVI.

Psyttalie. Anthémocritus, Scyros devin. Céphisodore.

Pour en revenir à mon sujet, on voit à Salamine, d'une part, un temple d'Diane (Artémis), de l'autre, le trophée de la victoire que les Grecs durent aux conseils de Thémistocle,[411] fils de Néoclès, et le temple de Cychrée. Les Athéniens racontent que durant le combat naval contre les Mèdes, un serpent se montra au milieu de leurs vaisseaux et que l'oracle leur dit que c'était le héros Cychrée. Devant Salamine est une île nommée Psyttalie où débarquèrent, dit-on, environ quatre cents barbares. Les Grecs y passèrent après leur victoire et les tuèrent tous. Excepté quelques statues en bois du Dieu Pan, d'un travail très grossier, cette île n'offre rien de remarquable.

En allant d'Athènes à Éleusis par la voie sacrée, on trouve le tombeau du Hérault Anthémocritus, que les Athéniens avaient envoyé dire aux Mégaréens de ne pas cultiver à l'avenir le terrain consacré aux grandes déesses. Les Mégaréens le tuèrent, et cet attentat impie ne leur a pas encore été pardonné par ces divinités ; car ils sont, de tous les Grecs les seuls pour lesquels l'Empereur Adrien n'ait rien fait. Après le cippe consacré à la mémoire d'Anthémocritus, vous trouvez le tombeau de Molossus l'un des généraux que les Athéniens choisirent pour aller dans l'Eubée au secours de Plutarque.[412] Sciros, petit canton voisin, a pris son nom de Scirus qui vint de Dodone pour assister comme devin les Eleusiniens alors en guerre avec Érechthée. Il fit bâtir à Phalère l'ancien temple de Minerve (Athéna) Scyras. Il fut tué dans le combat contre Érechthée, et les Éleusiniens l'enterrèrent près d'un torrent, qui, ainsi que le canton, a pris le nom de ce héros.

On voit près de là le tombeau de Céphisodore, qui se trouvant à la tête du peuple, opposa une résistance très vigoureuse à Philippe, fils de Démétrios, roi de Macédoine ; il ménagea aux Athéniens l'alliance d'Attale, roi de Mysie ; de Ptolémée, roi d'Égypte ; des Étoliens, des Rhodiens et des Crétois ; mais les secours de l'Égypte, de la Mysie et de l'île de Crète, se faisant attendre, et les vaisseaux qui formaient la seule force des Rhodiens ne pouvant pas être d'une grande utilité contre les Hoplites Macédoniens, Céphisodore passa en Italie avec quelques autres Athéniens, et alla implorer l'assistance des Romains ; ceux-ci leur ayant envoyé une armée et un général,[413] abaissèrent tellement la puissance de Philippe et des Macédoniens, que Persée, fils de Philippe, fut dans la suite privé de son royaume et même emmené captif à Rome. Ce Philippe était fils de Demetrius ; Demetrius[414] avait fait entrer le royaume de Macédoine dans sa maison, en tuant, comme nous l'avons dit précédemment, Alexandre, fils de Cassandre.

CHAPITRE XXXVII.

Tombeaux. Acestium. Enceinte de Lacius. Phytalus. Cyamites. Harpale. Céphale.

Après le tombeau de Céphisodore vous trouvez celui d'Héliodore d'Halæ,[415] dont on peut voir le portrait peint dans le grand temple de Minerve (Athéna). On a aussi enterré là Thémistocle, fils de Poliarchus, descendant à la troisième génération de Thémistocle, qui combattit sur mer contre Xerxès et les Mèdes. Je passerai sous silence ses autres descendants pour m'arrêter à Acestium, fille de Xénoclès, fils de Sophocle, fils de Léon ; tous les ancêtres d'Acestium avaient été Dadouques,[416] à commencer par Léon son bisaïeul. Elle vit, durant sa vie, cette dignité passer successivement à Sophocle son frère, à Thémistocle son époux, et à Théophraste son fils, ce qui fut un grand bonheur pour elle. En avançant un peu, vous trouvez l'enceinte consacrée au héros Lacius qui a donné son nom au bourg des Lacides[417] ; le tombeau de Nicoclès de Tarente, le plus célèbre de tous les Citharèdes ; l'autel de Zéphyre et un temple de Cérès (Déméter) et de sa fille ; Minerve (Athéna) et Neptune (Poséidon) y sont honorés conjointement avec elles.

C'est dans cet endroit, dit-on, que Phytalus donna l'hospitalité à Cérès (Déméter), qui pour le récompenser lui fit don du figuier. L'inscription suivante qu'on lit sur le tombeau de Phytalus en fait foi : Le héros Phytalus reçut jadis ici sous son toit la vénérable Cérès (Déméter) ; la déesse fit alors connaître pour la première fois le fruit divin connu par les mortels sous le nom de figue. On rend à la race de Phytalus des honneurs éternels en mémoire de ce don. Avant de traverser le Céphise, on trouve le tombeau de Théodore, le meilleur acteur tragique de son temps,[418] et sur les bords même du fleuve les statues de Mnésimaché et celle de son fils, qui se coupe les cheveux en l'honneur du Céphise.[419] L'usage d'offrir sa chevelure aux fleuves est très ancien dans la Grèce, comme nous l'apprend Homère, qui dit que Pelée avait fait vœu qu'Achille, à son retour de Troie, couperait ses cheveux en l'honneur du fleuve Sperchée.

En traversant le Céphise vous trouvez d'abord l'autel de Jupiter (Zeus) Milichius où Thésée, qui avait tué divers brigands, entre autres Sinis son parent du côté de Pitthée, se fit purifier par les descendants de Phytalus. Là sont encore tes tombeaux de Théodectes le Phasélite,[420] de Mnésithée qui fut, dit-on, un excellent médecin, et érigea aux dieux diverses statues parmi lesquelles on en voit une d'Iacchus. Sur la route est un petit temple nommé le temple du Cyamites. Je ne saurais dire si ce Cyamites est le premier qui ait semé des fèves (Cyames) ; ou si les Athéniens ont fait honneur de l'invention de cette culture à un héros, ne pouvant pas l'attribuer à Cérès (Déméter), comme le savent ceux qui ont vu les mystères d'Éleusis ou qui ont lu les vers d'Orphée. Sur cette route sont aussi des tombeaux dont deux se font remarquer par leur grandeur et leur beauté. L'un a été érigé, à un Rhodien établi à Athènes. L'autre a été construit par le Macédonien Harpalus, qui, ayant déserté du service d'Alexandre, s'embarqua et passa d'Asie en Europe. Les Athéniens, chez qui il s'était rendu, l'ayant fait arrêter, il corrompit avec de l'argent différentes personnes, entre autres les amis d'Alexandre, et parvint à s'évader. Il avait épousé précédemment Pythionice, dont l'origine m'est inconnue, mais qui avait été courtisane à Corinthe et à Athènes. Il en était si éperdument amoureux, que, l'ayant perdue par la mort, il lui fit ériger un tombeau qui surpasse en beauté tous ceux qu'on avait bâtis anciennement dans la Grèce.

Vous verrez aussi là un temple dans lequel sont les statues de Cérès (Déméter), de sa fille, de Minerve (Athéna) et d'Apollon ; il avait été érigé dans le principe à Apollon tout seul. On dit que Céphale, fils de Déion, ayant tué Procris son épouse, fut exilé d'Athènes et alla demeurer à Thèbes. Il aida Amphitryon à subjuguer les Télébœns,[421] et s'établit le premier dans l'île qui prit de lui le nom de Céphallénie. Dix générations après, Chalcinus et Dætus ses descendants s'étant embarqués, allèrent à Delphes demander à l'oracle les moyens de rentrer à Athènes. La Pythie leur ordonna d'offrir un sacrifice à Apollon dans l'Attique, à l'endroit même où ils verraient une trirème courir sur la terre.[422] Lorsqu'ils furent arrivés vers le mont Pœcile, ils aperçurent un serpent qui se hâtait de regagner son trou ; ils offrirent sur le lieu même un sacrifice à Apollon, et se rendirent à Athènes, où ils furent admis au nombre des citoyens. Vous trouvez ensuite un temple d'Vénus (Aphrodite), et devant ce temple un mur de pierres non taillées, qui mérite d'être vu.[423]

CHAPITRE XXXVIII.

Les Rheti. Crocon. Eumolpe. Les filles de Céléos. Zarax. Eleusis. Eleuthères.

Les Rheti ne ressemblent à des fleuves que parce qu'ils ont un courant, car c'est l'eau de la mer qui y coule. Il est probable qu'ils viennent de l'Euripe de Chalcis, ils passent sous terre, et vont se jeter dans l'autre mer qui est plus basse. Les Rheti sont consacrés à Cérès (Déméter) et à sa fille, et les prêtres peuvent seuls y pécher. Ils formaient anciennement, m'a-t-on dit, la limite entre le pays des Éleusiniens et le reste de l'Attique. La maison de Crocon était la première qu'on trouvât après les avoir traversés, et l'endroit où elle était se nomme encore maintenant le palais de Crocon. Il avait épousé Sæsara,[424] fille de Céléus, à ce que disent les Athéniens, au moins ceux du bourg des Scambonides[425] ; car cette opinion n'est pas générale. Je n'ai pas pu découvrir le tombeau de Crocon ; quant à celui d'Eumolpe, les Éleusiniens et les Athéniens sont d'accord sur l'endroit où il est. On dit que cet Eumolpe, venu de la Thrace, était fils de Poséidon et de Chioné, fille du vent Borée et d'Orithye. Homère ne dit rien de son origine ; il le nomme seulement dans ses vers, le vaillant Eumolpe. Les Éleusiniens ayant livré un combat aux Athéniens, Érechthée, roi de ces derniers, fut tué, ainsi qu'Immarade, fils d'Eumolpe. Les deux peuples firent ensuite la paix, et il fut convenu que les Éleusiniens, soumis pour tout le reste aux Athéniens, célébreraient en leur particulier les mystères ; qu'Eumolpe et les filles de Céléus seraient chargés de tout ce qui concerne le culte des Grandes Déesses.

Suivant Pamphus,[426] d'accord en cela avec Homère, les filles de Céléus se nommaient Diogénie, Pammérope et Saisara. Lorsqu’Eumolpe mourut, il ne restait que Céryx le plus jeune de ses fils, qui, suivant les Céryces,[427] était fils d'Aglaure, fille de Cécrops, et avait pour père, Mercure (Hermès) et non Eumolpe. Le monument héroïque d'Hippothoon qui a donné son nom à une tribu est dans le même lieu, et celui de Zarex est tout auprès. On dit que ce dernier avait appris la musique d'Apollon ; je crois qu'il était étranger, probablement de Lacédémone, et que Zarax, ville de la Laconie sur les bords de la mer avait pris son nom de lui. Si les Athéniens ont eu un héros nommé Zarax, il m'est entièrement inconnu. Le Céphise a son cours beaucoup plus rapide à Éleusis que dans le reste de l'Attique. On donne le nom d'Erinéum (le figuier sauvage) à un endroit voisin par où Pluton descendit, dit-on, aux enfers après avoir enlevé Proserpine (Perséphone). C'est aussi auprès du Céphise que Thésée tua le brigand Polypémon, surnommé Procruste.[428] Les Éleusiniens ont chez eux le temple de Triptolème, ceux de Diane (Artémis) Propylée,[429] et de Poséidon surnommé le Père. Ils vous montrent le puits Callichorus[430] autour duquel les femmes d'Éleusis formèrent le premier chœur de danse et de chant en l'honneur de Cérès (Déméter) ; le champ Rharius, le premier, dit-on, qui ait reçu des semences et produit des fruits ; aussi l'orge qu'on y recueille est-il employé à faire de la farine pour répandre sur la tête des victimes, et des gâteaux pour les sacrifices. On vous montre aussi l'aire qui porte le nom de Triptolème, et l'autel de ce héros. Quant à ce qui est dans l'intérieur des murs du temple, un songe m'a défendu de le décrire, les non initiés[431] à qui il n'est pas permis de voir cet intérieur, ne devant pas même connaître ce qu'il renferme. Le héros Éleusis, dont la ville a pris le nom était, suivant quelques poètes, fils de Mercure (Hermès), et de Daïra, fille de l'Océan ; d'autres disent qu'il était fils d'Ogygès[432] ; car les anciens Éleusiniens n'ayant point d'ouvrages sur les généalogies, on a pu imaginer beaucoup de fables, surtout sur l'origine de leurs héros.

Le pays de Platées dans la Béotie est maintenant, du côté d'Éleusis, limitrophe de l'Attique : les limites étaient jadis vers Éleuthère, mais depuis que les Éleuthèriens se sont réunis aux Athéniens, elles ont été reculées jusqu'au mont Cithæron dans la Béotie. Les Eleuthériens se sont réunis aux Athéniens sans y être contraints par les armes, mais parce que le gouvernement d'Athènes leur plaisait, et qu'ils haïssaient les Thébains. Il y a dans la plaine d'Éleuthère un temple de Bacchus (Dionysos) ; l'ancienne statue en bois qu'il renfermait a été transportée à Athènes, et celle qu'on y voit maintenant n'est qu'une copie. Un peu plus loin est une petite grotte auprès de laquelle jaillit une source d'eau froide. On dit qu'Antiope exposa dans cette grotte, les enfants qu'elle venait de mettre au monde, et que le berger qui les trouva les ayant démaillotés, les lava dans cette fontaine. Il reste encore quelques ruines des murs et des maisons d'Éleuthère ; on voit par là que la ville était un peu au-dessus de la plaine, au bas du mont Cithæron.

CHAPITRE XXXIX.

Le Puits Anthius. Méganire. Tombeaux des Argiens. Cercyon. Rois des Mégaréens.

En prenant la route qui conduit d'Éleusis à Mégare, vous trouvez d'abord le puits Anthius. Pamphus dit dans ses vers que Cérès (Déméter), après l'enlèvement de sa fille, se métamorphosa en vieille femme, et s'assit sur ce puits ; les filles de Céléus la prenant pour une Argienne, l'emmenèrent de là chez Méganire leur mère, qui lui donna son fils à élever.[433] Un peu plus loin est le temple de Méganire, et ensuite les tombeaux de ceux qui furent tués devant Thèbes. Créon, qui gouvernait alors comme tuteur de Laodamas, fils d'Étéocle, n'ayant pas voulu permettre à leurs proches d'enlever ces corps pour leur donner la sépulture, Adraste implora le secours de Thésée ; un combat s'étant livré entre les Béotiens et les Athéniens, Thésée remporta la victoire, et apporta les corps de ces héros à Éleusis où il les fit enterrer. Les Thébains disent que ces corps furent enlevés de leur consentement, et qu'il n'y eut point de combat. Le tombeau d'Alopé vient après celui des Argiens. On dit qu'après avoir donné le jour à Hippothoon, qu'elle avait eu de Neptune (Poséidon), elle fut tuée vers cet endroit par Cercyon son père. On ajoute que Cercyon était en général très cruel envers les étrangers, même ceux qui ne voulaient pas lutter avec lui, et l'on montre encore à peu de distance du tombeau de sa fille, un endroit nommé la palestre de Cercyon. Il avait tué, dit-on, tous ceux qui s'étaient mesurés avec lui, mais Thésée le vainquit, plutôt par adresse qu'autrement. Ce héros est en effet le premier qui ait réduit la lutte en art et il y en a toujours eu des écoles depuis lui. Avant ce temps-là, les lutteurs ne faisaient usage que de leur force et de l'avantage que leur taille pouvait leur donner. Voilà, suivant moi, ce qu'on montre et ce qu'on raconte de plus remarquable à Athènes. J'ai eu soin, dès le commencement de cet ouvrage, de choisir parmi un grand nombre d'objets, ceux qui méritaient de trouver place dans cette description.

La Mégaride, qui est aussi limitrophe d'Éleusis, appartenait elle-même anciennement aux Athéniens. Pylas,[434] qui en était roi, l'ayant laissée à Pandion. J'en citerai pour preuve le tombeau de Pandion qu'on voit dans la Mégaride, et la convention par laquelle Nisus céda le trône d'Athènes à Égée, l'aîné de toute la famille, et fut lui-même nommé roi de Mégare, et de tout le pays jusqu'à la Corinthie ; c'est de lui que le port des Mégaréens a pris le nom de Nisée, qu'il porte encore maintenant. Dans la suite des temps, les Péloponnésiens, qui, après leur expédition contre l'Attique, sous le règne de Codrus,[435] retournaient dans leur pays sans avoir rien fait de remarquable, prirent Mégare qu'ils donnèrent à ceux des Corinthiens et de leurs autres alliés qui voulurent s'y établir. Les Mégaréens changèrent alors de coutumes et de langage, et devinrent Doriens. Ils disent que Car, fils de Phoronée,[436] était roi du pays lorsque leur ville prit le nom de Mégare, et lorsqu'on y bâtit pour la première fois des temples de Cérès (Déméter), qui furent nommés Mégara. Les Béotiens de leur côté, racontent que Mégaréus, fils de Neptune (Poséidon), qui demeurait à Oncheste, étant venu avec une armée de Béotiens au secours de Nisus, alors en guerre avec Minos, fut tué dans le combat et enterré dans la ville qui prit son nom au lieu de celui de Nisa qu'elle portait auparavant. Les Mégaréens ajoutent que, douze générations après Car,[437] fils de Phoronée, Lélex venu de l'Égypte fut roi du pays, et que les habitants prirent sous son règne le nom de Léléges. Cléson, fils de Lélex, fut père de Pylas ; Sciron, fils de ce dernier épousa la fille de Pandion, après la mort duquel il disputa la couronne à Nisus, son fils. Ils prirent pour juge Éaque, qui donna la couronne à Nisus et à ses descendants, et le commandement des armées à Sciron. Ils disent enfin, que Mégaréus, fils de Neptune (Poséidon), ayant épousé Iphinoé, fille de Nisus, monta sur le trône après lui, mais ils ne veulent convenir, ni de la guerre avec les Crétois, ni de la prise de leur ville sous le règne de Nisus.

CHAPITRE XL.

Nymphes Sithnides. Géranie. Diane (Artémis) Soteira. Jupiter (Zeus) Olympien. Temples.

Il y a dans la ville de Mégare une fontaine construite par Théagène, qui avait marié sa fille à Cylon Athénien, ainsi qu'on l'a vu plus haut. Ce Théagène, étant tyran de Mégare, fit bâtir cette fontaine que sa grandeur, ses ornements et le nombre de colonnes dont elle est décorée, rendent digne de remarque. L'eau qui y coule porte le nom des Nymphes Sithnides, qui sont des Nymphes du pays, selon les Mégaréens ; ils ajoutent que la fille d'une de ces Nymphes eut de Jupiter (Zeus) un fils nommé Mégaréus, qui échappa au déluge de Deucalion, en se réfugiant sur le sommet de la Géranie. Cette montagne ne portait pas encore ce nom, mais Mégaréus s'étant jeté à la nage, fut dirigé vers ce sommet par le cri d'une bande de grues qui volaient ; c'est pour cela qu'il donna à la montagne le nom de Géranie (de Géranos, grue). A peu de distance de cette fontaine est un ancien temple, où l'on voyait de mon temps les statues des empereurs Romains, et une statue en bronze de Diane (Artémis) Soteira. Les Mégaréens disent qu'un détachement de l'armée de Mardonius ayant ravagé la Mégaride, voulut retourner à Thèbes, où était ce général ; mais, tandis que ces troupes étaient en route, Diane (Artémis), faisant survenir la nuit, les égara et les conduisit dans les montagnes du pays. Les barbares, croyant voir une armée ennemie devant eux, firent une décharge générale de leurs traits, le rocher contre lequel ils tiraient rendant un son qui ressemblait à des gémissements, ils tirèrent avec encore plus d'ardeur, et continuèrent toujours, se croyant en présence de l'ennemi, jusqu'à ce que tous leurs traits fussent épuisés. Le jour parut, les Mégaréens survinrent, armés de toutes pièces contre des troupes légères et dépourvues de traits, ils en exterminèrent la plus grande partie, et en mémoire de cet événement érigèrent une statue à Diane (Artémis) Soteira.

On voit dans le même temple les statues des douze grands dieux qui passent pour un ouvrage de Praxitèle, à l'exception de Diane (Artémis), qui a été faite par Strongylion.[438] De là vous entrez dans l'enceinte dédiée à Jupiter (Zeus) Olympien, dont le temple mérite d'être vu. La statue du dieu n'a pas été achevée à cause de la guerre du Péloponnèse : pas une année ne se passa durant cette guerre, sans que les Athéniens ne ravageassent la Mégaride par terre ou par mer ; aussi réduisirent-ils l'état et les particuliers à la plus grande misère. La tête de cette statue est en ivoire, et le reste du corps en plâtre et en terre. Les Mégaréens disent qu'elle est de Théocosmus,[439] sculpteur du pays, qui fut aidé par Phidias. Au-dessus de la tête du dieu sont les Saisons et les Parques ; tout le monde sait en effet que Jupiter (Zeus) est le seul à qui les destinées obéissent,[440] et qu'il règle l'ordre des saisons. On voit dans le fond du temple quelques pièces de bois à moitié travaillées, que Théocosmus devait revêtir d'or et d'ivoire pour achever la statue. On y voit aussi un éperon de trirème en bronze, les Mégaréens prirent, à ce qu'ils disent, cette trirème aux Athéniens dans un combat naval vers Salamine. Les Athéniens avouent qu'ils ont abandonné pendant quelques temps cette île aux Mégaréens, mais dans la suite une élégie, composée par Solon, leur rendit le courage. Ils reprirent donc les armes pour la revendiquer, et s'en emparèrent après avoir vaincu les Mégaréens. Ceux-ci de leur côté disent que quelques exilés de Mégare, nommés les Dorycléens, vinrent trouver à Salamine ceux qui s'étaient partagés le territoire, et livrèrent par trahison l'île aux Athéniens. Au sortir de l'enceinte consacrée à Jupiter (Zeus), en montant à la citadelle qui conserve encore le nom de Carie qu'elle a pris de Car, fils de Phoronée, vous trouvez le temple de Bacchus (Dionysos) Nyctelius,[441] celui de Vénus (Aphrodite) Epistrophia,[442] l'oracle de la Nuit et le temple de Jupiter (Zeus) Conius qui n'a point de toit[443] ; la statue d'Esculape et celle d'Hygiée, qui sont dans le même endroit, ont été faites par Bryaxis[444] ; vous y voyez aussi un temple de Cérès (Déméter), nommé le Mégaron, que Car fit, dit-on, construire pendant qu'il régnait à Mégare.

CHAPITRE XLI.

Monuments d'Alcmène et d'Hyllus. Alcathus. Lion du Cithæron. Amazones. Térée.

Quand vous descendez de la citadelle par le côté exposé au nord, vous trouvez le tombeau d'Alcmène qui est auprès de l'Olympiéum. On dit en effet, que, se rendant d'Argos à Thèbes, elle mourut sur la route dans le pays de Mégare : il s'éleva alors une dispute entre les Héraclides, les uns voulant retourner à Argos pour y porter son corps, et les autres, sous prétexte que les tombeaux d'Amphitryon, et des enfants d'Hercule et de Mégare étaient à Thèbes, prétendant qu'Alcmène devait être enterrée dans cette ville. L'oracle de Delphes, qu'ils consultèrent, répondit que le meilleur parti pour eux était d'enterrer Alcmène à Mégare. De là l'exégète du pays me conduisit à un endroit nommé Rhoos (le courant d'eau), lieu par lequel, me disait-il, coulait jadis l'eau qui venait des montagnes. Théagène, alors tyran de Mégare, la détourna pour la faire passer ailleurs, et bâtit sur le terrain qu'elle avait arrosé un autel à l'Achélus. Le tombeau d'Hyllus, fils d'Hercule est près de cet autel. Il fut tué en un combat singulier par Echémus, fils d'Aéropus, Arcadien, dont je parlerai dans un autre endroit, et fut aussi enterré à Mégare : il est vraisemblable que l'expédition où il périt, fut celle des Héraclides contre le Péloponnèse qui se fit sous le règne d'Oreste.[445] Le temple d'Isis et celui d'Apollon et de Diane (Artémis) sont à peu de distance du tombeau d'Hyllus. Le dernier de ces deux temples est l'ouvrage d'Alcathus, qui l'érigea, dit-on, après avoir tué le lion du mont Cithæron. Ce lion, suivant les Mégaréens, avait donné la mort à plusieurs personnes, entre autres à Evippus, fils de Mégaréus leur roi. Précédemment, Timalcus, fils aîné de ce prince, était tombé sous les coups de Thésée, au siège d'Aphidna,[446] où il était allé avec les Dioscures. Mégaréus ayant promis la main de sa fille et son trône après sa mort au vainqueur de ce lion, Alcathus, fils de Pélops, tenta l'entreprise ; il tua le monstre, et devenu roi, bâtit ce temple à Apollon et à Diane (Artémis), qu'il surnomma Agréus et Agrotera.[447] Voilà le récit des Mégaréens, et je voudrais bien être d'accord avec eux, mais cela n'est guère possible. Qu'Alcathus ait tué un lion sur le mont Cithæron soit ; mais a-t-on jamais lu nulle part que Timalcus[448] se soit trouvé au siège d'Aphidna avec les Dioscures? Cela fût-il vrai, comment croira-t-on qu'il y ait été tué par Thésée, lorsque Alcman,[449] qui, dans son hymne sur les Dioscures, dit qu'ils prirent Aphidne et emmenèrent captive la mère de Thésée, convient lui-même que ce héros était absent. Pindare, conformément à cette tradition, raconte que Thésée voulut épouser la sœur des Dioscures,[450] avant de partir pour le mariage de Pirithoüs, dont j'ai déjà parlé. Il est évident que l'inventeur de cette histoire a beaucoup compté sur la stupidité des Mégaréens ; car Thésée était lui-même arrière petit-fils de Pélops.[451] Mais les Mégaréens savent bien la vérité ; ils la cachent, ne voulant pas convenir que leur ville ait été prise sous le règne de Nisus, et ils disent que ce prince eut pour successeur Mégaréus son gendre, après lequel Alcathus régna. Il paraît que Nisus étant mort, et les Mégaréens se trouvant dans une très mauvaise situation, Alcathus, qui vint de l'Élide dans ces entrefaites, fut nommé roi. Ce qui le prouve, c'est qu'il fit rebâtir les murs de la ville, dont les Crétois avaient démoli l'ancienne enceinte. Mais en voilà bien assez sur Alcathus, sur le lion tué par lui au mont Cithæron ou ailleurs ; et sur le temple de Diane (Artémis) Agrotera et d'Apollon Agréus. En descendant de ce temple, on trouve le monument héroïque de Pandion : quant à son tombeau, j'ai déjà dit qu'il est sur le rocher de Minerve (Athéna) Æthyia. On lui rend aussi des honneurs à Mégare. Le tombeau de l'Amazone Hippolyte est voisin du monument de Pandion. Les Mégaréens disent que les Amazones étant venues attaquer les Athéniens pour se venger de l'enlèvement d'Antiope, furent vaincues par Thésée et que la plupart d'entre elles perdirent la vie dans le combat. Hippolyte, sœur d'Antiope et qui commandait cette expédition, se réfugia avec un petit nombre de femmes à Mégare : là, le chagrin du revers qu'elle venait d'éprouver et l'inquiétude de savoir comment elle retournerait à Thémiscyre, la jetèrent dans le découragement et la conduisirent à la mort. Elle fut enterrée dans cet endroit et son tombeau a la forme d'un bouclier d'Amazone.[452] Celui de Térée en est peu éloigné. Il avait épousé comme on sait, Progné, fille de Pandion. Il régnait, disent les Mégaréens, sur le canton de la Mégaride nommé Pagæ (les fontaines) ; mais je crois qu'il était roi de Daulis[453] au-dessus de Chéronée, où subsistent encore des traces de son séjour. Les barbares occupaient en effet anciennement la plus grande partie de la Grèce actuelle. Les attentats de Térée sur Philomèle, sœur de Progné, sont connus ; ces deux femmes, ayant fait mourir Itys, échappèrent à Térée, qui se tua de sa propre main à Mégare. Les Mégaréens lui érigèrent alors un tombeau en terre, et ils lui offrent tous les ans un sacrifice où de petits cailloux leur tiennent lieu de farine d'orge. L'oiseau nommé Huppe, parut, disent-ils, pour la première fois dans cet endroit. Les deux femmes s'étant rendues à Athènes, y moururent à force de pleurer l'injure qui leur avait été faite, et la vengeance qu'elles en avaient tirée. Le bruit se répandit qu'elles avaient été changées l'une en rossignol, et l'autre en hirondelle, sans doute parce que le chant de ces oiseaux a, je ne sais quoi de triste et de plaintif.

CHAPITRE XLII.

Citadelle d'Alcathus. Memnon. Temples. Bois d'ébène. Monument héroïque d'Ino.

Les Mégaréens ont une autre citadelle qui porte le nom d'Alcathus. En y montant vous voyez à droite le tombeau de Mégaréus, qui leur amena d'Oncheste[454] des secours contre les Crétois. On vous montrera le foyer sacré des Dieux Prodromes,[455] et vous entendrez dire qu'Alcathus leur sacrifia la première fois, lorsqu'il voulut entreprendre de bâtir les murs de la ville. Il y a auprès de ce foyer une pierre sur laquelle, dit-on, Apollon posa sa lyre, pour aider Alcathus à bâtir ces murs. Il paraît qu'Alcathus envoya sa fille Péribée avec Thésée, comme une portion du tribut que les Athéniens payaient aux Crétois ; nouvelle preuve que Mégare dépendait autrefois de l'Attique. Je viens de dire d'après les Mégaréens, qu'Apollon avait posé sa lyre sur une pierre pour aider Alcathus à bâtir les murs de la ville ; s'il vous arrive de frapper cette pierre avec un petit caillou, elle rend le même son qu'une lyre. Cela est surprenant sans doute, mais beaucoup moins que ce que j'ai vu à Thèbes en Égypte ; de l'autre côté du Nil, près du lieu nommé les Syringes, est une statue colossale assise, qui représente le soleil, quoiqu'on lui donne généralement le nom de Memnon,[456] qui étant, dit-on, parti de l'Éthiopie avec une armée, traversa l'Egypte et s'avança jusqu'à Suses. Mais les Thébains ne veulent pas que cette statue soit Memnon, et ils y voient Phaménophis, Égyptien. J'ai aussi entendu dire qu'elle représente Sésostris.[457] Cambyse l'ayant fait briser, la moitié supérieure du corps est étendue à terre ; l'autre moitié est restée en place et rend chaque jour au lever du soleil un son[458] que je ne puis mieux comparer qu'à celui d'une corde de cithare ou de lyre qui se rompt. Les Mégaréens assurent que leur sénat était jadis le tombeau de Timalcus ; je viens de dire que ce Timalcus n'avait pas été tué par Thésée. On a érigé au sommet de la citadelle, un temple à Minerve (Athéna), la statue de la déesse est dorée à l'exception des pieds, des mains et du visage qui sont en ivoire. Elle a dans le même endroit deux autres temples, l'un sous le nom de Minerve (Athéna) Nicé (Victoire), l'autre sous celui de Minerve (Athéna) Æantide. Les exégètes de Mégare ne disant rien de ce dernier temple, voici mes conjectures sur son origine. Télamon, fils d'Éaque avait épousé Péribée, fille d'Alcathus ; je pense donc qu'Ajax ayant succédé à son grand père, érigea cette statue de Minerve (Athéna). Le temple d'Apollon était anciennement en briques : l'empereur Hadrien l'a fait rebâtir en marbre blanc. Il renferme les statues d'Apollon Pythien,[459] d'Apollon Décatéphore[460] et d'Apollon Archégète.[461] Les deux premières ressemblent beaucoup aux statues égyptiennes faites en bois. Celle d'Apollon Archégète est absolument dans le style Éginète[462] ; elles sont toutes trois en ébène. Je tiens d'un Cyprien qui possédait la connaissance des plantes employées en médecine, que l'ébène n'a ni feuilles ni fruit,[463] et ne voit jamais le soleil. Ce n'est autre chose que des racines que les Éthiopiens tirent de la terre, et ils ont des gens qui savent découvrir les endroits où elles sont. Il y a aussi sur la citadelle un temple de Cérès (Déméter) Thesmophore.[464] En descendant de là vous trouvez le tombeau de Callipolis, second fils d'Alcathus. Échépolus, l'aîné, avait été envoyé par son père à Méléagre, pour la chasse du sanglier de l'Étolie. Il y fut tué, et Callipolis qui avait appris sa mort le premier, ayant couru à la citadelle, fit tomber le bois de l'autel sur lequel brûlait la victime que son père sacrifiait à Apollon. Alcathus qui ne savait pas encore la mort d'Échépolus, regardant cette action comme une impiété, tua Callipolis dans un premier mouvement de colère, en le frappant à la tête avec des morceaux de bois qui étaient tombés de l'autel. Le monument héroïque d'Ino est sur le chemin du Prytanée ; il est entouré d'une balustrade de pierres, et il y a des oliviers dessus. Les Mégaréens disent, ce qui est une tradition inconnue aux autres Grecs, que le corps d'Ino fut jeté par les flots sur les côtes de la Mégaride, et que Cléso et Tauropolis, filles de Cléson, l'ayant trouvé, lui donnèrent la sépulture : ils prétendent lui avoir donné les premiers le nom de Leucothée, et ils lui offrent un sacrifice tous les ans.

CHAPITRE XLIII.

Iphigénie. Adraste. L’Æsymnium. Monument d'Iphinoé. Temples et statues.

Tombeau de Corœbus. Pœné.

Les Mégaréens disent aussi qu'Iphigénie mourut à Mégare, et ils montrent son monument héroïque. Les Arcadiens ont aussi une tradition particulière sur Iphigénie ; et Hésiode dit dans le catalogue des femmes, qu'elle n'est point morte, mais que par la protection de Diane (Artémis) elle est devenue Hécate.[465] Cela se rapporte assez à ce qu'écrit Hérodote que les Taures, peuple voisin de la Scythie, sacrifient ceux qui font naufrage sur leurs côtes à une vierge qui est, suivant eux, Iphigénie, fille d'Agamemnon. Les Mégaréens rendent aussi des honneurs à Adraste, qui mourut, disent-ils, dans leur pays en ramenant son armée après la prise de Thèbes. La vieillesse et le chagrin de la mort d'Aigialéus son fils furent, suivant eux, la cause de sa mort. Ils ont un temple de Diane (Artémis) bâti par Agamemnon lorsqu'il vint à Mégare pour décider Calchas, qui y demeurait, à le suivre au siège de Troie. Ils disent que Ménippe, fils de Mégaréus et Echépolis, fils d'Alcathus, sont enterrés dans le Prytanée de Mégare. Près de ce Prytanée est une pierre nommée Anaclethra ; elle a pris ce nom, s'il faut les en croire, parce que Cérès (Déméter), dans ses voyages pour la recherche de sa fille, l'appela de dessus cette pierre. Les femmes de Mégare célèbrent encore maintenant une fête qui rappelle cette tradition. Il y a dans la ville de Mégare des tombeaux ; savoir, celui des Mégaréens qui périrent dans l'expédition des Mèdes contre la Grèce, et l'Æsymnium, qui est un monument érigé à des héros. Hypérion, fils d'Agamemnon, qui fut le dernier Roi de Mégare, ayant été tué par Sandion à cause de son insolence et de sa cupidité, les Mégaréens ne voulant plus du gouvernement d'un seul, résolurent d'avoir des magistrats électifs, pour commander chacun à leur tour. Aisymnus l'un des principaux de la ville, alla consulter l'oracle de Delphes sur les moyens de faire prospérer sa patrie, le Dieu lui répondit entre autres choses, que les Mégaréens seraient heureux tant qu'ils délibéreraient avec le plus grand nombre. Cet oracle paraissant indiquer les morts, qui sont bien plus nombreux que les vivants, les Mégaréens construisirent leur Sénat dans cet endroit, pour que les tombeaux des héros y fussent renfermés. En allant du Sénat au monument héroïque d'Alcathus, où les Mégaréens conservent maintenant leurs archives, on trouve deux tombeaux : l'un est, dit-on, celui de Pyrgo qu'Alcathus avait eue pour femme, avant d'épouser Evæchmé, fille de Mégaréus ; et l'autre celui d'Iphinoé, fille d'Alcathus, qui mourut sans être mariée. Les filles de Mégare vont, avant de se marier, faire des libations et offrir les prémices de leur chevelure sur le tombeau d'Iphinoé, de même que celles de Délos coupaient jadis leurs cheveux en l'honneur d'Opis et d'Hécærgé.[466] Le tombeau d'Astycratie et de Manto est vers l'entrée du temple de Bacchus (Dionysos). Elles étaient filles de Polyidus, fils de Cœranus, fils d'Abas, fils de Mélampe. Polyidus, étant venu à Mégare pour purifier Alcathus du meurtre de Callipolis son fils, y bâtit un temple à Bacchus (Dionysos), et lui érigea une statue en bois, dont on ne voit maintenant que le visage, le reste étant caché. Le Satyre en marbre de Paros qui est auprès de cette statue a été fait par Praxitèle. On donne à ce Bacchus (Dionysos) le nom de Patroüs, et on honore sous celui de Dasyllius, le Bacchus (Dionysos) dont la statue à été érigée par Euchénor, fils de Cœranus, fils de Polyidus. Après le temple de Dionysos, vient celui de Vénus (Aphrodite) Praxis,[467] sa statue en ivoire est ce qu'il y a de plus ancien dans ce temple ; les autres sont, Pitho (la Persuasion) ; la déesse qu'ils nomment Parégore (consolatrice) ; elles sont toutes deux de Praxitèle : vous y voyez aussi trois statues de Scopas,[468] Éros (l'Amour), Himéros (la Passion), et Pothos (l'Affection) : si toutefois ce n'est pas la même divinité sous trois noms différents. Le temple de la Fortune, est voisin de celui de Vénus (Aphrodite), sa statue est aussi de Praxitèle. Lysippe[469] a fait les Muses et le Jupiter (Zeus) en bronze qui se voient dans le temple voisin. On remarque aussi à Mégare le tombeau de Corœbus,[470] et je vais placer ici ce qu'en disent les poètes, d'accord en cela avec les Argiens. Psamathé, fille de Crotopus, donna le jour à un fils, fruit de son commerce avec Apollon. Mais, craignant le courroux de son père, elle exposa ce fils nouveau-né, que trouvèrent et mirent en pièces les chiens qui gardaient les troupeaux de Crotopus. Apollon, pour se venger, envoya dans la ville d'Argos un monstre nommé Pœné,[471] qui enlevait, dit-on, les petits enfants des bras de leurs mères, ce qui dura jusqu'à ce que Corœbus l'eut tué par bienveillance pour les Argiens. La colère du Dieu s'étant manifestée de nouveau par une maladie pestilentielle, Corœbus se rendit de lui même à Delphes pour lui donner satisfaction du meurtre de Pœné. La Pythie ne lui permit pas de retourner à Argos, mais elle lui ordonna d'emporter un des trépieds sacrés, de s'arrêter à l'endroit où il lui échapperait des mains, d'ériger là un temple à Apollon, et de s'y établir lui-même. Quand il l'eut porté jusqu'au mont Géranium, le trépied, sans qu'il y prît garde, tomba de ses mains : et ce fut en ce lieu que Corœbus fonda un bourg nommé Tripodisques. Son tombeau est sur la place publique de Mégare ; on y lit une inscription en vers élégiaques, qui contient le récit des aventures de Psamathé et de Corœbus. Il est lui-même représenté sur le tombeau, terrassant le monstre, et ces figures sont, à ma connaissance, le plus ancien ouvrage de sculpture en marbre, qu'on ait fait dans la Grèce.

CHAPITRE XLIV.

Orsippus. Temple d'Apollon. Nisée. Pagæ. Monument d'Ægialéus. Ægosthènes. Roche Moluride.

Sciron. Jupiter (Zeus) Aphésius. Tombeau d'Eurysthée.

Le tombeau d'Orsippus[472] est auprès de celui de Corœbus. Cet Orsippus, contre l'usage ancien des Athlètes, qui portaient toujours une ceinture dans les jeux publics, gagna tout nu le prix de la course aux jeux Olympiques. On raconte que dans la suite étant devenu général des Mégaréens, il augmenta leur territoire aux dépends de leurs voisins. Je crois qu'il laissa volontairement tomber sa ceinture, sachant bien qu'il était plus facile de courir entièrement nu, qu'avec une ceinture. En descendant de la citadelle par le chemin nommé la rue droite, vous trouvez le temple d'Apollon Prostaterius[473] : il est à droite de la rue quand vous vous détournez un peu. La statue d'Apollon mérite d'être vue. Vous y apercevez aussi une Diane (Artémis), une Latone et d'autres statues, ainsi qu'un groupe représentant Latone et ses enfants, ouvrage de Praxitèle. Dans l'ancien Gymnase, près des portes Nymphades, est une petite pierre taillée en Pyramide ; et nommée Apollon Carinus.[474] Il y a dans le même endroit un temple des Ilithyes. C'est là tout ce que la ville offre de curieux.

En descendant dans le port qui conserve encore aujourd'hui le nom de Nisée, vous trouvez le temple de Cérès (Déméter) Malophore,[475] qui fut nommée ainsi par ceux qui élevèrent les premiers des troupeaux dans le pays. On donne encore d'autres raisons de ce surnom. Le toit du temple est tombé, probablement de vétusté. Dans le même lieu s'élève une citadelle qui porte aussi le nom de Nisée ; en descendant de cette citadelle, vous apercevez près de la mer le tombeau de Lélex qui, suivant les Mégaréens, était fils de Neptune (Poséidon), et de Libye, fille d'Épaphus, et vint de l'Égypte dans la Mégaride, dont il fut roi. Devant Nisée est une petite île où les vaisseaux Crétois restèrent mouillés, pendant que Minos faisait la guerre à Nisus.

La Mégaride est séparée de la Béotie par des montagnes dans lesquelles sont situées Pagæ et Ægosthènes,[476] villes qui appartiennent aux Mégaréens. On voit en allant à Pagæ, à peu de distance de la route, un rocher tout criblé des flèches tirées par les Mèdes pendant la nuit. Il ne reste de remarquable à Pagæ, que la statue en bronze de Diane (Artémis) Soteira, qui est de la même grandeur et de la même forme que celle de Mégare, et le monument héroïque d'Ægialéus, fils d'Adraste. Il fut tué dans le premier combat qui se livra vers Glisante,[477] lorsque les Argiens allèrent pour la seconde fois assiéger Thèbes. Ses parents apportèrent son corps à Pagæ dans la Mégaride, l'y enterrèrent, et son monument porte encore le nom d'Ægialéum. A Ægosthènes se voit le temple de Mélampe, fils d'Amythaon, et dans ce temple un homme de petite stature sculpté sur un cippe, (qui est Mélampe lui-même). Des sacrifices lui sont offerts, et chaque année, une fête est célébrée en son honneur. On ne dit cependant pas qu'il prédise l'avenir ni par songes, ni autrement. Voici une autre tradition que j'ai recueillie à Érénie, bourg de la Mégaride. Les gens du pays disent qu'Autonoé,[478] fille de Cadmus, inconsolable de la mort d'Actéon, et de tous les malheurs qui avaient affligé la maison de son père, abandonna Thèbes et se retira dans ce bourg où elle mourut, et où se voit encore son tombeau. La route de Mégare à Corinthe est bordée de plusieurs autres tombeaux. Le premier est celui de Téléphane de Samos, joueur de flûte ; il lui fut érigé, dit-on, par Cléopâtre, fille de Philippe, fils d'Amyntas. Celui de Car, fils de Phoronée n'était d'abord, qu'un monceau de terre, mais dans la suite, il fut revêtu de marbre à coquille, d'après les ordres de l'oracle. Ce marbre est très blanc, plus tendre que le marbre ordinaire, et tout rempli de coquilles de mer.[479] La Mégaride est le seul pays de la Grèce où il se trouve, et on l'emploie à beaucoup d'usages dans la ville de Mégare. Sciron étant Polémarque des Mégaréens, rendit le premier praticable aux gens de pied, la route qui porte encore son nom. L'empereur Hadrien l'a fait élargir et arranger, de sorte que deux chars peuvent y passer l'un à côté de l'autre. Vers l'endroit où le chemin est le plus étroit, s'élèvent des roches, célèbres par diverses traditions. Ce fut, dit-on, de la roche Moluride qu'Ino se jeta dans la mer avec Mélicerte le plus jeune de ses fils, quand l'aîné nommé Léarque eut été tué par Athamas.[480] Les uns disent qu'il se porta à cette action, dans un accès de démence : suivant d'autres, il était furieux contre Ino et contre les enfants qu'il avait eus d'elle, depuis qu'il savait que la famine d'Orchomène et la mort de Phrixus, qu'il croyait réelle, ne devaient point être attribuées aux Dieux, mais que tout ces malheurs provenaient des machinations d'Ino, belle mère de Phrixus. Celle-ci prit alors la fuite, et se précipita dans la mer avec son fils du haut de la roche Moluride. Le corps de l'enfant ayant été, dit-on, porté par un Dauphin vers l'Isthme de Corinthe, il obtint sous le nom de Palæmon, différents honneurs, parmi lesquels il faut compter l'institution des jeux Isthmiques. Les Mégaréens ont consacré la roche Moluride à Leucothée et à Palæmon. Les roches qui suivent sont en horreur, parce que Sciron, qui en était voisin, précipitait du haut de ces roches dans la mer, tous les étrangers qu'il rencontrait ; et une tortue qui se tenait dans les flots au bas de cet endroit, les enlevait. La mer produit en effet des tortues qui ne diffèrent de celles de terre que par la grandeur, et par la forme des pieds qui sont faits comme ceux des Phoques. Sciron subit la loi du talion, car Thésée le précipita lui-même dans la mer au même endroit. Le temple de Jupiter (Zeus) Aphésius[481] est sur le sommet de la montagne. On dit que la Grèce étant affligée d'une grande sécheresse, Éaque, d'après un certain oracle, offrit un sacrifice à Jupiter (Zeus) Panhellénien qu'on adorait à Égine. *** Et c'est par cette raison que Jupiter (Zeus) fut surnommé Aphésius. Vénus (Aphrodite), Apollon et Pan ont aussi chacun une statue sur cette montagne. En avançant un peu, vous trouvez le tombeau d'Eurysthée,[482] et les gens du pays disent que ce prince, ayant été vaincu dans l'Attique par les Héraclides, fut poursuivi par Iolaüs,[483] qui le tua en cet endroit. En continuant à descendre par ce chemin, vous voyez le temple d'Apollon Latoüs, et ensuite les limites entre la Mégaride et le pays de Corinthe. Ce lieu est désigné comme celui du combat singulier qui eut lieu entre Hyllus et Echémus Arcadien.

 

 

FIN DU PREMIER LIVRE

 


 

[1] Les Cyclades. Ce sont plusieurs îles de la mer Egée, u de l’Archipel’ on les appelle ainsi, parce qu’elles forment une espèce de cercle autour de l’île de Délos, du mot grec VOC, circulus, cercle.

[2] La mer Egée, où, comme on l’appelle aujourd’hui, l’Archipel. C’est proprement un grand golfe de mer Méditerranée.

[3] Le promontoire de Sunium. Il faut observer que Pausanias était à Rome quand il écrivait ceci; il suppose que pour aller à Athènes, on s'embarque dans quelque port d'Italie, & que l’on va du Midi au Nord; car si l'on passait de Constantinople· ou du côté du Nord, on ne trouverait plus le Promontoire de Sunium a l'entrée de l’Attique. On appelle à présent ce Promontoire le cap Colonne parce qu'il reste du Temple de Minerve, dix-neuf colonnes qui sont encore debout.

[4] Minerve Suniade. Cette Minerve était ainsi nommée à cause du Promontoire de Sunium où elle avait son temple.

[5] Aujourd'hui Guiaronisa, ou l’île des ânes elle est à une lieue & demie du Cap Colonne : Weler dit qu'il y croît beaucoup d'ébène ; c'est pourquoi on l’appelle aussi Ebanonisi.

[6] Lisez : le fils de celui qui était fils de Lagus. Pausanias démentirait la chronologie de l’histoire, car ce n’est pas sous Ptolémée Soter qu’est arrivé l’événement dont il parle mais sous Ptolémée Philadelphe comme il le dira bientôt. L’omission de ce double article est une faute de copiste, qui a passé dans le texte, comme une infinité d’autres.

[7] Le Pirée, etc. Les Grecs d'aujourd'hui l'appellent Porte·Draconi, & les Francs Porte Lione, à cause d'un beau lion de marbre qui est placé dans le fond de la baie, & qui jetait autrefois de l’eau par la gueule.

[8] Les Grecs entendaient ces divers canton de l’Attique qui avaient chacun leurs bourgs ou villages, même leurs temples, leurs dieux, leurs magistrats et leurs lois avant que Thésée les eût engagés à se réunir pour la plupart dans Athènes; car c’est ainsi qu’il accrut et qu’il peupla cette ville, qui devint ensuite une des plus florissantes villes du monde.

[9] On le nomme aujourd'hui tout simplement Porto.

[10] L'auteur s'expliquera lui-même dans la suite.

[11] De Magnésie, &c. Il y a eu plusieurs villes de ce nom,: celle dont il est ici parlé était en Asie, et fut donnée par don à Thémistocle par Artaxerxès. Ce que Pausanias dit de Thémistocle s’accorde parfaitement avec ce qu’en dit Cornélius Népos après Thucydide.

[12] Dans le Parthénon; c’est-à-dire, dans le temple de la Vierge ou de Minerve. Les Athéniens, pour dire Minerve, disaient simplement et par excellence la Vierge.

[13] Arcésilas. Il y a eu deux anciens peintres de ce nom et un statuaire; celui dont il s’agit ici était de Paros, et vivait à peu près dans le même temps que Polygnote, vers la quatre vingt dixième olympiade: c’est au rapport de Pline, un des plus anciens peintres qui aient peint sur la cire et sur l’émail.

[14] Léocharès. Ce statuaire, contemporain et rival de Sopas, vivait en la centième olympiade; il fut un des quatre excellents sculpteurs qui travaillèrent à ce superbe tombeau de Mausole, roi de Carie, que l’on a regardé comme une des sept merveilles du monde

[15] Conon Athénien, fut un des plus grands capitaines de son temps; ii se rendit extrêmement utile à sa patrie durant la guerre du Péloponnèse. Voyez sa vie dans Cornélius Népos.

[16] Dans la Chersonnèse de la Carie. Chersonnèse, mot grec qui signifie une péninsule. La Carie était dans l’Asie mineure ;. ses principales villes étaient Milet, Myndes, Halicarnasse. Ce pays fait aujourd’hui partie de la Natolie.

[17] Vénus Doritis, ou de Vénus Doris, comme Tatien l’appelle. Cicéron, au troisième livre de la nature des Dieux, distingue quatre Vénus sans faire mention de celle-ci.

[18] Vénus Acrée, en grec signifie un cap, un promontoire : ainsi Vénus Acrée était la Vénus du promontoire.

[19] Euplée, surnom formé de deux mots grecs: c’est comme qui dirait Vénus d’heureuse navigation.

[20] De Minerve Sciras. Ce temple avait été bâti par un certain Scirus, qui était un prophète de Dodone et dont il avait pris sa dénomination.

[21] Aux dieux inconnus. Dans les Actes des apôtres, chap. 17, S. Paul parlant aux Athéniens, leur dit qu’il avait vu chez eux un autel dédié ignoto deo, au dieu inconnu. Lucien, S. Jean Chrysostôme, Théophylacte et plusieurs autres font aussi mention de ce dieu inconnu, qui était honoré à Athènes. Quelques-uns même nous apprennent la raison pourquoi on lui avait érigé un autel. Cependant S. Jérôme, dans son commentaire sur l’épître à Tite, chap. 1, prétend que S Paul n’a pas rapporté plus fidèlement l’inscription dont il s’agit, que quelques vers grecs qu’il cite par fois dans ses épîtres. Suivant ce père, l’inscription dont parle S. Paul était conçue en ces termes : aux dieux de l’Europe, de l’Asie et de l’Afrique, à tous le dieux inconnus et étrangers. Pour moi, par respect pour le témoignage de l’apôtre, j’aime mieux croire qu’il y avait à Athènes un autel consacré ignoto cleo, au dieu inconnu; ce qui n’empêche pas que les Athéniens n’eussent aussi des autels dédiés en général aux deux inconnus, comme Pausanias, témoin oculaire, Philostrate et Suidas nous apprennent qu’ils en avaient. Au reste, le fondement de cette dédicace n’était autre que la superstition de ces peuples, qui, après avoir reçu toutes sortes de divinités étrangères, craignant d’en avoir oublié quelqu’une qui se venge là de cet oubli, voulurent les comprendre toutes sous cette inscription aux dieux inconnus.

[22] Génétyllides. Ces divinités présidaient à la génération; d’autres disent aux accouchements. C’étaient des génies de la suite de Vénus; selon les uns, ou de la suite de Diane, selon les autres, dit Suidas.

[23] Le traducteur latin de Pausanias n’a pas entendu cet endroit. L’auteur, comme Kuhnius l’a remarqué, a seulement voulu dire que si les Perses ont brûlé ce temple de Junon, du moins ils n’ont pu toucher à sa statue, au cas qu’elle fut d’Alcamène. La raison en est claire : Alcamène Athénien, disciple de Phidias, et peu inférieur à sou maître, florissait en la quatre vingt troisième olympiade, selon Pline: Mardonius, gendre de Darius et son lieutenant-général, ravagea l’Attique en la soixante quatorzième ainsi cette statue de Junon n’avait pu être mise dans le temple de la déesse qu’après la mort de Mardonius, qui fut tué au combat de Platée en la soixante-quinzième olympiade.

[24] Thémyscire sur le Thermodon. C’était une ville de cette partie de la Cappadoce que l’on croit avoir été le pays des amazones.

[25] La tyrannie des trente. Les Lacédémoniens, aidés du roi de Perse, s’étant rendus maîtres d’Athènes, furent sur le point de la détruire; cependant ils se contentèrent d’en changer la forme du gouvernement: ils créèrent trente administrateurs qui devinrent les tyrans de leurs concitoyens, ils exercèrent toute sorte de cruautés dans Athènes, jusqu’à ce qu’enfin Thrasybule, par une action de courage sans exemple, chassa ces trente petits tyrans, et fut le libérateur de sa patrie.

[26] Ménandre et Euripide. Ménandre, athénien, le plus grand poète comique qu’il y ait eu en Grèce, florissait en la cent quinzième olympiade; il avait composé cent cinq comédies, dont il ne nous reste plus que quelques fragments. Depuis cette perte nous ne sommes plus en état de juger par nous-mêmes de l’excellence du théâtre grec; nous ne pouvons que nous en rapporter aux Romains, qui le mettaient infiniment au-dessus du leur. Euripide, poète tragique, contemporain de Sophocle et son égal, vivait quelques 350 ans avant l’ère chrétienne: de quatre-vingt douze tragédies qu’il avait faites, il ne nous en reste que dix-neuf.

[27] Quelques auteurs rapportent qu’Euripide, qui était venu la cour du roi Archélaüs, fut, après la mort du prince, déchiré par les chiens d’un de ses officiers qui haïssait mortellement le poète. D’autres disent qu’Euripide fut mis en pièces par des femmes qui voulaient venger l’honneur de leur sexe dont il avait toujours mal parlé. Pausanias semble ne pas ajouter grande foi à ces auteurs.

[28] Anacréon de Téos, ville d’Ionie, a été le plus agréable poète lyrique de toute l’antiquité: on en peut juger par se ouvrages, qui sont pleins de la simplicité la plus aimable et la plus ingénieuse.

[29] Hiéron, tyran de Syracuse. Le anciens donnaient le nom de tyran à quiconque, dans un gouvernement populaire, avait usurpé la souveraine autorité; c’est en ce sens qu’il faut ordinairement prendre le mot de tyran dans les anciens auteurs.

[30] Eschyle et Simonide, &c. Eschyle est le plus ancien poète tragique que nous ayons. Simonide était un poète élégiaque dont le caractère était d’être touchant.

[31] Phyloxène. Il était de Cythère, et avait composé beaucoup de poésies lyriques dont il n’est rien resté ; il aima mieux être condamné à tirer des pierres d’une carrière, que d’approuver de mauvais vers que le jeune Denys, tyran de Syracuse, avait faits.

[32] Antagoras de Rhodes. Quelques grammairiens ont écrit qu’il avait fait une Thébaïde.

[33] Aratus de Soles, ville de Cilicie, vivait du temps de Ptolémée Philadelphe; nous avons de lui un ouvrage d’astronomie en vers, intitulé les Phénomènes, que Cicéron n’avait pas dédaigné de traduire en vers latins.

[34] Voila comment on a pensé et parlé d’Homère dans tous les siècles on peut bien dire de ce grand poète ce qu’Horace disait de lui-même, usque eo posteria crescam laude recens.

[35] Véritablement les poètes alors étaient aussi des musiciens, et chantaient leurs poésies sur la lyre : mais ce qui est bien plus digne de remarque, c’est qu’alors le poète et le musicien faisaient profession de porter les hommes à la vertu. Aussi Egisthe ne corrompit Clytemnestre qu’après lui avoir ôté son poète, qu’il envoya dans une île déserte pour l’y faire périr, comme le raconte Homère dans l’Odyssée, liv. 5.

[36] Praxitèle. Ce statuaire a été un des plus excellents que la Grèce ait eu: il florissait en la cent quatrième olympiade. Jamais sculpteur n’a si bien su manier et animer le marbre : la Vénus de Gnide passait pour son chef-d’œuvre; mais lui il faisait plus de cas de son Cupidon, que la courtisane Phryné trouva le moyen de lui escamoter.

[37] C’était la fête de Minerve, et de toutes les fêtes celle que les Athéniens célébraient avec le plus de pompe et de magnificence. Il y avait les grandes et les petites panathénées; les petites venaient tous les ans, les grandes tous les cinq ans. Avant que Thésée eût rassemblé les divers peuples de l’Attique dans Athènes, on disait simplement les Anathénées. Depuis la réunion, pour marquer l’intelligence qui devait régner parmi ces peuples, on appela cette fête les Panathénées Meursius en a fait un traité fort savant, que l’on peut consulter.

[38] Polyclète était de Sicyone, selon Pline, ou d’Argos, selon d’autres ; il eut pour maître Agéladès; ainsi il était du temps de Scopas et de plusieurs autres grands statuaires qui parurent vers la cent septième olympiade. Le chef-d’œuvre de ce grand maître fut son Doryphore, qui représentait un jeune satellite, fort nerveux et bien musclé.

[39] L’auteur est ici fort concis parce qu’il parle d’une chose connue de son temps, mais fort inconnue aujourd’hui. Apollodore qui raconte cette aventure de Neptune, m’a servi à expliquer le sens de Pausanias.

[40] Jusqu’au Céramique, C’était un quartier de la ville dont il sera bientôt parlé.

[41] L’interprète latin Amasée n’a pas entendu l’expression grecque dont se sert ici Pausanias, et a fort mal rendu cet endroit Quant à ces personnes de condition qui profanèrent les mystères de Cérès, Plutarque nous apprend que ce furent Alcibiade, Théodore et Polytion, qui les profanèrent en les contrefaisant.

[42] Eubulide Ce statuaire était d’Athènes ; on ne sait pas précisément en quel temps il vivait ; Pausanias est, je crois, le seul qui en parle : il eut un fils nommé Euchir, qui fut aussi un habile sculpteur.

[43] Athénée, l. 12, ch. 8 rapporte que Pisistrate était représenté à Athènes sous le nom de Bacchus, et Casaubon a cru que c'était sous la forme de cet Acratus dont il est ici parlé; au reste le mot Acratus, selon son étymologie, signifie pur, sans mélange, épithète fort convenable au vin et par conséquent à Bacchus.

[44] Icarius vivait sous Pandion second, roi d’Athènes ; il reçut chez lui Bacchus, qui pour le récompenser, lui apprit à planter la vigne et à faire du vin. Amasée a fort mal rendu cet endroit.

[45] Actæus. Pausanias ne parle ici que des rois qui ont régné depuis le déluge d’Ogygès; car Ogygès ou Ogygus a été le premier roi de l’Attique. Il y eut de son temps un déluge qui dépeupla tellement le pays, que durant près de deux cents ans nul prince n’eut envie d’y régner. Ensuite Actée ou Actéon s’en empara; d’autres disent Cécrops, qui fut du moins le plus célèbre, s’il ne fut le premier.

[46] Cécrops. Il était Egyptien et contemporain de Moïse; quelques auteurs disent qu’il fut submergé avec Pharaon dans la mer Rouge ; je voudrais savoir sur quel fondement. Quoi qu’il en soit Cécrops fut surnommé biformis, de double espèce, soit à cause de sa stature extrêmement haute, soit parce qu’il savait la langue égyptienne et la langue attique, ou plutôt parce qu’il avait institué le mariage parmi un peuple grossier, qui auparavant ne vivait qu’au gré de ses désirs. Il rebâtit Athènes, et de son nom les Athéniens furent appelés Cécropides. Eusèbe et S. Jérôme lui donnent cinquante ans de règne.

[47] Le Céramique, … Céramus, &c. Il y a bien de l’apparence que ce quartier, un des plus considérables de la ville d’Athènes, était ainsi appelé parce que l’on y avait fait de la tuile; c’est ainsi qu’à Paris le palais et le jardin des Tuileries portent ce nom, parce qu’en effet c’était autrefois une tuilerie. Les Grecs, par vanité, ennoblissaient les moindres choses, en leur donnant une origine illustre. Paulmier.

[48] Le portique royal. Les Athéniens conservaient encore un fantôme de roi; mais ce roi n’avait guère d’autre fonction que de sacrifier suivant l’ancien rite du pays, et que de maintenir les cérémonies de la religion. Il fallait que sa femme fût citoyenne d’Athènes, et qu’elle n’eût joint eu d’autre mari, ou, pour parler comme les Grecs, qu’elle fût femme d’un premier mari. On croyait que ses prières et ses sacrifices en étaient plus agréables aux dieux ; c’est apparemment ce qu’Horace a eu en vue, quand il a dit :

Unico gaudens mulier marito

Prodeat justis operata divis.

[49] Gardien de son temple. J’ai rendu cet endroit non suivant le texte, qui est corrompu, mais suivant la correction du savant Méziriac, qui, dans son commentaire sur les Epîtres d’Ovide, tome i, page 353, cite le passage d’Hésiode, tiré, non du poème des Femmes illustres, comme le dit Pausanias par un manque de mémoire, mais de la Théogonie, et où le poète dit que Vénus changea Phaéton en une espèce de génie immortel, et le fit sacristain de son temple.

[50] Les douze grands dieux. Dii majorum gentium, dii consulentes ou consuentes, les dieux du conseil, car ils étaient ainsi appelés. Ennius a compris leurs noms dans ces deux vers:

Juno, Vesta, Minerva, Ceres, Diana, Venus, Mars,

Mercurius, Jovis, Neptunus, Vulcanus, Apollo.

[51] Par démocratie l’auteur entend ici non pas un état où le peuple gouverne, mais un état dont tous le corps ont une égale autorité; et telle fut la forme de gouvernement établie par Thésée.

[52] Ces auteurs sont Isocrate, Aristote, Plutarque et plusieurs autres, qui disent que Thésée, après avoir régné quelque temps, abdiqua l’autorité royale pour rétablir un gouvernement démocratique à Athènes. Eusèbe et S. Jérôme le font régner trente ans, apparemment parce que malgré son abdication le peuple lui avait conservé la souveraine autorité. Pausanias, qui ne se rend point au sentiment commun, devait au moins prouver le sien, et nous donner une liste des rois d’Athènes, autre que celio que nous avons.

[53] C’est-à-dire la citadelle de Thèbes en Béotie, ainsi appelée du nom de Cadmus qui l’avait fait bâtir.

[54] Il était de l’isthme de Corinthe, et vivait en la cent quatrième olympiade, en même temps que Praxitèle ; il excellait également dans la peinture et dans la sculpture. Quintilien fait de lui un grand éloge dans son institution de l’orateur, liv. 12, ch. 10.

[55] Ce surnom appartenait surtout à Jupiter: le Jupiter Patroos était le même que Herceüs, et que celui qui est décrit dans ces vers du liv. 2 de l’Enéide de Virgile :

Aedibus in mediis, nudo que sub atheris axe

Ingens ara fuit, etc.

Il était surnommé Herceüs, du mot septum, parce qu’il était dans un lieu fermé de tous côtés.

[56] Calamis était graveur et statuaire, ses ouvrages ont été fort estimés; mais Cicéron le mettait beaucoup au-dessous de Praxitèle, et même au-dessous de Myron.

[57] Phidias, athénien, fils de Charmidès et non de Chrirminus, comme il lit dans Strabon par une faute de Copiste, a été le plus célèbre statuaire de l’antiquité; il florissait en la quatre vingt troisième olympiade; il et pour maître Eladas d’Argos, et pour élève Alcamène. Ses ouvrages étaient autant de chefs-d’œuvre; mais les plus vantés furent à Minerve et son Jupiter olympien. Cette dernière statue d’or et d’ivoire, haute de soixante pieds, passait pour une des merveilles du monde. On tient que Phidias représentait mieux les dieux que les hommes, dit Quintilien: jamais ouvrier n’a si bien travaillé en ivoire, quand on n’en jugerait que par sa Minerve et par son Jupiter olympien, dont la beauté semblait avoir ajouté quelque chose à la religion des peuples, tant la majesté de l’ouvrage égalait la majesté du dieu. Inst. de l’Or. Liv. 12, ch. 10.

[58] Ce sénat, institué par Solon ne fut d’abord composé que de quatre cents personnes, parce qu’alors les Athéniens étaient partagés en quatre tribus, dont chacune fournissait cent sénateurs qui s’élisaient par voies de suffrages avec des fèves, dont les unes étaient blanches, les autres noires. Dans la suite le nombre des tribus s’étant accru jusqu’à dix, on ajouta cent sénateurs aux quatre cents créés par Solon, et chaque tribu n’en fournissait plus que cinquante depuis ce temps-là ce sénat fut appelé le sénat des cinq cents.

[59] Ce statuaire n’est guère connu que par les écrits de Pausanias.

[60] Pline parle de Lyson, et le met au nombre d ces statuaires qui réussissaient particulièrement à représenter des athlètes, des gens armés et des sacrificateurs.

[61] Protogène de Caunium, petite ville de l’île de Rhodes, était contemporain d’Apelle, c’est-à-dire qu’il florissait en la cent douzième olympiade ; il travaillait avec un extrême soin. Le chef-d’œuvre de ce grand peintre fut son Jalysus, tableau d’une si grande réputation que Démétrius Poliorcète leva le siège de Rhodes, dans la seule crainte qu’en le continuant, ses machines de guerre ne missent le feu à une maison où l’on conservait ce précieux ouvrage.

[62] Pour l’intelligence de cet endroit, je crois qu’il est bon de rapporter e qui est dit des Gaulois dans Justin, liv. 24, ch. 1. Voici comment il parle : « Les Gaulois voyant que leur propre pays ne pouvait plus les contenir, envoyèrent trois cents mille des leurs chercher de nouvelles habitations. Une partie alla s’établir en Italie, et dans la suite assiégea Rome, la prit et la brûla; une autre passa en Illyrie et s’établit dans la Pannonie. » Le même auteur, liv. 21, ch. 5, dit que les Gaulois ayant: passé les Alpes, vinrent sur les bords du Pô, où ils bâtirent plusieurs villes, entre autres Milan, Côme et Vérone : ce sont eux dont parle ici Pausanias.

[63] Voilà une preuve bien sensible du peu des progrès que la navigation avait fait jusqu’alors. César lui-même, qui avait passé deux fois l’Océan pour aller châtier les insulaires de la Grande-Bretagne, parle aussi de cette mer comme d’une mer extrêmement dangereuse.

[64] C’est ce qui a fait dire Horace :

Te belluosus qui rematis

Obstrepit oceanus Britannis. Liv. 4, Ode 14.

Pausanias veut sans doute dire des baleines qui sont fréquentes dans l’Océan, & extrêmement rares dans la Méditerranée.

[65] C’est le Pô.

[66] César dit au commencement de ses commentaires : qui ipsorum lingua Celta, nostra Galli appellantur. Mais il faut remarquer que les anciens ne donnaient pas le nom de Celtes aux Gaulois seulement, mais aux Germains, aux Cimbres, aux peuples des îles britanniques, aux Allobroges et à beaucoup d’autres.

[67] Le golfe ionien, ou de Grèce: c’est à proprement parler, un grand golfe de la mer Méditerranée.

[68] C’est ce que l’on appelle aujourd’hui l’Esclavonie.

[69] Ce lieu est célèbre dans l’histoire grecque; c’est un détroit de la montagne de Bunina, autrement Œta, par où l’on passe de Thessalie en Achaïe; il n’a que vingt-cinq pieds de largeur.

[70] Petite ville de la Phocide qui était déjà ruinée du temps de Pausanias.

[71] Justin, liv. 24, ch. 8, raconte autrement ces prétendus miracles; et de son récit on peut inférer que l’artifice des prêtres d’Apollon y eut la meilleure part.

[72] Anchora, ancre; de là le nom d’Ancyre.

[73] C’était le père nourricier et le compagnon de Bacchus. Midas l’ayant apprivoisé avec du vin, le prit et le rendit à Bacchus, qui, par reconnaissance, donna à Midas la vertu de changer en or tour ce qu’il toucherait. Cette fable est contée dans le livre onzième des Métamorphoses d’Ovide.

[74] Strabon, qui décrit ce pays dans son douzième livre, ne parle d’aucune montagne de ce nom; il fait mention seulement d’un temple célèbre qui était dédié à Cybèle, surnommée Angidistis.

[75] Strabon, liv. 10, rapporte plusieurs opinions touchant les Cabires. On peut aussi consulter Bochart dans son Chanaan, et le troisième tome des mémoires de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, où l’on trouvera une dissertation sur les dieux Cabires.

[76] Ce Télèphe était fils d’Hercule et d’Augé, fille d’Aléus ses malheurs ont fait le sujet de plusieurs tragédies sur le théâtre des anciens, comme il paraît par ces vers de la poétique d’Horace :

Et tragicus plerumque dolet sermone pedestri,

Telephus et Peleus, cum pauper et exul uterque

Projecit ampullas et sesquipedalia verba.

[77] Le Tholus, autrement la chapelle du Prytanée, était une espèce de rotonde qui de sa figure même avait été nommée le Tholus, du mot grec qui signifie une espèce de chapeau.

[78] Les Prytanes étaient au nombre de cinquante; leur fonction consistait à convoquer le sénat quand ils le jugeaient nécessaire, à y présider, et à faire en sorte que tout s’y passât dans l’ordre. Un de leurs privilèges était aussi de faire des sacrifices à Jupiter dit le conseiller, et à Minerve la conseillère, pour obtenir de ces divinités qu’elles daignassent inspirer les sénateurs.

[79] Hérodote, dans sa Terpsichore, nous apprend que ce fut Clisthène.

[80] J’ai cru que pour me faire entendre je devais rendre ainsi le mot grec signifiant les Éponymes; c’est ainsi que l’on appelait ceux qui avaient donné leur nom aux tributs de nouvelle création. Quand on voulait faire passer quelque nouvelle loi, on l’affichait devant les statues des Eponymes, afin que chacun ait la liberté de l’examiner et d’en dire son sentiment: c’était un des règlements de Solon, comme nous l’apprend Démosthène dans son Oraison contre Leptine.

[81] Le texte dit Léon. Mais c’est Léos qu’il faut lire avec Suidas, qui fait ce Léos fils d’Orphée, ses filles étaient au nombre de trois, selon cet auteur, savoir Psarithée, Eunope et Eubole. St Jérôme s’est trompé quand il a parlé de Chalciacus comme d’une fille de Léos.

[82] On l’appelle à présent l’île de Nègrepont ; c’est la plus grande des îles de l’archipel.

[83] Suivant Strabon la ville de Mégare n’était pas encore bâtie, & ne le fut qu’après le retour des Héraclides ; ce que dit l’auteur doit donc s’entendre de la contrée plutôt que de la ville.

[84] C’est-à-dire, par les enfants de Métion qui était fils d’Erecthée.

[85] L’expression grecque est plus générale ; je l’ai fait cadrer avec ce que tous les mythologues disent de Philomèle & surtout Ovide dans les Métamorphoses, liv. 6.

[86] Il y a dans le texte : les Hébreux qui sont au-dessus des Syriens; l’auteur entend donc ici les Syrophéniciens, qui dans la sainte Ecriture sont les mêmes que les Philistins ou les peuples de la Palestine, comme Kuhnius l’a fort bien remarqué.

[87] C’est cette révolte dont Barcochebas fut le chef, comme S. Justin Martyr le raconte dans son apologie.

[88] Le traducteur latin n’a pas entendu cet endroit, qui véritablement est assez obscur dans le texte ; j’ai suivi l’explication de Kuhnius qui m’a paru plus raisonnable.

[89] Philippe roi de Macédoine, & père d’Alexandre, fit épouser sa maîtresse Arsinoé à Lagua homme obscur: cette Arsinoé, à ce qu’on prétend, était grosse du fait de Philippe ; l’enfant qu’elle mit au monde fut Ptolémée, qui après la mort d’Alexandre devint roi d’Egypte, & fut la tige de tous les Ptolémée qui ont régné.

[90] Ce Ptolémée, le premier des rois d’Egypte qui ait porté ce nom, était un soldat de fortune qu’Alexandre avait élevé à cause de ses belles actions dit Justin, liv. 13, ch. 4.

[91] C’était une nation des Indes, mais Pausanias se trompe en disant que Ptolémée secourut Alexandre dans le danger qu’il courut en combattant contre ces peuples. Car au rapport d’Arrien, Ptolémée lui-même dans une histoire qu’il avait faite des conquêtes d’Alexandre, disait qu’il ne s’était pas trouvé présent à ce combat, parce qu’Alexandre l’avait envoyé ailleurs.

[92] Aridée était fils de Philippe, roi de Macédoine, par conséquent frère d’Alexandre et son héritier, puisqu’il n’avait point laissé d’enfant.

[93] Etienne de Byzance fait mention de plusieurs îles de ce nom, inconnues à Strabon et aux autres géographes, et il en omet une fort connue, qui était en Achaïe. S’il est vrai comme il le dit, qu’il y eut une ville d’Egès en Macédoine, c’était apparemment là qu’on devait porter le corps d’Alexandre.

[94] C’était la capitale de l’Egypte; elle avait été bâtie par Epaphus, fils de Jupiter et d’Io, si l’on en croit Hygin, ou par Ménès, si l’on s’en rapporte à Hérodote. On croit que le Caire a été bâti de ses ruines.

[95] Alexandre, peu avant sa mort, avait épousé Roxane, qui se trouva grosse quand il mourut: elle accoucha d’un fils; mais Cassandre ôta la vie à la mère et au fils pour s’assurer le royaume de Macédoine. Justin, liv. 15.

[96] Pour bien entendre ce que Pausanias va raconter, il faut savoir que Perdiccas, Eumenès, son frère, Antipater, Cassandre, Ptolémée, Antigone, Lysimaque, &c., étaient du vivant d’Alexandre, autant de lieutenants-généraux de es armées, et que, peu après sa mort, ils partagèrent entre eux cette vaste et immense monarchie qu’il s’était faite par ses conquêtes. Perdiccas, sous le nom d’Aridée, frère d’Alexandre s’empara d’abord de la souveraine puissance, mais il n’en jouit pas longtemps. Ptolémée eut ensuite pour son partage l’Egypte, Antipater la Macédoine, Cassandre la Carie, Lysimaque. la Thrace, Antigonus la Parnphylie, la Lycie et la grande Phrygie, Eumenès la Paphlagonie et la Cappadoce, &c. Ces nouveaux souverains, jaloux les uns de autres, ne furent pas longtemps sans se brouiller ensemble; de là les guerres que Pausanias raconte ici comme en passant.

[97] La version latine d’Amasée est ici très fautive, et ne rend point du tout la pensée de l’auteur, ni ne s’accorde avec la vérité de l’histoire.

[98] C’était une contrée de la Mysie dans l’Asie Mineure, elle joignait un bras de mer appelé pour lors le détroit de l’Hellespont, & après les Dardanelles.

[99] C’est une des grandes îles de la mer Méditerranée vers les côtes de la Syrie & de la Natolie ; la bonté de son terroir. & la douceur de son climat ont donné lieu aux poètes d’imaginer que Venus y faisait volontiers son séjour. Cette île est sous la domination du Grand Seigneur depuis 1571, quand Selim II la conquit sur les Vénitiens.

[100] C’était autrefois une ville considérable située sur une des bouches du Nil. Ce n’est plus à présent qu’un village que l’on nomme Belbais; on croit que Damiette s’est formée et accrue des ruines de Péluse.

[101] Rhodes est la ville capitale d’une île de ce nom sur la Méditerranée, entre Chypre et Candie; elle est aujourd’hui entre les mains des Turcs; l’empereur Soliman, après un long siège, la prit en 1522, malgré la belle défense des chevaliers de S. Jean de Jérusalem, qui, après avoir perdu ce boulevard de la religion; se retirèrent à Malte, dont ils ont pris le nom.

[102] Par ce secours il sauva Rhodes, et les Rhodiens le regardant comme leur sauveur, lui donnèrent le surnom de Soter, surnom que la postérité lui a conservé.

[103] Plutarque, dans la vie de Pyrrhus, dit que cette bataille se donna près d’Ipsus, petite ville de Phrygie.

[104] Cette ville de Lybie eut pour fondateur Battus, qui lui donna le nom de Calliste; ensuite elle fut appelée Tiera; et enfin Cyrène. Cette ville devint fort célèbre; Aristipe, Eratosthène, et le poète Callimaque, qui tirait son origine de Battus, étaient de Cyrène.

[105] Justin, liv. 15, chap. 2, le nomme Léontiscus. Le meurtre de ces deux frères fit donner à Ptolémée le surnom de Philadelphe par une espèce de dérision ou de contre-vérité. On voit par là que les empereurs d’Orient avaient déjà la cruelle politique de faire mourir leurs frères pour n’être point troublés durant leur règne

[106] Nomade, c’est-à-dire, errants et vagabonds. Horace a fait la peinture de ces peuples, quand il a dit dans l’ode vingt-quatrième de son troisième livre :

Campestres melius Scythae,

Quorum plaustra vagas rite trahunt domos.

[107] Amasée dit, copias, des troupes; mais il se trompe, car il n’est point fait mention de troupes dans le texte.

[108] Il veut dire ce que l’on appelait la Gallo-Grèce ou la Galatie, pays voisin de la Cappadoce et de la Paphlagonie.

[109] Pluton ou Plutus était le dieu des richesses; c’est donc avec raison que ce statuaire avait mis le petit Pluton entre le bras de paix, qui est la mère du commerce et des arts utiles à la société.

[110] Il ne faut pas confondre ce Lycurgue avec le célèbre législateur de Sparte; celui dont parle ici Pausanias était un orateur.

[111] C’était le plus grand orateur qu’Athènes eût connu. Après avoir rendu des services à sa patrie, il fut banni deux fois; la première, sous le faux prétexte qu’il s’était laissé corrompre par Harpalus, créature d’Alexandre la seconde, sur les instances d’Antipater qui, ayant défait les Athéniens auprès de Lamia, ne voulut leur accorder la paix qu’à condition qu’ils lui livreraient Démosthène.

[112] Il était capitaine des gardes d’Antipater; Thurium, d’où il était, s’appelait anciennement Sibaris ville de la grande Grèce fameuse par la mollesse de ses habitants ; c’est aujourd’hui Sibari Rouinata, dans la Calabre citérieure.

[113] Il entend le combat livré près de Lamia, petite ville de Thessalie, qui faisait autrefois partie des états d’Achille.

[114] Le texte porte Caladès, lisez Calliadès; car pour Caladès, c’était un peintre dont il est parlé dans Pline, liv. 35, ch. 10 Mais Hérodote, dans son Uranie, nous apprend que Calliadès était archonte à Athènes, l’année même que Xerxès fit une irruption dans l’Attique.

[115] Pindare, le prince des poètes lyriques grecs, était Thébain; l’ode dont parle ici Pausanias ne subsiste plus: Esquine nous en a conservé deux vers qui sont aussi rapportés par Muret. Le poète disait d’Athènes qu’elle était le soutien de la Grèce: les Thébains piqués de cet éloge, condamnèrent Pindare à une amende; mais les Athéniens lui donnèrent le double de la somme qu’il devait payer.

[116] Il y a eu deux célèbres statuaires de ce nom, l’un Athénien; qui eut Amphion. pour élève; l’autre surnommé Nesiotès, l’insulaire. Pline, liv. 34, ch. 2, dit que Phidias eut pour rivaux Alcamène, Critias, Netolès et Hygias je crois avec Junius qu’il faut lire dans Pline Critias Nesiotès, au lieu de Critias Nestoclès; c’est de ce dernier Critias dont il est ici parlé.

[117] Arrien, liv. 3 et 8, en donne la gloire à Alexandre qui, dit-il, après avoir conquis la Perse, ayant trouvé ces statues dans le palais de Darius, les renvoya aux Athéniens.

[118] Il y a eu deux Ptolémées surnommés ainsi, le premier et le second. Pausanias parle du second que l’on surnommait aussi Lathyrus; et quand il dit que c’est le huitième descendant de Ptolémée, fils de Lagus, il comprend le fils de Lagus dans ce nombre de huit ; c’est même assez sa manière de compter en pareille occasion. D’ailleurs il a plus d’égard à l’ordre de la succession qu’aux degrés de génération. Paulmier.

[119] Dans la suite l’auteur parlera amplement de ces deux villes, qui étaient alors florissantes et qui aujourd’hui sont ruinées comme beaucoup d’autres. Orchomène n’est à présent qu’un petit bourg à cinq lieues de Badia ou Livadia, dans l’ancienne Béotie, et Delphes est un village appelé Castri.

[120] Ces paroles dans notre façon de penser ne donnent pas une grande idée de la naissance de Lysimaque; mais voici comme Justin en parle: Erat hic Lysimachus illustri quidem Macedoniae loco natus, sed virtutis experimentis omni nobilitate clarior quae tanta in illo fuit, ut animi magnitudine, philosophia ipsa, viriumque gloria, omnes per quos Oriens domitus est vicerit

[121] Le suet de la colère d’Alexandre fut aussi humiliant pour lui, qu’honorable pour Lysimaque. Alexandre avait injustement condamné Callisthène, philosophe d’un grand mérite, à mourir dans les tourments. Lysimaque eut pitié de Callisthène, profita de ses derniers moments pour recevoir de lui des leçons de vertu, et lui donna du poison, afin qu’il pût terminer sa vie et ses souffrances. De là la colère d’Alexandre contre Lysimaque.

[122] Peuples de la Thrace dont il est parlé dans Thucydide, liv. 2. Leur ville capitale était Odryse.

[123] Anciens peuples de la Dacie qui étaient vers le Pont-Euxin, dans ce pays que l’on nomme à présent la Moldavie et la Valaquie.

[124] C’est aujourd’hui le Danube, le plus grand fleuve qu’il y ait en Europe, après la Volga.

[125] C’est Ptolémée Philadelphe qu’il entend.

[126] Lébadie était une ville de la Béotie, qui n’avait rien à démêler avec Lysimaque; mais au contraire Lébédos ainsi que Colophon, n’était pas loin d’Ephèse. Paulmier.

[127] Ce poète était de Colophon; nous n’avons rien de lui que quelque vers qui sont cités par Athénée.

[128] Ce poète était aussi de Colophon, et il se rendit célèbre par ses élégies, dont Athénée nous a conservé quelques fragments; il avait été amoureux de la fameuse Léontiurn, et en avait fait l’objet de ses jalousies.

[129] C’était un historien de ce temps là, dont les écrits sont perdus.

[130] Cardie dans la Chersonnèse de Thrace prit son nom du mot grec signifiant cor, un cœur; non, comme dit Etienne de Byzance, parce que son fondateur avait emporté le cœur d’une victime, mais parce qu’elle avait la figure d’un cœur humain: quod in faciem cordis sita sit, dicta est Cardia, dit Pline, liv. 4, ch. 11. Le même Etienne se trompe encore quand il fait de Cardie et de Lysimachie une même ville. Strabon, Ptolémée et Pausanias en font deux villes, mais dont l’une fut bâtie et peuplée aux dépens de l’autre.

[131] Tout ce règne ne fut que de six ans et quatre mois, selon Diodore de Sicile.

[132] C’était une ville de Macédoine du côté de la Thrace; on lui avait donné ce nom à cause du fleuve Strymon dont elle était environnée, comme le dit Thucydide, liv. 4. C’est aujourd’hui Empoli, petite ville de la Turquie en Europe.

[133] Les Nestiens étaient des peuples de l’Illyrie, dont la capitale s’appelait Nestas.

[134] Cet endroit du texte est inintelligible par la faute des copistes. Le savant critique, Paulmier de Grentemesnil, l’a restitué avec sa sagacité ordinaire, et j’ai suivi sa restitution qui m’a paru plus raisonnable que le sentiment des autres interprètes.

[135] Autre endroit qui n’est pas moins corrompu que le précédent; je me suis attaché à l’explication de Khunius comme à la plus naturelle. Les frères de Lysandre ne se croyaient pas apparemment en sûreté auprès de Ptolémée, leur frère, et ils étaient venus chercher un asile auprès de Lysimaque.

[136] Cette ville d’Asie fut la capitale du royaume d’Attalus et de ses successeurs, dont le dernier institua le peuple romain son héritier; c’était la patrie du célèbre Galien; ce n’est plus aujourd’hui qu’une petite ville dans la Natolie.

[137] Hermione, fille de Ménélas et & d’Hélène quoique promise à Oreste, fut donnée en mariage à Pyrrha, qui épousa ensuite Andromaque, sa captive et veuve d’Hector.

[138] Il fut tué au pied de l’autel d’Apollon par les artifices d’Oreste, son rival, qui était outré de ce que Pyrrhus lui avait enlevé Hermione.

[139] Helenus était un des fils de Priam; il avait le don de prédire l’avenir et excellait en tout genre de divination; c’est pourquoi Enée lui adresse ces paroles dan le troisième livre de l’Enéide :

Trojugena interpretes divum, qui numina Phoebi,

Qui tripodas, Clarii lauros, qui sidera sentis,

Et volucrum linguas, et praepetis omnia pennae.

[140] Justin, l’abréviateur de Trogue Pompée, liv. 17 chap. 3, dit que ce fut Pyrrhus lui-même qui fit épouser Andromaque à Hélénus, et qui lui donna le royaume des Chaoniens: cela supposé, il ne faut pas s’étonner si Helenus laissa le royaume à Molossus, fils de Pyrrhus, au préjudice de Cestrinus son propre fils; cependant quelques auteurs font Molossus fils d’Helenus, et non de Pyrrhus.

[141] Pline, l. 4, met ce fleuve dans la Thesprotie; il se nomme aujourd’hui Calama.

[142] Amasée, dans sa version latine, change le singulier en pluriel contre la foi du texte; il semble que Pergamus ait donné son nom à plusieurs villes, et il ne l’a donné qu’à la seule ville de Pergame.

[143] Il y avait de la différence entre un monument, un simple tombeau, & un monument héroïque ; celui-là était accompagné d’un autel, où l’on rendait des honneurs à la mémoire du héros qui y était inhumé. Ce qui peut paraître étrange, c’est qu’Andromaque qui était une femme, eût un monument héroïque ; mais il y en a d’autres exemples dans Pausanias.

[144] C’était une ville de l’Acarnanie sur l’Acheloüs. Stephanus dit qu’elle s’est aussi appelée Erysiché.

[145] On dit aujourd’hui Corfou; c’est la ville capitale d’une île du même nom, qui n’est séparée de l’Epire que par un petit canal; l’île et la villa appartiennent présentement aux Vénitiens.

[146] Diomède, fils de Thydée, commandait les Argiens au siège de Troie, comme Homère le témoigne dans le cinquième livre de l’Iliade.

[147] Durant la guerre du Péloponnèse, les Athéniens ayant jugé à propos de secourir les villes d’Egeste et de Leontium, contre les Syracusains leur envoyèrent des troupes sous la conduite d’Alcibiade, Nicias et de Lamachus. Quelque temps après Alcibiade, absent fut accusé de sacrilège et révoqué ; de dépit il se retira à Sparte, et engagea les Lacédémoniens soutenir les Syracusains contre Athènes; ils envoyèrent donc en Sicile une armée dont le chef fut Gylippe, qui défit entièrement les Athéniens commandés par Démosthène et par Nicias. Le P. Petau place cet évènement 413 ans avant l’ère chrétienne.

[148] C’était un canton de l’Italie, voisin des Brutiens et des Samnites ; sa principale ville était Petilia qui avait eu Philoctète pour fondateur. Alexandre, fils de Néoptolême, fut tué dans ce pays devant une petite place qu’on nommait Pandosie.

[149] Pausanias parle suivant le sentiment reçu de son temps, et le plus agréable aux Romains; mais au fond il n’est point du tout certain qu’Enée soit jamais venu en Italie. Le savant Bochart. près avoir bien examiné cette opinion, ne l’a trouvé nullement fondée, et en a presque démontré la fausseté dans une lettre à Ségrais, qui est la fin du premier tome de l’Enéide.

[150] L’armée romaine était alors commandée par le consul Valerius Laevinus.

[151] L’auteur appelle villes grecques plusieurs villes de la Sicile, parce que réellement elles avaient été fondées ou peuplées par les Grecs, comme Rhegium, Zançle, Messine, et d’autres dont il sera parlé dans la suite.

[152] Les Phéniciens sont les premiers peuples de la terre qui aient su naviguer, et qui se soient enrichis par le commerce des mers. Les Carthaginois étaient Phéniciens d’origine, puisque leu! ville avait été bâtie par Didon, qui sortait de Tyr, capitale de la Phénicie.

[153] Cette citation est du livre onzième de l’Odyssée.

[154] Ils étaient commandés par Magon, qui avait un flotte de cent vingt navires.

[155] Cette ville est appelée Taras et Oebalia; c’est à présent une ville de la Pouille dans le royaume de Naples; elle donne son nom à un golfe et aux tarentules, espèce d’araignée fort venimeuses en ce pays-là.

[156] Du mot grec signifiant fulmen, la foudre; parce que leur hauteur les expose à être souvent frappés de la foudre ; ce qui a fait dire à Horace : Infames scopulos Acroceraunia.

On les appelle à présent les montagnes de la Chimère ; elles sont entre l'Epire et l'Albanie.

[157] Cette déesse était ainsi surnommée, parce que le temple dont il est parlé avait été bâti par Itonus, fils d'Amphictyon, comme Pausanias le dira lui-même dans son voyage de la Béotie.

[158] C'étaient deux villes de la Thessalie; la première avait été bâtie par Phérès, fils de Créthéüs, et la seconde sur le fleuve Pénée, par Acritius.

[159] Dodone était en Epire dans la Thesprotie ; il n’y avait pas en Grèce un oracle d'une plus grande antiquité que celui de Dodone ; on tient qu'il subsistait dès le temps des Pélasges, les plus anciens peuples qui aient habité la Grèce, e! que ce furent eux qui bâtirent le temple de Jupiter Dodonéen.

[160] Platée était une ville de la Béotie, sur les confins de l'Attique.

[161] Autre ville de la Béotie. Dans la suite il sera amplement parlé de la journée de Platée, où les Perses commandés par Mardonius, furent battus, et de celle de Leuctres, qui fut si fatale aux Lacédémoniens.

[162] Cet exploit de guerre est le plus mémorable et le plus beau qui soit rapporté dans toute l'histoire des temps passés : on en peut voir le détail dans Justin, liv. 2, chap. 11.

[163] Petite île vis-à-vis de Pylos dans la Messénie. Pausanias, dans la suite de sa narration, reprendra tous ces faits qu'il touche ici seulement en passant.

[164] Dans tous les temps ces sortes de miracles ont trouvé créance parmi le peuple ; les poètes ont beaucoup contribué à les accréditer, et les historiens ensuite se sont crus obligés d'en faire mention pour ne pas se rendre suspects d'impiété.

[165] Ce poète était d'Argos ; il est cité par plusieurs écrivains Grecs, du reste fort peu connu.

[166] Ce fils de Priam est plus connu. sous le nom de Pâris.

[167] C'est-à-dire, de la prêtresse d'Apollon, et celle qui rendait ses oracles.

[168] Philiste de Syracuse, a vécu sous les deux Denys ; il est mort en la cent sixième olympiade. Denys d'Halycarnasse parle de Philiste comme d'un historien médiocre qui a voulu imiter Thucydide, mais qui est demeuré fort au-dessous de son original.

[169] Harpocration et plusieurs autres auteurs nous apprennent qu'on la nommait aussi la fontaine de Callirhoé.

[170] Cependant Platon & Thucydide, Vitruve, Pline, Martianus Capella, Hésychius, &c. parlent de plusieurs fontaines qui étaient à Athènes : comment accorder leur témoignage avec celui de Pausanias ? Rien de si aisé. Il n'y avait qu'une seule fontaine, c'est-à-dire une seule source ; mais elle était si abondante, que par neuf canaux souterrains elle distribuait de l'eau dans plusieurs.quartiers de la ville.

[171] Le scholiaste de Sophocle dans l'Œdipe à Colonne, fait cette Déïopé fille de Triptolème et mère d'Eumolpe, l'instituteur des mystères de rès à Eleusis : à l'égard de la fable que Pausanias ne daigne pas rapporter, je ne. connais aucun mythologue qui en ait fait mention.

[172] Les Athéniens se vantaient d'être indigènes, aussi anciens que la terre qu'ils habitaient, et sortis de cette terre même, ce qu'ils prenaient au pied de la lettre. Jusqu'au temps de Thucydide ils avoient porté dans leurs cheveux de petites cigales d'or ou d'argent, comme un symbole de leur antiquité, dans la pensée que cet insecte était engendré de la terre ; c'était-là une de leurs folies, comme de plusieurs autres peuples, surtout des Phrygiens, des Egyptiens et des Scythes. Voyez Justin, liv. 2, chap. 11. J'attribue cette manie à deux causes : 1° à l'orgueil nature! à l'homme et qui lui fait toujours méconnaître son origine; 2° à l'ignorance des premières peuplades, qui n'ayant encore le secouru ni des arts, ni des lettres, lie purent laisser aucun monument à leur postérité, ni lui donner à connaître d'où elles étaient sorties.

[173] L'auteur entend ici Pélasgus, fils de Priopas, et non ce Pélasgus qui fut le premier roi d'Arcadie.

[174] C'est-à-dire, qu'il était si ancien, qu'on ne pouvait trouver la trace de son origine. Il ne faut pas prendre au pied de la lettre ce que disent les anciens poètes et les mythologues.

[175] Il y a eu trois poètes de ce nom ; l'Athénien dont il s'agit ici est le plus ancien ; c'était un poète tragique qui avait composé cent cinquante pièces de théâtre, et qui remporta trois fois le prix dans ces combats que les Athéniens avaient introduits pour exciter une noble émulation entre les poètes.

[176] Cet endroit paraîtra ridicule à tout lecteur qui n'examine rien, et qui ne sait pas, 1° qu'il n'y avait rien de plus auguste, de plus sacré en Grèce que les mystères de Cérès; 2° que les plus grands personnages non seulement de la Grèce, mais de Rome, avaient dévotion d'être initiés à ces mystères, témoins le Scythe Jiacharsis, quand il eut été fait citoyen d'Athènes; Atticus, Auguste même, &c. ; 3° que l'objet de cette espèce de confrérie était de rendre meilleurs et plus vertueux ceux qui s'y enrôlaient ; 4°. qu'il était défendu aux initiés, même sous peine de mort, de divulguer les mystères de la déesse, et que ceux qui violaient cette loi, étaient censés avoir encouru l'ire et l'indignation des dieux :

…………..Vetabo qui Cereris sacrum

Fulgarit arcanœ, sub iisdem

Sit trabibus, fragilemque mecum

Solvat faselum, dit Hor. liv. 3, ode 2.

5° enfin, que, selon toute apparence, Pausanias était du nombre des initiés. Tout cela supposé, on ne s'étonnera plus que l'auteur, sous prétexte d'un songe ou d'un avertissement des dieux, interrompe tout d'un coup sa narration, qu'il ne pouvait continuer sans blesser sa religion et sans se déshonorer.

[177] Le grec dit Thalès; les autres auteurs l'appellent Thalétas, il ne faut pas le confondre avec le célèbre Thalès de Milet.

[178] Pindare et Plutarque ont fait mention de ce poète ; il avait inventé une nouvelle espèce de vers, que de son nom on appellait vers Polymnestiens.

[179] Gortynium étaint une ville de l'île de Crète.

[180] Euclée était un surnom de Diane ; mais selon quelques auteurs, il y a eu une Euclée, fille d'Hercule : ce mot purement grec signifie illustre, renommé.

[181] Amasée, l'interprète latin, s'est bien trompé en cet endroit ; cependant rien n'est plus simple que ce que dit Pausanias. Eschyle voulant faite son épitaphe, commence par apprendre à la postérité son nom et sa patrie, puis il apostrophe les Perses et la plaine de Marathon comme les témoins de sa valeur. On voit au reste que Pausanias ne doutait point que cette épitaphe en quatre vers grecs, qui est dans toutes les éditions des œuvres d’Eschyle, ne fut véritablement de lui.

[182] Apollodore, liv. 3, rapporte que Vulcain ayant pris de l'amour pour Minerve, lui fit une espèce de violence, dont naquit Eric-htonius. Voilà ce que Pausanias a voulu dire.

[183] Vénus la céleste n'inspirait que l'amour du beau et de l'honnête ; les affections vicieuses et déréglées venaient de la Vénus vulgaire. Platon marque admirablement bien la différence de l'une et de l'autre dans son banquet; mais je doute que la Vénus Uranie de Platon soit celle dont il est parlé ici.

[184] Cicéron qui, au liv. 3 de la nature des dieux, distingue quatre Vénus, dit que la quatrième était la Syrienne, née à Tyr, qui se nommait Astarte, et à qui l'on donnait Adonis pour époux. D'autres croient que les Syriens et les Assyriens; sous le nom d'Astarte, honoraient la Lune.

[185] Il entend la Syrophénicie et la Palestine. Ascalon était une ville de Syrie, proche de la Judée.

[186] Si c'était la Vénus Uranie de Platon que l'on honorait dans les premiers temps à Paphos et à Cythère, il faut avouer que les poètes ont étrangement abusé de leur privilège ; car ce qu'ils ont dit de ces deux îles convient fort à Vénus la vulgaire, mais nullement à Vénus Uranie, ou la céleste.

[187] Egée avait deux sœurs ; l’une dont on ignore le nom, épousa Sciron, fils de Pylas ; l'autre était Procrys, femme de Céphale, si connue par sa malheureuse aventure.

[188] On appelait ainsi tout ce qui composait l'état d'Argos.

[189] Durant le sac de Troie, Ajax, fils d'Oïlée, roi des Locriens, viola Cassandre, fille de Priam, dans le temple même de Minerve, ce qui attira le courroux de la déesse sur lui et sur la flotte des Grecs, qui fut dispersée et longtemps errante, comme tout le monde sait. C'est sur cet attentat que les chefs... des Grecs tiennent conseil.

[190] Pline nous apprend que ces trois tableaux et tout le Pœcile, une des principales beautés d'Athènes, furent peints par les deux plus grands peintres de leur temps, Polygnote de Thaze, et Micon, athénien; ils furent les premiers qui firent usage de l'ocre jaune, et qui employèrent quatre couleurs; car avant eux en ne se servait que d'une seule ; Polygnote et Micon portèrent tout d'un coup la peinture presque de l'enfance à la perfection.

[191] Le peintre avait en vue la fable qui dit que Pirithoüs et Thésée étaient descendus aux enfers pour enlever la femme de Pluton.

[192] Je dis Callimachus pour le distinguer du poète Callimaque. Amasée, l'interprète latin de Pausanias, n'a pas entendu le mot qui selon Casaubon, ne signifie pas commander l'armée, mais être revêtu de la charge de polémarque; cette charge était moins militaire que civile ; ses fonctions sont décrites dans Pollux, liv. 8, ch. 8, et dans Harpocration ; le polémarque était un des neuf archontes. Callimachus fut tué au combat de Marathon, et avait été honoré le premier de cette dignité.

[193] Le texte porte Echetlus, mais il faut lire Echetlée, comme dans le ch. 32 de ce même livre, où l'auteur parle plus amplement de ce héros.

[194] Scione était une ville de Thrace; Stephanus dit qu'elle fut bâtie par des Grecs qui revenaient du siège de Troie.

[195] Solon, l'un des sept sages de la Grèce, abrogea les lois de Dracon, et en donna d'autres aux athéniens; sa naissance était illustre ; car il descendait de Codrus, roi d'Athènes ; il fut contemporain de Thalès, du Schyte Anacharsis, et de Pisistrate ; ainsi il vivait environ six cents ans avant l'ère commune

[196] C'était une ville de Macédoine ; c'est pourquoi Juvénal a dit, en parlant d'Alexandre le Grand : Unus Pellaeo juveni non sufficit orbis.

[197] Telle fut la fin de ce Seleucus, qui, à cause de ses victoires, fut surnom Nicanor ou Nicator ; il avait survécu à tous les généraux d'Alexandre ; il les avait tous vaincus, et se glorifiait d'être le vainqueur des vainqueurs ; il ne savait pas, dit Justin, que lui-même devait être bientôt un grand exemple de la fragilité des choses humaines : ignarus prorsus non multo post fragilitatis humanœ se ipsum exemplum futurum.

[198] C’était une ville dans le territoire des Milésiens. Apollon y rendait ses oracles dans un temple qui, par cette raison, devint fort célèbre et fort riche. Xerxès le pilla et en enleva le trésor qui lui fut livré par les habitants mêmes. Voyez Strabon, liv. l4.

[199] Milet était une ville considérable d'Ionie dans l'Asie mineure. Thas, un des sept sages de la Grèce, Anaximandre, Anaximène, Pittacus, Hécatée, étaient de Milet. Xerxès enleva aux Milésiens une belle statue d'Apollon, et la fit transporter à Ecbatane, capitale de la Médie.

[200] Rien de plus célèbre dans l'antiquité que ces murs et ce temple. Vous en pouvez voir la description dans Hérodote; et dans Quinte-Curce.

[201] La version latine d'Amasée pêche en cet endroit.

[202] Amasée a rendu pitoyablement ces deux ou trois lignes ; je suis obligé d'en avertir, parce que plusieurs de ceux même qui savent le grec se contentent de lire la version latine, qui les induirait en erreur si je n'en relevais les principales fautes.

[203] Ce Jubal était fils d’Hiempsal, roi de Numidie ; il suivit le parti de Pompée contre Jules César, qui le vainquit et le dépouilla de ses états. Il laissa un fils nommé aussi Juba, qui fut un des plus savants princes qu'il y ait eu.

[204] Soli était une ville de Cilicie, bâtie par Solon ; elle s'est depuis appelée Pompéïopolis, du nom de Pompée qui la rebâtit. Chrysippe, célèbre philosophe stoïcien, était de cette ville, et Aratus aussi.

[205] Androgée, fils de Minos, rayant été tué à Athènes par ce terrible animal, appelé le taureau de Marathon, Minos imputa sa mort aux Athéniens, et pour la venger il leur déclara la guerre. Les Athéniens, lassés des maux qu'il leur causait, après avoir consulté l'oracle de Delphes, résolurent d'apaiser Minos, en lui accordant tout ce qu'il voudrait exiger d'eux. Il exigea, par forme de tribut, que les Athéniens enverraient tous les ans sept jeunes garçons et sept jeunes filles en Crète, pour servir de pâture à ce monstre, connu sous le nom de Minotaure, qui était nourri dans le labyrinthe de Crète. Thésée, indigné d’une si cruelle servitude, résolut d'en affranchir sa patrie et d'aller combattre le Minotaure; il s'embarqua avec ces quatorze victimes que Minos avait demandées, aborda en Crète ; combattit le Minotaure, le tua, et par cet exploit délivra Athènes d'un tribut si inhumain. Or, parmi les sept jeunes filles sur qui le sort était tombé, il y avait Péribée, fille d'Alcathoüs, et celle-là même dont l'auteur dit que Minos devint amoureux.

[206] Pirithoüs, fils d'Ixion, roi des Lapithes, avait secondé Thésée dans le dessein qu'il forma d'enlever Hélène, et Thésée à son tour, voulut lui aider à enlever la femme du roi de la Thesprotie ; ces deux princes furent toujours si unis qu'on les a cités dans tous les temps comme un modèle de deux parfaits amis.

[207] C'était une ville de Thesprotie, qui a été aussi appelée Ephyra ; il en est parlé dans Strabon.

[208] Si l'on en croit la fable, les chênes de la foret de Dodone, consacrés spécialement à Jupiter, rendaient des oracles, et non seulement ces chênes, mais deux colombes qui venaient percher dessus; c’est pourquoi Virgile dit dans ses Géorgiques, liv. 2. :

Nemorumque Jovi quae maxima frondet

Aesculus ; atque habitae Graiis oracula quercus.

[209] Plutarque, dans la vie de Thésée, dit que le roi des Molosses dans la Thesprotie, était Pluton, qu'il avait une femme appelée Proserpine, une fille nommée Core, et un chien qui s'appelait Cerbère. D'autres ajoutent que ce Pluton, roi, de la Thesprotie,; avait des mines d'où il tirait de l'or et de l'argent. Le marais Achérusien, l’Achéron et le Cocyte étaient aussi dans cette contrée; comme le dit Pausanias; tout cela ensemble a donné lieu à l’enfer des poètes, et à la fable qui dit que Thésée et Pirithoüs étaient descendus aux enfers.

[210] Par les fils de Tyndare il entend Castor et Pollux. Aphidne était une ville de l'Attique, où Thésée 3 avant que d'aller dans la Thesprotie, avait conduit sa mère Ethra, et Hélène sa maîtresse, ou peut-être sa femme, dans la pensée qu’elles seraient en sûreté.

[211] Mnésithée, ou Ménesthée, était fils de Péteüs, petit-fils d'Ornéus, et arrière-petit-fils d'Erechthée, sixième roi d'Athènes ; par conséquent il avait plus de droit au royaume que Thésée, dont le père était incertain, et que l'on pouvait tout au plus, supposer être fils d’Egée, lequel Egée n'était, que fils adoptif de Pandion, comme nous l'apprenons ici d’Apollodore et de Plutarque.

[212] Eléphénor était fils de Chalcodon, roi d'Eubée, la plus grande île de tout l'Archipel, et que l'on nomme aujourd'hui le Nègrepont ; ce fut Eléphénor qui ramena las fils de Thésée au siège de Troie.

[213] Cette île nommée à présent S. Georgio di Scyro était autrefois célèbre par la naissance le Néoptolème, autrement Pyrrhus, fils d'Achille; car Achille était parent de Lycomède, ce roi de Scyros dont parle Pausanias.

[214] C'est-à-dire des fils de Jupiter, Castor et Pollux.

[215] Aglaure et ses sœurs Hersé et Pandrose étaient filles de Cécrops, premier roi d'Athènes.

[216] Les Athéniens menacés d'une irruption de la part de Xerxès, roi de Perse, envoyèrent à Delphes pour prendre conseil de l'oracle; la Pythie répondit qu’ils eussent à se défendre par des murailles de bois, Thémistocle comprit le sens de ses paroles, et persuada aux Athéniens de s'embarquer sur la flotte avec tous leurs effets ; quelques opiniâtres prirent l'oracle au pied de la lettre et s’en trouvèrent mal.

[217] Le Prytanée dans les villes de la Grèce était à certains égards comme nos hôtels de ville. Il y entretenait le feu sacré, on y faisait les festins publics & on y traitait les ambassadeurs étrangers, on y nourrissait les citoyens pauvres qui avaient bien servi l'état ; mais ce n'étaient-là que les moindres fonctions des prytanes ; ils en avaient d'autres que vous trouverez décrites dans l'Archéologie du. savant Anglais Potterus.

[218] Les Grecs, par le mot pancratiaste, entendaient un athlète qui réussissait également bien à la simple lutte et à la lutte composée.

[219] Ce dieu était particulièrement adoré à Canope, où il avait un temple et des cérémonies instituées en son honneur.

[220] Ces superstitions égyptiennes sont rapportées dans Hérodote, liv. 2, et dans Strabon, liv. 17.

[221] C’était un ancien poète de Lycie qui avait fait des hymnes sacrées pour les Grecs ; ces hymnes se chantaient surtout dans le temple d'Apollon à Délos.

[222] C'était un port de mer dans l'île de Crète ; la déesse Lucine y avait un temple, au rapport d« Strabon.

[223] Erysicthon était fils du second Cécrops ; il se rendit maître de Délos, y bâtit un temple à Apollon ; et voulant retourner à Athènes, il prit la statue de Lucine pour la transporter en sa patrie.

[224] Il y a ici deux ou trois lignes qu'il n'est pas possible de rendre bien exactement, parce que le texte est corrompu : tous les interprètes y ont été aussi embarrassés que moi.

[225] On appelait ainsi un grand nombre de villes que l'empereur Hadrien avait ou fondées ou rebâties et repeuplées. Nous avons encore plusieurs médailles frappées en l'honneur d'Hadrien par ordre de ces villes, qui se qualifient colonies d'Hadrien.

[226] C'est-à-dire de cinq cents pas géométriques, car le stade était de cent vingt-cinq. Ce temple, aussi grand que celui de Salomon, et plus grand qu'aucun autre dont on ait connaissance, excepté le seul temple de Bélus à Babylone, pouvait passer pour une des merveilles du monde. Il avait été entrepris et commencé par Pisistrate, continué par ses enfants, Hippias et Hipparque, ensuite par de puissants rois, tels que Persée, roi de Macédoine ; Antiochus Epiphane, roi de Syrie et plusieurs autres ; enfin il fut achevé et consacré par l'empereur Hadrien. La construction et la décoration de ce temple coûtèrent des sommes qui paraîtraient incroyables, si l'on ne savait qu'il ne fut achevé que plus de sept cents ans après que Pisistrate en eut jeté les fondements ; vous en pouvez voir la description dans les marbres d'Arondel de Prideaux avec un plus long détail.

[227] La version, latine d’Amasée ne rend pas ici le sens de l'auteur.

[228] Plutarque dit qu'il s'abstint de manger et se laissa ainsi mourir ; il ajoute qu'Apharée, son fils, lui érigea une statue devant le temple de Jupiter Olympien; c'est donc celle-là même dont il est ainsi parlé.

[229] Deucalion avait de son temps fait bâtir un temple en l'honneur de Jupiter Phyxius, comme qui dirait, Jupiter par le moyen de qui il s'était sauvé du déluge ; ce temple subsista environ neuf cent cinquante ans jusqu'à la cinquantième olympiade, qu'étant tombé en ruines, Pisistrate entreprit d'en bâtir un autre sous le nom de Jupiter Olympien ; c'est ce que Pausanias veut dire.

[230] C'est-à-dire de Jupiter le protecteur de tous les peuples de la Grèce.

[231] Pausanias dans la suite de son ouvrage dira lui-même la raison de ce surnom.

[232] Une colonie de Crétois cherchant de nouvelles terres à habiter, Apollon la conduisit à Cirrha, qui était le port de Delphes, et l'y conduisit par le moyen d'un dauphin qui lui servit de guide ; de là le surnom d'Apollon Delphinien, suivant Plutarque, qui réfuta la fable que l'on débitait à ce sujet.

[233] Lucien dans ce dialogue qui a pour titre les Portraits, et où il fait la peinture d'une beauté accomplie, emprunte de la Vénus d’Alcamène la gorge, les bras et les mains.

[234] Le Cynosarge, ainsi appelé de ces deux mots grecs, d'une chienne blanche, parce qu'une chienne blanche avait emporté une partie de la victime pendant le sacrifice.

[235] Le texte dit les Termisséens ; mais comme on lit dans Hérodote et dans Strabon les Termiliens, je n'ai pas hésité à substituer ce nom à la place de l'autre qui ne se trouve nulle part.

[236] Pausanias, crines purpureos, ce qui est remarquable car les autres mythologues ne lui donnent qu'un cheveu, d'où sa vie dépendait. Le traducteur latin dit un cheveu, en quoi il a manqué d'exactitude.

[237] Amasée dit les fleuves les plus considérables de l'Attique. Il ne s'agit point ici de l'Attique, mais seulement d'Athènes. Il est hors de doute que le temps, ou plutôt le défaut d'entretien, apportera changement aux rivières. Pour le présent, Spon, dans son voyage du levant, p. 70, nous assure que l'Ilisse n'est plus qu'un torrent qui est presque toujours à sec, et que l'Eridan et le Céphyse sont plutôt des ruisseaux que des rivières.

[238] Codrus, roi d'Athènes, a toujours été cité dans l'antiquité comme le mole des rois qui ont la noble ambition d'être les pères de leurs peuples ; les Athéniens étant en guerre avec les peuples du Péloponnèse, envoyèrent, suivant l'usage de ces temps-là, consulter l’oracle de Delphes, pour savoir quel serait le succès de cette guerre. La réponse fut que les Athéniens auraient la victoire si leur roi se faisait tuer par les ennemis ; les Péloponnésiens étant avertis ordonnèrent qu'on épargnât la personne de Codrus. Mais Codrus était bien résolu de se dévouer pour la salut de ses sujets; il quitte les marques de la royauté, se déguise en bûcheron, cherche querelle avec quelques Lacédémoniens, se bat contre eux, se fait tuer, et par sa mort, acquiert la victoire aux Athéniens.

[239] C'est ainsi qu'il faut lire dans le texte, comme il paraît par le Phédrus de Platon ; car le lieu champêtre dont parle ici Pausanias, est celui-là même qui a servi comme de scène à ce beau dialogue que Platon a intitulé Phédrus.

[240] On a déjà dit que le stade était une mesure de chemin, et que ces vingt-cinq pas géométriques faisaient un stade ; mais on donnait aussi le nom de stade à un lieu particulier qui était destiné à l'exercice de la course à pied, et la raison de cette dénomination était que la carrière où l'on courait avait quelques cent vingt-cinq pas de longueur.

[241] Suivant la description que Spon et Weler nous ont donnée d'Athènes et de ses environs, pour aller au stade on passait l'Ilisse sur un pont de pierre qui subsiste encore ; mais ce stade est en ruines. Il devait être fort spacieux, puisque c'était comme le théâtre de la pompe des Panathénées.

[242] Son nom était Tiberius Claudius Atticus Herodes, comme Spon l'a prouvé par une inscription qu'il avait vue à Athènes. Cet Hérode, de la bourgade de Marathon, a vécu sous les empereurs Nerva, Trajan, Antonin et Marc-Aurèle. Atticus, son père, ayant trouvé dans sa maison un riche trésor informa l'empereur Nerva, et lui demanda ce qu'il voulait qu’il en fît ; l’empereur lui répondit, vous pouvez user de ce que vous avez trouvé. Atticus lui écrivit encore et lui manda que ce trésor était très considérable et au-dessus de la condition d'un particulier. Nerva lui récrivit en ces termes : abusez si vous voulez du gain inopiné que vous avez fait, car il vous appartient. Atticus laissa donc de grandes richesses à son fils Hérode, qui en employa une partie à décorer Athènes de superbes édifices. Cet Hérode fut disciple du célèbre Phavorin, et devint si éloquent, qu’il mérita d'avoir lui-même pour disciples Marc-Aurèle et Lucius Verus ; il avait fait plusieurs ouvrages dont il est parlé dans Philostrate, et qui ne sont pas venus jusqu'à nous ; il mourut âgé de soixante-seize ans, après avoir été élevé à la dignité de consul romain.

[243] Il n'y a guère que Pausanias qui fasse mention de ce statuaire.

[244] Cet endroit du texte se ressent de la négligence des copistes; je l'ai expliqué à un autre endroit de ce livre, où l'auteur parle plus au long de Bacchus d'Eleuthère ; c'est au chap. 38.

[245] Lycurgue était roi des Edons, peuples de la Thrace sur les bords du Strymon; Penthée était roi de Thèbes. La manière insolente dont ils traitèrent Bacchus et leur châtiment sont décrits dans Apollodore, liv 3.

[246] C'est-à-dire, des habitants de Magnésie. Or il y a eu trois villes de ce nom, l'une en Thessalie et les deux autres dans l'Asie mineure ; la première de ces deux était sur le Méandre, la seconde près du mont Sipyle : c'est de cette dernière qu'il s'agit.

[247] Le sens de cet oracle était tel ou à peu près :

Une outre dans la mer est-il donc submergé? ce qui faisait assez entendre qu'Athènes se relèverait de ses malheurs. Pareil oracle adroit a été rendu à Thésée, comme le dit Plutarque dans la vie de ce grand homme.

[248] Scyros était une ville de l'Acarnanie. Ce philosophe fut disciple de Pittacus, et le maître de Pythagore ; il vivait vers la cinquante-cinquième olympiade. Théopompe dit que c'est le premier qui a écrit de la nature des dieux.

[249] Il entend la maladie pédiculaire, qui corrompt toute la masse du sang, au point que la chair se pourrit et engendre de la vermine.

[250] C'est-à-dire de Jupiter qui venge l'inhumanité qu'on exerce contre de malheureux suppliants.

[251] Ces deux tragiques furent contemporains et portèrent le théâtre grec à sa perfection. Il a déjà été parlé d'Euripide. Sophocle, athénien, naquit en la soixante-onzième olympiade; et mourut en la quatre vingt-douzième : ainsi il vécut environ quatre-vingt dix ans. Il était non seulement grand poète, mais grand capitaine, et commanda l'armée athénienne avec Périclès. De cent vingt tragédies qu'il avait faites, il n'en est resté que sept.

[252] Ce commandant était Lysander, qui prit Athènes dans le temps que Sophocle mourut.

[253] Eschyle était aussi Athénien, c'est le plus ancien poète tragique dont nous ayons quelque ouvrage. Ses pièces se sentent de la rudesse de son siècle et de l'enfance où était encore le théâtre d'Athènes; on en comptait jusqu'à quatre-vingt dix, mais à peine nous en reste-t-il sept. Devenu vieux et ne pouvant souffrir les grands succès de Sophocle, il se retira en Sicile auprès de Hiéron, et mourut à Gela. Quelques auteurs ont écrit qu'un aigle laissa tomber une tortue sur la tête d'Eschyle, et qu'il mourut de cet accident, suivant un oracle de Delphes qui lui avait prédit qu'il mourrait d'un trait lancé du ciel.

[254] Spon, dans son voyage d'Attique, parle de cette grotte, et dit qu'elle lui servit à reconnaître le lieu où était le théâtre décrit pat Pausanias.

[255] Niobé, fille de Tantale, et femme d'Amphion, fière de se voir quatorze enfants, méprisait Latone, parce qu'elle n'en avait que deux. Apollon et Diane, pour venger leur mère, tuèrent à coups de flèches tous les enfants de Niobé, qui, ne pouvant survivre à leur perte, sécha de douleur et fut métamorphosée en rocher. Or c'était une opinion populaire, que Niobé ainsi pétrifiée se faisait voir encore sur le mont Sipyle ; ce qui avait fait dire à Ovide, en parlant de cette Niobé :

In patriam rapta est, ibi fixa cacumine montis

Liquitur, et lacrymis etiam nunc marmora manant.

Pausanias réfute cette fable en disant, qu'après avoir vu de près ce que l'on, appelait la roche de Niobé il avait trouvé qu'il en était comme de plusieurs autres objets, qui, vus de loin, présentent aux yeux une toute autre figure que celle qu'il» ont.

[256] Dans Diodore de Sicile on lit Talus, et non Caius.

[257] Dédale était Athénien et l'un des descendants d'Erechthée ; il vivait en même temps qu'Œdipe, que Thésée, que Minos. C'est le plus ancien statuaire que Grèce ait eût et dont on raconte le plus de merveilles. Son histoire est écrite fort au long dans Diodore de Sicile, liv. 4. Il y a eu un autre Dédale qui était de Sicyone.

[258] Les Sarmates ou Sauromates, comme disaient les Grecs, étaient ces Scythes qui habitaient au-dessus des Palus-Méotides, et au midi du Borysthène. Voyez Strabon. Au reste, une bonne partie de ce récit est tirée d'Hérodote, dans sa Polymnie.

[259] Les anciens se sont fait une fausse idée des dragons, et Pausanias s'y est, je crois, trompé comme les autres. Un dragon. n'est autre chose qu’un serpent de la plus grosse espèce.

[260] Apollon était surnommé Gryniéen, à cause d'un temple célèbre qu'il avait dans la petite ville de Grynium, qui dépendait des Myriniens, comme le dit Stephanus.

[261] Pitthée, roi de Thrœzène, était père d'Ethra; Ethra avait épousé Egée, père de Thésée ; ainsi Pitthée était le bisaïeul d'Hippolyte.

[262] Ce Pallas était fils de Pandion, second du nom. par conséquent oncle de Thésée: mais il disputait à Thésée sa; naissance, et voulait l’exclure du trône. Il avait cinquante fils, que l'on nomme les Pallantides et qui s’étant partagés en deux troupes, comptaient de faire périr Thésée dans une embuscade; mais averti de leur dessein il tomba sur eux et les extermina tous.

[263] Chloé signifie en grec l'herbe. Cérès Chloé est donc comme qui dirait, Cérès la verdoyante, surnom qui convient assez à la déesse des moissons.

[264] On représentait toujours la Victoire avec des ailes ; celle-ci n’en avait point parce que c'était le monument de la victoire que Thésée avait remporté sur le Minotaure, et dont la nouvelle avait été si tardive, qu'Egée crut son fils mort, et se jeta de désespoir dans la mer.

[265] Ces propylées ou portiques faisaient une des grandes beautés de la ville d'Athènes. C'était Périclès qui les avait fait bâtir, sous la direction de Mnasiclès, un des plus célèbres architectes de son temps. Ils furent achevés en cinq ans sous l'archonte Pythodore, et avaient été commencés la quatrième année de la quatre-vingt cinquième olympiade, Périclès y dépensa deux mille douze talents; on entrait dans ces magnifiques vestibules par cinq grandes portes. Plutarque, dans la vie de Périclès, Harpocration, Meursius &c.

[266] Egisthe, après avoir débauché Clytemnestre, tua son mari Agamemnon. Oresste, fils d’Agamemnon, pour venger l'un et l'autre forfait, tua Egisthe et sa propre mère.

[267] Polyxène, fille de Priam, fut égorgée par Pyrrhus sur le tombeau d'Achille.

[268] Sériphe était une de ces îles que l'on appelait Cyclades.

[269] Ce poète vivait du temps des enfants de Pisistrate, près de cinq cents ans avant Jésus-Christ.

[270] C'est ainsi qu'il faut lire, dans le texte, comme Hésychius nous l'apprend. C'était une noble et ancienne famille d'Athènes qui avait le privilège exclusif de chanter en l'honneur de l'amour et des grandes déesses Cérès et Proserpine, des hymnes composées par d'anciens poètes, tels que Musée, Orphée, Onomacrite, Pamphus et Olen.

[271] On représente ordinairement les Grâces nues :

Gratia cum Nymphis, geminisque sororibus .audet

…………………………..ducere nuda choros.

dit Horace. Socrate avait habillé celles-ci.

[272] Anacharsis, il était Scythe de nation, mais fils d'une Grecque qui lui apprit à parler grec, et l'engagea à faire le voyage d'Athènes, où il se fit une grande réputation de sagesse ; il fut contemporain, de Solon et de Crésus.

[273] Il veut dire Pittacus.

[274] Pausanias devait ajouter que cette lionne était représentée sans langue, pour marquer que la force des tourments n'avait pu arracher une seule parole de la bouche de Lééna, qui même se coupa la langue dans la crainte de succomber à la douleur.

[275] Opunce en Achaïe était la ville capitale de ces Locriens que l'on surnommait Opuntiens, comme Cnémis était celle des Locriens que l'on nommait Epicnémidiens.

[276] C'est-à-dire de Minerve Salutaire, ou qui donne la santé.

[277] Il porte un vase sacré, une cuvette où l'on gardait l'eau lustrale pour servir aux aspersions comme nos bénitiers. Lysius était le fils de Myron, qui était d’Eleuthère, et florissait en la quatre-vingt septième olympiade; avec Scopas et Polyclète. Voici le jugement que Cicéron porte de Myron, dans son traité des Orateurs illustres : Quis non intelligit Canachi signa rigidiora esse, quam ut imitentur veritatem, Calamidis dura illa quidem, sed tamen molliora quam Canachi ; nondum Myronis satis ad veritatem adducta, jam tamen quœ non dubites pulchra dicere; pulchriora enim Polycleti ; et jam plane perfecta.

[278] Les Taures faisaient partie des Scythes; la Diane Taurique était la Diane qui avait son temple et son culte chez les Taures.

[279] La réflexion de Pausanias est fort sensée. L'idée d'un cheval de bois, farci de gens de guerre, est une imagination poétique, qui, bien examinée, n'a pas ombre de raison.

[280] Epéüs, fils de Panopée, était ingénieur et statuaire ; il fabriqua ce cheval de bois, que l'Enéide de Virgile a rendu si célèbre ; mais, selon Pline, liv. 7, chap. 56, ce cheval était une machine de guerre, et la même que l'on a depuis appelée aries, un bélier.

[281] Amasée a lu Epicharmus, au lieu de Charinus, et a brouillé tout le sens de cette phrase ; Charinus était archonte en la quatre-vingt neuvième olympiade.

[282] Thucydide était Athénien ; le talent de bien écrire fut son moindre talent ; il était grand capitaine et grand-homme d'état : il nous a laissé une histoire de la guerre du Péloponnèse, qui a été continuée par Xénophon, et que la postérité a regardée comme un chef-d’œuvre dans le genre historique.

[283] On a déjà dit ce que les Grecs entendaient par le terme de pancratiaste.

[284] Il y avait dans l'Attique deux bourgades de ce nom, la haute et la basse ; l'une et l'autre étaient de la tribu de Pandion. Péanie était le lieu natal de Démosthène.

[285] Colchos était la capitale de la Colchide, que l'on appelle aujourd'hui la Mingrélie.

[286] Laphystios. festinare, avoir hâte, c'était apparemment la même divinité que Jupiter Phyxius, ainsi dit fuir. Sous cette dénomination Jupiter était regardé comme le dieu tutélaire des fugitifs.

[287] De là le surnom d'Ergané, comme qui dirait, Minerve la protectrice et le conseil des grands artisans. Pausanias, en quelque endroit de son ouvrage, dit que le coq, symbole de la vigilance, était consacré à Minerve Ergané.

[288] Ce Cloeétas était non seulement grand statuaire, mais grand architecte. La barrière d'Olympie, dont les Grecs s'applaudissaient tant, était son ouvrage.

[289] Selon les mythologues, la Terre était l'épouse de Jupiter, qui descendait dans son sein quand il pleuvait : Conjugis in graemiwn lœtœ descendit, dit Virgile. Et Tibulle, parlant du débordement du Nil qui fertilise l'Egypte dit :

Te propter, nullos tellus tua postulat imbres,

Arida, nec pluvio supplicat herba Jovi.

[290] C'étaient deux grands capitaines athéniens, dont vous pouvez lire la vie dans Cornélius Népos.

[291] Jupiter Poliéus, c’est comme qui dirait, Jupiter le protecteur de la ville.

[292] Pausanias racontera bientôt lui-même l'origine de cette cérémonie. Si l'on en veut savoir davantage, on peut consulter Hésychius, Suidas et Meursius, livre 6, chapitre 22, de ses éclaircissements sur l’Attique.

[293] De cette fonction-là même le prêtre prenait son nom. Anciennement c'était un crime capital que de tuer un bœuf, parce que cet animal était regardé comme nécessaire aux hommes pour la culture des terres ; voilà le fondement de cette sentence portée contre une hache, qui paraît d'abord si ridicule, voyez Varron de re rustica, liv. 2, chap. 5.

[294] J'ai déjà dit que c'était le temple de Minerve ; on l'appelait autrement l’Hécatompédon, ou le temple de cent pieds, parce qu'il avait cent pieds en tout sens. C'était un des plus magnifiques édifices qu'il y eût à Athènes; il avait été rebâti par Périclès, les Perses ayant brûlé le premier On en peut voir la description dans le voyage de Spon, qui avait vu ce temple à Athènes, car il subsiste encore pour la plus grande partie.

[295] Comme les anciens n'ont pu nous laisser d'estampes ni de plans figurés de leurs temples, il n'est pas aisé de dire ce qu'ils entendaient par les aigles. On sait seulement, et Vitruve nous l'apprend, que dans les premiers temps le toit des temples était une espèce de plate-forme ; qu'ensuite pour faciliter l'écoulement des eaux, on fit les toits en pente ; et parce que cette forme ressemble assez à celle des ailes d'un aigle quand il les déploie et les tient un peu penchées, on appela cette sorte de couverture de ce nom. Cependant comme le temps a épargné une bonne partie de ce temple de Minerve, suivant la description que Spon en a faite, je crois qu'ici Pausanias par les aigles, entend les deux frontons, celui de la façade du temple et celui de derrière.

[296] Cette statue, haute de vingt-six coudées, était le chef-d'œuvre de Phidias ; Cicéron, Pline, Plutarque et plusieurs autres grands écrivains qui l'avaient vue, en parlent avec admiration.

[297] Proconnèse était une petite île de la Propontide, aujourd'hui Marmara. Aristée vivait du temps de Crésus en la cinquantième olympiade. Hérodote a débité beaucoup de fables touchant ce poète ; et après Hérodote, plusieurs autres écrivains, dont Origène se moque avec raison.

[298] Les Arimaspes étaient Scythes; Hérodote et Strabon en parlent à-peu-près comme Pausanias. Strabon croit que ce que l'on disait des Arimaspes, qu'ils n'avaient qu'un œil, a donné lieu a la fable des Cyclopes d'Homère Aulu-Gelle, liv. 9, chap. 4, dit que le poème d'Aristée sur les Arimaspes existait encore de son temps. Casaubon en cite un fragment de six vers dans ses notes sur Strabon.

[299] Les Issédons ou Essédons étaient Scythes de même que les Arimaspes. Quelques géographes modernes les placent dans la grande Tartarie.

[300] Plutarque, dans son traité d'Isis et Osiris, dit que ce serpent ou dragon était là pour marquer que la virginité a besoin d'un gardien.

[301] Pandore, selon la fable, était la femme d'Epiméthée, frère de Prométhée. Elle fut formée de la terre par Vulcain, et chaque dieu contribua de quelque chose à sa perfection ; de là son nom de Pandore, de deux mots grecs qui signifient toute sorte de dons.

[302] Périclès fut illustre par sa naissance et par son mérite personnel ; il était grand orateur, grand capitaine, et grand politique. On peut lire sa vie dans Plutarque, qui compare cet Athénien avec Fabius Maximus, un des plus grands hommes que Rome ait portés.

[303] C'était une ville de la Carie dans l'Asie mineure.

[304] Sapho de Lesbos vivait du temps de Stésichore et d'Alcée, environ six cents ans avant l'ère chrétienne. Cette fille se rendit si célèbre par son esprit et par ses poésies, qu'elle mérita d'être appelée la dixième Muse. Socrate, Aristote, Strabon, Denys d'Halicarnasse, Plutarque et Longin l'ont mise au rang des plus grands poètes. Quelques auteurs rapportent qu'ayant pris de l'amour pour le jeune Phaon qui la méprisait, elle fit le saut de Leucade, c'est-à-dire, quelle se précipita du haut de ce promontoire dans la mer.

[305] Ce statuaire est connu par plusieurs ouvrages dont il est parlé dans Pline, et par une épigramme qui se lit dans l’Anthologie grecque sur une de ces statues.

[306] Pallène, autrement Phlégra, était une péninsule de forme triangulaire dans la Thrace, dit Etienne de Byzance.

[307] Les Athéniens et leurs alliés furent entièrement défaits devant cette ville de la Béotie, par Philippe, roi de Macédoine, et par Alexandre son fils, qui, à l'âge de dix-neuf ans, commandait une aile de l’armée macédonienne.

[308] Ces murailles embrassaient tout le Pirée et le joignaient à Athènes ; elles étaient longues de quarante stades, qui font cinq mille pas, hautes de quarante coudées, et si larges que deux charriots y pouvaient passer de front ; on n'avait employé à leur construction que de grosses pierres de taille jointes ensemble, non avec du ciment, mais avec du fer et du plomb fondus, ce fut Cimon qui en jeta les fondements, à ce que dit Plutarque, et Pérics qui les fit achever.

[309] C'était une forteresse entre l'Attique et la Béotie.

[310] Ce poète mérite bien que j'en parle ; il ne faut pas le confondre avec d'autres de même nom, car on en compte jusqu'à sept ; celui-ci, le plus ancien de tous, vivait avant Homère ; il était athénien, fils d'Antiphème : entre autres ouvrages de poésie il en avait fait qui étaient des préceptes adressés à son fils Eumolpe. Il fut disciple d'Orphée ; les ouvrages qui portaient son nom passaient pour être d'Onomacrite dès le temps de Pausanias. Nous n’avons plus rien de cet ancien poète, son petit-fils eut aussi nom Musée; Diogène Laërce le fait inventeur de la sphère et lui attribue une théogonie.

[311] Artaxerxès voulant marquer à Thémistocle à quel point il l'estimait, et aussi dans l'espérance de se servir utilement de ce grand homme, lui donna trois villes, Magnésie, Lampsaque et Myunte, en lui disant que Magnésie fournirait le pain de sa table, Lampsaque le vin, et Myunte la bonne chère. Cornélius Népos dans la vie de Thémistocle.

[312] Il y a eu deux Boutès, tous deux athéniens ; l'un, fils de Pandion, après la mort de son père, fut revêtu du sacerdoce de Minerve, l'autre fut du nombre des Argonautes ; c'est apparemment de ce dernier qu'il est ici parlé.

[313] C'est-à-dire qu'il y avait deux temples joints ensemble ; ils subsistent encore, et nous en avons la description dans le voyage de Spon. « Ces deux temples, dit-il, sont d'ordre ionique avec des colonnes cannelées, et tout de marbre, comme celui de Minerve. Le grand a soixante-trois pieds et demi de long sur trente-six et demi de large ; le petit, vingt-neuf de long sur vingt-un trois pouces de large. »

[314] Carpasium ou Carpasia était une ville de l'île de Chypre.

[315] Pline en parle de la même manière, liv. 34, chap. 19.

[316] C'est-à-dire, de Minerve protectrice de la ville.

[317] Le grec ne fait aucun sens raisonnable ; Kuhnius lit : qui ne laisse pas bien voir ; j'aime mieux lire avec Paulmier de Grentemesnil : bien lié, bien tissé ; car je ne comprends pas qu'on laissât croître dans un temple une forêt de myrte qui couvrît cette statue ; c'est pourtant la pensée de Kuhnius.

[318] Ce mot est consacré pour fortifier les vierges dont il s’agit ici. Cicéron, dans son sixième plaidoyer contre Verrès, parle des Canéphores de Polyclète comme de deux statues d'une grande beauté ; il y avait aussi les Canéphores de Scopas, dont parle Pline, liv. 36, cistifera, porteuse de corbeilles.

[319] Cet endroit du texte est évidemment corrompu ; le nom de l'Augur y est omis. Kuhnius a voulu le rétablir en lisant Endœus ; mais c’est une conjecture trop hasardée. Pausanias a ci-devant parlé d’un Endœus, statuaire, et non Augur ; cet Endœus était contemporain de Dédale, par conséquent fort antérieur à Tolmidès, qui se distingua durant la guerre du Péloponnèse.

[320] Philippe d'Orléans a dans son cabinet une cornaline antique d’une grande beauté, où cette action de Thésée est gravée. On y voit ce jeune héros lever une pierre énorme, sous laquelle on découvre l'épée et la chaussure qu'Egée y avait cachées ; cette cornaline vient de feu Madame, qui l'avait eue du prince Palatin, son père. On en peut voir la description dans le recueil de Béger.

[321] Il semble que Pausanias attribue cela à une cause extraordinaire, en quoi il se trompe: la cause en est toute naturelle ; la terre alors n'était ni peuplée ni cultivée comme elle l'est à présent : de vastes forêts la couvraient de tous côtés. Il n'est pas étonnant que ces immenses solitudes nourrissent des bêtes plus féroces et plus terribles que l'on n'en voit de nos jours. Sans remonter si haut, il paraît, par nos légendes, que dans les premiers temps du christianisme, le pays que nous habitons, la Gaule, produisait de ces sortes de bêles, et c'était pour la même raison.

[322] Thucydide, liv. 1, nous apprend que ce Cylon s'empara de la citadelle d'Athènes, et que peu de temps après il fut obligé de l'abandonner.

[323] Pline, liv. 33, ch. 12, vante Mentor comme le plus célèbre graveur de l'antiquité, et met au second rang Acragas, Boëtus et Mys. Martial loue ce dernier dans plus d'une de ses épigrammes, surtout dans celle-ci :

Quamvis Callaico rubeam generosa metallo,

Glorior arte magis ; nam Myos iste labor.

[324] Ce combat, est décrit dans Apollodore, liv. 2, dans Hygin, fable 33, et dans les Métamorphose d'Ovide, liv. 12. Les Centaures et les Lapithes étaient des peuples de la Thessalie ; les premiers furent ainsi appelés du mot grec signifiant pungo, je pique, et de taurus, un taureau, parce qu'ayant su des premiers l’art de dompter des chevaux et de les monter, ils s'en servaient à combattre des taureaux sauvages. Et parce qu'ils paraissaient montés sur des chevaux dans un temps où l'on connaissait peu cette monture, de là vint qu'on les représenta comme des monstres qui étaient moitié hommes et moitié chevaux.

[325] Parrhasius d'Ephèse, fils et disciple d'Evénor, fut le rival de Zeuxis, et l'un des grands peintres de l'antiquité ; mais il en était trop persuadé, ce qui le rendait fort vain. Il florissait peu avant la guerre du Péloponnèse, en même temps que Socrate, quelques quatre cent quarante ans avant l’ère chrétienne.

[326] C'est-à-dire, de cinq lieues, car Sunium était à cette distance d'Athènes.

[327] L'Eubée est aujourd'hui l'île de Nègrepont.

[328] C'est ainsi qu'il faut lire dans le texte, comme dans Hérodote, liv. 6,ch. 106 : ce coureur s'appelait Phidippidès, parce qu'il allait si bien à pied qu'il n'avait pas besoin de chevaux.

[329] Cette superstition était si ancienne pâmai les Lacédémoniens, que nous la voyons établie dès le temps d'Eurotas, le troisième de leurs rois. Les lunes lacédémoniennes avaient passé en proverbe.

[330] Ce mot est composée de Mars et de collis, colline, comme qui dirait la colline de Mars. L'aréopage était le plus auguste tribunal qu'il y eût à Athènes. Le nombre des juges qui le composaient et la qualité des affaires dont ils connaissaient ont varié. On y portait surtout les causes capitales où il s'agissait de meurtre ou de péculat, ou d'impiété et d'innovation ou matière de religion. Nous voyons que S. Paul y fut accusé pour avoir prêché Jésus-Christ et la résurrection des morts. Socrate fut jugé et condamné par ce tribunal. Si vous en voulez savoir davantage, vous pouvez lire Meursius et Potterus.

[331] C'est-à-dire, de Minerve qui avait un autel sur la colline de Mars.

[332] L'expression grecque est remarquable, des pierres d'argent, c'est ainsi qu'en parlant des fers d'un cheval, nous dirions des fers d'or ou d'argent.

[333] Selon Sophocle Œdipe est mort à Colonne, qui était un bourg de l'Attique, à cinq quart de lieue d'Athènes, Pausanias traite cela de fable, parce que suivant Homère, liv. 23 de l'Iliade, Œdipe est si bien mort à Thèbes, que Mécisthée, frère d'Adraste, s'y rendit pour disputer le prix des jeux funèbres que l'on devrait célébrer sur le tombeau de ce prince.

[334] Pollux dit qu'il y avait à Athènes deux tribunaux de ce nom, et qu'ils étaient ainsi appelés parce que l'on n'y portait que de petits procès : Pausanias en donne une autre raison.

[335] C'était un des enfants de Thésée, et celui-là même qui lui succéda.

[336] Elle était ainsi nommée parce que les juges qui la composaient s'assemblaient dans le temple d'Apollon, dit Delphinien.

[337] Ce prêtre avait pour fonction d'assommer la victime. Pour entendre ce que raconte ici l'auteur, et pour le trouver raisonnable, il faut savoir que du temps de Cécrops, premier roi d'Athènes, il était défendu de sacrifier aux dieux, quoi que ce fût d'animé, bien moins un bœuf, que l'on regardait alors comme l'animal le plus nécessaire à ma culture des terres. Eusèbe s'est donc trompé lorsque dans sa Chronique, liv. 1, il a dit que Cécrops avait le premier immolé un bœuf à Jupiter. Meursius a fort bien remarqué que ce qui a donné lieu à la méprise d'Eusèbe, c'est que le mot grec traduit ne signifie pas seulement un bœuf, mais aussi une espèce de gâteau cornu ; Hésychius et Julius Pollux y sont formels. L'usage de n'offrir aux dieux que cette espèce de galette et des fruits de la terre dura jusqu'au règne d'Erechthée ; alors on immola pour la première fois un bœuf à Jupiter Poliéus, ou protecteur de la ville ; le prêtre qui assomma la victime eut lui-même horreur de cette action et s'enfuit.

[338] Cette action fut de tuer Cambyse. L'auteur personnifie le cimeterre de ce prince ; pour rendre sa pensée il m'a fallu aussi le personnifier. La mort de Cambyse est racontée dans Hérodote, liv. 3.

[339] Signifie un puits, parce que ce tribunal se tenait auprès d'un puits Au reste, si l'on désire un plus ample détail de ces divers tribunaux, où l'on rendait la justice à Athènes, on le trouvera dans l'archéologie de Potterus.

[340] Il est surprenant que Pausanias n'ait pas fait mention ici des galères de Démétrius Poliorcète qui avaient seize rangs de rameurs, ni de cette prodigieuse galère de Ptolémée Philopator qui en avait quarante. Ces rangs de rameurs si multipliés ont donné la torture à tout ce qu'il y a eu de critiques modernes ; et, en effet, il n'est pas aisé de concevoir comment dans une galère il pouvait y avoir neuf et dix rangs de rameurs les uns sur les autres qui agissent en même temps ; mais comme il n'est pas possible d'éclaircir cette difficulté dans une simple note, je renvoie le lecteur à une dissertation de Paulmier, qui se trouve dans ses observations sur le fragment de Memnon, n'ayant rien vu de plus solide et de plus savant en ce genre.

[341] Pausanias semble distinguer l'académie du Céramique; cependant elle en faisait partie. Il faut donc observer qu'il y avait à Athènes deux Céramiques, l'un dans la ville, dont l'auteur a parlé plus haut, et d'où l'on sortait par la porte Dypile, autrement la porte du Céramique, et l'autre hors de la ville : ce dernier comprenait l'académie. Harpocration, Hésychius et Suidas distinguent formellement ces deux Céramiques.

[342] Pausanias ne peut pas tout dire ; il omet que ce particulier se nommait Académus, d'autres disent Echédemus. Quoi qu'il en soit, c'est du nom de ce héros, car il est ainsi qualifié par quelques auteurs, que toutes les académies ont tiré leur dénomination.

[343] Le texte dit Brabisque, mais c'est Drabisque qu'il faut lire, comme dans Thucydide et dans Strabon. Le Drabisque faisait partie de la Thrace.

[344] C'était des peuples de Thrace.

[345] Eleusis était une ville de l'Attique entre Mégare et Athènes ; elle s'appelle aujourd'hui Lepsina, et ce n'est plus qu'un monceau de ruines. Tanagre était une ville d'Achaïe sur la rivière d'Asope : on la nomme à présent Anatoria.

[346] A Athènes et, dans toute l'Attique, le nombre des' esclaves excédait si prodigieusement le nombre des citoyens, que pour un citoyen il y avait quinze et vingt esclaves. Ces esclaves, si supérieurs en nombre, se seraient infailliblement révoltés contre les citoyens, si l'on ne les avait tenus dans une extrême dépendance, aussi les traitait-on en quelque façon comme des bêtes. Cependant, parce que dans la guerre des Perses ils avaient donné des preuves d'affection et d'attachement pour leurs maîtres, on jugea à propos de les récompenser, et l'on, fit un décret qui portait que les esclaves qui seraient tués au combattant pour la république, auraient les honneurs de la sépulture, de même que les citoyens.'

[347] C'était une ville considérable da la Macédoine ; elle est présentement en ruines.

[348] Par Hilotes il faut entendre des gens pris à la guerre, et qui avaient été faits esclaves. L'auteur parlera plus amplement de ces Hilotes dans son voyage de Sparte.

[349] C'était une forteresse, dans la Messénie.

[350] Il y a dans le texte, Ariste, mais faut-il lire Arsétès avec Kuhnius. Ariste n'est pas un nom persan, en second lieu Arsétès était satrape de Phrygie, dans la conjoncture dont il est ici parlé.

[351] Périnthe était alors une ville de la Thrace; c'est à présent Araclea dans la Romanie, province de la Turquie en Europe.

[352] C'était une ville de Macédoine, et c'est aujourd'hui Empoli, ville de la Turquie en Europe

[353] C'était une rivière de l'ancienne Pamphylie, qui avait sa source au mont Taurus. Cimon, général de la flotte athénienne, poursuivit Xerxès jusqu'à l'embouchure de cette rivière.

[354] Zénon, disciple de Crater et le fondateur de la secte stoïcienne, florissait en la cent vingtième olympiade, environ trois cents ans avant Jésus Christ. Chrysippe, philosophe stoïcien, disciple de Cléanthe, qui fut le successeur de Zénon, mourut en la cent quarante-troisième olympiade, selon Diogène de Lrce.

[355] Pérics, piqué de n'avoir pu obtenir une place dans le sénat de l'Aréopage, entreprit de l'humilier. Il fut secondé par Ephialte, célèbre orateur de ce temps-là; tous deux agissant de concert, ils vinrent à bout d'ôter aux juges de l'Aréopage la connaissance de plusieurs affaires qui jusque-là avaient été de leur compétence. Cet auguste sénat fut donc avili; et par une suite assez ordinaire s'étant en même temps relâché de cette ancienne sévérité de mœurs qui lui avait acquis tant de réputation, il tomba bientôt dans le mépris.

[356] Il ne faut pas confondre ce Lycurgue avec le célèbre législateur de Lacédémone, fort antérieur à celui-ci.

[357] C'est-à-dire plus de six millions d'écus de notre monnaie (1794), somme prodigieuse et presque incroyable pour ce temps-là.

[358] Cette inscription se trouve à la fin de l'anthologie, si néanmoins c’est la même ; car dans celle de l'anthologie il n'est point dit que Charmus ait le premier élevé un autel à l'Amour. Ce Charmus vivait au temps de Pisistrate.

[359] Cicéron, liv. 3, de la nature des dieux, distingue quatre Vénus. Il dit que la troisième était fille de Jupiter et de Dioné, et que d'elle et de Mars naquit Anthéros.

[360] L'auteur dit simplement dans la ville ; mais selon toute apparence il entend la ville haute ou la citadelle.

[361] Elien, dans ses histoires diverses dit Melitus : il change aussi les rôles des personnages, mais l'aventure est la même au fond.

[362] Il est parlé de toutes ces fêtes des Athéniens dans le livre de Meursius, intitulé Grœcia feriata ; j'y renvoie le lecteur pour ne pas grossir cet ouvrage par des compilations qui ne coûtent qu'à transcrire.

[363] Voilà une de ces opinions qui, pour être généralement reçue, n'en sont pas plus vraies ; car en tout pays le cygne a la voix fort désagréable. Vous pouvez voir sur ce sujet, dans le quatrième tome des mémoires de l'Académie des belles lettres, une dissertation de Morin, qui mérite d'être lue.

[364] C'est de là que cette tragédie de Sophocle, intitulée Oedipe à Colonne et qui a été si bien traduite en français par Boivin, a pris son nom.

[365] Voilà un seul monument héroïque pour plusieurs héros ; cela est remarquable.

[366] Alime était une bourgade de la tribu Léontide, près de Phalère, et par conséquent peu distante d'Athènes.

[367] On ne sait de quelle tribu était cette bourgade. Zoster, dit Spon, était un cap près de Sunium.

[368] Prospalte était une bourgade de la tribu Acamantide ; ses habitants passaient pour satyriques et mordants. Eupolis, poète comique, avait fait contre eux une pièce intitulée les Prospaltiens.

[369] Prasie, bourgade de la tribu Pandionide ; c'était, dit Spon, un lieu maritime du côté de l'Eubée.

[370] C'était une ville considérable du royaume de Pont, en Asie.

[371] Les habitants de Lampra : il y avait la haute et la basse ville, l’une et l'autre entre Sunium et Phalère, de la tribu Erecthéïde.

[372] Cette bourgade était de la tribu Léontide, et peu distante de Sunium ; c'est aujourd'hui le port Rafti où il n'y a aucune habitation.

[373] Phlya, leur bourgade, était de la tribu Cécropide. Harpocration nous apprend qu'Euripide était de cette bourgade.

[374] C'est-à-dire, à Diane porte-flambeau. Il est clair que par-là ils entendaient la lune.

[375] Ainsi appelées à cause du fleuve Isménus dans la Béotie, sur les rives duquel elles avaient des autels.

[376] Jupiter Ctésius, fortunatur, qui favorise l'industrie des hommes ; c'était aussi le surnom de Mercure. Minerve Tithroné, du nom de la ville de Tithionium, dans la Phocide, d'où le culte et la statue de cette déesse avaient apparemment passé à Myrrhinonte.

[377] Myrrhinonte, de la tribu Pandionide, près de Marathon, avait pris son nom de la grande quantité de myrtes qui naissaient dans son terroir.

[378] Athmonon ou Athmonie était de la tribu Cécropide.

[379] Suidas dit aussi que Colénis était un surnom de Diane, et que ce surnom venait de ce que Colénus lui avait bâti un temple.

[380] Acharna, de la tribu Œnéïde, était à soixante stades d'Athènes ; ses habitants gagnaient leur vie à vendre du charbon, et passaient pour être fort grossiers ; aussi Aristophane a-t-il fait une comédie intitulée de leur nom, les Acharnanes.

[381] C'est encore à présent le mont Penteli, ou comme les Grecs modernes prononcent, Pendéli; c'était aussi une bourgade de la tribu Antiochide. Pour le mont Parnès elle mont Hymète, on ne sait de quelle tribu ils étaient; mais Strabon le, met au nombre des bourgades de l'Attique.

[382] Homère parle de ces peuples à la fin du second livre de l'Iliade; il les fait venir des extrémités du Pont-Euxin. Etienne de Byzance les place entre la Mysie, la Lydie et la Carie. Selon Pline, liv. 5, ch. 32, ils sa nommaient les Halisons, parce que la mer faisait une espèce de ceinture autour de leur pays.

[383] Meursius met aussi Anchesme parmi les bourgades de l'Attique, sur la seule autorité de Pausanias. Spon dit que ce n'est qu'un rocher inhabité et où il n'y a pas même de place pour bâtir. Il se nomme à présent Agios Georgios, le mont Saint-George.

[384] Cette bourgade, si célèbre par la défaite des Perses, était de la tribu Ajantide, comme Spon la prouvé par un ancien marbre qui confiant les noms des tribus athéniennes.

[385] Eurysthée était fils de Sthénelus, roi de Tirynthe, et petit-fils de Persée; il était aussi petit-fils de Pélops, par sa mère Nicippé, qui était fille de Pélops. Hercule, par l'artifice de Junon, fut soumis aux volontés d'Eurysthée pendant l'espace de douze ans, et obligé de faire tout ce qui plaisait à ce prince de lui commander ; de là les douze travaux d'Hercule si célèbres dans la fable.

[386] Les Trachiniens étaient des peuples de la Thessalie.

[387] L'on ignore de quelle tribu elle était; c'est aujourd'hui Urana, et ce n'est plus qu'un petit hameau. Spon, page 134.

[388] Amasée s'est trompé en cet endroit; il ne s'agit pas de savoir quels étaient les barbares qui avaient la Diane Taurique en leur possession.

[389] Cette bourgade était de la tribu Ajantide ; les Grecs modernes l'appellent Tauro-Castro. Le rhéteur Antiphon était de Rhamnus.

[390] Pline, l. 36, ch. 5, dit que cette statue était d'Agoracrite, disciple de Phidias, et disciple infiniment cher à son maître. Quoi qu'il en soit, Varron mettait cette statue au-dessus de toutes celles qu'il avait vues.

[391] Et non pas de frêne comme le porte la version latine d'Amasée. Suidas en dit la raison : c'est que cette statue avait d'abord été consacrée à Vénus. Erechthée la dédia ensuite à Némésis, dont il se disait le fils ; ce qu'il faut pourtant entendre d'une première statue différente de celle dont parle Pausanias. Ainsi la statue de Phidias prit la place d une beaucoup plus ancienne qui était déjà dans ce lieu-là.

[392] Les Ibériens sont aujourd'hui les Espagnols ; j'ai déjà dit ce que les anciens entendaient par le mot de Celtes.

[393] Ces peuples sont ainsi nommés parce qu'ils ne se nourrissaient que de poisson. C'est un nom composé de deux mots grecs qui signifient cela.

[394] Les anciens Grecs se figuraient les Ethiopiens comme un peuple heureux, qui passait la vie dans l'abondance et dans les délices; de là cette opinion que le Soleil avait sa table chez eux. D'ailleurs, comme les Ethiopiens sont brûlés du soleil, on a pu croire qu'il faisait chez eux un plus long séjour qu'en nul autre endroit, ce qui a encore donné lieu à cette fable. Quoi qu'il en soit, Homère, au premier livre de l'Iliade, nous représente Jupiter allant à un grand festin chez les Ethiopiens.

[395] Voilà un point de mythologie fort remarquable, comme fort ignoré ;car dans l’opinion commune Hélène était fille d'Alcmène.

[396] Il y avait deux bourgades de ce nom, l'une près d'Eleuthère, de la tribu Hippothoontide ; l’autre près de Marathon, de la tribu Ajantide.

[397] Strabon dit bien nettement qu'Eléunte ou Eléus, comme il l'appelle, était une ville de la Troade, et que Protésilas y avait sa sépulture.

[398] La version latine d’Amasée est ici très fautive, attribuant aux enfants d'Amphiloque ce que Pausanias dit des enfants d'Amphiaraüs.

[399] Cela sera expliqué par l'auteur même dans un autre endroit.

[400] Les autres oracles étaient donc trompeurs, mais s'ils étaient trompeurs, pourquoi s'y fiait-on ? Cet aveu est digne de remarque dans la bouche d'un païen.

[401] L'avarice ou la cupidité des prêtres a été dans tous les temps une source de superstitions et d'abus.

[402] Voici un des endroits les plus obscurs et les plus défectueux de Pausanias. Non seulement l'oracle rendu en vers par Amphiaraüs manque dans le texte, mais on ne sait à quoi rapporter les mots.

[403] Strabon, liv. 9, autorisé du témoignage d'Homère, dit que cette île s'appelait anciennement Cranaa, et qu'elle fut nommée île d'Hélène, parce que Pâris avait joui là de ses amours pour la première fois.

[404] Cette ville s'appelle à présent Couleuri, et c’est plutôt un village qu'une ville. L'île entière, qui était autrefois le royaume d'Ajax, peut avoir quinze lieues de circuit au rapport de Spon dans son voyage de la Grèce, page 154.

[405] C'est apparemment cette tradition qui a donné lieu à Ovide de dire qu'Ajax fut métamorphosé en cette fleur que nous appelions jacinthe.

Tempus illus erit quo se fortissimus heros

Abdat in hunc florem, folioque legatur codem. Met. l. 10.

[406] Ces lettres sont ai, ai, ce qui fait dire à Ovide :

Ipse suos gemitus foliis inscribit, et ai, ai

Flos habet inscriptum, funestaque littera ducta est.

[407] Cet endroit à été suspect à Casaubon, et, je crois, avec justice, quoique Bulengerus ait pris à tâche de le défendre. Ces palets, autrement appelés disques, étaient ou de pierre, ou d’airain, ou de fer. La forme en était plate, et approchant de celle d'une lentille; c'est pourquoi Dioscoride appelle une lentille, un disque. Le poids et la masse de ces disques étaient énormes, même de ceux dont se servaient les jeunes athlètes.

[408] Il était roi des îles Baléares, que l'on appelle aujourd'hui Majorque et Minorque. Selon la fable ce Géryon avait trois corps, et peut-être que cette fable est fondée sur ce qu'il avait deux frères avec qui il vivait dans une si parfaite concorde, qu'il semblait que ce fût une même âme qui animait trois corps.

[409] C'est aujourd'hui Cadix, ville d Espagne, qui est située entre l'embouchure du Guadalquivir et le détroit de Gibraltar, près de la côte d'Andalousie.

[410] C'est-à-dire, le fils qu'il avait eu d'Omphale, reine de Lydie.

[411] C'est ce que Cornélius Népos explique par ces paroles : Victus ergo est magis consilio Themistoclis quam armis Grœciœ ; Xerxès fut donc vaincu moins par les armes de la Grèce que par les conseils de Thémistocle.

[412] Ce Plutarque était d'Eréthrie, ville d'Eubée, et défendait son pays contre Philippe, roi de Macédoine, qui voulait s'en rendre maître. Il appela à son secours les Athéniens, qui d'abord y envoyèrent Phocion avec des troupes ; ce général conduisit son entreprise avec la sagesse et le bonheur qui l'accompagnaient partout. Ensuite Molossus lui succéda ; mais comme il n'avait pas la capacité de Phocion, il n'eut pas non plus le même succès, car il tomba entre les mains des ennemis.

[413] Ce général était Paul-Emile, si célèbre dans l'histoire romaine par la défaite de Persée, qu'il fit prisonnier, et par la conquête de toute la Macédoine, qui en fut la suite.

[414] La version latine de cet endroit du texte est toute propre à induire en erreur. Le savant Paulmier a fort bien remarqué que l'auteur parle ici, non d'un seul Démétrius, mais de deux, dont l'un était Démétrius, surnommé Etolicus, qui fut fils d'Antigonus, et père de Philippe ; l'autre était Démétrius Poliorcète, père d'Antigonus, lequel Démétrius Poliorcète eut, le premier de sa race, l'empire de Macédoine.

[415] Le texte dit Alis, qui est, selon toute apparence, un mot corrompu. Amasée a lu, d'Alé qui était une bourgade de la tribu Cécropide.

[416] Dadouques, porte-flambeaux. C’était une fonction sacrée et la plus considérable dans les mystères de Cérès après celle de grand-prêtre. Le porte-flambeau pouvait se marier, comme on le voit par ce passage même de Pausanias, à la différence du prêtre de Cérès qui faisait vœu de chasteté perpétuelle.

[417] Lacides, de la tribu Œnéïde. Miltiade et son fils Cimon, ces deux grands capitaines, étaient de cette bourgade.

[418] La version latine dit, le plus grand poète tragique; ce n'est pas le sens de l'auteur.

[419] Le texte est un peu altéré en cet endroit; il faut avoir plus d'égard au sens qu'aux paroles.

[420] C'était une ville de Pamphylie. Ce Théodecte, fils d'Aristandre et contemporain d'Aristote, était un des plus beaux hommes de son temps ; mais la beauté et l'esprit passait en lui celle du corps : il était grand poète et grand orateur; il avait fait cinquante tragédies et plusieurs oraisons qui toutes ont péri.

[421] Selon Strabon, liv. 10, les Téléboins et les Taphiens étaient un même peuple, Taphos et Taphiouse était une des îles Téléboïdes. Pline, liv. 4, les place entre la Leucadie et l'Achaïe.

[422] Comme les oracles s'expliquaient toujours d'une manière ambiguë, celui-ci entendait : une espèce de serpent ou de lézard, qui, avec ses six pattes rangées d'un et d'autre côté, pouvait augurer une galère à trois rangs.

[423] Méziriac, dans son commentaire sur la lettre d'Hermione à Oreste, propose ses doutes, et se détermine à croire que c’est une pierre non taillée ni polie ou mise en œuvre, ou bien une pierre antique. Mais dans l'endroit dont il s'agit, ici le sentiment de Méziriac ne peut avoir d'application ; car un mur fait de vieilles pierres ou de pierres brutes, et non taillées, ne saurait avoir de beauté : or celui dont parle Pausanias était comme il le dit d'une beauté remarquable; c’est ce qui m’a déterminé à comprendre l'expression de l'auteur par ces mots, un mur fait de pierres blanches d'une grande beauté. (Gédoyn)

[424] Meursius lisait Bésara ; mais c'est Sésara qu'il faut lire, selon le témoignage d'Hésychius.

[425] C'était encore une bourgade de l’Attique, de la tribu Léontide, et le lieu de la naissance d'Alcibiade.

[426] Ce poète était Athénien : on le croit plus ancien qu'Homère ; il avait fait un poème sur les Grâces, et plusieurs hymnes : on trouve quelques-uns de ses vers cités dans les anciens auteurs grecs.

[427] Les hérauts grecs ou Céryces se disaient descendus de cet ancien Céryx, dont il est ici parlé.

[428] Cum impetu invado, parce que ce bandit attaquait les passants.

[429] Propyléa, vestibulum, vestibule, comme qui dirait, Diane qui veille à la garde de la ville.

[430] L'auteur explique lui-même le mot callichore, en disant que l’on dansait autour de ce puits.

[431] Nous avons un traité de Meursius sur les mystères de Cérès d'Eleusis ; ce savant homme y a ramassé tout ce que l'antiquité nous en peut apprendre. J'y renvoie donc le lecteur. Je me contente de dire en général que les plus grands hommes, soit Grecs ou Romains, avaient l'ambition d'être initiés à ces mystères ; qu'il ne s'y passait rien contre les bonnes mœurs, et que ceux qui s'enrôlaient dans cette espèce de confrérie, contractaient l'obligation de vivre d'une manière plus pure et plus vertueuse que les autres; c'est bien assez qu'ils eussent le malheur d'être idolâtres, sans qu'on leur impute d'autres crimes.

[432] Selon quelques auteurs, cet Ogygus, plus ancien que Deucalion, a été le premier roi d'Athènes; et de son temps il y eut dans l'Attique un déluge que le P. Petau place 1020 ans avant la première olympiade. Les Grecs appelaient Ogygia tout ce qui était d'une fort grande antiquité, ou qui passait les bornes ordinaires. Hésychius.

[433] Pausanias a dit plus haut que Triptolème était fils de Céléüs; c'est donc à Triptolème que Méganire donna Cérès pour gouvernante.

[434] Suivant Apollodore, liv. 3, Pylas, roi de Mégare, ayant tué Bias, son oncle paternel, prit la fuite et se sauva dans le Péloponnèse ; il laissa son royaume à Pandion, son gendre, qui, chassé d’Athènes, s'était réfugié auprès de lui. Pandion, devenu roi de Mégare, eut quatre fils, Egée, Pallas, Nisus et Lycus. Egée, comme l'aîné, régna à Athènes, et Nisus, son cadet, régna à Mégare. Strabon raconte à peu près la même chose.

[435] Codrus fut le dernier roi d'Athènes, et le dix-septième après Cécrops. Les Athéniens furent ensuite gouvernés par des archontes ou préteurs perpétuels, dont le premier fut Médon ; il y en eut treize de suite. A ceux-ci succédèrent des archontes décennaux ; on en compte sept. Après eux il n'y eut plus que des archonte annuels.

[436] Phoronée régnait dans le Péloponnèse du temps qu'Ogygès régnait dans l'Attique, 1020 ans avant la première olympiade, et plus de dix-huit cents ans avant l'ère chrétienne, selon le P. Petau.

[437] Par une génération, Pausanias entend pour l'ordinaire l'espace de vingt-cinq ans.

[438] Pline, qui parle de ce statuaire, ne nous apprend point d'où il était, ni en quel temps il vivait; son chef-d’œuvre était une amazone, que l'on appelait, par excellence, l'Euchnemon , comme qui dirait , la femme aux belles jambes.

[439] Il est parlé de ce statuaire dans quelques endroits de Pausanias ; mais Pline n’en dit rien.

[440] La théologie payenne, du temps de Pausanias, n'était pas la même que du temps d Homère ; car, dans Homère, on voit que Jupiter est toujours assujetti au destin.

[441] C’est-à-dire de Bacchus nocturne ou qui aime à veiller, du mot grec signifiant la nuit.

[442] C'est-à-dire de la Vénus qui détourne les hommes de ces amours monstrueuses qui sont contre la nature.

[443] Ce Jupiter était dit le poudreux, apparemment parce que son temple n'ayant plus de toit, la statue du dieu devait être fort poudreuse.

[444] Ce statuaire fut un des quatre qui travaillèrent au superbe tombeau de Mausole, et il n'était pas inférieur aux autres ; il vivait donc en la cent deuxième olympiade avec Scopas, Thimothée et Léocharès.

[445] Pausanias se trompe ici en mettant sous le règne d'Oreste la première expédition des Héraclides contre le Péloponnèse. Méziriac, dans un endroit de ces commentaires que j'ai déjà cité, prouve, par l'autorité de Diodore de Sicile et de plusieurs autres graves historiens, que la première expédition d'Hyllus et des Héraclides se fit sous le règne d'Atrée, longtemps avant la naissance d'Oreste. Aussi Pausanias rétractera-t-il dans ses Arcadides ce qu'il vient d'avancer ici.

[446] Le texte dit : au siège d’Athènes, faute des copistes.

[447] Ces surnoms signifient le chasseur et la chasseresse.

[448] Timalque, fils de Mégaréus, était contemporain d'Alcathoüs, et plus ancien que les Dioscures de deux générations. Jamais historien n'a donc dû les faire de même temps.

[449] C'était un poète lyrique qui vivait cent ans avant le grand Cyrus, vers la vingt-quatrième olympiade. Son langage était dorien aussi bien que son nom; nous n'avons de lui que quelques petits fragments que les anciens ont cités.

[450] En épousant Hélène, leur sœur, dont il eut Iphigénie selon quelques auteurs.

[451] Thésée était arrière petit-fils de Pélops. L’auteur veut dire que Thésée , n'étant qu'arrière petit-fils de Pélops, il n'avait pu être du même temps qu'Alcathoüs, fils de Pélops, ou que Timalque , fils de Mégaréus , et contemporain d'Alcathoüs.

[452] Cette espèce de bouclier était ce que l’on appelait pella. Les boucliers des Amazones, plus petits et plus légers que les autres, avoient la forme d'une feuille de chêne, selon Xénophon, et d'une demi-lune selon Isidore de Séville. Potterus dans son archéologie.

[453] C'était une ville de la Phocide : l'auteur en parlera plus particulièrement dans son dixième livre.

[454] C'était une ville de la Béotie.

[455] C'est-à-dire, de ces dieux que l’on invoquait avant de jeter les fondements d'un édifice.

[456] Le texte est altéré. Il faut lire apparemment comme dans Strabon, monument de Memnon

[457] Roi d'Egypte et grand conquérant, dont on peut voir l'histoire dans Hérodote.

[458] Strabon, liv. 17, rapporte ce fait de même que Pausanias ; il en avait été témoin comme lui, mais il n'était pas tout à fait si crédule ; car il dit que le son qu'il entendit et que la statue semblait rendre, pouvait fort bien venir de quelqu'un des assistants ; il aima mieux en attribuer la cause à la supercherie des gens du pays qu'à la statue.

[459] Apollon était surnommé Pythius, parce que la ville de Delphes, où il rendait ses oracles et où il avait un temple célèbre, s'était appelée Pytho.

[460] C'est-à-dire, une statue d'Apollon, faite de la dixième partie de quelques dépouilles remportées sur les ennemis.

[461] Comme qui dirait, leur auteur, leur conducteur.

[462] L’école d’Egine était très ancienne et très célèbre. Pausanias lui-même la fera connaître dans la suite.

[463] Le botaniste de Pausanias était fort ignorant ; nous connaissons mieux l’ébène aujourd'hui, et nous savons que c'est un grand arbre des Indes, qui porte et des feuilles et du fruit.

[464] C'est-à-dire, législatrice.

[465] Antonius Libéralis, fable 27, dit qu'Iphigénie fut changée en une espèce de génie immortel, et qu'elle épousa Achille dans l'île Leucé. Quand Pausanias dit qu'Iphigénie devint Hécate , il veut dire qu'on lui rendit les mêmes honneurs qu'à Diane, que l'on nommait Hécate.

[466] Ce sont des noms symboliques du soleil et de la lune, selon Clément d'Alexandrie, au liv. 5 de ses Stromates. Le scoliaste de Callimaque sur une hymne à Diane, dit aussi qu'Opis et Hécaergé sont des épithètes d'Apollon et de Diane.

[467] Ce surnom, qui vient du grec frère , n'a pas besoin d'explication.

[468] Horace, voulant venter ce que l'antiquité avait de plus beau en fait de sculpture et de peinture, dit :

Divite me scilicet artium,

Quas aut Parrhasius protulit, aut Scopas.

C'est dans l'ode huitième du quatrième livre.

[469] Il a déjà été parlé de ce fameux statuaire, et du temps où il vivait.

[470] Il ne faut pas confondre ce Corœbus d'Argos avec un autre Corœbus Eléen, dont la victoire aux jeux olympiques a servi d'époque à la première olympiade.

[471] Selon Hésichius Pœné était une des furies.

[472] Quelques-uns rapportent cet événement à la quatorzième olympiade, et d'autres à la trente-deuxième : on n'est pas plus d'accord sur le fait; car un scoliaste d'Homère, et l'auteur du grand Etymologique, disent qu'Orsippus fut vaincu pour avoir laissé tomber sa ceinture, espèce de tablier qui couvrait la nudité des athlètes. Mais je crois le témoignage de Pausanias d'une plus grande autorité, d'autant plus qu'il est confirmé par une épitaphe en vers que rapporte le scoliaste de Thucydide, et où le fait est conté de même que dans Pausanias.

[473] Prostatérius , c'est-à-dire, prêt à secourir.

[474] Le texte dit Carinus ; mais ce surnom est inconnu, au lieu que celui de Carnéüs et Carneiüs étaient fort en usage chez les Doriens , qui honoraient Apollon sous ce titre. Carinus est donc une faute de copiste.

[475] C'est-à-dire, de Cérès qui donne des troupeaux , ovis, pecus , une brebis.

[476] Le texte porte Egisthène ; mais suivant Ptolémée, Pline et Etienne de Byzance, c'est Egosthène qu'il faut lire.

[477] C'était un bourg ou village situé sur le mont Hypatus, près de Thèbes ; Etienne de Byzance le qualifie de ville, et se trompe.

[478] Autonoé était sœur d'Agave et mère d'Actéon, que Diane métamorphosa en cerf, pour punir la témérité qu'il avait eue de la voir dans le bain, comme Ovide le raconte dans ses métamorphoses, livre 3.

[479] Il n'est pas étonnant qu'il y eut de des pierres échinites à Mégare, qui était près de la mer; mais il s'en trouve en des lieux qui sont fort avant dans les terres, et j'en ai vu au château de Breuillepont, à deux lieues de Pacy, sur la rivière d'Eure, et à plus, de vingt-cinq lieues, de la mer. Il faut quelles coquilles, dont, ces pierres sont formées, aient été, portées là durant le déluge universel, ou qu'il y ait eu des déluges particuliers dont on n'a pas connaissance, ou qu'enfin la mer ait couvert de certains pays dont elle est aujourd'hui fort loin.

[480] Athamas, roi des Orchoméniens, peuples de la Béotie, avait eu de Néphelé, sa première femme, deux enfants, Phrixus et Hellé. Ensuite il épousa Ino, dont il eut deux fils, Léarque et Mélicerte. Ino persécuta impitoyablement les enfants du premier lit, jusqu'à susciter une famine aux Orchoméniens, et à faire accroire à son mari que l'oracle de Delphes demandait le sang de Phrixus. Athamas fut sur le point de sacrifier son fils ; mais bientôt il reconnut la méchanceté d'Ino, et justement irrité contre elle, il se porta à un tel excès de vengeance, qu'Ino, au désespoir, se précipita dans la mer avec son fils Mélicerte. Apollod., liv. x. J'ai cru cette note nécessaire pour éclaircir cet endroit de Pausanias, qui est assez obscur par lui-même, et encore plus, je crois, par la faute des copistes.

[481] Du mot injicere, jeter en bas.

[482] Eurysthée était roi d'Argos ; Atrée, qui était son neveu, fut son successeur. La mort d'Eurysthée arriva environ vingt-cinq ou trente ans avant la guerre de Troie.

[483] Apollodore, liv. 2, dit qu'Eurysthée fut tué par Hyllus. Ainsi Iolas est peut-être une faute de copiste , et je suis d'autant plus porté à le croire , que Thucydide , liv. 1, dit aussi qu'Eurysthée fut tué par les Héraclides.