Heron d'Alexandrie

HÉRON D'ALEXANDRIE

 

DIOPTRE

 

Traduction française : Victor PROU

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

 

 ΗΗΡΩΝΟΣ ΑΛΑΞΑΝΔΕΩΣ

 

ΠΕΡΙ ΔΙΟΠΤΡΑΣ.

HÉRON D'ALEXANDRIE.

DE LA DIOPTRE.

 

 

 

 

 

 

§ I.

 

Comme l'emploi de la dioptre fournit des applications nombreuses et indispensables aux usages de la vie, et que l'on en a beaucoup parlé, je pense qu'il est nécessaire de mettre par écrit les observations recueillies par nos devanciers (observations importantes, comme je viens de le dire), et en même temps de rectifier ce qui en a été dit avec trop peu d'exactitude. Je ne crois cependant pas qu'il soit nécessaire de rapporter ici tout ce que l'on trouve de mal exposé ou d'erroné et entièrement faux dans les auteurs qui nous ont précédé : on pourra toujours, quand on le voudra, juger de la différence qui se trouve entre eux et nous.[1] Ce n'est pas tout : ceux qui ont décrit ces sortes d'opérations n'ont pas toujours su établir leur pratique sur l'emploi du même instrument; et néanmoins, leurs appareils, tout nombreux et variés qu'ils sont, ne donnent que les solutions d'un petit nombre de problèmes. Nous, au contraire, non seulement nous nous sommes imposé la tâche de satisfaire, avec le même instrument, à toutes les questions déjà antérieurement proposées; mais, en outre, nous nous flattons que toute autre question nouvelle que l'on pourrait imaginer serait résolue avec la même facilité par le moyen de notre dioptre.

 

§ II.

 

Que l'emploi de la dioptre fournisse des applications nombreuses aux usages de la vie, c'est ce qu'il est facile de démontrer en peu de mots. En effet, elle est avantageusement employée à faire jaillir des eaux du sein de la terre, à construire des remparts, des ports, des édifices de toute espèce. Ensuite, elle est utile pour une foule d'objets qui rentrent dans l'observation du ciel ; telles sont la mesure des distances qui séparent les astres, celles de leur grandeur et de leur éloignement, la détermination des éclipses de soleil et de lune. Elle sert encore dans les études géographiques relatives aux îles et aux mers, et, en général, dans la mesure des distances de toute sorte, lorsque cette opération ne peut s'exécuter que de loin. Or, combien d'obstacles peuvent venir entraver nos projets! Tantôt, ce sont les ennemis qui sont maîtres du pays; tantôt, ce sont des accidents de terrain, un fleuve torrentueux, qui rendent les lieux impraticables et inabordables. Combien de fois, dans l'attaque d'une place forte, après avoir préparé les échelles et les autres machines nécessaires pour un assaut, n'est-il pas arrivé qu'au pied même des remparts on soit tombé entre les mains de l'ennemi, pour s'être trompé dans la mesure de ces remparts? Et cela, par défaut d'expérience dans la pratique de la dioptre; car, dans de pareilles circonstances, il faut être hors de la portée du trait pour pouvoir prendre les mesures dont on a besoin.

Cela posé, nous expliquerons, en premier lieu, la construction de la dioptre; ensuite, nous en développerons les usages.

 

§ III.

 

La dioptre est construite de la manière suivante : un support en forme de colonnette présente, à sa partie supérieure, un axe cylindrique auquel est fixé un plateau circulaire de cuivre qui lui est concentrique. L’axe est enveloppe par un tube de cuivre qui peut se mouvoir facilement autour de lui. A ce tube est fixée, par la partie inférieure, une roue dentée qui s'appuie sur le plateau; et il se termine, en haut, par une plinthe à laquelle on donne, en manière d'ornement, la forme du chapiteau d'une colonne dorique. A côté de la roue dentée est placée une petite vis dont le filet engrène avec elle; et les supports de cette vis sont fixés au plateau, dont le diamètre est plus grand que celui de la roue. Si donc nous faisons tourner la vis, nous ferons mouvoir en même temps la roue dentée ainsi que le tube qui fait corps avec elle, ce tube s'y trouvant fixé au moyen de trois goupilles qui, partant de sa base, pénètrent dans l'épaisseur de la roue qu'elles suivent dans son mouvement. Un sillon, de largeur à peu près égale au pas de la vis, est creusé suivant toute sa longueur; de sorte que, si nous faisons tourner cette vis, le sillon viendra se placer vis-à-vis des dents de la roue, qui se trouvera ainsi tout à fait libre dans ses mouvements;[2] ayant alors placé la roue dans une position convenable, faisons de nouveau tourner la vis si peu que ce soit, de manière que le filet vienne engrener avec les dents de cette roue, et celle-ci se trouvera fixée.

Soit donc AB le plateau qui environne l'axe et qui est attaché d'une manière fixe au support; GD la roue dentée qui fait corps avec le tube; EZ la vis placée à côté de cette roue; HC le tube adhérent à la roue, qui porte, comme on l'a dit, un chapiteau dorique KL. Maintenant, sur la plinthe de ce chapiteau sont fixés [verticalement] deux montants de cuivre, en forme de règle, séparés entre eux par un intervalle égal à l'épaisseur d'une roue; et sur la même plinthe, entre ces deux montants, se trouve une vis mobile dont les supports sont fixés sur le chapiteau du tube,[3] et qui est ajustée de manière à faire mouvoir cette roue dans un plan vertical. Dans l’intervalle des deux montants, qui s'élèvent à une hauteur de quatre doigts au-dessus du chapiteau, peut s'adapter une règle transversale de quatre coudées de longueur, dont la largeur et l'épaisseur sont en rapport avec l'intervalle précédent, et dont la longueur est partagée en deux par le même intervalle

Quelques lignes avant la fin de ce paragraphe, entre les mots στημάτια et ἁρμοστά, se trouve, dans les manuscrits, une place vide, destinée, à ce qu'il paraît, à contenir la figure de l'instrument; mais cette ligure manque entièrement. Venturi pense que cette place vide indique une lacune considérable du texte même. Je ne le crois pas, et je motiverai tout à l'heure mon opinion. Mais écoutons le traducteur italien ; ses raisons méritent d'être pesées : « La Dioptre, dit-il, avait une règle au moyen de laquelle on visait l'objet que l'on voulait observer. Cette règle tournait en rasant la surface d'un plateau d'une grandeur suffisante pour qu'on pût en diviser le limbe en trois cent soixante degrés et en parties de degré (voyez ci-après, § xxxii). Ce plateau devait encore être plus grand, si l'on devait s'en servir pour résoudre avec une exactitude tolérable les problèmes des §§ xviii, xix. Son plan était susceptible de prendre une inclinaison quelconque, ou encore une position perpendiculaire à l'horizon (§§ xviii, xix, xxxii). En outre, on pouvait mettre la règle dans une position inclinée quelconque, et l'y fixer (§§ x, xiv, xxi). La règle pouvait facilement être enlevée de dessus le plateau, et puis y être replacée (§ xxxii). Enfin, il y avait un demi-cercle, au moyen duquel la règle pouvait être dirigée vers une mire plus ou moins élevée, en se mouvant dans un plan perpendiculaire à l'horizon (§§ viii, ix); et ce demi-cercle devait être mobile entre les deux supports qui s'élevaient sur la plinthe, et dont l'auteur parle un instant avant la lacune des manuscrits. D'après une figure, quoique tout à fait informe, que l'on trouve dans les manuscrits (fig. 1), je conclus : que la colonne qui portait l'instrument était soutenue par trois pieds; que, pareillement aux poteaux dont nous verrons bientôt l'emploi dans l'opération du nivellement, elle portait un fil à plomb destiné à la mettre dans une position verticale: et enfin, que les fentes de la règle, au travers desquelles on visait, étaient faites en forme de croix. Ces données nous font voir que l'instrument d'Héron avait beau coup de ressemblance avec les théodolites de nos jours, et qu'il était à peu près tel que je l'ai représenté dans la figure 2. J'ai, de plus, conservé dans la figure 1 quelques dessins grossiers de l'instrument, tels qu'ils se voient dans les manuscrits.

« Peut-être, lorsqu’on faisait un nivellement, enlevait-on le tube CH et toute la partie supérieure de l'appareil, et mettait-on à sa place, avec un autre tube, la règle à niveau décrite dans le paragraphe suivant. Mais, puisque Héron a insisté sur la possibilité d'exécuter toutes les opérations avec un seul instrument, je préfère placer sur le plateau supérieur la même règle à niveau que l'auteur va maintenant décrire, et qui peut également bien servir à d'autres opérations que celle du nivellement, dès que l'on a fait écouler l'eau contenue dans les petits tubes de verre. »

Ainsi parle Venturi. Malgré ces raisons, je ne vois aucune preuve suffisante pour admettre une lacune aussi considérable qu'il la suppose ; et l'altération que le texte a pu, en effet, subir en cet endroit, ne me semble pas néanmoins être d'un autre ordre que les erreurs de copie qui se rencontrent çà et là dans tout le cours de l'ouvrage. Une chose que Venturi paraît n'avoir pas suffisamment comprise, c'est que plusieurs pièces de l'instrument étaient mobiles, et que, tout en les échangeant entre elles, on n'en avait pas moins toujours le même instrument. Or il ne manque ici que la mention des pièces mobiles, et Héron a bien pu, a dû même reporter toutes ces descriptions de détail aux passages où elles pouvaient être placées fructueusement : car ici elles eussent été inintelligibles. Il n'y a donc pas, suivant moi, de lacune proprement dite ; et le mot ἁρμοστά, qui commence le quatrième paragraphe de Venturi, n'est évidemment que l'adjectif de στημάτια, qui finit le troisième. Aussi ai-je cru devoir supprimer le titre du § iv, pour le reporter quelques lignes plus bas, a la description du tube à niveau.

La description du grand plateau, que la figure de Venturi place sous la règle à niveau, se trouverait donc entièrement déplacée en cet endroit. On remarquera, d'ailleurs, qu'en l'employant pour la première fois au § xviii, Héron commence par dire : établissons sur la dioptre un plateau horizontal sur lequel devra pivoter la règle. Or ces expressions ne donnent-elles pas lieu de supposer qu'il n'a pas été question de plateau dans ce qui précède ? Au § viii, il est bien aussi question d'un plateau, ou plutôt d'une roue, sur laquelle tourne la règle-, mais que l'on examine l'ensemble : plaçons, dit l'auteur, la dioptre munie de son demi-cercle, et faisons pivoter la règle qui s'appuie sar la roue, ἐπὶ τῷ τυμπανίῳ. Or la roue dont il est ici question n'est autre chose que le demi-cercle vertical : car l'auteur, dans la description qui nous occupe, pour désigner ce demi-cercle qui se meut dans un plan vertical, n'emploie pas d'autre expression que celle de τυμπάνιον, puisqu'il dit : ὥστε εἰς τὸν μεταξὺ τόπον αὐτῶν [τῶν κανονίων] πάχος τυμπανίον δύνασθαι ἐναρμοσθῆναι. C'est encore ainsi qu'il dit au § ix : ἐγχλίνω τὸ ἡμικύκλιον….. Le grand plateau proprement dit était donc une pièce mobile, employée seulement dans certaines circonstances, et que l'on supprimait dans les autres cas, et cette pièce est désignée par le mot τύμπανον, qu'il ne faut pas confondre avec τυμπάνιον.

Ainsi, il faut bien entendre que l'auteur grec n'a voulu donner ici que la description de la dioptre munie des seules pièces nécessaires à la solution du premier problème qu'il se propose, savoir, le problème du nivellement; et, dans l'exposition de chaque question, il a toujours soin de dire d'abord quelle est la pièce mobile dont l'instrument doit être muni.

En conséquence de ces diverses observations, je pense qu'il faut supprimer, dans la figure 2, le grand plateau en question, et réduire cette figure aux seuls éléments dont on reconnaît l'indication dans le texte. La figure 3 indique ces modifications.

Ce texte, comme on l'a vu, donne quatre coudées de longueur à la règle, et seulement une demi-coudée au tube du niveau. Or Venturi regarde ces deux choses comme incompatibles, et soupçonne qu'il y a une erreur de copiste dans un passage ou dans l'autre. Le niveau et la dioptre donneront, dit-il, un résultat bien plus exact, si les deux petits tubes de verre sont distants de quatre coudées. Je ne m'arrêterai point à discuter cette opinion ; je remarquerai seulement, d'abord, que les deux choses ne sont nullement contradictoires comme le prétend Venturi, et, en second lieu, que ce nombre de quatre coudées est aussi la longueur que Proclus (Hypotyposes, p. 109, éd. de Halma) donne à la dioptre d'Hipparque. Mais ce dernier instrument avait un but tout spécial, et, par suite, une construction entièrement différente. On peut en voir le détail dans Proclus (à l'endroit cité), dans les Commentaires de Théon (éd. de 1538, fol. 257 et 262), dans Bailly, Astronomie moderne (t. I, p. 180, 257, 479 et passim). Voyez aussi Am. Sédillot, Matériaux pour servir à l'histoire comparée des sciences mathématiques chez les Grecs et les Orientaux, p. 301. — H.V.

 

§ IV.

 

Sur la surface supérieure de la règle est creusé un canal cylindrique ou quadrangulaire, de dimension convenable pour recevoir un tube de cuivre dont la longueur, prise sur celle de la règle, est d'environ douze doigts. Au tube de cuivre sont fixés à angle droit, par les deux extrémités, deux autres tubes qui semblent n'être qu'une courbure du premier, en formant au-dessus de lui une saillie de deux doigts tout au plus. En outre, le tube de cuivre est enchâssé dans le canal de la règle, auquel on a donné une longueur appropriée à cet objet, de manière que, paraissant faire corps avec elle, il présente ainsi à la vue un aspect plus gracieux. Aux deux points où le grand tube se relève, et de chaque côté, s'emboîte un petit tube de verre dont le diamètre lui permet de s'ajuster bout à bout avec le tube de cuivre, et dont la hauteur est d'environ douze doigts; en outre, ces deux petits tubes de verre sont lûtes aux deux saillies du tube de cuivre avec de la cire ou tout autre mastic, de sorte que de l'eau versée dans l'un des tubes ne puisse s'échapper d'aucun côté.

Ce n'est pas tout; sur la règle transversale, là où sont fixés les deux petits tubes de verre, on fixe autour de ceux-ci deux petites enchâssures ou deux petits pilastres creux, dans l'intérieur desquels s'engagent les tubes de verre, de manière à faire corps avec eux. A ces pilastres s'adaptent deux petites lames de cuivre, qui peuvent glisser dans des coulisses, le long de leurs parois, en rasant la surface des tubes de verre, et dont le milieu présente des fentes au travers desquelles on peut viser. A ces lames sont fixés, par la partie inférieure, d'autres petits tubes d'un demi-doigt de long, dans lesquels s'engagent des goupilles de cuivre d'une longueur égale à la hauteur des pilastres qui enveloppent les tubes de verre. Ces goupilles pénètrent, par une ouverture, dans la règle qui supporte le tube de cuivre, et s'y implantent au moyen d'un filet de vis qui rencontre son écrou dans l'épaisseur même de la règle. Si donc on fait tourner la tête de ces goupilles qui dépasse dans le bas, on fera, par ce moyen, mouvoir en haut et en bas les petites lames qui présentent les fentes dont nous avons parlé. C'est ce qui arrivera nécessairement par l'action de cette extrémité des goupilles qui se trouve engagée dans l'intérieur des petits tubes adhérents aux lames.

 

§ V.

 

Maintenant que nous avons décrit la construction de la dioptre, nous allons parler des poteaux et des disques qui l'accompagnent. On équarrit deux poteaux, longs chacun de dix coudées, larges de cinq doigts et épais de trois. On y pratique sur toute la longueur, et par le milieu de la largeur, une rainure en queue d'aronde, dont la partie étroite soit en dehors. Dans cette rainure s'engage un tenon qui peut y glisser librement sans en sortir. Sur ce tenon est fixé un disque circulaire de dix ou douze doigts de diamètre, que l'on partage, par une droite perpendiculaire à la longueur du poteau, en deux demi-cercles, dont l'un est coloré en blanc et l'autre en noir. Du même tenon part une corde qui, s'enroulant autour d'une poulie située au haut du poteau, se rend à la face postérieure de celui-ci, du côté opposé à celui du disque. Si donc on plante ce poteau dans une position verticale, et que l'on tire la corde par derrière, on fera monter le disque; si, au contraire, on lâche la corde, le disque descendra en vertu de son poids, surtout si l'on a eu la précaution de clouer, à sa surface postérieure, une plaque de plomb qui aura pour effet de le rendre naturellement plus mobile. Par conséquent, lorsque nous aurons tiré la corde pour élever le disque, nous n'aurons qu'à l'arrêter pour fixer le disque à tel point du poteau que nous voudrons.

En outre, il faut diviser la longueur du poteau, à partir de sa base inférieure, en coudées, palmes et doigts, autant qu'il y en pourra tenir; puis, par les points de division, tirer des lignes indiquant les parties de la longueur sur celle des faces qui est à droite du disque. Quant à celui-ci, il portera, à sa face postérieure, un index qui, en suivant le diamètre dont on a parié, ira correspondre aux divisions de l'échelle tracée sur le poteau.

Ce n'est pas tout; les mêmes poteaux doivent se placer dans une position exactement perpendiculaire au sol, de la manière suivante : du coté oppose a celui ou sont tracées les divisions, on implante un piton, long de trois doigts environ, à l'extrémité duquel se trouve un trou percé de haut en bas, où peut passer un fil portant un poids suspendu. Pareillement, au bas du poteau est implantée une fiche d'une longueur égale à la distance du trou précédent au même poteau ; et, sur la tête de cette fiche, est tracée, par le milieu, une ligne droite verticale. Lorsque le fil à plomb battra contre cette ligne, ce sera une preuve que le poteau est dans une situation rigoureusement verticale.

Après avoir ainsi expliqué toute la construction de la dioptre, nous allons maintenant passer aux applications, en les exposant du mieux qu'il nous sera possible.

« Il est bon d'indiquer, dans leur ensemble, toutes les mesures dont Héron s'est servi dans cet ouvrage ainsi que dans les autres. La circonférence de la terre, dont il emprunte l'évaluation à Eratosthène, est de 252 mille stades, et, par conséquent, chaque degré est de 700 stades (xxxii). Le stade est de 400 coudées (xxxiv); la coudée de 24 doigts (Mathematici veteres, p. 142); le pied de 16 doigts (ibid. p. 115). On sait, d'ailleurs, que le palme était la sixième partie de la coudée (ibid. p. 55).[4]

« Que si l'on cherche à ramener ces mesures au mètre, il faudra, de toute nécessité, abandonner les hypothèses, plus ingénieuses que vraies, de ceux qui ont prétendu trouver dans les mesures géographiques des Grecs une concordance et une perfection dont ils étaient bien éloignés, comme on en sera convaincu tout de suite, si l'on veut seulement observer le procédé aussi incertain que grossier par lequel Ptolémée établit les bases de sa géographie. En raisonnant sur des données plus positives, on est conduit à identifier le mille romain à huit stades grecs communs, ce qui est conforme à la mesure d'Eratosthène lui-même, d'après Censorin[5] (De die natali, cap. xii) et Harménopule[6] (Πρόχειρον νόμων, liv. II, chap. xiv). Cette évaluation est, d'ailleurs, celle que donnent Strabon (liv. II), Vitruve[7] (liv. I, chap. xiv), et, en général, tous les auteurs contemporains d'Héron ou qui lui sont de peu postérieurs. Alexandrie était une ville toute d'institutions grecques; et, d'après le témoignage d'Hygin, à cette mesure correspondait le pied dont faisaient usage les Ptolémées dans la distribution des terres. Or, puisque, d'après ce que l'on sait là-dessus, l'ancien pied romain est de 0,295 m, la coudée d'Héron se trouve portée à 0,461 m. En conséquence, le degré d'Eratosthène serait fautif d'un sixième, erreur bien excusable pour ces temps-là. » — VR.

Il est nécessaire d'ajouter ici quelques mots pour expliquer, pour compléter ou pour rectifier les assertions de Venturi. Son raisonnement consiste à dire que les 252 mille stades attribués par Eratosthène à la circonférence de la terre, ne peuvent rien nous représenter, si d'abord nous ne nous faisons pas une idée nette de la valeur du stade qu'il emploie. Pour atteindre ce but, il admet que le mille romain contenait 8 stades ; et, en prenant pour un pas cinq fois la valeur du pied, qui est, suivant lui, de 295 millimètres, on arrive sans peine à 46.462.500 mètres, au lieu de 40 millions : c'est, de trop, 6 millions sur 40, ou un sixième à peu près. Telle est, à ce qu'il paraît, la pensée que Venturi rend d'une manière fort obscure. Il ajoute qu'à ce compte la coudée d'Héron valait 461 millimètres, ce qui doit être, car, en ajoutant à 295 sa moitié et multipliant par 25/24, rapport du pied olympique au pied romain, on trouve 460,9.

L'assertion relative à Hygin est fort singulière, et je ne sais pas où Venturi peut avoir pris ce qu'il avance. Je vois, au contraire, dans Hygin (p. 123, éd. Lachmann), que le pied de Ptolémée était plus grand que le pied romain de 1/24, ce qui produit, dans l'évaluation des surfaces, 1/12 + 1/576 en surplus.

Quant à moi, voici comment j'évalue les 250 mille stades d'Eratosthène (et non 252, ce nombre n'ayant été adopté qu'approximativement, pour avoir, en nombre rond, 700 stades au degré). Je prends, non le pied romain, mais le pied égyptien, qui est aujourd'hui exactement connu pour avoir 3 décimètres.[8] Le stade étant de 600 pieds ou 180 mètres, il s'ensuit pour les 250 mille stades d'Eratosthène, 45 millions de mètres, ce qui fait 1/8 de plus que la véritable valeur de la circonférence de la terre. (Cf. dans le Journal général de l’instruction publique, vol. XIV ou année 1845, n° 25 ou du 26 mars, p. 147, l'analyse d'une leçon de M. Guigniaut sur la mesure de la terre. —Voyez aussi le Traité de métrologie ancienne et moderne de M. Saigey, p. 57, et le Mémoire de M. Jomard sur le système métrique des anciens Egyptiens, p. 171.)

Pour compléter cette note, je transcrirai ici un passage du manuscrit grec supplémentaire 387 de la Bibliothèque impériale, qui contient plusieurs opuscules sous le nom d'Héron.[9] Ce n'est, du reste, qu'un abrégé ou résumé de deux passages analogues, donnés par Montfaucon (Analect. p. 313).

Voici le tableau synoptique de ces relations :

 

§ VI

 

Etant donnés deux points séparés par an intervalle quelconque, il s’agit d'examiner quel est le plus ou le moins élevé, et de combien ; ou de décider s'ils sont tous les deux de niveau, c'est-à-dire s'ils sont situés dans un plan parallèle à l'horizon. — Nous examinerons encore les relations mutuelles des lieux situés dans l'intervalle qui sépare les deux points donnés, ainsi que leurs relations avec les deux points primitifs.

Soient les deux lieux ou les deux points donnés, A, B, dont il faut déterminer le plus élevé et le moins élevé. Soit B celui d'où part l'eau, et A celui où elle doit être conduite. Je place en A l'un des poteaux dont il a été question; puis, ayant porté la dioptre aussi loin du point A qu'il est possible, sans cesser d'apercevoir ce poteau AG en allant du côté du point B, je fais tourner la règle transversale qui se trouve au haut de la petite colonne, et sur laquelle sont les tubes de verre, jusqu'à ce que cette règle paraisse être dans l'alignement de AG. Faisant ensuite tourner les vis qui traversent cette règle, j'élève les lames jusqu'à ce que leurs fentes soient vis-à-vis des lignes que marque, sur les tubes de verre, la surface de l'eau qui est dedans. Les lames étant arrêtées dans cette position, je regarde par leurs fentes pour voir le poteau AG, en faisant élever ou abaisser le disque autant qu'il est nécessaire pour apercevoir la ligne qui sépare le blanc du noir. Laissant alors la dioptre fixée dans cette position et passant de l’autre côté, je regarde, à travers les lentes, l’autre poteau que l’on éloigne de la dioptre aussi loin que peut s'étendre ma vue; et je fais de même placer son disque de manière à voir la ligne qui sépare les deux couleurs. Soit donc DE le second poteau, ZJ la dioptre, G, E, les points déterminés par la dioptre, D le point où le second poteau est fixé sur le terrain. Je mesure les deux lignes AG, DE; supposons que l'on ait trouvé AG de six coudées et DE de deux. Cela admis, je dispose [sur le papier] deux lignes [d'écriture]; dans l'une, j'écris le mot descente, et dans l'autre, le mot montée, comme on le voit plus loin; j'inscris les 6 coudées dans la ligne de la descente, et les 2 coudées dans la ligne de la montée. Maintenant, le poteau DE restant fixe, je transporte la dioptre par exemple en K; et seulement je retourne le poteau DE de manière que je puisse apercevoir de nouveau son échelle de division. Je mets les lames en place, et j'établis l'autre poteau en LC, au delà de la dioptre, et du côté opposé à DE;[10] puis, derechef, la dioptre restant fixée en place, je fais mettre le disque en ligne droite avec les fentes. Soit H, C, les points des deux poteaux, qui correspondent aux aiguilles des disques; je note la distance comprise entre le point H et le sol dans la colonne de la descente, et celle du point C dans la colonne de la montée ; supposons que la première distance soit de 4 coudées et la seconde de 2 coudées.

Alors, le poteau LC restant en place, je transporte la dioptre ainsi que le poteau DE. Puis, ayant placé en ligne droite, comme on l'a déjà dit, les disques et les fentes, je prends, sur les poteaux, les points L, M; je note la mesure de la descente en L et celle de la montée en M ; supposons la première d’une coudée et la seconde de 3.

D

M

6

2

4

2

1

3

4

2

5

3

1

3

2

3

5

3

2

1

3

1

33

23

10

 

Maintenant, le poteau restant en M, transportons la dioptre et le second poteau. Soit XO l'alignement de la dioptre; et supposons le chiffre de la descente en X de 4 coudées, et celui de la montée en Ο de 2 coudées.

Continuons de la même manière, jusqu'à ce que nous arrivions en B; soit la dioptre placée en T, RS son alignement, 5 le chiffre de la descente, 3 celui de la montée.

Soit ensuite la dioptre placée en Q, UF son alignement, 2 la descente, 3 la montée.

Ensuite, soit A' la dioptre, W& son alignement; soit la descente de 2 coudées, la montée de 3.

Puis D' la dioptre, B'G' son alignement, 5 coudées pour la descente, 3 pour la montée.

Soit encore Z' la dioptre, E'J' son alignement, la descente de 2 coudées, la montée de 1.

Enfin, supposons que l'un des poteaux soit parvenu près de la surface même de l'eau qu'il s'agit de conduire, et que, pour cette dernière station de la dioptre, nous ayons trouvé 3 coudées pour la descente et 1 pour la montée.[11]

Alors faisant la somme de tous les nombres précédemment marqués, tant pour la descente que pour la montée, je trouve 33 pour les premiers, et 23 pour les derniers. La différence est de 10 coudées en plus du côté de la descente; c'est le côté où l'on veut conduire l'eau : celle-ci coulera donc dans la direction BA; et je marque les 10 coudées dont le point B est plus élevé que le point A. Si les deux sommes se lussent trouvées égales, c'est qu'alors les deux points A et B eussent été également élevés, c'est-à-dire situés dans un même plan horizontal ; et, à la rigueur, dans ce cas, l'eau arriverait encore. Mais, si le nombre de la descente était le plus petit, alors il serait impossible que l'eau coulât d'elle-même, et il faudrait, de toute nécessité, employer une machine. Ce sera, s'il y a une grande différence de hauteur, un système de seaux, ce que l'on nomme une chaîne. Si la différence est petite, il suffira d'une vis ou d'une roue à aubes.

Quant aux lieux intermédiaires par lesquels nous nous serions proposé de conduire l'eau, nous obtiendrons leurs relations de position, soit entre eux, soit avec les points extrêmes, absolument par la même méthode, en appliquant à ces points intermédiaires l'hypothèse qu'ils ne sont eux-mêmes autre chose que les points donnés : il n'y a pas la moindre différence. Il conviendra encore, après avoir fait le calcul pour toute la longueur, de chercher quelle est la pente correspondante à chaque stade; puis d'élever des monticules dans les lieux intermédiaires, et d'y établir des signaux de reconnaissance ou des bornes portant des inscriptions; c'est le moyen de s'assurer que l'opération ne sera en erreur sur aucun point.

Observons, en outre, que l'eau ne doit pas être conduite en suivant la direction même de la pente, mais en choisissant la voie la mieux appropriée aux circonstances. Souvent, en effet, on rencontre un obstacle, soit une montagne rocheuse ou trop élevée, soit un terrain de nature poreuse, ou sulfureuse, ou de toute autre matière capable d'altérer la qualité de l'eau. Partout où nous en rencontrerons, nous nous détournerons, pour ne pas nuire à l'eau transportée. Et, pour éviter qu'en la dirigeant par un chemin plus long, on ne tombe dans une dépense trop considérable, nous montrerons dans le problème suivant comment on peut trouver la ligne droite qui passe par deux points donnés (l'un ne pouvant être vu de l'endroit où est l'autre), car cette ligne est « la plus courte de toutes celles qui aboutissent aux mêmes extrémités » [Archim. dans Proclus]. Alors, si, après la détermination de cette ligne, nous y rencontrons quelqu'un des inconvénients précédemment signalés, nous changerons de direction.

« Vitruve, liv. X, chap. iv, décrit 1° le tympan à bases parallèles, 2° les roues à auges, 3° la chaîne ou noria; et, dans le chapitre xi, il rapporte la construction de la vis hydraulique : ce sont les quatre machines indiquées ci-dessus par Héron.[12] Celui-ci décrit également, dans ses Pneumatiques, les pompes à élever l'eau; mais peut-être les anciens n'en faisaient-ils usage que dans les cas où aucune des quatre machines précédentes ne pouvait être employée : et cela, à cause de la déperdition de force qui a lieu par le frottement du piston et par la contraction des veines fluides. » — VR.

 

§ VII.

Etant donnés deux points tels que de l'un on ne puisse apercevoir l'autre, les joindre par une ligne droite au moyen de la dioptre, quelle que soit la distance qui les sépare.

Soient A et B les deux points donnes. Disposons la dioptre de manière à pouvoir viser dans deux pians perpendiculaires entre eux. Plaçons l'instrument en A, et, par son moyen, marquons, dans la plaine, une ligne droite AG d'une longueur arbitraire. Transportons ensuite la dioptre en G, et soit menée la droite GD perpendiculaire à AG, et d'une longueur quelconque. Transportons encore la dioptre en D, et tirons DE faisant un angle droit avec GD. De même, transportons la dioptre en E; menons la perpendiculaire EZ, et fixons le point Z. Menons la perpendiculaire ZH, et fixons le point H; puis, sur ZH, la perpendiculaire HC, et fixons le point C; puis, sur HC, la perpendiculaire CK, et fixons le point K; puis, sur CK, la perpendiculaire KL; et continuons ainsi jusqu'à ce que l'on aperçoive le point B. Supposons que nous y soyons parvenus, et transportons la dioptre le long de la droite KL, jusqu'à ce que, du point L de cette droite, on aperçoive, dans une direction perpendiculaire, le point B. Enfin, supposons que l'on voie le point B lorsque la dioptre est arrivée en L.

Tout en faisant ces opérations, nous les inscrirons sur un papier ou sur une tablette, c'est-à-dire que nous y représenterons la figure du tracé, en indiquant les sommets de la ligne brisée et les longueurs de ses diverses parties.

 

Soit donc AG = 20 coudées GD = 22
  DE = 16   EZ = 30
  ZH = -14   HC = 12
  CK = 60   KL = 8
Soit enfin LB = -50   total 72
  total 32      

Tout cela supposé, imaginons que l'on mène, perpendiculairement à AG, la droite AM; puis, que l'on prolonge les droites LB, KC, ZH, ED, jusqu'aux points M, N, X, O, et les droites EZ, HC, GD, jusqu'aux points P, R, S. Il en résultera, d'après les valeurs précédentes, AO de 22 coudées comme GD, OX de 30 comme EZ, NX de 12 comme HC, et MN de 8 comme KL. De sorte que la ligne entière AM vaudra 72 coudées. Ensuite, MS vaudra 20 coudées comme AG, PS en vaudra 16 comme DE, PR 14 comme ZH; et ainsi le reste RS vaudra 2 coudées, et la somme RM en vaudra 22. Ensuite, RL vaudra 60 coudées comme CK, sur lesquelles PR en a 14 : ainsi le reste LP vaudra 46 coudées, et la somme LB 50; donc le reste PB vaudra 4 coudées, et le reste BR 10 coudées. Mais RM vaut 22 coudées; donc la ligne totale MB vaudra 32 coudées; et, comme, d'ailleurs, AM vaut 72 coudées, il s'ensuivra AM : MB : : 72 : 32.

Ce résultat obtenu, prenons sur AM une partie AT d'une longueur arbitraire, et par exemple de 9 coudées. Menons TU perpendiculaire à AT, et soit fait 73 : 32 : : 9 : TU; d'où TU = 4; et le point U se trouvera précisément sur la droite qui joint les deux points A et B. Menons de même sur TU la perpendiculaire UF, et donnons-lui, par exemple, une longueur de 18 coudées; puis menons à UF la perpendiculaire FQ; et, posant 72 : 32 :: 18 : 8, prenons FQ = 8 : le point Q sera sur la droite qui joint les deux points A et B. En continuant d'opérer ainsi avec la dioptre, et observant toujours le même rapport, nous obtiendrons des points successifs sur la droite demandée AB.

 

§ VIII.

 

 

Deux points étant donnés, dont l'un près de nous et l'autre au loin, mesurer la distance de leurs verticales, sans s'approcher de celui qui est éloigné.

Soient A, B, les deux points donnés, A près de nous, et B dans le lointain. Plaçons en A la dioptre munie de son demi-cercle [vertical], et faisons pivoter la règle appuyée sur le [diamètre de ce] demi-cercle, jusqu'à ce que, dans son alignement, on aperçoive le point B. Cela fait, passons de l'autre côté de l'instrument; puis, faisant tourner le demi-cercle, tout le reste demeurant fixe, prenons de notre côté [sur le terrain] un point G dans la direction AB. Conduisons, avec la dioptre, des points A et G, les deux droites AD et GE perpendiculaires à BG; puis prenons au hasard un point Ε sur GE. Ensuite, la dioptre ayant été transportée en E, disposons la règle de manière qu'on y puisse voir, outre le point B, le point d'intersection D de AD avec EB. Il en résultera un triangle BGE, ayant son côté GE parallèle à AD. Or nous pouvons connaître le rapport des distances GE, AD, mesurées horizontalement. Supposons que GE vaille 5 fois AD; alors BG vaudra 5 fois BA, et, par suite, AG vaudra 4 fois BA. Maintenant il ne reste plus qu'à mesurer horizontalement la distance AG, et l'on aura AB [en prenant le quart],

Héron emploie dans ce paragraphe et dans plusieurs autre (§§ x, xii, xiii, etc.) l’expression assez singulière de distance comptée, πρὸς διαβήτην.

Venturi traduit ces mots par distance comptée à la perche, alla pertica, et il pense que la perche est un instrument qui se replie en forme de compas.[13] « Peut-être, dit-il, les Grecs prenaient-ils les petites longueurs avec le compas, sauf à comparer ensuite celui-ci avec la mesure unitaire ou fondamentale, campion di misura (voyez § xxx); mais, lorsqu'il est question de longueurs considérables, Héron les mesure avec la corde ou avec la chaîne (§§ xxiii, xxxiv).

Or, en examinant avec attention les passages où est employée l'expression πρὸς διαβήτην, j'ai été conduit à une opinion toute différente de celle de Venturi. Il m'est impossible, quant à moi, de reconnaître à cette locution un autre sens que celui de distance comptée horizontalement, ainsi que je l'ai traduite, c'est-à-dire distance réduite à l'horizon, distance comptée entre deux verticales, distance cultellée, suivant une expression empruntée aux agrimensores romani.[14] Quant à la manière d'opérer cette cultellation, Héron ne s'explique pas à cet égard. Peut-être, en effet, se servait-on d'une perche, que l'on prenait la précaution de tenir bien horizontalement au moyen du niveau, ou bien d'un instrument analogue à celui que nous nommons compas à verge. Dans tous les cas, il fallait avoir grand soin que, dans deux positions successives, les extrémités fussent rigoureusement sur une même verticale ; mais Venturi ne mentionne nullement cette condition, cependant si essentielle, du mesurage qu'il nomme alla pertica.

Je le répète, il me paraît évident que partout où l'auteur parle de mesurer une distance πρὸς διαβήτην, c'est qu'il considère la direction dont il s'agit comme étant située ou ramenée dans un plan horizontal. Peut-être employait-on à cet usage l'instrument que Vitruve (VIII, vi) nomme chorobates, ce qui expliquerait l'expression χωροβατεῖν dont Héron se sert au § xii. Ou bien faut-il admettre que l'on employait effectivement le compas, διαβήτην, comme on le fait encore aujourd'hui dans les campagnes où l'instruction est peu avancée? Ce compas devait alors, de toute nécessité, pour remplir sa destination, porter un fil-à-plomb, comme le niveau des maçons. — H.V.

 

§ IX.

 

 

Prendre, avec la dioptre, la largeur d'un fleuve, en restant sur un seul et même lord.

Soient AB, GD, les deux bords du fleuve. Je place la dioptre sur le bord GD, par exemple en E, et je fais pivoter la règle, jusqu'à ce que je voie apparaître, dans sa direction, un point D sur le même bord. Amenant ensuite la règle dans un plan vertical EZ perpendiculaire à ED, je fais tourner le demi-cercle de manière à apercevoir, sur le bord opposé, dans la direction de la règle, un certain point Z. Si l'on suppose que les deux rives sont parallèles, la droite EZ, perpendiculaire à leur direction, sera la largeur du fleuve. Prenons donc, comme nous l'avons montré ci-dessus (§ viii), la distance horizontale ΕΖ nous pouvons être assures que c’est la largeur du fleuve ou la quantité cherchée.

« Ce problème facile se trouve aussi résolu dans les Cestes de Jules l'Africain (Mathematici veteres, p. 296). Il l'est encore, et avec plus de simplicité, par Junius Nipsus ou n'importe quel auteur, dans les Scriptores agrarii (Lachmann, p. 28). Cet ouvrage enseigne comment on peut prolonger la ligne d'arpentage au delà d'un courant d'eau. Peut-être, jusqu'ici, n'a-t-on pas bien compris ce fragment, et l'éditeur lui-même [Gœsius] moins que tous les autres; c'est pourquoi je le rapporte ici, en y ajoutant quelques détails pour le rendre clair et intelligible, avec la figure et les lettres. Cette citation servira, en même temps, à faire connaître le style des ingénieurs romains. Nous verrons, en son lieu, ce que c'était que le ferramentum et la groma xxxii); pour le moment, qu'il nous suffise de savoir que c'était une espèce d'équerre.[15]

Fluminis varatio (Lachmann, p. 285). Si in agri quadratura tibi dictanti occurrerit flumen quod necesse sit varari, sic facies. Rigor AC qui impingit in fluvio, exinde versuram facies [in B]. In quam partem verteris, tetrantem ABE pones. Deinde transferes ferramentum in eo rigore BE quem dictaveris, ex eo rigore ABC qui in flumine impegerat. Deinde transferes ferramentum [in E], et comprehenso eo rigore EB quem dictasti, versuram facies BEF in partem dextram. Deinde exiges medium illum rigorem EB a tetrante B [ad tetrantem E], et divides illum in duas partes BD, DE, et signum D pones perpensum. Deinde figes ferramentum ad signum D quod dividet duas partes BD, DE, quas divisisti. Ex fixo ferramento et perpenso comprehenso rigore ad umbilicum soli (la ligne comprise entre le centre de l'équerre et le point D doit tomber d'aplomb sur le sol, que l'on suppose horizontal) emissum perpendiculum cum super signum D ceciderit, percuties gromam, donec comprehendes signum H quod posueras trans flumen. Cum diligenter comprehenderis, transies ex alia parte ferramenti, et manente groma dictabis rigorem DF. Ubi se consecuerit norma tua EF cum eo rigore DF quem dictaveris, signum F pones, et exiges numeros FE a signo F ad tetrantem FEB. Sed quia linea BE quam secueras mediam [in D] duo trigona ostendit DBH, DFE, et quia cathetus BD catheto DE par est, erit et basis BH basi EF par. Quantus ergo numerus basis EF junctus trigoni quem exegisti fuerit, tantus rigor BH alterius trigoni BDH cujus rigor [impactus] in fluvium numerus. Et de hac base quam exegisti tolles hunc numerum quem a tetrante ad fluvium exegisti. Reliquum quod superfuerit, erit latitudo fluminis. »

Saumaise avait parfaitement compris que, dans l'article qui vient d'être cité, varare signifie « passer le fleuve ; » mais Gœsius prétend qu'il s'agit plutôt d'en prendre la courbure, et il a ainsi induit en erreur ceux qui sont venus après lui, et principalement les lexicographes. Il convient donc de s'assurer complètement de l'origine et du sens de ce mot.

« Les érudits s'accordent à dire que vara est le nom d'un instrument fourchu qu'Horace appelle âmes, et Virgile furca bicornis. Schneider, mieux que Forcellini, a vu que vara, dans Columelle, est une petite fourche garnie de paille. Par vara, dans Vitruve, il faut entendre des poutres réunies en forme d'un Λ grec, pour soutenir le toit de la tortue militaire.

« L'adjectif varus s'applique à un objet divergent par rapport à un autre, et a le même sens que varicus. Les lutteurs agitaient, en les élevant, varas manus, brachia vara, c'est-à-dire élevaient les mains, les bras, en les écartant. Dion Chrysostome loue l'athlète Mélancoma, pour la force qu'il montrait en les maintenant ainsi longtemps élevées et séparées: Eustathe en parle aussi (Iliad. fol. 1322, 1324, et Odyss. fol 1839). Selon Varron, un beau chien doit avoir entra vara; les Geoponici ont traduit ce mot par σκαμβότερα, et du grec σκαμβὸς on a formé les mots italiens sgheembo et sghimbescio, dans le même sens que varus, c'est-à-dire oblique, tourné de travers et en biais, σκαιῶς. Toutes les fois que les jambes d'un homme vont en divergeant de bas en haut, on pourra toujours, à l'instar de Celse, les appeler varæ, c'est-à-dire crochues, bancales. Du neutre varum (par l'adoucissement du r) dérive vallum. « vel quod ea varicare nemo possit, vel quod extrema bacille forcillata sunt ad modum literæ V : » c'est l'étymologie adoptée par Varron. Pareillement, l'expression vara cornua, dans Ovide, signifie les cornes séparées et divergentes. Vara ingenia, dans Perse, sont les esprits de travers, biscornus; et regula varo pede, d'après le même auteur, est une équerre fausse, parce que ses côtés divergent et forment un angle obtus. Varicus est celui qui a les jambes et les cuisses élargies, (Ovide, De arte am. et Apul. liv. I.)

« Un sens analogue aux précédents est attaché aux deux verbes varare et varicare. Ennius dit consiliis obvarant: ils sont en désaccord, ils diffèrent d'opinions……. Selon Pline, le laboureur, courbé sur la charrue, en traçant un sillon de travers, prævaricat, mot qui n'est peut-être que l'abrégé de prœtervaricat. Enfin, ces deux verbes ont reçu, par métaphore, le sens adopte par les Italiens sous les formes valicare, varcare, parce que celui qui passe un ruisseau écarte les jambes pour le franchir. Aussi les gloses donnent-elles comme synonymes les mots varicat et ὑπερβαίνει, et dans Isidore, varicavit, ambulavit. Telle est l'interprétation de varare flumen dans le passage du recueil De re agraria qui vient d'être commenté. Dans un autre, que je rapporterai au § xxv, nous verrons varare employé dans le sens propre de diverger. » — VR.

On trouvera, à la fin de l'ouvrage (ci-après), le passage de Jules l'Africain auquel Venturi fait allusion dans la note précédente. — H.V.

 

§ X.

 

Etant donnés deux points vus de loin, trouver la longueur de la droite qui les sépare, réduite à l’horizon, ainsi que sa position.[16]

Soient A et B les deux points donnés (fig. 1) ; je dispose la dioptre à l'endroit où je me trouve, par exemple en G, et je dirige la règle de manière à apercevoir le point A sur son prolongement : la ligne de mire sera une droite AG. Je conduis, avec la dioptre, la droite GD perpendiculaire à GA, et je transporte l'instrument en un point Ε de la droite GD, d'où l'on puisse voir le point B sur EB perpendiculaire à GD : AG sera parallèle à BE. Je détermine la distance de A à G (§ viii), et de même celle de Ε à B. Si GA est égale à EB, AB sera égale à GE; et je pourrai mesurer cette dernière ligne, puisqu'elle est située près de moi. Mais supposons que BE surpasse G A, par exemple de 20 coudées; je prends, à partir de E, sur EB qui est de mon côté, EZ égale à 20 coudées : ZB sera égale à GA; de plus, elle lui est parallèle : par conséquent aussi AB sera égale et parallèle à GZ. Or cette dernière peut être mesurée, et il est clair que nous connaîtrons en même temps la position de AB, puisque nous avons trouvé une droite qui lui est parallèle.

On peut encore autrement[17] Déterminer la distance AB (fig. 2).

Je place la dioptre où je veux, par exemple en G. Par son moyen, je tire les deux lignes GA et GB, et je les mesure (§ viii). Je prends GD égale à une certaine portion de GA, par exemple la dixième partie, et GE égale à une semblable partie de GB. Si l'on joint DE, cette droite sera aussi la dixième partie de AD et lui sera parallèle. Mais je puis mesurer DE qui est près de moi; j'ai donc aussi la mesure et la position de AB.

On peut encore[18] Déterminer la distance AB (fig. 3) d'une autre manière.

Ayant placé la dioptre en G, je prends, en ligne droite avec GA, une certaine portion GD de cette ligne; et de même, ~ en ligne droite avec GB, une semblable portion GE de GB. Alors DE sera la portion semblable de AB, en même temps qu'elle lui sera parallèle. Mais on peut mesurer DE : on connaît donc la position et la grandeur de AB.

« Héron le Jeune a copié, sans démonstration, la solution de ce problème, dans les propositions 2e, 3e et 4e de sa Géodésie traduite par Barocci.

« Le même problème se trouve résolu d'après la seconde méthode d'Héron, par Hygin, dans les Gromatiqnes (édition de Lachmann, p. 193). Mais il faut, dans la solution d'Hygin,[19] corriger les lettres à la fois dans la figure et dans le texte; autrement, en les prenant telles qu'elles sont, le passage est inintelligible. Voici quelle est, à mon avis, la figure véritable, ainsi que les corrections à faire :

Sit ergo forma conspectus ABCD.[20] Nunc [ex] linea primum constituta quæ est inter B [et] D, conspiciamus signum A; ex B[21] prolato per exiguum rigorem BE ferramento normaliter paucas dictabimus metas ex signo Ε (per EG). Prolato iterum exiguum ferramento in signum F, signum A conspiciemus, ita ut rigorem ex P missum (ad A) secet signum G; et quicumque numeri fuerint sic observabimus : quomodo fuerit EF ad EG, sic et FB ad BA tractabimus : erit (hœc) longitudo conspectus inter B, A. Eadem ratione et alteram partem DC conspiciemus (exempli gratia ex MNO). Quanto deinde CD longior fuerit (quam AB). signo H notabimus; et ex hoc signo in B rectam lineam injungemus HB, quæ erit ordinata AC. — VR.

 

§ XI.

 

Une droite étant donnée, mener à son extrémité une droite qui lui soit perpendiculaire, sans en approcher, non plus que de cette extrémité.

Soit AB la droite donnée, et A le point par lequel il faut mener la perpendiculaire. Déterminons près de nous la direction de AB, d'après la méthode déjà enseignée; et soit GD cette direction. Je porte la dioptre le long de GD, en conservant toujours la règle dirigée vers quelque point de la droite GD, jusqu'à ce qu'en regardant la direction perpendiculaire, on puisse y voir le point A. Supposons que cela ait lieu en Ε : il est clair que EA sera la perpendiculaire cherchée.

 

§ XII.

 

D'un point [élevé] que l'on aperçoit, abaisser une perpendiculaire sur le plan horizontal dans lequel on se trouve, sans approcher du point.[22]

Soit A le point élevé, et B un point de notre plan [horizontal]. Plaçons la dioptre en B; et imaginons que BG est le support, et DGE la règle le long de laquelle on vise. Dirigeons-la vers A; puis, la laissant dans cette position, plaçons entre elle et le point A, dans une situation verticale, deux piquets de grandeur inégale ZH, CK, dont le plus grand CK soit le plus rapproché du point A. Supposons que le terrain suive une ligne quelconque BZCL, et prenons BL pour la direction de notre plan horizontal. Plaçons les piquets ZH et CK de manière qu'ils paraissent ne faire qu'une seule droite passant par le point A ; alors, la règle DGE restant fixe, admettons que l'on voie HZ en H et KC en K. Prolongeons, par la pensée, HZ et KC respectivement jusqu’en M et N; et menons HX, KO, parallèles à BL. On pourra, par un nivellement, trouver de combien le point Ζ est plus élevé que le point B, puisque ces points sont près de nous; et, par conséquent, nous connaîtrons la longueur de ZM; et de même pour CN. Mais nous connaissons d'ailleurs HZ et KC : donc nous connaissons les lignes HM, KN, et par conséquent aussi leur différence KX. Nous connaissons également la distance HX, qui est la projection horizontale de ZC; par suite, nous pouvons avoir le rapport HX : KX. Supposons, par exemple, que l'on ait trouvé HX égale à 5 fois KX. Abaissons, sur notre plan horizontal BL, la perpendiculaire AORP; nous aurons aussi KO égale à 5 fois AO. Mais KO est connue : car c'est la distance CR réduite à l'horizon; nous aurons donc aussi AO. Et, comme OP, égale à KN, est aussi déjà connue, nous aurons ainsi la longueur totale de la perpendiculaire AP abaissée sur notre horizon.

« Le point R pourrait être inaccessible et même invisible, comme ce serait le cas, si A était la cime d'une montagne. Alors on pourra trouver la distance KO en opérant comme au § viii Portant la dioptre en C, j'en dirige la règle vers A; ensuite, je fais tourner le demi-cercle de manière que la règle descende à la position horizontale, en conservant toujours la mire dans le plan CAR, comme le même auteur le fait dans d'autres cas semblables (§§ viii, ix). Alors je fais tourner la même règle de manière à marquer, sur le terrain, une perpendiculaire à CR;[23] et, en continuant comme dans ce même § viii, je trouverai la distance du point C à la verticale AB, et, par suite, la hauteur du point A. Dans le paragraphe suivant, notre auteur suppose que l’on a déterminé la distance de la verticale AP sans en approcher. Frontin le Gromatique dit que, dans la guerre des Daces, on savait mesurer, veneratis diis, expugnandorum montium altitudines[24] (Rei agrariæ p. 29). Au surplus, quand il s'agissait de prendre la hauteur d'un mur ou d'une tour, les anciens faisaient encore usage d'une simple règle munie de ses dioptres, et suspendue par son milieu comme une lampe à deux bras, ce qui fait qu'on l'appelait lychnia. — (Voy. Héron le Jeune, dans la Géodésie de Barocci, proposition 1ère; et Jules l'Africain, dans ses Cestes.) » VR.

 

§ XIII.

 

Deux points étant aperçus, trouver, sans en approcher, la perpendiculaire abaissée (le l'un d'eux, B, sur le plan horizontal qui passe par l'autre, A.

On peut (fig. 1), comme il a été démontré plus haut, avoir la mesure des deux droites AG, BD, abaissées perpendiculairement[25] des points A et B sur notre plan horizontal (§ xii).

[Joignons GD, et] supposons menée par le point A, parallèlement à GD, la droite Æ, qui coupe BD en Ε : la perpendiculaire demandée sera BE [= BD — AG].

Il suit de ce qui précède, que l'on peut

Déterminer la distance AB de deux points donnés.

En effet, cette distance n'est autre chose que l'hypoténuse du triangle rectangle ABE, dont les deux côtés, Æ, BE, de l'angle droit sont connus, savoir : BE d'après ce que l'on vient de dire, et Æ [égale à DG] comme étant la distance de deux verticales [§ x, et note du § xii].

Puis, Etant donnés deux points, déterminer, sans en approcher, la position de la droite qui les joint.

Soient A, B (fig. 2), les deux points donnés : nous avons appris, dans ce qui précède, à déterminer la position du plan mené par AB perpendiculairement à l'horizon, c'est-à-dire, après avoir abaissé sur le plan horizontal les deux perpendiculaires AG, BD, à déterminer la position de GD. Supposons qu'on l'ait trouvée, et soit HZ[26] cette position. Par le point A menons à GD la parallèle Æ: cette droite sera aussi parallèle à HZ, et l'on aura les longueurs Æ et BE, comme il a été dit précédemment. Maintenant, sur ZH prenons au hasard deux points, Z, H; et, par Z, élevons (au moyen d'une règle ou tout autrement) ZC perpendiculaire à l'horizon, et par conséquent parallèle à BD. Puis posons : comme Æ : EB de même HZ : ZC, et joignons HC : cette droite sera parallèle à AB, comme il est évident d'après les parallèles et la proportion ; et nous aurons ainsi fixé la position de AB, en n'employant que des points rapprochés de nous.

Maintenant, d'après ce qui a été démontré, il devient manifeste que,

Lorsqu'on rencontre une montagne, il est possible, sans en approcher, de déterminer la perpendiculaire abaissée de la cime, ou de tout antre point visible de cette montagne, sur notre plan horizontal.

En, effet, nous avons appris à construire une perpendiculaire abaissée de tout point visible; il est donc possible, en conséquence, d'abaisser une perpendiculaire de tout point visible d'une montagne, sur un plan parallèle à l'horizon. Ou bien, simplement, étant donnés deux points quelconques, nous avons appris le moyen de déterminer les longueurs des perpendiculaires en question, ainsi que leur distance, et enfin la [distance et la] position respective des deux points, et tout cela sans en approcher.

 

§ XIV.

 

Etant donné un fossé, en déterminer la profondeur, c'est-à-dire mesurer la longueur de la perpendiculaire menée d'un point situé dans le fond du fossé, à notre plan horizontal, ou à tout autre plan parallèle à l'horizon.

Soit ABGD le fossé donné, et B le point situé au fond. Soit la dioptre placée vers D ou ailleurs, par exemple en E; soit EZ le pied de l'instrument, et HC la règle visuelle, que nous inclinerons de manière à voir le point B dans sa direction. Imaginons que la surface du terrain suive la ligne DEKLM, et que le plan horizontal où nous sommes placés soit représenté par la ligne droite ADSO. Plantons verticalement sur le terrain deux perches, KN, MX, alignées sur la règle HC, el supposons que le rayon visuel HC rencontre KN en N et MX en X. Il s'agit de déterminer la longueur de la perpendiculaire menée du point B à notre plan horizontal, c’est-à-dire à la droite ADO : c’est la ligne que nous avons représentée par BA. Imaginons le plan horizontal qui passe par B; puis, soit la perche XM prolongée en P, et la perche NK prolongée en S; soit enfin menée par le point N, la droite NR parallèle à DO. De là il résulte que NR est la distance des points Κ et M, mesurée en projection horizontale, distance que l'on peut déterminer ainsi que KS et MO. Quant à la longueur XR, c'est la différence des longueurs XRO et NS ; et il est également possible de la déterminer, comme nous l'avons fait (§ xii) lorsque nous avons appris à mener une perpendiculaire par un point quelconque au moyen de deux piquets. Supposons donc que l'on ait trouvé, par exemple, que NR est quadruple de RX, il en résultera que BP est également quadruple de XP. Mais on peut construire BP, c'est-à-dire AO : car cette distance est aussi une projection horizontale. Ainsi il est également possible d'obtenir XP, qui est le quart de BP. D'ailleurs, nous connaissons la longueur de XO : donc nous aurons OP, c'est-à-dire la perpendiculaire AB.

 

§ XV.

 

Percer une montagne suivant une ligne droite qui joigne deux ouvertures données sur sa surface.

Supposons que la base de la montagne soit ABGD, B et D étant les deux ouvertures par lesquelles doit se faire l'excavation. Menons sur le sol une droite BE, comme cela se trouvera; ensuite, d'un point quelconque Ε pris sur cette droite, menons-lui une perpendiculaire EZ, au moyen de la dioptre; puis, d'un point quelconque Z, par le même moyen, menons la perpendiculaire ZH. De même, par le point quelconque H, menons à ZH la perpendiculaire HC; puis, par le point C, la perpendiculaire GK; puis à CK la perpendiculaire KL. Alors je transporte la dioptre le long de KL, jusqu'à ce que, dans une direction perpendiculaire à celle de la règle, je puisse apercevoir le point D. Supposons cette condition remplie [au point M] : alors MD sera perpendiculaire à KL. Imaginons EB prolongée en N, et sa perpendiculaire DN. Il est évidemment possible de déterminer la longueur DN, au moyen des longueurs EZ, HC, KL, comme nous l'avons fait en menant une droite d'un point quelconque à un autre point supposé invisible; et il en est de même de BN, que l'on peut déduire de BE, ZH, CK, LD. Supposons, par exemple, que l’on ait trouvé BN quintuple d'Alexandrie de DN ; alors, menant BD et la prolongeant en X, abaissons sur BE la perpendiculaire XO; de même, imaginons BD prolongée en P, et la perpendiculaire PB, abaissée sur DL : cela fait, on aura pareillement BO quintuple de OX, et DR quintuple de HP. Marquant donc sur BE un point quelconque O, et élevant OX perpendiculairement à BO, nous prendrons pour OX le cinquième de BO, et alors BX aura l'inclinaison convenable à partir de l'ouverture B. De même, prenant DR égal au cinquième de PR, nous aurons DP convenablement inclinée au point D. Ainsi nous aurons l'excavation demandée en opérant le percement, à partir du point B dans le prolongement de BX, et à partir du point D dans le prolongement de DP. Pour assurer le succès de l'opération, il faudra planter un piquet dans l'un des alignements XB ou PD, ou dans tous les deux; et, en opérant ainsi des deux côtés à la fois, les ouvriers finiront par se rencontrer mutuellement.

Venturi remarque ici qu'il faut, en outre, opérer le nivellement des deux ouvertures A et B, et régler en conséquence les excavations, par rapport à l'horizon. « Il s'est permis, dit-il, ici et ailleurs, d'abréger le raisonnement de l'auteur, qui est quelquefois minutieux, soit parce que, décrivant pour la première fois les opérations faites avec son instrument, il craignait de n'être pas assez clair, soit parce que tel était le caractère de son esprit. » Quant à nous, nous n'avons pas cru pouvoir user aussi largement de cette liberté, et, sauf un ou deux cas, d'ailleurs signalés avec soin, nous avons reproduit les détails du texte aussi fidèlement qu'il nous a été possible. — H.V.

 

§ XVI.

 

Forer, dans une montagne, des puits qui descendent perpendiculairement sur une excavation.

Soient A et B les deux extrémités de l'excavation. Supposons tracées, comme précédemment, les deux droites GA, BD, sur le prolongement de cette excavation. En G et A je plante verticalement les deux perches GE et AZ; puis je porte la dioptre sur la montagne, à une distance convenable, de manière à apercevoir dans la direction de la règle qui fait partie de l'instrument, les deux perches GE, AZ. Soit donc HC la dioptre, et KL la règle. Laissant KL dans une position fixe, je transporte l'une des deux perches GE, AZ, par exemple au point M, au delà de la dioptre, en la maintenant toujours dans une position verticale, et la plaçant, après quelques tâtonnements, par exemple en MN, de telle façon qu'elle soit sur la direction de la mire KL : le point M se trouvera d'aplomb sur l'excavation. De même, transportant la dioptre au delà de la perche MN, en X, je la place de manière que, dans la direction de la règle, on aperçoive à la fois AZ et MN; puis derechef, la règle de la dioptre demeurant fixe, je transporte AZ au delà de l'instrument, toujours dans une position verticale, par exemple au point O, de manière que, dans l'alignement de la dioptre, on aperçoive cette perche en OP : le point O sera également d'aplomb au-dessus de l'excavation. Continuant ainsi, je prendrai sur la montagne autant d'autres points qu'il le faudra, par lesquels je mènerai une ligne : elle sera tout entière dans le plan vertical déterminé par l'excavation. Nous obtiendrions également cette ligne en commençant par BD. Prenant alors sur sa direction des distances convenables, nous y creuserons des puits qui aboutiront certainement à l'excavation. Mais il faut songer que la démonstration suppose qu'elle est entièrement en ligne droite.

Le § xvii, qui suit, est tout entier, dans le manuscrit, après le § xx. Venturi l'a placé ici en raison de son analogie avec les deux paragraphes précédents, et j'ai imité son exemple. — H.V.

 

§ XVII.

Etant donnée une galerie souterraine (tortueuse), trouver, dans la campagne au-dessus, un point d'où l'on puisse creuser un puits vertical aboutissant à un point donné de cette galerie. — Par exemple, s'il y est arrivé un éboulement, faire en sorte que, par le puits, on puisse, soit transporter au dehors les décombres provenant de l'éboulement, soit descendre des matériaux pour la construction.

Soit ABGDE l'excavation souterraine ; HC, KL, des puits déjà existants et conduisant à cette excavation; enfin, soit M le point de celle-ci où doit aboutir le nouveau puits. On descend dans les puits HC, KL, des fils à plomb NX, OP; puis, ces fils étant amenés au repos, on tire sur le terrain, par les deux points O, N, la droite ONR, et par les deux points P, X, dans l'intérieur de l'excavation, la droite PXS qui rencontre en S une des parois de l'excavation. Soit fait OR = PS. Prenant alors un cordeau bien tendu et à l'épreuve, qui ne puisse d'aucune manière ni s'allonger ni se raccourcir, j'en fixe une extrémité en S; puis, ayant marqué sur les parois de l'excavation un autre point T, je tire le cordeau de S en Τ et de Τ en P. Ensuite, après avoir mesuré les longueurs PT et TS, je forme sur le terrain supérieur le triangle OUR, ayant son côté UR=TS, et son coté OU = PT. Continuant, je prends un autre point Q [dans l'intérieur de l'excavation], de manière à y former un second triangle TSQ, que je transporte de même sur le terrain en formant le triangle URF, dans lequel je fais UR=TS et RF= SQ. Continuant de la même manière, après avoir formé un nouveau triangle sur SQ, je le répète sur RF; [et ainsi de suite] jusqu'à ce que je sois arrivé près du point M. Mais alors, pour m'assurer que le cordeau passera exactement par le point M, je commence par mesurer SM, que je prolonge jusqu'en J; puis je joins JQ; ensuite de quoi j'établis sur FR le triangle FVR, dans lequel je fais RV=SJ et FV=JQ; et il ne reste plus qu'à prendre RY=SM. Le point Y est alors celui qui correspond à plomb au-dessus du point M; de sorte qu'en ouvrant un puits au point Y, il aboutira au point M, comme il est évident d'après l'égalité et la correspondance des triangles que l'on a établis, d'une part dans le souterrain et de l'autre sur la campagne. Mais il est important de chercher à mettre les triangles dans une situation parfaitement horizontale, pour que les droites qui joignent les sommets des angles supérieurs avec ceux des angles inférieurs correspondants soient bien perpendiculaires à l'horizon.

Pour mettre la corde hors d'état de s'allonger et de se raccourcir, dit le même Héron dans ses Automates (Mathematici veteres, p. 245), « on la tend fortement entre deux pieux, et, après l'avoir laissée ainsi tendue pendant quelque temps, on la tire de nouveau; après avoir répété plusieurs fois la même manœuvre, on frotte la corde avec un mélange de cire et de résine. Il vaudra mieux encore la tendre verticalement, et y laisser pendant assez longtemps un poids suspendu. [Une corde que l'on aura soumise à cette opération conservera exactement sa longueur primitive, ou, du moins, ne subira que des variations insensibles.] »

« Les trois numéros précédents contiennent les premiers pas, que j'appellerai des pas d'enfant, faits dans la géométrie souterraine, que les modernes, et particulièrement les Allemands, ont élevée à la hauteur d'un véritable corps de science. » — VR.

 

§ XVIII.

 

Les extrémités d'un port étant données, en dessiner le contour en suivant une portion donnée de cercle.

Soient A et B (fig. 1) les extrémités du port. Établissons sur la dioptre un plateau horizontal sur lequel la règle devra se mouvoir. Taillons ce plateau suivant une ligne GDE semblable à l'arc de cercle suivant lequel nous voulons dessiner le port. Plaçons de l'autre côté, et près de la dioptre, un piquet ZH, situé de manière que les rayons visuels issus de Ζ et passant par les deux points G, E, étant prolongés au delà, aillent tomber aux deux extrémités A et B; ce que l'on obtiendra en faisant mouvoir autant qu'il est nécessaire la dioptre et le piquet ZH, ou bien encore un seul des deux. Cela posé, soit mené du point Ζ un rayon visuel à la ligne GD; et soit prolongé ce rayon jusqu'à ce qu'il rencontre le terrain en C : ce point C appartiendra au dessin projeté.[27] Puis, si nous prenons de la même manière d'autres points [sur GD], le point C, dans son mouvement, décrira la ligne demandée ACB. Mais il est nécessaire d'établir le terrain de telle manière, qu'il approche le plus possible d'être exacte ment parallèle à l'horizon, afin qu'il eu soit de même de la ligne tracée par les points choisis sur ce terrain.

D'ailleurs, que la ligne ACB soit un arc de cercle semblable à GDE, c'est ce qui est évident. En effet, on forme un cône qui a pour base le cercle GDE, pour sommet le point Z, et pour côtés les droites menées du point Z à la ligne GDE. Puis, ce cône est coupé suivant ACB par un plan parallèle à la base, lequel contient les points A et B; donc puisque ZGB, ΖΕΑ, sont des côtés du cône, il s'ensuit que la ligne ACB est un arc de cercle semblable à GDE.

Semblablement, si nous voulons Que la ligne ACB, au lieu d'être circulaire, soit plutôt une portion d'ellipse, ou une ellipse entière, ou encore une parabole ou une hyperbole, ou toute autre ligne quelconque, nous en formerons une semblable avec une planchette que nous fixerons solidement au plateau GD, de manière que le contour dessiné déborde entièrement-, et nous opérerons pour le reste, comme lorsqu'il s'agissait de décrire un arc de cercle semblable à GDE. Telle est donc la manière de tracer une ligne semblable à une ligne donnée quelconque.

Enfin, si nous voulons Tracer la ligne projetée, non plus sur un terrain parallèle à l'horizon, mais sur un autre plan, nous placerons le plateau dans une position parallèle au pian sur lequel doit être décrite la ligne; et nous opérerons comme ci-dessus. En effet, on a encore ici une ligne résultant de la section α un cône coupé par un plan parallèle à sa base. On s'y prendrait de même pour la construction d'une digue.

Quant au plateau GDE, nous le rendrons parallèle à un plan donné de la manière suivante.

Soit le plan donné KLMN. Nous pouvons trouver la position de la ligne KL tout près de nous (§§ x et xiii); soit XO cette position. Cherchons de la même manière la position de LM, et représentons-la par OP. Le plan mené suivant ΟΧ, OP, sera parallèle à KLMN. Donc, en inclinant le plateau de manière que son plan passe par OX et OP, nous l'aurons par cela même établi parallèlement au plan KLMN.

 

§ XIX.

 

Hausser un terrain de manière qu'il prenne la forme d'une portion donnée de surface sphérique.

Soit ABGD le lieu donné, Ε son point milieu. Par ce point menons avec la dioptre, sur le terrain, autant de droites que l'on voudra, AG, BD, ZH, KC; et, le long de ces droites, plantons des jalons perpendiculairement au sol : ce que nous démontrerons pour l'une de ces lignes pourra être censé démontré de même pour les autres. Plantons donc le long de BD les jalons LM, NX, OP, RS, TU; et soit FQV le plateau de la dioptre, semblable à la section de la levée. Plaçons ce plateau perpendiculairement à l'horizon [et parallèlement à la section], et disposons une règle [verticale] YJ vis-à-vis de lui, de telle manière que deux rayons YF, YV, suffisamment prolongés, aillent aboutir aux points B et D. Ensuite, par le point Y et par l’arc FQV, visons, sur les jalons, les points M, X, P, S, U; ils seront sur la section de la levée. Que l'on fasse la même opération pour les autres droites, toujours au moyen de la dioptre; que l'on prenne de la même manière des points convenables sur les nouveaux jalons; et qu'enfin l'on remblaye le terrain jusqu'à la hauteur des points ainsi marqués : alors l'élévation du sol sera conforme à la section prescrite.

Traçant avec les mêmes précautions, d’autres figures sur le plateau, conformément à ce qui a été dit au § xviii, nous pourrons donner aussi à la levée d'autres formes arrondies et différentes de celle de la sphère. —VR.

 

§ XX.

 

Incliner le terrain sous un angle donné, de manière que cette inclinaison soit prise à partir de l'un des sommets d'un losange situé dans une position horizontale.

Soit ABGD le losange, et EZH l'inclinaison que nous voulons donner au terrain. Des trois points A, B, D, élevons au plan proposé les perpendiculaires AC, BK, DL, le point G étant celui à partir duquel l'inclinaison doit être mesurée [sur la diagonale GA]. Soit pris ZH — AG; puis élevons sur ZH la perpendiculaire HE, et faisons AC = HE; nous aurons AG : AC :: ZH : HE; et, si l'on joint CG, l'angle CGA sera l'inclinaison voulue. Du point B abaissons la perpendiculaire BM sur AG; prenons ZN= [GMJ ; menons NX parallèle à HE; faisons les deux lignes BK, DL, égides à NX: et enfin, conduisons les lignes CK, KG, GL, LC : le plan CKGL sera incliné sur ABGD suivant l'angle CGA, c'est-à-dire EZH. En effet, si l'on mène, [par le point M,] à la droite MO parallèle à AC, et que l'on tire OK, cette dernière droite ira aboutir au point L, et l'on aura MO égale à NX; puis, KO sera égale et parallèle à BM, et, de plus, perpendiculaire à CG. De sorte que le plan CKGL aura bien l'inclinaison demandée.

Si ABGD était un quadrilatère à côtés inégaux, en sorte que les diagonales ne fussent pas perpendiculaires entre elles, nous abaisserions cependant encore une perpendiculaire BM sur AG, et nous prendrions, comme précédemment, ZN = GM et BK = NX. Abaissant de même du point D sur AG une perpendiculaire, nous trouverions, par la même méthode, la valeur de DL. Ainsi il faudrait élever le terrain jusqu'aux droites CK, KG, GL, LC; et le plan CKGL aurait encore l'inclinaison demandée,

« La solution du problème peut toujours être obtenue par la même méthode, quelle que soit la configuration du terrain, quoique l'auteur y ait introduit l'idée d'un quadrilatère, peut-être pour en faciliter l'intelligence. » — VR.

Pour justifier la construction de l'auteur, je ferai observer que les plans ABDG, CKLG, se coupent suivant une droite menée par le point G perpendiculairement à la section CGA; l'angle CGA est donc bien la mesure de leur inclinaison; et l'on a, pour le cas du losange, ΒΚ = MO = DL. Le raisonnement est à peu près le même pour le cas d'un quadrilatère quelconque. — H.V.

 

§ XXI.

Mesurer à partir de nous, dans une direction donnée, au moyen de la dioptre, une distance égale à une distance donnée.

Soit AB la direction dans laquelle doit être prise, à partir de A, la distance donnée, [et AB cette distance même]. Je me place sur un terrain plan horizontal quelconque comme GD ; j'y plante la dioptre EZ perpendiculairement au sol; et au-devant de l'instrument je fixe de même un poteau vertical HC, haut, par exemple, de 10 coudées, à une distance quelconque de la dioptre, c'est-à-dire du point Ε : [soit cette distance EH égale à 3 coudées]. Soit EL, égale par exemple à 500 coudées, la distance que je veux pouvoir mesurer. Je laisse un signal au point L, et j'incline la règle de la dioptre de manière à voir dans sa direction le point ainsi marqué. Alors, l'instrument restant fixe dans cette position, je passe de l'autre côté; je note sur le poteau HC le point où aboutit la mire, et j'y écris le nombre 500. Prenant de la même manière sur ED d'autres distances à partir de Ε, par exemple EN égale à 400 coudées, après avoir posé un signal en N, je marque sur le poteau HC, dans l'alignement inverse au point X, le nombre 400. Opérant de même pour toutes les distances que je voudrai, j'aurai ainsi sur le poteau HC une échelle de graduation pour toutes ces distances. [Cela posé, reprenons notre problème particulier.]

Ayant placé la dioptre AO en A, je plante le poteau qui porte la graduation à une distance de A égale à 3 coudées, c'est-à-dire à une distance égale à celle que j'avais prise quand j'y ai inscrit les nombres. Alors, si j'incline la règle de la dioptre jusqu'à ce que j'aperçoive dans sa direction le nombre indicateur de la distance que je veux prendre, puis, que, passant de l'autre côté, je note, sur la ligne AB, le point B correspondant à cette position de la dioptre, il est clair que j'aurai la distance proposée. Soit donc AO le pied de la dioptre, PR la règle de visée, ST le poteau gradué. [J’incline[28] la règle PR jusqu'à ce que j'aperçoive par son moyen le point Τ correspondant à la distance demandée. Alors, passant de l'autre côté, j'apercevrai sur AB le point B, qui me donnera la distance cherchée.]

« Ce problème est l'inverse de celui du § viii, comme le suivant est l'inverse de celui du § x. La solution en serait expéditive et commode, si elle ne devenait pas sujette à erreur; mais on y prend pour base une longueur trop petite, qui est la hauteur de la dioptre. Aussi vaut-il bien mieux, au lieu de cette mesure, prendre sur le terrain des distances AG, GE (§ viii), suffisamment étendues. » — VR.

Je ferai observer que l'on peut, jusqu'à un certain point, comparer à cette méthode d'Héron le procédé que l'on emploie dans la balistique moderne pour donner à la trajectoire du projectile (abstraction faite de sa courbure), une amplitude donnée. En effet, l'échelle graduée de notre auteur n'est-elle pas reproduite presque identiquement dans cette échelle de mire, nommée hausse, dont sont aujourd'hui munies les carabines de nos habiles chasseurs de Vincennes? — H.V.

 

§ XXII.

D'un point éloigné de nous, prendre, avec la dioptre, une distance égale à une distance donnée et parallèle à une droite donnée, sans approcher de ce point, et sans avoir la droite sur laquelle il faut prendre cette distance.

Soit A le point donné, et la dioptre en B. On cherche la longueur de AB comme il a été expliqué (§ viii), et sur AB on prend BG qui en soit une partie quelconque. Conduisons GD parallèlement à la droite sur laquelle nous voulons placer la distance donnée, et qui soit la même portion de la distance donnée que BG l’est de BA. Menons la droite BD; prolongeons-la au moyen de la dioptre, et prenons sur sa direction une distance BE qui soit le même multiple de BD, que AB l'est de BG (§ xxi) : Æ aura la grandeur voulue et sera parallèle à GD, ce qui est évident, puisque AB : BG : : EB : BD : : Æ : GD.

 

§ XXIII.

 

Mesurer un champ donné au moyen de la dioptre.

Soit le champ donné ayant pour contour la ligne irrégulière ABGDEZHC... etc. Puisque nous avons appris à mener, au moyen de la dioptre convenablement disposée, une perpendiculaire aune droite donnée quelconque, je prends un point B sur la ligne qui termine le champ, et je mène au hasard avec la dioptre la droite BH, ainsi que BG perpendiculaire à BH; puis une autre perpendiculaire GZ, et semblablement à GZ la perpendiculaire ZC. Alors je prends, sur les droites ainsi menées, une suite de points tels que K, L, M, Ν, Χ, Ο sur BH; P, R sur BG; S, T, U, F, Q, V, Y sur GZ; enfin J, W sur ZC. Ensuite, par les points ainsi choisis, je mène sur les droites auxquelles ils appartiennent, les perpendiculaires K&, LA, MA', NB', XG', OD', PE', RJ', [SZ',] TH', UC, FD, QA", VB", YE, JG", WD", et cela de telle manière, que les portions du contour de la figure qui seront comprises entre les extrémités des perpendiculaires menées d'abord [aux côtés du parallélogramme inscrit], puissent être prises approximativement pour des portions de lignes droites; et, cela fait, on pourra mesurer le champ. D'abord, le parallélogramme BGZE" est rectangle; ainsi, en mesurant ses côtés avec une chaîne ou un cordeau bien éprouvé, c'est-à-dire qui ne puisse s'allonger [par l'effet de la traction] ni se raccourcir, nous aurons l'aire de ce parallélogramme. Ensuite, nous mesurerons de même les triangles rectangles et les trapèzes extérieurs à ce parallélogramme, ce qui nous sera facile puisque nous en connaissons tous les côtés : les triangles sont BK&, ΒΡΕ', GRJ', GSZ', ZYE, ZJG", CHE"; le reste n'a que des trapèzes. Les triangles se mesurent en multipliant l'un par l'autre les côtés de l'angle droit et prenant la moitié du résultat; quant aux trapèzes, c'est en multipliant la demi-somme des côtés parallèles par la droite qui leur est perpendiculaire: par exemple, [pour K&AL], on prend la moitié de K& plus AL, et l'on multiplie par KL; c'est la même chose pour les autres. Ainsi, le champ tout entier se trouvera mesuré par le parallélogramme du milieu et par les triangles et les trapèzes extérieurs.

Mais, s'il arrive que quelque portion du contour, comprise entre les perpendiculaires menées aux côtés du parallélogramme, ne puisse être approximativement prise pour une ligne droite, mais plutôt pour un arc de cercle, comme, par exemple, l'arc G'D' compris entre les perpendiculaires XG', OD', il faut alors s'y prendre ainsi qu'il suit. Menant à OD' la perpendiculaire D'J"; puis, sur cette droite, prenant les points C", H", et menant les perpendiculaires C"I", H"Z", de manière qu'entre leurs extrémités on ait à peu près des lignes droites; alors nous aurons, comme plus haut, à mesurer un parallélogramme J'XOD', un triangle H"X"D', un trapèze G'J"C"I", encore un autre trapèze [I"C"H"Z"] ; et nous obtiendrons ainsi la mesure de l'espace compris entre la courbe G'I"Z"D' et les droites G'X, OD', [OX, et, par suite, le champ tout entier].

Venturi déclare avoir omis ici la longue et minutieuse description que l'auteur donne d'une méthode connue aujourd'hui, dit-il, du premier venu des arpenteurs,[29] et qui était communément employée aussi par les gromatiques romains. On lit en effet dans Frontin (Gromatici veteres, p. 33) : « Cujuscumque loci mensura agenda fuerit, eum circumire ante omnia oportet, et ad omnes angulos signa ponere, quæ normaliter ex rigore cogantur : posito deinde et perpenso ferramento rigorem secundum proximo lateri dictare; et conlocatis mœtis, in alteram partem rigorem mittere, qui cum ad extremum pervenerit, parallelon primi rigoris excipiat. » Un peu plus haut (p. 32), Frontin avait dit : « Modum autem (agri) intra lineas clusum rectorum angulorum ratione subducimus: subjectas deinde extremitatum partes, areas tangentium nostrarum postulationum, podismis suis adseramus, et adscriptis spatio suo finibus ipsam loci reddimus veritatem. »

« Il faut voir dans le même recueil, continue Venturi, la ligure donnée par les anciens à un champ partagé entre des colons (Gœsius, p. 202, Lachm. fig. 205), ce qui est bien loin d'être une frivolité, comme le juge Gœsius, qui ne connaissait pas trop l'arpentage. »

 

§ XXIV.

 

Voici une Autre méthode pour mesurer. Soit à mesurer le champ représenté par la figure, dans lequel, au moyen de la dioptre, nous mènerons, suivant toute sa longueur, une droite AB, en nous rapprochant, autant que possible du milieu du champ. Prenons à la suite les uns des autres, sur cette droite, des points tels que G, D, E, Z, H, C; et, par ces points, menons, au moyen de la dioptre, les perpendiculaires GK, GL, DM, DN, EX, EO, ZP, ZR, HS, HT, CU, CF, de manière à intercepter, sur le contour de la figure, des portions de lignes à peu près droites. Le champ sera donc de nouveau partagé en triangles AGK, AGL, BCF, BCU, et en trapèzes, au moyen desquels il sera possible d'en obtenir la mesure. Et, si nous rencontrons, comme plus haut, quelque arc de cercle [ou de courbe quelconque], nous opérerons comme ci-dessus pour parvenir à effectuer notre mesure.

Cette manière de mesurer est utile principalement quand on veut, en outre, partager le champ en portions données. Supposons, par exemple, qu'il s'agisse de le diviser en sept parties égales, au moyen de lignes parallèles entre elles. J'ai déjà, je suppose, mesuré le champ, et pris le septième du résultat, valeur qu'il faut donner à chacune des parties. Je prends l'espace AKL. S'il est égal à ce septième, ce sera la première portion; s'il est inférieur, j'y ajoute l'espace KLMN. Si la somme est égale à ce même septième, MN sera la ligne correspondante à la première division; si cette somme est elle-même plus petite, il faudra ajouter en outre l'aire MNXO; et ainsi de suite, jusqu'à ce que le tout soit égal ou supérieur au septième. Si c'est après avoir ajouté XOPR que l'on trouve le tout trop grand, alors il faudra mener QV de manière à retrancher du trapèze XOPR une portion QVRP égale à l'excédant. Ainsi il faudra savoir retrancher d'un trapèze donné un autre trapèze donné, ce que nous montrerons par la suite (§ xxviii). On aura ainsi l'aire QAV égale à l'une des portions. De même, maintenant, il faut ajouter à PQVR l'espace PRST; et, si la somme est égale au septième du tout, la ligne ST déterminera la deuxième part. Si elle le surpasse, il faudra, du trapèze PRST, retrancher la partie surabondante. Et ce sera la même chose pour toutes les autres parties.

 

§ XXV.

Les limites d’une propriété ayant disparu, à l'exception de deux (ou trois[30]), retrouver, au moyen du plan de la propriété, la position des limites perdues.

Pour plus de généralité, nous indiquerons une méthode d'arpentage moins soignée, et un autre mode de représentation, que nous appliquerons à la figure ABGDEZHC terminée par les lignes à peu près droites AB, BG, GD, DE, EZ, ZH, HC, GA. Soit, dans cette figure, élevée sur BG la perpendiculaire BK, et abaissée sur BK [la perpendiculaire AK; puis, élevée sur AC la perpendiculaire CL, et abaissée sur CL] la perpendiculaire LH; puis encore, menée sur HZ la perpendiculaire ZM, et sur ZM la perpendiculaire ME ; puis enfin, sur BG la perpendiculaire GN, et sur celle-ci la perpendiculaire ND. Alors on pourra mesurer, d'abord les triangles AΒΚ, HCL, EZM, GDN, et ensuite les cinq parallélogrammes [rectangles] partiels BX, NE, HM, CR, XP, qui résultent du prolongement des perpendiculaires [indiquées précédemment].

Supposons donc que le dessin, comme il a été dit (§ xxiii), soit composé de triangles et de parallélogrammes, et qu'il ne paraisse sur le terrain que les bornes C, B.[31] Supposons BK dirigé vers G, et menons, avec la dioptre, la droite BG, qui sera connue de position et de grandeur; puis prenons sur cette ligne une partie donnée BT, et abaissons sur BG les perpendiculaires [CS et] TU. Nous aurons TU : CS : : BU : BS : : BT : BC. Or le dessin nous fournit les valeurs des deux droites BS, SC; nous aurons donc ainsi les valeurs des deux droites BU, UT. Alors, prenant un cordeau VF parfaitement inextensible, égal à la somme des valeurs trouvées de TU et UB, marquons, sur sa longueur, le point Q qui la partage en deux parties, FQ = BU, et VQ = TU. Cela fait, plaçons, sur le terrain, l'extrémité F de notre cordeau en B, et l'autre, V, en T; alors, si nous le prenons au point désigné Q en le tirant, ce point tombera exactement au point U, ce qui nous permettra de fixer, soit au cordeau, soit à la dioptre, l'alignement BU. Ensuite, nous porterons dans cette direction la grandeur BK telle qu'elle est déterminée par le dessin; puis, du point Κ ainsi obtenu, nous élèverons la perpendiculaire KA, sur laquelle nous prendrons la grandeur KA [également donnée par le dessin]; et, de cette manière, le point A se trouvera déterminé. Ce sera absolument la même chose pour tous les autres points [du contour], que nous obtiendrons pareillement en nous conformant aux perpendiculaires du dessin, tant pour leurs positions que pour leurs mesures.

« Le dessin dont parle Héron est un simple brouillon des lignes d'arpentage, avec leurs longueurs respectives, que l'on note à côté de chacune d'elles en même temps que l'on exécute l'opération sur le terrain[32]…….

« Le § xxv, mais plus encore le § vii, a quelque analogie avec le problème que résout un des auteurs De re agraria (p. 286) à la suite de la Variation du fleuve. Je le rapporte ici en y ajoutant d'idée la figure (fig. 1) avec les lettres. L'absence de ces lettres me donne la conviction que le fragment en question est resté jusqu'à ce jour un mystère. Ayant trouvé dans des champs assignés à une colonie une ancienne borne A, il s'agit de découvrir la limite AC. L'auteur anonyme suppose que, de la borne trouvée A, on ne puisse, à cause d'obstacles interposés, voir l'autre C, qui est très éloignée. Dans un pareil cas, il prescrit de planter quatre jalons, qui doivent être alignés (deux à deux) sur la borne trouvée A, et il veut que, par leur recours, on essaye de tracer l'alignement de la limite AC. »

« [LIMITIS REPOSITIO.[33]

« Cum in agro assignato veneris, et lapides duo contra aliis alios in capitibus centuriæ in decimano sive in cardine inveneris, incipies mensuram agere ab eo lapide centuriale unde possis pervenire ad centuriam in qua mensurœ agendæ sunt. Si decusati in capitibus lapides fuerint, ab eo lapide qui limitem ducturus est primum lapidem circinabis. Et si inveneris recte incisas quattuor lineas cisdem lapidibus ferramentum pusillum longius a lapide ita ut possis decumani lineam vel cardinis mediam comprehendere, et dictare duas cannas, quas per quattuor latera diligenter perpendes, unam ultra lapidem, et alteram citra lapidem. Inde transferes in altero latere lapidis ferramentum, et similiter facies sicut supra. Deinde, sublato ferramento, transferes ad lapidem, et figes. Cum fixeris, perpendes. Cum perpenderis diligenter tam diu facies ut ab umbilico soli emissum perpendiculum supra punctum decusis cadat. Cum ita feceris,] incipies quattuor metis comprehensis dictare limitem in quam partent iturus es. Si lapidem C inveneris, scias to limitem tenere, si vero varatus (en vous écartant de la limite) intervenerit, unde tibi venerit DC versuram facies ita ut per punctum decusis lapidis C rigor [CD tibi occurrat[34] in D]. Cum ita feceris, tetrantem pones ACD; et deinde reverteris ad lapidem A unde primum cœperas, et cultellabis usque ad tetrantem D et a tetrante D usque ad punctum C lapidis ad quem varatus venisti. Ut reponas te in limitem AC, sic facies. Catheti AD quamvis partem solidam sumes et referes a puncto A lapidis per ipsum cathetum et signum pones perpensum E : (et quam partem Æ)retulerisin rigore suo AD. eandem partem sumes et basis DC, referes (in EF) normaliter signo Ε quem posueras numero quem solidum basis DC sumpseras. Et ubi expletum fuerit, signum F perpensum pones, Erit hoc signum F in limitem AFC ; et numerum Æ quem a puncto lapidis A retuleras per cathetum AD dare illi similiter referes EG per eundem cathetum AD in rigorem ; et ab eo signo G normaliter (in GH) duplicatum numerum ejus basis EF quem retulisti in limitem AC similiter réfères; et signum H pones; et habebis duo signa F, H, in limitem AC perpensa, etc

« Observons que, dans le passage qui vient d'être rapporté, le mot varare est employé avec le sens d'aller en travers suivant la droite AB, en s'écartant de la limite AC : cela servira à confirmer tout ce qui a été dit sur ce verbe dans la note du § ix.

« Je ne serai pas tout à fait hors de mon sujet si j'indique comment doit être compris tout le reste de ce fragment très obscur, surtout pour ceux qui ne prennent pas ce mot varare dans sa véritable signification.

« L'auteur avertit donc, en premier lieu, que, lorsque AC est une ligne limite, le nombre inscrit sur les deux bornes A et C change seulement par rapport au decumanus ou par rapport au cardo, mais jamais par rapport à tous deux. En d'autres termes, si l'une des bornes portait inscrit par exemple D. V. Κ. ΧII, et l'autre D. VI. K. XIII, la ligne AC n'appartiendrait pas à la limite, et les deux bornes se trouveraient l'une à l'égard de l'autre en diagonale, ce que l'auteur appelle in zachone esse,[35] ou, selon d'autres manuscrits, in tacone, expression inconnue aux lexicographes. Il continue ensuite, à mon avis, dans le sens de l'explication suivante, et conformément aux figures...

La déviation que nous avons commise en nous écartant de la véritable limite PV (fig. 2) établie d'après le partage primitif des terres et en suivant la ligne PS, nous la corrigerons de la manière suivante. Soit, par exemple, la distance de la pierre P à la pierre Q de 700 pieds, et celle de Q à R de 1.700 pieds, ce qui fait ensemble 2.400 pieds ; et supposons que, pour le point R, la déviation RS soit de 20 pieds. Voilà donc un total de 20 pieds par lequel je dois diviser les 2400 [ce qui forme un actus]. Ainsi, la manière de corriger la déviation susdite consiste (je lis : itaque varationis modus fit ita : si repositionem, etc.) à rétablir, pour chaque actus, un des pieds dont vous avez dévié quand il s'agissait de tracer la susdite limite PR. Que si vous voulez prolonger cette même limite au delà des terrains situés entre P et R, vers V: pour 120 pieds de prolongation (je lis : extra pedes CXX, ad hunc unum actam), pour ce premier actus, dis-je, vous porterez sur la perpendiculaire TV 21 pieds, et vous planterez en V un jalon vertical. Puis, pour les 120 pieds suivants, vous porterez pareillement sur la perpendiculaire XZ, 22 pieds, et vous placerez un signal en Z. Alors, prenant pour ligne de mire la droite qui passe par les signaux V et Ζ et la borne R, vous n'aurez qu'à suivre la droite RK qui sera votre limite. De même, si vous voulez revenir de R vers le point de départ P, vous retrancherez pour chaque actus les pieds de déviation, de la même manière que vous les avez ajoutés en allant de R à K. Et ceci devra être observé, non seulement pour chaque actus, mais encore pour chaque intervalle de 60 ou 80 pieds, en prenant plus ou moins selon que l'exige la proportion.

« Il y a une autre manière de répartir le nombre des pieds de déviation, non seulement dans le cas d'une limite, mais encore dans toute autre condition. Faisons, par exemple (fig. 3), AB de 375, BC de 500 pieds, CD de 1800. Si nous avons dévié en AB des quantités 12, ou 17 pieds [le chiffre XII manque dans le texte], nous opérerons ainsi. Nous partagerons toujours toute la portion parcourue de la limite AB, pour en avoir le rapport à la divergence totale : ainsi, dans ce cas, je divise 375 par 1 2 et j'ai 31 [½ dans VR], ou bien par 17, et il vient 22, avec une différence de 1 sur le tout. Ce calcul nous servira pour une portion quelconque de la limite et de la divergence à corriger, en allant, soit en arrière, soit en avant, par rapport à B; car il nous apprend combien, pour corriger la déviation dans chaque cas, nous devons ajouter au chiure obtenu, si nous allons en avant, ou en retrancher, si nous allons en arrière.

« Dans les champs partagés (fig. 4), il arrive quelquefois que l'on ne trouve pas les bornes en M, N, O,... le long des centuries, mais bien sur les lignes de séparation, comme en Q, R, S …. Si ces bornes vous indiquent qu'en D on s'est écarté de la borne P de la quantité PD, vous vous servirez de la limite extrême EPD, en y calculant le rapport de CP à PD. Ce rapport vous servira à déterminer les hypoténuses correspondantes CQ, CR, CS.... Ayant ensuite planté (conformément au calcul précédent) les jalons M, N, O,... vous obtiendrez les limites des champs, C, M, N, O ……[36] »—VR.

[« Dans le cas [particulier] où la borne A (fig. 5) est située dans un angle, et l'autre B dans un autre, de telle façon qu'elles soient, l'une par (rapport à l'autre, non seulement en diagonale, mais semblablement placées (similiter), [c'est-à-dire sans doute : « si le numéro d'ordre du cardo de l'une est le même que celui du decumanus de l'autre, »] alors, comme, dans les centuries, les côtés sont égaux dans le sens de la largeur ainsi que dans celui de la longueur, vous n'aurez, dans l'un des points de AB pris a volonté, comme en C, qu'à faire un angle droit AGD, et à prendre horizontalement une portion CD de la perpendiculaire, égale à la longueur AC déjà parcourue : les extrémités des perpendiculaires ainsi menées seront sur les limites originelles.[37] »] — H.V.

 

§ XXVI.

 

Partager un champ donné en portions données, en partant d'un point donné.

Supposons, par exemple, que le point donné soit un réservoir d'eau dont doivent jouir tous les possesseurs de ce champ.

Supposons le contour du champ formé des lignes droites AB, BG, GD, DE, EZ, ZH, HC, CK, KL, LA : si toutes les lignes qui enveloppent le champ n'étaient pas droites, et qu'il s'y rencontrât quelque ligne courbe, nous prendrions, sur son étendue, des points tels, que les lignes qui les joignent fussent presque droites. Soit M le point donné; et supposons que, à partir de ce point, le champ doive être divisé, par exemple, en sept parties égales. Menons, au moyen de la dioptre, la droite MN perpendiculaire à AB, et supposons tirées les droites MA, MB. Nous pourrons alors connaître l'aire du triangle MAB, qui a pour mesure la moitié du produit de AB par MN. Or nous savons déjà, d'après ce qui a été dit précédemment, mesurer le terrain entier. Alors, si le triangle AMB en est la septième partie, ce sera la première portion ; s'il est plus grand, il faudra tirer une ligne MX qui forme, en dehors, le triangle BMX égal au surplus. Si, au contraire, il est plus petit, il faut prendre sur le triangle BMG un triangle BMO, qui, ajouté à AMB, fasse une somme égale au septième demandé. Quant à la manière de retrancher ou d'ajouter un triangle, c'est une chose que nous verrons plus tard (§ xxix). En opérant de la même manière sur les autres triangles, nous aurons partagé le champ en sept portions égales, au moyen de lignes tirées du point M.

 

§ XXVII.

Mesurer un champ où l'on ne peut pénétrer, soit à cause d'une plantation épaisse, soit à cause d'embarras provenant de constructions, soit enfin parce qu'il n'est pas permis d'y entrer.

Supposons que le contenu du champ donné suive les droites AB, BG, GD, DE, EZ, ZH, HC, CA. Prolongeons les droites ZH, CH, en dehors du champ, soit avec des perches, soit avec des cordes, de telle sorte que HR soit la même portion de ZH que HL l'est de CH, et menons la droite KL : ce sera aussi une portion égale de CZ, à laquelle elle sera parallèle; et les triangles donneront la proportion ZHG : HKL : : ZH : HK. Si, par exemple, la droite ZH vaut 5 fois HK, le triangle ZHG vaudra 25 fois le triangle HKL. Or nous pouvons mesurer l'aire du triangle HKL, puisque nous en connaissons les côtés (comme nous le démontrerons plus loin [§ xxx]); nous pouvons donc, par conséquent, déterminer celle du triangle ZHC. Ainsi, imaginons le champ décomposé en triangles CEZ, CED, CDG, CGB, CBA, au moyen des droites CZ, CE, CD, CG, CB, et calculons l'aire de chacun : nous aurons, par suite, celle du champ tout entier.

Pour cela, prolongeons HZ vers M, et prenons ZM = HK; puis, au moyen d'un cordeau, assemblons aux extrémités de ZM les deux lignes ZN, NM, de sorte que ZN=KL et NM=HL; puisque ZM et HZ sont en ligne droite, NZ et ZC seront aussi en ligne droite. Prolongeons EZ vers X; et soit fait EZ : ZX : : CZ : ZO. En joignant XO, cette droite sera homologue et parallèle à CE; et les triangles donneront ECZ : ZXO : : EZ2 : ZX2. Mais nous pouvons connaître l'aire ZXO, puisque nous en avons les trois côtés; nous pouvons donc aussi déterminer l'aire du triangle ECZ.

Nous calculerons de la même manière [en suivant chaque contour partiel] les aires des triangles restants et nous aurons l’aire du champ tout entier.

 

§ XXVIII.

Maintenant nous allons démontrer les divers points qui ont été laissés en arrière, et premièrement :

Etant donné un trapèze ABGD, ainsi que ses deux côtés parallèles AD, BG, et la droite qui leur est perpendiculaire, mener une droite EZ parallèle à la base AD, de manière à retrancher du trapèze donné un trapèze ÆZD de grandeur donnée.

Les données étant admises conformément à l'énoncé, prolongeons les deux lignes BA, GD, jusqu'à leur rencontre en H, et abaissons la perpendiculaire HKC. Puisqu'on donne la longueur des deux droites BG, AD, on donne aussi leur rapport, et, par suite, le rapport CH: KH, et, par conséquent aussi, le rapport CK : KH. Mais CK est donné ; donc KH l'est aussi. D'un autre côté, puisque AD est donné, le triangle HAD l'est également en grandeur, et, par suite, il en est de même du triangle total HEZ; donc le rapport de HEZ à HAD, et, par conséquent, celui de HL2 à HK2, nous est donné; or, HK2 nous étant donné, il en sera de même de HL2, et, par conséquent, de HL. Mais HK est donné; donc KL est aussi donné; et, par conséquent, EZ est donné de position.

Pour faire une application, soit BG = 14, AD= 7, KC = 6.

Puis donc que BG est double de AD, CH est le double de HK, et, puisque CK vaut 6, HK vaut également 6 ; d'ailleurs, AD valant 7, par suite, le triangle HAD = 21. Supposons que le trapèze à retrancher, ÆZD, vaille 19 : le triangle entier, HEZ, vaudra 40; et, puisque HK vaut 6, son carré vaut 36. Je multiplie donc 36 par 40, il vient 1440; je divise ce produit par 21; il vient 68 4/7,[38] dont la racine carrée est approximativement 8 2/7: telle est donc la valeur de HL. Dans ce nombre. HK entrant pour 6, le reste KL = 2 2/7 ; de sorte que, si de la perpendiculaire KC je retranche KL= 2 2/7 et que je mène la parallèle ELZ, le trapèze retranché vaudra 19.

 

§ XXIX.

Etant donné un triangle ABG ainsi que sa hauteur AD, mener une droite Æ (parallèle à sa base) de manière à retrancher un triangle donné ABE.

Les données étant admises :

Puisqu'on nous donne encore le triangle ABE, on nous donne donc aussi le point E.

Soit la hauteur AD = 6, et le triangle à retrancher = 45· Je double 45 ce qui donne 90, et je divise par 6, il vient 15 = BE. Je joins Æ et j’ai le triangle ABE = 45.

 

§ XXX.

Etant donnés les côtés d'an triangle, en trouver l'aire.

On peut, il est vrai, en menant une perpendiculaire [d'un sommet au côté opposé] et mesurant sa longueur, trouver l'aire du triangle. Mais on propose de mesurer l'aire sans connaître la hauteur.

Soit ABG le triangle proposé; et soit donné chacun de ses côtés : on demande d'en trouver l'aire. Inscrivons dans le triangle donné le cercle DEZ dont le centre est H, et menons HA, HB, HG, HD, HE, HZ. Le produit BG x HE sera le double du triangle BHG; AB x HD sera le double du triangle AHB; et enfin AG x HZ sera le double du triangle AHG. Donc le produit du périmètre du triangle ABG par le rayon HE du cercle DEZ est double du triangle ABG. Prolongeons GB et prenons BC = AD; GC sera la moitié du périmètre. Donc le produit GC x HE (ou la racine carrée du produit GC2 x HE2) sera l'aire du triangle. Menons HKL perpendiculaire à HG, puis BL perpendiculaire à BG, et joignons GL. Puisque chacun des deux angles GHL, GBL, est droit, les points G, H, B, L, sont tous quatre sur une même circonférence de cercle; et les angles GHB, GLB, forment une somme égale à deux droits. Donc, en raison de ce que les droites HA, HB, HG, divisent en deux parties égales les trois angles formés autour du point H [par les rayons du cercle inscrit], l'angle AHD est égal à l'angle GLB; et le triangle HAD semblable au triangle GLB. On a donc GB : BL : : AD : DH, ou : : BC : HE; alternando, GB : BC : : BL : HE, ou : : BK : KE; et componendo, GC : BC : : EB : EK. De sorte que l'on aura encore GC2 : GC x BC : : GE x EB : GE x EK ou ΗΕ². D'où il suit que le produit GC x BC x GE x EB est égal à GC² x HE², dont la racine carrée mesure l'aire du triangle. Or les quatre droites qui forment ce produit sont connues : en effet, GC est la moitié du périmètre; BC est l'excès de ce demi-périmètre sur le côté BG; GE, l'excès du même périmètre sur le côté AB; et enfin EB est l'excès sur le côté AC. Donc, en résumé, l'aire du triangle est donnée.

Prenons un exemple : Soit AB= 13, BG= 14, GA= 15. Ajoutons les côtés : on a 42, dont la moitié est 21. Retranchons 13, il reste 8; puis 14, il reste 7; puis 15, il reste 6. Multipliant entre eux ces quatre nombres 21, 8, 7, 6, on a 7.056, dont la racine carrée est 84. Donc l'aire du triangle est 84.

 « Voici enfin, dans son antique simplicité, la démonstration d'un problème devenu célèbre parmi les curiosités géométriques. Klügel, dans son Dictionnaire mathématique, en ayant déjà donné l'histoire depuis le temps de Luc Pacioli, je restreindrai ce que je veux en dire aux temps antérieurs à cette époque.

« On conserve à la Bibliothèque de Berne deux manuscrits remontant, l'un à l'année 1004, l'autre à un siècle plus haut. Ces manuscrits, assez différents l'un de l'autre, renferment la géométrie de Boèce, disposée confusément, et interpolée de fragments pris dans Columelle, Cassiodore. Isidore, ainsi que dans les gromatiques romains. Au nombre de ces fragments s'en trouve un concernant la mesure pratique des surfaces des figures, écrit dans un style moins obscur et plus naturel que celui de la géométrie de Boèce; d'où l'on peut conjecturer avec vraisemblance que c'est le travail de quelqu'un des gromatiques romains. Or, parmi les opérations pratiques, il contient la suivante :

« Omne trigonum una ratione podismare, utputa orthogonium, oxigoniam, et ambligonium. Sic quæritur. Cujus libet ex tribus triangulis tres numeros jungo in unum, ut puta orthogonium cujus numeri dantur, cathetus quidem pedes vi, basis pedes viii, hypoténuse pedes x. Hos tres numeros jungo, fiunt xxiv. Hujus semper sumo dimidium, id est xii Hoc sepono, et de hoc numero, id est de xii, tollo singulos numeros [Tollo cathetum ped. vi, relinquuntur vi,] pono sub xii. Item basim ped. viii tollo de xii, reliquum [iv] pono sub vi. Hypotenusam ped. x tollo de xii, relinquuntur ii, pono sub iv. Deinde rnultiplico vi per iv, fiunt xxiv; hoc duco bis, fiunt xlviii ; hoc duco per xii, fiunt dlxxvi. Hujus sumo latus, id est xxiv : erit embadum. »

« J'oserais affirmer que Boèce a extrait des fragments cités ci-dessus plusieurs des opérations pratiques qui y sont rapportées, en les traduisant dans son style, dégénéré de la pureté et de la simplicité des anciens. Parmi les nombreux exemples que je pourrais citer en preuve, je me bornerai au suivant :

 

D'après l'anonyme (dans les manuscrits de Berne). D'après Boèce (édition de 1570, page 1528)
Omnis forma normaliter quatuor lineis comprehensa, si longitude ejus per latitudinem metiatur, ut si xv per xv ducas, facient ccxxv, qui sunt constrati pedes subjectæ formæ.

Omnis tetragonus normaliter constitulus, latitudinem longitudine multiplicante, arealem constituit planituditiem, et podismum sine dubio absolvit. Ponatur tetragonus pari numero consignatus, id est 8, quos per se, latitudinem per longitudinem multiplicans 64 efficiam, embadum videlicet subtus descripti tetragoni.

« On rencontre, sous le nom d'Héron le Jeune, trois Géodésies différentes entre elles : la première, traduite et publiée par Barocci; la seconde, succincte et brève, et dont je possède une copie manuscrite·, la troisième, tout à fait différente de la première et beaucoup plus diffuse que la seconde, dont Dasypodius a publié quelques passages en 1579 dans un volume in-8°. Montfaucon a extrait de la même rédaction un fragment sur les unités[39] de mesure, qu'il a inséré dans ses Analecta græca (in-4°, 1688); et, avant ces deux savants, Georges Valla en avait traduit les opérations pratiques, dont est formé presque entièrement son quatorzième livre De expetendis et fugiendis rebus. La première de ces Géodésies ne contient pas notre problème; mais il se trouve dans les deux autres, quoique sans démonstration, suivant l'usage de leur auteur. On peut le lire dans la traduction de Valla, avec les mêmes nombres 13, 14, 15, que nous avons vus donnés comme exemple par Héron l'Ancien, dont le Jeune avait entre les mains l'ouvrage Sur la dioptre.

« La solution de ce même problème est également donnée, sans aucune démonstration, dans la Géométrie grecque inédite de Jean Pediasimus, écrite dans le goût de celle d'Héron le Jeune.

« L'Académie de Bâle possède un manuscrit ancien dans lequel on lit, traduit de quelque langue orientale dans un latin barbare, un traité intitulé : Liber trium fratrum de geometria. Il commence ainsi : Verba filiorum Moysi filii Sehiæ, id est Mahumeti, Hameli et Hason. Les trois livres reproduisent quelques démonstrations empruntées à Archiménide et à Mileus (sic, au lieu d’Archimède et Ménélas) sur la mesure du ceicle, de la sphère et du cône, sur les moyennes proportionnelles, sur la trisection de l'angle : « Et possuimus præter id modum convenientem quo scitur embadum omnis trianguli; et isto modo quamvis jam usi sunt multi homines et sciverint ipsum, tamen ipsi omnes usi sunt eo, aut plures eorum, secundum modum crediditatis, præterquam quod sciverint demonstrationem super ejus veritate. » La démonstration qu'ils donnent de la méthode d'Héron s'accorde, pour la figure et le sens, avec celle de Luc Pacioli.

« Mais la démonstration de Pacioli est traduite presque littéralement de la Géométrie de Léonard de Pise, que j'ai vue en manuscrit chez le célèbre professeur Guglielmini, mon collègue, el que j'ai copiée, en 1797, dans le manuscrit n° 7223 de la Bibliothèque de Paris. Il est notoire que Léonard de Pise avait pris chez les Orientaux ses connaissances mathématiques.

« Ramus, à la fin de ses Scholœ mathematicæ, attribue la même démonstration de Pacioli, copiée par Tartaglia, à Jordan Nemorarius. J'ai lu de celui-ci l'ouvrage manuscrit De triangulis, et je n'y ai trouvé aucun indice du problème d'Héron·, cependant il est très possible que Jordan en ait parlé dans un autre de ses écrits; en effet, j'ai vu qu'il copie dans le livre déjà cité des trois frères la solution du problème des deux moyennes.

« La démonstration d'Héron l'Ancien, que j'ai rapportée, non seulement est plus facile que celle des trois frères, reproduite ensuite par Pacioli et par les géomètres du xvie et du xviie siècle: mais encore elle ne le cède, ni pour l'élégance ni pour la simplicité, à aucune autre plus récente, sans en excepter même celles d'Euler (Novi comment. Petropol. ann. 1717) et de Boscovich (Oper. t. V, opusc. 14)- » — VR.

Pour compléter cette note relative à la mesure de l'aire du triangle en fonction des trois côtés, je ne puis rien faire de mieux que de renvoyer le lecteur au savant ouvrage de M. Chasles, intitulé, Aperçu historique sur l'origine et le développement des méthodes en géométrie; on y trouvera, note vii, p. 431 et suivantes, l'historique complet de la curieuse proposition qui fait l'objet de ce paragraphe, non seulement chez les Grecs, mais chez les Indiens, les Arabes, les Latins, et les Occidentaux au moyen âge.

Voyez aussi, tome V des Nouvelles annales de mathématiques rédigées par MM. Terquem et Gerono, p. 557, la traduction de la partie géométrique de l'Algèbre de Abou Abdallah Mohammed ben Moussa (al Khowarezmi), avec une introduction et des notes par M. Aristide Marre. Voici comment le savant traducteur résume, dans sa note 24, les observations de M. Chasles : « Les nombres 13, 14, 15, sont très remarquables en ce qu'ils sont ceux choisis à plusieurs siècles d'intervalle, non seulement par les Hindous, mais aussi par Héron d'Alexandrie, Héron le Jeune, les trois fils de Moussa ben Shaker, Léonard de Pise, Jordan, Lucas de Burgo, Georges Valla, Tartalea, etc. L'usage général de ces trois nombres semblait dire qu'ils avaient une origine commune ; mais M. Chasles, en y réfléchissant davantage, ne tarda pas à reconnaître que ces nombres n'offraient probablement pas les secours historiques qu'il avait espérés d'abord. En effet, on aura cherché naturellement, pour les trois côtés du triangle à proposer en exemple, trois nombres pour lesquels l'aire de ce triangle, et conséquemment la hauteur, fussent exprimées en nombres rationnels. Cette question se réduit à construire deux triangles rectangles en nombres rationnels, ayant un côté commun. Maintenant, parmi tous les systèmes de deux triangles rectangles exprimés en nombres rationnels entiers, et ayant un côté commun, on aura pris celui où ces nombres sont les plus petits : ci ce sont ceux qui ont pour côtés, le premier 5, 12, 13, et le second 9, 12, 15. Plaçant ces deux triangles de manière que leurs deux côtés égaux se confondent, et que les autres côtés des angles droits soient dans le prolongement l'un de l'autre, on forme le triangle acutangle qui a sa base égale à 14, et ses deux autres côtés égaux à 13 et à 15. C'est ainsi que différents géomètres, chacun de son côté, auront pu être conduits au triangle exprimé par les nombres 13, 14, 15. »

M. Chasles ajoute avec raison que l'on peut, avec les deux mêmes triangles rectangles, en former un autre encore plus simple. Pour cela, il faut superposer les côtés 9 et 5; il en résulte le triangle qui a pour base 4, et pour côtés 13 et 15, Sa hauteur est 12 comme pour le premier; mais il est obtusangle.

Quant à ce que dit Venturi de la distinction des divers auteurs du nom d'Héron, ainsi que de leurs ouvrages, je m'en réfère à mon Introduction.

 

§ XXXI.[40]

Une source étant donnée, évaluer son produit, c'est-à-dire la quantité d'eau qu'elle fournil.

Il faut d'abord savoir que la quantité de l'écoulement n'est pas toujours la même. En effet, dans les temps de pluie, il augmente, à cause de la surabondance de l'eau qui vient des montagnes et jaillit avec une plus grande force; il diminue, au contraire, dans les temps de sécheresse, parce qu'il n'arrive plus d'eau pour l'alimenter. Cependant, les fontaines qui sont dans de bonnes conditions sont peu susceptibles de diminuer dans leur produit. Il faut donc, après avoir circonscrit entièrement l'eau de la source de manière qu'elle ne puisse fuir d'aucun côté, fabriquer une conduite en plomb de forme quadrangulaire, en ayant soin de lui donner un volume beaucoup plus grand que celui du courant; puis l'adapter à la fontaine, de telle façon que l'eau de celle-ci soit forcée d'y entrer tout entière. Pour cela, il est nécessaire de la placer au-dessous de la source même, afin qu'elle reçoive toute la veine liquide; et la dioptre nous fournit, pour cela, le moyen de déterminer un point convenable. Prenons donc, à l'extrémité de la conduite, l'eau qui s'y engage; supposons qu'elle s'y élève à une hauteur de deux doigts, et que la largeur de l'embouchure soit de six. Multiplions 6 par 2, cela fait 12 : nous voyons ainsi que la section de la veine est de 12 doigts. Observons, toutefois, qu'il ne suffit pas, pour connaître la quantité d'eau fournie par la fontaine, de déterminer la section de la veine que nous disons être de douze doigts; il faut avoir en outre sa vitesse:[41] car, plus l'écoulement est rapide, plus la fontaine fournira d'eau; et, plus il est lent, moins il y aura de produit. Pour ce motif, après avoir creusé un réservoir sous le courant, il faut examiner, au moyen d'un cadran solaire, combien il y entre d'eau en une heure, et de là déduire la quantité d'eau fournie en un jour; alors on n'a pas besoin de mesurer la section de la veine : la mesure seule du temps suffît pour rendre évident le produit de la source.

Ce paragraphe, qui ne contient aucune démonstration géométrique, Héron le Jeune l'a copié en entier, avec le suivant, dans sa Géodésie. Il ne cache pas l'auteur dont il l'a extrait, puisque, d'après la traduction de Barocci, il commence ainsi : « Cognoscemus autem fontis quoque defluxum secundum Heronem quantuscumque sit. Verum scire quidem oportet quod non semper eadem scaturigo permanet, etc... tout à fait à la lettre, nouvelle preuve que cet opuscule appartient bien à Héron le Mécanicien. » —VR. Je répète ici encore une fois que l'ouvrage traduit par Barocci n'a pas d'autre origine que celui-ci, et qu'il est rédigé par un copiste d'Héron d'Alexandrie, dont on lui a appliqué le nom comme aux autres opuscules; on en verra la preuve ci-après. — H.V.

 

§ XXXII.[42]

Puisque nous avons exposé les avantages des indications que fournit, sur la surface de la terre, l'usage de la dioptre construite par nous, et que, d'ailleurs, l'utilité de cet instrument s'étend à beaucoup d'observations célestes, comme lorsqu'il s'agit de Déterminer les distances mutuelles des étoiles fixes ou des planètes, nous allons, en conséquence, expliquer la manière de se servir de la dioptre pour prendre de telles distances.

A quelque distance du bord du plateau de la dioptre, nous tracerons un cercle concentrique à ce plateau; et nous marquerons une division en 360 degrés, que devra parcourir la pointe d'un index fixé sur la règle. Lors donc que nous voudrons chercher combien de degrés comprend la distance de deux étoiles, soit errantes ou fixes toutes les deux, soit l'une errante et l'autre fixe, nous commencerons par enlever de dessus le plateau la règle qui servait à viser; puis nous inclinerons Je plateau de manière que, sur son plan prolongé, on voie en même temps les deux étoiles en question. Alors, ayant replacé la règle comme à l'ordinaire et maintenant tout le reste fixe, faisons-la tourner de manière à voir, sur son prolongement, une des deux étoiles; puis, après avoir remarqué sur quel degré tombe l'index, faisons derechef tourner la règle, jusqu'à ce que l'on aperçoive, sur son prolongement, la seconde des deux étoiles, en remarquant également le degré sur lequel tombe maintenant le même index; de cette manière, nous connaîtrons le nombre de degrés que comprennent entre eux les deux points désignés : et nous dirons que tel est le nombre de degrés qui sépare les deux astres.

 

§ XXXIII.

 

Certaines personnes faisant usage, pour quelques opérations qui sont entièrement du ressort de la dioptre, de ce qu'on appelle l'astérisque ou l’étoile, nous croyons convenable d'indiquer à ceux qui apprennent à se servir de cet appareil, les particularités qui se présentent dans son emploi, de crainte que, par ignorance, ils ne se trouvent induits en erreur sans s'en apercevoir. Je pense donc que ceux qui en font usage ont éprouvé les graves inconvénients qui résultent de ce que les fils d'où pendent les poids, au lieu de se fixer promptement, continuent, au contraire, à se remuer pendant un certain temps, surtout si le vent souffle un peu fort. C est pour cela que quelques personnes, voulant remédier à cet inconvénient, essayent d'y adapter des tubes de bois dans lesquels elles introduisent les poids, afin de mettre ceux-ci à l'abri du vent. Mais, quand ces poids viennent à frotter contre les parois des tubes, les fils ne restent plus exactement perpendiculaires à l'horizon. Ensuite, lors même qu'on est parvenu à mettre les fils en repos et perpendiculaires à l'horizon, les plans conduits suivant ces fils ne sont pas toujours pour cela perpendiculaires entre eux; et, quand ils ne le sont pas, il s'ensuit qu'on ne peut plus être sûr du résultat de son opération, comme nous allons le démontrer.

Soient donc dans un plan les deux droites AB, GD, qui ne se coupent pas à angle droit, mais qui fassent entre elles l'angle obtus ÆD. Du point Ε élevons la perpendiculaire EZ sur le plan des deux droites AB, GD : elle est aussi perpendiculaire aux deux droites Æ, EG; et l'angle ÆG est l'inclinaison du plan ÆZ sur le plan GEZ. D'où il suit que lesdits plans, formant ensemble un angle aigu, ne sont pas perpendiculaires entre eux. Prenons les deux droites égales EA, ED, et joignons AD; puis menons à celle-ci la perpendiculaire EH : nous aurons aussi AH = HD, et chacune de ces droites sera plus grande que EH. On peut donc, du point H, tirer une droite HZ = AH. Faisons passer par Ζ les lignes AZL, DZK, et prenons ZL = ZA, ZK = ZD. Par les points A, D, K, L, conduisons les quatre lignes AM, DN, KX, LO, parallèles à EZ. Puisque EZ est perpendiculaire au plan mené suivant AB, GD, et que les trois droites AH, HZ, HD, sont égales, AL et DK sont perpendiculaires entre elles. Si donc nous supposons que les verges de l'étoile soient AL, DK, que le plan conduit suivant les lignes AB, GD, soit horizontal, et que les fils soient suspendus aux points A, L, D, K; alors ces fils se confondront avec les droites AM, DN, KX, LO. Or les plans conduits suivant ces fils ne sont pas perpendiculaires entre eux, puisqu'il demeure démontré (ce qui est la même chose) que le plan des droites AM, LO, est incliné sur le plan des droites DN, KX, sous l'angle aigu ÆG.

« Cette élégante démonstration montre ici clairement, à mon avis, la forme non bien comprise encore de la groma des Romains, usitée dans la mesure des champs. Saumaise avait bien deviné que c'était une espèce d'équerre, en en faisant venir le nom, sur l'autorité de Festus[43] et des glossaires, du mot grec γνωμών ; mais ensuite il se trompe étrangement en la confondant avec le chorobate de Vitruve. La groma était précisément l’étoile critiquée ci-dessus par Héron, aux quatre branches ou cornes de laquelle pendaient quatre fds portant chacun un poids. L'arpenteur embrassait de l'œil deux des fils opposés, c'est-à-dire dirigeait par ces fils un rayon visuel; et c'est ainsi qu'il dictait les rigores et les metœ sur le terrain; puis il plaçait les interversurœ el les tetrantes en visant dans le plan des deux autres fils. Les glossaires anciens entendent par groma la dioptre qui sert à mesurer. Les arpenteurs romains nomment, sans les distinguer, la groma et le ferramentum ; mais il semble que, dans un sens plus précis, le ferramentum était le support de l'appareil, que l'on plantait sur le sol, et sur lequel était tenue en équilibre (perpensa) la groma avec ses fils pendants et servant pour les mires, toutefois, le ferramentum était pris souvent pour l'appareil tout entier.

« Voici les preuves de ceci : elles serviront, en outre, à déchiffrer quelques passages très obscurs des écrivains De re agraria. L'anonyme [lisez Frontin]. à la page 32 (édit. de Lachmann), veut que, si une ligne d'arpentage est très longue, elle soit faite à plusieurs reprises, en sorte que l'opérateur, après l'avoir commencée dans une première pose de l'équerre, doit « ferramento primo uti, et omnia momento perpenso dirigere oculo ex omnibus corniculis; extenso, ponderibus et inter se comparata fila seu nervias ita perspicere, donec proximam, consumpto alterius [celui de la pose précédente] visu, solam intucatur, tunc dictare metas, et easdem transposito interim extrema meta ferramento reprehendere eodem momento quo tenebatur, et cœptum rigorem ad interversuram aut ad finem perducere. Omnibus autem interversuris tetrantis locum perpendiculus ostendat. » Et [M. Junius Nipsus] à la page 288 : « Perpenso ferramento... comprehendes[44] signa quæ posuisti in limitem; aliisque corniculis tenebis alium limitem.» Suivant Hygin, l'un des écrivains sur l’art militaire,[45] le point central des camps se nomme groma: « In dictatione melarum, dit-il, posito in eodem loco ferramento groma superponatur, ut porta; castrorum in conspectu rigoris stellam efficiant. » Columelle nomme stella deux règles croisées en forme d'X (IV, xiii), et il appelle de même, dans le treillage de la vigne, la croix formée par la perche horizontale avec les pieux verticaux qui la traversent (IV, xvii, xxvii). Les copistes et les critiques anciens marquaient certains mots d'un astérisque, qui n'était autre chose qu'une petite croix avec quatre points dans les angles.

« Le support d'une pareille machine, étant planté sur le sol, devait porter à son sommet un bec ou un éperon, s'avançant en travers, à l'extrémité duquel était suspendue la groma; autrement, si le support avait été placé au-dessous comme une petite colonne, au centre de la groma, il aurait empêché de viser par les deux fils opposés. Aussi, à l'endroit déjà cité (page 287), lit-on : « Figes ferramentum ad lapidem [ita ne in rigore limitis figas[46]]. Fixo ferramento convertes umbilicum soli supra punctum lapidis, et sic perpendis ferramentum. » Ce qui veut dire : « Vous planterez le pied de l'instrument sur le sol près de la pierre de limite, [en sorte qu'il ne soit pas dans l'alignement], ensuite vous en dirigerez le bec de manière à ce qu'il vienne se placer perpendiculairement au-dessus du centre de la « pierre; et alors vous en mettrez l'étoile en équilibre. » — VR.

Il y aurait beaucoup à dire pour compléter ou rectifier ce que Venturi dit ici de la groma des Agrimensores romains, ainsi que de leurs procédés d'arpentage. Mais je suis heureusement dispensé de prendre cette peine par les deux articles décisifs dont MM. Hase et Biot viennent d'enrichir le Journal des Savants (mars et avril 1849), en y rendant compte de la dernière édition des Gromatici veteres récemment donnée par M. C. Lachmann (Berlin. 1848). Voici notamment l'opinion de M. Biot sur la nature et la forme de la groma. « Ce mot, dit le savant critique (l. c. p. 245), me paraît désigner spécialement la croix rectangle formée par les deux lignes de visée du ferramentum. Il est souvent employé comme synonyme de cet instrument, dont cette croix formait en effet la pièce principale. L'assimilation pourrait avoir été très intime; car le manque de descriptions précises ne nous permet pas d'affirmer que le ferramentum eût un plan de vision plein et continu, comme nos instruments géodésiques actuels. Il serait possible qu'il se composât simplement d'un cadre carré en fer, dont les branches diagonales, ou les lignes médianes, portant à leurs extrémités des chevilles,[47] ou pinnules proéminentes, auraient constitué la groma. Toutes les opérations décrites dans les textes seraient également exécutables dans cette supposition….. Toutefois, rien, jusqu'ici, ne me paraît pouvoir absolument décider s'il faut la rejeter ou l'admettre. Même, pour les opérations les plus ordinaires, le pied de l'instrument, comme celui des équerres d'arpenteur, aurait pu n'être qu'un simple bâton lierre, s'ajustant normalement par sa tête dans le trou central du ferramentam, et pouvant être rendu vertical par le fil à plomb. Alors le cadre en fer aurait dû être fort réduit. »

« Puisque, dit ailleurs M. Biot (ibid. p. 241 ), le ferramentum donnait immédiatement la deuxième branche d'un angle droit horizontal, quand la première était tracée sur le terrain, il fallait qu'il eût un plan de vision, continu ou discontinu, carré ou circulaire, portant sur sa surface au moins deux droites, ou lignes de visée, tracées rectangulairement autour de son centre, comme dans les équerres, ou équarres de nos anciens arpenteurs. » Comme on le voit, relativement à la partie principale de l'instrument, à la groma proprement dite, M, Biot hésite entre trois formes, la forme circulaire, la forme carrée avec des pinnules proéminentes aux extrémités des diagonales, et la même forme carrée avec les pinnules aux extrémités des lignes médianes. On ne voit, au premier abord, aucune raison pour s'arrêter de préférence à l'une ou à l'autre de ces trois formes; et M. Biot, voulant en faciliter l'intelligence par une figure, ne pouvait mieux faire que de choisir la troisième, parce que, celle-là bien comprise, les autres n'offrent plus aucune difficulté. Quant à moi pourtant, une considération me semble concluante en faveur de la forme circulaire : c'est qu'au commencement du traité d'Hygin De limitibus constituendis, à l'endroit même où il explique la manière de fixer, au moyen de la groma, les deux grandes lignes d'orientation, c'est-à-dire le cardo maximus et le decamanus maximus, les manuscrits présentent plusieurs variétés d'une ligure qui, en définitive, revient toujours à la représentation d'un cercle matériel avec deux diamètres perpendiculaires entre eux. Or, à moins de représenter la groma elle-même, cette figure n'aurait rien à faire ici (voyez Lachmann, fig. 134 et 137).

J'ajouterai une remarque qui me paraît digne de quelque intérêt, c'est que le signe hiéroglyphique employé par les Egyptiens pour représenter la région (figure qu'il ne faut pas confondre avec celle qui représente les pains consacrés), a, on peut le dire, la plus grande analogie avec cette figure de la groma. Cette figure rappelle, d'ailleurs, le passage où Proclus (in Tim. p. 216) rapporte que, suivant

                                                        

Porphyre, la lettre X entourée d'un cercle représentait l'âme du monde chez les Egyptiens. On sait encore que les auteurs anciens s'accordent généralement (cf. Proclus In Eucl. p. 19) à attribuer aux Egyptiens l'invention de la géométrie. Quant à Hygin, c'est aux Etrusques qu'il fait honneur (Lachmann, p. 166) de l'emploi du cardo maximus secundum solis decursum; or, si l'origine de ce dernier peuple n'est pas encore parfaitement éclaircie, on s'accorde, du moins, à le faire venir de l'Orient. — H.V.

 

§ XXXIV.

Il nous semble que la pratique de la dioptre a pour complément nécessaire le problème qui consiste à Mesurer des distances sur la surface de la terre, au moyen de l'appareil que l'on nomme odomètre. Muni de cet instrument, au lieu d'être obligé d'arpenter lentement et péniblement avec la chaîne ou le cordeau, on peut, voyageant en voiture, connaître les distances parcourues, d'après le nombre des tours exécutés par les roues. D'autres, il est vrai, ont exposé avant nous quelques méthodes pour arriver au même but; mais chacun pourra décider entre l'instrument décrit ici par nous-même et ceux de nos prédécesseurs.

Que l'on imagine un appareil en forme de boîte ou cassette, dans l'intérieur duquel sera contenue tout entière la machine que nous avons à décrire. Sur la base de cette cassette repose une roue de cuivre ABGD, portant, implantées près de son bord [et parallèlement à son axe], un certain nombre de palettes [huit par exemple]. Sur ce même fond s'ouvre une fente, dans laquelle une tige, fixée sur le moyeu d'une des roues de la voiture, s'engageant à chaque tour, pousse en avant l'une des palettes, qui se trouve remplacée par la suivante; et de même indéfiniment. D'où il résulte que, quand la roue de la voiture aura fait huit révolutions, la roue à palettes en aura fait une. Or, au centre de cette dernière, est plantée perpendiculairement, par une de ses extrémités, une vis qui, par son autre extrémité, est engagée dans une traverse fixée aux parois de la boîte. Cette vis s'applique contre une roue dentée dont les dents engrènent avec elle, et dont le plan est perpendiculaire à la base de la boîte. Cette roue dentée porte également un axe dont les extrémités pivotent contre les parois de la cassette; et une partie de cet axe présente des spires creusées à sa surface, de manière qu'il devient lui-même une vis. De même, contre cette nouvelle vis s'applique une roue dentée parallèle au fond de la cassette; sur cette roue est pareillement implanté un axe dont une extrémité pivote sur le fond, tandis que l'autre se rend dans la traverse fixée aux parois; et cet axe porte pareillement une vis qui engrène avec les dents d'une autre roue placée perpendiculairement au fond. Et cela se continuera tant que nous voudrons, ou tant qu'il y aura de la place dans la boîte : car, plus les roues et les vis seront nombreuses, plus longue sera la route que l'on pourra mesurer.

Une expression, que nous regardons comme une leçon fautive, avait fait croire à Venturi qu'il manquait quelque chose dans ce qui précède, d'autant plus que les mois semblaient indiquer pour la figure une description beaucoup plus développée. En outre, Venturi annonce ici avoir suppléé une ou plusieurs lignes; et cependant, on ne voit pas du tout, dans la traduction, qu'il ait rien ajouté au texte grec. Quoi qu'il en soit, je ne vois aucune raison de supposer l'existence d'une lacune considérable dans le texte. Quant à la figure, elle était facile à rétablir d'après les manuscrits ; et il est étonnant que Venturi ne l'ait pas tenté. On voit qu'à partir de la roue de rencontre ou roue à palettes, dont l'axe est vertical, les axes des diverses roues successives sont alternativement parallèles et perpendiculaires aux mêmes faces latérales de la boîte. — H.V.

En effet, chaque vis, en faisant un tour, fait mouvoir une dent de la roue contre laquelle elle s'applique; de telle sorte que la vis qui fait corps avec la roue à palettes, en tournant une fois, indique huit révolutions de la roue de la voiture, tandis qu'elle ne fait mouvoir qu'une seule dent de la roue sur laquelle elle agit. Si donc cette dernière a, par exemple, 30 dents, lorsqu'elle aura fait un tour complet par l'impulsion de la vis, elle indiquera 40 tours de la roue de la voiture. De même, la susdite roue dentée, en faisant une révolution, fera faire un tour à la vis implantée sur son plan, et une seule des dents de la roue suivante sera poussée en avant. Par conséquent, si cette nouvelle roue a encore 30 dents (c'est un nombre raisonnable, et il pourrait être bien plus grand), en faisant une révolution, elle indiquera 7.200 tours de la roue de la voiture. Supposons à cette dernière 10 coudées de circonférence, ce sera 72.000 coudées, c'est-à-dire 180 stades. Ceci s'applique à la seconde roue dentée; s'il y en a d'autres, et si le nombre des dents augmente aussi, la longueur du voyage qu'il sera possible d'évaluer augmentera proportionnellement. Mais il convient de se servir d'un appareil construit de telle manière que le chemin qu'il pourra indiquer ne dépasse pas de beaucoup celui que l'on peut faire en un jour avec la voiture, parce qu'on peut tous les jours, après avoir mesuré la route de la journée, recommencer de nouveau pour la route suivante.

Ce n'est pas tout : comme un tour de chaque vis ne correspond pas, avec une exactitude et une précision mathématiques, à l'échappement d'une dent, nous ferons, dans une expérience expresse, tourner la première vis, jusqu'à ce que la roue qui engrène avec elle ait accompli un tour, et nous compterons le nombre de fois que la vis aura tourné. Supposons, par exemple, qu'elle ait tourné 20 fois pendant que la roue adjacente a fait une seule révolution; cette roue avait 3o dents : donc 20 tours de la roue à palettes correspondent à 30 dents de la roue dentée conduite par la vis. D'un autre côté, les 20 tours font échapper 160 palettes, ce qui fait un pareil nombre de tours de la roue de la voiture, c'est-à-dire 1.600 coudées; par conséquent, une seule dent de la roue dentée précédente indique 53 1/3 coudées. Ainsi, par exemple, lorsque, en partant de l'origine du mouvement, la roue dentée aura tourné de 15 dents, cela indiquera 800 coudées, c'est-à-dire deux stades. Nous écrirons donc sur cette même roue dentée : coud. 53 1/3. Faisant un calcul semblable pour les autres roues dentées, nous écrirons sur chacune d'elles le nombre qui lui correspondit, de cette manière, lorsque nous saurons de combien de dents chacune d'elles aura avancé, nous connaîtrons par là même le chemin que nous aurons parcouru.

Maintenant, afin de pouvoir déterminer le chemin parcouru sans avoir besoin d'ouvrir la cassette pourvoir les dents de chaque roue, nous montrerons comment, par le moyen de quelques index placés sur les faces extérieures, on peut évaluer la longueur de la route. Admettons que les roues dentées dont on a parlé soient disposées de manière à ne pas toucher les parois de la boîte, mais que leurs axes sortent en dehors, les saillies étant équarries de manière à recevoir des index percés de trous également carrés. De cette façon, la roue, en tournant, fera tourner avec son axe l'index, dont la pointe décrira, sur la face extérieure de cette paroi, un cercle que nous diviserons en un nombre de parties égal à celui des dents de roue intérieure. L'index doit avoir une longueur suffisante pour décrire une circonférence plus grande que la roue, de façon que cette circonférence soit divisée en parties plus grandes que l'intervalle qui sépare les dents. Ce cercle doit porter le nombre déjà marqué sur la roue intérieure. Par ce moyen, nous verrons sur la surface extérieure de la cassette la longueur de la route parcourue. S'il était impossible d'empêcher le frottement des roues contre les parois de la cassette, soit parce qu'elles s'embarrassent entre elles, soit à cause des vis adjacentes, soit pour toute autre raison, il faudrait alors les limer d'une quantité suffisante pour que l'appareil ne fût plus gêné en aucune façon.

De plus, comme les roues dentées sont, les unes perpendiculaires, les autres parallèles au fond de la boîte, de même les cercles décrits par les index seront, les uns sur les parois latérales de la cassette, les autres sur la partie supérieure. En conséquence, il faudra faire en sorte qu'une des parois latérales qui ne portent pas de cercle serve de couvercle, ou, en d'autres termes, il faudra que la boîte se ferme latéralement.

« J'aurais volontiers abrégé la description de cette machine, que les artistes modernes construisent d'après les principes d'Héron, mais d'une manière plus commode pour l'usage. Vitruve (au livre X, ch. xiv) décrit, pour le même but, un instrument qu'il dit avoir emprunté aux anciens, et qui est peut-être un de ceux dont parle Héron au commencement de sa description, en donnant la préférence au sien. Effectivement, celui de Vitruve présente bien un certain air d'élégance; mais il indique seulement les milles grosso modo, sans marquer les coudées séparément, comme le fait l’odomètre de notre auteur.

« A la fin du manuscrit se trouve un fragment sur la manière de mesurer la route parcourue sur l'eau par un navire. J'ai cru devoir le placer ici, à cause de son analogie avec la question précédente. » — VR.

 

§ XXXV.

Soit une vis AB tournant dans ses supports. Supposons que son filet mène une roue D de 81 dents, à laquelle sera fixé un pignon Ε de 9 dents. Supposons ensuite que ce pignon engrène avec une autre roue Ζ de 100 dents, et qu'à celle-ci soit fixé un pignon H de 18 dents; puis, que ce pignon engrène avec une troisième roue C de 72 dents, laquelle portera également un pignon Κ de 18 dents; puis encore, que ce pignon engrène avec une roue L de 100 dents, et ainsi de suite; de sorte qu'enfin la dernière roue porte un index disposé de manière à indiquer le nombre des stades parcourus.

D'un autre côté, construisons une roue ailée M, dont le périmètre, en dedans des ailes, soit de 5 pas romains; supposons-la parfaitement circulaire, et adaptée au flanc d'un navire, de manière à avoir, sur la surface de l'eau, une vitesse égale à celle du bâtiment. Supposons, en outre, les choses disposées de telle façon, qu'à chaque tour de la roue M il avance, s'il est possible, une dent de D. Il est clair qu'alors, à chaque distance de 100 milles parcourus par le vaisseau, la roue L fera une révolution. De sorte que, si un cercle concentrique a la roue L est divisé en cent parties, l'index fixé à L, en tournant sur ce cercle, marquera, par le nombre des degrés, le nombre des milles parcourus.

Ici je suis obligé de me séparer entièrement de Venturi, qui n'a pas du tout compris les détails numériques de ce passage. Il a pris les noms, Δ et M de deux roues, pour les nombres de leurs dents; et cette erreur l'a empêché de retrouver les autres nombres, qui manquent dans le manuscrit. A proprement parler, il ne manque qu'un nombre, c'est celui de la circonférence de la roue à palettes; car les nombres de dents de la roue Δ et de son pignon se trouvent sur un débris de figure que contient encore le manuscrit. Cette figure, j'en conviens, ne saurait être celle d'Héron, car, 1° les roues et leurs pignons s'y trouvent à la suite les uns des autres comme s'ils jouaient tous le même rôle; 2° la roue à palettes occupe le dernier rang au lieu d'être au premier, etc. etc. On ne peut donc voir, dans la figure en question, qu'un essai de restitution fait, à une époque relativement moderne, par un copiste inintelligent. Mais ce que la figure ne donne pas n'empêche nullement de faire usage de ce qu'elle donne. C'est donc pour me conformer, autant que possible, aux données de cette figure, que j'ai rétabli les nombres 81[48] et 9 avec leurs attributions; et d'un autre côté, j'ai substitué le nombre ρ = 100 au nombre ζ = 7, comme semble le demander la suite du texte. Plusieurs autres corrections, également indispensables pour échapper à quelques contradictions, étant de même effectuées, la circonférence de la roue à palettes se trouve déterminée complètement. Ce nombre doit être exprimé en pas romains comme l'indique le mot πάσων, transcription du mot latin passuum, de même que le mot μίλια (au lieu de κίλια), employé à l'évaluation de la route parcourue, est celle du mot millia.

Cela posé, soient, pour généraliser, R, R', R", . . . les nombres respectifs de dents des roues désignées par D, Ζ, C,. . . ; soient r, r', r",. . . ceux des dents de leurs pignons désignés par E, H, K,. . . Il résultera de ces notations, que l'échappement de chaque dent de la roue L correspondra à lui nombre de tours de la roue M, marqué par le rapport (R R' R" . . .) / ( r r' r". . .), et, par conséquent, en nommant P le périmètre de cette dernière, évalué en pas à un nombre de milles parcourus par le navire, exprimé par (R R' R" . . .P) / ( r r' r". . .1000). Si donc on veut que cet échappement d'une dent de la roue L corresponde précisément à un mille, on aura (R R' R" . . .) / ( r r' r". . .) P = 1000; de sorte que, si le cercle concentrique à la roue L est divisé en autant de degrés que cette dernière a de dents, par exemple 100, le nombre des degrés décrits par l'index marquera le nombre des milles parcourus.

Maintenant, venant à notre exemple particulier, nous avons n = 100, r =9, r' = 18, r"= 18, R=81, R'= 100, R"=72, d'où P = 5.

La valeur de ce nombre me semble donner à mes restitutions un certain degré de vraisemblance, et voici comment. Vitruve, qui présente le problème à sa manière (X, ix), donne à sa roue 4 pieds de diamètre. Or, si l'on multiplie 4 par 2/5 pour avoir ce diamètre exprimé en pas, à raison de 5 pieds pour 2 pas, conformément au tableau de réduction que j'ai donné à la suite du § v, puis par 25/8, valeur suffisamment approchée[49] du rapport de la circonférence au diamètre, on retrouve les 5 pas (4 x 2/5 x 25/8) = 5).

Il serait possible, toutefois, que la découverte de quelque nouveau manuscrit modifiât les résultats précédents; mais je me crois autorisé à affirmer que, eu égard aux circonstances signalées ci-dessus, ces résultats, considérés du moins comme approximatifs, présentent le plus haut degré de vraisemblance et de probabilité possible.[50]

Je terminerai en observant que, si ce passage appartient à Héron, il est toutefois étranger au Traité de la Dioptre : car autrement il devrait, dans le manuscrit comme ici, se trouver à la suite du § xxxiv, au lieu d'être rejeté à la fin de l'ouvrage et à la suite du § xxxvii, qui n'est lui-même qu'une addition. Mais ce n'est pas tout : ce § xxxv est évidemment composé de deux morceaux d'origine différente ; et il se pourrait encore que la première partie appartînt à Héron et non la seconde. Cela est facile à reconnaître, puisque la première partie prend le stade pour unité, tandis que la seconde est calculée en milles; et, en effet, si je n'avais pas corrigé κίλια (sic) en μίλια, il m'eût été impossible d'expliquer le mot πάσων qui, placé comme il l'est en cet endroit, ne peut être que le mot latin passuum hellénisé. L'application finale paraît donc bien être d'une autre main que le théorème; et elle semble déceler un compilateur gréco-romain. — H.V.

 

§ XXXVI

Ainsi donc, quelle que soit la longueur d'un chemin à parcourir, on peut déterminer cette longueur, soit avec la dioptre que nous avons construite, soit avec l'odomètre dont on a parlé ci-dessus. Mais il serait bien utile de pouvoir aussi Mesurer la distance qui sépare deux pays situés dans des climats différents, et entre lesquels se trouvent des îles, des mers, et, en général, des lieux inaccessibles: il est donc nécessaire d'ajouter ici, pour remplir cet objet, une méthode qui complète tout à fait la théorie que nous avons exposée. Par exemple, soit proposé de mesurer la distance d'Alexandrie à Rome, prise en droite ligne sur la surface de la terre, c'est-à-dire plus exactement, en suivant la circonférence d'un de ses grands cercles, une chose étant d'abord convenue, savoir, que le contour de la terre est de 252.000 stades, comme Eratosthène, l'auteur le plus exact de beaucoup parmi tous ceux qui ont traité ce sujet, le démontre dans le livre qu'il a écrit Sur la mesure de la terre.

Que l'on observe à Alexandrie et à Rome la même éclipse de lune. (Si une pareille observation se trouve mentionnée dans les registres, nous nous en servirons; dans le cas contraire, il nous sera possible de la faire nous-même, puisque les éclipses de lune arrivent par intervalles de cinq et de six mois [environ].) Supposons donc que l'on ait constaté l'existence d'une telle éclipse, la même, aux lieux susdits, mais a cinq heures de nuit pour Alexandrie, et, pour Rome, à trois heures de la même nuit. Soit, de plus, la distance de cette nuit (c'est-à-dire la distance du cercle diurne sur lequel se trouve le soleil pendant cette nuit) à l'équinoxe, du côté du tropique d'hiver, de dix jours. Représentons l'hémisphère concave, traversant les tropiques,[51] qui correspond au climat d'Alexandrie, si nous sommes à Alexandrie, et à celui de Rome, si nous sommes à Rome.

Supposons que nous soyons à Alexandrie. Considérons l'hémisphère concave, traversant les tropiques, qui correspond au climat d'Alexandrie; et soit ABGD (fig. 1re) le cercle qui horde l'hémisphère,[52] BEZHD le méridien qui le traverse, AHG l'équateur, Ε le pôle des parallèles, et Ζ le pôle du cercle qui borde l'hémisphère.[53] Maintenant, il faut assigner la position qu'occupe le soleil à 5 heures, sur le cercle que forme sa trajectoire ce jour-là, c'est-à-dire à ίο jours d'intervalle de l'équinoxe du printemps, du côté du tropique d'hiver. Soit GKL ce cercle; divisons l'arc CKL en douze parties dont cinq soient contenues dans CM; et alors, puisque l'éclipsé a été observée à Alexandrie à cinq heures, M sera le point correspondant à celui où était le soleil lors de l'apparition de l'éclipse.

Décrivons maintenant l'analemme de Rome, avec le cercle diurne correspondant à CKL. Soit NX le diamètre de l'horizon (fig. 2), OP le gnomon, RS le diamètre du cercle diurne, TU la ligne de séparation du jour d'avec la nuit[54] (ou l'intersection des deux cercles); et, de même que l'arc UFS correspond à six heures, de même prenons l'arc UF correspondant à trois heures, puisque c’est a cette heure que l’éclipse a été observée à Rome. Or, soit pris l'arc MQ (fig. i) semblable à UF (fig. 2), et le point Q (fig. 1) sera sur l'horizon de Rome. Soit VY (fig. 2) l'axe de l'analemme; prenons l'arc QJ (fig. 1) semblable à l'arc UFS (fig. 2) : le point J (fig. 1) sera sur le méridien de Rome; et, puisque Ε était le pôle des parallèles, par les deux points E, J, faisons passer un grand cercle EJ : ce sera le méridien de Rome. [A partir de son intersection A' avec l'équateur], prenons l'arc A'B' (fig. 1) semblable à XY (fig. 2), et plaçons-le sur A'J (fig. 1), de manière à former le quadrilatère HA'B'Z : B' sera le pôle de l'horizon de Rome, de même que Ζ était celui de l'horizon d'Alexandrie. Enfin, traçons l'arc de grand cercle qui doit joindre les points B' et Z; et, pour le mesurer en degrés, portons-le sur le grand cercle ABGD. Supposons qu'il se trouve être, par exemple, de 20 degrés : la distance, sur terre, de Rome à Alexandrie, sera donc de 20 degrés, dont le grand cercle contient 360. Or un degré terrestre vaut 700 stades, en supposant, comme nous l'avons déjà dit, que la circonférence entière en ait 252.000. Les 20 degrés correspondent donc à 14.000 stades; et telle est la longueur de la distance proposée.

Si le point A' dépasse [le bord de l'hémisphère ou le point G], d'un arc égal, par exemple à aG, il faudra de même ajouter [sur le prolongement de l'arc QL] un arc Lj pour atteindre le point j. Construisant comme précédemment le quadrilatère qui détermine jb, nous obtiendrons le point b; [retranchant alors l'arc Zb de 180°, nous aurons le nombre de degrés de la distance cherchée].

Le problème précédent, soit qu'on le considère dans son ensemble ou dans ses détails, est certainement le morceau le plus curieux de tout l'ouvrage. J'ai déjà eu l'occasion d'en parler dans l'Introduction ; et je ne reviendrai point ici sur les inductions qu'il m'a fournies relativement à l'époque de la rédaction du Traité de la Dioptre. Mais j'ai plusieurs observations de détail à ajoutera celles que j'ai faites en cet endroit.

Héron cite l'ouvrage d'Eratosthène sous ce titre : Εν ἐπιγρζαφομένῳ περὶ τῆς ἀναμετρήσεως τῆς γῆς. Macrobe dit : (In somn. Scip. I, xx) : in libris dimensionum, ce que Planude traduit ainsi : ἐν τοῖς περὶ διαμετρήσεως τῆς βιβλίοις. On trouve cependant, dans certains manuscrits de Macrobe, la leçon in libro. Il se présenterait donc ici une question, savoir, si Eratosthène a écrit plusieurs livres sur les mesures ou s'il n'en a écrit qu'un. Venturi adopte une opinion en quelque sorte intermédiaire; et il pense qu'Eratosthène, s'étant aussi occupé de la détermination des grandeurs et des distances des corps célestes, avait pu diviser son ouvrage en plusieurs livres, dont l'un traitait en particulier De la mesure de la terre (voyez à ce sujet Fabricius, éd. de Harles, tome IV, p. 121 et 124). Je ne m'arrêterai point à discuter la justesse de cette appréciation du traducteur italien ; mais je ne saurais laisser passer de même le sens qu'il paraît attacher aux mots ἐν ταῖς ἀναγραφείσαις. « Théon, poursuit-il à ce sujet, Théon, dans ses Commentaires sur Aratus, dit que, depuis Méton, les astronomes exposaient dans les villes, des Tables ou étaient décrits, pour les années à venir, les événements des saisons et du ciel, gli avvenimenti delle stagioni e del cielo : c'est ce que Géminus et Vitruve nommaient des parapegmes. » Or le mot ἀναγραφείσαις me paraît désigner uniquement les éclipses déjà observées et consignées dans les éphémérides, et non des éclipses prédites et calculées d'avance:[55] de là cette espèce de restriction, εἰ μὲν γὰρ εὑρίσκεται, s'il s'en rencontre une, qui suppose la même éclipse observée dans les deux lieux dont on veut connaître la distance; à défaut de quoi il faut prendre ses précautions d'avance en guettant, en quelque sorte, l'apparition de la première éclipse que l'on sait devoir arriver. A ce sujet, nous rencontrons ici une assertion singulière de notre auteur, qui annoncerait de sa part, si l'on devait prendre ses expressions à la lettre, une ignorance dont on ne peut raisonnablement pas le supposer coupable, c'est à savoir, que les éclipses de lune arrivent tous les cinq ou six mois : το τῆς σελήνης ἐκλείψεις διὰ πενταμήνων καὶ ἐξαμήνων γίνεσθαι

Or, selon toute vraisemblance, Héron a voulu dire simplement que l'on n'aurait communément pas à attendre plus de cinq ou six mois l'occasion de faire la double observation demandée. Il suffît d'un mot supprimé par quelque copiste, σύνεγγυς ou ἔγγιστα, pour avoir produit ce faux sens.[56]

Parlons maintenant de l'hémisphère creux (κοῖλον, au lieu de κοινόν qu'on lit dans le manuscrit) dont l'auteur se sert dans sa démonstration. Les mots διὰ τῶν τροπιχῶν me paraissent signifier que le cercle qui borde cet hémisphère, ὁ περὶ τὸ χεῖλος κύκλος, cercle qui représente l’horizon rationnel du lieu, et sur lequel se fait la projection, traverse les deux tropiques, ce qui exige que la situation de la sphère, pour le lieu d'observation, n'approche pas trop de celle de la sphère droite, ou, plus précisément, que le lieu proposé n'appartienne point aux régions polaires; car, dans ce cas, il n'y aurait plus d'heures temporaires, et la solution d'Héron se trouverait inapplicable : c'est ce qu'il paraît avoir voulu indiquer en insistant sur les expressions διὰ τῶν τροπιχῶν.

Cet hémisphère creux, dont l'intention n'a pas été comprise par Venturi, et qu'en effet il m'a été fort difficile de reconnaître dans la figure (encore plus obscure et plus altérée que le texte) qui devait le représenter, me paraît être, comme je l'ai dit dans l'Introduction, ce que les anciens astronomes nommaient scaphion ou scaphé, et dont nous trouvons l'usage expliqué dans Cléomède (I, x), dans Macrobe (In somn. Scip. I, xx), dans Martianus Capella (VI, i). Macrobe définit ainsi la scaphé : « Saxeum vas in hemisphærii speciem cavata ambitione curvatum, infra per lineas designato duodecim diei horarum numéro, quas stili prominentis umbra cum transitu solis prætereundo distinguit.[57] »

La définition de Martianus Capella ne diffère pas essentiellement de la précédente ; seulement, suivant cet auteur, le vase est en airain au lieu d'être en pierre, ce qui est sans importance : « Scaphia dicunturrotunda exære vasa, quæ horarum ductus stili in medio fundo sui proceritate discriminant, qui stilus gnomon appellatur.[58] »

Cet instrument avait été employé par Eratosthène à mesurer la circonférence de la terre, comme l'expliquent Cléomède et Martianus Capella; il servait aussi à rechercher la mesure du diamètre du soleil, comme l'indique Macrobe. Ici, comme on peut le voir, il s'agit encore d'un autre usage : il n'y est pas question du gnomon qui se projette au centre de la figure en un point que l'auteur appelle le pôle de l'hémisphère; mais on a tracé, dans la concavité de l'hémisphère, le méridien qui le partage en deux parties égales, l'équateur qui fait avec l'horizon un angle complémentaire de la latitude, et les cercles parallèles correspondant à chaque époque de l'année, ou du moins, les portions de ces cercles qui sont inférieures à l'horizon (il paraît même que les parties supérieures des mêmes cercles ν étaient aussi représentées en projection); enfin, on a marqué sur la surface concave de l'hémisphère, à une distance du bord égale à la latitude, le pôle de l'équateur et de ses parallèles.

Au moyen de ces constructions préliminaires, l'auteur détermine facilement la position du soleil sur le cercle qu'il parcourt le jour de l'éclipsé que l'on considère, et au moment même de l'apparition de cette éclipse. Il emploie à cet effet, comme nous l'avons dit dans l'Introduction, des heures temporaires, qu'il désigne par les sigles ηω ou ωη, c'est-à-dire ὧραι ἡμερήσιαι

La position du soleil, à l'heure de l'éclipsé, étant ainsi déterminée sur la scaphé construite pour la latitude du lieu où l'on est, c'est-à-dire pour Alexandrie, suivant l'hypothèse de l'auteur, on pourrait faire la même chose pour la latitude de Rome, dont on cherche la distance, en employant de même la scaphé préparée pour la latitude de Rome ; mais, pour cette seconde partie de la question, la construction est plus simple, et il suffit d'une projection plane faite sur le colure des solstices : c'est celle que Vitruve et Ptolémée décrivent sous le nom d’analemme.[59]

Là où je traduis faisons l'arc A'B' semblable à XY, Venturi a dit : faisons l'arc EB' semblable à OV; et il déclare ne pas comprendre le premier sens, ce qui tient à l'altération des lettres, que je me suis attaché à rectifier conformément à l'intention probable de l'auteur grec. Au surplus, il faut l'avouer, la solution de Venturi est plus simple; et elle se rapproche plus de la méthode moderne, qui ramène la question à la résolution d'un triangle dont on connaît deux côtés (les compléments des latitudes respectives) el l'angle compris (la différence des longitudes); mais je n'ai rien voulu changer à la solution d'Héron.

Quant au dernier passage, relatif au cas où les longitudes des deux lieux proposes diffèrent de plus de 90°, je n'oserais me flatter de l'avoir rétabli, sinon dans les termes mêmes de l'auteur, du moins conformément à sa pensée, si la certitude que porte avec elle toute solution mathématique n'en était par cela même la vérification. Je ne devais pas, d'ailleurs, me borner à imiter Venturi, qui a cru pouvoir passer cet article sous silence, après l'avoir entièrement supprimé dans sa traduction. Le sens que j'ai attribué au mot διάμετρον me paraît, d'ailleurs, conforme à celui que je trouve clans Suidas lorsqu'il dit : διάμετρον δὲ Δεινάρχῳ τὸ ἐλλεῖπον ἀπὸ τοῦ δικαίως μετρηθέντος.[60]

(Cf. Marcian. Peripl. éd. S. F. G. Hoffmann, Lips. 1841, p. xxi; et Allgemeine Literatur-Zeitung, Halle, 1839, n. 105, p. 232.) — H.V.

 

§ XXXVII et dernier

 

Avec une force donnée faire mouvoir un poids donné, au moyen d'un système de roues dentées.

Soit construit un châssis en forme de cassette; et, dans les faces parallèles les plus longues, soient engagés plusieurs axes parallèles entre eux et séparés par des intervalles tels, que les roues dentées qu'ils feront mouvoir se trouvent appuyées les unes contre les autres, comme nous allons l'expliquer. Soit ABGD cette caisse, dans l'intérieur de laquelle on dispose un cylindre EZ pouvant tourner librement de la manière qui vient d'être énoncée. A ce cylindre soit fixée la roue dentée CH faisant corps avec lui, et d'un diamètre qui soit, si vous voulez, quintuple de celui de EZ. Et, afin d'opérer sur un exemple, supposons que le poids à mouvoir soit de mille talents, et que la force motrice soit de cinq talents; par exemple, que ce soit la force d'un homme ou d'un jeune garçon, pouvant, seul et sans machine, soulever cinq talents. Imaginons pour cela des cordes qui, partant du fardeau et traversant quelque part la paroi AB, soient enroulées dans l'intérieur de la caisse, autour du cylindre EZ. Elles tireront bien jusqu'à un certain point le poids du fardeau; mais, pour faire mouvoir la roue CH, il faut plus de 200 talents, à cause du diamètre de la roue, qui est, comme nous l'avons supposé, quintuple de celui du cylindre (c'est ce qui a été démontré dans la théorie des ^ woptm cinq puissances). Ur nous η avons en aucune manière cette force de 200 talents.

Mais soit, parallèlement à EZ, un autre axe KL auquel est fixée la roue dentée MN : la roue CH est aussi munie de dents qui peuvent engrener avec celles de la roue MN. Au même axe KL est fixée une autre roue dentée XO, dont le diamètre est aussi quintuple du diamètre de MN. D'après cela, pour faire mouvoir le poids au moyen de la roue XO, il faudra une force de 40 talents, cinquième partie de 200.

Plaçons donc de même, en contact avec la roue XO, une autre roue dentée PR, également fixée à une autre ST dont le diamètre soit quintuple du diamètre de PR. D'après les mêmes principes, la force nécessaire pour faire mouvoir la roue ST sera de huit talents; mais, encore une fois, la force donnée n'est que de cinq talents.

Etablissons donc encore, d'une manière semblable, une autre roue dentée UF engrenant avec ST; et, sur l'axe même de la roue UF, fixons-en une autre QV dont le diamètre soit au diamètre de UF comme huit talents sont aux cinq talents de la force donnée.

Les choses étant ainsi disposées, imaginons le châssis ABGD placé suffisamment haut, le poids appliqué au cylindre EZ, et la puissance à la roue QV; ni l'un ni l'autre ne cédera, malgré toute la perfection des engrenages et la facilité des mouvements de rotation : il γ aura équilibre, comme dans la balance quand la puissance est égale au poids. Mais, si nous ajoutons à l'un des deux quelque autre petit poids, si, par exemple, aux cinq talents de la puissance nous en ajoutons un de plus, elle l'emportera sur le poids, et l'entraînera en conséquence.

Mais, au lieu d'effectuer cette addition, établissons, en contact avec la roue QV, une vis dont le filet engrène avec les dents de cette roue, et pouvant tourner librement dans des trous bien ronds où s'engagent ses pivots. Que l'un de ceux-ci fasse saillie hors de la cassette au travers de la paroi GD adjacente à la vis, et qu'alors, étant équarri à son extrémité, il s'engage dans une manivelle JW. En cet état de choses, si l'on prend la manivelle et qu'on la fasse tourner, la vis tournera en même temps et fera tourner la roue QV, ainsi que la roue UF qui fait corps avec QV. Par suite, la roue adjacente ST tournera aussi, de même que son adhérente PR; par suite encore, l'adjacente XO et son adhérente MN; puis l'adjacente CH et ie cylindre EZ auquel elle est fixée. Enfin, les cordes enroulées autour du cylindre et aboutissant au fardeau, en enlèveront le poids. Maintenant, que cet effet doive avoir lieu, c'est ce qui est évident : car, à la force primitive nous avons ajouté celle qui résulte de l'addition de la manivelle, ou, si l'on veut, de l'addition que nous avons faite au circuit de la vis; or il a été démontré que, pour des rotations égales, les plus grands cercles l'emportent sur les plus petits.

« Cet article n'appartient pas au Traité de la Dioptre; mais quelqu'un l'y a joint comme étant indubitablement une production d'Héron… Pappus en a donné un extrait au sujet de la proposition x de son VIIIe livre….[61] (voir cet auteur).

« Pappus s'occupe ensuite (depuis la proposition xxe jusqu'à la xxive) d'expliquer comment on combine ensemble les roues et la vis du barulcum, ce qu'il fait en s’attachant aux traces de la Mécanique d'Héron, dont le seul fragment qui nous reste en original est, jusqu'à présent, le barulcum décrit ci-dessus.

« Golius avait rapporté d'Orient une traduction arabe du Barulcum d'Héron, que lui-même traduisit en latin; ce dernier travail resta inédit jusqu'au moment où Brugmans le mit au jour en le publiant dans les Mémoires de Gœttingue pour l'année 1785…..

« Ce théorème, que « Les cercles les plus grands l’emportent sur les plus petits quand ils tournent autour du même centre, » est mentionné par Aristote; et, au dire de Pappus, il avait été démontré par Archimède dans son traité des Balances, et par Philon et Héron dans leurs Mécaniques. Ces ouvrages ne sont pas parvenus jusqu'à nous; mais je les regarde comme la source où l’on a pris la démonstration de ce théorème, que j'ai trouvée dans un manuscrit traduit de l'arabe de Thébit, fils de Coré, lequel est signalé par les bibliographes sous le titre Liber Karastoni. J'en présente ici un aperçu comme se rapportant au théorème précédent

« 1° Les puissances de deux mouvements sont proportionnelles aux espaces qu'elles parcourent en temps égal. Par exemple, si deux voyageurs font l'un 30 et l'autre 60 dans le même temps, la puissance motrice du second est double de la puissance motrice du premier. Hœc est propositio recepta per se, inter quam et intellectum non est medium separans ea. »

« 2° Si une ligne AB tourne autour d'un point fixe G pris sur sa direction, les arcs AT, BD, décrits par ses deux extrémités A, B. dans le même temps, sont entre eux comme les rayons AG, GB.

« 3° Donc la puissance motrice du point A est à la puissance motrice du point B comme AG est à GB.

« 4° Si donc nous voulons qu'un poids suspendu en A soit en équilibre avec un autre suspendu en B, il faut que le poids en A soit au poids en B dans le rapport inverse de BG à GA, afin de compenser de cette manière la puissance motrice que le point B communique au poids qu'il soutient, puissance plus grande que celle que le point A communique au poids qui lui est appliqué. »

« N'est-ce pas là le principe des vitesses virtuelles clairement énoncé ? »

(Fin des notes de Venturi.)

Pour compléter et rectifier cette note de Venturi, je vais donner le texte et la traduction de la proposition x" du VIIIe livre des Collections mathématiques de Pappus (chap. xi suivant le ms. 2871). Je ferai remarquer, dès le commencement, ces mots où, après avoir parlé du barulcum d'Héron, il dit : ἔνθα καὶ περὶ ε δυνάμεως διαλαμβάνει, phrase à laquelle en correspond une autre qui se trouve plus loin (au ch. xxx, suivant le même ms.) : Τοσαῦτα μὲν οὖν περὶ τοῦ βαρουλκοῦ τῶν δὲ προειρεμένων ε δυνάμεων ἐκ τῶν Ηρωνος τὴν ἔκθεσιν ἐπιτομώτερον ποιησόμεθα. De là il semblerait résulter deux choses : 1° que, dans le traité intitulé Barulcum, il était également question des cinq puissances, et 2° que Pappus nous donne, précisément à la fin de son VIIIe livre, la substance du traité entier d'Héron. Nous pourrions alors comprendre comment, si l'on s'en rapportait à la version de Golius citée par Brugmans et mentionnée plus haut par Venturi, ce traité aurait été divisé en trois livres. Le titre du premier livre aurait ainsi pu devenir le litre du traité entier, ce qui n'est pas sans exemple. D'ailleurs, il n'est pas inutile d'observer que l'expression βαρουλκὸν, qui peut se traduire par les mots : appareil propre à tirer des fardeaux, présente en réalité un sens beaucoup plus général que le sens tout spécial auquel on le restreint en l'appliquant purement et simplement à un système de roues dentées.[62] Cependant, si l'on considère, en premier lieu, que le mot ἔνθα se trouve placé immédiatement après ceux-ci : ἐν τοῖς μεχανικοῖς ἀπέδειξεν ensuite, que l'expression ἐκ τῶν Ηρωνος, après les mots τοσαῦτα μὲν οὖν περὶ τοῦ βαρουλκοῦ, conviendrait peu pour indiquer la suite du traité du Barulcam; et enfin, que, plus loin encore, après avoir cité les Mécaniques d'Héron, Pappus annonce qu'il va décrire, d'après le III' livre, diverses machines... alors il deviendra probable que le reste du VIIIe livre de Pappus est emprunté plutôt au traité des Mécaniques qu'à celui du Baralcum. Voyez la traduction du chapitre de Pappus. H.V.

 


 

[1] Biton, qui a écrit sur les machines de guerre, traitant la question qui consiste à prendre la hauteur des remparts des places que l'on veut battre en brèche, dit que cette question a été traitée par lui dans certains livres d'optique, où il a expliqué la construction d'une espèce de dioptre (Mathematici veteres, p. 108). Cet auteur est probablement un de ceux auxquels Héron fait allusion comme ayant traité la même question avant lui. —VR.

[2] Cette disposition a pour but d'éviter une perte de temps, en permettant de placer le tube avec la main dans une position voisine de celle qu'il doit avoir définitivement. — H.V.

[3] Le grec dit : fixés à l'axe.

[4] Voy. Anal. gr. de Montfaucon, p. 308 et suiv.

[5] Censorin pense que le stade d'Eratosthène est le stade italique de 625 pieds. — H. V.

[6] Voy Fabricius, Bibl. gr. éd. Harles, t. IV, p. 125.

[7] L'évaluation de Vitruve revient à 125 pas par stade, quant à Strabon, c'est aussi par induction et en transformant ses énoncés, que l'on est conduit à reconnaître une valeur de 8 stades au mille qu'il emploie. (Voyez le Mémoire de M. de Fortia d'Urban sur le système métrique d'Héron.) — H.V.

[8] C'est ce qui résulte de la valeur moyenne de la coudée, déduite de la mesure directe de plusieurs étalons de coudées qui ont été découverts en nature, depuis le commencement de ce siècle ou depuis l'expédition française en Egypte. Cette valeur moyenne ne diffère pas sensiblement de 525 mm; c'est la coudée royale de 28 doigts; retranchons-en le 7e, ou 75 mm, nous aurons 450 millimètres pour la coudée naturelle de 24 doigts; enfin, retranchons encore le tiers de ce nombre, ou 150 mm, pour avoir le pied de 16 doigts, et nous avons les 3 décimètres énoncés. Voyez le Traité de métrologie ancienne et moderne de M. Saigey, p. 17 et 30, et l'ouvrage de M. Bœckh, intitulé Metrologische Untersuchungen, etc. p. 227.—Voyez encore, à ce sujet, ma Note sur la mesure de la terre, lue à l'Académie des Sciences, le 21 février 1853 (Comptes rendus), et ma Lettre à M. Th. Henri Martin (Revue archéologique de Leleux, xie année, juillet 1854).

[9] J'ai déjà fait connaître ce fragment, en publiant l'ouvrage posthume de Letronne, intitulé : Recherches sur les fragments d'Héron d'Alexandrie, Paris, 1851, p. 70.

[10] A partir d'ici, Venturi cesse de traduire et ne donne plus que le résumé de l'opération. — H.V.

[11] Il y a, dans le grec, une erreur de copie provenant des manuscrits antérieurs. Cette erreur consiste en ce que les chiffres ou sigles numériques ayant été disposés primitivement en colonnes, on les a remontés fautivement à partir de la station A. J'ai donc dû faire redescendre chaque couple de nombres dans le contexte de la phrase qui les suit immédiatement.

[12] Dans la pensée de Venturi, sans doute que le tympan à bases parallèles comprend les roues à auges décrites par Vitruve. — H.V

[13] Διαβήτην, circinus, a divaricatis cruribus. (

[14] In cultro ou in cultrum collocare, dans Vitruve, signifie « placer perpendiculairement, d'aplomb. » Ce mot me paraît dériver de la même racine que culmen, « faîte. »

[15] Je n’essaye point de corriger le texte qui est très corrompu. — H.V.

[16] Voy Héron de Byzance, De la Géodésie, § v.

[17] Voy. Héron de Byzance, De la Géodésie, § iii.

[18] Voy. Héron de Byzance, De la Géodésie, § iv.

[19] Venturi dit Héron, mais par erreur.

[20] Les deux points donnés au loin sont A et C. —H.V.

[21] Ms - Signum quod est inter B et A. — H.V.

[22] Voy. Héron de Byzance, De la Géodésie, § ii.

[23] C’est-à-dire au plan CAR. — H.V.

[24] Dans l'édition de Lachmann, ce passage se trouve à la page 93, cité comme appartenant à Balbus : « Expugnandorum deinde montium altitudines ut sciremus, venerabilis diis (nonne dea? edd.) ratio monstrabat : quam ego quasi in omnibus templis adoratam post magnarum experimenta quibus interveni, religiosius colere cœpi. » — H.V.

[25] J'abrège les démonstrations de cette page, très diffuses dans le grec.

[26] L'ordre alphabétique eût exigé que la lettre Ε fût employée avant la lettre H.

[27] Mot à mot : tracé en noir.

[28] Cette sorte de répétition, qui est bien dans l’esprit des méthodes grecques, aura été supprimée comme inutile par un copiste qui n'eu aura pas compris la nécessité. Il paraît, d'ailleurs, y avoir une lacune dans le manuscrit, et l'énoncé du problème suivant vient sans interruption ni ponctuation.

[29] Je n'ai pas cru devoir imiter en cela le commentateur italien: car il est, je pense, au moins aussi important de savoir de quelles connaissances Héron était privé, que de savoir celles dont il était en possession. H.V.

[30] Le problème revient à construire sur le terrain, au moyen d'un côté donné, un polygone semblable à un polygone donné sur le papier.

[31] Le manuscrit porte CBG (voir la note précédente).

[32] Je supprime ici quelques lignes qui forment une répétition mutile.

[33] Je crois devoir rétablir ici le texte du commencement même du passage cité par Venturi, car l'absence de ce commencement ajoute encore beaucoup à l'obscurité de la description donnée par l'auteur latin, M. Junius Nipsus. Ce commencement est nécessaire, en particulier, pour que l'on voie bien de quelle manière l’auteur latin entend que les quatre jalons soient placés. Ils doivent former les quatre branches d'une croix dont la borne que l'on prend pour point de départ est le centre. C'est pourquoi j'ai ajouté, entre parenthèses : deux à deux. On ne voit pas bien si ce sens a été saisi par le traducteur italien, lorsqu'il dit que l'auteur latin prescrit de planter quattro canne o mele in linea ai lati del Termine A gia scoperto.

[34] Lachmann, currat.

[35] Probablement in diagonio.

[36] Le lecteur ne peut manquer de remarquer l’analogie de cette solution avec celle que donne ci-dessus Héron (§ XXV, 2e partie).

[37] J'ai dû m'écarter, dans ce dernier passage, du sens donné par la traduction italienne, parce que le traducteur me paraît s'être entièrement mépris sur la signification du texte latin.

[38] Dans le grec, 68 + ½ + 1/14.

[39] Voyez § viii.

[40] Voy. Héron de Byzance, Géodésie, § x.

[41] Comme il y a πάχος dans le grec au lieu de τάχος, Venturi a traduit ce mot par addensamento, épaisseur; mais Barocci, dont il est parlé dans la note, a bien traduit par velocitas. — HV.

[42] Voy. Héron de Byzance, Géodésie, § xi.

[43] Groma (gruma ap. Nonium) appellatur genus machinulare cujusdam, quo regiones agri cujusque cognosci possunt quod genus. Græci dicunt γνώωμωνα (Festus, De verborum signific. )

[44] C'est à tort, je crois, que Lachmann ajoute quattuor. — H.V.

[45] Hygini gromauci liber de munitionibus castrorum (éd. Chr C. L. Lange, Gœtting 1848, page 73)- Cet auteur me parait être identique à celui du même nom qui fait partie de la collection des Agrimensores. H.V.

[46] Venturi a supprimé ces mots, qui sont cependant fort importants pour sa thèse. H.V.

[47] « Si l'on traçait avec soin, dit Lacroix ' (Manuel d'arpent. 3' éd. p. 17, note), sur une planche bien droite et assez épaisse, deux lignes perpendiculaires, et qu'on plantai à leurs extrémités quatre aiguilles très fines et très droites, on aurait à peu de frais un instrument qui pourrait servir lorsqu'il ne s'agirait pas d'opérer en grand.

[48] Observons cependant que, dans le manuscrit, il y a seulement 80, représenté par le sigle π, mais le nombre 81 est suffisamment motivé par le diviseur 9, nombre de dents du pignon correspondant

[49] On sait que cette fraction est la première des réduites secondaires de la valeur du nombre π exprimé en fraction continue.

[50] Une dernière portion de la figure des manuscrits, non mentionnée dans le texte, et où se lisent les nombres 7, 70 et 30, pourrait s'interpréter en admettant l'existence d'une quatrième roue dentée de 70 dents, engrenant avec un quatrième pignon de 7 dents, et en supposant que la roue L a 30 dents; alors, en divisant le cercle en 300 parties au lieu de 100, l'index marquerait également les milles parcourus. Cela résulte de ce que le produit 70/7 x 30/300 = 1.

[51] C'est-à-dire dont le bord coupe les cercles tropicaux.

[52] Ce cercle représente l’horizon rationnel.

[53] Ce point représente le nadir.

[54] C'est-à-dire l'intersection du cercle diurne avec l'horizon, intersection qui sépare la portion du cercle diurne cachée sous l'horizon de celle qui reste au-dessus : c'est cette figure de séparation qu'Héron nomme δίορον.

[55] Sur le mot ἀναγραφή, voyez le Thesaurus; Gail, Sur les Hiérons de l'Egypte, Paris, 1823, p. 109; et M. Brunet de Presle, Examen critique de la succession des dynasties égyptiennes, t. I, p. 60.

[56] Cf. Henri Martin, Recherches sur la vie et les ouvrages d'Héron d'Alexandrie, II, 1.

[57] Cf. le Mémoire de M. Jomard sur le système métrique des anciens Égyptiens, p. 239.

[58] La figure du scaphion se trouve grossièrement indiquée à la fin des préliminaires (page 32) de l'édition donnée par l'abbé Halma. des Hypothèses et époques de Ptolémée. Le gnomon, qui devrait se terminer au centre de l'hémisphère, y est beaucoup trop élevé.

Voyez ce que dit Letronne de l'usage de ce grossier instrument, dans son mémoire sur cette question -Les anciens ont-ils exécuté une mesure de la terre postérieurement à l'établissement de l'école d’Alexandrie ? (Mémoires de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, nouvelle série, t. VI, p. 269.)

[59] Voyez, sur ce sujet, la savante dissertation de M. S. Wœpcke, intitulée Disquisitiones archeeologicæ mathematicœ circa solaria veterum Berlin. 1848.

[60] Dans la nouvelle édition du Thesaurus Διάμετρον Dinarcho ἐν τῇ Καλλισθένους εἰσαγγελία est τὸ ἀπὸ τ. δ. μ. (Harpocr. et ex eo Suid.)

[61] Je supprime ici la traduction donnée par Venturi, de quelques lignes du texte, de Pappus, parce qu'elle me paraît entachée de plusieurs inexactitudes. — H.V.

[62] Voyez la 2e partie (ch. ii, § 2) du mémoire de M. Henri Martin, intitulé Recherches sur la vie et les ouvrages d'Héron d’Alexandrie, disciple de Ctésibius. (Acad. des inscr. et belles-lettres, Savants étrangers, 1ère série, tome III.)