LIVRE IX.
Marcus Vitruvius Pollio: de Architectura, Liber IX Praefatio |
Vitruve de l'architecture LIVRE NEUVIÈME. INTRODUCTION. 1. LEs célèbres athlètes qui sortaient victorieux des jeux Olympiques, Pythiens, Isthmiques et Néméens, recevaient autrefois des Grecs de magnifiques honneurs. La palme et la couronne dont on les décorait au milieu de l'assemblée, n'étaient pas les seules récompenses qu'on leur accordait : lorsqu'ils retournaient dans leur patrie, c'était sur des chars de triomphe qu'ils étaient portés, et le trésor public pourvoyait à leurs besoins pendant toute leur vie. A la vue de telles distinctions, je suis étonné qu'on n'ait pas rendu les mêmes honneurs, et de plus grands encore, à ceux dont les écrits rendent d'immenses services dans tous les temps et chez tous les peuples. Et il y eût eu certes plus de justice, puisque l'athlète se borne à donner par l'exercice plus de force à son corps, tandis que l'écrivain, tout en perfectionnant son esprit, dispose celui des autres à la science par les leçons utiles qu'il répand dans ses ouvrages. 2. Milon le Crotoniate ne fut jamais vaincu! Quel avantage les hommes en ont-ils retiré ? Et tous ceux qui, comme lui, furent vainqueurs, ont-ils fait autre chose que de jouir pendant leur vie d'une glorieuse réputation au milieu de leurs concitoyens? Mais il n'en est pas de même des préceptes de Pythagore, de Démocrite, de Platon, d'Aristote et des autres sages : journellement lus et mis eu pratique, ils produisent sans cesse des fruits toujours nouveaux, non seulement pour leurs concitoyens, mais encore pour tous les peuples. Ceux qui, dès leur jeunesse, puisent à la source de leur doctrine, possèdent les excellents principes de la sagesse, et dotent les villes de bonnes moeurs, de droits basés sur la justice, de sages lois, sans lesquelles il n'est point d'État qui puisse subsister. 3. Puisque, grâce à leurs connaissances, les écrivains peuvent procurer à tous les hommes de si grands avantages, ce n'est pas seulement par des palmes et des couronnes qu'il convient, à mon avis, de les honorer, il faudrait encore leur décerner des triomphes, et les mettre au rang des dieux. Ils ont fait un grand nombre de découvertes dont les hommes ont profité pour agrandir leur savoir : je vais à quelques-uns d'entre eux en emprunter une que je proposerai comme exemple ; on sera forcé de reconnaître et d'avouer qu'on doit des honneurs à de tels hommes. 4. Commençons par Platon, et suivons-le dans le développement qu'il donne d'un de ses si nombreux et si utiles raisonnements. Une place, ou un champ, est parfaitement carrée : on veut en doubler la grandeur, en lui donnant une forme également carrée. Comme on ne peut le faire par la multiplication des nombres, il faut avoir recours à la règle et au compas. Voici la démonstration qu'il emploie. Le carré qui aura dix pieds de longueur et autant de largeur, donnera une surface de cent pieds; on veut doubler cette surface, lui donner deux cents pieds, en lui conservant sa forme carrée : il faut chercher quelle sera la grandeur de chaque côté du carré, pour que la multiplication de ces côtés produise les deux cents pieds que doit avoir la superficie; ce qu'il est impossible de trouver par des nombres : car si nous prenons le nombre quatorze, la multiplication donnera cent quatre-vingt-seize. Si nous recourons au nombre quinze, nous obtiendrons deux cent vingt-cinq. 5. Ce problème ne pouvant être résolu par des nombres, il faut tirer dans ce carré de dix pieds de longueur sur autant de largeur, une ligne diagonale pour le diviser en deux triangles égaux, ayant chacun cinquante pieds de surface, et sur la longueur de cette diagonale tracer un carré dont les côtés soient égaux à cette ligne. Par ce moyen, on aura dans le grand carré quatre triangles aussi grands et ayant le même nombre de pieds que les deux triangles qui ont pour base la diagonale du petit carré, et qui contiennent chacun cinquante pieds. C'est par ces lignes que Platon a expliqué la manière de doubler le carré. Voyez la figure tracée ci-dessous. 6. Pythagore a de même inventé et fait connaître la manière de tracer un angle droit, sans employer l'équerre dont se servent les ouvriers; et cet instrument qui sort si rarement juste des fabriques, malgré tout se qu'on se donne de peine pour le faire, Pythagore nous a expliqué et appris le moyen de le tracer avec justesse et certitude. On prend trois règles qui ont de longueur, l'une trois pieds, l'autre quatre, la troisième cinq. On les dispose de manière que, se joignant par leurs extrémités, elles présentent un triangle qui donnera une équerre juste. Si la longueur de chacune de ces règles sert de base pour tracer trois carrés équilatéraux, celui dont le côté sera de trois pieds, aura neuf pieds de surface; celui dont le côté sera de quatre, en aura seize ; celui dont le côté sera de cinq, en aura vingt-cinq. 7. De cette manière les deux carrés, dont l'un présente trois pieds et l'autre quatre sur chacun de leurs côtés, donnent ensemble une surface égale à celle du troisième carré, qui a cinq pieds de chaque côté. Dès qu'il eut fait cette découverte, Pythagore ne doutant point qu'il ne la dût à une inspiration des Muses, leur rendit de très grandes actions de grâces, et leur immola, dit-on, des victimes. Or, ce procédé si utile dans beaucoup d'applications, surtout quand il s'agit de mesurer, est aussi d'un immense avantage dans les édifices pour la construction des escaliers, afin d'en bien proportionner les degrés. 8.Si, en effet, la hauteur comprise entre le premier étage et le rez-de-chaussée est divisée en trois parties, il suffit de donner cinq de ces parties au limon de l'échiffre, pour que la pente ait une grandeur convenable : car si le potelet qui se trouve entre le premier étage et le rez-de-chaussée comprend une hauteur divisée en trois parties, le patin qui s'en éloignera horizontalement devra en avoir quatre à l'endroit où viendra s'emboîter le pied de l'échiffre; par ce moyen, les degrés et l'ensemble de l'escalier seront bien proportionnés. On en peut juger par la figure tracée ci-dessous. 9. Archimède a fait une foule de découvertes aussi admirables que variées. Parmi elles, il en est une surtout dont je vais parler, qui porte le cachet d'une grande intelligence. Hiéron régnait à Syracuse. Après une heureuse expédition, il voua une couronne d'or aux dieux immortels, et voulut qu'elle fût placée dans un certain temple. Il convint du prix de la main d'oeuvre avec un artiste, auquel il donna au poids la quantité d'or nécessaire. Au jour fixé, la couronne fut livrée au roi, qui en approuva le travail. On lui trouva le poids de l'or qui avait été donné. 10. Plus tard, on eut quelque indice que l'ouvrier avait soustrait une partie de l'or, et l'avait remplacée par le même poids en argent mêlé dans la couronne. Hiéron, indigne d'avoir été trompé, et ne pouvant trouver le moyen de convaincre l'ouvrier du vol qu'il avait fait, pria Archimède de penser à cette affaire. Un jour que, tout occupé de cette pensée, Archimède était entré dans une salle de bains, il s'aperçut par hasard qu'à mesure que son corps s'enfonçait dans la baignoire, l'eau passait par-dessus les bords. Cette découverte lui donna l'explication de son problème. Il s'élance immédiatement hors du bain, et, dans sa joie, se précipite vers sa maison, sans songer à s'habiller. Dans sa course rapide, il criait de toutes ses forces qu'il avait trouvé ce qu'il cherchait, disant en grec : Εὕρηκα, Εὕρηκα. 11. Aussitôt après cette première découverte, il fit faire, dit-on, deux masses de même poids que la couronne, l'une d'or, l'autre d'argent; ensuite il remplit d'eau jus-qu'aux bords un grand vase, et y plongea la masse d'argent qui, à mesure qu'elle enfonçait, faisait sortir un volume d'eau égal à sa grosseur. Ayant ensuite ôté cette masse, il mesura l'eau qui manquait, et en remit un setier dans le vase pour qu'il fût rempli jusqu'aux bords, comme auparavant. Cette expérience lui fit connaître quel poids d'argent répondait à une certaine mesure d'eau. 12. Il plongea aussi de même la masse d'or dans le vase plein d'eau; et après l'en avoir retirée et avoir également mesuré l'eau qui en était sortie, il reconnut qu'il n'en manquait pas autant, et que le moins répondait à celui qu'avait le volume de la masse d'or comparé avec le volume de la masse d'argent qui était de même poids. Le vase fut rempli une troisième fois, et la couronne elle-même y ayant été plongée, il trouva qu'elle en avait fait sortir plus d'eau que la massé d'or, qui avait le même poids, n'en avait fait sortir; et, calculant d'après le volume d'eau que la couronne avait fait sortir de plus que la masse d'or, il découvrit la quantité d'argent qui avait été mêlée à l'or, et fit voir clairement ce que l'ouvrier avait dérobé. 13. Transportons maintenant notre attention sur les travaux d'Architas de Tarente et d'Eratosthène le Cyrénéen. Les mathématiques leur doivent un grand nombre de belles découvertes. Quoiqu'elles soient toutes intéressantes, il en est une surtout, à laquelle ils ont travaillé tous deux, qui mérite toute notre admiration. Chacun d'eux est parvenu, par des moyens différents, à résoudre le problème qu'Apollon avait proposé dans sa réponse aux habitants de Délos : il s'agissait de faire un cube qui fût le double de celui de son autel ; la solution devait délivrer les habitants de l'île des maux que faisait peser sur eux la colère des dieux. 14. Architas y arriva par le moyen des hémicylindres, et Ératosthène par celui du mésolabe. Bien que ce soit avec tout le plaisir qu'inspirent les sciences que je suis ces découvertes, et que chacune d'elles, considérée dans ses effets, excite naturellement notre enthousiasme, portant mon attention sur d'autres objets, j'admire aussi les livres de Démocrite sur la nature, et son commentaire qu'il a intitulé Χειροκμήτων (recueils d’expériences), où il s'est servi de cire rouge empreinte de son cachet pour marquer les choses qu'il avait expérimentées lui-même. 15. Les ouvrages de ces grands hommes ne servent pas seulement à corriger les mœurs, ils seront dans tous les temps d'une grande utilité pour tous les hommes, tandis que les athlètes voient bientôt leur célébrité s'affaiblir avec leurs forces; et ce n'est ni dans le temps de leur plus grande vigueur, ni après leur mort, ni par les préceptes de leur art, qu'ils peuvent procurer aux hommes les avantages qu'on retire des oeuvres des savants. 16. Mais comme on n'accorde point d'honneurs au génie ni aux talents supérieurs des écrivains, s'élançant eux-mêmes par leur intelligence dans les régions de l'air, ils s'élèvent par la suite des temps jusqu'au ciel, et imposent pour toujours à la postérité non seulement la con-naissance de leurs pensées, mais encore celle de leurs traits. Aussi quiconque se sent entraîner par le charme des belles-lettres, ne peut manquer d'avoir l'image du poète Ennius gravée dans son coeur, comme celle des dieux. Et ceux qui aiment les vers d'Accius, ne croient pas seulement avoir sous les yeux les grâces de son style, ils s'imaginent encore qu'ils possèdent l'image vivante du poète. 17. Il en sera de même de ceux qui naîtront après nous, ils croiront s'entretenir avec Lucrèce lui-même sur la nature des choses, et avec Cicéron sur la rhétorique. Beaucoup de nos descendants discourront avec Varron sur la langue latine; et combien d'érudits, consultant sur beaucoup de sujets les sages de la Grèce, s'imagineront avoir avec eux des entretiens secrets! En un mot, lorsque les anciens philosophes, malgré leur absence, sont invoqués dans les conseils et dans les discussions, ils doivent tous à l'ancienneté de leur gloire une autorité plus grande que n'est celle des philosophes vivants. 18. C'est appuyé sur le crédit de ces illustres écrivains, c'est guidé par leurs lumières et leurs conseils, que j'ai écrit ces livres, ô César! Les sept premiers ont traité des édifices, et le huitième des eaux; dans celui-ci, je vais expliquer les règles de la gnomonique, dire comment, par le moyen des ombres du gnomon, on arrive à connaître la hauteur du soleil, et dans quelle proportion elles s'allongent et se raccourcissent. |
Caput 1
: De zona duodecim signorum et septem astrorum contrario cursu. |
I. Des douze signes du zodiaque, et des sept astres qui ont un mouvement contraire à celui de ces signes. 1. Il y a des découvertes qui semblent avoir été faites par un esprit divin, et qui excitent au plus haut point l'admiration de ceux qui les examinent. On a vu, par exemple, que l'ombre du gnomon équinoxial avait une grandeur différente à Athènes, à Alexandrie, à Rome, à Plaisance et dans les autres lieux de la terre. Voilà pourquoi les cadrans présentent de si grandes différences dans leur plan, selon le changement des lieux. C'est en effet d'après la grandeur des ombres équinoxiales qu'on décrit la figure des analèmes au moyen desquels on tire, suivant la situation des lieux et l'ombre du gnomon, les lignes qui indiquent les heures. L'analème est un instrument réglé d'après le cours du soleil, et dû à l'observation des ombres qui décroissent à partir du solstice d'hiver; il sert, à l'aide de l'équerre et du compas, à décrire les effets de cet astre dans le monde. 2. Le monde est l'ensemble qui comprend toutes les parties de la nature, le ciel et les étoiles. Le ciel tourne sans cesse autour de la terre et de la mer sur un axe dont les extrémités servent de pivots : car, dans ces endroits, la puissance qui gouverne la nature a construit et placé deux pivots semblables à deux centres : l'un, partant de la terre et de la mer, va aboutir au plus haut du ciel, auprès des étoiles du septentrion; l'autre, diamétralement opposé, se trouve sous la terre dans les parties méridionales. Là, autour de ces pivots, comme autour de deux centres semblables à ceux d'un tour, elle a placé deux petits cercles appelés en grec πόλοι, sur lesquels le ciel tourne sans cesse : la terre, placée au milieu avec la mer, en est naturellement le centre. 3. La nature a disposé les pôles de manière que celui qui est dans la partie septentrionale est élevé sur notre horizon, et que l'autre, qui est dans la partie méridionale, se trouve placé au-dessous de la terre, qui le cache. De plus, entre ces deux pôles, le ciel est traversé par une large zone sphérique, qui est inclinée vers le midi ; elle se compose de douze signes que la nature a représentés par la disposition des étoiles divisées en douze parties égales. Ces étoiles, aussi bien que les autres astres qui tournent autour de la terre et de la mer, suivent dans leur cours la circonférence du ciel. 4. Toutes ces étoiles sont nécessairement tantôt visibles et tantôt invisibles. Il y a toujours six de ces constellations qui se promènent au-dessus de l'horizon, quand les six autres se trouvent au-dessous, cachées par l'ombre de la terre. Or, s'il y a toujours six de ces signes qui soient au-dessus de la terre, c'est parce que, à mesure que le dernier signe, emporté par le mouvement de rotation, s'abaisse d'un côté pour disparaître entièrement au-dessous de la terre, du côté opposé un autre signe, entraîné par le même mouvement circulaire, s'élève de la même quantité des lieux où il était caché, pour paraître à nos yeux : car l'orient et l'occident sont tous deux soumis à la même force et à la même nécessité. 5. Ces signes, au nombre de douze, et occupant chacun la douzième partie du ciel, tournent perpétuellement d'orient en occident, tandis qu'au-dessous d'eux, par un mouvement contraire, la lune, l'étoile de Mercure, celle de Vénus, le soleil lui-même, les étoiles de Mars, de Jupiter et de Saturne, s'élevant comme par des degrés et parcourant une ligne plus ou moins grande, se transportent d'occident en orient. La lune fait le tour du ciel en vingt-huit jours et environ une heure de plus. Le temps qu'elle emploie à revenir au même point du zodiaque d'où elle était partie, forme le mois lunaire. 6. Le soleil, dans l'espace d'un mois, parcourt un signe qui est la douzième partie du ciel. Ainsi, traversant en douze mois les douze signes, lorsqu'il est revenu au point du zodiaque d'où il était parti, il a accompli une année; de sorte que le cercle que parcourt la lune treize fois en douze mois, le soleil met le même temps à le parcourir une fois. L'étoile de Vénus et celle de Mercure, faisant leur révolution autour du soleil qui leur sert de centre, reviennent sur leurs pas et retardent dans certains cas; dans d'autres même elles restent stationnaires au milieu des signes, par l'effet de leur marche circulaire. 7. C'est une remarque qu'il est très-facile de faire sur l'étoile de Vénus : tantôt elle suit le soleil, et, après le coucher de cet astre, elle brille encore dans le ciel d'un vif éclat; alors on la nomme Vesperugo (qui amène le soir : vesperum agere). A d'autres époques, elle le précède et se lève avant le jour; alors on l'appelle Lucifer (qui apporte la lumière - lucem ferre). De là vient que quelquefois ces deux étoiles restent plusieurs jours dans un signe, que quelque-fois elles passent plus rapidement dans un autre. Mais, bien qu'elles ne mettent pas le même nombre de jours à parcourir chaque signe, en regagnant le temps qu'elles ont perdu dans un signe par un passage plus rapide à travers un autre, elles trouvent moyen, lorsqu'elles se sont débarrassées de la cause qui semble les forcer à s'arrêter dans certains signes, de toujours fournir leur carrière dans le même espace de temps. 8. Quant à l'étoile de Mercure, ses mouvements alternatifs dans le ciel s'exécutent de telle sorte au travers des signes, qu'au bout de trois cent soixante jours elle revient au point du zodiaque d'où elle était partie pour commencer sa course, et sa marche se trouve balancée de manière qu'elle reste environ trente jours dans chaque signe. 9. Pour l'étoile de Vénus, lorsqu'elle se dégage des rayons du soleil qui empêchent de la voir, elle ne met que trente jours à parcourir l'espace d'un signe; mais le nombre de jours de moins que quarante qu'elle met ainsi à parcourir chacun de ces signes, lorsqu'elle fait une station, elle le regagne en s'arrêtant plus longtemps dans un autre signe ; de sorte que c'est en quatre cent quatre-vingt-cinq jours qu'elle fait sa révolution complète, et qu'elle revient au signe d'où elle était partie au commencement de son cours. 10. L'étoile de Mars met environ six cent quatre-vingt-trois jours à parcourir tous les signes et à revenir au point d'où elle était antérieurement partie; et si, dans quelques signes, sa marche est plus rapide, s'arrêtant dans d'autres, elle arrive à compléter ce nombre de jours. Jupiter, plus lent dans sa marche, qui est opposée au mouvement général du ciel, parcourt chaque signe en trois cent soixante-cinq jours environ. Il met onze ans et trois cent soixante-trois jours à revenir au signe d'où il était parti douze ans auparavant. Saturne est vingt-neuf mois quelques jours à parcourir un signe, et revient au bout de vingt-neuf ans et cent soixante jours environ au signe où il était trente ans auparavant; et moins il est éloigné des limites du ciel, plus le cercle qu'il a à parcourir est grand, plus son mouvement paraît lent. 11. Lorsque les étoiles qui décrivent leur tour au-dessus du soleil sont en trine aspect avec lui, elles n'avancent plus, mais s'arrêtent et rétrogradent jusqu'à ce que le soleil quitte cet aspect, en passant dans un autre signe. Voici comment quelques auteurs expliquent ce phénomène. Lorsque le soleil est éloigné d'elles par de grandes distances, il ne les éclaire plus dans leur marche; l'obscurité les empêche d'avancer; elles s'arrêtent. Tel n'est pas notre sentiment : car l'éclat du soleil resplendit et pénètre dans toute l'étendue du ciel, sans que rien puisse l'obscurcir, puisqu'il brille même à nos yeux lorsque ces étoiles font ce mouvement rétrograde et s'arrêtent. Or si, à une si grande distance du soleil, nous, chétifs mortels, nous pouvons en voir la lumière, comment croire que ces astres, qui sont des êtres divins et lumineux, puissent se trouver dans l'obscurité? 12. Voici une raison qui aurait plus de poids auprès de nous : c'est que, de même que la chaleur fait pousser et attire à elle toutes choses, comme nous le voyons par les fruits qui, grâce à la force de la chaleur, sont élevés à une certaine hauteur de la terre, et par les vapeurs qui montent des fontaines jusqu'aux nues par le moyen de l'arc-en-ciel, de même l'ardeur puissante du soleil, lorsque ses rayons s'étendent en trigone, attire à elle les étoiles qui le suivent, modère celles qui le devancent, les arrête, les empêche d'avancer, les fait revenir et rentrer dans le signe d'un autre trigone. 13.
Peut-être désirera-t-on savoir pourquoi le soleil exerce l'action
coercitive de sa chaleur plutôt dans le cinquième signe que dans le
deuxième et le troisième, qui sont plus rapprochés de lui? Voici, ce
me semble, comment ce phénomène se produit. Les rayons du soleil,
pour former un triangle équilatéral, ne doivent s'étendre dans le
ciel ni plus ni moins que jusqu'au cinquième signe. Si ces rayons
actifs se répandaient en cercles par tout le monde, s'ils n'étaient
pas retenus dans la forme d'un trigone par leur extension au loin, les
corps les plus rapprochés seraient embrasés. C'est ce que semble avoir
remarqué le poète grec Euripide : car il dit que les objets les plus
éloignés du soleil éprouvent une chaleur violente, tandis que les
plus rapprochés n'en éprouvent qu'une modérée. Voici son vers; il se
trouve dans la tragédie de Phaétlion : 14. Si le fait, le raisonnement, le témoignage de cet ancien poète s'accordent ainsi, je ne pense pas qu'on puisse avoir une autre opinion que celle que je viens de faire connaître. Jupiter, qui fait son cours entre Mars et Saturne, décrit un cercle plus grand que Mars, plus petit que Saturne. Il en est de même des autres étoiles : plus elles sont éloignées de l'extrémité du ciel, plus la ligne qu'elles suivent est rapprochée de la terre, plus leur marche semble rapide, puisque celles de ces planètes qui décrivent un cercle plus étroit, devancent celles qui sont plus éclairées en passant plusieurs fois au-dessous. 15. Supposons une de ces roues dont se servent les potiers. Vous y faites, dans l'espace compris entre le centre et les extrémités, sept canaux circulaires : vous y placez autant de fourmis, que vous forcez à marcher dans le sens opposé à celui dans lequel tourne la roue; il est certain que, malgré le mouvement contraire de la roue, elles achèveront leur tour; que celle qui sera la plus rapprochée du centre le fera le plus promptement, et que la fourmi qui aura à parcourir le plus grand cercle de la roue, bien qu'elle marche aussi vite que les autres, mettra beaucoup plus de temps à fournir sa carrière, à cause de la grandeur du cercle. C'est ainsi que les planètes gravitent contre le cours général du ciel, et font chacune leur mouvement de rotation ; mais dans la révolution universelle de chaque jour, elles ne s'avancent pas également vers leur point de départ. 16.
Les étoiles sont les unes tempérées, les autres chaudes, les autres
froides; cela vient sans doute de ce que tout feu pousse sa flamme vers
les parties supérieures. Voilà pourquoi le soleil brûle, embrase la
partie de l'air qui se trouve au-dessus de lui, et que traverse Mars
dans son cours; sa chaleur lui vient donc des feux du soleil. Saturne,
au contraire, qui est voisin des extrémités de l'espace, et qui touche
aux régions glacées du ciel, est extrêmement froid. Et Jupiter qui
dirige son cours entre les lignes suivies par ces deux planètes, se
trouvant à égale distance du froid et du chaud, doit offrir un état
doux et tempéré. |
Caput 2
: De lunae lumine crescente et diminutione. |
II. Du croissant et du décours
de la lune.
Bérose ayant quitté la ville ou le pays des Chaldéens pour aller
en Asie, y professa la science chaldéenne. Il y enseigna que la lune
était un globe dont la moitié est d'une éclatante lumière, tandis
que l'autre a une cou-leur bleue ; que, lorsque faisant sa révolution
dans son orbe, elle se trouve sous le soleil, attirée alors par ses
rayons et par la force de sa chaleur, elle tourne vers lui sa partie
brillante, à cause de la sympathie que ces deux lumières ont entre
elles; que, tandis que sa partie supérieure est ainsi tournée par
attraction vers le disque du soleil, la partie inférieure, qui ne
reçoit point ses rayons, paraît obscure, à cause de sa ressemblance
avec l'air; que, se trouvant perpendiculairement exposée à l'action
des rayons du soleil, elle en réunit tout l'éclat sur sa face
supérieure, et s'appelle alors première lune.
2. Il ajoute que, poursuivant sa marche en se dirigeant vers l'orient,
elle est moins soumise à l'action vive du soleil, et que l'extrémité
de sa partie brillante apparaît à la terre comme un filet de lumière;
qu'alors on l'appelle seconde lune; que s'éloignant ensuite de plus en
plus du soleil par son mouvement journalier de rotation, elle prend
successivement le nom de troisième et de quatrième lune; qu'au
septième jour, lorsque le soleil est vers l'occident, la lune se
trouvant au milieu du ciel, entre l'orient et l'occident, laisse voir
à la terre la moitié de sa partie éclairée, parce qu'elle est alors
éloignée du soleil de la moitié du ciel ; qu'enfin, lorsque entre le
soleil et la lune s'étend tout l'espace du ciel, lorsque le soleil
regardant en arrière du fond de l'occident, aperçoit à l'orient le
globe de la lune, cette planète étant alors dans le plus grand
éloignement où elle puisse être des rayons du soleil, montre, le
quatorzième jour, à la terre, toute sa partie éclairée sous la forme
d'un disque entier; qu'ensuite diminuant chaque jour, et s'avançant par
ses mouvements successifs de rotation, vers l'accomplissement du mois
lunaire, soumise de nouveau à l'action du soleil, et se retrouvant
au-dessous de ses rayons, elle complète alors le nombre de jours qui
constituent son mois.
3. Comme le
mathématicien Aristarque, de Samos, a laissé un système lunaire basé
sur de fortes raisons qu'il a puisées dans la variété de ses
connaissances, je vais aussi l'exposer. Il est évident, dit-il, que la
lune n'a point de lumière qui lui soit propre; qu'elle ressemble à un
miroir; qu'elle reçoit son éclat du soleil. Car des sept planètes la
lune est celle dont l'orbite est la plus rapprochée de la terre, et la
moins longue à parcourir. Aussi, chaque mois, passe-t-elle sous le
soleil ; le premier jour de sa course, elle se trouve cachée sous son
disque radieux, et reste obscurcie, parce qu'il n'y a que la partie qui
regarde le soleil qui soit éclairée; comme elle est en conjonction
avec le soleil, on l'appelle nouvelle. Le jour suivant on l'appelle
seconde lune : elle laisse apercevoir une petite partie de l'extrémité
de son disque. Le troisième jour, comme elle se trouve plus éloignée
du soleil, sa partie éclairée s'est encore agrandie. S'éloignant
ainsi de plus en plus jusqu'au septième jour, elle se trouve alors
distante du soleil couchant d'environ la moitié du ciel, et fait voir
la moitié de sa partie éclairée.
4. Le
quatorzième jour, lorsque la lune est diamétralement opposée au
soleil, elle se montre pleine, et se lève au moment où le soleil se
couche, parce que, séparée de cet astre par tout l'espace du ciel,
elle se trouve en opposition avec lui, et tout son disque en reçoit les
rayons qui le rendent brillant de lumière. Le dix-septième jour, quand
le soleil se lève, elle est abaissée au couchant. Le vingt-unième
jour, au moment du lever du soleil, la lune se trouve à peu près au
milieu du ciel, et la partie qui regarde le soleil est éclairée, le
reste est obscur. Continuant toujours sa course, elle arrive vers le
vingt-huitième jour sous le soleil et achève ainsi son mois. Je vais
maintenant expliquer comment le soleil, traversant chaque mois l'espace
d'un signe, allonge ou raccourcit les jours et les heures. |
Caput 3
: Quemadmodum sol signa pervadens augeat et minuit dierum et horarum
spatia. |
III. Comment le soleil, parcourant les douze signes du zodiaque, allonge ou diminue les jours et les heures. 1. Lorsque le soleil entre dans le Bélier, et arrive à la huitième partie de ce signe, il produit l'équinoxe du printemps. Lorsqu'il se dirige vers la queue du Taureau et les Pléiades, à partir desquelles commence la moitié antérieure du Taureau, il a ainsi parcouru plus de la moitié du ciel en s'avançant vers le septentrion. Passant du Taureau dans les Gémeaux, au lever des Pléiades, il s'élève davantage au-dessus de la terre, et augmente la longueur des jours; sortant ensuite des Gémeaux pour entrer dans le Cancer, qui occupe au ciel le moins d'espace, quand il arrive à la huitième partie de ce signe, il marque le solstice d'été, et, continuant son cours, il parvient jusqu'à la tête et jusqu'à la poitrine du Lion, qui sont des parties attribuées au Cancer. 2. Depuis la poitrine du Lion et les extrémités du Cancer, le soleil franchissant les autres parties du Lion, diminue la longueur des jours en diminuant la grandeur de sa courbe, et décrit une ligne égale à celle qu'il suivait dans les Gémeaux. Passant ensuite du Lion dans la Vierge, et s'avançant jusqu'au pan de sa robe qui occupe la première partie de la Balance, il arrive à la huitième partie de ce signe et fait l'équinoxe d'automne; les arcs qu'il décrit alors sont égaux à ceux qu'il faisait dans le signe du Bélier. 3. Après cela le soleil entre dans le Scorpion, au coucher des Pléiades, et diminue la longueur des jours en s'approchant des parties méridionales. Lorsque, quittant le Scorpion, il continue sa marche pour entrer dans le Sagittaire et s'avancer jusqu'aux cuisses de ce signe, il raccourcit encore la courbe qu'il décrit pendant le jour. Quand, des cuisses du Sagittaire, qui font partie du Capricorne, il s'avance jusqu'à la huitième partie de ce signe, alors il parcourt le plus petit espace du ciel. C'est cette brièveté des jours qui les a fait appeler solstice d'hiver, et jours du solstice d'hiver. Du Capricorne passant dans le Verseau, il rallonge les jours, et les rend égaux à ceux du Sagittaire. Sortant du Verseau pour entrer dans les Poissons, quand souffle le favonius, il fournit une course égale à celle qu'il faisait dans le Scorpion. C'est ainsi que le soleil, en parcourant les signes dans des temps déterminés, augmente ou diminue la durée des jours et des heures. Il me reste à parler des autres constellations qui se trouvent à droite et à gauche du zodiaque, et qui sont placées et représentées dans les régions méridionales et septentrionales du ciel. |
Caput 4
: De sideribus ad dextram orientis inter zonam signarum et septentrionem |
IV. Des constellations qui sont placées à la droite de l'orient, entre le zodiaque et le septentrion. 1. Après la constellation septentrionale que les Grecs appellent ῎Αρκτος (l’Ourse) ou ῾Ελίκη (l’Hélice), est placé le Bouvier. Non loin de lui a été figurée la Vierge. Sur son épaule droite s'appuie une étoile très brillante que les Latins appellent Provindemia (la Vendangeuse) et les Grecs Προτρυγητής (la Vendangeuse). Vis-à-vis brille, entre les genoux du gardien de l'Ourse, une autre étoile qui est appelée Arcture. 2. Près de là, dans la direction de la tête de l'Ourse, vers les pieds des Gémeaux, se trouve le Cocher, dont les pieds s'étendent à l'extrémité de la corne gauche du Taureau, et qui tient dans la main gauche des étoiles qu'on appelle les Chevreaux ; la Chèvre brille à son épaule gauche. Au-dessus du Taureau et du Bélier se montre Persée, qui, à droite, passe sur les Pléiades, et, à gauche, sur la tête du Bélier, s'appuyant de la main droite sur Cassiopée, au-dessus du Cocher, tenant de la main gauche la tête de Méduse, et la mettant sous les pieds d'Andromède. 3. On voit les Poissons à côté d'Andromède, le long de son ventre et de celui de Pégase; ils s'étendent jusqu'au dos de ce cheval, au ventre duquel se trouve une étoile très-brillante qui le termine et forme la tête d'Andromède. La main droite d'Andromède s'étend au-dessus de Cassiopée, et sa gauche au-dessus du Poisson septentrional. Le Verseau est sur la tête de Pégase, dont les oreilles se dirigent vers les genoux du Verseau. Au milieu de la constellation du Verseau est une étoile qui fait partie de celle du Capricorne. Au-dessus, en montant, se rencontrent l'Aigle et le Dauphin, près desquels est la Flèche. Dans le voisinage de celle-ci est le Cygne, dont l'aile droite touche la main de Céphée et son sceptre, tandis que la gauche s'étend au-dessus de Cassiopée. Sous la queue de l'Aigle sont placés les pieds de Pégase. 4. Au-dessus du Sagittaire, du Scorpion, de la Balance, s'allonge le Serpent, qui de l'extrémité de sa tête touche la Couronne; le Serpentaire tient par le milieu le Serpent dans ses mains, et appuie le pied gauche sur le milieu du front du Scorpion. A droite et auprès de la tête du Serpentaire se trouve la tête de celui qu'on appelle l'Agenouillé ; les sommets de leurs têtes sont très-faciles à reconnaître, parce qu'ils sont formés d'étoiles assez brillantes. 5. Le pied de l'Agenouillé s'appuie sur la tête du Dragon, qui est entre les Ourses qu'on appelle Septentriones. Un peu en avant de la tête du Cheval se courbe le Dauphin. Devant le bec du Cygne brille la Lyre. Entre les épaules du Bouvier et celles de l'Agenouillé a été placée la Couronne. Dans le cercle septentrional sont groupées les deux Ourses : elles sont dos à dos, ayant la poitrine tournée dans un sens contraire; la petite s'appelle en grec Κυνόσσουρα (Cynosure), la grande῾Ελίκη (Hélice) ; leurs têtes sont disposées de manière à regarder deux points opposés, la queue de l'une étant placée au droit de la tête de l'autre; et leurs queues sont toutes deux levées. 6. Entre elles s'allonge, dit-on, le Dragon ; et cette étoile, qu'on appelle polaire, brille à l'opposé, et au droit de la tête de la grande Ourse : car la partie du Dragon qui en est voisine se courbe auprès de sa tête, tandis qu'une autre partie s'arrondit autour de celle de la petite Ourse, et s'étend jusqu'auprès de ses pieds, où, s'enroulant et se repliant, elle se redresse et s'élance de la tête de la petite Ourse vers le grand Oiseau (le Cygne), dans la direction de son bec et de la tempe droite de sa tête. Au-dessus de la queue de la petite Ourse s'abaissent aussi les pieds de Céphée; et là, tout en haut, au-dessus du Bélier, on voit les étoiles qui composent un Triangle qui a deux côtés égaux. Il y a confusion dans un assez grand nombre d'étoiles de la petite Ourse et de Céphée. Après avoir parlé des constellations qui sont placées à la droite de l'orient, entre le zodiaque et le septentrion, il me reste à expliquer celles que la nature a distribuées vers la partie gauche de l'orient, dans les régions méridionales.
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Caput 5
: De sideribus ad sinistram orientis inter zonam signorum et meridiem. |
V. Des constellations qui sont placées à la gauche de l'orient, entre le zodiaque et le midi. 1. Premièrement sous le Capricorne est placé le Poisson austral, la tête tournée vers la queue de la Baleine ; entre le Poisson et le Sagittaire, il y a un vide. L'Autel est au-dessous de l'aiguillon du Scorpion. Tout près de la Balance et du Scorpion se trouve la partie antérieure du Centaure, qui tient dans ses mains la constellation que les astronomes appellent la Bête. Sous la Vierge, le Lion et le Cancer, l'Hydre s'enroule, se déployant sur une bande d'étoiles, dressant la tête dans la région du Cancer, soutenant la Coupe sur le milieu de son corps, dans la direction du Lion, et étendant sous la main de la Vierge sa queue, sur laquelle est posé le Corbeau. Les étoiles qui sont au-dessus de ses épaules brillent tout à fait du même éclat. 2. Auprès de la partie inférieure du ventre de l'Hydre, sous sa queue, est placé le Centaure. En regard de la Coupe et du Lion se trouve le Navire, qu'on appelle Argo, dont on ne voit pas la proue; mais le mât et les parties qui entourent le gouvernail brillent sur notre horizon. La poupe du Navire touche au bout de la queue du grand Chien. Les Gémeaux sont suivis par le petit Chien, qui est auprès de la tête de l'Hydre, et le grand Chien suit le petit. Orion est en face du Taureau, qui le presse d'un pied ; de la main gauche il tient un bouclier, et de l'autre une massue qu'il élève vers les Gémeaux. 3. Il a sous les pieds le Lièvre, qui suit de près le grand Chien. Sous le Bélier et les Poissons est la Baleine. A partir de sa crête, des étoiles disposées avec ordre forment entre les Poissons un étroit ruban que les Grecs appellent ἁρπεδόναι (Cordeau). A un grand intervalle se replie en dedans le nœud des Poissons qui tombe de l'extrémité de la tête de la Baleine. L'Éridan semble une rivière d'étoiles qui prend sa source au pied gauche d'Orion. Quant à l'eau que l'on dit être répandue par le Verseau, elle coule entre la tête du Poisson austral et la queue de la Baleine. 4. Je viens d'exposer le système du philosophe Démocrite sur les formes que la nature et l'esprit divin ont données aux constellations ; mais je n'ai parlé que de celles dont nous pouvons voir le lever et le coucher. Car de même que les sept étoiles de la grande Ourse, en tournant autour du pôle, ne se couchent point et ne passent jamais sous la terre, de même les constellations, dont le cours se fait autour du pôle méridional, qui, à cause de l'inclinaison du ciel, est au-dessous de notre globe, nous restent cachées, sans jamais se lever sur la terre. Aussi la terre empêche-t-elle qu'on en connaisse les figures. Nous en avons une preuve dans l'étoile de Canope, invisible dans nos régions, qui ne nous est connue que par ce qu'en disent les marchands qui ont voyagé dans les contrées les plus éloignées de l'Égypte, et jusqu'aux extrémités de la terre.
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Caput 6
: De astrologia ad divinationes genethliacas et tempestatum translata. |
VI. De l'astronomie employée pour prédire les changements de temps, et ce qui doit arriver aux hommes, d'après l'aspect des astres au moment de leur naissance. 1.J’ai démontré avec exactitude quel était le mouvement rapide du ciel autour de la terre, et la disposition des douze signes du zodiaque, et des constellations qui sont au septentrion et au midi, parce que c'est de ce mouvement de rotation du ciel, c'est de la marche du soleil en sens contraire à travers les signes, c'est de l'ombre équinoxiale des gnomons, que dépend la construction des analèmes. 2. Quant à l'astronomie consistant à rechercher quelle est l'influence des douze signes, des cinq planètes, du soleil et de la lune sur les phases de la vie humaine, c'est aux calculs des Chaldéens qu'il faut s'en rapporter, parce qu'ils se sont particulièrement occupés de la généthliologie, afin de pouvoir, par le moyen des astres, expliquer le passé et l'avenir. Les découvertes qu'ils nous ont transmises dans leurs écrits font voir quels étaient le savoir et le talent des grands hommes qui sont sortis de la nation des Chaldéens. Le premier fut Bérose, qui vint s'établir dans l'île et la cité de Cos et y ouvrir une école. Puis cette science fut l'objet des études d'Antipater et aussi d'Achinapolus, qui ont dé-montré que la généthliologie était plutôt fondée sur la conception que sur la naissance. 3. Mais si l'on veut connaître le principe des choses, il faut lire les savants ouvrages des Thalès de Milet, des Anaxagore de Clazomène, des Pythagore de Samos, des Xénophane de Colophon, des Démocrite d'Abdère, qui nous font connaître les lois qui gouvernent la nature, et les effets qu'elles produisent. Sans s'écarter de leur système, Eudoxe, Euchémon, Callippe, Méton, Philippe, Hipparque, Aratus et tous les autres philosophes ont fait, à l'aide des parapegmes, les observations les plus exactes sur le lever et le coucher des étoiles, ainsi que sur les saisons de l'année; observations qu'ils ont transmises à la postérité. Leurs connaissances sont bien dignes de l'admiration des hommes, puisque, à force d'études, ils sont parvenus, comme par inspiration divine, à prédire les changements du temps. Rapportons-nous-en donc à leurs lumières sur des choses qu'ils ont étudiées avec le plus grand soin. |
Caput 7
: Docetur analemmatos deformatio. |
VII. Manière de faire un analème. 1. Pour moi, je vais me contenter de donner la manière de décrire les cadrans, et d'expliquer la longueur des jours dans chaque mois, et l'inégalité de l'ombre projetée par le gnomon. Si, lorsque le soleil est à l'équinoxe, faisant son cours dans le Bélier ou dans la Balance, le gnomon est divisé en neuf parties, l'ombre en aura huit sous le parallèle de Rome. Si à Athènes le gnomon est divisé en quatre parties, l'ombre en aura trois ; s'il est divisé en sept à Rhodes, elle en aura cinq ; s'il l'est en onze à Tarente, elle en aura neuf; en cinq à Alexandrie, trois. Dans tous les autres lieux, les ombres équinoxiales des gnomons présentent des longueurs naturellement différentes. 2. Aussi, dans quelque lieu qu'on veuille faire un cadran, faudra-t-il qu'on prenne la longueur de l'ombre équinoxiale de ce lieu; et si, comme à Rome, le gnomon ayant neuf parties, l'ombre en a huit, on tirera sur un plan une ligne au milieu de laquelle on en élèvera une autre à angle droit, afin qu'elle soit d'équerre avec la première. Cette ligne est appelée gnomon. A partir de cette première ligne tirée sur le plan, on mesurera avec un compas, sur celle du gnomon, neuf parties égales, et au point où aboutira la neuvième partie, on établira un centre qui sera marqué A ; puis ouvrant le compas appuyé sur ce centre jusqu'à la ligne du plan où l'on mettra la lettre B, on décrira un cercle appelé méridien. 3. Ensuite, sur les neuf parties qui s'étendent depuis la ligne du plan jusqu'au centre qui forme l'extrémité du gnomon, on prendra la longueur de huit, qu'on marquera sur la ligne du plan au point de la lettre C. Ce sera l'ombre équinoxiale du gnomon. De ce point C, par le centre où est la lettre A, tirez une ligne qui indiquera le rayon du soleil à l'équinoxe. Cela fait, on ouvrira le compas depuis le centre jusqu'à la ligne du plan, et aux extrémités de la ligue de circonférence, on fera deux marques à égale distance, l'une en F du coté gauche, l'autre en I du côté droit; puis on tirera par le centre une ligne qui coupera le cercle en deux parties égales : cette ligne est appelée horizon par les mathématiciens. 4. Ensuite on prendra la quinzième partie de tout le cercle, et plaçant la branche centrale du compas sur la ligne circulaire, au point où elle est coupée par le rayon équinoxial, où sera la lettre F, on fera à droite et à gauche deux points marqués par les lettres G et H. Puis de ces points on conduira, en les faisant passer par le centre, deux lignes jusque sur celle du plan où seront les lettres T et R ; l'une représentera le rayon du soleil d'hiver, l'autre celui du soleil d'été. Du côté opposé à la lettre E sera la lettre I, au point où le cercle est coupé par la ligne qui passe par le centre; en face de G et de H seront les lettres K et L, et en face de C, de F et de A sera la lettre N. 5. On tirera alors deux lignes diamétrales, l'une depuis G jusqu'à L, et l’'autre depuis H jusqu'à K; celle d'en bas sera pour l'été et celle d'en haut pour l'hiver. Ces deux lignes diamétrales doivent être également divisées par le milieu aux points M et 0; on en fera deux centres par lesquels, aussi bien que par le centre A, on fera passer une ligne qui ira d'une extrémité de la circonférence à l'autre, où seront les lettres P et Q. Cette ligne sera perpendiculaire à la ligne équinoxiale, et s'appellera, mathématiquement parlant, axe. De ces deux centres M et O, où l'on appuiera une des branches du compas, en étendant l'autre jusqu'à l'extrémité des lignes diamétrales, on décrira deux demi-cercles, dont l'un sera pour l'été et l'autre pour l'hiver. 6. Aux points où les lignes parallèles coupent la ligne appelée horizon, on mettra à droite la lettre S, à gauche !a lettre V, et depuis l'extrémité du demi-cercle, où se trouve la lettre G, on tirera une ligne parallèle à l'axe jusqu'à l'autre demi-cercle qui est à gauche, oit est la lettre H. Cette ligne parallèle s'appelle lacotome. Enfin on placera une branche du compas au point de section de cette ligne avec la ligne équinoxiale, marqué X, et l'on étendra l'autre jusqu'à l'endroit où le cercle est coupé par le rayon d'été, au point marqué H. Puis du centre qui est sur la ligne équinoxiale, on mènera, par l'intervalle du rayon d'été, un cercle pour les mois, appelé manacus. Cette dernière opération complétera la figure de l'analème. 7. Après cette description et cette explication, qu'on prenne pour plan ou le tropique d'hiver, ou le tropique d'été, ou l'équateur, ou l'écliptique, on devra se servir de l'analème pour tracer les lignes horaires. On peut faire plusieurs espèces de cadrans solaires; tous se décrivent d'après cette méthode; la seule chose à observer dans leurs figures et descriptions, c'est que les jours de l'équinoxe, et ceux des tropiques d'hiver et d'été, soient divisés en douze parties égales. Si je n'entre pas dans plus de détails, ce n'est point devant le travail que je recule, mais devant la crainte de devenir fastidieux en devenant trop long. Il me reste maintenant à dire quels sont ceux qui ont inventé et décrit les différentes espèces de cadrans. Je ne puis en inventer de nouvelles, et je ne veux point proclamer comme miennes les inventions d'autrui. Je vais donc parler des inventeurs de celles que nous connaissons. |
Caput 8
: De horlogiorum inventione (96), de
horlogiis ex aqua, et de horlogiis hibernis vel anaphoricis. |
VIII. De l'invention des horloges d'été ou cadrans solaires; des clepsydres et des horloges d'hiver ou anaphoriques. 1. L'hémicycle creusé dans un carré et construit sur un plan réclinant, est, dit-on, de l'invention de Bérose le Chaldéen. Le scaphé ou hémisphère est d'Aristarque de Samos, aussi bien que le disque horizontal. L'araignée appartient à l'astronome Eudoxe; quelques-uns disent à Apollonius. Le plinthe ou brique, celui-là même qui a été placé dans le cirque de Flaminius, a été inventé par Scopinas de Syracuse; le πρὸς τὰ ἱστορούμανα (Pour les endroits dont on parle dans l'histoire) par Partnénion ; le πρὸς πᾶν κλῖμα (Pour tous les climats.) par Theodosius et Andreas. Patrocle a inventé le pelecinon; Dionysiodore, le cône; Apollonius, le carquois. Les auteurs cités plus haut, et quelques autres, nous ont encore laissé un certain nombre d'horloges de leur invention, comme le gonarque, l'engonate, l'antiborée. Nous trouvons aussi dans quelques auteurs la manière de rendre quelques-uns de ces cadrans portatifs, pour les voyages On en pourra consulter, si l'on veut, des modèles dans leurs ouvrages, pourvu qu'on sache la description de l'analème. 2. Ces mêmes auteurs sont aussi parvenus à trouver le moyen de faire des horloges avec l'eau, et la première fut inventée par Ctesibius d'Alexandrie, qui, de plus, a découvert le parti qu'on pouvait tirer de la force des vents, soit naturels, soit artificiels. La manière dont cette découverte fut faite est digne de l'attention de ceux qui cultivent les sciences. Ctesibius était fils d'un barbier d'Alexandrie. Il se faisait remarquer par son esprit inventif et une grande adresse, et la mécanique avait, dit-on, pour lui beaucoup d'attrait. Il eut un jour envie de suspendre un miroir dans la boutique de son père, de manière à ce qu'on pût le faire descendre et monter à l'aide d'une corde cachée soutenant un poids. Voici le mécanisme qu'il imagina. 3. Il attache un canal de bois sous une poutre et y met des poulies. Il fait ensuite passer une corde dans ce canal jusqu'à l'angle formé par le mur qui portait la poutre, et là il établit un tuyau clans lequel il fait descendre au bout de la corde une boule de plomb. Cette boule, en allant et en venant dans ce tuyau étroit, y comprimait l'air, et, par l'impulsion de son mouvement, faisait sortir avec force, par les deux bouts, l'air condensé par la compression dont la rencontre et le choc avec l'air extérieur rendait un son clair. 4. Ctesibius s'étant donc aperçu du bruit que produisait le choc de l'air comprimé contre l'air libre, partit de ce principe pour inventer les machines hydrauliques. Ce fut aussi par l'impulsion de l'eau qu'il fit mouvoir des automates et plusieurs autres machines récréatives, entre autres la clepsydre. Et d'abord il perça une lame d'or, ou une pierre précieuse, pour l'écoulement de l'eau ; ces matières, en effet, ne s'usent pas par le frottement de l'eau, et ne produisent point de rouille qui puisse en, boucher l'ouverture. 5. L'eau, coulant d'une manière égale par cette ouverture, soulève une nacelle renversée que les ouvriers appellent phellos ou tympanum. On ajuste dessus une règle dentelée qui fait tourner une roue dentelée de la même manière. Ces dents se poussant l'une l'autre impriment à la roue un léger mouvement de rotation. On fait encore d'autres règles et d'autres tambours, dentelés de la même manière, qui, soumis à un seul et même mouvement, produisent en tournant différents effets de petites figures s'agitent, des pyramides tournent; on voit lancer de petits cailloux, qui en retombant forment des sons; des trompettes sonnent. Il y a encore d'autres combinaisons étrangères à notre matière. 6. On trace encore sur des colonnes ou sur des pilastres les heures, qu'une petite figure vient, pendant tout le jour, montrer avec le bout d'une baguette. Pour les rendre plus courtes ou plus longues, on ajoute ou on ôte des coins tous les jours et tous les mois dans une proportion voulue. Voici comment on organise l'orifice pour modérer l'écoulement de l'eau. On fait deux cônes, l'un solide, l'autre creux, assez bien façonnés sur le tour, pour qu'ils puissent entrer juste l'un dans l'autre, et pour que, par le moyen d'une même règle, lâchant ces coins ou les serrant, on puisse donner à l'écoulement de l'eau dans le vase plus ou moins de rapidité. C'est par ces moyens mécaniques qu'on arrive à composer des horloges pour l'hiver. 7. S'il se fait que par le jeu de ces coins on n'arrive point exactement à raccourcir et à rallonger les jours, à cause des dérangements qui surviennent très souvent aux coins, on pourra employer cette autre manière. Sur une petite colonne on marquera les heures au moyen de l'analème, par des lignes transversales, et l'on en tracera un système spécial pour chaque mois; cette petite colonne sera mobile, afin que, en tournant sur elle-même- uniformément, sans s'arrêter devant la petite figure qui, par son mouvement d'ascension, indique les heures avec sa baguette, elle lui présente les heures plus ou moins longues qui conviennent à chaque mois. 8. On fabrique encore une autre espèce d'horloges d'hiver qu'on appelle anaphoriques. Voici la manière de les construire. On dispose les heures sur des baguettes d'airain, selon la description de l'analème, dans la direction du centre à la circonférence. On trace tout autour des cercles déterminant l'espace consacré à chaque mois. Derrière ces baguettes on place une roue sur laquelle est décrit et peint le ciel avec le zodiaque et ses douze signes, dont l'espace plus ou moins grand est déterminé par des lignes qui partent du centre. A la partie postérieure de cette roue et au milieu, on emboîte un essieu mobile autour duquel s'enroule une chaîne flexible de cuivre, à laquelle pend, d'un côté, le phellos ou tympanum, que l'eau soutient, et, de l'autre, un sac de sable du même poids que le phellos. 9. A mesure que le phellos monte soutenu par l'eau, le poids du sable en descendant fait tourner l'essieu, et l'essieu, la roue. Le mouvement imprimé à cette roue fait que c'est tantôt la plus grande partie du zodiaque et tantôt la plus petite qui marque, en tournant, les heures avec les différences propres à chaque temps. Car dans le signe de chaque mois, on fait autant de trous qu'il y a de jours, et dans l'un de ces trous on met un clou dont la tête représente le soleil et marque les heures. Ce clou placé successivement d'un trou dans un autre achèvera son tour tous les mois. 10. De même que le soleil en parcourant les espaces des signes agrandit ou diminue les jours et les heures, de même dans les horloges, le clou avançant de trou en trou dans un sens opposé au mouvement de la roue, et changeant de place tous les jours, franchissant tantôt des espaces plus larges, tantôt des espaces plus étroits, représente les heures et les jours avec la longueur qu'ils doivent avoir chaque mois. Si par le moyen de l'eau on veut arriver au même résultat, voici comment on en réglera l'usage. 11. Derrière le cadran, à l'intérieur de l'horloge, on placera un réservoir dans lequel l'eau tombera par un robinet. Au bas de ce réservoir se trouvera un conduit, dont le bout sera fixé à un tambour de cuivre également percé pour recevoir l'eau qui y communique du réservoir. Dans ce tambour en est renfermé un plus petit, comme un pivot dans une crapaudine. Ces deux pièces, appelées l'une mâle, l'autre femelle, sont si bien ajustées, que la plus petite, semblable à la clef d'un robinet, tourne dans la plus grande avec un mouvement doux et régulier. 12. Le rebord du grand tambour sera marqué de 365 points également espacés, et à l'extrémité de la circonférence du petit tambour il faut fixer une languette dont la pointe servira à diriger vers chacun des points du grand tambour. Le petit tambour aura une rainure disposée de manière à ne laisser passer que la quantité d'eau nécessaire, parce que c'est cette eau qui coule dans le réceptacle où est le tympanum, qui en règle la hauteur. Quand on aura représenté les signes célestes au rebord du grand tambour, il devra être immobile, ayant en haut le signe de l'Écrevisse; en bas, au point diamétralement opposé, le Capricorne; à droite du spectateur, la Balance; à gauche, le Bélier. Les autres signes occuperont aussi la place qu'ils ont dans le ciel. 13. Lors donc que le soleil est dans le Capricorne, la languette du petit tambour, qui chaque jour doit avancer d'un point, se place au droit de ce signe marqué sur le grand tambour. L'ouverture de ce grand tambour se trouve perpendiculairement au-dessus de la partie la plus large de la rainure du petit, et donne un libre passage à l'eau, qui coule avec toute la rapidité qu'elle peut avoir dans le réceptacle, qui se remplit en peu de temps, et diminue, abrège la longueur des jours et des heures. Quand, après avoir parcouru de point en point la région du Capricorne, la languette du petit tambour est arrivée au Verseau, la partie la plus large de la rainure, en s'inclinant, s'éloigne de la perpendiculaire, et laisse nécessairement au cours de l'eau un passage plus étroit; le réceptacle se remplit moins vite, ce qui rend les jours plus longs. 14. Après avoir successivement franchi, comme des degrés, tous les points du Verseau et des Poissons, la languette du petit tambour se présente à la huitième partie du Bélier. La rainure offre alors au passage de l'eau une ouverture qui tient le milieu entre sa plus grande largeur et sa plus petite ; ce qui donne les heures équinoxiales. Puis, quittant le Bélier pour traverser les régions du Taureau et des Gémeaux, la languette du petit tambour monte, par suite de son mouvement de rotation, jusqu'à la huitième partie de l'Écrevisse; là elle a atteint les points les plus élevés. L'eau ne peut plus passer que par la partie la plus resserrée de la rainure ; elle coule très lentement ; les heures sont arrivées à leur plus grande longueur dans le signe de l'Écrevisse, au solstice d'été. Descendant de l'Écrevisse pour traverser les signes du Lion et de la Vierge, la languette arrive à la huitième partie de la Balance; la rainure devient insensiblement plus étroite; les heures raccourcissent. Parvenue au droit de la Balance, elle redonne aux heures la longueur qu'elles doivent avoir à l'équinoxe. 15. Descendant de plus en plus à travers les espaces du Scorpion et du Sagittaire, la languette du petit tambour est ramenée par son mouvement circulaire à la huitième partie du Capricorne, et l'eau, sortant avec abondance, reproduit les heures si courtes du solstice d'hiver.Je suis entré avec toute l'exactitude dont je suis capable dans tous les détails de la confection des horloges, afin d'en faciliter l'usage; il me reste à parler des machines et de leurs principes : aussi, pour donner un corps complet d'architecture, vais-je consacrer le livre suivant à cette matière. |
(01) - Nobilibus athletis. Quand des athlètes avaient remporté la victoire, ils étaient honorés d'une couronne aux acclamations du peuple, chantés par les poètes, et reçus dans leur patrie comme des vainqueurs, puisqu'ils y entraient par une brèche faite aux murs de la ville ; leurs noms étaient écrits dans les archives, les inscriptions, et aux monuments publics. Ils étaient toute leur vie révérés de leurs concitoyens, prenaient la première place aux jeux publics; les Grecs, si l'on en croit Horace, les regardaient comme des espèces de dieux :
... Palmaque nobilis (02) - Quid ita non scriptoribus. Aristote, dans la trentième section de ses Problèmes, examine quelles sont les raisons pour lesquelles les anciens honoraient plutôt les athlètes que les savants, et il en rapporte deux. La première est qu'on estime et qu'on admire les choses qui sont faites par la puissance humaine, et non celles que la puissance humaine trouve faites. Or, dit-il, la victoire d'un athlète est l'ouvrage de la force et de l'adresse du corps, au lieu que toute l'intelligence d'un philosophe ou d'un mathématicien n'aboutit qu'à trouver ce qui existe déjà sans elle, puisque les plus belles spéculations se font sur des choses qui existent avant la spéculation. Par exemple, les trois angles de toute sorte de triangles auraient toujours été égaux à deux droits, quand personne n'y aurait jamais pensé. La seconde raison est que, pour donner le prix à ceux qui excellent dans les productions de l'esprit, il faut être capable d'en juger, et que cette capacité ne se rencontre que dans les hommes qui surpassent en esprit ceux dont ils sont les juges. Ce qui n'est pas toujours nécessaire dans les autres jugements : car il n'est personne qui ne puisse voir quel est celui qui surpasse les autres à la course, à la lutte et dans les autres exercices de ce genre. (03) - Quadratus locus. Il est très facile de mesurer un carré. Puisque ses quatre côtés sont égaux, en multipliant deux de ces côtés l'un par l'autre, le produit donnera la surface du carré. Ainsi, chaque côté présentant dix pieds, et le nombre dix multiplié par lui-même donnant cent, la surface du carré contient cent pieds carrés. Mais que l'on veuille doubler cette surface en lui conservant sa figure carrée, on devra chercher la grandeur des côtés de ce carré, pour que la multiplication d'un de ces côtés par lui-même produise les deux cents pieds; ce qu'il sera impossible de trouver : car donnez aux côtés quatorze pieds, le produit sera de cent quatre-vingt-seize; donnez-leur en quinze, le produit sera de deux cent vingt-cinq. Il faudra donc avoir recours aux lignes, et l'on verra ( fig. 98) que le carré aeou, tracé sur la diagonale ae, est double du petit carré aren, dans lequel on a tiré la diagonale. Nous venons de voir qu'il est reconnu en géométrie, qu'en multipliant par elles-mêmes les quantités qui divisent la longueur d'un des côtés du carré, on a l'étendue de sa superficie ; qu'il est encore reconnu, par conséquent, que le côté ar du carré est incommensurable avec sa diagonale ae; qu'il est donc impossible d'indiquer avec des nombres la longueur de la diagonale d'un carré dont on connaît le côté. C'est ce que Vitruve entend, quand il dit qu'on ne peut trouver un nombre qui, multiplié par lui-même, donne un carré qui soit le double d'un autre qui a été produit par un nombre donné. La démonstration qu'il en donne ici est plutôt pratique que géométrique, dit de Bioul. En géométrie, la démonstration de cette proposition ou problème se fait de la même manière que celle de la célèbre proposition d'Euclide, qui est la 47e de son 1er livre, dont il sera bientôt parlé, parce que le carré de l'hypoténuse ae, qui est ici la diagonale du petit carré, est égal aux deux carrés des côtés ar, re; ici, les deux côtés étant égaux, c'est la même chose que si l'on disait que ce carré est le double de celui dans lequel se trouve la diagonale. (04) - Hac ratione. On peut, d'une autre manière que celle que Platon a employée, doubler un carré dont les quatre côtés sont égaux. Si vous entourez le carré donné d'un cercle, de manière que le cercle touche les quatre angles du carré, et que vous renfermiez ce cercle dans un nouveau carré, cet autre carré sera double du premier.
(05)
- Namque si sumantur regulae tres. La figure
99 explique clairement tout ce qui est dit ici des propriétés et des
usages des trois règles de Pythagore ; le texte même, sans la figure,
est assez clair.
(06) - Ita quantum aere pedum numerum duo quadrata ex tribus pedibus longitudinis laterum et quatuor efficient, atque tantum numerum unum ex quinque descriptum. La 47e proposition du 1er livre d'Euclide est que le carré 25 (fig. 100) fait sur celui des côtés d'un triangle rectangle ae, qui est sous l'angle droit z, est égal aux deux autres carrés 16, 9, qui sont faits sur les deux autres côtés az, ez. Et cela est vrai de tous les triangles rectangles. Celui de Pythagore a cela de particulier, qu'il est le premier de ceux dont les côtés sont comme nombre à nombre. (07) - Hostias dicitur iis immolavisse. Cicéron dit que Pythagore avait coutume d'immoler un boeuf toutes les fois qu'il découvrait quelque chose de nouveau eu géométrie; mais Athénée rapporte qu'il en immola cent pour avoir découvert la proposition dont il s'agit. (08) - Erit earum quinque in scalis scaporum justa longitudine inclinatio. Galiani reproche à Perrault de n'avoir pas assez respecté le texte, et d'avoir substitué scapus scalarum aux mots scalis scaporum, qui se trouvent dans tous les manuscrits. Scapus signifie un fût de colonne, un poteau; ainsi scapus scalarum signifierait le poteau qui sert de noyau ou de vis à un escalier rond. Perrault dit ensuite : Les degrés des escaliers qui sont carrés oblongs, et qui ont des rampes droites, sont appuyés sur des poteaux inclinés suivant la pente des rampes : les charpentiers appellent ces poteaux les limons de l'échiffre. J'ai cru, ajoute-t-il, que Vitruve les a voulu désigner par scapi scalarum : car je crois avoir eu raison de corriger cet endroit, en mettant scapi scalarum au lieu de scala scaporum, parce qu'il est vrai de dire que les escaliers ont des poteaux, et non pas que les poteaux ont des escaliers. Voici comment Perrault aurait dû faire la construction : Erit in scalis inclinatio scaporum. Rien ne répugne donc à ce que le texte reste tel qu'il est, pour exprimer le limon de l'échiffre qui est une pièce de bois posée obliquement, ou un ouvrage en pierre ou en maçonnerie qui sert à porter les marches. (09) - Ita enim erunt temperatae graduum et ipsarum scalarum collocationes. La proportion des degrés prise sur celle du triangle de Pythagore n'est pas suivie partout, dit Perrault. Nous trouvons en France qu'elle rend les escaliers trop roides, et nous voulons que ce que Vitruve appelle le pied des échiffres en (fig. 99), ait au moins le double de ce qu'il nomme la perpendiculaire ea. (10) - Posteaquam indicium est factum. Philander pense que Vitruve a lait venir indicium du mot index, dont on s'est quelquefois servi pour désigner la pierre de touche qu'on emploie pour éprouver les métaux. Les Latins l'appellent aussi coticula Théophraste lui a donné le nom d'héracléenne, Pline celui de lydienne.
... Perjuraque pectora vertit D'après cela, Perrault a traduit indicium par pierre de touche. Mais Galiani n'adopte point leur opinion; il trouve que la signification qu'ils ont donnée à ce mot répugne au sens de l'auteur : si en effet, dit-il, le roi Hiéron avait connu par la pierre de touche le vol qu'on lui avait fait, en mêlant de l'argent à l'or, quel besoin aurait-il eu d'avoir recours à Archimède ? Galiani croit donc que indicium signifie simplement la connaissance que l'on a d'une chose par un signe quelconque. Newton et Ortiz sont du même avis; et même, selon Ortiz, la pierre de touche n'aurait été connue que 200 ans avant J.-C.; mais c'est une assertion qu'il n'appuie sur aucune autorité. Et une observation qui conclut d'une manière péremptoire contre l'inexactitude de la traduction de Perrault, c'est celle de M. Bary, professeur de physique au collège Charlemagne et répétiteur à l'École polytechnique. « Pour conserver sa couleur, dit-il dans une note (p. 108) de la traduction de Priscien par M. Corpet, l'or aurait dû être appliqué sur l'argent, et non allié à l'argent par fusion ; or, une parcelle de ce placage, de ce masque d'or pur, détachée et posée sur une pierre de touche, n'aurait pu trahir le fripon. Il est plus naturel de penser que la fraude fut découverte ou par suite d'une dénonciation (indicium), ou sur quelque soupçon causé au roi par le trop grand volume de la couronne. » (11) -
Uti arce
ejus quantum haberent pedum quadratorurn, id duplicaretur.
Selon Vitruve, on doit à Architas de Tarente et à Ératosthène de
Cirène la solution du problème de la duplication du cube. Cette
découverte a été très célèbre dans l'antiquité. Les Grecs, qui
aimaient le merveilleux, ont arrangé deux fables pour la rendre plus
intéressante. Elles sont toutes deux rapportées dans la lettre
d'Ératosthène à Ptolémée, qui est parvenue jusqu'à nous. Nous
venons de voir la première dans Vitruve, qui prétend qu'on a trouvé
cette solution à l'occasion de l'oracle rendu par Apollon. Dans la
seconde, on introduit Minos, élevant un monument à Glaucus, et voulant
qu'il représentât un cube qui fût le double d'un autre cube, dont
chaque face aurait cent palmes de superficie. On crut d'abord parvenir à
le faire en doublant les faces ; mais il arrivait qu'au lieu de les
doubler, on les quadruplait, ce qui produisait un cube dont le solide
était huit fois aussi fort que celui qu'on voulait seulement doubler. On
proposa la question à plusieurs géomètres, qui ne purent la résoudre.
Il n'y eut qu'un certain Hippocrate de Chio qui, après avoir réfléchi
à la nature relative des cubes, reconnut que tout le problème se
réduisait à trouver deux moyennes proportionnelles entre deux lignes
droites, dont l'une serait deux fois plus grande que l'autre parce qu'en
formant un cube sur la première des deux moyennes proportionnelles,
celui-ci serait au cube donné, en raison triple des côtés, comme la
première de ces quatre lignes proportionnelles est à la dernière,
c'est-à-dire le double. Si nous en croyons les Grecs sur parole, voilà
comment fut trouvée la solution de ce fameux problème. Il est plus
probable cependant que les Égyptiens la leur avaient fait connaître avec
le reste de la géométrie; mais il paraît qu'on la perdit par la suite,
puisqu'elle fut le sujet des recherches de plusieurs savants, parmi
lesquels on compte Platon, Archimède, Ménechme, Philon, Héron, Pappus,
Apollonius, etc. Ils parvinrent par différentes méthodes à la
retrouver. (12) - Quod inscribitur Χειροκμήτων. C'était un recueil composé de fables. « Il est hors de doute que le livre intitulé Chirocmeta est de Démocrite, » dit Pline, Hist. Nat., liv. XXIV, ch. 102. On comprend difficilement que des hommes comme Pythagore et Démocrite aient pu attacher de l'importance à de semblables choses. « Les premiers qui ont célébré les plantes magiques, en Europe, sont Pythagore et Démocrite, tous deux attachés à la doctrine des mages, » dit Pline, même livre, ch. 99. Je renvoie au liv. XXIV, ch. 102 du naturaliste romain ceux qui voudraient avoir des échantillons des faits merveilleux qu'ils débitent. (13) - Signans cera ex milto. Que de variantes présente ce passage! La bonne version est certainement celle qu'a adoptée Philander. Milto est la même chose que minio; il n'était pas toujours nécessaire d'y ajouter le mot cera
Nec titulus minio, nec cedro charta notetur, Cera ex milto, c'est de la cire coloriée avec du cinabre, miniata cerula, comme dit Cicéron dans la lettre 14 du liv. XV adressée à Atticus : « Quae quidem, vereor, ne miniata cerula pluribus locis notanda sint; » et dans la lettre II du liv. XVI, au même : « Cerulas enim tuas miniatulas illas extimescebam. » Dans ces passages, Cicéron nous fait voir que ce qu'Atticus n'approuvait pas dans ses lettres, il le marquait ordinairement avec de la cire rouge. C'était de cette manière que Démocrite signalait les choses qu'il avait lui-même examinées. (14) - Et prioribus septem de aedificiis. Anciennement on comptait trois chapitres à partir du quatrième alinéa, et Perrault Galiani et de Bioul n'ont rien changé à cette division, tout en reconnaissant qu'ils devraient faire partie de l'introduction, puisqu'ils contiennent trois découvertes que l'auteur rapporte comme exemples, pour prouver l'avantage de la philosophie. Le premier chapitre en contient une de Platon : il comprend les alinéa quatrième et cinquième; le second, une de Pythagore : il comprend les alinéa sixième, septième et huitième; le troisième, une d'Archimède : il comprend le reste de l'introduction. Ces découvertes n'ont aucun rapport avec l'objet principal de ce livre, qui traite de la gnomonique. Ensuite la manière dont l'auteur termine ce troisième chapitre, prouve évidemment que c'était seulement là que finissait l'introduction et que devait commencer le livre. (15) - Non eadem Placentiae. Il est assez étonnant que Vitruve cite ici spécialement Plaisance, qui n'était point une capitale comme Rome, Alexandrie et Athènes. Il est vrai que c'était une ancienne colonie romaine, qui par sa position pouvait arrêter les incursions des Gaulois. Si l'on ne savait d ailleurs qu'elle ne fut point la patrie de Vitruve, on pourrait croire que c'était une distinction dont il voulait honorer sa patrie. Il est probable qu'il y avait fait, pour veiller à l'organisation des machines de guerre, quelque séjour, pendant lequel il s'était livré à des études sur l'ombre du gnomon, lorsqu'il écrivait ce livre. (16) - Analemma est ratio conquisita solis cursu. Le mot analème vient, de ἀνάλημμα, qui signifie hauteur, parce que cet instrument sert à trouver la hauteur du soleil, à une heure quelconque, par une opération graphique. C'est pourquoi, comme le dit de Bioul, on appelait analèmes des espèces de cadrans qui montraient la hauteur que le soleil avait tous les jours à midi; par la grandeur des ombres du gnomon, ils n'indiquaient pas les heures, mais seulement les mois et les signes. Depuis, on y joignit des cadrans horaires; par là ils marquaient ensemble et les mois par la longueur des ombres, et les heures par leur inclinaison, ce qui était nécessaire pour les cadrans d'alors, parce que, comme nous le verrons tout à l'heure, les Romains divisaient le jour eu douze heures et les nuits également, si bien que pendant une partie de l'année, c'étaient les heures du jour qui étaient les plus longues, et pendant l'autre, c'étaient celles de la nuit. (17) - Et umbrae decrescentis a bruma observatione inventa. Saumaise, qui a modifié ce passage en mettant a bruma au lieu de a brumae observatione, ne l'a corrigé qu'à demi : car au lieu de crescentis il faut évidemment lire decresrentis, parce qu'il n'est pas vrai que les ombres des gnomons commencent à croître après le solstice d'hiver; c'est, au contraire, le temps où elles commencent à diminuer, jusqu'au solstice d'été, où elles sont les plus courtes. (18) - Mundus autem est omnium naturae rerum conceptio summa. « Le monde entier, dit Apulée (de Mundo), est composé de deux substances, du ciel et de la terre, et de tout ce qui participe à leur double nature. On peut dire encore que le monde est un ordre magnifique, établi par la providence divine, conservé par le soin vigilant des dieux, ayant pour pivot (je traduis ainsi le mot k¡nyron) solide et immobile, cette terre où se produisent et vivent toutes sortes d'animaux. » Voyez le t. III, p. 375 des Oeuvres d'Apulée de l'édition Panckoucke, traduites par M. Bétolaud. (19) - Per axis cardines extremos. ῎Αξων κόσμου; dit Proclus, ἐστὶν ἡ διάμετρος περὶ ἣν στρέφεται . Lucain, Pharsale, liv. I, v. 56 :
Aetheris immensi partem si presseris unam, Galien fait observer, dans son quatrième commentaire sur le vie livre d'Hippocrate, Des maladies ordinaires, que les anciens appelaient aether le ciel parfaitement pur, et aer le ciel couvert de nuages. Homère qui, en sa qualité de poète, pouvait se donner carrière, a fait porter à Atlas (Odyssée, liv. 1, v. 51) des colonnes qui soutiennent le ciel et la terre :
νῆσος δενδρήεσσα, θεὰ δ' ἐν δώματα ναίει, (20)
- Ibique circum eos cardines orbiculos, tanquam
circum centra ut in torno, perfecit. Le ciel tournant sur deux
pivots présente une image un peu matérielle; mais alors tous les auteurs
s'accordaient à dire que le ciel tournait autour d'un axe dont les
extrémités s'appelaient pôles : c'était une opinion reçue. (21) - Qui Graece πόλοι nominantur. Les Latins se servaient du mot vertex pour désigner les pôles :
Hic vertex nobis semper sublimis... Pline et ceux qui ont imité les Grecs ont employé, pour les désigner, le mot polus, de πόλος, dérivé de πολέω, je tourne. (22) - Uti septentrionali parte a terra excelsius habeat altitudine centrum. Du temps de Vitruve, on était fort ignorant en fait de géographie et de sphère. Les uns croyaient que la terre était un corps plat, les autres un cylindre, les autres enfin un tympan. Vitruve partageait une de ces erreurs; on voit que ses idées sur le globe terrestre n'étaient pas justes, qu'il ignorait surtout les trois différentes positions de la sphère, l'horizontale, la verticale et l'oblique : car il considère la sphère comme si l'on devait toujours la placer obliquement; parce que c'est la position qu'elle doit avoir à Rome, il croit qu'elle ne doit point en avoir d'autre pour toutes les parties de la terre. Voilà pourquoi il dit que la terre cache le pôle antarctique; et les notions que les anciens avaient sur l'hémisphère austral étaient extrêmement étroites. Ils connaissaient pourtant les antipodes, ou plutôt ils comprenaient la possibilité des antipodes. «Il y a ici une grande controverse entre les savants et le vulgaire, dit Pline (Hist. Nat., liv. II, ch. 65). « Quoi, une sphère qui de toutes parts porte des hommes! Les hommes debout, pieds contre pieds, tous ayant le ciel pour dôme, tous foulant la terre! Et comment les antipodes ne tombent-ils pas? Comme si ces antipodes ne pouvaient pas en demander au-tant ! etc. » (23) - Exprimit depictam a natura figurationem. Il serait plus vrai de dire que cela a été l'affaire du génie des hommes. Les anciens astronomes ayant remarqué certaines figures dans la disposition des étoiles, ont donné à ces groupes certains noms tirés de leur ressemblance avec les objets qui leur étaient le plus familiers. Dans les premiers temps ces noms étaient peu nombreux; dans Job, dans Homère, dans Hésiode, nous ne trouvons que sept constellations qui aient des noms. Ce nombre fut considérablement augmenté, surtout par les modernes, qui, à l'aide des télescopes et de la navigation, ont pu observer un grand nombre d'étoiles. Vitruve décrit quarante-huit constellations distinctes, déjà connues depuis longtemps, savoir, les douze signes du zodiaque, vingt autres qui se trouvaient dans l'hémisphère boréal, seize dans l'hémisphère austral. Il ne fait que nommer Canope, parce que, en Europe, on ne le découvre jamais. Dans cette description, c'est le système de Démocrite qu'il suit, comme il nous le dit au ch. 5 (page 351) : c'est sans doute là la raison pour laquelle il ne parle pas de la Chevelure de Bérénice. Il ne nomme pas, non plus, le Petit Cheval, parce que cette constellation ne prit figure qu'après Démocrite. Antinoüs ne fut, non plus, décrit et dénommé que dans les temps qui suivirent Vitruve. On peut douter que le signe de la Balance fût figuré au temps d'Auguste, bien qu'il soit nommé par Vitruve. (24) - Tunc per ea signa contrario corse Luna, stella Mercurii, Veneris, ipse, Sol, itemque Martis, et Jouis, et Saturni. L'ordre que suit Vitruve dans la description de chacune de ces planètes semblerait faire croire que les mots ipse Sol ne sont pas à leur place, et devraient venir immédiatement après Luna.
M. l'abbé Roussier, dans un savant Mémoire sur la musique des anciens, croit que cet arrangement des jours et des heures vient des intervalles de la musique, comme l'insinue Xiphilin, d'après Dion, et il en a donné des preuves qui paraissent très fortes, dans les Mémoires de Trévoux, ou Journal des beaux-arts et des sciences, novembre et décembre 1770, et août 1771. L'ordre des douzièmes et des quintes justes est exprimé par les tenues de la progression triple 1, 3, 9, 27, 81, 243, 729, auxquels répondent les sons si, mi, la, ré, sol, do, fa, dont on a formé la série des sept tons diatoniques si, do, ré, mi, fa, sol, la; ou, selon les idées modernes, do, ré, mi, fa, sol, la, si. Dion Cassius nous dit que les jours de la semaine forment entre eux une consonance de quarte ; or, si l'on applique aux jours de la semaine la série des quartes si, mi, la, ré, do, fa, qui en est le résultat, il nous sera très-aisé d'en déduire l'ordre que les Égyptiens, ou pour mieux dire les Chaldéens, avaient mis entre les planètes. Il ne faut pour cela que disposer les sons de cette série, selon l'ordre diatonique qu'ils ont dans le système des Grecs, savoir : si, do, ré, mi, fa, sol, la, et nous aurons pour les planètes l'ordre suivant : Saturne, Jupiter, Mars, le Soleil, Vénus, Mercure, la Lune. C'est en effet là l'ordre des planètes suivant les Égyptiens, en partant de Saturne, qui est la plus éloignée. La quarte a été de tout temps regardée en Grèce comme la première des consonances; mais il faut observer que, chez eux . cette quarte se prenait en descendant, ce qui revient pour lors à notre quinte en montant; si l'on abaisse chacune de ces notes d'une ou de plusieurs octaves, ce qui ne change point la nature des tons, à cause de l'identité des octaves, on retrouve le système diatonique des Grecs, savoir : si, do, ré, mi, fa, sol, la, qui donne pour les planètes l'ordre ancien : Saturne, Jupiter, Mars, le Soleil, Vénus, Mercure, la Lune. C'est cet ordre qui, appliqué périodiquement aux vingt-quatre heures du jour, pro-duit à son tour l'ordre des quartes que l'on remarque entre les jours de la semaine : Saturne, le Soleil, la Lune, Mars, Mercure, Jupiter, Vénus; et cet ordre de la semaine commence par Saba-the, Sabaï ou Saturne, le plus ancien des dieux, et la planète la plus grave, la plus lente et la plus éloignée. Voici donc l'ordre des planètes correspondant aux jours de la semaine, avec les sons qu'elles désignent, et les nombres qui fixent à ces sons leur intonation radicale 1 3 9 27 81 243 729 si mi la ré sol do fa Saturne Le Soleil La Lune Mars Mercure Jupiter Vénus I II III IV V VI VII A l'ordre que suit Vitruve en nommant les planètes, on reconnaît, dit de Bioul, qu'il adopte les principes qui furent par la suite la base du système de Ptolémée qui fait de la terre un centre immobile de l'univers. Ce fut cependant plus de cent cinquante ans après, que Ptolémée publia son livre intitulé De la grande construction des planètes, qui contient les principes du système qui a porté son nom, sans que pour cela il en fût l'auteur; il existait longtemps avant lui; Ptolémée a seulement rassemblé dans son ouvrage ce qu'Aristote et Posidonius avaient pensé sur l'ai-rangement du monde, en y ajoutant toutefois quelques réflexions qui étaient de lui. Il est donc assez curieux de trouver dans Vitruve un traité d'astronomie écrit longtemps avant que Ptolémée eût publié le sien. Celui-ci, en rédigeant son ouvrage, avait rectifié tous les calculs et perfectionné le travail de ses prédécesseurs. Du temps de Vitruve, on n'avait pas encore calculé d'une manière bien exacte le temps que les planètes emploient à parcourir leur orbite, ou du moins Vitruve ne s'en était pas assuré, ou encore, ce qui est plus probable, les copistes ont fait plusieurs fautes, puisqu'on rencontre bon nombre de contradictions dans le texte. Les anciens ne connaissaient donc que six planètes, y compris la Terre ; le Soleil et la Lune doivent être retranchés de ce nombre. On en compte aujourd'hui seize, dont voici l'ordre à partir de l'astre central : Mercure, Vénus, la Terre, Mars, Jupiter, Saturne, Uranus ou Herschell, Neptune ou Le Verrier, et le groupe des petites planètes dites Astéroïdes, actuellement connues au nombre de huit : Cérès, Pallas, Junon, Vesta, Astrée, Hébé, Iris et Flore. (25) - Ab occidente ad orientem in mundo pereagantur. Toutes les étoiles errantes, c'est-à dire les planètes, font leur rotation en sens inverse du monde, c'est-à-dire, selon Pline (Hist. Nat., liv. II, ch. 6), vers la gauche, tandis que le monde se meut vers la droite. Pline place la droite du monde au couchant, à l'exemple de Varron, qui avait dit en parlant du ciel : « Ejus templi partes quatuor dicuntur, sinistra ab oriente, dextra ab occasu, antica ad meridiem, postica ad septentrionem. » C'était, comme le présume l'annotateur de Pline, une prétention propre aux Occidentaux. Au contraire, Pythagore, Platon et Aristote mettent la droite du monde à l'orient et la gauche à l'occident (PLUTARQUE, Opinions des philosophes, liv. II, ch. 10), et Empédocle plaçait la droite du monde vers le tropique d'été, et la gauche vers le tropique d'hiver. Selon Solin et Hygin, le septentrion est la droite du monde, et le midi la gauche. Les Juifs prennent le midi pour la droite et le nord pour la gauche. Les Égyptiens placèrent la droite du monde au nord, et la gauche au sud (PLUTARQUE, sur Isis et Osiris). Ptolémée place la droite du monde à l'est. On se contente aujourd'hui d'exprimer les positions respectives par deux des points cardinaux. On dit donc : la Terre tourne d'occident en orient; le Soleil et la Lune tournent d'orient en occident, etc. (26) - Luna die octavo et vigesimo et amplius circiter hora. Pline (Hist. Nat., liv. II, ch. 6) dit qu'il suffit à la Lune, la planète la plus voisine de la Terre, de 27 j. 1/3 pour décrire la révolution que Saturne, la plus éloignée, n'achève qu'en 30 ans. Martianus Capella (liv. VIII) dit qu'il lui faut 27 j. 2/3; Cassiodore (lïb. Variar., II), 30 j. Voici, du reste, ce qu'il dit sur le cours des planètes :
Saturne parcourt en 30 ans son orbite; Jupiter, en 12 ans; Mars, en 18
mois; le Soleil, en 1 an ; Vénus, en 15 mois ; Mercure, en 13 mois; la
Lune, en 30 jours. D'après les observations les plus certaines des astronomes modernes, la révolution périodique de la Lune, c'est-à-dire le temps que la Lune emploie à revenir au point du zodiaque d'où elle est partie, embrasse 27 j. 7 h. 43' 11". Sa révolution périodique, c'est-à-dire l'espace de temps compris entre deux conjonctions de la Lune avec le Soleil, ou entre deux nouvelles lunes, est de 29 j. 12 b. 44' 2". La raison de cette différence vient, comme on sait, de ce que, pendant une révolution de la Lune, le Soleil fait environ 27° dans le même sens : il faut donc pour que la Lune se retrouve en conjonction avec le Soleil, qu'elle le rattrape, et il lui faut pour cela 2 j. 5 h. 0' 51".On voit que Pline est presque d'accord avec les astronomes modernes. (27) - Sol autem.... perficit spatium vertentis anni. Le Soleil, comme les autres planètes, a un double mouvement de rotation : l'un par lequel il est emporté avec le Inonde, d'orient en occident; l'autre par lequel il parcourt son orbite dans le sens opposé au mouvement du monde. Le Soleil, d'après les observations des astronomes modernes, fait sa révolution en 365 j. 5 h. 48' 48", c'est-à-dire en un an. Hipparque, le plus grand astronome de l'antiquité, a évalué l'année solaire à 365 j. 5 h. 55' 12". Avant Thalès (611 avant J.-C.), les Grecs évaluèrent l'année solaire à 36o j.; mais ils corrigèrent l'inexactitude de cette estimation, en observant avec soin les levers héliaques des Pléiades, et en posant comme principe que le solstice d'été a lieu 40 j. après cette émersion matutinale des rayons du Soleil. Thalès, en évaluant l'année solaire à 365 j., imita les Égyptiens, dont l'année civile et religieuse ne dépassait pas ce nombre. Platon et Eudoxe apprirent, vers 370, en Égypte, que l'année solaire était de 6 h., ou de 5 h. 55' 12" plus grande que l'intervalle de 365 j. Hérodote (liv. II, ch. 4) pense avec Thalès que l'année solaire renferme 365 j., et rien de plus : « Les prêtres de Vulcain me dirent tous unanimement que les Égyptiens avaient inventé les premiers l'année, et qu'ils l'avaient distribuée en douze parties, d'après la connaissance qu'ils avaient des astres. Ils me paraissent en cela beaucoup plus habiles que les Grecs, qui, pour conserver l'ordre des saisons, ajoutent au commencement de la troisième année un mois intercalaire, au lieu que les Égyptiens font chaque mois de 30 j., et que tous les ans ils ajoutent à leur année 5 j. surnuméraires au moyen desquels les saisons reviennent toujours au même point. » Lorsque l'idée d'un être purement spirituel se fut effacée dans l'esprit des hommes, le premier objet de leur idolâtrie fut le Soleil. Sa beauté, le vif éclat de sa lumière, la rapidité de sa course, sa régularité à éclairer successivement toutes les parties de la terre, et à porter partout la lumière et la fécondité; tous ces caractères essentiels à la Divinité, trompèrent aisément les hommes grossiers :C'était le Bel, ou Baal des Chaldéens ; le Moloch des Chananéens; le Béclphégor des Moabites; l'Adonis des Phéniciens et des Arabes; le Saturne des Carthaginois; l'Osiris des Égyptiens ; le Mithras des Perses; le Dionysius des Indiens; l'Apollon ou Phébus des Grecs et des Romains. Pindare, Homère, Virgile, Ovide, etc., l'ont célébré dans leurs vers comme le père et le modérateur des saisons, l'oeil et le maître du monde, les délices des humains, la lumière de la vie, etc. (28) - Quem circulum luna terdecies in duodecim mensibus percurrit. Supposé le mois lunaire de 28 j., comme le dit Vitruve, treize de ces mois composent un nombre de 364 j. Mais il est constant que les lunaisons sont alternativement tous les ans de 13 et de 12, parce qu'en effet la révolution sydonique de la Lune prend un temps qui approche plus de 30 j. que de 29. (29) - Mercurii autem et Veneris stellae. Vitruve ne paraît pas d'accord avec ce qu'il a dit plus haut, et fait ici du Soleil le centre des révolutions de Mercure et de Vénus ; mais il faut comprendre que le Soleil, avec ces deux étoiles qui roulent autour de lui, fait sa révolution autour de la Terre. Vénus ne s'éloigne jamais du Soleil de plus de 48°, et Mercure de plus de 28° 20'. (30) - Regressus retrorsum et retardationes faciunt. On appelle planète rétrograde, celle qui se meut contre l'ordre des signes, c'est-à-dire d'orient en occident. Celle qui parait pendant quelques jours dans le même point du ciel, se nomme stationnaire. Quand une planète marche selon l'ordre, la suite et la succession des signes, on l'appelle directe. Le Soleil et la Lune paraissent toujours directs; Saturne, Jupiter, Mars, Vénus et Mercure sont quelquefois directs, quelquefois stationnaires, quelquefois rétrogrades. L'intervalle de temps entre les deux rétrogradations de différentes planètes est différent : Dans Saturne, il est de 1 an et 13 j.; dans Jupiter, de 1 an et 43 j.; dans Mars, de 2 ans et 50 j.; dans Vénus, de 1 an et 220 j.; dans Mercure, de 115 j. Saturne demeure rétrograde pendant environ 140 j.; Mars, pendant 73 j.; Vénus, pendant 42 j.; Mercure, pendant 22 j. Ces changements de cours et de mouvements des planètes ne sont qu'apparents. Si les planètes étaient vues du centre du système, c'est-à-dire du Soleil, leurs mouvements paraîtraient toujours uniformes et réguliers, c'est-à-dire dirigés d'occident un orient. Les inégalités qu'on y observe, vues de la Terre, naissent du mouvement et de la position de la Terre, d'où on les voit. L'opinion de Vitruve, qui attribue aux rayons du Soleil la cause des stations et des rétrogradations des planètes, est rapportée par Pline (Hist. Nat., liv. II, ch. 13 ), qui en parle comme s'il en était le premier auteur : « Frappées, dit-il, par les rayons solaires, les planètes, au lieu de suivre leur route directe, obéissent à la force ignée qui les porte vers les hautes régions.»„ Comme nous l'avons remarqué, dit de Bioul, Pline était de beaucoup postérieur à Vitruve ; nous avons vu même qu'il avait souvent compilé notre auteur; ainsi cette opinion n'est pas de lui. Dans le fond, elle n'est pas très ingénieuse; mais en supposant la Terre dans le centre, et en faisant tourner les planètes autour d'elle, il fallait bien se contenter de ces raisons pour expliquer ces stations et ces rétrogradations apparentes des planètes de Mercure et de Vénus. Dans l'hypothèse de Copernic, où le Soleil est le centre de l'univers, toutes les difficultés disparaissent. Si nous voyons, en effet, passer la planète de Vénus sous quatre signes, et qu'ensuite nous la voyions s'arrêter ou reculer sous ces signes, ce n'est pas parce qu'elle ne tient pas une route uniforme; mais cette diversité d'aspects, cette apparence d'irrégularité, vient de ce qu'elle tourne autour du Soleil et que la terre y tourne aussi, mais Vénus plus vite et la Terre plus lentement. (31) - Iter autem in mundo Mercurii Stella ita pervolitat. « L'astre le plus voisin de Vénus, dit Pline (Hist. Nat., liv. II, ch. 6), est Mercure, ou, comme l'appellent quelques auteurs, Apollon. Il parcourt une orbite inférieure, et achevant sa révolution en 339 jours, il paraît alternativement avant le lever et après le cou-cher du soleil, dont jamais il ne s'éloigne plus que de 23°, suivant Timée et Sosigène. Mercure est la plus petite des planètes inférieures et la plus rapprochée du Soleil. L'inclinaison de son orbite, c'est-à-dire l'angle formé par le plan de son orbite avec le plan de l'écliptique, est de 6° 52'. Son diamètre est à celui de la Terre comme 3 est à 4 ; conséquemment son globe est à celui de la Terre à peu près comme 2 est à 5. Sa révolution autour du Soleil se fait en 8 j. 23 h. Mercure a ses phases comme la Lune, selon ses différentes positions avec le Soleil et la Terre. Il parait plein dans ses conjonctions supérieures avec le Soleil, parce qu'alors nous voyons tout l'hémisphère illuminé; mais dans ses conjonctions inférieures, on ne voit que l'hémisphère obscur; sa lumière va en croissant ou en diminuant, comme celle de la Lune, à mesure qu'il se rapproche ou qu'il s'éloigne du Soleil. Ce qui prouve la fausseté du système de Ptolémée, c'est qu'on aperçoit bien quelquefois Mercure entre la Terre et le Soleil, et quelquefois au delà du Soleil, mais que jamais on ne voit la Terre entre Mercure et le Soleil, ce qui devrait arriver, si les cieux de toutes les planètes renfermaient la Terre dans leur centre, comme le suppose Ptolémée. (32) - Veneris. « Au-dessous du Soleil, dit Pline (Hist. Nat., liv. II, ch. 6), roule un grand astre nommé étoile de Vénus. Il a deux cours alternatifs, et ses surnoms indiquent à la fois le rival du Soleil et de la Lune. » Il finit en disant que par lui tout naît sur la terre, que la rosée fécondante qu'il répand, à l'un et à l'autre de ses deux levers, non seulement remplit le sein productif de la terre, mais encore stimule la force génératrice des animaux. Cette dernière idée sur Vénus était partagée par les Grecs et les Romains ; Lucrèce s'en est servi pour commencer son poème par une invocation à cette déesse : « Mère des Romains, dit-il, charme des dieux et des hommes, bienfaisante Vénus, etc. » (33)
- XXX diebus percurrit signi spatium.
Perrault fait remarquer qu'il y a ici une erreur, et qu'on doit écrire
quarante au lieu de trente. Newton fait la même observation; mais le sens
de Vitruve n'a été saisi ni par Perrault ni par Newton. Ils ont traduit
comme si l'auteur avait entendu que cette planète ne devait rester que 30
j. dans chaque signe, et que si elle y restait 40 j., arrêtée par les
rayons du soleil, elle regagnait le nombre de jours qu'elle avait tardé
dans ce signe, en allant plus vite dans les autres. Ce n'est pas là ce
qu'a voulu dire l'auteur ; il entend, au contraire, que le moins de temps
que peut rester la planète dans un signe, c'est 30 j.: ce qui n'arrivait,
suivant l'opinion d'alors, que quand elle n'était pas arrêtée par les
rayons du Soleil ; qu'autrement elle y restait 40 j., et que, quand elle
y restait moins de 40 j., elle retardait sa marche dans les autres signes,
puisqu'il lui fallait nécessairement 485 j. pour parcourir son orbite. (34) - Martis. Mars est une des trois planètes supérieures; elle est placée entre la Terre et Jupiter. L'inclinaison de son orbite est de 1° 52' ; sa révolution autour du Soleil se fait en 1 an 331 j. 23 h., et autour de son axe en 24 h. 40'. Il a des phases différentes, selon ses différentes situations à l'égard de la terre et du Soleil. Dans sa situation acronyque, c'est-à-dire lorsqu'elle est en opposition avec le Soleil, elle se trouve deux fois plus près du Soleil, phénomène qui a beaucoup servi à faire tomber absolument l'hypothèse de Ptolémée. « Mars, dit Pline (Hist. Nat., liv. II, ch. 6), ou, selon quelques-uns, Hercule, astre étincelant, et qu'embrase le voisinage du Soleil, met presque 2 ans à opérer sa révolution. Ce furent les Égyptiens et les Chaldéens qui donnèrent à Mars le nom d'Hercule. Les Grecs le surnommèrent πυρόεις, igné, tout feu et tout flammes. Mars étant très voisin du Soleil, doit avoir en effet une température très élevée; toute petite qu'est cette planète, elle ressemble au feu par la vivacité de sa lumière. Hygin donne à ce surnom une origine toute mythologique. (35) - Jovis. Galiani, d'après le manuscrit du Vatican, veut que la planète de Jupiter ne reste que 360 j. dans chaque signe, ce qui fait pour la révolution entière 11 ans 316 j., calcul à peu près conforme à celui de Ptolémée. Mais si l'on calcule d'après le nombre de 365 j. passés dans chaque signe, il y aura pour le tout 12 ans et 22 jours, ce qui ne se rapporte ni au calcul de Ptolémée, ni à la version commune de 11 ans 363 j. Mais Ortiz fait remarquer que Vitruve dit que l'étoile de Jupiter parcourt chaque signe en 365 j. environ, c'est-à-dire en 364 j. 20 h.; que, par conséquent, la révolution entière se fait en 11 ans 363 j., comme on le voit dans le texte. Newton avertit qu'en général le temps que Vitruve assigne aux planètes pour leur révolution, ne s'accorde pas, surtout pour Mercure et Vénus, avec celui que leur donnent les astronomes modernes, qui ne, sont pas plus d'accord avec Ptolémée et Pline. Ainsi les planètes font leur révolution périodique :Mercure en 87 j. 23 h. 21' 43" ; Vénus en 224 j. 16 h. 49' 11"; la Terre en 365 j. 6 h. 9' 11"; Mars en 686 j. 23 h. 30' 39"; Jupiter en 4332 j. 14 h. 18' 40" ; Saturne en 10758 j. 23 h. 16' 34". Revenons à Jupiter. C'est une des planètes supérieures; elle est remarquable par son éclat; elle est située entre Saturne et Mars et tourne autour de son axe en 9 h. 56'. Nous venons de voir en combien de jours elle fait sa révolution périodique autour du Soleil. C'est la plus grande des planètes. L'inclinaison de son orbite est de 20'. Quoique Jupiter soit la plus grande des planètes, c'est néanmoins celle dont la révolution autour de son axe est la plus prompte. La vitesse de la rotation rendant la force centrifuge de ses parties fort considérable, fait que l'aplatisse-ment de cette planète est beaucoup plus sensible que celui d'aucune autre; aussi a-t-on remarqué que la longueur de son axe est au diamètre de son équateur comme 8 est à 9. (36) - Saturni. « Saturne, que les Grecs surnomment φαίνων, luisant, est le plus haut des astres; son orbite est la plus vaste de toutes, dit Pline (Hist. Nat., liv. ch. 6), et en trente ans, il revient à l'espace minime d'où il était parti. Il est froid et glacé. » L'année de Saturne renferme donc 30 années solaires; elle est plus longue que celle des autres planètes connues des anciens; cette planète est plus éloignée de la terre que toutes les autres (excepté, bien entendu, Uranus découvert si longtemps après Pline, et dont la révolution périodique est de 30.688 j. 17 h. 6' 16") ; son orbite renferme, par conséquent, celle des autres planètes. L'inclinaison de l'orbite de Saturne à l'écliptique est de 2°33' 32".On doute si Saturne tourne autour de son axe comme les autres planètes; aucune observation astronomique ne le prouve. Les phases de Saturne sont très-variées et fort singulières; il a, comme Mars et Jupiter, des bandes changeantes ; il parait tantôt rond et tantôt elliptique; mais ce qu'il a de plus remarquable, ce sont deux espèces d'anses lumineuses qui paraissent et disparaissent de temps en temps. Il a une chose qui lui est particulière : c'est un anneau qui l'entoure à peu près connue l'horizon d'un globe, sans le toucher en aucun endroit. (37) - Maxime quum in trigone fuerint. Les anciens comptaient cinq aspects, la conjonction, l'opposition, l'aspect trine, l'aspect quadrat, l'aspect sextil. Or, par aspect il faut entendre la rencontre ou l'angle des rayons lumineux qui viennent de deux planètes à la Terre. La conjonction est la rencontre de deux astres ou de deux planètes, du même côté de la Terre, dans le même degré du zodiaque, de manière qu'une ligne droite tirée du centre de la terre, par celui de l'un des astres, passe aussi par le centre de l'autre. L'opposition est la situation de deux étoiles ou planètes, lorsqu'elles sont diamétralement opposées, c'est-à-dire éloignées de 180° ou de l'étendue d'un demi-cercle; mais ici la Terre se trouve entre deux.
L'aspect trine est la situation d'un astre par rapport à un autre,
lorsqu'ils sont distants de 120°. On l'appelle aussi trigone. L'aspect sextil est la position de deux planètes, lorsqu'elles sont éloignées l'une de l'autre de la sixième partie du zodiaque, c'est-à-dire de 60°, ou de la distance de deux signes. Saturne, Jupiter, Mars et la Lune, peuvent partager tous ces aspects avec le Soleil; Mercure et Vénus, point, parce que la plus grande élongation de Vénus, c'est-à-dire la plus grande distance dont elle s'éloigne du Soleil, par rapport à un oeil placé sur la Terre, est de 45° ; et que la plus grande élongation de Mercure est de 30° ; ce qui fait que Mercure est si rarement visible, et qu'il se perd d'ordinaire dans la lumière du Soleil. (38) - Aquae vapores a fontibus ad nubes per arcus excitari. Sénèque (Quest. Nat., liv. 1er, ch. 3) entre sur l'arc-en-ciel dans beaucoup de détails auxquels je renvoie. Je dirai seulement qu'il pensait comme nous, que l'arc-en-ciel est formé par la réfraction des rayons du Soleil, au travers des gouttes sphériques d'eau dont l'air est rempli dans le temps pluvieux ; qu'il connaissait les arcs-en-ciel artificiels qu'on forme en tournant le dos au Soleil et faisant jaillir de l'eau, et qu'il n'ignorait pas qu'ils retracent les couleurs du Soleil. Voyez (Hist. Nat., liv. Il, ch. 60) ce que pensait Pline de la formation de l'arc-en-ciel. (39) - Id autem nec plus nec minus est ad quintum ab eo signo. Bien qu'il y ait ad quintum, Perrault a cru qu'il fallait lire ad quartum; la raison est que, dans la doctrine des aspects des planètes, le sextil indique l'éloignement de deux signes, le quadrat, celui de trois; le trine, celui de quatre ; l'opposition, celui de six. Il y a apparence, dit-il, que dans le premier exemplaire le nombre quatre était marqué IV, et que le caractère ayant été effacé, on a écrit ad quintum au lieu de ad IV qu'il y avait dans l'original. Et l'on ne peut pas dire que parce que le point qui termine le quatrième signe est le commencement du cinquième, Vitruve a entendu que le Soleil est au cinquième signe, quand il a achevé le quatrième car ce qui est dit ici du cinquième signe, est pour répondre à ce qui a été demandé un peu auparavant, savoir : pourquoi le Soleil, par sa chaleur, retient plutôt les planètes dans le signe dont il s'agit, que celles qui sont dans le second et le troisième signe ; car il est évident que le second et le troisième signe, qui sont comparés à celui dont il est question, sont appelés comme les signes où se font les autres aspects : or, si l'on dit que l'aspect trine se fait au cinquième signe, parce que le Soleil l'a atteint, il faudrait dire aussi que les autres aspects sont faits au troisième et au quatrième signe, et non au second et au troisième. Mais Galiani, Newton et Ortiz font remarquer que cette correction n'est pas nécessaire : car la planète qui est éloignée du Soleil de 120° est en trine aspect, et dans le cinquième signe à partir d'elle, si l'on compte les deux extrêmes. Perrault dit que si l'on compare le cinquième signe au second et au troisième, que si l'aspect trine se fait au cinquième signe, il faudra dire aussi que les autres aspects se font au troisième et au quatrième signe ; Newton répond qu'il est à présumer que c'est par ces mots que Vitruve a désigné ces deux aspects, comme aussi on peut supposer que par les mots second et troisième, il a indiqué le signe le plus rapproché du Soleil ou celui qui n'en était éloigné que par un seul signe, ce qui s'accorde parfaitement avec ce qui suit, que le Soleil a plus d'action sur les planètes éloignées que sur celles qui sont plus près N'est-ce pas ainsi qu'en musique on appelle quinte, la consonance composée de quatre degrés? (40) Quae longius a sole essent, haec vehementius ardere. Cette opinion, dit Perrault, est fondée sur ce que la moyenne région de l'air qui est plus proche du Soleil, nous paraît plus froide que la basse qui en est éloignée; mais la conséquence qu'on tire de cette expérience est fausse, parce que la moyenne région n'est pas froide, à cause de la faiblesse de la chaleur du Soleil, mais parce que les corps qui sont en cet endroit sont moins capables de recevoir l'impression de ses rayons, faute de cette opacité que n'ont point les corps transparents où ses rayons ne sont point arrêtés, comme ils le sont sur la terre. (41) - De zona duodecim signorum. Le zodiaque auquel Vitruve donne le nom de zona (ceinture), Manilius l'appelle balteus (baudrier) et fascia (bande). Voyez Astronomiques, liv. 1, v. 656. (42)
- Quum ad perpendiculum exstet ad ejus radios.
On sait que la Lune est un satellite de notre terre, vers laquelle elle se
dirige toujours dans son mouvement comme vers un centre. Jamais
philosophe, soit dans l'antiquité, soit dans les temps modernes, n'a
pensé à faire un système différent. Je ne parle point du P. D. Jacques
Alexandre, bénédictin, qui s'avisa un beau jour de faire tourner la
Terre autour de la Lune. La face de la Lune qui est visible pour nous, c'est cette partie de son corps qui est tournée vers la Terre et éclairée par le Soleil; d'où il arrive que, suivant les différentes positions de la Lune par rapport au Soleil et à la Terre, on en voit une plus ou moins grande partie éclairée, parce que c'est tantôt une plus grande portion, et tantôt une plus petite de son hémisphère lumineux qui nous est visible. Pour bien comprendre ces différentes phases, supposons que S (fig. 101, p. 394) représente le Soleil, T la Terre, mn une portion de l'orbite de la Terre, et aeioubdt l'orbite de la Lune, où elle fait sa révolution autour de la Terre dans l'espace d'un mois, et d'occident en orient; joignez les centres du Soleil et de la Lune par la droite Sa, et imaginez un plan zar qui passe par le centre de la Lune, et qui soit perpendiculaire à la droite Sa, la section de ce plan avec la surface de la Lune marquera la ligne qui termine la lumière et l'ombre, et qui sépare la face lumineuse de l'obscure. Joignez les centres de la Terre et de la Lune par la ligne Tv, à laquelle vous mènerez par le centre de la Lune un plan perpendiculaire cvx, ce plan donnera sur la surface de la Lune le cercle qui sépare l'hémisphère visible, c'est-à-dire celui qui est tourné vers nous, de l'hémisphère invisible, cercle que l'on nomme pour cette raison cercle de vision. Il suit de là que, si la Lune est en a, le cercle qui termine la lumière et l'ombre, et le cercle de vision coïncideront, de façon que toute la surface lumineuse de la Lune sera tournée alors vers la Terre; la Lune, en ce cas, sera pleine par rapport à nous, et luira toute la nuit; mais par rapport au Soleil, elle sera en opposition, parce que le Soleil et la Lune seront vus de la Terre dans des points des cieux directement opposés, l'un de ces astres se levant, quand l'autre se couchera.
Quand la Lune arrive en e, le disque éclairé rez (fig. 101) ne
sera pas tourné en entier vers la Terre, de façon que la partie qui sera
alors tout à la fois éclairée et visible, ne sera pas tout à fait un
cercle, et la Lune paraîtra bossue, comme en e (fig. 102). Dans cette situation, le Soleil et la Lune ne sont éloignés l'un de l'autre que d'un quart de cercle, et on dit que la Lune est dans son aspect quadrat ou dans sa quadrature. La lune arrivant en o, il n’y aura plus qu’une petite partie du disque éclairé roz (fig. 101) qui soit tournée vers la Terre, ce qui fera que la petite partie qui nous luira paraîtra cornue, comme en o (fig. 102). Enfin, la Lune arrivant en u (fig. 101 et 102) ne montre plus à la
Terre aucune partie de sa face éclairée, et c'est cette position qu'on
appelle nouvelle Lune; la Lune est dite alors en conjonction avec le
Soleil, parce que ces deux astres répondent à un même point de
l'écliptique. (43) - Non enim latet lunam suum propriumque non habere lumen. Jamais astronome ne pensa autrement sur la lumière de la Lune. Pline (Hist. Nat., liv. II, ch. 6) dit que la Lune ne brille que de la lumière qu'elle emprunte au Soleil ; il ajoute un peu plus loin qu'elle ne montre à la Terre que ce qu'elle en reçoit du Soleil. Et cette opinion de Pline sur l'illumination de la Lune par le Soleil, était partagée par la plupart des astronomes de son temps; cependant, longtemps avant lui, Geminus expliquait les phases de la Lune absolument comme les modernes. De tous les corps célestes, dit Cicéron (de la République, liv. VI, ch. II), le plus petit qui est situé aux derniers confins du ciel, et le plus près de la Terre, brille d'une lumière empruntée. Euripide, dans les Phéniciennes, dit que la Lune est fille du Soleil, parce qu'empruntant de lui sa lumière, elle paraît en quelque sorte eu être engendrée :
ὦ θύγατερ ῾Αελίου Σελάνα s'écrie-t-il. (44) - Totius orbis in se recipit splendorem. Ce texte n'a point de sens, dit Perrault : car dans quelque position que se trouve la Lune, elle reçoit toujours la lumière du Soleil de la même manière; mais elle ne renvoie vers la Terre toute la lumière qu'elle reçoit du Soleil, que lorsqu'elle est pleine. C'est pourquoi il veut qu'on lise totius orbis Solis in se recipit splendorem : car, bien qu'en tout temps la Lune rejette absolument toute la lumière du Soleil, de même qu'elle la reçoit toujours tout entière, il est pourtant vrai qu'il ne s'agit ici que de ce que fait la Lune à l'égard de la Terre, sur laquelle elle renvoie tantôt plus, tantôt moins de cette lumière, quoiqu'elle la reçoive toujours également. Cependant Galiani désapprouve cette correction : car les mots totius orbis se rapportent au disque de la Lune et non à celui du Soleil, orbis totius (Lunae) recipit, etc. Et comme la Lune ressemble à un miroir, dire qu'elle reçoit les rayons du Soleil, ou qu'elle les reflète, c'est tout un; il est donc inutile de changer la version ordinaire. (45) - Nunc ut in singulis mensibus sol signa pervadens. Ces deux premiers chapitres et les trois suivants contiennent un petit traité d'astronomie qui est d'autant plus intéressant, dit de Bioul, que nous y retrouvons les principes du système de Ptolémée, et nous voyons qu'ils étaient connus à Rome longtemps avant que le philosophe d'Alexandrie eût publié son traité. Il nous fait connaître en partie jusqu'où les anciens avaient porté alors cette science : je dis en partie, car les opinions sur l'ordre des cieux, sur le mouvement des planètes, étaient partagées. Il y avait alors plusieurs systèmes. Longtemps avant Vitruve, les pythagoriciens, ensuite Philolaüs, Aristarque et Cléanthe de Samos, avaient enseigné que le ciel était en repos, et que c'était la Terre qui tournait autour du Soleil, selon la ligne oblique du zodiaque, tout en tournant journellement sur son axe. Archimède avait aussi soutenu ce système dans un de ses ouvrages; mais après lui il fut entièrement négligé et même oublié jusqu'au commencement du XVe siècle, époque à laquelle le fit revivre Copernic. (46) - Horarum spatia. Ceux qui pensent que les anciens divisaient les jours comme nous, ne pourront s'imaginer comment le Soleil, dans son cours, peut diminuer les heures qui chez nous sont toujours égales. Mais il n'en était pas de même chez les anciens : ils divisaient le jour en 12 h., aussi bien que la nuit, tellement que les heures étaient chaque jour d'inégale longueur, selon que les jours étaient ou plus longs ou plus courts. Toutes les horloges, tous les cadrans solaires dont nous verrons la description dans les chapitres suivants, sont construits d'après ces principes. C'est sans doute à cause de la difficulté qu'entraînait leur exécution, et des connaissances qu'elle exigeait, que cette partie était attribuée aux architectes. (47) - Namque quum sol Arietis signum finit. Dans ce chapitre, Vitruve trace les quatre principales révolutions de l'année, les équinoxes et les solstices. C'est à la huitième partie des signes qu'elles arrivent, dit-il. Pline parle comme lui (Hist. Nat., liv. II, ch. 17). (48)
- Perficit equinoctium vernum. Ce qui n'a
plus lieu aujourd'hui. Il est prouvé par les observations astronomiques
que les pôles, les solstices, les équinoxes, ont un mouvement
rétrograde, et vont continuellement d'orient en occident; par ce
mouvement, les points de l'écliptique reculent continuellement contre
l'ordre des signes, de la quantité d'environ 50° par an, et ce
mouvement rétrograde est appelé précession ou rétrocession des
équinoxes. (49) - Quum progreditur ad caudam Tauri. Aujourd'hui, dans les planisphères célestes, la constellation du Taureau est représentée sans queue; elle manque même de la partie postérieure du corps. Autrefois, comme on le voit par ce passage de Vitruve, elle était autrement figurée. De là naît l'incertitude sur l'expression dimidia pars Tauri. Pline (Hist. Nat., liv. II, ch. 41 ) a dit qu'à la queue du Taureau étaient les sept Pléiades; ce qui est contre l'usage des astronomes qui n'attribuent les étoiles de la constellation du Taureau qu'à la moitié de son corps, c'est-à-dire à la partie de devant. Quand même on entendrait par la queue du Taureau l'extrémité de la constellation, il n'est pas vrai que les Pléiades soient dans cette extrémité ; elles sont entre cette extrémité et la tête, comme le dit Vitruve. (50) - E Tauro quum ingreditur in Geminos, exorientibus Vergiliis, magis crescit supra terram. Les anciens astronomes s'accordent à croire que les Vergilies ou Pléiades, se lèvent le matin, lorsque le Soleil est dans le Taureau, et non lorsqu'il entre dans !es Gémeaux; et les Latins en fixent le moment au vingt-troisième jour du Taureau, comme Pline, Varron et Columelle en font foi, aussi bien que la table d'Auguste que suit Vitruve, qui place les équinoxes et les solstices au huitième jour des signes, c'est-à-dire lorsque le Soleil entre dans la huitième partie du Bélier, de la Balance, du Cancer et du Capricorne. Ce qu'ont arrêté, sur le coucher matutinal des Vergilies, les Latins qui signalent la disparition de cette constellation le vingt-troisième jour du Scorpion, au matin, à partir duquel commence l'hiver, Vitruve le conserve en disant : « Après cela le Soleil entre dans le Scorpion, au coucher des Pléiades, et diminue la longueur des jours en s'approchant des parties méridionales. » On dira cependant que, malgré les anciens astronomes, qui croient que c'est dans le Verseau que commence à souffler le Favonius qui ouvre le printemps, malgré les Latins et Auguste qui pensent que c'est au vingt-troisième jour du Verseau que ce mouvement arrive, Vitruve ne laisse pas de le reporter aux Poissons : « Sortant du Verseau, dit-il, pour entrer dans les Poissons, quand souffle le Favonius, il fournit une course égale à celle qu'il faisait dans le Scorpion. » Tout cela s'accorde parfaitement : car si le Favonius commence à souffler dans le Verseau, et souille longtemps, il doit souffler encore dans les Poissons ; aussi Vitruve n'a point écrit incipiente Favonio, mais flante, soufflant encore. Voilà pourquoi Pontédéra repousse la version Vergiliis exorientibus, et lui préfère Vergiliis apparentibus, ou eminentibus, ou quelque autre mot de ce genre. (51) - Quum pervenit in partem octavam, perficit solstitiale tempus. - Voyez Columelle, qui (Econ. rur,, liv. IX, c . 14 ) rapporte la raison pour laquelle les anciens ne plaçaient pas les solstices et les équinoxes au commencement des signes, mais à leur huitième partie. Chaque signe occupe un arc de 30°; la huitième partie d'un signe équivaut donc au huitième degré, et au huitième jour à partir duquel le Soleil entre dans un signe, abstraction faite de la fraction qui dépend du nombre de jours composant l'année solaire, fraction qui n'est jamais plus de 5° ou 6° du zodiaque. Pline et Columelle, suivant en cela les anciens astronomes, placent le commencement des quatre saisons de l'année, le printemps, l'été, l'automne, l'hiver, à la huitième partie des signes du Bélier, du Cancer, de la Balance et du Capricorne. Hipparque, comme nous venons de le voir dans Columelle, le place au premier jour de l'entrée du Soleil dans chacun de ces signes. Hippocrate mettait le commencement du printemps au 25 mars, celui de l'été au 24 juin, celui de l'automne au 25 septembre, celui de l'hiver au 1er janvier. Sosigène le plaçait au 25 de chacun de ces quatre mois. (52) - Bruma. Chez les anciens le mot bruma signifie le solstice d'hiver, à cause de la brièveté des jours à cette époque de l'année On trouve dans Vossius différentes étymologies de ce mot; celle qui le fait dériver de brevis, lui paraît mériter la préférence : de brevis on aura fait brevissima, brevimus, breumus, brumes, bruma, comme du mot exterrimus on a dit extremus, extemus, extimus. (53) - Namque Septentrio, quem Graeci nominant ῎Αρκτον. Une constellation ou astérisme est l'assemblage de plusieurs étoiles représentées sous le nom et la figure d'un animal ou de quelque autre chose. C'est pour les faire connaître plus facilement que les anciens astronomes ont partagé le firmament en plusieurs parties ou constellations ; et cette division des cieux est fort ancienne, aussi ancienne peut-être que l'astronomie même. « Peux-tu arrêter les douces influences des Pléiades, ou détacher les bandes d'Orion? » s'écrie Job. Homère et Hésiode répètent souvent le nom de plusieurs constellations. Les astronomes ont divisé le ciel en trois parties principales, dont celle du milieu, appelée zodiaque, est terminée par deux régions immenses du ciel, l'une au nord, nommée boréale, l'autre au midi, nommée australe.
Les constellations des anciens ne comprenaient que ce qu'ils pouvaient
apercevoir dans le firmament. Elles étaient au nombre de quarante-huit.
Sunt Aries, Taurus, Gemini, Cancer, Leo, Virgo, C'est-à-dire : le Bélier, le Taureau, les Gémeaux, le Cancer, le Lion, la Vierge, la Balance, le Scorpion, le Sagittaire, le Capricorne, le Verseau, les Poissons.
Les étoiles qui se trouvaient au nord du zodiaque, dans la partie
boréale, furent rangées sous vingt et une constellations la grande
Ourse, ou le Chariot; la petite Ourse, ou le petit Chariot; le Dragon;
Céphée; le Bouvier; la Couronne septentrionale; Hercule; la Lyre; le
Cygne; Cassiopée; Persée; Andromède; le Triangle; le Cocher; Pégase;
le petit Cheval; le Dauphin ; la Flèche ; l'Aigle; le Serpentaire ; le
Serpent. Ausone, dans ses vers n'en compte que dix-neuf. On distribua celles du sud en quinze constellations, dont les noms sont : la Baleine, l'Éridan, le Lièvre, Orion, le grand Chien, le petit Chien, le Navire, l'Hydre, la Coupe, le Corbeau, le Centaure, le Loup, l'Autel, la Couronne australe, le Poisson. Ausone n'en compte que douze. On ajouta depuis à ces constellations : la Licorne, entre le petit Chien et Orion ; le Solitaire, au-dessous du bassin austral de la Balance; le Télescope, sous la flèche du Sagittaire; la Grue, au-dessous du Poisson austral; le Paon, au-dessus du Sagittaire; et plusieurs autres encore qui, trop voisins du pôle austral, ne sont pas visibles à Paris. Les étoiles sont ordinairement distinguées des constellations par la partie de la figure qu'elles occupent. Beaucoup ont leurs noms particuliers, comme : l'Arcture, entre les pieds du Bouvier; les Pléiades, dans le dos du Taureau; les Hyades, dans le front du Taureau; Sirius, dans la bouche du grand Chien, etc. (54) - Cujus supra humerum dextrum lucidissima stella nititur, quam nostri Provindemiam, Graeci Προτρυγητὴν vocitant. Dans Cassianus Bassus, cette étoile est surnommée Antevindemiator; dans Pline, imprimé, Vindemitor, manuscrit, Vindemiator; dans Columelle, Vindemiator; dans Ovide, Vindemitor. Cependant l'explication de Proclus et celle de Pline (Hist. Nat., liv. XXIII, ch. 74) font prévaloir le mot Provindemia. Proclus place cette étoile à l'aile droite de la Vierge. (55)
- Stella media genuorum. Proclus, Ptolémée
et Bassus sont d'accord avec Vitruve sur la position de cette étoile.
Germanicus et Hygin la placent au noeud de la ceinture du gardien de
l'Ourse. Avienus (Phén. d'Aratus, v.271) est de l'opinion de ces
derniers: (56) - Custodis Arcti. C'est de la grande Ourse qu'il est ici question. On lui donne aussi le nom de Aretophilax, qui a la même signification que Arcti custos. Si on l'appelle encore Bootes, c'est parce que la grande Ourse se nomme aussi Chariot (Plaustrum), et que le Bouvier semble le suivre. (57) - Arcturus. On a dit que ce nom signifie queue de l'Ourse (ἅρκτος, ourse, et οὐρά, queue), parce que cette étoile est en effet placée à la queue de l'Ourse, entre les jambes du Bouvier. Mais cette opinion a déjà été relevée par le scoliaste grec d'Aratus, qui compose le mot ἀρκτοῦρος d'ἅρκτος, et de οὖρος, gardien. Arcture est synonyme de Arctophylax. (58) - Stant in summo cornu laevo Tauri pedes Aurigæ, itemque sinistra manu Auriga tenet stellas. Dans tous les exemplaires que Philander a eus entre les mains, il a lu : « Itemque in summo cornu laevo ad Aurigæ sedes, una tenet parte stellam, et appellatur Aurigæ manus. Haedi capra laevo hurnero Tauri quidem et Arietis. » Mais cette version est tellement maculée, tellement désordonnée, comme on en peut juger par la lecture des auteurs et par cette version elle-même, qu'il avoue son impuissance à la corriger. Il est souvent plus difficile, en effet, de rétablir un texte que d'y faire voir des adultérations et des falsifications. Ce qu'il y a de sûr, c'est qu'à l'extrémité de la corne gauche du Taureau s'étendent les pieds du Cocher; que dans la main gauche il tient deux étoiles qu'on appelle les Chevreaux, et que la Chèvre brille à son épaule gauche. De toutes les corrections qui ont été faites, celle que j'ai adoptée me paraît la meilleure, bien entendu. Quant aux quatre mots de la mauvaise version Tauri quidem et Arietis, il faut les joindre avec les suivants insuper Perseus. Et bien que la pureté de la langue latine admette difficilement une telle manière d'écrire, elle ne jurera peut-être pas beaucoup avec quelques passages de Vitruve, qui ne se pique pas d'être un profond grammairien. Nous lisons encore, un peu plus loin : Inde Sagittarii, Scorpionis, Librae insuper; nous supposons, toutefois, que le texte n'est point altéré. Il est possible que Vitruve ait écrit : Tauro quidem et Ariete insuper, comme au liv. V, ch. 1, quibus insuper, et au liv. X, ch. 21, quo insuper; ou bien encore : Taurum quidem et Arietem insuper, comme au même liv. V, ch. 3, insuper fundamenta, et au liv. III, ch. 5, insuper coronas. (59) - Equi auriculae attingunt Aquarii genua. Jusqu'à présent on a lu Equi ungulae; cependant les pieds du Cheval ne touchent pas les genoux du Verseau : ils sont tournés du côté contraire, et touchent les ailes du Cygne. Philander et Perrault ont cru qu'au lieu de Aquarii genua, il fallait lire Avis pennas. L'idée n'était pas mauvaise ; mais Galiani trouve avec raison cette correction un peu forcée. Il est plus probable, dit-il, qu'au lieu de ungulae il faut lire auriculae. Les oreilles du Cheval se dirigent en effet vers les genoux du Verseau; ensuite le mot attingere, dont se sert ici Vitruve, ne signifie pas toucher, comme les sabots du Cheval touchent les ailes du Cygne : il signifie s'étendre pour atteindre, comme font les oreilles du Cheval vers les genoux du Verseau. (60)
- Aquarii media est dedicata Capricorno. Pour
traduire le texte dans l'état où on le trouve avant la correction, il
faudrait dire que l'étoile du milieu de Cassiopée est dédiée au
Capricorne; ce qui est impossible, puisque ces deux constellations sont
trop éloignées l'une de l'autre : mais, comme le fait remarquer Galiani,
l'étoile qui est au milieu du Verseau fait partie du Capricorne ; cette
étoile est commune aux deux signes. D'après cela, on voit qu'au lieu de
Cassiopeæ, il faut lire Aquarii.
Philander, qui a remarqué l'erreur, ne l'a pas corrigée. Perrault, pour
la corriger et conserver le mot Cassiopeæ, a
cru qu'au lieu de Cassiopeæ media est dedicata
Capricorno, supra in altitudine Aquila et Delphinus, il fallait
lire : Cassiopeæ media est (scilicet Cephei et
Andromedae) dedicata (est) Capricorno supra in altitudine Aquila (sicut)
et Delphinus, parce que l'Aigle et le Dauphin sont au-dessus du
Capricorne. Voilà bien des corrections pour une seule qui suffisait. (62) - Sub Avis cauda pedes Equi sunt subjecti. Pour expliquer ce qu'on vient de lire sur la constellation du Cygne, qui n'est pas conforme à ce que nous voyons sur les cartes célestes modernes, il faut supposer que du temps de Vitruve on représentait cette constellation tout autrement qu'aujourd'hui, c'est-à-dire qu'on plaçait son aile gauche où l’on place maintenant sa queue, et la queue où l'on met l'aile gauche; comme cela, l'aile gauche serait étendue vers Cassiopée, et la queue couvrirait les pieds du Cheval. (63) - Coronam tangit. Les astronomes modernes l'ont appelée Couronne boréale, pour la distinguer de la Couronne australe. Ptolémée parle des deux. Si Aratus la nomme couronne d'Ariane, c'est que, au dire des mythologues, elle est la couronne de lierre dont Bacchus orna la tète de cette princesse lorsqu'il l'épousa. (64) - Parve per Equi os flectitur Delphinus. Philander, dont Perrault a suivi l'opinion, croit qu'au lieu de ces mots parve per eos flectitur, il faut lire equi parvi per os. Il est vrai que le Dauphin se trouve près de la bouche du petit Cheval; mais comme Vitruve ne dit pas un mot de cette constellation, qu'on n'avait peut-être pas encore reconnue de son temps, Galiani avoue qu'il n'a pas osé changer le texte, d'autant que rien ne répugne à ce qu'il reste tel qu'il est. Cependant, comme Pégase se trouve tout à côté, je n'hésite pas à mettre, non pas comme Pontédéra, parte per Equi os flectitur, mais parve per Equi os flectitur. (65) - Eaque stella quae dicitur polus, elucet contra caput maioris Septentrionis. On lisait circum caput; ce qui n'est pas exact, puisque l'étoile polaire se trouve au bout de la queue de la petite Ourse. Galiani, adoptant la correction de Philander, a substitué le mot caudam à celui de caput, et minoris à maioris; mais je trouve la correction un peu hardie, et il me semble qu'en remplaçant tout simplement circum par contra, on aura le véritable sens. (66) - Namque qum est Proxima, Draconem circum caput ejus involvitur, una vero circum Cynosuram capta injecta est fluxu porrectaque proxime ejus pedes : haec autem intorta replicataque se attollens reflectitur a capite minoris ad majorem contra rostrum et capitis tempus dextrum. Cette version est pleine de fautes et d'obscurité. Pas un commentateur ne me semble l'avoir expliquée convenablement, et Perrault dormait quand il l'a traduite. J'ai dit, la carte céleste sous les yeux, y faire quelques changements, pour la mettre en harmonie avec ce que je voyais. Et voici comment je la rétablis, comment je la traduis : Namque pars Draconis, car la partie du Dragon (la queue) quae est proxime, qui en est voisine (voisine de la tête de la grande Ourse), circum capta ejus involvitur, se courbe auprès de sa tête (toujours de la tête de la grande Ourse); una vero circum Cynosurae caput injecta est flexu, tandis qu'une autre partie s'arrondit autour de celle (de la tête) de la petite Ourse, porrectaque proxime eius pedes et s'étend jusqu'auprès de ses pieds, hic autem intorta replicataque, où s'enroulant et se repliant, se attollens reflectitur a capite minoris, elle se redresse et s'élance de la tête de la petite Ourse, ad majorem Avem contra rostrum et capitis tempus dextrum, vers le grand Oiseau (le Cygne) dans la direction de son bec et de la tempe droite de sa tête. (67)
- Trigonum, paribus lateribus. Selon
Germanicus, le Triangle, appelé par les Grecs Deltoton, est le Delta du
Nil ; selon Higin, cette constellation a été figurée dans le ciel en
l'honneur de Jupiter, dont le nom grec (Ζεύς,
gén. Διός) commence par un delta.
Ptolémée appelle le Deltoton Τρίγωνον,
Triangle. Nous le nommons encore ainsi, et les Romains se servent souvent
du mot triangulum pour désigner le Deltoton
qu'on trouve encore dans Pline. (68) - Piscis austrinus. Ce poisson est appelé tantôt notius (méridional), tantôt austrinus (austral), quelquefois magnus et meridionalis. Bassus lui donne pour petits-fils les Poissons du zodiaque, ceux dont parle Ovide dans ses Fastes, liv. II, v. 458. (69) - Piscis austrinus caudam prospiciens Ceti. On lisait cauda prospiciens Cephea. Mais le grand éloignement de Céphée ne permettait pas d'admettre cette version. Voyez AVIENUS, les Phénomènes d'Aratus. (70) - Ab eo ad Sagittarium locus est inanis. Il semble que Vitruve n'ait pas connu la Couronne australe que Proclus dit avoir été appelée par quelques-uns Οὐρανίσκος: car il passe immédiatement à l'Autel sans en parler. Elle est placée entre le Sagittaire et l'Autel. (71) - Thuribulum. Cette constellation est appelée par Aratus Θυτήριον, mot qui signifie Autel, selon l'interprétation de Cicéron, de Rufus, de Firmicus, de Manilius et d'Hygin. Germanicus l'a nommée Thuribulum, comme Proclus Θυμιατήριον (Encensoir); Bassus lui donne le nom de Sacrarium et de Pharus (Sanctuaire, Phare); Ptolémée et Alphonse celui de Lar (Autel). (72)
- Centauri priores partes proximae sunt Libræ et
Scorpioni : tenet in manibus simulacrum id.... On lisait : Centauri
priores partes proximae sunt Libræ, et Scorpionem tenent in manibus.
Simulacrum id.... Ce qui n'avait aucun sens. Il faut remarquer
qu'il y avait deux Centaures dans le ciel, le Sagittaire dont on vient de
parler, et le Centaure qui porte le Loup. Contemplez les flancs ardents de
cet être à double forme dont les membres sont formés de deux astres. A
l'endroit où ce quadrupède élève sur son corps de cheval un buste
d'homme, se voit l'énorme Scorpion. (AVIENUS, Phénomènes d'Aratus,
v. 879.) (73) - Simulacrum id, quod Bestiarn astrorum periti nominaverunt. La victime que Chiron, c'est-à-dire le Centaure, immole aux dieux sur leur autel, les Grecs ne l'ont jamais désignée par un nom particulier, dit Cicéron dans les Phénomènes. Aratus, il est vrai, ne l'appelle que Θηρίον, les Latins Fera et quelquefois Bestia et Bestiola. Firmicus, Ptolémée et Alphonse l'ont nommée Loup, et Martianus Capella Panthère. (74) - Supra scapulas. Ce n'est point de la Vierge que parle ici Vitruve ; c'est à quoi Perrault n'a point fait attention. Il parle du Serpent sur le dos duquel brillent, en effet, des étoiles. Newton, dit Galiani, ne partage ni l'un ni l'autre sentiment, et pense que Vitruve a voulu désigner les épaules du Corbeau, dont il vient de parler, et sur les épaules duquel se trouvent deux étoiles qui ont le même éclat, comme on n'en rencontre ni sur le Serpent ni sur l'Hydre. Et puis le mot scapulæ peut-il s'appliquer au corps d'un serpent? Non, dit Galiani, si vous le traduisez pas épaules; oui, si vous l'interprétez par le mot dos. (75) - Navis est quae nominatur Argo. Ératosthène, Hygin, Aratus et le scoliaste de Germanicus, s'accordent à nommer cette constellation Argo ; Ératosthène ajoute que c'est Minerve qui l'a placée au ciel. Manilius l'appelle Navis heroum, par allusion au vaisseau des Argonautes, et Avienus, Jasonia Argo, parce que Jason en était le commandant. (76) - Ipsaque navicula et puppis per summam caudam Cani jungitur. Vitruve parle ici du grand Chien, qui est spécialement désigné par le mot Canis. Il a dans la gueule une étoile très brillante, qui est quelquefois appelée du nom de la constellation entière, Canis (Chien), quelquefois Canicula (Canicule) et Sirius. Quand le soleil s'en approche, sa chaleur redouble, dit Bassus. Selon Hygin, on appelle Canis l'étoile qui est à la langue du grand Chien, et Sirius celle qu'il a sur la tête. Selon Bassus, le grand Chien a deux étoiles : l'une sur la tête, appelée Isis; l'autre sur la langue, nommée Sirius ou Canis, qui est une étoile de première grandeur. Voyez AVIENUS, Phénomènes d'Aratus, v. 724. (77)
- Geminos autem minusculus Canis sequitur. Le
petit Chien est appelé Procyon par les Grecs, auxquels les Latins ont
emprunté leur mot Antecanis : (78) - Major item sequitur minore. Soit : toutefois c'est à une assez grande distance, puisque les astronomes modernes ont pu mettre entre eux la Licorne. (79) - Orion vero transversus est subjectus, pressus ungula Centauri, manu læva tenens clavam, alteram ad Geminos tollens, caput vero ejus basim, Canis parvo intervallo insequens Leporem. Il y a beaucoup de fautes dans ce passage. Ainsi nul doute, comme l'ont pensé Philander et d'autres commentateurs, qu'il ne faille mettre Tauri à la place de Centauri : car Vitruve a déjà dit que le Centaure est voisin de la Balance et du Scorpion. Il dit ici qu'Orion étend le bras vers les Gémeaux ; il ne peut donc être placé auprès du Centaure. Ce n'est point à la main gauche qu'il tient sa massue, qui n'en est point une ; c'est un bouclier ou un vêtement : au lieu de clavam, c'est clypeum qu'il faut mettre, en reportant le mot clavam à l'autre membre de phrase, et changeant alteram en altera, parce que c'est en effet cette main droite armée d'un bouclier qu'Orion lève vers les Gémeaux. Le reste n'est pas moins altéré. Le planisphère céleste représente aux pieds d'Orion le Lièvre que poursuit le Chien à une petite distance; ce qu'exprimera le latin, si nous remplaçons caput par apud, et si après basin, nous transportons Leporem, préalablement changé en Lepus quem : la construction demande tout naturellement insequitur à la place de insequens. (80)
- ῾Αρπεδόναι. On lit le mot ῾Ερμηδόνη
qui, s'il était grec, pourrait signifier délices de Mercure. Pourquoi
délices de Mercure? je n'en vois aucune raison. ῾Αρπεδόναι,
au contraire, signifie un cordeau, un ruban; c'est « cette longue courroie
qui retient la queue des Poissons, s'étend en arrière le long du fleuve,
et si replie vers le dos de la Baleine, » (81)
- Magnoque intervallo introrsus pressus nodus Piscium.
Je ne puis m'imaginer, dit Philander, que Vitruve ait voulu se servir du mot Serpentium
pour désigner les Poissons; aussi soupçonné-je fort qu'il faut écrire Piscium. (82) - Eridani per speciem. Les astronomes égyptiens ont dit que ce fleuve était le Nil; les Grecs, que c'était une petite rivière de ce nom qui coule dans l'Attique; les Français, que c'était le Rhône ou bien le Rhin; les Espagnols, le Guadalquivir, la Guadiana ou le détroit, de Gibraltar ; les Grecs et les Latins, le Pô Hérodote et Strabon pensent que l'Éridan n'a jamais existé. (83) - Stella Canopi. Cette étoile, très remarquable par sa grandeur, fait partie de celles qui composent la proue du Navire; elle n'est pas aperçue par ceux qui habitent le nord, parce que, comme le fait observer Vitruve, cette partie du Navire est invisible pour nous. (84)
- Chaldaeorum ratiocinationibus. Les Chaldéens
sont regardés connue les pères de l'astronomie. Selon leur doctrine, le
Soleil, la Lune et les autres astres, et surtout les planètes, étaient des
divinités qu'il l'allait adorer. Ils ne se bornèrent pas à con-naître
l'état du ciel, ils cherchèrent à tirer un meilleur parti de leur science, en persuadant au peuple que ces astres, qui étaient autant de dieux,
avaient une grande influence sur le bonheur ou le malheur des humains. De la
naquit l'astrologie judiciaire, dans laquelle les Chaldéens:, eurent la
réputation d'exceller si fort entre les autres nations, que tous, ceux qui
s'y distinguaient s'appelaient Chaldéens, quelle que fût leur patrie.
D'après les aspects, les positions des corps célestes, et les influences
qu'ils leur attribuaient, ils s'avisèrent de prédire l'avenir, et cette
prétendue science leur avait donné une telle importance aux yeux du
vulgaire, qu'il n'était plus possible de rien entreprendre de sérieux sans
avoir auparavant consulté les augures et les aruspices. Et, en effet, comme
ils annonçaient exactement, dans leurs éphémérides, le cours du Soleil
pour chaque jour de l'année, les changements de Lune, le mouvement des
planètes; comme ils prédisaient les éclipses, on ne douta pas qu'ils
n'eussent un commerce direct avec le ciel. Ils prétendaient surtout décider
quelle serait la destinée d'un homme, en examinant quel était l'aspect des
astres à l'instant de sa naissance ou de sa conception; de là deux branches
dans l'astrologie, l'astrologie naturelle et l'astrologie judiciaire. (85). - Genethliologiae ratio. Ce mot formé de γενέθλη, origine, génération, et de λόγος, raisonnement, discours, désigne donc cet art frivole qui consiste à prédire l'avenir par le moyen des astres en les comparant avec la naissance, ou, selon d'autres, avec la conception des hommes. On appelait généthliaques ceux des astrologues qui dressaient des horoscopes, et ces sortes de devins étaient appelés par les anciens Chaldaei, et en général mathematici. Les lois civiles et canoniques qu'on trouve contre les mathématiciens, ne regardent que les généthliaques. (86) - Aratus. Poète et astronome qui a composé sur l'astronomie un poème intitulé les Phénomènes. Il a été traduit en vers latins par Cicéron, Germanicus, Avienus, et commenté par Hipparque, Ératosthène et Théon. (87) - Parapegmatorum disciplinas. S'il faut en croire Saumaise, les parapegmes auraient été des tables d'airain sur lesquelles étaient gravés la figure du ciel, le lever et le coucher des astres, avec l'indication des saisons de l'année. Ainsi les parapegmes seraient l'effet, le produit de la science, bien que l'opinion ordinaire en fasse des instruments, à l'aide desquels on est arrivé à la science elle-même, ce qui est plus en harmonie avec le sens du texte; et le mot parapegme, pris dans sa signification grecque, peut très bien signifier un assemblage de plusieurs parties liées ensemble, ce qui est loin de jurer avec l'idée des instruments de mathématiques qui servent aux observations des astronomes. (88) - Tempestatum significatus post futuros, ante pronuntiare. Il est impossible de prédire d'une manière certaine les changements de temps, et la proposition est tout à fait fausse, non seulement en ce qui regarde le temps, mais encore, et à bien plus forte raison, en ce qui a rapport aux actions libres des hommes. (89) - ltemque depalationes. Perrault traduit dierum depalationes par la proportion de l'ombre équinoxiale, en supposant que depalatio vient de palus (un pieu), qui signifie le gnomon, qui, étant fiché droit comme un pieu, fait des ombres à midi qui sont chaque jour différentes. Turnèbe et Baldi confessent qu'ils ne savent pas bien précisément ce que Vitruve a voulu exprimer par ce mot, qui ne se retrouve point dans les autres auteurs latins. Turnèbe croit que Vitruve entend par depalatio (pali remotio), cette manière d'allonger et d'accourcir les jours dont il sera parlé bientôt, et qui se faisait dans les clepsydres par le moyen d'un coin de bois qui, étant tiré ou poussé, faisait lever ou baisser un cône qui, fermant plus ou moins un entonnoir, en faisait tomber plus ou moins d'eau, ce qui servait à allonger ou à accourcir les heures. Baldi, qui ne trouve pas à propos de transférer aux cadrans solaires ce qui appartenait aux clepsydres, croit que depalatio (palari, errer, courir çà et là) dénote l'inégalité des ombres qui, s'augmentant et se diminuant, semblent courir tantôt d'un côté, tantôt d'un autre. Cependant Galiani a lu dans le deuxième manuscrit du Vatican, explanationes, expression connue qu'il préfère à l'autre. Ortiz, convaincu du sens que Vitruve veut donner à ce mot, trouve inutile de prendre tant de peine pour en chercher l'étymologie. Que ce mot vienne encore de dispalari, mot souvent usité dans le latin, ou de depalare qu'on rencontre dans plusieurs inscriptions antiques, on est sûr que Vitruve a voulu parler de l'augmentation et de la diminution du jour. (90) -
In
declinatione coeli. La déclinaison
du ciel ou du soleil, se dit de la distance de cet astre, mesurée par
un arc sur le cercle du méridien ou zénith du lieu du spectateur. Or,
on sait que s'il s'agit de la latitude boréale, la déclinaison,
lorsque le soleil avance de l'équateur vers le tropique du Cancer, est
égale à la somme qui résulte de la latitude du lieu donné, et à la
distance du soleil à l'équateur. Si le soleil avance de l'équateur
vers le tropique du Capricorne, la déclinaison est alors égale à la
différence qu'il y a entre la latitude du lieu et la distance du soleil
à l'équateur. Si enfin le soleil est à l'équateur même, la
déclinaison est alors égale à la latitude du lieu donné. L'ombre
méridienne équinoxiale dépend donc de la latitude du lieu à laquelle
est égale la déclinaison du soleil. On peut donc définir avec
exactitude les longueurs de ces ombres, d'après les latitudes données
des lieux. Les latitudes des endroits nommés par Vitruve, sont ainsi
déterminées d'après les observations des géographes : à Rome,
latitude 41° 47' boréale; à Athènes, latitude 38° 5' boréale; à
Rhodes, latitude entre 36° et 37° boréale; à Tarente, latitude 40°
30' boréale; à Alexandrie, latitude 30° 39' boréale. Rome avec un gnomon de 9 p de 7 p 3/74 selon Vitruve 8 p. Athènes avec un gnomon 4p de 3p 10/78 selon Vitruve 3p Rhodes avec un gnomon 7p de 5p 14/70 selon Vitruve 5p Tarente avec un gnomon 11p de 9p 21/76 selon Vitruve 9p Alexandrie avec un gnomon de 5p de 2p 86/86 selon Vitruve 3p Vitruve s'est servi de nombres ronds qui diffèrent un peu, comme on
voit, des nombres exacts. (91) - Ita in quibuscumque horlogia erunt desribenda. Nous avons vit, au commencement du premier chapitre de ce livre, ce que c'est que l'analème, qui fait connaître la hauteur du soleil à midi, chaque jour de l'année. Pour bien comprendre la description que Vitruve en fait dans ce chapitre septième, il faut la lire avec celte figure 103 sous les yeux.
On doit observer cependant que dans cette figure l'auteur s'est borné à indiquer la grandeur de l'ombre dans les deux solstices et dans les deux équinoxes, et à décrire le cercle GCH, qu'il appelle le cercle des mois. Pour trouver la grandeur de l'ombre du gnomon, chaque mois de l'année, il suffit, comme Joconde, Perrault et autres, l'ont enseigné, de diviser ce cercle en douze parties égales qui représenteront les douze mois ou les douze signes, comme on le voit dans la figure 104.
Ce cercle qui représente l’écliptique sert à marquer sur la ligne du plan BT, les huit signes qui restent, outre les quatre qui sont désignés dans la figure de l'analème de Vitruve. c'est-à-dire ceux des solstices BT et ceux des équinoxes C, et il doit naturellement se trouver deux autres signes entre chacun de ceux-ci. Voici comment cela se fait : le cercle des mois GCH étant, comme on vient de le dire, divisé en douze parties, on tire des points de division qui sont sur la ligne HG, appelée lacotome, les perpendiculaires 1,2,4,5. Ensuite du point A, par les points d'intersection que font ces lignes sur celle HG, on tire d'autres lignes jusqu'à celle du plan BT, ou l'on marque abde, qui indiquent la grandeur de l'ombre pour chaque mois de l'année, la ligne Ae pour les Gémeaux et pour le Lion, Ad pour le Taureau et pour la Vierge, Ab pour les Poissons et pour le Scorpion, et la ligne Aa pour le Verseau et pour le Sagittaire. On pourrait de même trouver la grandeur de l'ombre, pour chaque jour du mois; il suffirait pour cela de faire la figure beaucoup plus grande, et de diviser sur le cercle GCH les mois en autant de jours qu'ils en contiennent. (92) - Deinde circinationis totius sumenda pars est quinta decima. Des trois cent soixante parties ou degrés qui composent le cercle, la quinzième partie est de vingt-quatre. Cependant Ptolémée dit que la plus grande inclinaison du Soleil est de 23° 51'; il s'en manque donc de 9' qu'il n'y ait une quinzième partie, s'il est vrai que chaque partie ou degré soit composée de 60'. D'après les calculs les plus exacts faits en dernier lieu, la plus grande déclinaison du zodiaque n'est que de 23° 1/2. (93) - Tunc perducendae sunt diametri. Ce ne sont point encore des diamètres; ce ne sont que des bases d'arcs, qui deviendront plus tard les diamètres des demi-cercles qui sont l'un pour l'été, l'autre pour l'hiver. (94) - Haec autem parallelos linea vocitatur lacotomus. On comprend parfaitement ici ce que signifie lacotomus; mais les grammairiens ne sont pas sûrs de la signification générale de ce mot, qui paraît grec, et qui ne se trouve pas dans le traité que Ptolémée a fait de l'analème. L'opinion la plus commune est qu'il se compose de λάκος, loque, lambeau, et de τέμνω, couper, parce que cette ligne appelée lacotomus coupe une petite partie du méridien entre les tropiques. (95) - Qui manacus dicitur. La plupart des éditions de Vitruve, dit Perrault, ont manacus sans raison. Joconde lit manacus, qui signifie appartenant aux mois. L'étymologie se prend du grec m‹n, mois. Scaliger croit que le mot almanach vient de ce mot manacus. Ce cercle représente la ligne écliptique, qui est divisée en douze parties pour les douze signes qui font les douze mois. (96) - De horologiorum inventione. Comme il fallait désigner les deux espèces de machines dont les anciens se servaient pour connaître et marquer les heures, c'est-à-dire les cadrans solaires et les clepsydres, qui ne ressemblent pas, il est vrai, à nos horloges; comme, du reste, les anciens les nommaient l'un et l'autre des horloges (horologia), ce nom a dû être conservé dans le titre, bien qu'il se dise plus particulièrement de celles qui sont à contre-poids et qui sonnent. (97) - Ad enclimaque succisum. - Enclima signifie inclinaison ou pente. Il y a apparence que le cadran de Bérose était une plinthe inclinée comme l'équinoxiale, et que cette plinthe était coupée en hémicycle ou demi-cercle concave dans la partie supérieure qui regarde le septentrion, et qu'il y avait, sortant du milieu de l'hémicycle, un style dont la pointe représentait le centre de la terre, de sorte que son ombre tombant sur la concavité de l'hémicycle, qui représentait l'espace qu'il y a d'un tropique à l'autre, marquait non seulement les déclinaisons du soleil, c'est-à-dire les jours du mois, mais aussi les heures de chaque jour. Cela pouvait se faire en divisant la ligne de chaque jour en douze parties égales, ce qui doit s'entendre des jours compris entre l'équinoxe d'automne et celui du printemps : car il était nécessaire d'augmenter l'hémicycle au droit des autres jours qui ont plus de douze heures équinoxiales. (98) - Scaphen sine hemisphoerium. Vitruve semble joindre ensemble ces deux mots, pour faire entendre que ce cadran était sphérique concave, et non ovale, comme l'ont cru quelques interprètes. Martianus Capella dit que les cadrans appelés scaphia étaient creusés en rond, ayant un style élevé au milieu; et il y a raison de croire, suivant Perrault, que l'extrémité du style répondant au centre de l'hémisphère concave, faisait dans ce cadran le même effet que dans l'hémicycle. Il est difficile de décider précisément quelles étaient leurs différentes formes, puisque nous n'avons plus de modèle. Dans le Journal littéraire d'Italie, année 1646, art. 14, on trouve la description de quelques horloges ou cadrans antiques, par le P. Boscovich, et particulièrement celle d'un cadran trouvé dans des excavations faites auprès de Frascati. Le P. Boscovich est parvenu très ingénieusement à le rétablir et à remplacer le style qui manquait. Il soupçonne avec raison que c'est l'espèce de cadran dont Vitruve attribue l'invention à Bérose, étant de même composé d'un hémicycle incliné et enfoncé dans un carré. Poleni rapporte aussi, dans ces Exercices sur Vitruve, III, n° 3, la construction de l'hémicycle de Bérose, telle qu'elle avait été publiée auparavant par J. Ziegler. (99) - Discum in planitia. Δίσκος, en grec, signifie un corps rond et plat. L'opinion de Perrault est que le disque d'Aristarque était un cadran horizontal dont les bords étaient un peu relevés pour remédier à l'inconvénient qui a été ci-devant remarqué dans les cadrans dont le style est droit et élevé perpendiculairement sur l'horizon : car ces bords ainsi relevés empêchent que les ombres ne s'étendent trop loin. (100) - Arachnen. Si cette araignée est la même chose que celle qui se trouve aux astrolabes, comme il parait assez probable, on en trouvera la description ci-après dans ce chapitre, sous le nom d'horloge anaphorique. (101) - Plinthuum sive lacunar. Perrault aimait mieux qu'on lût plinthium sive laterem : car πλίνθος et later signifient la même chose, c'est-à-dire une brique ou carreau ; tandis que lacunar indique une chose tout à fait contraire à celle d'une brique, c'est-à-dire une chose creuse, deux choses conséquemment qui ne peuvent se prendre l'une pour l'autre, comme semblerait le vouloir la particule sive. Baldi avait déjà proposé cette correction. Galiani avoue qu'il l'aurait volontiers adoptée, s'il n'avait pas encore trouvé une autre version dans le manuscrit du Vatican. D'ailleurs, ajoute-t-il, on lit ici plusieurs noms d'horloges qui sont assez extraordinaires. Et quelle en était la forme? quelle en est l'étymologie. C'est ce qu'il est impossible de découvrir. (102) - Πρὸς τὰ ἱστορούμανα. Les interprètes diffèrent d'opinion sur l'explication de ce cadran. Baldi croit qu'il est opposé à celui qui est appelé πρὸς πᾶν κλῖμα, c'est-à-dire qui peut servir à tous les climats de la terre, tandis que l'autre n'est que pour les lieux dont on parle dans l'histoire. Cesariano croit que ce nom lui a été donné, parce que les figures des signes y étaient peintes suivant ce qui a été rapporté dans les fables; mais cela n'est point de l'essence du cadran. (103) - Pelecinon. Les cadrans faits en hache sont probablement ceux où les lignes transversales qui marquent les signes et les mois, sont serrées vers le milieu et s'élargissent sur les côtes : ce qui leur donne la forme d'une hache à double tranchant. (104) - Dionysiodorus conum, Apollonius pharetram. Les cadrans en forme de cône et de carquois sont apparemment les verticaux qui regardent l'orient et l'occident. Comme ils sont longs et placés obliquement, ils représentent un carquois. (105) - Inventa reliquerunt, uti gonarchea, engonatum antiborreum. Ces deux premiers mots ne se trouvent ni dans les auteurs grecs, ni dans les latins; ils semblent dérivés du grec, et signifier des cadrans faits sur des superficies différentes, dont les unes horizontales, les autres verticales, les autres obliques, font plusieurs angles ; ce qui les fait appeler cadrans angulaires, et pliés, parce que gñnu signifie un angle et un genou. Quant à l'antiboraeum, c'est, selon Raidi, un cadran équinoxial opposé au septentrion ; mais, dit Perrault, la vérité est qu'un cadran équinoxial a deux parties : l'une, tournée vers le septentrion, pour le printemps et pour l'été ; l'autre, vers le midi pour l'automne et pour l'hiver. (106) - In his etiam horologiorum ex aqua comparationes explicuit. Il est étonnant que Vitruve, qui affecte partout de citer des mots grecs pour signifier des choses qui ont leurs noms en latin, emploie ici une circonlocution latine, au lieu de se servir du mot grec clepsydre, qui était fort en usage parmi les Romains. Ces horloges, dont il y avait plusieurs espèces, comme on le voit clans ce chapitre, avaient toutes cela de commun, que l'eau tombait insensiblement par un petit trou, d'un vaisseau dans un autre, où, s'élevant peu à peu, elle faisait monter un morceau de liège qui, au moyen d'une règle qui y était attachée, indiquait les heures de différentes manières. Elles étaient toutes sujettes à deux inconvénients : le premier, comme l'a remarqué Plutarque, c'est que l'eau s'écoulait avec plus ou moins de difficulté, selon que l'air était plus ou moins épais, ou plus froid ou plus chaud, ce qui empêchait que les heures ne fussent justes ; l'autre, c'est que quand le vaisseau d'où l'eau tombait était plein, l'eau s'écoulait plus promptement au commencement qu'à la fin, parce que la masse d'eau, et par conséquent sa pesanteur, était plus grande quand il était rempli que quand il était vide; et c'est pour remédier à cet inconvénient qu'Orance inventa la clepsydre, qui est formée d'une petite nacelle qui nage sur l'eau et qui la vide par un siphon placé au milieu de la nacelle ; par ce moyen, la nacelle baisse à mesure que l'eau se vide par le siphon qui la fait sortir toujours également, parce qu'il ne cesse de la prendre près de sa superficie. Nous avons substitué aux clepsydres des anciens nos horloges de sable. (107) - Aut tona projiciuntur. Presque tous les exemplaires ont tona, et je pense que c'est à tort que Cesariano, et après lui Barbaro et Perrault ont remplacé ce mot par celui de ova. Ils croient que ces pierres que faisaient tomber les horloges, probablement dans quelque bassin de cuivre, indiquaient les heures, comme la sonnerie le fait dans les nôtres, ce qui semblerait, au contraire, exiger le mot tona. Vitruve, d'ailleurs, au ch. 14 du liv. X, ne se sert pas du mot ova pour qualifier ces petites pierres, et les nomme calculi rotundi, tandis que le mot ova indique une figure qui n'est pas parfaitement ronde. (108) - Metae fiunt duae. La fig. 105 représente la première espèce des clepsydres qui tempèrent l'eau. C'est celle à deux cônes.
a est le cône creux dans lequel il faut concevoir qu'il tombe de l'eau suffisamment pour en fournir la quantité nécessaire, lorsque le trou qui est à la pointe du cône en laisse sortir davantage, et concevoir encore que ce qui est de reste, lorsque le même trou en laisse moins sortir, s'écoule par un conduit qui empêche qu'elle ne tombe au même endroit où tombe celle qui sort par la pointe du cône: ce conduit, non plus que celui qui apporte l'eau, n'est pas représenté, parce qu'il n'est point particulier à cette clepsydre. e est le cône solide qui remplit toute la cavité du cône creux, quand il est tout à fait baissé, et qui laisse couler plus ou moins d'eau à proportion qu'il est plus ou moins levé. c est la règle eu forme de coin qui lève plus ou moins le cône solide, selon qu'elle est plus ou moins poussée, d'après les marques qu'elle a pour chaque jour. (109) - Et eadem regula. Cette règle, appelée coin un peu plus haut, avait en effet la forme d'un coin, étant plus étroite à un bout qu'à l'autre, afin que poussée ou tirée, elle fît hausser ou baisser le cône solide qui est attaché au bout d'une autre règle au travers de laquelle elle passe. Elle a aussi, marqués à une de ses extrémités, des degrés qui font voir combien il faut pousser ou tirer la règle chaque jour. Elle est représentée par la lettre e (fig. 105). (110) - Ad hibernum usam. Les clepsydres étaient des horloges d'hiver, parce que les cadrans solaires servaient peu dans cette saison où le ciel est souvent obscur et couvert de nuages. Outre les horloges d'hiver ou clepsydres, et celles d'été ou cadrans solaires, les anciens en avaient une troisième espèce que l'on appelait des horloges de nuit. Il en est parlé au ch. 14 du liv. X. Les horloges des anciens étaient bien plus difficiles à construire que les nôtres, où les heures sont toujours égales. Leurs heures changeaient tous les jours, parce qu'ils partageaient le temps qui s'écoule depuis le lever du soleil jusqu'à son coucher, et la nuit de même, en douze heures inégales. Pour faire marquer à leurs clepsydres ces heures différentes, ils se servaient de deux moyens : le premier était de faire mouvoir le cadran de façon qu'il changeât tous les jours, tellement que le mouvement de l'index étant toujours égal, les heures ne laissaient pas d'être inégales, suivant que les espaces qui les séparaient étaient plus grands ou plus petits. Vitruve apporte deux exemples de ces sortes de clepsydres, la clepsydre de Ctesibius représentée par la fig. 107, p. 419, et la clepsydre anaphorique. La seconde espèce de clepsydre était celle où, sans changer de cadran, les heures étaient tantôt grandes, tantôt petites par l'inégalité du mouvement de l'index qui dépendait du tempérament que l'on donnait à l'eau, pour parler comme Vitruve. Ce tempérament se faisait en augmentant ou en diminuant la grandeur du trou par lequel l'eau sortait ; ce qui faisait qu'aux longs jours où les heures étaient plus grandes, le trou étant rapetissé, il tombait peu d'eau en beaucoup de temps ; par là l'eau montait lentement, et baissait aussi, lentement, le contre-poids qui faisait tourner le pivot auquel l'index était attaché. Vitruve donne aussi deux exemples de cette espèce de clepsydre, la clepsydre aux deux cônes représentée par la fig. 105, et la clepsydre aux deux tympans. (111) - In columella horae ex analemmatis transverse describanter. Les fig. 106, p. 418, et 107, p. 419, expliquent clairement cette machine qui est fort ingénieuse. On voit qu'elle exécute une chose assez difficile, qui est de marquer des heures différentes chaque jour, par la progression d'un mouvement toujours égal produit par l'eau qui tombe en tout temps avec la même quantité. Cela se fait au moyen d'une colonne dont la fig. 106 présente le développement; sur cette colonne (fig. 107) qui tourne sur son centre, les heures sont marquées et diversement disposées; chaque jour elle fait rencontrer celles qui conviennent, et les présente à un index qui est la baguette que tient la figure de l'enfant a; cette figure, soulevée par l'eau, monte insensiblement depuis le bas de la colonne jusqu'au haut, dans l'espace d'un jour et d'une nuit : pour cet effet, la circonférence de la colonne est partagée de haut en bas en douze parties égales qui sont pour les douze mois. La ligne AB et la ligne CD (fig. 106) qui sont pour les équinoxes, sont partagées en vingt-quatre heures égales, pour les heures équinoxiales; on prend le nombre d'heures que contient le plus grand jour dans le lieu où la clepsydre doit être posée :
par exemple, pour Paris, on prend environ seize heures équinoxiales depuis A jusqu'à R, et suivant cette mesure, on partage les jours des solstices GH et EF en deux parties inégales, et l'on donne l'espace de seize heures équinoxiales IH, au jour du solstice d'été, et celui des huit autres heures IG, à la nuit. De même on donne l'espace des huit heures équinoxiales SF aux jours du solstice d'hiver EF, et l'espace des seize heures ES à la nuit. Cela étant fait, on partage tous ces jours et toutes ces nuits, chacun en douze parties égales, et par ces divisions on tire des lignes qui règlent toutes les heures pour tous les jours. La petite figure (fig. 107) s'élève par un mouvement très égal pendant vingt-quatre heures, puis elle descend en un instant, et la colonne tourne d'un degré.
La fig. 107 représente la machine de Ctesibius. Elle consiste en une colonne qui tourne sur son piédestal et fait son tour en un an. Sur cette colonne, des lignes perpendiculaires marquent les mois, et des lignes horizontales indiquent les heures. A l'un des côtés de la colonne, on voit la figure u d'une enfant qui laisse couler goutte à goutte l'eau de la clepsydre. Cette eau tombant dans l'intérieur de la machine, dans un conduit long et étroit, monte insensiblement dans ce conduit à mesure qu'elle l'emplit; et au moyen d'un morceau de liège qui nage sur l'eau, une autre petite figure c s'élève; elle tient une baguette avec laquelle, à mesure qu'elle monte, elle montre les heures marquées sur la colonne. A partir des pieds des deux petites figures, c'est l'intérieur de la machine que l'on voit. u est le tuyau par où l'eau monte dans la figure de l'enfant qui la laisse tomber de ses yeux dans le carré, du milieu duquel sort le tuyau; de là elle passe par le trou qui est auprès de e pour aller vers d tomber dans l'espace qui renferme la petite colonne en, au bout de laquelle se trouve le morceau de liège n qui nage sur l'eau, se hausse, à mesure qu'elle monte, avec la petite colonne cn qui y est attachée, et élève insensiblement l'enfant qu'elle soutient, et qui montre les heures avec une baguette. Lorsque dans l'intervalle de vingt quatre heures l'eau a rempli l'espace qui lui est destiné, et qu'en s'élevant elle a aussi rempli le tuyau db qui fait partie du siphon bds, elle se vide par la partie ds, et tombe sur la roue x qui, composée de six caisses, fait nécessairement son tour en six jours. Le pignon h qui y est attaché et qui a six dents, fait agir la roue v qui en a soixante, et à laquelle est attaché le pignon r qui a six dents, pour faire agir la roue o qui en a soixante et une, et fait, par conséquent, son tour en trois cent soixante-six jours. Cette dernière roue o, au moyen de son pivot og fait tourner la colonne g, sur laquelle les signes, les mois et les heures sont marqués ; de sorte que la colonne, faisant tous les jours une trois cent soixante-sixième partie de son tour, met directement au bout de la baguette de la petite figure une des lignes perpendiculaires divisée en vingt-quatre parties par des lignes horizontales, suivant les proportions que les heures du jour et de la nuit avaient anciennement les unes à l'égard des autres. (112) - Anaphorica. Ce mot grec signifie une chose qui monte. Il semble que cette dénomination conviendrait mieux à l'horloge dont il vient d'être fait mention, dans laquelle une figure s'élève insensiblement pour marquer les heures. Baldi croit qu'elle est ainsi appelée à cause des signes qui y sont représentés s'élevant incessamment sur l'horizon les uns après les autres. Cette horloge en effet ressemble, d'après sa description, à l'araignée de l'astrolabe sur laquelle le zodiaque est représenté avec les signes par un cercle excentrique à la circonférence de la roue qui représente l'araignée. (113) - Ex analemmatos descriptione. C'est-à-dire suivant la latitude ou l'élévation du pôle du lieu où cette clepsydre doit servir, et qui se prend par le moyen de l'analème : car la disposition des fils de cuivre est différente selon l'élévation du pôle qui détermine l'horizon par le moyen duquel toutes les lignes qui marquent les heures sont réglées : car la ligne qui représente l'horizon coupant le topique du Cancer, l'équinoxiale et le tropique du Capricorne, laisse douze heures au-dessus pour le jour et autant au-dessous pour la nuit. (114) - Uti major pars circuli signiferi. Le zodiaque, comme on l'a dit, est divisé en parties inégales dans l'astrolabe et dans les cadrans anaphoriques; mais ce que Vitruve veut dire ici est, suivant l'opinion de Perrault, que, selon que le soleil est en différents endroits du zodiaque, il fait les heures différentes. (115) - Ex aere tympanum. Par le mot tympanum sont désignées beaucoup de choses différentes; c'est quelquefois le dedans d'un fronton, quelquefois une roue d'horloge, quelquefois une roue creuse qui sert à élever de l'eau; c'est, dans les clepsydres de Ctesibius, un vase renversé qui nage sur l'eau; ici c'est un cercle de cuivre large et semblable à un tambour de basque ; et ce tambour est de deux espèces, l'un plus grand que l'on nomme femelle, l'autre plus petit qui s'emboîte dans le grand, et qui est appelé mâle. (116) - Inque eo orbiculo temperatum sit foramen. Le grand tympan renferme le petit, qui a tout à l'entour une rainure d'inégale largeur, de même qu'un robinet renferme sa clef; et cette rainure du petit tympan devient un canal fermé dans lequel l'eau entre par le trou qui est au grand. Il arrive qu'à mesure qu'on tourne le petit tympan, la rainure qui, à l'endroit où elle est le plus large, laisse l'ouverture du grand tympan entièrement libre, et donne passage à beaucoup d'eau, n'en laisse plus passer que fort peu, lorsqu'elle lui présente sa partie la plus étroite et la bouche presque tout à fait. Cela étant, il tombe en vingt-quatre heures, soit que le jour soit grand, soit qu'il soit petit, une même quantité d'eau qui fait élever le liège toujours à une même hauteur, quand le jour finit, et, par conséquent, fait faire à l'aiguille deux tours entiers de cadran qui sont de douze heures chacun; mais cette même quantité d'eau est longtemps à tomber, aux grands jours, et elle tombe plus promptement aux courts, parce qu'au moyen de l'index que l'on met chaque jour sur le degré du signe, on fait que la partie la plus large de la rainure se rencontre au droit du trou du grand tympan, aux jours courts, et que la partie étroite s'y rencontre, aux longs; ainsi, à mesure que les jours croissent ou diminuent, la rainure, qui va en croissant ou en diminuant, laisse passer plus ou moins d'eau, et rend les jours de différente longueur, suivant la grandeur ou la petitesse qu'elle a. |