LIVRE X.
VITRUVIUS. 1. NOBILI Graecorum et ampla civitate, Ephesi, lex vetusta dicitur a majoribus dura conditione sed jure esse non iniquo constituta. Nam architectus quum publicum opus curandum recipit, pollicetur quanto sumptu id sit futurum ; tradita aestimatione, magistratui bona ejus obligantur, donec opus sit perfectum : absoluto autem quum ad dictum impensa respondet, decretis et honoribus ornatur. Item si non amplius quam quarta ad aestimationem est adjicienda, de publico praestatur, neque ulla poena tenetur : quum vero amplius quam quarta in opere consumitur, ex ejus bonis ad perficiendum pecunia exigitur. 2. Utinam dii immortales (01) fecissent quod ea lex etiam populo Romano, non modo publicis, sed etiam privatis aedificiis esset constituta : namque non sine poena grassarentur imperiti; sed qui summa doctrinarum subtilitate essent prudentes, sine dubitatione profiterentur architecturam; neque patresfamiliarum inducerentur ad infinitas sumptuum profusiones, et ut ex bonis ejicerentur; ipsique architecti poenae timore coacti diligentius modum impensarum ratiocinantes explicarent, uti patresfamiliarum ad id quod praeparavissent, seu paulo amplius adjicientes, aedificia expedirent. Nam qui quadringenta ad opus possunt parare, si adjiciant centum, habendo spem perfectionis, delectationibus tenentur; qui autem adjectione dimidia aut amphore sumptu onerantur, amissa spe et impensa abjecta, fractis rebus et animis, desistere coguntur. 3. Nec solum id vitium in aedificiis, sed etiam in muneribus, qua a magistratibus Foro gladiatorum scenisque ludorum dantur (02); quibus nec mora, neque exspectatio conceditur, sed necessitas finito tempore perficere cogit, uti sunt sedes spectatorum (03), velorumque inductiones (04) et ea omnia, quae scenicis morihus per machinationem ad spectationes populo comparantur. In his vero opus est prudentia diligenti et ingenii doctissimi cogitatu; quod nihil eorum perficitur sine machinatione studiorumque vario ac solerti vigore. 4. Igitur quoniam haec ita sunt tradita et constituta, non videtur esse alienum, uti caute summaque diligentia, antequam instituantur opera, eorum expediantur rationes. Ergo quoniam neque lex, neque morum institutio id potest cogere, et quotannis et praetores et aediles ludorum causa machinationes praeparare debent, visum mihi est, imperator, non esse alienum, quoniam de aedificiis in prioribus voluminibus exposui, in hoc, quod finitionem summani corporis habet constitutam, quae sint principia machinarum ordinata, praceptis explicare. |
VITRUVE. 1. DANS une grande et célèbre ville de la Grèce, à Éphèse, il existe, dit-on, une vieille loi à laquelle on a attaché une sanction sévère, mais juste. Tout architecte qui se charge d'un ouvrage public, est tenu de déclarer quels doivent en être les frais, et une fois l'estimation faite, ses biens passent comme garantie dans les mains du magistrat, jusqu'à l'accomplissement des travaux. Si les dépenses répondent au devis, on lui accorde des récompenses et des honneurs; si elles ne dépassent l'estimation que du quart, on a recours aux deniers publics, sans qu'il soit contraint de subir aucune peine; mais si elles montent au delà du quart, on prend l'excédant sur ses biens. 2. Combien il serait à souhaiter que les Romains eussent une loi semblable, non seulement pour leurs édifices publics, mais encore pour leurs bâtiments particuliers ! l'impunité n'autoriserait pas les désordres de l'ignorance; il n'y aurait que ceux dont l'habileté serait reconnue qui oseraient exercer la profession d'architecte; les pères de famille ne seraient point jetés dans ces dépenses excessives qui les ruinent; les architectes arrêtés par la crainte d'une peine, apporteraient plus de soin dans le calcul de leurs dépenses, et l'on verrait s'achever les édifices pour la somme qu'on se proposait d'y employer, ou peu de chose en sus. Car celui qui veut dépenser quatre cent mille sesterces à la construction d'un bâtiment, peut bien y en ajouter cent mille autres pour avoir le plaisir de le voir terminer; mais quand les frais se trouvent doublés, plus que doublés, on perd toute confiance , on ne veut plus entendre parler de rien, on se voit ruiné, on n'a plus de courage, on est forcé de tout abandonner. 3. Et c'est un vice qui ne frappe pas seulement les édifices, on le voit encore s'attacher aux préparatifs que les magistrats font faire dans le Forum pour la représentation des jeux des gladiateurs et des acteurs. Point de délais, point de retardements pour ces sortes de choses; il faut, à heure dite, avoir établi les gradins pour les spectateurs, étendu les voiles, dressé les machines, fait, en un mot, toutes les dispositions que nécessitent les spectacles donnés au peuple. Ce sont des choses qui exigent toute l'expérience, tout le soin, toute l'application d'un esprit exercé, et dont on ne peut venir à bout sans avoir étudié l'art de faire des machines, sans avoir acquis de nombreuses et solides connaissances. 4. Toutes ces considérations me font penser qu'il ne serait pas inutile, avant de commencer ces travaux, d'examiner avec soin ce qu'ils peuvent coûter. Mais comme il n'y a ni loi ni ordonnance qui prescrive de telles mesures, et que tous les ans les préteurs et les édiles sont obligés de faire préparer des machines pour les jeux, j'ai cru, ô César, qu'il était à propos, après avoir traité des édifices dans les livres précédents, d'expliquer dans celui-ci, qui va terminer le corps de cet ouvrage, quels sont les principes qui doivent diriger la confection des machines.
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1. De machina et ejus ab organo differentia. 1. Machina est continens (05) ex materia conjunctio maximas ad onerum motus habens virtutes. Ea movetur ex arte (06) circulorum rotundationibus (07), quam Graeci κυκλικὴν κίνησιν appellant. Est autem unum genus scansorium (08), quod Graece ἀκροβατικόν dicitur; alterum spiritale, quod apud eos πνευματικόν appellatur; tertium tractorium : id autem Graeci βαροῦλκον vocitant. Scansorium autem est quum machine ita fuerunt collocatae, ut ad altitudinem tignis statutis et transversariis colligatis sine periculo scandatur ad apparatus spectationem (09): et spiritale, cum spiritus impulsu, et plagae vocesque ὀργανικῶς exprimuntur (10). 2. Tractorium vero, quum onera machinis pertrahuntur, aut ad altitudinem sublata collocantur. Scansoria ratio non arte, sed audacia gloriatur : ea catenationibus, et transversariis, et plexis colligationibus, et erismatum fulturis continetur. Quae autem spiritus potestate assumit ingressus, elegantes artis subtilitatibus consequitur effectus. Tractoria autem majores et magnificentia plenas habet ad utilitatem opportunitates et in ageudo cum prudentia sumruas virtutes. 3. Ex his sunt alia quae μηχανικῶς, alia quae ὀργανικῶς moventur (11). Inter machinas et organa id videtur esse discrimen, quod machinae pluribus operibus aut vi majore coguntur effectus habere, uti halistae torculariorumque preda. Organa autem unius opera prudenti tactu perficiunt qiod propositum est, uti scorpionis (12) seu anisocyclorum versationes (13). Ergo et organa et machinarum ratio ad usum sunt necessaria, sine quibus nulla res potest esse non impedita. 4. Omis autem machinatio est a rerum natura procreata ac praeceptrice et magistra mundi versatione iustituta. Namque animadvertamus primum et aspiciamus continentem solis, Iunae, quinque etiam stellarum naturam, quae ni machinata versarentur, non habuissemus interdiu lucem nec fructuum maturitates. Quum ergo majores haec ita esse animadvertissent, e rerum natura sumpserunt exempla, et ea imitantes, inducti rebus divinis, commodas vitae perfecerunt explicationes. Itaque comparaverunt, ut essent expeditiora, alla machinis et earum versationibus, nonnulla organis : et ita quae animadverterunt ad usum utilia esse studiis, artibus, institutis, gradatim augenda doctrinis curaverunt.
5.
Attendamus enim primum inventum de necessitate, ut vestitus,
quemadmodirm telarum organicis administrationibus connexus staminis
ad subtegmen, non modo corpora tegendo tueatur, sed etiam ornatus
adjiciat honestatem. Cibi vero non habuissemus abundantiam, nisi
juga et aratra bobus jumentisque omnibus essent inventa :
sucularumque, et prelorum, et vectium, si non fuisset torcularis
praeparatio, neque olei nitorem, neque vineum fructum habere
potuissemus ad jucunditatem : portationesque eorum non essent, nisi
plaustrorum , seu sarracorum per terram, navicularum per aquam ,
inventae essent machinationes. |
1. Des machines; en quoi elles diffèrent des organa. 1. Une machine est un assemblage solide de pièces de bois disposées de manière à faire mouvoir les plus lourds fardeaux. L'effet de la machine dépend de l'art, et il est fondé sur le mouvement circulaire que les Grecs appellent κυκλικὴ κίνησις. Les machines se divisent en trois genres : le premier sert à monter : les Grecs l'appellent ἀκροβατικός; le second se meut par le vent : en grec πνευματικός; le troisième sert à tirer : les Grecs le nomment βαροῦλκος. Les machines qui servent à monter sont organisées de telle sorte qu'à l'aide de pièces de bois mises debout auxquelles s'ajoutent d'autres pièces transversales, on peut monter sans danger pour voir ce qui se passe. Les machines à vent sont celles qui, par l'impulsion de l'air, imitent le son des instruments que l'on touche, et la voix humaine. 2. Les machines qui servent à tirer sont celles à l'aide desquelles on transporte ou on élève des fardeaux. Pour monter on a moins besoin d'art que de hardiesse. La machine se compose de chaînes, de pièces de bois transversales, d'un mannequin fait avec de l'osier entrelacé, et d'un montant solide qui soutient le tout. Celles que la force du vent fait agir, produisent des effets étonnants, grâce aux moyens ingénieux que l'art emploie. Celles qui servent à tirer sont si utiles, que les résultats qu'on en obtient sont prodigieux , quand on met avec habileté leur puissance en action. 3. De toutes ces machines, les unes se meuvent μηχανικῶ, les autres ὀργανικῶς. Entre les machinae et les organa, il me semble qu'il y a cette différence, que les machinae demandent, pour avoir leur effet, plus de bras, plus de forces, comme les balistes et les arbres des pressoirs, et que les organa, maniés avec adresse par un seul homme, exécutent ce à quoi ils sont destinés. Tels sont les arbalètes et les anisocycles. Toutes ces machines, de quelque espèce qu'elles soient, sont d'un usage indispensable; sans elles il n'est rien qui se fasse sans difficulté. 4. L'art de faire des machines est entièrement fondé sur la nature, et sur l'étude qu'on a faite du mouvement circulaire du monde. Regardons d'abord et observons la marche continuelle du soleil, de la lune et des cinq autres planètes ; si leur mouvement de rotation n'était pas basé sur les règles de la mécanique, nous n'aurions point de lumière pendant le jour, et les fruits n'arriveraient point à leur maturité. A la vue de ce mécanisme, les anciens prirent modèle sur la nature, et, suivant la marche que ces corps divins semblaient leur indiquer, ils obtinrent des résultats qui sont si nécessaires à la vie. Aussi, pour rendre leurs ouvrages plus faciles à faire, ont-ils inventé toutes sortes de machines dont la puissance a été appropriée à leur destination. C'est ainsi que tout ce dont ils ont reconnu l'utilité dans les sciences, dans les arts, dans les métiers, a été insensiblement amené par leur sagacité à une plus grande perfection.
5.
Remarquons que la première invention a été due à la nécessité :
c'est le vêtement. L'entrelacement des fils de la chaîne avec ceux
de la trame, a produit, à l'aide de certains instruments, un tissu
qui, en couvrant le corps, ne le protége pas seulement, mais lui
sert encore d'un grand ornement. Et les aliments, nous ne les
aurions pas eus en abondance, si l'on n'avait point inventé le joug
et la charrue pour les boeufs et pour toutes les bêtes de somme; et
sans les moulinets, sans les pressoirs, sans les leviers, sans la
manière employée pour pressurer les olives et les raisins, nous ne
jouirions point des liqueurs qu'on en exprime. Et quels seraient nos
moyens de transport, si l'on n'avait inventé les chariots, les
voitures et les bateaux, pour transporter par terre et par eau? |
II. De machatis tractoriis. 1. Itaque incipiemus de his, quae raro veniunt ad manus, ut nota sint, explicare. Primumque instituemus de his, quae aedibus sacris ad operumque publicorum perfectionem necessitate comparantur, quae fiunt ita. Tigna tria (15) ad onerum magnitudinem ratione expediuntur, a capite fibula conjuncta et in imo divaricata eriguntur, funibus in capitibus collocatis et circa dispositis erecta retinentur : alligatur in summo trochlea (16), quem etiam nonnulli rechamum dicunt (17). In trochleam induntur orbiculi duo per axiculos versationes habentes; per orbiculum summum trajicitur ductarius funis, deinde demittitur et traducitur circa orbiculi imum trochleae inferioris, refertur autem ad orbiculum imum trochleae superioris, et ita descendit ad inferiorem, et in foramine ejus religatur; altera pars funis refertur inter imas machinae partes. 2. In quadris autem tignorum posterioribus, quo loci sue divaricata, figuntur chelonia, in quae conjiciuntur sucularum capita, ut faciliter axes versentur. Eae suculae proxime capita habent foramina bina ita temperata, ut vectes in ea convenire possint. Ad rechamum autem imum ferrei forcipes religantur (18), quorum dentes in saxa forata accommodantur. Quum autem funis habet caput ad suculam religatum, et vectes ducentes eam versant, funis se involvendo circum suculam extenditur, et ita sublevat onera ad altitudinem et operum collocationes. 3. Haec autem ratio machinationis, quod per tres orbiculos circumvolvitur, trispastos appellatur. Quum vero in ima trochlea duo orbiculi in superiore tres versantur, id pentaspaston dicitur. Sin autem majoribus oneribus erunt machina comparandae, amplioribus tignorum longitudinibus et crassitudinibus erit utendum, et eadem ratione in summo fibulationibus, in imo sucularum versationibus expediundum. His explicatis antarii funes ante laxi collocentur, retinacula supra scapulas machinae longe disponantur (19), et, si non erit ubi religentur, pali resupinati defodiantur, et circum fistucationibus solidentur, quo funes alligentur. 4. Trochlea in summo capite machina rudenti contineatur, et ex eo funis perducatur ad palum, et quae est in palo trochlea illigata, circa ejus orbiculum funis indatur, et referatur ad eam trochleam, quae erit ad caput machinae religata. Circum autem orbiculum ab summo trajectus funis descendat, et redeat ad suculam, quae est in ima machina, ibique religetur. Vectibus autem coacta sucula versabitur, et eriget per se machinam sine periculo : ita circa dispositis funibus, et retinaculis in palis haerentihus, ampliore modo machina collocabitur. Trochleae et ductarii funes, uti supra scriptum est, expediuntur. 5. Sin autem colossicotera amplitudinibus et ponderibus onera in operibus fuerint, non erit suculae committendum; sed quemadmodum sucula cheloniis retinetur, ita axis includatur, habens in medio tympanum amplum, quod nonnulli rotam appellant, Graeci autem ἀμφίρευσιν alii περιτρόχιον vocitant. 6. In his autem machinis trochleae non eodem sed alio modo comparantur : habent enim et in imo et in summo duplices ordines orbiculorum : ita funis ductarius traiicitur in inferioris trochleae foramen, uti aequalia duo capita sint, funis quum erit extensus; ibique secundum inferiorem trochleam resticula circumdata et connexa, utraeque partes funis continentur, ut neque in dextram, neque in sinistram partem possint prodire. Deinde capita funis referuntur in summa trochlea ab exteriore parte, et deiiciuntur circa orbiculos imos, et redeunt ad imum coniiciunturque infimae trochleae ad orbiculos ex interiore parte, et referuntur dextra ac sinistra ad caput circa orbiculos summos. 7. Trajecta autem ab exteriori parte referuntur dextra ac sinistra tympanum in axe, ibique ut haereant, colligantur. Tum autem circa tympanum involutus alter funis refertur ad ergatam (20), et is circumactum tynipanum et axem se involvendo, funes qui in axe religati sunt, pariter se extendunt, et ita leniter levant onera sine periculo. Quod si maius tympanum collocatum (21) aut in medio aut in una parte extrema hahuerit sine ergata calcantes homines, expeditiores habere poterit operis effectus. 8. Est autem aliud genus machinae (22) satis artificiosum, et ad usum celeritatis expeditum, sed in eo dare operam non possunt nisi periti. Est enim tignum, quod erigitur et distenditur retinaculis quadrifariam; sub retinaculis chelonia duo figuntur; trochlea funibus supra chelonia religatur; sub trochlea regula longa circiter pedes duos, lata digitos sex, crassa quatuor, supponitur. Trochleae ternos ordines orbiculorum in latitudinem habentes collocantur; ita tres ductarii funes in summo machinae religantur, deinde referuntur ad imam trochleam et traiiciuntur ex interiore parte per eius orbiculos summos : deinde referuntur ad superiorem trochleam, et traiiciuntur ab exteriore parte in interiorem, per orbiculos imos. 9. Quum descenderint ad imum, ex interiore parte et per secundos orbiculos traducuntur in exteriorem, et referuntur in summum; ad orbiculos secundos traiecti, redeunt ad imum; ex imo referuntur ad caput, et traiecti per summos, redeunt ad machinam imam. In radice autem machinae collocatur tertia trochlea; eam autem Graeci ἐπάγοντα, nostri artemonem appellant (23). Ea trochlea religatur ad machinae radicem habens orbiculos tres, per quos traiecti funes traduntur hominibus ad ducendum. Ita tres ordines hominum ducentes, sine ergata, celeriter onus ad summum perducunt. 10. Hoc genus machinae polyspaston appellatur, quod multis orbiculorum circuitionibus, et facilitatem summam praestat et celeritatem. Una autem statutio tigni hanc habet utilitatem, quod ante quantum velit a dextra ac sinistra, ad latera declinando (24) onus deponere potest. Harum machinationum omnium, quae supra scriptae, rationes, non modo ad has res, sed etiam ad onerandas et exonerandas naves sunt paratae, allae erectae;, aliae planee in carchesiis versatilibus collocatae. Non minus sine tignorum erectionibus in plano, etiam eadem ratione et temperatis funibus et trochleis, subductiones navium efficiuntur. 11. Non est autem alienum etiam Chersiphronis ingeniosam rationem exponere. ls enim scapos columnarum ex lapidicinis quum deportare vellet Ephesum ad Dianae fanum, propter magnitudinem onerum et viarum campestrem mollitudinem, non confisus carris, ne rotae devorarentur, sic est conatus. De materia trientali scapos quatuor, duos transversarios interpositos duobus longis, quanta longitudo scapi fuerat, complectit et compegit, et ferreos cnodaces, uti subscudes (25) in capitibus scaporum implumbavit, et armillas in materia ad cnodaces circumdandos infixit, item baculis iligneis capita religavit. Cnodaces autem in armillis inclusi liberam habuerunt versationem tantam, uti quum boves ducerent subiuncti, scapi versando in cnodacibus et armillis sine fine volverentur. 12. Quum autem scapos omnes ita vexissent, et instarent epistyliorum vecturae, filius Chersiphronis Metagenes transtulit eam rationem e scaporum vectura etiam in epistyliorum deductione. Fecit enim rotas circiter pedum duodenum (26), et epistyliorum capita in medias rotas, eadem ratione cum cnodacibus et armillis in capitibus, inclusit. Ita quum trientes a bubus ducerentur, in armillis inclusi cnodaces versabant rotas; epistylia vero inclusa, uti axes, in rotis (27), eadem ratione qua scapi, sine mora ad opus pervenerunt. Exemplar autem erit eius, quemadmodum in palaestris cylindri exaequant ambulationes. Neque hoc potuisset fieri, nisi primum propinquitas esset : non enim plus sunt ab lapidicinis ad fanum quam millia pedum octo : nec ullus est clivus, sed perpetuus campus. 13. Nostra vero memoria, quum colossici Apollinis in fano basis esset a vetustate defracta, et metuentes ne caderet ea statua et frangeretur, locaverunt ex eisdem lapidicinis basim excidendam. Conduxit quidam Paconius. Haec autem basis erat longa pedes duodecim, lata pedes octo, alta pedes sex : quam Paconius, gloria fretus, non uti Metagenes apportavit (28), sed eadem ratione alio genere constituit machinam facere. 14. Rotas enim circiter pedum quindecim fecit, et in his rotis capita lapidis inclusit; deinde circa lapidem fusos sextantales, ab rota ad rotam, ad circinum compegit ita, uti fusus a fuso non distaret pedeni nisi unm. Deinde circa fusos funem involvit, et bubus junctis funem ducehat; ita quum explicaretur, volvebat rotas, sed non poterat ad lineam via recta ducere (29), sed exibat in unam vel alteram partem. Ita necesse erat cursus retroducere. Sic Paconius ducendo et reducendo pecuniam contrivit, ut ad solvenduni non esset.
15.
Pusillum extra progrediar, et de his Iapidicinis,quemadmodum sint
inventae, exponam. Pixodorus fuerat pastor : is in his locis
versabatur. Quum autem cives Ephesiorum cogitarent fanum Dianae ex
marmore facere, decernerentque a Paro, Proconneso, Heraclea, Thaso,
uti marmore, per id tempus propulsis ovibus Pixodorus in eodem Ioco
pecus pascebat, ibique duo arietes inter se concurrentes, alius
alium praeterierunt, et impetu facto unus cornibus percussit saxum,
ex quo crusta candidissimo colore fuerat deiecta. Ita Pixodorus
dicitur oves in montibus reliquisse, et crustam cursim Ephesum, quum
maxime de ea re ageretur, detulisse. Ita statim honores ei
decreverunt (30),
et nomen mutaverunt, ut pro Pixodoro Evangelus nominaretur. Hodieque
quotmensihus magistratus in eum locum proficiscitur, et ei
sacrificium facit , et, si non fecerit, poena tenetur. |
II. Des machines qui servent à tirer. 1. Nous allons commencer l'explication de celles dont ou se sert rarement, afin de les bien faire connaître. Nous allons commencer par les machines dont l'emploi est nécessaire pour la construction des temples et des édifices publics. Voici comment on les fait. On prépare trois pièces de bois proportionnées au poids des fardeaux qu'elles doivent lever. On les joint ensemble par le haut avec une cheville, puis on les dresse et on les écarte par en bas, après avoir lié à leur tête des cordes qu'on attache dans les environs pour tenir la machine droite et l'affermir. On attache au haut une moufle appelée par quelques-uns rechamus. On y introduit deux poulies qui tournent sur des boulons. Sur la poulie supérieure on fait passer un câble qu'on tire jusqu'à la poulie de la moufle inférieure, sous laquelle poulie on le fait passer pour le ramener à la seconde poulie de la moufle supérieure ; puis on le fait redescendre à la moufle inférieure dans un trou de laquelle on l'attache; l'autre bout du câble est ramené au bas de la machine. 2. A la partie postérieure des pièces de bois équarries, vers l'endroit où elles sont écartées, on fixe deux anses (le fer qui reçoivent les bouts du moulinet, afin qu'ils y tournent facilement comme des essieux. Ce moulinet , vers chacun de ses bouts, a deux trous disposés de manière que des leviers puissent y entrer. A la partie inférieure de la moufle d'en bas, on attache des tenailles de fer dont les deux branches vont s'enfoncer dans des trous que l'on fait aux pierres. Comme le bout du câble est attaché au moulinet que les leviers font tourner, le câble, s'enroulant tout autour, se tend et fait monter les fardeaux jusqu'à la hauteur à laquelle ils doivent être placés. 3. La machine dans laquelle se meuvent trois poulies, s'appelle trispaste; quand elle en a cinq, deux dans la moufle d'en bas, trois dans celle d'en haut, on la nomme pentaspaste. Si l'on veut avoir des machines capables de lever de plus lourds fardeaux, il faudra se servir de pièces de bois plus longues et plus grosses, et augmenter à proportion la grosseur des boulons qui sont en haut, et la force des moulinets qui sont en bas. Après ces préparatifs, on commencera par attacher, sans qu'ils soient tendus, les câbles destinés à soutenir la machine; puis pour empêcher que les deux pièces de bois où sont attachées les amarres ne reculent, on y mettra des cordes que, faute de mieux, on liera autour de pieux auxquels on donnera un certain degré d'inclinaison en les fichant en terre, et en les y enfonçant bien avant à coups de maillet. 4. Après cela, on attachera solidement une moufle au haut de la machine d'où l'on fera descendre un câble vers une autre moufle attachée à un pieu; on le fera passer dans la poulie de cette moufle inférieure pour le faire remonter jusqu'à la poulie qui est attachée à la tête de la machine. Après l'avoir fait passer par-dessus la poulie de cette moufle supérieure, on le ramènera vers le moulinet qui est au bas de la machine, et on l'y fixera. Le moulinet mis en mouvement par les leviers fera lui-même monter la machine sans aucun danger; et grâce aux câbles disposés autour d'elle, et aux cordes attachées aux pieux pour la retenir, la machine sera bien affermie. On pourra alors, comme on l'a lu plus haut, se servir des moufles et des cordes qui servent à tirer. 5. Si dans un ouvrage il se rencontre des fardeaux d'une grosseur et d'un poids énormes, il ne faudra point se fier au moulinet; dans les anses qui le retiennent, il faudra passer un essieu au milieu duquel il y aura un grand tympan appelé par quelques Romains rota , et par les Grecs ἀμφίρευσις ou περιτρόχιον. 6. Dans ces machines, les moufles sont d'une autre forme : toutes deux, celle du haut comme celle du bas, ont un double rang de poulies. On passe le câble dans l'anneau de la moufle inférieure, jusqu'à ce que les deux bouts soient d'égale longueur, quand il sera tendu. Là, auprès de la moufle inférieure, avec une ficelle qui, après plusieurs tours, y sera fortement nouée, les deux parties du câble seront arrêtées de manière à ne pouvoir glisser ni à droite ni à gauche. Les cieux bouts du câble sont ensuite montés jusqu'à la moufle supérieure où on les fait passer, par la partie extérieure, sur les secondes poulies, pour les ramener en bas, les faire passer sous les poulies de la moufle inférieure par la partie intérieure, et les faire retourner encore à droite et à gauche jusqu'en haut, où on les fait passer sur les premières poulies. 7. Après les avoir fait passer par la partie extérieure, on les ramène, à droite et à gauche de la roue, jusqu'à l'essieu, où on les attache pour les y fixer. Alors, de la roue autour de laquelle il est entortillé, un autre câble se dirige vers un vindas. En même temps que ce câble file autour de la roue et du treuil du vindas, ceux qui sont attachés à l'essieu de la machine, se tendent et lèvent insensiblement les fardeaux sans danger. Que si l'on veut, sans employer de vindas, se servir d'une roue plus grande, en la faisant tourner par des hommes qui agiront avec leurs pieds, soit au milieu, soit à l'une de ses extrémités, on en obtiendra des résultats encore plus prompts. 8. Il y a une autre machine assez ingénieuse ; elle est très expéditive, niais elle veut être dirigée par une main adroite. C'est une longue pièce de bois qui, mise debout, est arrêtée de quatre côtés par des cordes. Au haut de cette pièce de bois, au-dessous de l'endroit où ces cordes sont attachées, on cloue deux anses sur lesquelles on fait passer les cordes qui retiennent la moufle. On appuie cette moufle par une règle longue d'environ deux pieds, large de six doigts, épaisse de quatre. Les moufles présentent sur leur largeur trois rangs de poulies, en sorte que trois câbles attachés au haut de la machine descendent jusqu'à la moufle inférieure, sous les trois premières poulies de laquelle on les fait passer du dedans au dehors. On les remonte ensuite à la moufle supérieure pour les faire passer de dehors en dedans sur les poulies d'en bas. 9. De là, descendant à la moufle inférieure, ces câbles passent de dedans en dehors sous les secondes poulies, et retournent en haut pour passer sur les poulies du second rang, d'où ils redescendent en bas pour remonter encore en haut, où, après avoir passé sur les trois poulies du dernier rang, ils redescendent au bas de la machine. Or, au pied de la machine, se trouve une troisième moufle, que les Grecs appellent ἐπάγων, et les Romains artemon. Cette moufle, qui est attachée au pied de la machine, a trois poulies dans lesquelles passent les trois câbles qu'on donne à tirer à des hommes. Ainsi trois rangées d'hommes, sans le secours d'un vindas, peuvent tirer et élever promptement les fardeaux. 10. Cette espèce de machine s'appelle polyspaste, parce que, à l'aide d'un grand nombre de poulies, on tire avec autant de facilité que de promptitude. L'emploi d'une seule pièce de bois a cela d'avantageux, que, en lui donnant préalablement l'inclinaison que l'on veut, à droite ou à gauche, elle peut déposer les fardeaux sur les côtés. Toutes les machines qui ont été décrites ci-dessus peuvent encore servir à charger et à décharger les navires, les unes debout, les autres couchées sur des pièces de bois faciles à mettre en mouvement. On peut encore, sans élever d'arbre, étendre à terre les mêmes câbles et les mêmes poulies, et s'en servir pour tirer les navires hors de l'eau. 11. Il n'est pas hors de propos d'expliquer aussi l'invention ingénieuse de Chersiphron. Cet architecte voulait transporter des fûts de colonnes, des carrières où on les prenait, jusqu'à Éphèse, où il bâtissait le temple de Diane. Craignant que la pesanteur des fardeaux et le peu de solidité des chemins de campagne ne fissent enfoncer les roues, voici l'expédient qu'il trouva. Quatre pièces de bois de quatre pouces carrés, deux placées en travers et les deux autres en long, égales à la grandeur de chaque fût de colonne, furent solidement assemblées. Aux deux bouts des fûts, il scella avec du plomb des boulons de fer en forme de queue d'aronde, et enfonça dans les traverses des anneaux en fer pour y faire passer les boulons. De plus, il attacha aux deux extrémités de la machine, des timons en bois de chêne auxquels on attela des boeufs, et les boulons passés dans les anneaux de fer y tournaient si librement, que les fûts des colonnes, grâce à ces boulons et à ces anneaux de fer, roulèrent sans aucune difficulté. 12. Quand tous les fûts des colonnes eurent été transportés, il fut aussi question du transport des architraves. Métagène, fils de Chersiphron, prit modèle sur cette machine pour les amener. Il fit des roues de douze pieds environ, et au milieu de ces roues il enchâssa les deux bouts des architraves, auxquels il adapta de la même manière des boulons et des anneaux de fer, de sorte que, les boeufs une fois attelés à la machine faite de pièces de bois de quatre pouces carrés, les boulons passés dans les anneaux de fer faisant tourner les roues; et les architraves enfermées dans les roues comme des essieux, arrivèrent de la même manière que les fûts de colonnes, au lieu de leur destination. On peut avoir une idée de cette machine par les cylindres qui servent à aplanir les allées dans les palestres. Mais il eût été impossible de réussir sans le peu de distance qu'il y avait entre la carrière et le temple, distance qui n'était que de huit mille pas ; encore n'y avait-il ni à monter ni à descendre. 13. De notre temps, le piédestal de la statue colossale d'Apollon menaçait ruine de vétusté. On craignait que cette statue, placée dans son temple, ne vint à tomber et à se briser. On proposa un marché pour tirer de la même carrière un nouveau piédestal. Ce fut un nommé Paconius qui l'accepta. Ce piédestal avait douze pieds de longueur, huit de largeur, six de hauteur. Paconius, piqué d'honneur, ne se servit point de l'appareil de Métagène ; il voulut monter une machine d'un autre genre, d'après le même système. 14. Il fit faire des roues d'environ quinze pieds, et y enferma les deux bouts de la pierre; ensuite, tout autour de cette pierre, il disposa en rond des fuseaux de deux pouces de grosseur qui, passant d'une roue à l'autre, n'avaient entre eux que la distance d'un pied. Puis il entortilla ces fuseaux d'un câble qu'il fit tirer par un attelage de boeufs. A mesure que le câble se déroulait, les roues tournaient; mais elles ne pouvaient aller droit, et dérivaient tantôt à droite, tantôt à gauche. Il fallait à chaque instant reculer. Aussi Paconius, à force d'avancer et de reculer, finit par se mettre dans l'impossibilité de faire face aux frais. 15. Je vais faire une petite digression pour raconter de quelle manière furent trouvées les carrières d'Éphèse. Il y avait un berger nommé Pixodore qui vivait dans ces parages. Dans le temps que les citoyens d'Éphèse pensaient à élever à Diane un temple de marbre, et se proposaient de faire venir leurs marbres de Paros, de Proconèse, d'Héraclée et de Thasis, Pixodore avait mené paître son troupeau dans ce même endroit. Voilà que deux de ses béliers, se précipitant pour se choquer, passèrent l'un à côté de l'autre sans se toucher; mais il y en eut un qui alla donner de ses cornes contre un rocher dont il enleva un fragment de la couleur la plus blanche. Pixodore laisse, dit-on, ses moutons dans la montagne, court à Éphèse, où il arrive avec son fragment au moment où il était le plus question de l'affaire des marbres. On lui décerna à l'instant de grands honneurs; on changea son nom de Pixodore eu celui d'Evangelus. Et de nos jours encore, le magistrat est tenu de se rendre tous les mois sur le lieu même , pour y faire un sacrifice, faute de quoi il subit une punition. |
III. De linea recta et rotunda, motus omnis principiis. 1. De tractoriis rationibus, quae necessaria putavi, breviter exposui. Quarum motus et virtutes duae res diversae et inter se dissimiles, uti congruentes, ita principia pariunt ad eos effectus, unum porrecti, quam Graeci εὐθεῖαν vocitant, alterum rotunditatis, quam κυκλωτὴν appellant ; sed vere neque sine rotunditate motus porrecti, nec sine porrecto rotationis versationes onerum possunt facere Ievationes. Id autem ut intelligatur, exponam (31). 2. lnducuntur uti centra axiculi in orbiculos, et in trochleis collocantur (32), per quos orbiculos funis circumactus directis ductionibus, et in sucula collocatus (33) vectium versationibus onerum facit egressus in altum : cujis suculae cardines, uti centra, porrecti in cheloniis, foraminibusque eius vectes conclusi, capitibus ad circinum circumactis, torni ratione versando, faciunt oneris elationem. Quemadmodum etiam ferreus vectis (34) quum est admotus ad onus, quod manuum multitudo non potest movere, supposita uti centro cito porrecta pressione, quod Graeci ὑπομόχλιον appellant, et lingula sub onus subdita, caput eius unius hominis viribus pressum id opus extollit. 3. Id autem fit, quod brevior pars prion vectis ab ea pressione, quod est centrum, subit sub onus, et quod longius ab eo centro distans caput ejus, per id quum ducitur, faciundo motus circinationis, cogit pressionibus examinari paucis nranibus oneris maximi pondus. Item si sub onus vectis ferrei lingula subjecta fuerit, neque ejus caput pressione in imum, sed adversus in altitudinem extolletur, lingula fulta in areae solo habebit eum pro onere, oneris autem ipsius angulum pro pressione; ita non tam faciliter quam oppressione (35), sed adversus nihilominus id pondus oneris erit excitatum. Igitur si plus lingula vectis supra hypomochlion posita sub onus subierit, et caput ejus propius centrum pressiones habuerit, non poterit onus elevare, nisi, quemadmodum supra scriptum est, examinatio vectis longius per caput deductionibus fuerit facta (36). 4. Id autem ex trutinis, quae staterae dicuntur, licet considerare (37) : quum enim ansa propius caput, unde lancula pendet, uti ad centrum est collocata, et aequipondium in alteram partem scapi, per puncta vagando quo Iongius, aut etiam ad extremum perducitur, paulo et impari pondere amplissimam pensionem parem perficit, per scapi librationem examinatio longius a centro recedens. Ita imbecillior aequipondii brevitas, maiorem vim ponderis momento deducens, sine velrementia, molliter, ab imo sursum versum egredi cogit. 5. Quemadmodum etiam navis onerariae maximae gubernator, ansam gubernaculi tenens (38), qui οἴαξ a Graecis appellatur, una manu, momento per centrum pressionibus ex ratione artis agitans, versat eam amplissimis et immanibus mercis et penus ponderibus oneratam ; eiusque vela quum sunt per altitudinem mediam mali pendentia, non potest habere navis celerem cursum ; quum autem in summo cacumine antennae subductae sunt, tunc vehementiori progreditur impetu , quod non proxime calcem mali, quod est loco centri, sed in summo et longius ab eo progressa recipiunt in se vela ventum. 6. Itaque uti vectis sub onere subjectus, si per medium premitur, durior est, neque incumbit ; quum autem caput ejus summum deducitur, faciliter onus extollit : similiter vela, quum sunt per medium temperata, minorem hahent virtutem ; quae autem in capite mali summo collocantur discedentia longius a centro, non acriore, sed eodem flatu, pressione cacuminis vehementius cogunt progredi navem (39). Etiam remi, circa scalmos strophis religati, quum manibus impelluntur et reducuntur, extremis progredientibus a centro (40) scalmi (41) in maris undis spumantibus, impulsu vehementi protrudunt porrectam navem, secante prora liquoris raritatem. 7. Onerum vero maxima pondera quum feruntur a phalangariis (42) hexaphoris et tetraphoris, examinantur per ipsa media centra phalangarum, ut ita diviso oneris solido pondere, certa quadam divisionis ratione aequas partes collis singuli ferant operarii. Mediae enim partes phalangarum, quibus lora tetraphororum invehuntur, clavis sunt finitae, ne labantur in unam vel alteram partem. Quum enim extra finem centri promoventur, premunt eius collum, ad quem propius accesserunt ; quemadmodum in statera pondus cum examine progreditur ad fines ponderationum. 8. Eadem ratione iumenta, quum iuga eorum subiugiorum loris per medium temperantur, aequaliter trahunt onera; quum autem impares sunt eorum virtutes, et unum plus valendo premit alterum, loro traiecto fit una pars iugi Iongior, qua imbecilliori auxiliatur jumento. Ita in phalangis et iugis, quum in medio lora non sont collocata, sed unam partem, qua progreditur lorum a medio, breviorem efficit, alteram partem Iongiorem : ea ratione, si per id centrum, quo loci perductum est lorum, utraque capita circumagentur, longior pars ampliorem, brevior minorem aget circinationem.
9.
Quemadmodum vero minores rotae duriores et difficiliores habent
motus, sic phalangae et iuga, in quibus partibus habent minora a
centro ad capita intervalla, premunt duriter colla; qua autem
longiora habent ab eodem centro spatia, levant oneribus extrahentes
et ferentes. Quum haec ita ad centrum porrectionibus et
circinationibus recipiant motus, tum vero plaustra, rhedae, tympana,
rotae, cochleae, scorpiones, balistes, prela , ceteraeque machinae,
iisdem rationibus per porrectum centrum et rotationem circini
versata, faciunt ad propositum effectus. |
III. De la ligne droite et de la ligne circulaire, principes de tout mouvement. 1. J'ai exposé en peu de mots ce que j'ai cru nécessaire de dire pour l'intelligence des machines qui servent à tirer. Les deux moteurs ou puissances qui les font agir, différents l'un de l'autre, ne se ressemblent pas; ils concourent pourtant à produire les principes de deux actions : l'une est la force de la ligne droite que les Grecs appellent εὐθεῖα; l'autre , celle de la ligne circulaire qu'ils nomment κυκλωτή. Il n'en est pas moins vrai que la ligne droite ne peut agir sans la circulaire, ni la circulaire sans la droite, dans l'élévation des fardeaux. Cette proposition, pour être bien comprise, demande quelque explication. 2. Les chevilles qui traversent les poulies comme des axes, sont placées dans les moufles, et le câble qui passe sur les poulies et qui va directement s'attacher au moulinet, fait monter les fardeaux, grâce au mouvement de rotation que lui imprime le levier. Les bouts du treuil du moulinet qui, comme des centres, s'étendent entre les deux amarres, et les leviers qui entrent dans les trous du moulinet, et dont l'extrémité décrit un cercle dans son mouvement de rotation, semblable à celui d'un tour, élèvent les fardeaux. On peut, de même, au moyen d'un levier en fer, lever un fardeau que plusieurs hommes ne sauraient remuer. Pour servir de centre, on place sous le levier un appui que les Grecs appellent ὑπομόχλιον; on passe la pince sous le fardeau; qu'un seul homme alors vienne à appuyer sur le manche, on le verra lever ce fardeau. 3. En voici la raison : c'est que la première partie du levier comprise entre le point d'appui, qui est le centre, et le fardeau sous lequel on met la pince, est la plus courte; et que la plus longue, celle qui s'étend depuis ce centre jusqu'à la tête du levier, étant la partie sur laquelle on agit, peut, par le mouvement circulaire qu'on lui fait faire, donner aux quelques mains qui la pressent, une force égale à la pesanteur d'un très lourd fardeau. Mais si l'on met la pince du levier de fer sous le fardeau, et qu'au lieu de peser sur le bout opposé, on veuille, au contraire, le soulever, la pince appuyant sur le sol, agira contre la terre, comme elle agissait contre le fardeau, et l'angle du fardeau sera son point d'appui : l'opération ne sera pas aussi facile que lorsqu'on appuyait sur le levier; on en viendra néanmoins à bout, bien qu'avec plus de peine. S'il arrive que la pince du levier qui est posé sur l'hypomochlium, se trouve engagée sous le fardeau, de manière que la tête du manche sur lequel on appuie, soit plus près du centre , on ne pourra point lever le fardeau , à moins que, suivant ce que nous avons dit plus haut, en allongeant le manche, on ne ramène l'équilibre entre la résistance du fardeau et la puissance qui doit le lever. 4. C'est une expérience qu'il est facile de faire avec les balances qu'on appelle statères. L'anse est placée auprès de l'extrémité à laquelle le bassin est suspendu; c'est là qu'est le centre du mouvement du fléau. De l'autre côté se trouve le poids qui tient la machine en équilibre. Plus, en le faisant glisser vers l'extrémité du fléau, vous lui ferez franchir de ces points qui y sont marqués, plus, malgré l'inégalité de sa pesanteur, vous lui donnerez de force pour faire équilibre avec les plus lourds fardeaux, puisque sa puissance augmente à mesure qu'il s'éloigne du centre. Ainsi, le poids si léger destiné à établir l'équilibre, acquérant en un moment une force proportionnée à son éloignement du centre, peut faire monter doucement et sans peine un très grand fardeau. 5. Cette même force, qui agit loin du centre, fait qu'un pilote qui dirige la barre du gouvernail que les Grecs appellent οἴαξ vient à bout de faire tourner en un moment, avec une seule main, les plus gros bâtiments de transport, chargés, en marchandises et en provisions, des fardeaux les plus lourds, les plus considérables. C'est aussi par la même raison que, si les voiles ne sont montées que jusqu'à la moitié du mât, un vaisseau ne peut courir avec rapidité, tandis que si les antennes ont été élevées jusqu'au haut, on le voit alors s'élancer avec impétuosité; c'est que le vent agit avec moins de force sur les voiles qui reçoivent son souffle aussi près du pied du mât, que l'on considère comme le centre, que sur celles qui le reçoivent en haut à une plus grande distance. 6. Ainsi de même que le levier, quand on le prend par le milieu, a beaucoup moins de force, et ne soulève qu'avec peine le fardeau sous lequel il est placé, tandis que, si l'on pèse sur l'extrémité du manche, on le sentira fonctionner avec facilité; de même, les voiles, lorsqu'elles sont attachées au milieu du mât, agissent avec moins de puissance que quand elles sont hissées jusqu'au haut : car alors, se trouvant plus éloignées du centre, bien que le vent ne les enfle pas avec plus de force , elles donnent au vaisseau une impulsion plus énergique et accélèrent sa marche. C'est encore par la même raison que, quand les rames qui sont attachées à leur cheville par un anneau, sont plongées dans l'eau et ramenées à force de bras, si la partie qui va frapper l'eau de la mer s'étend loin de la cheville qui est le centre autour duquel elles se meuvent, le vaisseau sille avec impétuosité, la proue fend les vagues avec plus de légèreté. 7. Lorsque la pesanteur d'un fardeau exige qu'il y ait quatre ou six hommes pour le porter, on le met parfaitement en équilibre au milieu des bâtons qui doivent servir, afin que tout le poids de la charge soit divisé de manière que chaque porteur n'ait à soutenir sur son épaule qu'une part proportionnée à leur nombre. Pour cela, le milieu des bâtons où sont attachées les courroies des porteurs, est armé de clous pour empêcher que les fardeaux ne glissent d'un côté ou de l'autre : car s'ils s'écartent du centre, ils pèsent davantage sur l'épaule de celui dont ils se sont approchés. C'est ce qui arrive dans la statère, lorsque le poids s'éloigne de l'anse pour avancer vers l'extrémité du fléau. 8. C'est encore par la même raison que deux boeufs, lorsque leurs jougs sont attachés par le milieu avec une courroie, ont à tirer autant l'un que l'autre; mais s'ils ne sont pas d'égale force, et que le plus fort fatigue trop son compagnon, on allonge un des côtés du joug avec une courroie qu'on y passe, pour soulager le boeuf le plus faible. Ainsi, pour les bâtons à porter comme pour les jougs, quand la courroie n'est pas placée au milieu, quand, en s'éloignant du centre, elle a rendu l'un des côtés plus court, et l'autre plus long, si sur le nouveau centre formé par le déplacement de la courroie on vient à faire tourner le bâton, l'extrémité de la partie la plus longue décrira un cercle plus grand que l'extrémité de la partie la plus courte. 9. De même que les petites roues ont plus de peine, plus de difficulté à rouler que les grandes, de même aussi les bâtons à porter et les jougs pèsent davantage du côté où il se trouve le moins d'intervalle, depuis le centre jusqu'à l'extrémité, comme ils deviennent plus légers pour ceux qui tirent ou qui portent du côté qui présente le plus de longueur à partir du centre. Puisque c'est en raison de l'éloignement du centre et de la grandeur du cercle que le mouvement devient plus facile, les charrettes, les voitures, les tympans, les roues, les vis, les scorpions, les balistes, les pressoirs et toutes les autres machines remplissent le but auquel elles sont destinées, quand elles sont soumises aux principes qui règlent l'éloignement du centre et le mouvement circulaire. |
IV. De organorum ad aquam hauriendam generibus. 1. Nunc de organis, quae ad hauriendam aquam inventa sunt, quemadmodum variis generibus comparentur, exponam ; et primum dicam de tympano (43). Id autem non alte tollit aquam, sed exhaurit expeditissime multitudinem magnam. Fit axis ad tornum aut circinum fabricatus, capitibus lamina ferratis, habens in medio circa se tympanum ex tabulis inter se coagmentatis, collocaturque in stipitibus habentibus in se sub capite axis ferreas laminas. In eius tympani cavo interponuntur octo tabulae transversae, tangentes axem et extremam tympani circuitionem, quae dividant aequalia in tympano spatia. 2. Circa frontem eius figuntur tabulae, relictis semipedalibus aperturis ad aquam intra concipiendam. Item secundum axem columbaria fiunt, excavata in singulis spatiis ex una parte. Id autem quum est navali ratione picatum, hominibus calcantibus versatur (44), et hauriendo aquam per aperturas, quae sunt in frontibus tympani, reddit per columbaria secundum axem supposito labro ligneo habenti una secum conjunctum canalem. Ita hortis ad irrigandum vel ad salinas ad temperandum praebetur aquae multitudo. 3. Quum autem altius extollendum erit, eadem ratio commutabitur sic : rota fiet circum axem ea magnitudine, ut ad altitudinem, qua opus fuerit, convenire possit : circum extremum latus rotae figentur modioli quadrati (45), pice et cera solidati. Ita quum rota a calcantibus versabitur, modioli pleni ad summum elati, rursus ad imum revertentes, infundent in castellum ipsi per se quod extulerint. 4. Sin autem magis altis locis erit praebendum, in eiusdem rotae axe involuta duplex ferrea catena (46) demissaque ad imum libramentum collocabitur, habens situlos pendentes aereos congiales. Ita versatio rotae catenam in axem involvendo efferet situlos in summum; qui, quum super axem pervehentur, cogentur inverti, et infundere in castellum id aquae quod extulerint. |
IV. Des différentes espèces de machines destinées à tirer l'eau. 1. Je vais maintenant parler des différentes espèces de machines qui ont été inventées pour tirer de l'eau ; je commence par le tympan. Cette machine n'élève pas l'eau bien haut, mais elle en tire une grande quantité en très peu de temps. On fait au tour ou au compas un essieu dont les extrémités sont garnies d'une lame de fer. On le passe au travers d'un tympan formé de planches jointes ensemble, et on le fixe au milieu; puis on le place sur deux pieux qui ont des lames de fer aux deux endroits où portent les deux bouts de l'essieu. Dans la cavité de ce tympan, on dispose huit planches en travers, depuis l'essieu jusqu'à la circonférence, lesquelles divisent le tympan en autant d'espaces égaux. 2. Autour de cette machine, on arrondit des planches dans lesquelles on pratique des ouvertures d'un demi pied, pour que l'eau puisse pénétrer à l'intérieur. De plus, on creuse le long de l'essieu autant de petits canaux qu'il y a de compartiments, et on les fait aboutir à un des côtés de l'essieu. Quand le tout a été bien goudronné comme un bateau, on charge des hommes de faire tourner avec leurs pieds la machine qui, en puisant l'eau par les ouvertures pratiquées dans la circonférence du tympan, la rend par les conduits qui sont le long de l'essieu; elle tombe alors dans une auge de bois à laquelle on a adapté un tuyau. C'est par ce moyen qu'on conduit une grande quantité d'eau dans les jardins pour les arroser, et dans les salines pour les approvisionner. 3. Si l'on veut faire monter l'eau plus haut, on peut employer le même procédé avec cette modification : on fait autour de l'essieu une roue assez grande pour qu'elle puisse atteindre à la hauteur à laquelle on veut élever l'eau. Autour de la circonférence de la roue, on cloue des caisses bien calfeutrées avec de la poix et de la cire, de sorte que, quand des hommes font tourner la roue avec leurs pieds, les caisses s'élèvent pleines jusqu'au haut, puis, lorsqu'elles viennent à redescendre, elles versent d'elles-mêmes dans le réservoir l'eau qu'elles ont montée. 4. Si l'on doit fournir d'eau des lieux plus élevés encore, on placera sur l'essieu de la même roue une double chaîne de fer qui descendra jusque dans l'eau; à cette chaîne seront suspendus des seaux de cuivre de la capacité d'un conge. Le mouvement de la roue, en faisant tourner la chaîne avec l'essieu, fera monter les seaux qui, arrivés au-dessus de l'essieu, se renverseront nécessairement, et verseront dans le réservoir toute l'eau qu'ils contiendront. |
V. De rotis aquariis et hydromylis.
1. Fiunt etiam in fluminibus
rotae (47)
eisdem rationibus, quibus supra scriptum est. Circa earum frontes
affiguntur pinnae, quae quum percutiuntur ab impetu fluminis, cogunt
progredientes versari rotam, et ita modiolis aquam haurientes et in
summum referentes, sine operarum calcatura, ipsius fluminis impulsu
versatae, praestant quod opus est ad usum. |
V. Des roues que l'eau met en jeu, et des moulins à eau. 1. On fait aussi dans les rivières des roues du même genre que celles dont nous venons de parler. Autour de la circonférence de ces roues sont fixées des aubes qui, en recevant l'impulsion du courant, donnent nécessairement à cette circonférence un mouvement de rotation, sans qu'il soit besoin d'hommes pour mettre en jeu les roues que la force seule du courant fait tourner; les caisses puisent l'eau, l'élèvent jusqu'en haut et en fournissent la quantité nécessaire pour l'usage.
2. Les moulins à eau que le
même mécanisme met en mouvement, sont faits de la même manière, avec
cette différence pourtant que l'une des extrémités de l'essieu
traverse un rouet qui, posé à plomb, perpendiculairement, tourne
avec la roue. Auprès de ce rouet s'en trouve un autre plus petit,
dentelé aussi et placé horizontalement; au milieu de ce petit rouet
s'élève un essieu à l'extrémité supérieure duquel se trouve un fer
en forme de hache, qui l'affermit dans la meule. Ainsi les alichons
du grand rouet qui termine l'essieu de la roue, s'engrenant avec
ceux du petit qui est placé horizontalement, font tourner la meule
au-dessus de laquelle est suspendue la trémie qui laisse tomber le
blé entre les meules, où il est converti en farine par le même
mouvement de rotation. |
VI. De cochlea quae magnam copiam extollit aquae, sed non tam alte. 1. Est autem etiam cochleae ratio (50), quae magnam vim haurit aquae, sed non tam alte tollit, quam rota. Eius autem ratio sic expeditur (51). Tignum sumitur, cujus tigni quanta fuerit pedum longitudo, tanta digitorum expeditur crassitudo (52). Id ad circinum rotundatur : in capitibus circino dividuntur circinationes eorum tetrantibus in partes quatuor, vel octantibus in partes octo ductis lineis, eaeque lineae ita collocentur, uti, in plano posito tigno, ad libellam utriusque capitis lineae inter se respondeant : ab his deinde lineae ab capite ad alterum caput perducantur ad perpendiculum convenientes, et quam magna pars sit octava circinationis tigni, tanta magna spatia dividantur in longitudinem. Sic et in rotundatione et in longitudine aequalia spatia fient. Ita quo loci describuntur lineae, quae sunt in longitudinem spectantes, faciendae decussationes, et in decussationibus finita puncta. 2. His ita emendate descriptis, sumitur salignea tenuis, aut de vitice secta regula, quae uncta liquida pice figitur iin primo decussis puncto; deinde traiicitur oblique ad insequentes longitudines et circuitiones decussium : item ex ordine progrediens, singula puncta praetereundo et circuminvolvendo, collocatur in singulis decussationibus, et ita pervenit et figitur ad eam lineam, recedens a primo in octavum punctum, in qua prima pars eius est fixa. Eo modo quantum progreditur oblique spatium per octo puncta, tantumdem in longitudine procedit ad octavum punctum. Eadem ratione per omne spatium longitudinis et rotunditatis singulis decussationibus oblique fixae regulae, per octo crassitudinis divisiones involutos faciunt canales, et iustam cochleae naturalemque imitationem (53). 3. Ita per id vestigium aliae super alias figuntur unctae pice liquida, et exaggerantur ad id, uti Iongitudinis octava pars fiat summa crassitudo. Supra eas circumdantur et figuntur tabulae, quae pertegant eaux involutionem : tunc eae tabulae pice saturantur, et laminis ferreis colligantur, ut ab aquae vi ne dissolvantur. Capita tigni ferreis clavis et laminis continentur, iisque infiguntur styli ferrei; dextra autem ac sinistra cochleam tigna collocantur, in capitibus utraque parte habentia transversaria confixa. In his foramina ferrea sunt inclusa, inque ea inducuntur styli, et ita cochlea hominibus calcantibus (54) facit versationes.
4.
Erectio autem ejus ad inclinationem sic erit collocanda, uti,
quemadmodum Pythagoricum trigonum orthogonium describitur, sic id
habeat responsum ; id est uti dividatur longitudo in partes quinque
: earum trium extollatur caput cochleae : ita erit ad perpendiculum
ad imas nares spatium earum quatuor. Qua ratione autem oporteat id
esse, in extremo libro eius forma descripta est. |
VI. De la limace qui donne une grande quantité d'eau sans l'élever bien haut. 1. La limace est une espèce de machine qui puise beaucoup d'eau, mais qui ne l'élève pas aussi haut que la roue. Voici de quelle manière elle se construit : on prend une pièce de bois qui a autant de pieds en longueur que de doigts en épaisseur. On l'arrondit au compas. Le cercle qui est à chaque bout se divise avec un compas en quatre parties égales ou en huit, en conduisant du centre à la circonférence autant de lignes qu'il y a de divisions, et ces lignes doivent être tracées de telle sorte que, la pièce de bois étant couchée à terre, leurs extrémités correspondent parfaitement. à chaque bout. Puis, d'un bout à l'autre de ces extrémités, on tire le long de la pièce de bois d'autres lignes sur lesquelles on marque des espaces égaux à la huitième partie de la circonférence; si bien que les divisions, prises sur la longueur, sont les mêmes que celles de la circonférence. On tire ensuite autour de la circonférence des lignes qui coupent celles qui sont tracées dans la longueur, et on marque des points aux endroits où elles s'entrecroisent. 2. Toutes ces dispositions ayant été faites avec exactitude, on prend une tringle flexible de saule ou d'osier qui, après avoir été enduite de poix liquide, est appliquée sur le premier point. On la fait passer ensuite obliquement sur les points suivants marqués par les lignes longitudinales et transversales, et en avançant graduellement, après avoir traversé chaque point en tournant, après avoir placé la tringle sur chaque intersection, et l'y avoir fixée, on arrive du premier point au huitième, jusqu'à la ligne sur laquelle on avait commencé à la fixer. Ainsi, la marche qu'on lui fait suivre obliquement à travers huit points de la circonférence, la conduit également au huitième point de la ligne longitudinale. Les tringles fixées obliquement sur les intersections formées par la rencontre de toutes les lignes droites et arrondies, composent autour du cylindre autant de canaux qu'on y a fait de divisions, et ces canaux ressemblent parfaitement à celui que la nature a tracé dans le limaçon. 3. Sur ces premières tringles on en applique d'autres, enduites aussi de poix liquide, et on les accumule les unes sur les autres jusqu'à ce qu'elles aient donné à la limace une grosseur égale à la huitième partie de sa longueur. Sur ces tringles, tout autour de la machine, on attache des planches pour couvrir cet entortillement de canaux. Alors on recouvre ces planches d'une forte couche de poix, et on les lie avec des cercles de fer, pour que la force de l'eau ne les disjoigne pas. Les deux bouts du cylindre armés chacun d'un pivot en fer sont entourés de cercles de même métal qu'on arrête avec des clous. Puis à droite et à gauche de chacun des bouts de la limace, on plante des pieux dont les extrémités sont liées par des traverses. Au milieu de ces traverses, on enchâsse deux pitons dans lesquels on fait entrer les pivots, et clans cet état des hommes la font tourner avec leurs pieds.
4. Le
degré d'inclinaison de la limace répond à la description du triangle
rectangle de Pythagore, c'est-à-dire que si l'on divise la longueur
de la limace en cinq parties, on en donnera trois à l'élévation de
sa tête, de sorte qu'il s'en trouvera quatre depuis la ligne
perpendiculaire de l'élévation jusqu'aux ouvertures qui sont au bas
de la machine. On verra facilement comment cela doit se faire par la
figure que j'en donne à la fin du livre. |
VII. De Ctesibica machina, quae altissime extollit aquam. 1. lnsequitur nunc de Ctesibica machina, quae in altitudinem aquam educit, monstrare. Ea fit ex aere (55), cuius in radicibus modioli fiunt gemelli pauluin distantes, habentes fistulas (furcillae sunt figura) similiter cohaerentes, in medium catinum concurrentes : in quo catino fiunt asses (56), in superioribus naribus fistularum coagmentatione subtili collocati; qui praeobturantes foramina narium, non patiuntur exire id quod in catinum fuerit expressum (57). 2. Supra catinum penula (58), ut infundibulum inversum, est attemperata et per fibulam cum catino cuneo traiecto continetur, ne vis inflationis aquae eam cogat elevare. Insuper fistula, quae tuba dicitur, coagmentata, in altitudine fit erecta. Modioli autem habent infra nares inferiores fistularum asses interpositos supra foramina earum quae sunt in fundis. 3. Ita de supernis in modiolis emboli masculi torno politi, et oleo subacti, conclusique regulis et vectibus commoventur, qui ultro citroque frequenti motu prementes aerem, qui erit ibi cum aqua, assibus obturantibus foramina, cogunt et extrudunt inflando pressionibus per fistularum l'ares aquam in catinum; e quo recipiens penula spiritus exprimit per fistulam in altitudinem; et ita ex inferiore loco castello collocato, ad saliendum aqua subministratur. 4. Nec tamen haec sola ratio Ctesibii fertur exquisita, sed etiam plures et variis generibus aliae quae ab eo liquore pressionibus coacto spiritus, efferre a natura mutuatos effectus ostenduntur, uti merularum aquae motus voces, atque angibata (59), quae bibentia tandem movent sigilla, ceteraque quae delectationibus oculorum et aurium usu sensus eblandiuntur.
5. E
quibus quae maxime utilia et necessaria iudicavi, selegi, et in
priore volumine de horologiis posui; in hoc de expressionibus aquae
dicendum putavi. Reliqua, quae non sunt ad necessitatem, sed ad
deliciarum voluptatem, qui cupidiores erunt ejus subtilitatis, ex
ipsius Ctesibii commentariis poterunt invenire. |
VII. De la machine de Ctesibius qui élève l'eau très haut. 1. J'ai maintenant à parler de la machine de Ctesibius qui fait monter l'eau à une grande hauteur. Elle se fait en cuivre. On place en bas de cette machine, à une petite distance l'un de l'autre, deux barillets auxquels on adapte des tuyaux qui vont en forme de fourche s'ajuster à un petit bassin posé entre ces deux barillets. Dans ce bassin sont pratiquées deux soupapes qui s'adaptent parfaitement à l'orifice supérieure des tuyaux qu'elles bouchent hermétiquement, pour empêcher que ce qui a été poussé dans le bassin par le moyen de l'air, ne s'échappe. 2. On ajuste sur le bassin une chape semblable à un entonnoir renversé, et on l'y retient par le moyen de pitons traversés par des clavettes, de crainte que la force avec laquelle l'eau est poussée ne vienne à la faire sauter. On soude avec la chape, perpendiculairement au-dessus, un autre tuyau qu'on appelle trompe. Les barillets ont au-dessous de l'orifice inférieure des tuyaux, des soupapes qui ferment les trous qui sont au fond. 3. Ensuite on fait entrer par le haut, dans les barillets, des pistons polis au tour et frottés d'huile. Ces pistons, une fois enfermés dans les barillets, sont mis en jeu à l'aide de tringles et de leviers; puis par le mouvement répété qui les fait hausser et baisser, ils compriment l'air qui s'y trouve condensé, et l'eau que retiennent les soupapes qui bouchent les ouvertures par lesquelles elle est entrée dans les barillets. Alors l'eau est contrainte, par la compression, de se précipiter par les ouvertures des tuyaux, dans le petit bassin d'où l'air qui la pousse contre la chape la fait sortir par la trompe qui est en haut; par ce moyen, l'eau peut être élevée d'un endroit bas dans un réservoir pour y former un jet. 4. Cette machine n'est pas la seule dont on attribue l'invention à Ctesibius; il en est plusieurs autres de différentes sortes qui, par le moyen de l'eau poussée par la compression de l'air, produisent des effets imités de la nature : telles sont les machines hydrauliques qui imitent le chant des oiseaux, et ces petites figures creuses que l'eau met en mouvement dans des vases de verre, et d'autres encore qui sont faites pour charmer les sens de la vue et de l'ouïe. 5. Parmi ces machines, j'ai choisi celles qui m'ont paru les plus utiles et les plus nécessaires, et, après avoir parlé des horloges dans le livre précédent, j'ai jugé à propos de traiter dans celui-ci des machines hydrauliques. Quant aux autres machines qui sont faites moins pour servir que pour amuser, ceux qui désireront en connaître le mécanisme ingénieux pourront consulter l'ouvrage de Ctesibius lui-même. |
VIII. De hydraulicis organis. 1. De hydraulicis (60) autem quas habeant ratiocinationes, quam brevissime proximeque attingere potero et scriptura consequi, non praetermittam. De materia compacta basi, arca in ea ex aere fabricata collocatur. Supra basim eriguntur regulae dextra ac sinistra scalari forma compactae, quibus includuntur aerei modioli, fundulis anrbulatilibus ex torno subtiliter subactis, habentibus fixos in medio ferreos ancones (61), et verticulis cum vectibus coniunctos, pellibusque lanatis involutos (62). Item in summa planitia foramina circiter digitorum ternum, quibus foraminibus proxime in verticulis collocati aerei delphini (63), pendentia habent e catenis cymbala ex aere infra foramina modiolorum chalata.µ 2. Intra arcam, quo loci aqua sustinetur (64), inest pnigeus (65) uti infundibulum inversum, quem subter taxilli alti circiter digitorum ternum suppositi, librant spatium imum ima inter labra pnigeos et arcae fundum. Supra autem cerviculam eius coagmentata arcula sustinet caput machinae, quae Graece κανὼν μουσικὸς appellatur : in cuius longitudine canales, si tetrachordos est, sunt quatuor, si hexachordos, sex, si octochordos (66), octo. 3. Singulis autem canalibus singula epistomia (67) sunt inclusa, manubriis ferreis collocata : quae manubria quum torquentur, ex arca patefaciunt nares in canales. Ex canalibus autem canon habet ordinata in transverso foramina respondentia naribus, quae sunt in tabula summa, quae tabula Graece πίναξ dicitur. Inter tabulam et canona regulae sunt interpositae, ad eumdem modum foratae et oleo subactae, ut faciliter impellantur, et rursus introrsus reducantur, quae obturant ea foramina pleuritidesque appellantur, quarum itus et reditus (68) alias obturat, alias aperit terebrationes. 4. Hae regulae habent ferrea choragia (69) fixa et iuncta cum pinnis, quarum pinnarum tactus motiones efficit regularum. Continentur supra tabulam foramina, quae ex canalibus habent egressum spiritus : regulis aliis (70) sunt annuli agglutinati, quibus lingulae omnium includuntur organorum. E modiolis auteur fistulae sunt continenter coniunctae pnigeos cervicibus pertingentesque ad nares, quae sunt in arcula, in quibus asses sunt ex torno subacti et ibi collocati, qui, quum recipit arcula animam, spiritum non patientur obturantes foramina rursus redire. 5. Ita quum vectes extolluntur, ancones deducunt fundos modiolorum ad imum, delphinique, qui sunt in verticulis inclusi, chalantes in eos cymbala, replent spatia modiolorum, atque ancones, extollentes fundos intra modiolos vehementi pulsus crebritate, et obturantes foramina cymbalis superiora, aera, qui est ibi clausus, pressionibus coactum in fistulas cogunt, per quas in pnigea concurrit, et per eius cervices in arcam : motione vero vectium vehementiore spiritus frequens compressus epistomiorum aperturis influit, et replet anima canales.
6.
Itaque quum pinnae manibus tactae propellunt et reducunt continentes
regulas, alternis obturando foramina, alternis aperiundo, ex musicis
artibus multiplicibus modulorum varietatibus sonantes excitant
voces. |
VIII. Des orgues hydrauliques. 1. Je n'omettrai point d'expliquer le mécanisme des orgues mises en jeu par le moyen de l'eau; mais je ne vais traiter cette matière que le plus succinctement que je pourrai, et avec le moins de mots possible. Sur une base faite avec du bois, on met un coffre de cuivre ; de cette base s'élèvent, à droite et à gauche, deux règles jointes ensemble en forme d'échelle; entre ces règles on enferme des cylindres creux en cuivre, avec des pistons parfaitement arrondis au tour et attachés à des branches de fer qui, faisant au milieu le coude à l'aide de charnières, tiennent elles-mêmes de la même manière à des leviers, et sont enveloppées de peaux encore garnies de leur laine. Dans la plaque qui forme le haut des cylindres, sont des trous de la grandeur d'environ trois doigts. Tout près de ces trous sont placés des dauphins de cuivre également attachés avec des charnières. Ils tiennent suspendus à des chaînes des cônes en cuivre qui, ayant leur base en bas, descendent dans les trous des cylindres. 2. Dans le coffre où l'eau est suspendue, il y a un puigée, espèce d'éteignoir, sous lequel on place des sortes de dés d'environ trois doigts qui laissent le même espace entre ses bords inférieurs et le fond du coffre. Au-dessus de son col, qui va en rétrécissant, est soudé un coffret qui soutient la partie supérieure de la machine appelée en grec κανὼν μουσικὸς (règle musicale) : cette partie a dans la longueur quatre canaux, si l'orgue est à quatre jeux; six, s'il est à six jeux; huit, s'il est à huit. 3. Chaque canal a un robinet, avec une clef de fer. Cette clef, quand on la tourne, laisse passer dans les canaux l'air renfermé dans le coffre. Le long de ces canaux qui traversent le κανὼν, il y a une rangée de trous qui répondent à d'autres qui sont dans la table supérieure, appelée en grec πίναξ (table). Entre cette table et le κανὼν, on place des règles percées en face des trous du κανὼν, et frottées d'huile pour qu'elles puissent être facilement poussées et ramenées à l'intérieur. Leur destination est de boucher les trous qui sont le long des canaux : on les appelle pleuritides (côtes); lorsqu'elles vont ou qu'elles viennent, elles donnent ou ôtent le vent aux tuyaux. 4. Ces règles ont des ressorts en fer qui les attachent aux marches; quand ces marches sont touchées, elles font remuer ces règles. Au-dessus de la table il y a des trous qui laissent sortir le vent des tuyaux. A d'autres règles encore sont soudés des anneaux dans lesquels sont enfermés les bouts de tous les tuyaux. Depuis les cylindres jusqu'au col du pnigée, s'étendent les uns à la suite des autres des conduits qui communiquent avec les trous du coffret. Dans ces trous sont placés des focets qui, les bouchant hermétiquement, ne laissent point ressortir le vent que renferme le coffret.
5.
Ainsi, quand on lève les leviers, les tringles de fer coudées font
couler les pistons jusqu'au fond des cylindres, et les dauphins qui
sont retenus par des charnières, laissant descendre les cônes dans
les cylindres, donnent entrée à l'air qui les remplit. Puis les
tringles de fer, par le mouvement rapide imprimé aux pistons, les
faisant monter dans les cylindres, et bouchant en même temps les
ouvertures avec les cônes soulevés par la force de l'air intérieur,
forcent cet air comprimé dans les cylindres par les coups de piston,
à passer dans les conduits par lesquels il se précipite dans le
pnigée, et de là, par son col, dans le coffret. Aussi, l'air
fortement comprimé par la fréquente impulsion des leviers, entre par
les ouvertures des robinets et remplit les canaux de vent. 6. J'ai cherché, autant qu'il était en mon pouvoir, à éclaircir, dans ce chapitre, une matière par elle-même fort obscure : c'est un instrument qui ne peut être facilement compris que par ceux qui en ont étudié de près toutes les parties. Et si la description que j'en donne est peu intelligible pour quelques personnes, je suis sûr qu'en le voyant exécuté, elles en trouveront le mécanisme aussi ingénieux que régulier. |
IX. Qua ratione rheda vel navi vecti peractum iter dimetiantur. 1. Transferatur nunc cogitatio scripturae ad rationem non inutilem, sed summa solertia a maioribus traditam, qua in via rheda sedentes, vel mari navigantes, scire possimus, quot millia numero itineris fecerimus. Hoc autem erit sic. Rotae quae erunt in rheda, sint latae per mediam diametron pedum quaternum (71), ut, quum finitum locum habeat in se rota, ab eoque incipiat progrediens in solo viae facere versationem, perveniendo ad eam finitionem, a qua coeperit versari, certum modum spatii habeat peractum pedum XIIS. 2. His ita praeparatis, tunc in rotae modiolo ad partem interiorem, tympanum stabiliter includatur (72), habens extra frontem suae rotundationis exstantem denticulum unum. Insuper autem ad capsum rhedae loculamentum firmiter figatur, habens tympanum versatile in cultro collocatum et in axiculo conclusum : in cuius tympani fronte denticuli perficiantur aequaliter divisi, numero quadringenti (73), convenientes denticulo tympani inferioris. Praeterea superiori tympano ad latus figatur alter denticulus prominens extra dentes. 3. Super autem tertium tympanum planum eadem ratione dentatum inclusuin in altero loculamento collocetur, convenientibus dentibus denticulo, qui in secundi tympani latere fuerit fixus : in eoque tympano foramina fiant, quantum diurni itineris milliariorum numero cum rheda possit exiri : minus plusve rem nihil impedit. Et in his foraminibus omnibus calculi rotundi collocentur, inque eius tympani theca (sive id loculamentum est) fiat foramen, unum habens canaliculum, qua calculi, qui in eo tympano impositi fuerint, quum ad eum locum venerint, in rhedae capsum et vas aeneum, quod erit suppositum, singuli cadere possint. 4. Ita quum rota progrediens secum agat tympanum imum, et denticulum eius singulis versationibus tympani superioris denticulos impulsu cogat praeterire, efficiet, ut, quum quatercenties imum versatum fuerit, superius tympanum semel circumagatur, et denticulus, qui est ad latus eius fixus, unum denticulum tympani plani producat. Quum ergo quadringentis versationibus imi tympani semel superius versabitur, progressus efficiet spatia pedum millia quinque, id est passus mille. Ex eo quot calculi deciderint, sonando singula millia exisse monebunt. Numerus vero calculorum ex imo collectus, summa diurni milliariorum itineris numerum indicabit. 5. Navigationibus vero similiter (74), paucis rebus commutatis, eadem ratione efficiuntur. Namque traiicitur per latera parietum axis, habens extra navem prominentia capita, in quae includuntur rotae diametro pedum quaternum, habentes circa frontes affixas pinnas aquam tangentes : item medius axis in media navi habet tympanum cum uno denticulo exstanti extra suam rotunditatem. Ad eum locum collocetur loculamentum habens inclusum in se tympanum, peraequatis dentibus quadringentis convenientibus denticulo tympani, quod est in axe inclusum; praeterea ad latus affixum exstautem extra rotunditatem alterum dentem. 6. Unum insuper in altero loculamento cum eo confixo inclusum tympanum planum ad eumdem modum dentatum collocetur, convenientibus dentibus denticulo, qui est ad latus fixus tympano quod est in cultro collocatum, ita ut eos dentes, qui sunt plani tympani, singulis versationibus singulos dentes impellendo in orbem, planum tympanum verset. In plano autem tympano foramina fiant, in quibus foraminihus collocabuntur calculi rotundi; in theca eius tympani, sive Ioculamentum est, unum foramen excavetur habens canaliculum, qua calculus liberatus ab obstantia quum ceciderit in vas aeneum, sonitum significet (75).
7. Ita
navis quum habuerit impetum, aut remorum, aut ventorum flatu, pinnae
quae erunt in rotis tangentes aquam adversam, vehementi retrorsus
impulsu coactae versabunt rotas; eae autem involvendo se agent axem,
axis vero tympanum : cuius dens circumactus singulis versationihus
singulos secundi tympani dentes impellendo, modicas efficit
circinationes. Ita quum quatercenties ab pinnis rotae fuerint
versatae (76),
semel tympanum in cultro circumagent cuius denticulus qui est ad
latus eius fixus, unum denticulum tympani plani producet : igitur
circuitio tympani plani quotiescumque ad foramen perducet calculos,
emittet per canaliculum. Ita et sonitu et numero indicabit milliaria
spatia navigationis (77). |
IX. Du moyen de connaitre combien on a fait de chemin, dans une voiture ou sur un bateau. 1. Passons maintenant à une invention qui, si elle n'est pas des plus utiles, est au moins une des plus ingénieuses que nous aient laissées les anciens : je veux parler du moyen d'arriver à connaître combien on a fait de milles, soit dans une voiture, soit sur un bateau. Le voici : les roues du char doivent avoir de diamètre quatre pieds, afin que, d'après une marque faite à l'une des roues , à laquelle elle aura commencé à tourner sur la terre, ou puisse connaître d'une manière certaine qu'en revenant au point auquel elle s'était mise à rouler, elle a parcouru un espace de douze pieds et demi.
2. Cela
fait, on attachera solidement au moyeu de la roue, du côté
intérieur, un tympan ayant une petite dent qui excède sa
circonférence au-dessus de ce tympan. Au corps de la voiture, on
clouera avec la même solidité une boîte, contenant un autre tympan
posé perpendiculairement et traversé par un petit essieu. Ce tympan
doit avoir, à sa circonférence, quatre cents petites dents également
espacées, qui se rapportent à la petite dent du tympan inférieur. De
plus, le tympan supérieur doit avoir, à une de ses parties
latérales, une autre dent qui s'avance en dehors de celles qui sont
à sa circonférence. 3. Dans ce troisième tympan, on fera autant de trous que la voiture pourra faire de milles en un jour; qu'il y en ait un peu plus ou un peu moins, peu importe. Dans chacun de tous ces trous on mettra un petit caillou rond, et dans l'étui ou boîte qui contient ce tympan, il y aura une ouverture débouchant sur un petit canal par où les petits cailloux qui auront été mis dans ce tympan, arrivés en cet endroit, pourront tomber l'un après l'autre, par le corps de la voiture, dans un vase de cuivre qui sera placé au fond. 4. Ainsi, lorsque la roue du char, dans son mouvement de rotation, emporte avec elle le tympan d'en bas, et que la dent frappant à chaque tour une des dents du tympan supérieur, le fait tourner d'autant, il arrive que les quatre cents tours du premier tympan ne font faire qu'un tour au second, et que la petite dent latérale ne fait avancer que d'une dent le tympan horizontal. Ainsi, pendant que le premier tympan, avec ces quatre cents tours, n'en aura fait faire qu'un seul au second, la voiture aura parcouru un espace de cinq mille pieds, c'est-à-dire de mille pas. Le bruit que fera chaque caillou en tombant, avertira qu'on aura avancé d'un mille, et le nombre de ceux qu'on ramassera au fond du vase fera connaître de combien de milles sera la route parcourue en un jour. 5. Avec quelques changements, on arrivera au même résultat sur l'eau. On fait passer à travers les flancs du vaisseau un essieu dont les extrémités, saillant au dehors, portent des roues de quatre pieds de diamètre, ayant autour de leur circonférence des aubes qui touchent l'eau. Autour de cet essieu s'arrondit, au milieu du navire, un tympan avec une petite dent qui excède sa circonférence. A cet endroit, on place une boîte renfermant un second tympan divisé également en quatre cents dents, qui se rapportent à celle du tympan traversé par l'essieu; il a de plus une autre dent latérale qui dépasse sa circonférence. 6. Dans une autre boîte, on renferme encore un autre tympan posé horizontalement, et dont les dents disposées comme celles du second, se rapportent à cette petite dent qui est attachée au côté du tympan placé verticalement, de sorte que cette dent latérale du tympan vertical, faisant à chaque tour avancer d'une dent le tympan horizontal, finit par lui faire faire un tour entier. Au tympan posé horizontalement, on perce aussi des trous dans lesquels on met des petits cailloux ronds; et dans l'étui ou boîte qui le renferme, on creuse une ouverture communiquant à un canal par où le caillou, libre de tout obstacle, tombera dans le vase de cuivre qu'il fera sonner.
7.
Ainsi, lorsque le vaisseau sillera, poussé par la rame ou par le
vent, les aubes qui sont aux roues, trouvant dans l'eau une force
qui les repousse avec violence, imprimeront aux roues un mouvement
de rotation. Ces roues, en tournant, forceront l'essieu de suivre
leur mouvement, et l'essieu fera tourner lui-même le tympan dont la
dent, à chacun de ses tours, poussera une de celles du second
tympan, et lui fera opérer lentement sa révolution. De cette
manière, lorsque les aubes auront fait tourner quatre cents fois les
roues, elles n'auront fait faire qu'un tour à ce tympan vertical,
dont la dent latérale aura fait avancer d'une dent le tympan
horizontal. A mesure donc que le tympan horizontal amènera, dans son
mouvement progressif de rotation, les petits cailloux à l'ouverture
qui est dans sa boîte, ils tomberont dans le petit canal. Par le
bruit qu'ils produiront en tombant, et par le nombre qu'on trouvera
dans le vase, il sera facile de compter les milles qu'on aura
parcourus sur l'eau. |
X . De catapultarum et scorpionum rationibus. 1. Nunc vero quae ad praesidia periculi et necessitatem salutis sunt inventa, id est scorpionum (78), catapultarum (79) et balistarum rationes, quibus symmetriis comparari possint, exponam. Omnes proportiones eorum organorum ratiocinantur ex proposita sagittae longitudine, quam id organum mittere debet, eiusque nonae partis fit foraminum in capitulis magnitude, per quae tenduntur nervi torti, qui brachia continere catapultarum debent. 2. Ipsa tum eorum foraminum capituli deformatur altitudo et latitudo. Tabulae, quae sunt in summo et in imo capituli parallelique vocantur, fiant crassitudine unius foraminis (80), latitudine unius et eius dodrantis : in extremis foraminis unius et S. Parastatae dextra ac sinistra, praeter cardines, altae foraminum quatuor, crassae foraminum quinum; cardines foraminis S 9. A foramine ad medianam parastatam item foraminis S 9. Latitudo parastados mediae unius foraminis et eius T Γ crassitudo foraminis unius. 3. lntervallum, ubi sagitta collocatur in media parastade, foraminis partis quartae. Anguli quatuor, qui sunt circa in lateribus et frontibus, laminis ferreis aut stilis aereis et clavis configantur. Canaliculi, qui Graece σύριγξ dicitur, longitudo foraminum XIX. Regularum, quas nonnulli bucculas appellant, quae dextra ac sinistra canalem figuntur, foraminum XVIII, altitudo foraminis unius et crassitudo; et affiguntur regulae duae, in quas inditur sucula, habentes longitudinem foraminum trium, latitudinem dimidium foraininis. Crassitudo bucculae, quae affigitur, vocitatur scamillum, seu, quemadmodum nonnulli, loculamentum, securiclatis cardinibus fixa, foraminis I altitudo foraminis S, suculae longitudo ● foraminum ■, crassitudo scutulae foraminum VIII. 4. Epitoxidos longitudo foraminum S .. crassitudo.--. Item chelo, sive manucla dicitur, longitudo foraminum trium, latitudo et crassitudo S:--. Canalis fundi longitudo foraminum XVI, crassitudo foraminis ●, latitudo S:--.. Columella et basis in solo foraminum octo, latitudo in plinthide, in qua statuitur columella, foraminis S:--, crassitudo F Z, columellae longitudo ad cardinem foraminum XII ●, latitudo foraminis S:--, crassitudo U 9. Eius capreoli tres, quorum longitudo foraminum VIIII, latitudo dimidium foraminis ■, crassitudo Z; cardinis longitudo foraminis ●, columellae capitis longitudo I. S. K., antefixa latitudo foraminis a. S.● 9, crassitudo I. 5. Posterior minor columna, quae Graece dicitur ἀντίβασις, foraminum octo, latitudo foraminis S.I.,crassitudinis FZ. subiectio foraminum XII, latitudinis et crassitudinis eiusdem, cuius minor columna illa. Supra minorem columnam chelonium, sive pulvinus dicitur, foraminum IIS ●, altitudinis IIS ●, latitudinis SI:--. Carchesia sucularum foraminum IIS ●, crassitudo foraminis IIS ●, latitudo IS. Transversariis cum cardiuibus longitudo foraminum X ●, latitudo IS. ●, decem et crassitudo. Brachii longitudo IS. foraminum VII, crassitudo ab radice (81) foraminis FZ, in summo foraminis UZ (82), curvaturae foraminum octo.
6. Haec
iis proportionibus, aut adiectionibus, aut detractionibus
comparantur : nam si capitula altiora, quam fert longitudo, facta
fuerint (quae anatona dicuntur (83),
de brachiis demetur; ut quo mollior est tonus propter altitudinem
capituli, brachii brevitas faciat plagam vehementiorem. Si minus
altum capitulum fuerit (quod catatonum dicitur), propter
vehementiam, brachia paulo longiora constituentur, uti facile
ducantur. Namque, quemadmodum vectis, quum est longitudine pedum
quatuor, quod onus quatuor hominibus extollitur, is si est pedum
octo, a duobus elevatur : eodem modo brachia, quo longiora sunt,
mollius, quo breviora, durius ducuntur. Catapultarum rationes ex
quibus membris et portionibus componantur dixi. |
X. Des proportions des catapultes et des scorpions. 1. Je vais maintenant traiter des proportions qu'on peut donner aux machines qui ont été inventées pour nous mettre à l'abri du danger et défendre nos jours : je veux parler des scorpions, des catapultes et des balistes. Toutes les proportions de ces machines se règlent sur la longueur des traits qu'elles sont destinées à lancer. On en prend la neuvième partie pour déterminer la grandeur des trous du chapiteau, à travers lesquels on tend les cordes à boyau qui doivent arrêter les bras des catapultes. 2. Voici quelles doivent être la hauteur et la largeur du chapiteau où ces trous sont percés. Les pièces de bois qui composent le haut et le bas du chapiteau , et que l'on nomme parallèles, doivent avoir d'épaisseur le diamètre d'un des trous, et de largeur un diamètre trois quarts. A l'extrémité, elles ne doivent plus se trouver que d'un diamètre et demi. Les poteaux de droite et de gauche doivent, sans les tenons, avoir de hauteur quatre diamètres, et de largeur cinq, et les tenons trois quarts de diamètre. Depuis le trou jusqu'au poteau du milieu, il doit y avoir aussi trois quarts de diamètre. La largeur du poteau du milieu doit être d'un diamètre et un seizième, et son épaisseur d'un diamètre. 3. L'intervalle où se place le javelot dans le poteau du milieu, doit avoir la quatrième partie d'un diamètre. Que les quatre angles qui sont de côté et de face soient attachés avec des lames de fer ou avec des chevilles de cuivre et des clous. Le petit canal qui, en grec, est appelé σύριγξ (canal), doit avoir dix-neuf diamètres de longueur. Des règles, qu'on appelle quelquefois bucculae (Lèvres), sont fixées à droite et à gauche, pour former le canal, et doivent aussi être longues de dix-neuf diamètres; leur largeur et leur épaisseur sera d'un diamètre : on y ajoute deux autres règles, dans lesquelles on fait passer un moulinet; elles ont une longueur de trois diamètres sur une largeur d'un demi diamètre. L'épaisseur du buccula qui s'y attache se nomme scamillum (Petit banc), ou, selon quelques-uns loculamentum (Étui). Il est fixé par des tenons à queue d'aronde, longs d'un diamètre et larges d'un demi diamètre. La longueur du moulinet est de neuf diamètres et un neuvième. Le gros rouleau est de neuf diamètres 4. La longueur de l'epitoxis (qui est sur le dard) est d'un demi diamètre et un huitième; son épaisseur d'un huitième de diamètre. Le chelo (tortue), appelé aussi manucla (Petite main), est long de trois diamètres, large et épais d'un demi diamètre et un huitième. La longueur du canal qui se trouve au bas de la machine, doit avoir de longueur seize diamètres. Son épaisseur doit être de la neuvième partie d'un diamètre, et sa largeur d'un demi diamètre et un huitième. La petite colonne avec sa base, qui est près du sol, est de huit diamètres; sa largeur, au-dessus du plinthe sur lequel elle est placée, est d'un demi diamètre et un huitième; l'épaisseur est d'un douzième et un huitième de diamètre. La longueur de la petite colonne, jusqu'au tenon, est de douze diamètres et un neuvième; sa largeur est d'un demi diamètre et un huitième; l'épaisseur est du tiers et du quart d'un diamètre. Elle a trois arcs-boutants, dont la longueur est de neuf diamètres, la largeur d'un demi diamètre et un neuvième, et l'épaisseur d'un huitième. Le tenon est long de la neuvième partie d'un diamètre. La longueur de la tête de la petite colonne est d'un diamètre et demi et un seizième. La largeur de la pièce de bois placée devant est d'un diamètre et demi, avec un neuvième et un quart; l'épaisseur est d'un diamètre. 5. Une plus petite colonne, qui est derrière, appelée en grec ἀντίβασις (Arc-boutant), a huit diamètres; sa largeur est d'un demi diamètre ; son épaisseur est d'un douzième et un huitième de diamètre. Le chevalet a douze diamètres; son épaisseur et sa largeur sont égales à la grosseur de la plus petite colonne. Le chelonium (Carapace de tortue), ou oreiller, qui est sur la plus petite colonne, a deux diamètres et demi et un neuvième; sa hauteur est la même; sa largeur est d'un demi diamètre et un huitième. Les mortaises du moulinet ont deux diamètres et demi et un neuvième; leur profondeur est égale; leur largeur est d'un diamètre et demi. Les traverses, avec leurs tenons, ont de longueur dix diamètres et un neuvième, de largeur un diamètre et demi et un neuvième, et dix d'épaisseur. La longueur des bras est de huit diamètres et demi ; leur épaisseur, vers le bas , est d'une douzième partie de diamètre et un huitième; vers le haut, elle est d'une troisième partie de diamètre et un huitième. Leur courbure est de huit diamètres. 6. Telles doivent être les proportions des bras, soit qu'on ajoute, soit qu'on retranche : car, que le chapiteau soit plus haut que ne l'exige la longueur des bras (ce qui le fait appeler anatonum (qui est bandé par le haut)), on devra les raccourcir, afin que, si leur tension est moins grande à cause de la hauteur du chapiteau, plus fort soit le coup, à cause du raccourcissement des bras. Que le chapiteau, au contraire, soit moins haut (ce qui le fait appeler catatonuin (qui est bandé par le bas), les bras devant être tendus, il faudra les allonger pour qu'on puisse les courber plus facilement. Un levier de quatre pieds de longueur exigera les bras de quatre hommes pour lever tel fardeau, pour lequel deux hommes suffiront s'il est de huit pieds. Ainsi, plus les bras de la catapulte seront longs, plus ils seront faciles à bander; plus ils seront courts, plus il y aura de difficulté. Telles sont les proportions des catapultes; telles sont les pièces qui les composent. |
XI. De balistarum rationibus. 1. Balistarum autem rationes variae sunt et differentes, unius effectus causa comparatae. Aliae enim vectibus et suculis, nonnullae polyspastis, aliae ergatis, quaedam etiam tympanorum torquentur rationibus. Sed tamen nulla balista perficitur, nisi ad propositam magnitudinem ponderis saxi, quod id organum mittere debet. Igitur de ratione earum non est omnibus expeditum nisi qui geometricis rationibus numeros et multiplicationes habent notas. 2. Namque fiunt in capitibus foramina, per quorum spatia contenduntur capillo maxime muliebri, vel nervo funes, qui magnitudine ponderis lapidis, quem debet ea balista mittere, ex ratione gravitatis proportione sumuntur, quemadmodum catapultis de longitudinibus sagittarum. Itaque ut etiam qui geometrice non noverint, habeant expeditum (84), ne in periculo bellico cogitationibus detineantur, quae ipse faciendo certa cognovi, quaeque ex parte accepi a praeceptoribus finita, exponam; et quibus rebus Graecorum pensiones ad modulos habeant rationem, ad eam ut etiam nostris ponderibus respondeant, tradam explicata. 3. Nam quae balista duo pondo saxum mittere debet, foramen erit in eius capitulo digitorum V, si pondo quatuor, digitorum VI, et digitorum VIII ●, decem pondo, digitorum VIII ●, viginti pondo, digitorum X ●, quadraginta pondo, digitorum XII S K. (85) sexaginta pondo, digitorum XIII et digiti octava parte, ● octuaginta pondo, digitorum XV ●, centum viginti pondo, pedis IS. et sesquidigiti ●, centum et sexaginta pondo, pedum II ●, centum et octuaginta pondo, pedum II et digitorum V, ducenta pondo, pedum II et digitorum VI, ducenta decem pondo, pedum II et digitorum VII ■, CCL pondo XIS. 4. Quum ergo foraminis quod Graece περίτρητον appelIatur, magnitudo fuerit instituta, describatur scutula (86), cuius Iongitudo foraminum H. F. Z, latitudo duo et sextae partis : dividatur dimidium lineae descriptae, et, quum divisum erit (87), contrahantur extremae partes eius formae in quibus procurrunt cacumina angulorum, ut obliquam deformationem habeat longitudinis sexta parte, latitudinis ubi est versura, quarta parte. In qua parte autem est curvatura, et foramina convertantur, et contractura latitudinis redeant introrsus sexta parte. Foramen autem oblongius sit tanto, quantam epizygis habet crassitudinem. Quum deformatum fuerit, circumlaevigentur extrema, ut habeat curvaturam molliter circumactam ●. 5. Crassitudo eius foraminis SΓ constituatur. Modioli foraminum II : . , latitudo IS9 ■, crassitudo, praeterquam quod in foramine inditur, foraminis SI, ad extremum autem latitudo foraminis IΓ. Parastatarum longitudo foraminis VSΓ, curvatura foraminis pars dimidia, crassitudo U et partis IX : adiicitur autem ad mediam latitudinem quantum est prope foramen factum in descriptione, latitudine et crassitudine foraminis V; altitudo parte III.
6.
Regulae, quae est in mensa, longitudo foraminum VIII, latitudo et
crassitudo dimidium foraminis; cardinis IIZ
■;
crassitudo foraminis I99
●:
curvatura regule Γ 5 K. Exterioris regulae latitudo et crassitudo
tantumdem, longitudo quam dederit ipsa versura deformationis et
parastatae latitudo, ad suam curvaturam K. 7. Climacidos scapi longitudo foraminum XIII ■ crassitudo IIIK , intervallum medium latitudo foraminis ex quarta parte ●, crassitudo pars octava K; climacidos superioris pars, quae est proxima brachiis, quae coniuncta est mensae, tota longitudine dividatur in partes quinque : ex his dentur duae partes ei membro, quod Greci χηλὴν vocant, ● latitudo Γ, crassitudo 9 ●, longitudo foraminum III et semis K, exstantia cheles foraminis S, pterygomatos (88) foraminum ξ et sicilicus; quod autem est ad axona , quod appellatur frons transversarius, foraminum trium ●. 8. Interiorum regularum latitudo foraminis Γ, crassitudo ξ K. Cheloni replum (89), quod est operimentum, securiculae includitur K. Scapi climacidos latitudo Z 5, crassitudo foraminum XIIIK. Crassitudo quadrati, quod est ad climacida, foraminis F 5, in extremis K, rotundi autem axis diametros aequaliter erit cheles. Ad claviculas autem S minus parte sexta decima K. 9. Anteridon longitudo foraminum F III 9, latitudo in imo foraminis Γ ●, in summo crassitudo Z K. Basis, quae appellatur eschara, longitudo foraminum ■ antibasis foraminum III ■, utriusque crassitudo et latitudo foraminis ■ : compingitur autem dimidia altitudinis K. Columnae latitudo et crassitudo IS; altitudo autem non habet foraminis proportionem, sed erit quod opus erit ad usum. Brachii ■ longitudo foraminum vi ■, crassitudo in radice foraminis in extremis F.
10. De
balistis et catapultis symmetrias, quas maxime expeditas putavi
exposui : quemadmodum autem contentionibus eae temperentur e nervo
capilloque tortis rudentibus, quantum comprehendere scriptis
potuero, non praetermittam. |
XI. Des proportions des balistes. 1. Les balistes offrent des différences dans leur construction, bien qu'elles soient destinées au même but. Il y en a qu'on bande avec des moulinets et des leviers, d'autres avec des moufles, d'autres avec des vindas, quelques-unes enfin avec des roues dentelées. Il ne se fait néanmoins aucune baliste dont la grandeur ne soit proportionnée à la pesanteur de la pierre qu'elles doivent lancer; aussi n'est-il pas donné à tout le monde d'en bien saisir les proportions : il faut pour cela parfaitement connaître les règles de l'arithmétique et la multiplication. 2. On fait au chapiteau de la baliste des trous par où l'on passe des câbles faits surtout avec des cheveux de femmes ou des boyaux; ces câbles sont proportionnés à la grosseur et à la pesanteur de la pierre que la baliste doit jeter, de même que pour les catapultes, les proportions se prennent sur la longueur des javelots. Or, pour que ceux-là mêmes qui ne connaissent pas la géométrie, sachent à quoi s'en tenir, et ne restent pas court au milieu des périls de la guerre, je vais leur faire part des connaissances que j'ai puisées dans l'expérience et dans les leçons de mes maîtres; j'y ajouterai le calcul que j'ai fait pour réduire les mesures grecques aux poids qui sont en usage parmi nous. 3. La baliste doit-elle lancer une pierre du poids de deux livres, le trou de son chapiteau aura la largeur de cinq doigts; doit-elle en lancer une de quatre livres, il aura six doigts; une de six livres, il aura sept doigts; une de dix livres, il aura huit doigts; une de vingt livres, il aura dix doigts; une de quarante livres, douze doigts et trois quarts; une de soixante livres, treize doigts et un huitième; une de quatre-vingts livres, quinze doigts; de cent soixante livres, deux pieds; de cent quatre-vingts livres, deux pieds et cinq doigts; de deux cents livres, deux pieds et six doigts; de deux cent dix livres, deux pieds et sept doigts; enfin, lance-t-elle une pierre de deux cent cinquante livres, il aura deux pieds et onze doigts et demi. 4. Après avoir déterminé la grandeur de ce trou, qui est appelé en grec περίτρητος (percé tout autour), on réglera les proportions du gros rouleau, dont la longueur aura deux diamètres deux douzièmes et un huitième; la largeur, deux diamètres un sixième : on divisera en deux parties égales la ligne décrite, et après cela, au point où se rencontrent les sommités des angles, on rapprochera les extrémités pour les contourner obliquement, de manière que la longueur du contour soit d'une sixième partie, et la largeur que forme le pli, d'une quatrième partie. A l'endroit où se fait la courbure, on arrondira le trou, et l'on rétrécira la largeur dans l'intérieur d'une sixième partie. Ce trou doit être oblong, dans la proportion de l'épaisseur de l'epizygis (qui est sous le joug). Après l'avoir tracé, on en adoucit les bords pour leur donner un léger contour dans la circonférence. 5. Son épaisseur sera d'un demi diamètre et un quart. Les barillets auront deux diamètres et un huitième de long, et de large un diamètre et demi et un seizième; leur épaisseur, sans y comprendre ce qui se met dans le trou, aura un diamètre et demi, et leur largeur vers l'extrémité sera d'un diamètre un quart. Les poteaux auront de longueur cinq diamètres et demi et un quart, de tour un demi diamètre, d'épaisseur une moitié et un neuvième de diamètre; on ajoute à la largeur, qui est au milieu, celle qu'on a indiquée devoir se trouver auprès du trou, c'est-à-dire une largeur et une profondeur de cinq diamètres; la hauteur sera d'un quart de diamètre. 6. La règle qui est à la table doit avoir huit diamètres de longueur, et un demi diamètre de largeur et d'épaisseur. Le tenon, de deux diamètres un huitième, aura d'épaisseur un diamètre deux seizièmes. La courbure de la règle sera d'un seizième et cinq quarts de seizième. La règle extérieure aura autant de largeur et d'épaisseur. La longueur que donnera sa courbure avec la largeur du poteau et sa courbure sera d'un quart de diamètre. Les règles supérieures comme les inférieures auront un quart de diamètre. Les travers de la table auront deux tiers et un quart de diamètre. 7. Le fût du climacis (petite échelle) doit être long de treize diamètres, et épais de trois seizièmes de diamètre. L'intervalle du milieu aura de largeur un quart de diamètre, et d'épaisseur un huitième et un quart de huitième. La partie du climacis supérieur qui est près des bras et qui touche à la table, se divisera dans toute sa longueur en cinq parties; on en donnera deux à la pièce que les Grecs appellent χηλή (pince); sa largeur sera d'un quart de diamètre, son épaisseur d'un seizième, sa longueur de trois diamètres et demi et un huitième. La saillie de la χηλή sera d'un demi diamètre; celle du pterygoma (aile) du douzième d'un diamètre et d'un silique; quant à la partie appelée front de traverse qui est vers l'essieu, elle doit avoir trois diamètres de longueur. 8. Les règles intérieures auront un quart de diamètre de longueur, et d'épaisseur un douzième et un quart de douzième. Le rebord du chelo (tortue) qui sert de couverture à la queue d'aronde, doit être long d'un quart de diamètre. La largeur des montants du climacis doit être d'un huitième, et la grosseur d'un douzième et un quart de douzième. L'épaisseur du carré, qui est au climacis, doit être d'un douzième et d'une huitième partie du douzième, et vers l'extrémité d'un quart de douzième. Le diamètre de l'essieu rond sera égal à la χηλή; et vers les clavicules, il sera plus petit de la moitié et d'une seizième partie. 9. La longueur des arcs-boutants sera d'une douzième partie et de trois quarts de douzième; la largeur en bas, d'une treizième partie de diamètre; l'épaisseur en haut d'un huitième et d'un quart de huitième. La base qui est appelée eschara (grille) aura de longueur un neuvième de diamètre. La pièce qui est devant la base aura quatre diamètres. L'épaisseur et la largeur de l'une et de l'autre jusqu'à la moitié de leur hauteur auront un neuvième et un seizième de diamètre. La colonne aura en largeur et en épaisseur un diamètre et demi. Sa hauteur ne se règle pas sur le diamètre du trou; on la proportionne à l'usage auquel on la destine. La longueur du bras sera de huit diamètres; son épaisseur vers le bas, d'un demi diamètre, et à son extrémité d'un douzième de diamètre. 10. Après avoir fait connaître les proportions que j'ai jugées être les plus convenables pour les catapultes et les balistes, je vais expliquer le plus clairement qu'il sera possible, comment on doit les bander, en les tendant avec des cordes de boyau ou de cheveux. |
XII. De catapultarum balistarumque contentionibus et temperatoris. 1. Sumuntur tigna amplissima longitudine, supra figuntur chelonia, in quibus includuntur suculae : per media autem spatia tignorum insecantur et exciduntur formae, in quibus excisionibus includuntur capitula catapultarum, cuneisque distinentur, ne in contentionibus moveantur. Tum vero modioli aerei in ea capitula includuntur, et in eos cuneoli ferrei, quos ἐπισχίδας Graeci vocant, collocantur.
2.
Deinde ansae rudentum induntur per foramina capitulorum et in
alteram partem traiiciuntur; deinde in suculas coniiciuntur,
involvunturque vectibus, uti per eas extenti rudentes, quum manibus
sunt tacti, aequalem in utraque sonitus habeant responsum. Tunc
autem cuneis ad foramina concluduntur, ut non possint se remittere :
ita traiecti in alteram partem eadem ratione vectibus per suculas
extenduntur, donec aequaliter sonent. Ita cuneorum conclusionibus ad
sonitum musicis auditionibus (90)
catapulta: temperantur. |
Xll. De la manière de bander avec justesse les catapultes et les balistes. 1. On prend deux longues pièces de bois sur lesquelles on cloue les anses de fer qui retiennent le moulinet : au milieu de ces deux pièces de bois sont faites des entailles dans lesquelles on met le chapiteau de la catapulte qu'on y attache solidement avec des clous pour qu'il ne cède point à l'action du bandage. On fait ensuite entrer clans ce chapiteau de petits tubes en cuivre dans lesquels on passe des clavettes en fer, appelées en grec ἐπισχίδες (Coins pour fendre).
2.
Après cela on introduit dans l'un des trous du chapiteau le bout du
câble, que l'on fait passer de l'autre côté; puis on l'attache au
treuil du moulinet, autour duquel on le roule à l'aide de leviers,
jusqu'à ce qu'il soit bandé de manière à rendre le son qu'il doit
avoir, lorsqu'on vient à le frapper avec la main. Alors pour que les
bras de la machine ne puissent plus se détendre, on arrête le câble
avec la clavette qui entre dans un des petits tubes; on le passe
ensuite de l'autre côté, et on le tend de la même manière à l'aide
des leviers et du moulinet, jusqu'à ce qu'il donne un son semblable
à celui de l'autre. C'est ainsi que, grâce aux clavettes avec
lesquelles on arrête les bras des catapultes, d'après l'observation
du son que rendent les câbles, on arrive à leur donner le degré de
tension convenable. |
XIII. De oppugnatoriis rebus. 1. Primum ad oppugnationes aries sic inventus memoratur esse. Carthaginienses ad Gades oppugnandas castra posuerunt quum autem castellum ante cepissent, id demoliri sunt conati. Posteaquam non habuerunt ad demolitionem ferramenta, sumpserunt tignum, idque manibus sustinentes, capiteque eius summum murum continenter pulsantes, summos lapidum ordines deiiciebant, et ita gradatim ex ordine totam communitionem dissipaverunt. 2. Postea quidam faber Tyrius, nomine Pephasmenos, hac ratione et inventione inductus, malo statuto, ex eo alterum transversum uti trutinam suspendit, et in reducendo et impellendo vehementibus plagis deiecit Gaditanorum murum. Cetras autem Chalcedonius (92) de materia primum basim subiectis rotis fecit, supraque compegit arrectariis et iugis varias, et in his suspendit arietem, coriisque bubulis texit, uti tutiores essent, qui in ea machinatione ad pulsandum murum essent collocati. Id autem quod tardos conatus habuerat (93), testudinem arietariam appellare coepit. 3. His tunc primis gradibus positis ad id genus machinationis, post ea, quum Philippus, Amyntae frlius, Byzantium oppugnaret, Polydus Thessalus pluribus generibus et facilioribus explicavit; a quo receperunt doctrinam Diades et Chrereas, qui cum Alexandro militaverunt. Itaque Diades scriptis suis ostendit se invenisse turres ambulatorias, quas etiam dissolutas in exercitu circumferre solebat; praeterea terebram, et ascendentem machinam, qua ad murum plano pede transitus esset, etiam corvum demolitorem (94), quem nonnulli gruem appellant.µ 4. Non minus utebatur ariete subrotato, cuius rationes scriptas reliquit. Turrem autem minimam ait oportere fieri ne minus altam cubitorum LX, latitudinem XVII, contracturam autem summam imae partis quintam : arrectaria in turris imo dodrantalia, in summo semipedalia. Fieri autem ait oportere eam turrem tabulatorum decem, singulis partibus in ea fenestratis (95). 5. Maiorem vero turrem (96), altam cubitorum CXX, latam cubitorum XXIIIS ●, contracturam item summam quinta parte ●, arrectaria pedalia in imo, in summo semipedalia. Hanc magnitudinem turris faciebat tabulatorum XX (97), quum haberent singula tabulata circuitionem (98) cubitorum ternum ; tegebat autem coriis crudis, ut ab omni plaga essent tutae. 6. Testudinis arietariae comparatio eadem ratione perficiebatur : habuerat autem intervallum cubitorum XXX, altitudinem praeter fastigium XVI, fastigii autem altitudo ab strato ad summum cubita VII. Exibat autem in altum et supra medium tecti fastigium turricula lata non minus cubita XII, et supra extollebatur altitudine IIII tabulatorum, in quo tabulato summo statuebantur scorpiones et catapultae, in inferioribus congerebatur magna aquae multitudo ad exstinguendum, si qua vis ignis inmitteretur. Constituebatur autem in ea arietaria machina, quae Graece κριοδόχη dicitur, in qua collocabatur torus perfectus in torno; in quo insuper constitutus aries, rudentium ductionibus et reductionibus, effciebat magnos operis effectus : tegebatur autem is coriis crudis, quemadmodum turris. 7. De terebra has explicuit scriptis rationes : ipsam machinam uti testudinem in medio habentem collocatum in orthostatis canalem faciebat, quemadmodum in catapultis aut balistis fieri solet, longitudine cubitorum L, altitudine cubiti, in quo constituebatur transversa sucula (100). In capite autem dextra ac sinistra trochleae duae, per quas movebatur quod inerat in eo canali capite ferrato tignum; sub eo autem ipso canali inclusi tori (101) crebriter celeriores et vehementiores efficiebant eius motus. Supra autem id tignum, quod inibi erat, arcus agebantur ad canalem crebriter, uti sustinerent corium crudum, quo ea machina erat involuta.
8. De
corace nihil putavit scribendum, quod animadverteret eam machinam
nullam habere virtutem (102).
De ascensu (103),
quae ἐπιβάθρα Graece dicitur, et de marinis machinationibus, quae
per navim aditus habere posse scripsit, tantum pollicitum esse
vehementer animadverti, neque rationes earum eum explicuisse. |
XIII. Des machines qui servent à l'attaque. 1. La première machine inventée pour battre une place fut, dit-on, le bélier. Les Carthaginois campaient devant Gades dont ils faisaient le siége. S'étant emparés d'une forteresse, ils essayèrent de la démolir; mais ils n'avaient point d'instruments de fer dont ils pussent faire usage. Ils prirent une poutre, la soutinrent avec leurs bras , et d'un de ses bouts frappant à coups redoublés le haut de la muraille, ils firent tomber les premiers rangs des pierres, et poursuivant d'assise en assise, ils finirent par abattre toutes les fortifications. 2. Après cela, un ouvrier tyrien, nommé Péphasmenos, tirant parti de cette idée, planta un mât auquel il en suspendit un autre attaché transversalement comme le fléau d'une balance, et à force de le pousser et de le ramener, il fit tomber sous ses coups les murailles de Gades. Ce fut Cétras de Chalcédonie qui, le premier, fabriqua une base en charpente, montée sur des roues. Sur cette base il mit un assemblage de montants et de traverses au milieu desquels il suspendit le bélier. Le tout était recouvert de peaux de boeufs, afin que ceux qui étaient placés dans la machine pour battre le mur y trouvassent un abri sûr. La marche lente de cette machine lui fit donner le nom de tortue à bélier. 3. Tels furent les premiers essais de cette espèce de machine. Plus tard, au siége que Philippe, fils d'Amyntas, mit devant Byzance, Polydus de Thessalie, la perfectionna et en inventa quelques autres plus faciles à manier. Il eut pour disciples Diade et Chéréas qui servirent sous Alexandre. Diade, dans ses écrits, déclare que c'est lui qui a inventé les tours roulantes qu'il démontait pour les faire porter à la suite de l'armée, et qu'il est aussi l'inventeur de la tarrière, de la machine montante, au moyen de laquelle on passait de plein pied sur une muraille, et du corbeau démolisseur qu'on appelle quelquefois grue. 4. Il se servait aussi du bélier monté sur des roues, dont il nous a donné la description. Il dit que la plus petite tour ne doit point avoir moins de soixante pieds de hauteur et de dix-sept de largeur ; que le haut doit être d'un cinquième plus étroit que le bas; que les montants doivent être à la partie inférieure de trois quarts de pied, et à la partie supérieure d'un demi-pied. Il dit que cette tour doit avoir dix étages, tous garnis de fenêtres. 5. Il donne à la plus grande tour cent vingt coudées de haut, vingt-trois et demie de large. Le rétrécissement d'en haut est aussi d'un cinquième ; les montants ont par le bas un pied de grosseur, par le haut un demi-pied. La hauteur de ces grandes tours était divisée en vingt étages, entourés chacun d'un parapet de trois coudées; il les couvrait de peaux fraîches pour les mettre à l'abri de toute espèce de coups. 6. La disposition de la tortue à bélier était la même ; elle avait trente coudées de largeur, seize de hauteur, non compris le toit, qui en avait sept depuis la plate-forme jusqu'au haut. Au milieu du faîte de ce toit on voyait s'élever une petite tour qui n'avait pas moins de douze coudées de largeur; elle se composait de quatre étages, sur le plus élevé desquels on dressait les scorpions et les catapultes; dans les étages inférieurs on amassait une grande quantité d'eau pour éteindre le feu qu'on pourrait lancer dessus. Dans cette tortue on plaçait la machine à bélier, appelée en grec κριοδόχη, dans laquelle on mettait un rouleau parfaitement arrondi ; sur ce rouleau était placé le bélier qui, allant et venant à l'aide des câbles, produisait de grands effets. Il était couvert de cuirs frais comme la tour. 7. Voici la description qu'il nous a donnée de la tarrière. C'est une machine semblable à la tortue. Au milieu se trouve soutenu sur des piliers un canal semblable à celui des catapultes et des balistes. Sa longueur était de cinquante coudées, sa largeur d'une seule. Un moulinet se plaçait en travers dans un canal. En avant, à droite et à gauche on attachait deux poulies par le moyen desquelles on mettait en mouvement dans le canal où elle se trouvait une poutre ferrée par le bout; sous cette poutre , dans le canal même, on enfermait des rouleaux qui aidaient à lui imprimer une impulsion plus rapide et plus violente. Au-dessus de la poutre ainsi placée, on organisait le long du canal de nombreux demi-cerceaux pour soutenir les cuirs frais qui couvraient la machine.
8.
Quant au corbeau, il n'a pas jugé à propos de le décrire, en
considérant le peu d'effet qu'il produisait. A l'égard de la machine
montante appelée en grec ἐπιβάθρα, et des machines navales qui
facilitaient le passage sur les vaisseaux, je remarque avec regret
qu'il n'a fait que la promesse de les expliquer, sans la tenir. |
XIV. De testudine ad congestionem fossarum paranda. 1. Testudo, quae ad congestionem fossarum paratur, eaque etiam accessus ad murum potest habere, sic erit facienda. Basis compingatur, quae Graece ἐσχάρα dicitur (104), quadrata, habens quoquoversus latera singula pedum XXV, et transversaria quatuor : haec autem contineantur ab alteris duobus crassis F. S. Iatis S. Distent autem transversaria inter se circiter pede et S, supponanturque in singulis intervallis eorum arbusculae (105), quae Graece ἁμαξόποδες dicuntur; in quibus versantur rotarum axes conclusi laminis ferreis : eaeque arbusculae ita sint temperatae, ut habeant cardines et foramina, quo vectes traiecti versationes earum expediant, uti ante et post, et ad dextrum seu sinistrum latus, sive oblique ad angulos opus fuerit, ad id per arbusculas versati progredi possint. 2. Collocentur autem insuper basim tigna duo in utramque partem proiecta pedes senos; quorum circa proiecturas figantur altera proiecta duo tigna ante frontes pedes VII, crassa et lata uti in basi sunt scripta. Insuper hanc compactionem (106), erigantur postes compactiles, praeter cardines pedum IX, crassitudine quoquoversus palmipedales, intervalla habentes inter se sesquipedis. Eae concludantur supeme intercardinatis trabibus : supra trabes collocentur capreoli cardinibus alius in alium conclusi, in altitudinem excitati pedes IX : supra capreolos collocetur quadratum tignum, quo capreoli coniungantur. 3. Ipsi autem laterariis circa fixis contineantur, teganturque tabulis maxime palmeis, si non, ex cetera materia, quae maxime habere potest virtutem, praeter pinum aut alnum. Haec enim sunt fragilia et faciliter recipiunt ignem. Circum tabulata (107) collocentur crates ex tenuibus virgis creberrime textae, maximeque recentibus, percrudis coriis duplicibus consutis, fartis alga aut paleis in aceto maceratis, circa tegatur machina tota : ita ab his reiicientur plagae balistarum, et impetus incendiorum. |
XIV. De la tortue destinée à combler les fossés.
1. La tortue destinée à
combler les fossés et à faciliter l'approche des murailles doit se
construire de cette manière. Avec quatre poutres on formera une base
carrée, appelée en grec ἐσχάρα, dont chaque côté aura vingt-cinq
pieds. On y ajoutera quatre traverses qui seront arrêtées par deux
autres de l'épaisseur d'un demi-pied et un douzième, et de la
largeur d'un demi-pied. Il doit y avoir entre ces traverses une
distance d'environ un pied et demi. Sous ces traverses, dans chaque
intervalle, on posera debout de petits arbres appelés en grec
ἁμαξόποδες (Pieds de chariot); c'est dans ces pièces de bois
doublées intérieurement de lames de fer que tournent les essieux des
roues. Ces petits arbres seront disposés de manière que, grâce à
leurs pivots et aux trous dans lesquels on fait passer des leviers
pour les tourner, si l'on a besoin de diriger la machine en avant ou
en arrière, à droite ou à gauche, ou obliquement dans la ligne des
angles, on pourra avec leurs secours, lui faire prendre ces
directions. 3. Ces forces seront encore arrêtées par des pannes clouées dessus horizontalement, et couvertes de planches de palmier ou de quelque autre bois qui offre une grande solidité, pourvu que ce ne soit ni pin ni aune , car ces bois sont cassants et prennent facilement feu. Sur la couverture en planches on posera une claie faite de baguettes vertes et flexibles, et entrelacées d'une manière très serrée. Toute la machine sera ensuite recouverte de doubles peaux fraîches cousues ensemble et bourrées d'algues et de paille trempée dans du vinaigre; ce qui la mettra à l'abri des projectiles et du feu. |
XV. De aliis testudinibus. 1. Est autem et aliud genus testudinis, quod reliqua omnia habet, quemadmodum quae supra scripta sunt, praeter capreolos; sed habet circa pluteum et pinnas ex tabulis, et superne subgrundas proclinatas, supraque tabulis et coriis firmiter fixis continentur : insuper vero argilla cum capillo subacta ad eam crassitudinem inducatur, ut ignis omnino non possit ei machinae nocere. Possunt autem, si opus fuerit, eae machinae ex octo rotis esse, si ad loci naturam ita opus fuerit temperare. Quae autem testudines ad fodiendum comparantur, ὄρυγες Graece dicuntur (108). Cetera omnia habent, uti supra scriptum est : frontes autem earum fiunt, quemadmodum anguli trigonorum, uti, a muro tela quum in eas mittantur, non planis frontibus excipiant plagas, sed ab lateribus labentes, sine periculoque fodientes qui intus sunt tueantur. 2. Non mihi etiam videtur esse alienum de testudine, quam Hegetor Byzantius fecit, quibus rationibus sit facta, exponere. Fuerat enim eius baseos longitudo pedum LX, latitudo XVIII (109), arrectaria, quae supra compactionem erant quatuor collocata, ex binis tignis fuerant compacta, in altitudinibus singulorum pedum XXXVI, crassitudine palmipedali, latitudine sesquipedali. Basis eius habuerat rotas octo, quibus agebatur; fuerat autem earum altitudo pedum VIS ÷, crassitudo pedum trium, ita fabricata triplici materia, alternis se contra subscudibus inter se coagmentata, laminisque ferreis ex frigido ductis alligata. 3. Hae in arbusculis, sive hamaxopodes dicantur, habuerant versationes. Ita supra transtrorum planitiem, quae supra basim fuerat, postes erant erecti pedum XVIII : --, latitudinis S : -- , crassitudinis F. Z. distantes inter se IS: . supra eos trabes circumclusae continebant totam compactionem ■ late pedem I. ÷ crassae S ÷; supra eam capreoli extollebantur altitudine pedum XII, supra capreolos tignum collocatum coniungebat capreolorum compactiones. Item fixa habuerant lateraria in transverso, quibus insuper contabuIatio circumdata contegebat inferiora. 4. Habuerat autem mediam contabulationem supra trabeculas, ubi scorpiones et catapultae collocabantur : erigebantur et arrectaria duo (110) compacta pedum XXXV ● crassitudine sesquipedali ● latitudine pedum II, coniuncta capitibus transversario cardinato tigno, et altero mediano inter duos scapos cardinato, et laminis ferreis religato : quo insuper collocata erat alternis materies inter scapos et transversarium (111) traiecta cheloniis (112) et anconibus firmiter inclusa (113). In ea materia fuerunt ex torno facti axiculi duo, e quibus funes alligati retinebant arietem. 5. Supra caput eorum qui continebant arietem, collocatum erat pluteum, turriculae similitudine ornatum, uti sine periculo duo milites tuto stantes prospicere possent et renuntiare, quas res adversarii conarentur. Aries autem eius habuerat longitudinem pedum CIV ■, latitudine in imo palmipedali ■, crassitudine pedali ■, contractum a capite in latitudine pes ■ -- crassitudine s. ---. 6. Is autem aries habuerat de ferro duro rostrum, ita uti naves longae solent habere, et ex ipso rostro lamine ferreae quatuor circiter pedum XV fixae fuerant in materia. A capite autem ad imam calcem tigni, contenti fuerunt funes quatuor crassitudine digitorum octo, ita religati, quemadmodum navis malus a puppi ad proram continetur (114); eiusque praecincturae funes transversis erant ligati (115), habentes inter se palmipedalia spatia. Insuper coriis crudis totus aries erat involutus ; ex quibus autem funibus (116) pendehant eorum capita, fuerant ex ferro factae quadruplices catenae, et ipsae coriis crudis erant involutae. 7. Item habuerat proiectura eius ex tabulis arcam compactam, et confixam rudentibus maioribus extentis, per quorum asperitates non labentibus pedibus faciliter ad murum perveniebatur. Atque ea machina III modis movebatur, progressu, item latere dextra ac sinistra, porrectione non minus in altitudinem extollebatur, et in imum inclinatione demittebatur. Erigebatur autem machina in altitudinem ad disiiciendum murum circiter pedes C (117); item a latere dextra ac sinistra procurrendo perstringebat non minus pedes C; gubernabant eam homines C, habentem pondus talentum quatuor millium, quod fit CCCCLXXX pondo. |
XV. De quelques autres espèces de tortues. 1. Il y a encore une autre espèce de tortue dans laquelle on retrouve toutes les parties qui composent celles que nous venons de décrire , à la réserve des forces. Elle a de plus tout à l'entour un parapet et des créneaux en planches, et, par-dessus, des auvents inclinés que recouvrent des planches et des cuirs solidement attachés. Sur tout cela on étend une couche d'argile pétrie avec du crin , assez épaisse pour que la machine puisse être entièrement à l'abri du feu. On peut, si besoin est, si la nature du lieu l'exige, faire rouler ces machines sur huit roues. Les tortues que l'on prépare pour miner les murailles, s'appellent en grec ὄρυγες (Instruments qui servent à creuser). Elles ressemblent en tout à celles dont nous venons de donner la description, seulement leur partie antérieure est en forme de triangle, afin que les projectiles qui arrivent des murailles ne viennent point frapper sur une surface plate, mais glissent par les côtés sans faire naître de danger pour les mineurs qui sont dessous. 2. Il ne me semble pas hors de propos de parler ici d'une tortue faite par Hégétor de Byzance. Sa base avait soixante pieds de longueur et dix-huit de largeur. Les quatre montants placés sur l'assemblage étaient composés chacun de deux poutres de trente-six pieds de hauteur sur un pied et un palme d'épaisseur et un pied et demi de largeur. Sa base avait huit roues sur lesquelles elle roulait. Ces roues étaient hautes de six pieds trois quarts, épaisses de trois; elles se composaient de trois pièces de bois jointes ensemble par tenons à queue d'aronde, et liées avec des lames de fer battues à froid. 3. Elles tournaient sur des pivots appelés hamaxopodes. Sur l'assemblage des poutres transversales qui étaient au-dessus de la base, il y avait encore des poteaux de dix-huit pieds et demi de hauteur sur trois quarts de pied de largeur et un douzième avec un huitième d'épaisseur. Il y avait entre eux la distance d'un pied et demi et un huitième. Tout cet assemblage de poutres était affermi tout autour par des sablières larges d'un pied un quart et un neuvième, et épaisses d'un demi-pied et un quart. Au-dessus s'élevaient les forces, hautes de douze pieds, qui allaient s'assembler dans un faîtage. Sur ces forces étaient cloués en travers les chevrons, et sur ces chevrons étaient assemblées les planches qui protégeaient les parties inférieures de la machine. 4. Il y avait au milieu un plancher porté par des solives, où l'on plaçait les scorpions et les catapultes. On élevait en outre deux forts montants, longs de trente-cinq pieds un neuvième, épais d'un pied et demi, et larges de deux pieds. Ils étaient liés en haut par une poutre qui s'y emboîtait transversalement, et en bas par une autre poutre semblable, toutes les deux affermies par des lames de fer. Entre ces montants et les traverses, on avait appliqué de chaque côté, à l'intérieur, des dosses percées de deux rangs de trous alternatifs, et solidement fixées avec des équerres. Dans ces trous on mettait deux chevilles, faites au tour, auxquelles on attachait les cordes qui tenaient le bélier suspendu. 5. Au-dessus de ceux qui faisaient manoeuvrer le bélier, il y avait une guérite semblable à une petite tour, pour que deux soldats, qui s'y trouvaient hors de danger, pussent découvrir et faire connaître les desseins de l'ennemi. Le bélier était long de cent quatre pieds, large d'un pied et d'un palme par le bas et épais d'un pied. Il allait en se rétrécissant depuis la tête jusqu'à un pied sur la largeur, et sur l'épaisseur jusqu'à un demi-pied un quart. 6. Ce bélier avait la tête faite de fer battu, semblable à l'éperon qu'ont ordinairement les longs vaisseaux. De cette tête partaient quatre lames de fer, de quinze pieds environ, clouées sur le bois. Depuis la tête jusqu'à l'autre extrémité de la poutre s'étendaient quatre câbles de la grosseur de huit doigts, semblables aux haubans qui arrêtent le mât d'un vaisseau à la poupe et à la proue. Des cordes mises en travers comme des ceintures serraient les câbles contre le bélier à la distance de cinq palmes les unes des autres. Tout le bélier était couvert de peaux fraîches. A l'endroit où les câbles étaient attachés à la tête du bélier, il y avait quatre chaînes de fer, aussi recouvertes de cuirs frais.
7. Il y
avait encore sur la saillie du plancher une caisse faite de
planches, et liée avec de grosses cordes tendues, grâce auxquelles
il était facile d'arriver jusqu'au mur sans que le pied glissât.
Cette machine fonctionnait de trois manières, en frappant
directement, à droite ou à gauche, en haut ou en bas, selon qu'elle
était haussée ou baissée. On l'élevait jusqu'à une hauteur d'environ
cent pieds pour battre une muraille; elle allait aussi à droite et à
gauche frapper à la distance de cent pieds au moins. Elle était
gouvernée par cent hommes et pesait quatre mille talents,
c'est-à-dire quatre cent quatre-vingt mille livres. |
XVI. De repugnatoriis rebus. 1. De scorpionibus, et catapultis, et balistis etiamque testudinibus, et turribus, quae maxime mihi videbantur idonea, et a quibus essent inventa, et quemadmodum fieri deberent, explicui. Scalarum autem et carchesiorum (118), et eorum, quorum rationes sunt imbecilliores, non necesse habui, scribere ; haec etiam milites per se solent facere ; neque ea ipsa omnibus locis, neque eisdem rationibus possunt utilia esse, quod differentes sunt munitiones munitionibus, nationumque fortitudines. Namque alia ratione ad audaces et temerarios, alia ad diligentes, aliter ad timidos machinationes debent comparari. 2. Itaque his praescriptionibus si quis attendere voluerit, ex varietate eorum eligendo, et in unam comparationem conferendo, non indigebit auxiliis, sed quascumque res, aut nationihus aut locis opus fuerit, sine dubitatione poterit explicare. De repugnatoriis vero non est scriptis explicandum : non enim ad nostra scripta hostes comparant res oppugnatorias, sed machinationes eorum ex tempore solerti consiliorum celeritate sine machinis saepius evertuntur. Quod etiam Rhodiensibus memoratur usu venisse. 3. Diognetus enim fuerat Rhodius architectus ; et ei de publico quotannis certa merces pro artis dignitate tribuebatur ad honorem. Eo tempore quidam architectus ab Arado nomine Callias, Rhodum quum venisset, acroasin fecit, exemplarque protulit muri, et supra id machinam in carchesio versatili constituit, qua helepolim ad moenia accedentem corripuit et transtulit intra murum. Hoc exemplar Rhodii quum vidissent, admirati ademerunt Diogneto quod fuerat ei quotannis constitutum, et eum honorem ad Calliam transtulerunt. 4. Interea rex Demetrius, qui propter animi pertinaciam Poliorcetes est appellatus (119), contra Rhodum bellum comparando, Epimachum Atheniensem, nobilem architectura secum adduxit. Is autem comparavit helepolim sumptibus immanibus (120), industria laboreque summo; cuius altitudo fuerat pedum CXXV, latitudo pedum LX : ita eam ciliciis et coriis crudis confirmavit, ut posset pati plagam lapidis balista immissi pondo CCCLX, ipsa autem machina fuerat millia pondo CCCLX. Quum autem Callias rogaretur a Rhodiis, ut contra eam helepolim machinam pararet, et illam, uti pollicitus erat, transferret intra murum, negavit posse. 5. Non enim omnia eisdem rationibus agi possunt, sed sunt aliqua, quae exemplaribus non magnis similiter magna facta habent effectus; alia autem exemplaria non possunt habere, sed per se constituuntur : nonnulla vero sunt, quae in exemplaribus videntur verisimilia, quum autem crescere coeperunt, dilabuntur, ut etiam possumus hinc animadvertere. Terebratur terebra foramen semidigitale, digitale, sesquidigitale, si eadem ratione voluerimus palmare facere, non habet explicationem; semipedali autem maius ne cogitandum quidem videtur omnino. 6. Sic item nonnulla quemadmodum in minimis fieri videntur exemplaribus, non eodem modo in maioribus fiunt. Rhodii eadem ratione decepti iniuriam cum contumelia Diogneto fecerunt. Itaque posteaquam viderunt hostem pertinaciter infestum, et machinationem ad capiendam urbem comparatam, periculum servitutis metuentes, et nil nisi civitatis vastitatem exspectandam, procubuerunt Diognetum rogantes, ut auxiliaretur patriae. 7. Is primo negavit se facturum ; posteaquam ingenuae virgines et ephebi cum sacerdotibus venerunt ad deprecandum, tunc est pollicitus his legibus, ut, si eam machinam cepisset, sua esset. His ita constitutis, qua machina accessura erat, ea regione murum pertudit (121), et iussit omnes publice et privatim, quod quisque hahuisset aquae, stercoris, luti, per eam fenestram per canales progredientes effundere ante murum. Quum ibi magna vis aquae, luti, stercoris nocte profusa fuisset, postero die helepolis accedens antequam appropinquaret ad murum, in humida voragine acta consedit, nec progredi nec regredi postea potuit. Itaque Demetrius quum vidisset sapientia Diogneti se deceptum esse, cum classe sua discessit. 8. Tunc Rhodii Diogneti solertia liberati bello, publice gratias egerunt, honoribusque omnibus eum et ornamentis exornaverunt; Diognetus autem eam helepolim reduxit in urbem et in publico collocavit et inscripsit : Diognetus e manubiis id populo dedit munus. Ita in repugnatoriis rebus non tantum machinae, sed etiam maxime consilia sunt comparanda. 9. Non minus Chio, quum supra naves sambucarum machinas (122) hostes comparavissent, noctu Chii terram, arenam, lapides proiecerunt in mare ante murum. Ita illi postero die quum accedere voluissent, naves supra aggerationem, quae fuerat sub aqua, sederunt, nec ad murum accedere nec retrorsus se recipere potuerunt, sed ibi malleolis confixae (123) incendio sunt conflagratae. Apollonia quoque quum circumsideretur, et specus hostes fodiendo cogitarent sine suspicione intra moenia penetrare, id autem a speculatoribus esset Apolloniatibus renuntiatum, perturbati nuntio, propter timorem consiliis indigentes, animis deficiebant, quod neque tempus neque certum locum scire poterant, quo emersum facturi fuissent hostes. 10. Tum vero Trypho Alexandrinus, qui ibi fuerat architectus, intra murum plures specus designavit, et fodiendo terram progrediebatur extra murum, dumtaxat extra sagittae emissionem, et in omnibus vasa aenea suspendit. Ex his in una fossura, quae contra hostium specus fuerat, vasa pendentia ad plagas ferramentorum sonare coegerunt : ita ex eo intellectum est, qua regione adversarii specus agentes intra penetrare cogitabant. Sic limitatione cognita, temperavit ahena aquae ferventis et picis desuperne contra capita hostium, et stercoris humani et arenae coctae candentis; dein noctu pertudit crebra foramina, et per ea repente perfundendo, qui in eo opere fuerunt hostes omnes necavit. 11. Item Massilia quum oppugnaretur, et numero supra XXX specus tum agerent, Massilitani suspicati, totam quae fuerat ante murum fossam altiore fossura depresserunt; ita specus omnes exitus in fossam habuerunt : quihus autem locis fossa non potuerat fieri, infra murum, barathrum amplissima longitudine et amplitudine uti piscinam fecerunt contra eum locum, qua specus agebantur, eamque e puteis et e portu impieverunt. Itaque quum specus essent repente naribus apertis, vebemens aquae vis immissa supplantavit fulturas, quique intra fuerunt, et ab aquae multitudine, et ab ruina specus omnes sunt oppressi. 12. Etiam quum agger ad murum contra cos compararetur, et arboribus excisis eoque collocatis, locus operibus exaggeraretur, balistis vectes ferreos candentes in id mittendo, totam munitionem coegerunt conflagrare. Testudo autem arietaria quum ad murum pulsandum accessisset, demiserunt laqueum, et eo ariete constricto, per tympanum ergata circumagentes, suspenso capite eius, non sunt passi tangi murum. Denique totam machinam candentibus malleolis et balistarum plagis dissipaverunt. Ita hae victoria civitates, non machinis, sed contra machinarum rationem architectorum solertia sunt liberatae. 13. Quas potui de machinis expedire rationes (124) et pacis bellique temporibus utilissimas putavi, in hoc volumine perfeci. In prioribus vero novem de singulis generibus et partibus comparavi, uti totum corpus omnia architecturae membra in decem voluminibus haberet explicata. |
XVI. Des machines propres à la défense. 1. Je viens de dire au sujet des scorpions, des catapultes, des balistes, des tortues et des tours, tout ce qui m'a paru mériter d'être connu, sans oublier les noms de ceux qui ont inventé ces machines, et la manière dont elles doivent être faites. Quant aux échelles, aux guindages et aux machines dont la construction n'offre aucune difficulté, je n'ai pas cru nécessaire de les décrire. Les soldats ont l'habitude de les faire eux-mêmes, et telle machine conviendra dans tel lieu qui dans tel autre ne sera d'aucune utilité. Les fortifications sont loin d'être les mêmes partout, et le courage des nations n'a pas toujours le même caractère. Aussi doit-on approprier les machines à l'audace et à la témérité des unes, à la vigilance des autres, à la timidité de quelques-unes. 2. Si l'on veut faire attention aux principes que j'ai établis, la variété de la matière mettra à même de choisir, et de faire d'heureuses applications ; et, loin de manquer de ressources, on pourra certainement faire face à tout ce qu'exigera ou la nature des lieux ou celle des peuples. Quant aux machines propres à la défense, il est impossible de les déterminer dans un ouvrage l'ennemi ne va pas consulter nos écrits pour la construction des machines qui servent à attaquer une ville; et souvent celles qu'il emploie, ont été renversées sans machines, par les moyens aussi prompts qu'ingénieux que faisaient naître les circonstances. Ce fut, dit-on, ce qui arriva plus d'une fois aux Rhodiens. 3. Il y avait à Rhodes un architecte nommé Diognète ; le trésor public lui faisait tous les ans une pension pour honorer la supériorité de son talent. A cette époque un autre architecte, nommé Callias, étant venu d'Arado à Rhodes, présenta au peuple assemblé le modèle d'une muraille, sur laquelle il plaça une machine qui était ce guindas qu'on tourne facilement. A l'aide de cette machine il enleva une hélépole qu'il avait fait approcher du rempart, et la transporta dans l'intérieur des murs. Voyant l'effet de ce modèle, les Rhodiens, pleins d'admiration, ôtèrent à Diognète la pension qu'on lui accordait chaque année, et en honorèrent Callias. 4. Cependant le roi Demetrius, que son opiniâtreté fit surnommer Poliorcète ( Habile dams l'art d'assiéger les villes), déclara la guerre aux Rhodiens. Il se fit accompagner d'un fameux architecte athénien appelé Épimaque, qui construisit à grands frais une hélépole. Cette machine avait coûté beaucoup de soin et de travail; sa hauteur était de cent vingt-cinq pieds, sa largeur de soixante. Les tissus de poil, les cuirs frais dont on l'avait couverte, lui donnaient une telle solidité qu'elle était à l'épreuve des pierres lancées par une baliste, eussent-elles été de trois cent soixante livres; la machine elle-même pesait trois cent soixante mille livres. Les Rhodiens prièrent Callias de préparer sa machine contre l'hélépole et de la transporter dans la ville, comme il l'avait promis; il répondit qu'il y avait impossibilité. 5. Et en effet, tout ne se peut pas faire de la même manière. Il y a des machines qui, après avoir réussi sur un petit modèle, peuvent produire en grand le même effet; d'autres ne sauraient être représentées par des modèles ; il faut les voir exécutées; quelques-unes paraissent, d'après un modèle, devoir facilement s'exécuter, qui, lorsque les proportions viennent à grandir, font complètement défaut, comme nous pouvons nous en convaincre par la tarrière. On peut bien avec cet instrument faire un trou d'un demi-doigt, d'un doigt, d'un doigt et demi; mais qu'on en veuille faire un d'un palme, on n'en trouvera point de ce diamètre; et on n'ira jamais, ce semble, s'imaginer d'en vouloir faire un de plus d'un demi-pied. 6. Ainsi, bien que quelquefois on voie faire certaines choses avec de petits modèles, ce n'est point une raison pour qu'on en puisse faire l'application en grand. Ce fut là l'erreur des Rhodiens, qui avaient joint l'offense au tort qu'ils faisaient à Diognète. Mais quand ils virent l'ennemi poursuivre le siége avec opiniâtreté, et s'acharner à la prise de la ville, à l'aide de cette machine, effrayés du danger que courait leur liberté, et ne voyant en perspective que la ruine de leur ville, ils allèrent se jeter aux pieds de Diognète, et le supplièrent de secourir sa patrie. 7. Diognète refusa d'abord toute assistance; mais à la vue de la jeune noblesse des deux sexes qui s'était réunie aux prêtres pour venir le prier encore, il se laissa fléchir, à condition que s'il prenait la machine, elle serait à lui; ce qui lui fut accordé. Aussitôt il fait percer le mur du côté par où la machine devait s'approcher, et ordonna que tous les citoyens sans distinction apportassent ce qu'ils auraient d'eau, de fumier, de boue, pour le jeter en avant du mur par le moyen de tuyaux qu'on avait fait passer par l'ouverture pratiquée dans la muraille. Toute une nuit fut employée à jeter quantité d'eau, de boue et de fumier, tellement que le lendemain, quand l'hélépole se mit en mouvement, avant même qu'elle se fût avancée jusqu'au pied du mur, elle enfonça si profondément dans cette terre délayée, qu'il devint impossible de la faire approcher davantage et de la ramener en arrière. Aussi Demetrius se voyant vaincu par la prudence de Diognète, partit avec sa flotte. 8. Les Rhodiens, délivrés de la guerre par l'habileté de Diognète, allèrent tous le remercier, et le comblèrent d'honneurs et de dignités. Pour lui, il fit entrer l'hélépole dans la ville, où elle fut mise sur une place publique avec cette inscription : Diognète a fait ce présent au peuple, des dépouilles de l'ennemi. Ainsi, quand il s'agit de défendre une place, ce n'est pas tant aux machines qu'il faut avoir recours qu'aux expédients dictés par les circonstances. 9. La ville de Chio était aussi assiégée, et l'ennemi avait préparé sur ses vaisseaux des machines appelées sambyces. Pendant la nuit, les habitants jetèrent dans la mer, au pied de leurs murs, de la terre, du sable et des pierres. Le lendemain, les vaisseaux ayant voulu s'approcher, s'engravèrent si bien qu'ils ne purent plus ni avancer ni reculer. On lança dessus des brûlots qui les réduisirent en cendres. Lorsque les ennemis allèrent aussi mettre le siége devant Apollonie, ils s'imaginèrent qu'au moyen d'une mine ils pourraient pénétrer dans la ville. Les habitants furent bientôt instruits de leur projet par les éclaireurs. Cette nouvelle les remplit de trouble. Dans leur frayeur, ils ne savaient quel parti prendre, et le courage leur manquait, ne sachant ni à quel moment ni par quel endroit l'ennemi ferait irruption dans la ville. 10. Il se trouvait parmi eux un architecte d'Alexandrie, nommé Tryphon. Il fit creuser dans l'intérieur de la ville plusieurs contre-mines qu'on étendit en dehors des murailles jusqu'à une portée de trait ; puis il fit suspendre dans toutes ces galeries souterraines des vases de bronze. Dans un de ces conduits, ouvert auprès de la mine que creusait l'ennemi, les vases suspendus se mirent à résonner à chaque coup de pioche qu'on donnait. On apprit par là dans quelle direction minait l'ennemi, et par où il avait l'intention de pénétrer dans la ville. L'endroit ayant été ainsi précisé, Tryphon fit préparer, au-dessus des mineurs ennemis, des chaudières d'eau bouillante et de poix, avec du sable brûlant et des immondices; puis ayant pratiqué pendant la nuit de nombreuses ouvertures dans la mine, il y fit jeter tout d'un coup toutes ces matières, qui firent périr tous les ennemis qui s'y trouvaient.
11. Au
siége de Marseille, l'ennemi avait ouvert plus de trente mines. Les
habitants, qui s'en doutèrent, creusèrent à une plus grande
profondeur le fossé qui entourait leurs murailles, de sorte que
toutes les mines vinrent ouvrir dans ce fossé. Mais dans les
endroits où l'on n'avait pu creuser, on fit dans l'intérieur de la
ville un immense réservoir en forme de vivier, en face de l'endroit
vers lequel se dirigeaient les mines; on le remplit d'eau tirée des
puits et du port. Lors donc que les mines vinrent à y déboucher, il
s'y précipita tout à coup une telle quantité d'eau que les étais
furent renversés, et que tous les pionniers ou furent noyés par les
eaux ou écrasés par l'éboulement des terres.. 13. Tout ce que j'ai pu trouver de plus utile à dire sur les machines dont on se sert soit en paix soit en guerre, je l'ai consigné dans ce livre. Dans les neuf précédents, j'ai traité séparément des différentes parties de mon sujet, de sorte que dans ces dix livres se trouvent compris tous les membres qui composent le corps complet de l'architecture. |
NOTES DU LIVRE DIXIÈME. (01) - Utinam dii immortales. Galiani répète ce voeu à propos des édifices dont on entreprenait la construction dans sa patrie ; mais c'est avec prudence que Newton fait remarquer que ces erreurs ont lieu partout, et qu'il n'est guère possible que les frais d'un édifice ne dépassent jamais l'estimation première, malgré beaucoup de soin, beaucoup d'exactitude. Il ne disconvient pas, pourtant, que ces erreurs ne soient pas quelquefois le résultat de la mauvaise foi, de la cupidité, de la légèreté de l'architecte. (02) - Sed etiam in muneribus, quae a magistratibus Foro gladiatorum scenisque ludorum dantur. Nous avons vu (ch. 5 du liv. V ) que, du temps de Vitruve, il n'existait à Rome qu'un seul théâtre construit en pierres, celui de Pompée. Quand on devait donner des fêtes publiques, il fallait monter des théâtres en bois pour le temps que durait la fête. C'étaient les préteurs et les édiles qui en étaient chargés. L'emplacement qu'ils prenaient pour cela, était ordinairement un forum qui était entièrement converti en théâtre, avec des siéges tout autour pour les spectateurs. (03) - Sedes spectatorum. Perrault traduit par amphithéâtre; car bien qu'il soit constant que les véritables amphithéâtres ne fussent point encore en usage du temps de Vitruve, et qu'il y ait faute dans Pline où on lit Pompeii amphitlieatri, au lieu de Pompeiani amphitheatri, selon la remarque de Lipse, néanmoins, le mot d'amphithéâtre est si commun en français, et sa signification est si précise pour désigner les siéges qui servent aux spectateurs, qu'il n'a pas fait difficulté de se servir de ce mot. Il lui vient cependant un scrupule, en pensant que les anciens avaient trois sortes de théâtres, dont les uns étaient entièrement de bois, les autres tout de pierres, et les autres moitié pierres et moitié bois, tel qu'était celui de Bordeaux, où les siéges qui n'étaient que de bois étaient soutenus sur des murs tournés en rond. Cela étant, sedes spectatorum signifierait ici seulement la charpenterie dont les siéger étaient formés, et qui se posait sur la maçonnerie, lorsqu'on devait donner les spectacles. Cela paraît avoir quelque vraisemblance, parce que Vitruve met sedes spectatorum avec velorum inductiones, et que l'on sait que les voiles ne se mettaient aux théâtres que dans le temps des spectacles. Or, ces voiles étaient de deux sortes : les uns servaient à couvrir tout le théâtre pour empêcher que les spectateurs ne fussent incommodés du soleil; les autres se tiraient devant la scène, pendant qu'on travaillait aux changements du théâtre : cette dernière sorte de voile s'appelait siparium, comme le fait remarquer Philander. Newton pense que par sedes spectatorum, il faut entendre les planches, coussins ou autres choses semblables qu'on mettait sur les degrés du théâtre, toutes les fois qu'il y avait spectacle. Il est clair, pour lui, qu'il s'agit ici de siéges temporaires, puisque Vitruve parle en même temps de la pose des voiles qui ne pouvaient être que temporaires, et qui servaient à couvrir les spectateurs pendant le temps des spectacles. (04) - Velorumque inductiones. Le siparium était le rideau qui se tirait devant la scène avant qu'on ne commençât. Pendant le spectacle, on le laissait tomber à terre, et quand il était fini, on l'élevait pour le tendre de nouveau devant la scène. Apulée en fait mention dans la Métamorphose, liv. I : « Oro, oro te , inquam, aulaeum tragicum dimoveto, et siparium scenicum complicato, et cedo verbis communibus. » Ce rideau était un voile ordinaire, qui faisait nécessairement partie du théâtre ; mais il y avait une autre espèce de voile bien plus considérable qu'on était obligé de soutenir avec des cordes tendues, d'autant plus qu'il couvrait souvent un très grand espace. On ne peut douter que ce ne soit de ce voile extraordinaire que Vitruve veuille parler, et nous lisons dans Pline, dans Martial, dans Suétone, que pour garantir les spectateurs des rayons brûlants du soleil, on en couvrait le théâtre ou l'amphithéâtre, le Forum même, pendant le temps des spectacles de gladiateurs. Il existe, à Rome, au haut de l'amphithéâtre de Vespasien, des trous par lesquels on faisait passer les antennes qui soutenaient les voiles, et au-dessous, les modillons qui les soutenaient. Voyez ce que T. Lucrèce, après avoir parlé du reflet des couleurs, ajoute sur cette matière (de la Nature des choses, liv. IV, v. 73). (05) - Machina est continens. Cette définition paraît imparfaite à Perrault, parce que les machines ne se font pas seulement avec du bois, et qu'on est obligé d'y employer tout aussi bien les métaux et les cordages. Mais il faut le prendre dans un sens plus large, et d'ailleurs, c'est le bois qui, assurément, domine dans la confection des machines dont on fait usage pour les édifices. Ce que nous entendons par machine, est ce qui sert à transmettre l'action d'une puissance sur une résistance en général. Par elle, on augmente et on règle les forces mouvantes de l'instrument destiné à produire du mouvement, de manière à épargner ou du temps dans l'exécution de cet effet, ou de la force dans la cause. Une machine (en grec μηχανή, machine, invention) semblerait plutôt consister dans l'art et dans l'invention, que dans la force et dans la solidité des matériaux. Les forces de l'homme étant bornées, il ne peut porter qu'un léger fardeau; mais son génie a su les augmenter par le secours des machines. Plus rien alors ne lui a été diflïcile; il a transporté les plus lourds fardeaux, il les a élevés à de grandes hauteurs. C'est surtout pour l'architecture que l'art de les employer lui est devenu nécessaire. Sans cet art, comment aurait-il pu transporter d'énormes colonnes, les dresser, et élever au-dessus d'elles les diverses parties de l'entablement? On peut dire que l'architecture lui doit tout ce qu'elle a de grand, et une partie de sa magnificence. Ce n'est donc pas sans raison que Vitruve consacre un livre à une science qui est si nécessaire à l'art dont il traite. (06) - Ea movetur ex arte. Bien qu'on puisse dire, en quelque sorte, que la machine est remuée par art, la vérité est, dit Perrault, que c'est le poids qui est remué par l'art, et non la machine qui est proprement remuée par quelque puissance naturelle, tel qu'est, ou le poids qui emporte les balances, ou le bras qui presse le levier; bien entendu que cette puissance naturelle est employée et conduite par l'art. Aussi Aristote a-t-il raison de dire que la mécanique est composée de la physique et des mathématiques. (07) - Circulorum rotundationibus. Aristote dit que la mécanique est fondée sur le levier, que le levier dépend de la balance, et que l'effet de la balance doit être attribué à la vertu du cercle. Or, par la vertu du cercle, on entend la faculté qu'il donne au fardeau que l'on veut remuer, et à la puissance mouvante, de s'égaler l'un à l'autre, ou de se surmonter l'un l'autre, quand ils agissent à l'opposite l'un de l'autre ; et cela se fait, dit Perrault, par la nécessité dans laquelle ces deux puissances sont de faire décrire des cercles aux différentes parties de l'instrument sur lequel ils agissent, lorsque du lieu où le poids pèse, à celui sur lequel la puissance mouvante agit, il y a une ligne dont une partie demeure immobile, pendant que toutes les autres sont en mouvement : car, par cette nécessité de faire des cercles qui sont plus grands ou plus petits, selon que les puissances agissent ou plus près ou plus loin du point immobile de la ligne droite, il arrive que si les cercles sont inégaux, à cause de la différente distance dans laquelle les puissances sont du point immobile de la ligne droite, le mouvement le sera aussi, et ainsi, selon la proportion qui est entre les cercles faits par la puissance mouvante et ceux qui sont faits par la puissance du poids, la puissance mouvante égalera ou surmontera la puissance du poids. (08) - Unum genus scansorium. La définition de la machine en général, selon Vitruve, ne convient point à ces espèces : car les échelles et les machines à vent ne sont point faites pour lever de lourds fardeaux par la vertu du mouvement. (09) - Ad apparatus spectationem. Barbaro, Perrault et Newton pensent que ces paroles indiquent les machines à l'aide desquelles on peut reconnaître de haut les travaux de l'ennemi Telle est aussi l'opinion de Turnèbe. Galiani, Ortiz et, il y a longtemps, Baldi, veulent qu'elles désignent les gradins que l'on faisait pour voir les spectacles et les jeux publics; mais cette opinion n'est pas probable : car les anciens avaient des théâtres, et comment croire que ces théâtres fussent la même chose que ces machines composées, comme le dit Vitruve, de pièces de bois mises debout et jointes par d'autres pièces transversales, à l'aide desquelles on peut monter sans danger, tandis qu'au contraire, de telles machines pouvaient fort bien élever un ou deux soldats assez haut pour qu'ils pussent voir au-dessus des murs d'une ville. Au chapitre 19 de ce livre, Vitruve ne parle-t-il pas d'une machine de guerre.qui montait les hommes jusqu'au haut des murs de l'ennemi? Végece décrit une machine, appelée tolleno, qui sert au même usage, et dont la description se rapporte à celle de Vitruve. Il y a, de plus, quelques détails qui en font connaître parfaitement le mécanisme, dans lequel nous reconnaissons celui de la cigogne, avec laquelle, dans certaines localités, on élève l'eau d'un puits. Voyez le ch. 21 du liv. IV. Apollodore et Héron, en traitant des machines, en décrivent une à l'aide de laquelle on pouvait voir au-dessus des murs de l'ennemi, La description de cette machine convient encore à celle de Vitruve. C'est la seule opinion probable : cette machine, mal faite, peut offrir un danger ; mais solidement établie, elle ne demande que de la hardiesse de la part de ceux qui s'en servent. Perrault, en faisant de cette machine une échelle, s'est, je crois, tout à fait trompé. (10) - Et plagae vocesque ὀργανικῶς exprimuntur. Perrault traduit le rnot plagae pour les coups ou les battements, ce qui comprend tous les instruments de musique qui ne sont point à vent. Or, toute la musique est divisée en vocale et en instrumentale, et l'instrumentale en pneumatique, c'est-à-dire qui dépend du vent, et en psaltique, c'est-à-dire qui est produite par le frappement. Ce n'est pas sans raison que Vitruve dit que, par le moyen des machines à vent que nous appelons orgues, on imite tout ce que la voix et les instruments que l'on touche ou que l'on frappe peuvent faire; mais tout cela n'explique pas encore ce que signifie proprement le mot plagae, ni pourquoi Vitruve emploie ici le mot ὀργανικῶς. (11) - Ex his sunt alia quae μηχανικῶς, alia quae ὀργανικῶς moventur. On distingue deux espèces de machines : les machines simples, que Vitruve appelle organa, et les machines composées. Il y a six machines simples, auxquelles toutes les autres peuvent se réduire : la balance et le levier, dont on ne fait qu'une seule espèce, le treuil, la poulie, le plan incliné, le coin et la vis. On pourrait même réduire ces six machines à deux, le levier et le plan incliné : car le treuil et la poulie agissent comme le levier; et le coin et la vis comme le plan incliné. Les machines composées sont celles qui sont formées de plusieurs machines simples, combinées ensemble. Les anciens durent porter la science des mécaniques à une grande perfection, dès les temps les plus reculés, si nous eu jugeons d'après les niasses énormes qui composent les anciens temples de l'Égypte, de la Grèce et de la Sicile. Il est certain que leur manière d'opérer était beaucoup plus simple que la nôtre. (12) - Uti scorpionis.... versationes. On ne peut douter que le mot scorpionis, dont se sert ici Vitruve, ne signifie arbalète. Végèce dit que de son temps les sconpiones s'appelaient manubalistae, pour être distingués des grandes balistes ou catapultes, qui n'étaient pas portatives ; il en sera parlé aux ch. 15 et 16 de ce livre. Ces petites machines étaient appelées scorpions, parce qu'elles blessaient avec des flèches, comme le scorpion blesse avec son aiguillon, et à cause de la figure de leur arc qui représentait deux bras recourbés comme les pattes d'un scorpion. (13) - Seu anisocyclorum versationes. Quelle était cette sorte de machine, on ne le sait pas précisément. Budée et Turnèbe ne savent que la signification littérale de ce mot, qui est cercles inégaux. Barbare dit que les cheveux bouclés sont des anisocycles. Perrault, Baldi, Galiani, Ortiz et Newton croient que c'était un fil d'acier tourné en vis ou en spirale et enfermé dans un tube ; en tirant à soi le bout de cette vis, où se trouvait placé le trait, et en le lâchant tout à coup, on faisait partir le trait. C'était, comme le scorpion, une machine fort simple, qu'un homme seul pouvait faire agir. (14) - Folles fabrorum. Ce sont les soufflets dont on se sert pour exciter le feu dans les forges et dans les cheminées :
... Alii ventosis follibus auras On se servait de peaux de taureaux pour faire ces soufflets, comme nous l'apprennent ces autres vers du même poète :
....Alii taurinis follibus auras (15) - Tigna tria. Trois poutres composent l'assemblage de cette machine, que nous nommons aujourd'hui une chèvre. Ce nombre est nécessaire pour qu'elle puisse se tenir dressée, et s'appuyer sur elle-même en formant le trépied. Les autres machines à tirer, décrites plus loin, sont de même composées de trois poutres, à l'exception d'une seule, qui consiste en une pièce de bois retenue par des cordes. Les différentes dénominations qu'elles ont, viennent uniquement du nombre de poulies qu'on y a adaptées. (16) - Alligatur in summo trochlea. Le mot trochlea signifie ce que nos ouvriers appellent une moufle. On a donné ce nom à toute la machine, bien qu'il ne s'applique qu'à une de ses parties. Trochlea, en latin, τροχαλία, en grec, signifie proprement une poulie qui est appelée dans le texte de Vitruve orbiculus. Or, le nom d'orbiculus, aussi bien que celui de trochlea, qui signifie une roue, convient mieux à une poulie, qu'à la moufle qui est carrée et qui enferme les poulies dans des mortaises. (17) - Nonnulli rechamum dicunt. Ce mot, qui a la même signification que trochlea, ne se trouve que dans Vitruve. Ces moufles cx, fig. 119, p. 523, sont des morceaux de bois ronds ou carrés, dans lesquels il y a des mortaises où les poulies sont enchâssées. On tire le plus grand parti de cette machine pour lever toutes sortes de fardeaux. L'une des moufles étant attachée au haut de l'engin, et l'autre au fardeau, la corde qui le doit tirer produit son effet, en faisant approcher la moufle mobile de celle qui reste fixée au haut de la machine ; elle facilite par là l'élévation du fardeau, par la raison que le câble faisant deux replis sur les poulies des moufles , il arrive que le câble qui descend au moulinet fait le double du chemin que fait la moufle inférieure, en s'approchant de l'autre ; et, par conséquent, il n'a besoin que de la moitié de la puissance qui serait nécessaire, s'il ne passait que sur une poulie, et si la descente du câble vers le moulinet était égale à la montée du fardeau.
(18) - Ferrei forcipes religantur. Pour prendre les pierres et les attacher à la moufle qui devait les lever, les anciens se servaient d'une espèce de tenailles qu'il nommaient forcipes. C'est ainsi que Philander, Perrault et Galiani ont lu, au lieu de forfices qu'on trouve dans quelques manuscrits, mot qui signifie des ciseaux et qui ne voudrait rien dire ici. Nos ouvriers appellent ces tenailles louve. On rencontre trois espèces de louves, celle des anciens, dont parle ici Vitruve, celle dont Philander dit qu'on se servait à Rome de son temps, et celle qu'en employait en France du temps de Perrault. Celle des anciens était composée de deux pièces en fer ba, de (fig. 108), jointes par un clou au milieu, comme des ciseaux ou des tenailles. Ces pièces étaient un peu recourbées par en bas, pour serrer la pierre dans les deux trous ca qu'on y faisait, et elles avaient chacune un anneau par en haut bd comme des ciseaux, afin que la corde z, passée dans ses anneaux, fît approcher en tirant les deux extrémités d'en haut, et serrer, par conséquent, les deux d'en bas.
La seconde espèce dont parle Philander, est plus sûre que la première dont les pinces pouvaient se plier et laisser alors tomber la pierre. Elle se met dans un seul trou qui doit être creusé dans la pierre, de manière qu'il soit plus large par le fond qu'à l'entrée. On met dans ce trou les deux coins ae (fig. 109), dont la partie la plus large est par le bas. Au milieu de ces coins on en met un troisième c qui n'est pas plus large en bas qu'en haut, mais qui est fait pour écarter les deux autres et les serrer contre les côtés du trou. Ces trois coins sont percés par en haut, et enfilés avec l'anse o par la cheville bd. Ainsi jointes ensemble, ils forment une queue d'aronde, qu'il est impossible de faire sortir de la pierre sans ôter le coin c qui est au milieu.
La troisième espèce de louve est celle dont nous nous servons, dit Perrault; elle est encore plus commode que la seconde. Elle se compose d'un fer en queue d'aronde a (fig. 110), garni d'un anneau n qui tient lieu de l'anse, et de deux coins ec qui sont égaux et aussi larges à un bout qu'à l'autre. Pour se servir de cette louve, on fait un trou de même que pour la deuxième, lequel a, par le haut, la largeur du bas de la queue d'aronde a, et qui, par en bas, outre cette largeur du bas de la queue d'aronde, a encore la largeur des deux coins. La queue d'aronde étant enfoncée, on y met aussi les deux coins, l'un d'un côté, l'autre de l'autre, qui font le même effet que si la queue d'aronde était élargie, comme elle l'est dans la seconde louve, par le coin du milieu; mais ces deux coins rendent la machine plus simple et plus commode.
(19) - His explicatis antarii funes ante laxi collocentur, retinacula supra scapulas machinae longe disponantur. Les deux mots antarii funes signifient tout simplement des câbles dressés comme des arcs-boutants zzz, fig. 112, p. 523, et qui soutiennent une machine, comme les haubans soutiennent un mât. Qu'importe qu'ils soient placés en avant ou en arrière de la machine, puisque leur fonction est absolument la même. Le mot retinacula ne désigne pas plus des câbles qui seraient placés en arrière, que les mots antarii funes n'en désignent qui seraient placés en avant. Retinaculum est tout cc qui sert à retenir, et Vitruve n'a certainement voulu exprimer par ce mot que les cordes nn, fig. 111, p. 522, qui, attachées à la partie inférieure des deux pièces de bois sur lesquelles sont les amarres zz, destinées à recevoir les bouts du moulinet c, les empêchent de reculer, lorsqu'on vient à dresser la machine. Supra scapulas ne peut pas, non plus, signifier le haut de la machine. La machine est composée de trois pièces de bois xaa, qui sont attachées à la partie supérieure par le boulon e qui leur traverse la tête. Ces pièces de bois sont étendues à terre, deux d'un côté, la troisième de l'autre. Voyez-les se dresser ; la tête se lève au milieu ; les deux pièces de bois aa sont comme le dos de la machine; la troisième x, semble un bras appuyé contre terre qui suit le mouvement d'ascension. Eh bien, scapulae, c'est la partie supérieure, c'est le dos de la machine couchée à plat ventre. Je ne crois pas que Perrault ait compris cette phrase. Nous voyons que Vitruve parle ici d'une machine semblable à celle qu'il a décrite plus haut, ou, pour mieux dire, de la même machine composée de pièces de bois plus grandes et plus fortes. Comme elle est plus pesante que la première, il explique la manière de la dresser, et c'est de cette opération qu'il s'agit. (20) - Alter funis refertur ad ergatam. Le vindas, que les marins appellent vireveau, est une espèce de moulinet ou treuil qui tourne verticalement. Il est bon de remarquer que ce vindas et les autres moyens ingénieux que Vitruve attribue particulièrement à quelqu'une de ses machines, peuvent s'adapter indistinctement à toutes les autres. Quand la force d'un homme ne suffit pas pour tirer une corde, on facilite l'opération à l'aide d'une poulie; on la facilite encore davantage en employant le vindas, par le moyen duquel les forces réunies de plusieurs hommes agissent également et sans gêne, ou en doublant et en triplant les cordes.
(21) - Quod si majus tympanum collocatum. Le tympan, que les Grecs appellent aussi γέρανον, est une roue large bb, fig. 112, autour de l'essieu de laquelle s'enroulent les câbles qui passent sur les poulies, et que l'on met eu mouvement ou avec le vindas a, quand elle n'est pas trop grande, ou avec les pieds, quand elle est disposée en forme de grand tambour, et qu'on fait entrer dedans un ou plusieurs hommes qui marchent pour la faire tourner
Multaque per trochleas et tympana pondere magno (22) - Est autem aliud genus machinae. Cette machine est bien simple, puisqu'elle consiste en une seule pièce de bois qu'on dresse et qu'on maintient dressée avec quatre cordes, comme on maintient le mât d'un navire avec les haubans. Toute la force de cette machine consiste dans la multiplication des poulies et des cordes. Elle offrait encore un avantage, c'est qu'on pouvait en incliner la cime au-dessus de l'endroit où l'on voulait placer le fardeau. On l'appelait polyspaste, c'est-à-dire qui tire par plusieurs poulies. Plutarque donne le même nom à la machine avec laquelle il dit qu'Archimède traîna lui seul, sans peine, hors de l'eau, un grand navire chargé de tout ce qu'il pouvait, porter sur la mer. Il y a là exagération. On sait tout ce que la polyspate peut faire, ce qui est bien éloigné des effets que lui attribue Plutarque. La machine qui n'a qu'une poulie s'appelle monospaste; celle qui en a deux, dispaste; trois, trispaste; quatre, tétraspaste; cinq, pentaspaste; et généralement polyspaste, celle qui en a plusieurs. Si la moufle contient une rangée de deux ou trois poulies, ce sera une monospaste double ou triple; deux rangées de deux ou trois poulies, ce sera une dispaste double ou triple, etc. (23) - Nostri artemonem appellant. Le mot artemon est, à ce qu'on croit, grec comme ἐπάγων; mais il exprime mieux la chose qu'il doit signifier : car ἐπάγων, qui signifie tirant à soi, ne convient point à cette moufle qui est attachée au pied de la machine, vu qu'elle ne tire rien. Hermolaüs se trompe évidemment, en prenant l'artemon pour un vindas; il est impossible de douter que ce ne soit ici une troisième moufle ajoutée aux deux autres, qui se trouvent ordinairement aux autres machines. (24) - Ad latera declinando. Les machines précédentes n'étaient faites que pour élever les fardeaux à plomb, sur le lieu où ils avaient été pris, parce qu'elles étaient appuyées sur trois pièces de bois comme sur trois pieds. La polyspaste, qui n'est appuyée que sur un, pouvait être inclinée de tous côtés. Mais Perrault s'est trompé sans doute, quand il a compris qu'après avoir élevé la pierre à la hauteur nécessaire, on pouvait alors, en inclinant toute la machine, placer cette pierre à droite ou à gauche, comme ou le voulait. Il me semble qu'il eût été bien difficile, pour ne pas dire impossible, de faire agir à volonté cette longue pièce de bois, quand elle était chargée et qu'elle portait en l'air ce pesant fardeau; si l'on avait détendu une des cordes qui la retenaient, aucune force n'aurait été capable de la diriger. Il fallait donc incliner la cime de la machine au-dessus de l'endroit où l'on devait placer la pierre, avant de commencer à l'élever, idée qu'exprime clairement quod ante quantum velit.
(25)
- Et ferreos cnodaces, uti subscudes.
On comprend que ces boulons n'étaient en queue d'aronde que par le
bout qui entrait dans la pierre, où il était scellé avec du plomb,
pour mieux tenir. L'autre bout qui sortait de la colonne devait être
rond, afin de pouvoir tourner dans l'anneau. (26) - Fecit enim rotas circiter pedum duodenum. Les commentateurs ont entendu que, pour transporter ces grandes architraves, les roues de douze pieds soutenaient les boulons de fer, de même que les roues des charrettes ordinaires soutiennent les essieux; mais il eût été impossible que ces masses de pierres fussent soutenues sur deux boulons de fer scellés au bout de la pierre : car, selon eux, la pierre et les deux boulons ne faisaient, pour ainsi dire, qu'un essieu. Il est donc évident que le texte a voulu dire autre chose que cela. Métagène emploie, pour transporter ses architraves, le moyen dont s'était servi son père pour transporter ses colonnes. Or, dans la machine de Chersiphron, les boulons de fer ne servaient pas pour porter; ils étaient là tout simplement pour soutenir le châssis auquel on attelait les boeufs; et cette manière particulière de transporter les colonnes et les architraves, manière que Vitruve compare à celle de faire rouler les cylindres avec lesquels on aplanit les palestres, était de faire rouler ces grandes pierres; elles servaient elles-mêmes de roues. Les architraves ne pouvant pas rouler comme des colonnes à cause de leur forme carrée, on les arrondissait avec de la charpenterie ; on en faisait, comme le dit Vitruve, des roues de douze pieds. Rusconi, dans ses figures de Vitruve, a été de cette opinion. (27) - Inclusa, uti axes, in rotis. Oui, les architraves étaient enfermées dans les roues comme des essieux ; elles formaient le centre de la menuiserie qui en faisait un corps rond comme le fût d'une colonne, ce qui rendait l'appareil tout à fait semblable à celui de Chcrsiphron. (28) - Non uti Metagenes apportavit. Le mode de transport employé par Paconius, était le même que celui dont s'était servi Métagène : car Vitruve dit que Métagène fecit rotas circiter pedum duodenum et epistyliorum capita in medias rotas inclusit, et que Paconius rotas circiter pedum quindecim fecit, et in his rotis capita lapidis inclusit. De sorte que la machine de Paconius n'était différente de celle de Métagène, qu'en ce qu'elle n'était pas tirée par les deux bouts avec des timons attachés au châssis soutenu par les boulons, mais à l'aide d'une seule corde entortillée sur les fuseaux, ce qui tirait avec plus de force, mais moins droit que celle de Métagène. (29) - Sed non poterat ad lineam via recta ducere. Si pour empêcher que les roues ne dérivassent, tantôt à droite, tantôt à gauche, Paconius eût mis deux câbles au lieu d'un, sa machine eût réussi comme celle de Métagène : car elle n'en différait qu'en ce qu'elle était tirée inégalement, selon qu'il arrivait que le câble, en se dévidant, se trouvait plus ou moins éloigné du milieu. Mais la machine de Paconius avait cet avantage, sur celle de Métagène, qu'elle était plus facile à remuer, parce que le câble, tirant le haut de la machine, a bien plus de force pour vaincre la résistance qu'elle oppose au mouvement, que lorsqu'on tire par le milieu, comme à la machine de Métagène : car, dit Perrault, la résistance que ces sortes de machines font au mouvement, ne venant que des inégalités qui se rencontrent sur le plan où elles doivent agir, il est certain que la puissance doit avoir d'autant plus de force que l'endroit où elle agit est plus éloigné de ce plan. Une raison, encore, rendait la machine de Paconius plus puissante que celle de Métagène, c'est que les boeufs qui la traînaient, faisant beaucoup plus de chemin que la machine, il s'ensuivait qu'ils la remuaient avec plus de facilité que ceux qui traînaient celle de Métagène, laquelle avançait autant que les boeufs. (30) - Ita statim honores ei decreverunt. Cette particularité, comme le dit Perrault, fait voir quelle estime les anciens avaient pour tout ce qui appartenait aux beaux-arts et principalement à l'architecture. Ils en faisaient une affaire de la plus haute importance, et les récompenses qu'ils accordaient aux bons architectes étaient magnifiques. On peut, du moins, juger par l'honneur qu'ils firent à un berger, à qui le hasard avait fait découvrir une carrière, de la reconnaissance qu'ils témoignaient aux gens d'esprit pour leurs travaux et leur industrie. Cela doit aussi faire connaître que si les ouvrages de notre siècle surpassent en beauté tout ce qui a été fait jusqu'à présent, ceux qui les produisent sont bien inférieurs aux auteurs des ouvrages de l'antiquité, en ce qui regarde le désir et la passion de faire quelque chose d'excellent, et de n'épargner pour cela ni soin, ni travail, ni temps, ni dépense : car l'impatience que nous avons de voir les ouvrages achevés, et le peu de soin que nous mettons à les rendre durables, fait que nous croyons à peine ce que les historiens rapportent de la patience et de l'exactitude des anciens, quand nous lisons que le temple d'Ephèse a été quatre cents ans en construction, qu'on y a employé les richesses de toute l'Asie, et qu'on a été quatre ans à laisser sécher la colle qui devait servir à joindre les pièces de bois des portes du temple. (31) - Id autem ut intelligatur, exponam. Ce n'est pas d'après les principes de la géométrie, ni d'après ceux de la physique que Vitruve cherche à démontrer, dans ce troisième chapitre, comment les machines produisent leurs effets; il se contente de faire connaître ces machines, et d'expliquer par certaines expériences les effets qu'elles produisent. Ainsi, c'est par des exemples qu'il fait voir que, bien que le mouvement direct soit différent du mouvement circulaire, il n'est pas d'opération mécanique où ces deux mouvements n'agissent ensemble concurremment. Dans la poulie, par exemple, se trouve le mouvement circulaire, et dans la corde qui la fait agir, le mouvement direct. Le levier agit directement, et la main qui l'emploie agit par un mouvement circulaire. II en est de même des autres machines. (32) - Inducuntur uti centra axiculi in orbiculos, et in trochleis collocantur. La moufle est une machine qui consiste en un assemblage de plusieurs poulies, dont on se sert pour lever des poids énormes en peu de temps. La multiplication des poulies, dans la moufle, est fort bien imaginée : car on démontre, en mécanique, que la force nécessaire pour soutenir un poids par le moyen d'une moufle, est au poids lui-même comme l'unité est au nombre des poulies, en supposant que les cordes soient parallèles entre elles. D'où il suit que le nombre des poulies et la puissance étant donnés, on trouve aisément le poids que la moufle pourra soutenir, en multipliant la puissance par le nombre des poulies. Supposons, par exemple, que la puissance soit cinquante livres, et le nombre des poulies cinq, elles pourront être en équilibre avec un poids de deux cent cinquante livres. Un homme ordinaire peut élever avec sa seule force cent cinquante livres ; le même homme, avec une moufle à six poulies, pourra soutenir un poids de neuf cents livres. Qu'on joigne ensemble plusieurs moufles, on augmentera la puissance des poulies. Pour trouver le nombre des poulies que doit contenir une moufle, afin d'élever un poids donné avec une puissance donnée, divisez le poids par la puissance : le quotient sera le nombre cherché. Un poids est de six cents livres, par exemple, et la puissance de cent cinquante ; il doit y avoir quatre poulies à la moufle, abstraction faite de la résistance et du poids des cordes qui doit augmenter la puissance et la rendre plus grande. (33) - Funis circumactus directis ductionibus, et in sucula collocatus. Cet exemple qu'apporte Vitruve pour confirmer que toute la mécanique est fondée sur la ligne droite et sur la courbe, est fort bon ; mais la chose n'est pas bien expliquée dans le texte, qui semble faire entendre que le pivot de la poulie étant le centre du cercle dont la vertu agit dans les effets des moufles, la corde qui va de la poulie au moulinet est la ligne droite qui, avec la circulaire de la circonférence de la poulie, concourt à l'effet de la machine car, dit Perrault, la corde ne tient lieu que d'une puissance externe dont il n'est point ici question, puisqu'il ne s'agit que des dispositions internes de la machine qui consiste dans la ligne qui va du centre de la poulie à la circonférence, et cette ligne est proprement la droite dont il s'agit, de même que la courbe est celle que l'extrémité de la ligne droite décrit, lorsque la poulie tourne, ces deux lignes ayant toujours une relation et une proportion pareilles, et la grandeur de l'une dépendant de la grandeur de l'autre, parce que l'effet de la machine est nécessairement proportionné à ces deux lignes.
(34)
- Ferreus vectis. Le levier est la
première des machines simples dont on se sert principalement pour
élever des poids à de petites hauteurs. Dans le levier, trois choses
sont à considérer : le poids qu'il faut élever et soutenir, la
puissance par le moyen de laquelle on doit l'élever ou le soutenir,
et l'appui sur lequel le levier est soutenu, ou plutôt surlequel il
se meut circulairement, cet appui restant toujours fixe. (35) - Ita non tam faciliter quam oppressione. Ce n'est point , comme le dit Perrault, par une raison mécanique que l'on a plus de force en appuyant sur le levier, qùe lorsqu'on le lève, mais par une raison physique, qui est que la pesanteur du corps fait une grande partie de l'effet de la compression ; au lieu que, dans l'élévation, toute la force se prend dans l'action des muscles qui lèvent les bras et qui affermissent le reste du corps. (36) - Nisi, quemadmodum supra scriptum est, examinatio vectis longius per caput deductionibus fuerit facta. Il est bon de remarquer que les puissances ou forces qui meuvent les corps, ne peuvent agir les unes sur les autres que par l'entremise des corps mêmes qu'elles tendent à mouvoir; d'où il suit que l'action mutuelle de ces puissances n'est autre chose que l'action même des corps animés par les vitesses qu'elles leur donnent ou qu'elles tendent à leur donner. On ne doit donc entendre par l'action des puissances, et même par le ternie de puissance dont on se sert communément en mécanique, que le produit d'un corps par sa vitesse ou par sa force accélératrice. De cette définition, et des lois de l'équilibre et du mouvement des corps, on conclut aisément que deux puissances égales et directement opposées sc font équilibre, que deux puissances qui agissent en même sens produisent un effet égal à la somme des effets de chacune, etc (37) - Id autem ex trutinis, quae staterae dicuntur, licet considerare. Il y a deux sortes de balances, l'ancienne et la moderne. Tout le monde connaît celle-ci. L'ancienne ou la romaine consiste en un levier qui se meut sur un centre et qui est suspendu près d'un des bouts. D'un côté du centre, du côté le plus court, on suspend le corps qu'on veut peser; de l'autre, se trouve un poids qui peut glisser le long du levier. La valeur de ce qu'on veut peser s'estime par les divisions qui sont marquées sur la partie du levier où glisse le poids. Ainsi, dans la balance romaine, le poids qui sert à peser est toujours le même qui s'applique à différents points, au lieu que dans la balance ordinaire, le contre-poids varie, et le point d'application est toujours le même. Le principe sur lequel la construction des deux balances est fondée est le même, et peut se comprendre par ce qui suit : le levier est la principale partie de la balance ; c'est un levier de la première espèce, et qui, au lieu d'être posé sur un appui, centre du mouvement, est suspendu par une verge, de sorte que le mécanisme de la balance dépend du même théorème que celui du levier, savoir, que les poids qui y sont suspendus doivent être en raison inverse de leurs distances à l'appui, pour être en équilibre. (38) - Ansam gubernaculi tenens. La barre du gouvernail est un levier ou une longue pièce de bois de chêne, qui entre par un de ses bouts dans une mortaise pratiquée au haut du gouvernail et qui sert à le faire mouvoir. (39) - Pressione cacuminis vehementius cogunt progredi navem. Bien que cela soit conforme à ce que dit Aristote, il n'y a guère d'apparence, selon Perrault, que la hauteur du mât puisse servir à accélérer la marche du vaisseau, par une autre raison, que parce que le vent est plus fort en haut qu'en bas; car on ne demeure pas d'accord que le mât remue le vaisseau comme un levier remue le fardeau qu'il lève, puisqu'il est vrai que dans l'action du vent sur le navire, par l'entremise du mât, il n'y a point de centre ou point immobile sur lequel on fasse tourner les deux cercles inégaux dans lesquels consiste, ainsi qu'il a été dit, la force du levier. Car toutes les parties du mât, et le vaisseau même, sont soumis à un même mouvement ; ce qui est contraire aux mouvements du levier, qui sont différents et inégaux : de sorte que si l'on considère les effets que le mât ou plus court ou plus long peut faire comme tel, et non étant poussé par un vent plus ou moins fort, il se trouvera que la hauteur du mât nuit plus qu'elle ne sert à la vitesse du mouvement du vaisseau, par la raison que plus il est haut, plus il a de force pour faire plonger la proue, ce qui lui fait rencontrer une plus grande quantité d'eau qui lui résiste. (40) 40. - Extremis progredientibus a centro. Vitruve s'attache surtout à faire connaître, toujours par des exemples, les différents usages du levier, la plus simple et en même temps la plus importante de toutes les machines. Pour appuyer le principe que plus la puissance qui fait agir le levier est éloignée de l'appui plus elle a de force, il cite les rames d'un vaisseau qui en accélèrent d'autant plus la marche qu'elles s'avancent davantage vers la mer. Philander et Perrault ne partagent point cette opinion. Bien que les rames de la galère qu'elles font remuer, dit Perrault, soient en quelque façon un levier renversé à qui la mer sert comme d'appui, il n'est pas vrai néanmoins que la longueur des rames, depuis la cheville où elles sont attachées jusqu'à la mer, serve à les faire agir avec plus de force par la raison du levier : car par la raison du levier, le contraire devrait arriver, parce que plus est longue la partie du levier qui est depuis l'appui jusqu'à la puissance qui remue, plus elle a de force. Aristote donne la véritable raison de l'effet de cette longueur de la rame, savoir, que cette longueur est nécessaire, afin que l'eau étant frappée avec plus de vitesse, comme elle l'est plus la rame est longue, l'eau résiste davantage : car si l'eau n'obéissait point, il est certain que plus la rame serait courte depuis la cheville jusqu'à la mer, et plus les rameurs auraient de force pour remuer le vaisseau, et, en ce cas, il vaudrait mieux, pour remuer le vaisseau avec plus de puissance, que la plus grande longueur de la rame fùt depuis la cheville jusqu'à la main des rameurs. Mais Galiani prétend que ces critiques n'ont pas saisi le sens de Vitruve, et qu'ils appliquent ici fort mal à propos l'autorité d'Aristote. C'est un axiome en physique, dit-il, que la réaction est égale à l'action, tellement que quand deux puissances agissent eu sens contraire aux deux extrémités d'un levier, elles peuvent être considérées indifféremment, l'une ou l'autre, comme la force motrice, ou comme le corps résistant. Or, Vitruve dit que quand la plus petite partie de la rame est depuis la main du rameur jusqu'à la cheville, et la plus grande depuis la cheville jusqu'à la mer, le mouvement du vaisseau est plus prompt. Ces critiques prétendent, au contraire, qu'on le ferait agir plus aisément, si la partie de la rame était plus longue depuis la main du rameur jusqu'à la cheville, que celle qui est depuis la cheville jusqu'à la mer. Dans ce sens, ils ont raison de dire qu'il est plus aisé de le faire agir, c'est-à-dire que les rameurs n'ont pas besoin d'y employer autant de force. Mais ce n'est pas ce que Vitruve a entendu : il a dit que le vaisseau irait plus vite. En supposant donc, comme le fait Vitruve , que la quantité des rameurs soit suffisante pour vaincre la force opposée, c'est-à-dire le poids du navire et la résistance de l'eau, tout homme de bon sens sentira, sans être mécanicien, que plus la rame sera longue depuis la cheville jusqu'à la mer, plus long sera le trajet que chaque coup de rame fera faire au navire (41) - A centro scalmi. On lit a centro parmis dans l'édition de Joconde, a centro palmis dans toutes les autres. Perrault a corrigé, et lit a centro scalmi, parce que scalmus signifie la cheville à laquelle chaque rame est attachée; et il est vrai que cette cheville est le centre des cercles que la rame décrit, par son bout, dans la mer, quand on la fait agir. (42) - Onerum vero maxima pondera quum feruntur a phalangariis. Le mot phalangarii signifie ceux qui portaient les fardeaux sur leurs épaules, avec des bâtons appelés phalanges. Le mot grec φάλαγξ signifie proprement un rouleau de bois; par métaphore, c'était un bataillon rangé, peut-être parce qu'il avait la figure d'un rouleau de bois, étant plus long que large. Il parait que c'est encore à cause de leur ressemblance avec cette figure que Galiani, et longtemps avant lui Aristophane, au rapport de Pollux, appellent les os des doigts phalanges. (43) - Et primum dicam de tympano. Nous avons déjà dit que tympanum signifie un tambour, et que ce mot s'applique à plusieurs choses, dont pas une ne ressemble si bien à un tambour que la machine qui est ici expliquée : car ronde tout à l'entour, elle a deux fonds, l'un d'un côté, l'autre de l'autre, qui sont remplacés dans l'instrument militaire par des peaux. (44) - Hominibus calcantibus versatur. Pour expliquer cette expression, il faut supposer qu'il y a une autre roue jointe au tympan, dans laquelle ces hommes puissent marcher. (45) - Modioli quadrati. Le mot modiolus n'est pas moins ambigu que celui de tympanum : car il signifie des corps de pompe dans la machine hydraulique, et des barillets dans la pompe de Ctesibius. Dans le chapiteau des catapultes et ici, ce sont de petites caisses qui ordinairement sont des espèces de coffres carrés. (46) - In ejusdem rotae axe involuta duplex ferrea catena. Il n'est pas possible qu'une double chaîne mise sur l'essieu d'une roue élève l'eau plus haut que les caisses qui sont autour de la circonférence de la roue ; de sorte qu'il faut entendre que la chaïne est sur l'essieu d'une roue élevée fort haut, qui est dentelée et posée verticalement (le hérisson des moulins), et qu'on fait aller à bras à l'aide d'une autre roue plus petite, placée horizontalement, et appelée vulgairement lanterne dans un moulin. L'essieu de cette seconde roue allongé d'une manière convenable à la partie inférieure, et pivotant par en bas dans une crapaudine, est traversé, à hauteur de ceinture d'homme , par une barre que poussent un ou plusieurs hommes. Le mot involuta ne peut signifier ici que la chaîne est entortillée autour de l'essieu, comme la corde l'est autour du moulinet; elle est seulement posée sur l'essieu comme la corde l'est sur la poulie d'un puits; seulement il est nécessaire que l'essieu soit à pans, afin que la chaîne ne puisse glisser, et qu'elle suive toujours le mouvement de l'essieu. (47) - Fiunt etiam in fluminibus rotae. Vitruve traite d'abord en peu de mots, d'une manière générale, des roues que l'eau fait mouvoir sans le secours de l'homme; il nous apprend qu'elles sont garnies d'aubes, dans lesquelles se précipite l'eau pour les mettre en mouvement. Bien qu'elles puissent servir à de nombreux usages, toutes cependant doivent être construites de la même manière. Il en est plusieurs dont la construction exige le plus grand soin, la plus grande attention : car le nombre, la longueur et la disposition des aubes, leur degré d'immersion dans l'eau, tout doit être rigoureusement calculé pour que la machine ait son entier effet. (48) - Eadem ratione etiam versantur hydromylae. Il y avait dans le texte hydrolae ; Turnèbe et Saumaise l'ont corrigé. Le mot hydromylae signifie des meules que l'eau fait tourner, au lieu que hydrolae signifie des machines qui conduisent l'eau avec des tuyaux. Perrault et Galiani ont adopté cette correction, qui est plus conforme à la suite du texte.
(49)
- Secundum id tympanum minus, item dentatum,
planum est collocatum. La roue de nos moulins qui est posée
horizontalement, et qu'on appelle la lanterne, n'est point dentelée
; elle est composée de fuseaux que joignent ensemble deux madriers,
que labre de fer qui soutient la meule traverse aussi par le milieu.
Perrault suppose que Vitruve a décrit ces roues un peu négligemment,
en ne distinguant pas la roue à dents appelée hérisson d'avec le
pignon ou lanterne, et comprenant sous le nom de dents tout ce qui
accroche comme les véritables dents, ou qui est accroché comme les
fuseaux des lanternes ou pignons : mais il me semble qu'il est aussi
très facile de supposer que les anciens, au lieu de lanternes, se
servaient d'une seconde roue à dents; la chose eût été assurément
moins solide, mais non plus incommode.
(50)
- Est autem etiam cochleae ratio. Ce
que l'auteur nomme ici cochlea, s'appelle vulgairement vis
d'Archimède ou pompe spirale. Il paraît qu'on ne l'avait pas encore
attribuée à Archimède du temps de Vitruve, bien que Diodore de
Sicile, qui écrivait presque à la même époque que Vitruve, fasse
Archimède l'inventeur de cette machine. La grande utilité que
l'auteur prétend qu'on en a retirée, pour rendre l'Égypte habitable,
en épuisant les eaux dont elle était autrefois inondée, ferait
cependant croire qu'elle est beaucoup plus ancienne qu'Archimède.
(51)
- Ejus autem ratio sic expeditur. On se
sert encore à présent de la vis d'Archimède pour les bâtiments qui
se font dans l'eau; mais, dit Perrault, la manière dont on fait les
séparations du dedans, est bien plus facile que n'est ce collement
de tringles d'osier avec de la poix : on se sert bien d'osier et de
poix, mais d'une autre manière. On perce la pièce de bois arrondie
de trous fort rapprochés, qui suivent les lignes spirales qui ont
été marquées par la méthode que prescrit Vitruve, et dans ces trous
on fiche des bâtons qui ont la longueur que l'on veut donner au
dedans de la coquille. Dans ces bâtons on entrelace de l'osier,
comme pour faire un panier, en battant et serrant les osiers les uns
contre les autres. On enduit de poix, des deux côtés, cette espèce
de tissu, et on couche des ais tout le long par-dessus, comme des
douves de tonneau qu'on lie avec des cercles de fer. (52) - Tignum sumitur, cujus tigni quanta fuerit pedum longitudo, tanta digitorum expeditur crassitudo. C'est-à-dire que la longueur de cette pièce de bois devait avoir seize fois son épaisseur, parce que le pied des anciens avait seize doigts. (53) - Et justam cochleae naturalemque imitationem. Ces canaux ne sont néanmoins semblables à ceux des coquilles des limaçons qu'en ce qu'ils sont en vis; et ils en diffèrent en ce qu'il y en a plusieurs, et même jusqu'à huit, dans la vis que Vitruve décrit, au lieu que le canal dans le limaçon est unique. Il y en a qui pensent que la vis d'Archimède ne doit avoir, en effet, qu'un canal; d'autres, qu'elle doit en avoir trois : chacune de ces manières à ses avantages. La vis de Vitruve, qui a huit canaux, est pour élever une grande quantité d'eau ; mais elle ne pourrait l'élever aussi haut que celle qui n'en a qu'un, parce que cette dernière peut avoir son canal replié tant de fois, que son obliquité permet d'élever la vis beaucoup plus haut que lorsque la multitude des canaux rend leur position plus droite.
(54) - Hominibus calcantibus. La position inclinée de la limace rend difficile le mécanisme de la roue qui doit servir à faire tourner, et le mouvement de rotation doit être assez rapide pour que la machine ait tout son effet. La figure 114, qu'en a faite Newton, me paraît remplir heureusement toutes les conditions (55) 55. - Ea fit ex aere. Reprenons la description de Vitruve, la fig. 115 sous les yeux :
aa sont les deux barillets ou
corps ou de pompe; (56) - In quo catino fiunt axes. Festus fait de axis le synonyme de tabulae sectiles; et Aulu-Gelle dit que les lois de Solon étaient écrites sur de petits ais, axibus ligneis incisae. Perrault croit que par le mot axes, quand il est seul, il faut entendre une soupape plate comme un ais, celle qu'on appelle clapet, et non une soupape ronde et pointue, comme un focet ou cône, telles que sont celles qui sont aujourd'hui le plus en usage, celles dont il sera bientôt parlé dans la machine hydraulique, et qui produisent le même effet que les véritables soupapes qui sont plates. (57) - Non patiuntur exire id quod spiritu in catinum fuerit expressum. Ce passage est obscur; il y a sans doute corruption soit par la faute des copistes, soit par celle de l'auteur même, qui peut-être n'a pas bien compris Ctesibius : car il semble que Vitruve veuille faire entendre que l'eau ne monte dans le petit bassin que parce qu'elle y est poussée par l'air, comme s'il était nécessaire qu'il y eût de l'air entre le piston qui presse et l'eau qui est pressée, et comme si le piston ne poussait pas l'eau immédiatement. Perrault a pensé que Ctesibius pouvait avoir entendu que la compression faite par l'air sur l'eau pour la faire monter dans sa machine, se doit prendre de la compression que l'air fait par sa pesanteur sur la surface de toute l'eau qui est dans le monde, et qui l'oblige de monter dans les espaces qui sont rendus vides par quelque moyen que ce soit, de sorte que l'eau entre dans le corps de pompe, à cause de la pesanteur de l'air qui l'y fait entrer, lorsque le piston qui occupait l'espace du bas de la pompe vient à être tiré par en haut. En rendant donc id quod spiritu in catinum fuerit expressum par : ce qui a été poussé dans le petit bassin à l'aide de l'air, Perrault fait bien entendre que l'air a contribué en quelque chose à faire entrer l'eau dans le corps de pompe , mais non qu'il en a été la cause immédiate. (58) - Supra catinum penula. Parmi les Romains, penula était proprement un justaucorps : car les robes des Romains, qui étaient amples et larges, ne suffsaut pas à les défendre du froid, lorsqu'ils étaient au théâtre, on inventa cette sorte de vêtement qui était plus étroit et plus serré sur le corps, comme le fait remarquer Bartholus Bartholinus dans son traité de Penula. Ce mot est pris ici généralement pour signifier une couverture. Les distillateurs se servent de la même métaphore, quand ils appellent chape le dessus de l'alambic qui est tout à fait semblable à cette partie de la machine de Ctesibius, que Vitruve appelle penula. (59) - Atque angibata. Baldi veut qu'au lieu de engibata on lise angibata, mot qu'il fait dériver du grec ἀγγεῖον, qui signifie un vase. Le traité des machines pneumatiques de Héron lui a donné l'idée de faire cette correction. Héron fait la description d'une machine formée d'un vase transparent, dans lequel de petites figures se meuvent. Ce vase ressemble à ceux que font nos émailleurs, où de petites figures d'émail sont enfermées avec de l'eau, et soutenues dans ce liquide par de petites bouteilles de verre contenant de l'air. Barbaro interprète ce mot autrement ; il le fait venir du grec ἔγγειον, qui signifie ce qui est prés, comme si ces figures étaient si petites qu'il fallût les regarder de près. Perrault et Galiani partagent l'opinion de Baldi.
(60)
-- De hydraulicis. Quelle figure pourra
jamais faire connaître la véritable forme des orgues anciennes? La
description qu'eu fait Vitruve ne pourra, comme il le dit lui-même,
être bien comprise que.. par ceux qui connaissent l'instrument pour
l'avoir pratiqué. Or, où trouver des orgues anciennes ? Quel
monument anti que viendra nous en faciliter l'intelligence par
quelque représentation conservée? Le seul moyen qu'il y ait de s'en
faire une idée, c'est de les comparer avec les nôtres, qui semblent
s'y rattacher par beaucoup de points. (61) - Fixos in rnedio ferreos ancones. - .Ancon signifie en grec une chose pliée en forme de coude; mais les pistons n'auraient pu jouer, si ces coudes de fer n'avaient été rendus flexibles à l'aide de charnières à l'endroit où ils sont coudés; de sorte qu'il faut entendre que ce fer plié avec des charnières est soudé par un bout perpendiculairement sur le piston, et que l'autre bout est emmanché d'un levier qui, balançant sur un pivot qui le traverse, fait hausser et baisser le piston à volonté. Et ce n'est pas sans raison qu'il y a verticulis, c'est-à-dire par plusieurs charnières : car si la branche de fer qui tient au piston n'avait été brisée au milieu par le moyen d'une autre charnière, il eût été impossible de lever et de baisser le piston, à cause du cercle décrit par le bout du levier. (62) - Pellibusque lanatis involutos. Il est assez difficile de deviner à quoi servait cette peau couverte de sa laine : il faut croire que c'était pour empêcher le bruit des charnières, sans s'occuper de l'opinion de Barbaro, qui, se mettant peu en peine de la construction du texte, croit que ces peaux étaient aux pistons comme l'étoupe est à une seringue, ni celle du P. Kirker, qui a eu plus d'égard à la construction, mais qui, négligeant le sens, a cru que ferrei ancones étaient les pistons, à cause qu'il est dit que ferrei ancones pellibus lanatis sunt involuti. (63) - Aerei delphini. L'usage de ces dauphins est inconnu, et on ne peut pas espérer ici, dit Perrault, que, comme il arrive assez souvent, la connaissance que l'on a de la chose dont on entend parler, fasse deviner la signification des termes inconnus. L'orgue hydraulique n'a jamais été si exactement décrit que par Vitruve; mais le peu de soin qu'il a eu d'expliquer le mot delphinus a bien donné à penser aux commentateurs. Sans nous attacher à tout ce qu'ils ont pu dire, il faut croire que ces dauphins, dont la destination est de tenir suspendus les cônes en cuivre, sont des espèces de balances qui portent par un de leurs bouts les soupapes des corps de pompe faites en cône : car ces balances ont la forme recourbée du dauphin, et elles servent en quelque façon de contre-poids, lorsqu'elles aident à faire remonter les soupapes après qu'a cessé l'impulsion de l'air qui les avait fait entrer dans le corps de pompe. (64) - Quo loci aqua sustinetur. Perrault trouve étrange qu'il n'y ait que le seul mot sustinetur dans toute la description de la machine hydraulique, qui puisse faire deviner à quoi l'eau y sert : car le vent qui, du corps de pompe passe dans le coffre, semble devoir être suffisant pour faire agir la machine, sans qu'il soit besoin d'eau; mais il est certain que l'impulsion violente et interrompue que reçoit l'air par l'action des pistons, ferait un fort mauvais effet sans l'eau. Il était donc nécessaire qu'il y eùt quelque chose qui, obéissant à cette action quand elle est trop forte et trop soudaine, ou suppléant à son défaut quand elle cesse , conservât la continuité et l'égalité qui sont nécessaires aux sons que l'instrument doit rendre; c'est ce que l'eau est capable de faire, étant, comme dit Vitruve, suspendue. Si dans un coffre découvert et à moitié plein d'eau, il y en a un autre plus petit appelé pnigeus qui est renversé, et dont les bords ne touchent pas au grand, soutenus qu'ils sont par de petits dés, il est certain que lorsqu'on fait entrer avec violence dans le coffret renversé plus d'air qu'il n'en peut soutenir, il pousse l'eau qui cède en s'élevant dans le grand coffre, où étant suspendue, elle sert à suppléer par son poids au défaut qui arrive dans l'interruption des impulsions, et à en modérer aussi la violence, en cédant et en s'élevant à proportion que la force qui la pousse agit avec plus de puissance (65) - Inest pnigeus. Ce mot vient du grec πνίξ, qui signifie suffocation; c'est proprement un instrument fait pour éteindre le leu ou un flambeau en l'étouffant , tel que celui avec lequel on éteint les cierges. Il signifie aussi une cheminée. L'instrument en question est ainsi appelé parce qu'il étouffe l'air, qu'il l'empêche de s'évaporer. Sa figure aussi, qui va en se rétrécissant, ressemble à la hotte d'une cheminée, à un éteignoir. Et cette forme lui est nécessaire pour rendre plus' égale la pesanteur dont l'eau suspendue dans le coffre presse l'air qui est dans le pnigée. (66) - Si octochordos. Il n'est pas vraisemblable que les orgues des anciens ne continssent que quatre tons, ou six, ou au plus huit. Elles devaient naturellement contenir leurs dix-huit tons. On ne doit donc pas entendre ici par tétracorde, hexacorde, etc., un nombre de tuyaux qui répond à pareil nombre de marches ou touches, mais on doit entendre le nombre des différentes rangées de tuyaux dont chacune répond à toutes les touches; c'est ce que nous appelons les différents jeux. Vitruve le prouve, en disant que les canaux qui sont au nombre de quatre, de six ou de huit, qui font appeler l'orgue tétracorde, hexacorde, octocoide, sont placés en long, in longitudine, tandis que les marches ou touches sont certainement placées, comme il le dit aussi, en travers, ordinata in transverso foramina. Il ajoute ensuite que le vent entre dans ces canaux par des robinets qui apparemment font l'office de ce qu'on nomme registres dans nos orgues. (67) - Singula epistomia. Le mot epistomium signifie proprement la clef d'un robinet. Vitruve dit que le vent entre dans les canaux par des robinets, qui sans doute font l'office de ce que nous appelons les registres dans nos orgues ; et le vent entre dans les tuyaux, lorsque des règles qui répondent à chaque marche, et qui sont percées chacune d'autant de trous qu'il y a de canaux, sont poussées par les marches, quand on les abaisse pour faire que leurs trous se rencontrent au droit de ceux qui sont aux canaux, et de ceux qui sont à la table qui porte ces tuyaux : car lorsque la marche, en se relevant, laisse revenir la règle, les trous n'étant plus au droit de ceux des canaux et de ceux de la table des tuyaux, le chemin est bouché au vent. De sorte qu'il y a apparence que ces robinets étaient comme des registres dont on se servait, ou pour avoir des jeux différents, ou pour accorder plus facilement les différents tuyaux qui étaient sur une même marche. (68) - Quarum itus et reditus. Chacune de ces règles, comme on le voit un peu plus bas, servait à ouvrir ou à fermer les trous qui correspondaient seulement à un ton. Elles produisaient, mais par un moyen différent, le même effet que les soupapes qui font aller les touches dans nos orgues modernes. (69) -- Ferrea choragia. D'après son étymologie, le mot choragia ne peut signifier autre chose que des ressorts, puisqu'il est dérivé du mot χοραγός, celui qui fait sauter, danser. On appelle encore sauterelles, les pièces de bois auxquelles sont attachés les morceaux de plume qui font résonner les cordes de nos clavecins, dit de Bioul. Ce ressort faisait sauter les marches du clavier, lorsqu'il faisait revenir promptement les règles, après qu'elles avaient été poussées par ces marches. Le fil de fer devait être bon pour en faire. Héron, dans ses Pneumatiques, dit qu'on se servait de cordes à boyau pour faire relever les marches après qu'elles avaient été baissées. Turnèbe et Baldi voudraient qu'on lût cnodacia, mot qui signifie des boulons de fer. Mais à quoi pourraient servir ici des boulons de fer? Comment auraient-ils repoussé ces règles ? (70) - Regulis aliis. Perrault lit aliis au lieu de iis. Y a-t-il apparence, en effet, que les règles qui sont entre les canaux du sommier et le κανών, puissent avoir des trous dans lesquels soient mis les bouts des tuyaux, ces règles ayant un mouvement continuel , et les tuyaux devant rester immobiles? Il devait donc y avoir d'autres règles faisant l'office de ce que , dans nos orgues, on appelle le faux sommier : c'est un ais percé de même que la chape du sommier, mais dont les trous sont de la grosseur du corps du tuyau, au lieu que ceux de la chape ne sont que de la grosseur de l'embouchure du tuyau. (71) - Sint latae per medium diametron pedum quaternum. Les manuscrits dans lesquels on lit pedum quaternum et sextantis, contiennent évidemment une faute : car une roue de quatre pieds deux pouces de diamètre ne peut pas en un tour ne parcourir que douze pieds ; elle en parcourt plus de treize. Il n'est pas vrai, non plus, qu'une roue qui parcourt un espace de douze pieds en un tour, en puisse parcourir cinq mille en quatre cents tours, puisque quatre cents tours d'une roue de douze pieds ne donnent que quatre mille huit cents pieds. Perrault a donc eu raison de faire disparaître et sextantis, et de lire seulement pedum quaternum, raison encore de lire douze pieds et demi, pour que les quatre cents tours fissent les cinq mille pieds. On sait d'ailleurs que la circonférence est au diamètre à peu près comme vingt-deux est à sept : conséquemment celle d'une roue qui a quatre pieds de diamètre, doit être d'environ douze pieds et demi. Aussi l'édition de Joconde porte-t-elle pedum XIIIS. (72) - Tympanum stabiliter includatur. Bien que le mot tympanum, dont se sert ici Vitruve, dût être rendu en français rpar le mot roue, j'ai cru, comme Perrault, que pour éviter l'équivoque qu'il y aurait eu entre les roues du char et les roues dentelées de la machine, il fallait employer le mot tympan. (73) - Denticuli perfaciantur aequaliter divisi, numero quadringenti. Cette machine très ingénieuse, sans doute, ne saurait être exécutée de la manière que Vitruve le propose : car une roue qui a quatre cents dents, doit avoir pour le moins deux pieds de diamètre, pour faire que chaque dent ait une ligne de longueur, qui est le moins qu'une dent puisse avoir. Or, les dents d'une roue de deux pieds de diamètre ne peuvent donner prise que de la sixième partie d'une ligne à une autre dent qui tourne de la manière que Vitruve l'entend. (74) - Navigationibus vero similiter. Ce moyen ne peut donner de résultat exact, parce que les roues qui vont par l'impulsion de l'eau, tournent plus vite proportionnellement quand la marche du vaisseau est rapide, que quand il va lentement, puisqu'il est vrai que le vaisseau pourrait aller si lentement que les roues ne tourneraient pas du tout; pour peu que la machine apporte de résistance, le mouvement du vaisseau ne serait pas capable de la surmonter, d'autant que l'eau obéirait et céderait à cette résistance, ce qui n'arrive pas sur terre, où les roues étant poussées par le poids du carrosse font toutes leurs révolutions de la même manière, que le char aille vite ou lentement. (75) - Sonitum significet. Pancirole, dans son livre des anciennes et des nouvelles inventions, dit que l'invention de nos horloges est prise de cette machine. La combinaison des roues produit, en effet, les mêmes effets; et il est probable que les anciens auraient appliqué cette invention aux horloges, si leurs heures avaient été égales comme les nôtres. Il y a même sujet de croire qu'ils avaient quelque chose dans leurs horloges qui donnait à l'oreille aussi bien qu'à l'oeil le moyen de connaître l'heure, tant par ce qui a été dit au ch. 8 du liv. IX, sur ces petits cailloux que faisaient tomber les horloges dans un bassin d'airain pour faire du bruit, que par l'invention de la clepsydre nocturne attribuée à Platon par Athénée. Eghinard parle d'une horloge de ce genre qui fut envoyée à Charlemagne par le roi de Perse; il dit que c'était une clepsydre qui, faisant tomber de temps en temps des boules de cuivre dans un bassin de même métal, sonnait les heures; mais le nombre des heures n'était point marqué par cette sonnerie comme dans nos horloges sonnantes : car on fait reniai quer que les boules de cuivre n'étaient qu'au nombre de douze et qu'il fallait soixante-dix-huit coups pour sonner douze heures
(76)
- Ita quum quatercenties ab pinnis rotce
fuerint versatae, Il y a une faute évidente dans les textes
que j'ai sous les yeux; dans l'édition petit in-folio de Jean de
Laet, imprimée par les Elzévier, je lis : Quum quatercenties ab
pinnis rotae fuerint versatae, semel tympanum planum circumagent
impulsu dentis qui ad latus est fixus tympani in cultro, Mais ce
n'est pas le tympanum planum, le tympan horizontal, que les
quatre cents tours des roues du vaisseau font tourner une fois,
c'est le tympanum in cultro, le tympan vertical qui, dans le
tour qu'il opère, ne fait avancer que d'une dent le tympan
horizontal. Il y a donc erreur. L'édition de Leipzig porte : Quum
quatercenties ab pinnis rotae fuerint versatae, semel tympanum
circumactum impellet dentem qui ad latus est fixus tympani plani.
Quel est donc ce tympan qui, en ne faisant qu'un tour, pousse la
dent qui est attachée à la partie latérale du tympan horizontal? Il
n'y a que le tympan du milieu qui ne fasse qu'un tour, pendant due
le tympan d'en bas, celui qui est traversé par l'essieu des roues,
en fait quatre cents ; il n'y a que lui qui ait une dent latérale,
et il est placé verticalement. Le tympan horizontal n'a point de
dent latérale. II y a donc aussi une erreur dans ce texte. (77) - Ita et sonitu et nurnero indicabit milliaria spatia navigationis. Maintenant, pour mesurer le sillage d'un vaisseau, on se sert du loch. C'est une pièce de bois qui , par sa pesanteur et sa forme, reste immobile dans l'eau. Il est attaché à une corde oit sont des noeuds. Le nombre des noeuds qui out filé avec la corde, fait connaître la longueur du chemin qu'on a fait. On jette le loch toutes les heures ou toutes les deux heures, et plus souvent lorsque le vent varie. Bien que ce moyen indique les lieues qu'on a faites plus exactement que celui des anciens, il laisse néanmoins beaucoup à désirer ; et cependant c'est le moins défectueux que l'on connaisse. (78) - Id est scorpionum. Bien que ce chapitre soit intitulé : Des proportions des catapultes et des scorpions, Vitruve n'y traite que des catapultes, à cause du peu de différence qu'il y avait entre ces deux machines. De la manière qu'Ammien Marcellin décrit le scorpion, il le fait ressembler à une baliste plutôt qu'à une catapulte; mais souvent il arrivait, chez les anciens, que des machines de même nom, de même genre, n'étaient pas de même structure, et qu'elles ont offert, selon les temps, de grandes différences.
(79)
- Catapultarum. Plusieurs interprètes,
suivant la remarque de Juste Lipse, ont cherché à découvrir, d'après
le texte de Vitruve, quelle était la forme de la catapulte. Les
descriptions qu'ont données de cette machine Athénée le
mathématicien, Ammien Marcellin, Végèce, Joconde et Robert
Valturius, les deux figures qui sont dans le livre anonyme intitulé
Notitia lmperii, celle que G. du Choul dit avoir tirée d'un ancien
marbre, la catapulte qu'on voit dans l'arsenal de Constantinople,
celle qu'on voyait dans celui de Bruxelles, celles qui sont
représentées sur la colonne Trajane, n'ont aucun rapport avec la
catapulte dont Vitruve nous donne les proportions, et dont il est si
difficile de comprendre la structure. (80) 80. - Unius foraminis. - Foramen signifie la largeur d'un trou ; le mot diamètre exprime absolument la même chose. Les caractères qui sont dans le texte latin, et qui varient tant selon les éditions, indiquent les mesures des parties des machines ; ils sont pour la plupart diversement expliqués par Philander, Joconde, Meibomius, Perrault, Galiani. J'ai suivi généralement l'opinion de Perrault, sans attacher une grande importance à ce choix, parce qu'il n'y a pas grand intérêt à ce que toutes ces proportions et mesures soient d'une rigoureuse exactitude, et que d'ailleurs, à tout bien considérer, tous ces illustres commentateurs ne s'écartent pas extrêmement les uns des autres dans leurs appréciations qui s'accordent même assez souvent. Voici un petit tableau de ces différents caractères, avec les valeurs qu'ils représentent suivant eux :
(81) -- Crassitudo ab radice. Les mots ab radice, in summo, ne sauraient signifier, selon Perrault, autre chose que vers le haut, vers le bas; ce qui lui fait croire que les arbres ou bras de la catapulte et de la baliste étaient debout, placés l'un contre l'autre, et également tendus, afin que, lorsqu'on détendait les cordes, ils pussent frapper d'un même coup le javelot; il ne peut admettre qu'ils fussent bandés à droite et à gauche, comme l'ont pensé d'autres interprètes. En effet, si ces bras eussent dû formerun arc, est-il probable que Vitruve qui donne ici la mesure de tant de choses peu importantes, eût oublié de parler de la grosseur de la corde de cet arc dont il ne fait même aucune mention? Le mot de bras semblerait, il est vrai, faire soupçonner dans ces arbres quelque rapport avec un arc, parce que les deux parties de l'arc d'une arbalète sont comme ses bras étendus; mais ne peut-on point dire que ces parties appelées, avec raison, bras dans les arbalètes, ont retenu le même nom dans les catapultes, qui ont peut-être été inventées depuis les arbalètes ou scorpions, et que ce nom n'a point été changé à cause que ces parties ont le même usage que les bras des arbalètes, puisqu'elles poussent le javelot de même que les arbalètes, bien que leur disposition soit différente? (82) - Foraminis UZ. Cette proportion de la grosseur des bras confirme Perrault dans l'opinion où il est, que les arbres frappaient le javelot par le bout d'en haut : car cette grosseur, qui est presque double de celle du bout d'en bas, en faisait presque une massue dont le coup était fort, non seulement à proportion de la tension et de la roideur de l'arbre, mais aussi à proportion de la pesanteur du bout qui frappait. (83) - Quae anatona dicantur. Ce passage est, selon Perrault, le plus intelligible de tout le chapitre ; et il donne lieu à entre-voir quelque chose dans tout le reste. Les interprètes ne l'ont pourtant point expliqué. Ils pensent tous que anatona et catatona signifient le ton haut ou bas que les cordes plus ou moins tendues rendent quand on les touche. Ils se fondent sur l'endroit du ch. 1er du liv. 1er où il est dit que les cordes qui tendent les bras des catapultes doivent être homotona, c'est-à-dire tendues si également, qu'elles aient un même ton quand on les fait sonner. Mais il est évident que l'auteur entend ici autre chose, et que le haut et le bas désignés par ἄνω et κατώ, qui entrent clans la composition des mots dont il s'agit, ne doivent point s'interpréter du ton haut ou bas, mais du chapiteau placé ou plus haut ou plus bas, comme si par anatonon il avait voulu dire ἄνω τείνων qui tend les bras de la catapulte vers le haut, et alors le chapiteau est plus éloigné du moulinet et plus près des arbres, et κατὼ τείνων, qui les tend vers le bas, et alors le contraire a lieu; ce qui fait que les arbres souffrent une plus grande ou une plus petite tension. Après tout, il faut demeurer d'accord que l'affectation que l'on sait être ordinaire à Vitruve de se servir de mots grecs sans nécessité, et mème d'en forger de nouveaux, peut donner quelque fondement aux conjectures qu'on est obligé de faire pour deviner ce qu'il veut dire, et supposer que, dans la composition des mots grecs qu'il a forgés, il n'a pas toujours été fort exact à observer les analogies.
(84)
- Itaque ut etiam qui geometrice non noverint,
habeant expeditum. Vitruve aurait obligé davantage la
postérité, dit Perrault, s'il eût expliqué et décrit avec exactitude
quelle était la figure, quels étaient les usages des parties dont il
donne les proportions; il aurait été plus aisé de suppléer ces
proportions que de deviner le reste : car on ne sait rien autre
chose de cette machine, sinon que des câbles d'une grosseur
prodigieuse passaient par des trous taillés, suivant un trait fort
particulier; mais il n'est point dit ce que ces câbles tiraient, ni
quelle était la partie qui poussait la pierre ; il n'y a rien, non
plus, qui puisse faire comprendre comment des câbles de plus de huit
pouces de diamètre et faits de cheveux, rendaient un son qui eût des
tons que l'on pût distinguer. Néanmoins, si l'on s'en rapporte à ce
qui est dit au ch. XII (voyez, p. 487), il semble que les balistes
et les catapultes n'étaient différentes qu'en ce que les unes
lançaient des pierres, et les autres des javelots. (85). - Digitorum XII S. K.. Le peu d'espoir qu'ont les savants de pouvoir restituer ce qui manque dans la description des catapultes, et principalement des balistes, a déterminé Buteo à corriger ce qui s'est rencontré de manifestement faux dans les proportions du trou de la baliste avec le poids de la pierre; ce qu'il a fait avec l'exactitude géométrique et arithmétique que Vitruve dit être nécessaire, et qu'il semble n'avoir pas suivie. Mais comme ces corrections changent beaucoup le texte, sans éclaircir autrement la chose, Perrault n'a pas jugé qu'il fût à propos de les suivre, et a traduit le texte, tel qu'il est, à la lettre. Et il faut remarquer, en passant , que Buteo, pour prouver que Vitruve s'est trompé, lorsqu'il a prétendu qu'il fallait augmenter le trou à proportion de l'augmentation du poids de la pierre, en doublant le diamètre du trou, lorsque le poids est doublé, s'appuie sur la grosseur inadmissible d'une corde qui deviendrait énorme dans les grandes balistes, et tombe lui-même dans une erreur non moins grosse, à cause de la fausse supposition qu'il fait que les cordes étaient proportionnées à la grandeur du trou : car il suit de là que pour bander une baliste qui lance une pierre de dix livres, ce qui est un poids assez médiocre, il fallait un câble de dix doigts de diamètre, c'est-à-dire de six pouces de roi environ; et selon sa supputation, il y aurait eu des balistes dont les câbles auraient eu plus de trois pieds de diamètre : car il y en avait qui lançaient des pierres encore bien plus pesantes que ne sont celles dont il est parlé dans ce chapitre, puisqu'elles ne vont qu'à deux cent cinquante livres, tandis que le poids de celles dont il est fait mention au dernier chapitre de ce livre, allait jusqu'à trois cent soixante. Or, il n'est pas concevable qu'un câble de trois pieds de diamètre puisse servir à une baliste, parce que ce câble doit être entortillé autour d'un moulinet. (86) - Quum ergo foraminis quod Graece περίτρητον appellatur, magnitudo fuerit instituta, describatur scutula. Vitruve donne ce nom grec au trou de la baliste, qu'il appelle en latin scutula, mot qui signifie un bouclier de figure ovale. IΠερίτρητον peut s'entendre de deux manières, et signifier une chose percée tout autour, ou composée d'un seul trou qu'on a agrandi tout autour à coups de ciseau, de manière qu'il aille en s'élargissant comme uu entonnoir ou comme le pavillon d'une trompette. Cette dernière manière convient beaucoup à ce que Vitruve continue de dire de ce trou de la baliste, dont il faut élargir et adoucir les bords, pour ne pas user les câbles qui doivent y passer. (87) - Quam divisum erit. Que faut-il comprendre de ce passage ? Contient-il la description de la ligne qui trace le trou appelé περίτρητον ? Il faut le croire ; mais quelle obscurité! (88) - Pterygomatos. Ce mot se trouve bien diversement écrit par les commentateurs; les uns mettent plentigonatos , les autres plintigomatos. Baldi et Turnèbe ont eu raison de choisir pterygomatos, parce que toute cette machine est appelée par Ctesibius pterix, mot qui signifie aile, parce qu'elle s'avance en forme d'aile. (89) - Cheloni replum. Les commentateurs ne s'entendent pas sur l'explication de ce mot. Turnèbe confesse qu'il ne le comprend pas, et croit qu'il faut le remplacer par le mot peplum. Baldi estime qu'il est dit de replendo, parce qu'il occupe, dans la menuiserie, l'espace qui est entre deux panneaux. Saumaise pense qu'il est employé au lieu de replicatum, comme duplum au lieu de duplicatum. Suivant cette opinion adoptée par Perrault , nous avons traduit par rebord, parce qu'il est dit ensuite qu'il sert de couverture à la queue d'aronde. (90) - Musicis auditionibus. Nous avons vu, dans le ch. 1er. du liv. 1er qu'une des raisons pour lesquelles Vitruve exigeait que l'architecte connût la musique, c'était pour qu'il pût juger si les cordes de ces machines de guerre rendaient un même ton. (91) - De his rebus quae potui dixi. Après la lecture de ce chapitre et des deux précédents, on reste convaincu de la difficulté, ou, pour mieux dire, de l'impossibilité d'expliquer aujourd'hui d'une manière satisfaisante, d'après le texte, quelle était la véritable forme de ces machines. Dans ce dernier chapitre, on voit que les diverses parties des catapultes et des balistes, formaient plusieurs assemblages qu'on réunissait seulement, dit de Bioul, lorsqu'on employait la machine. Ces assemblages consistaient : 1° dans les deux longues pièces de bois où l'on attachait, 2° le moulinet et 3° le chapiteau. On avait ensuite : 4° les petits tubes ou barillets qu'on enchâssait dans le chapiteau; 5° les chevilles, et enfin 6° l'assemblage où se trouvaient les bras qui frappaient le javelot ou la pierre. Voyez M. DE FOLARD, Traité de l'attaque et de la défense des places , art. XXI et suiv. (92) - Cetras autem Chalcedonius. Athénée, dans son livre des machines, dit que ce fut Géras, de Carthage, qui inventa la base du bélier. Il ajoute que cet architecte ne suspendit pas son bélier, comme le dit Vitruve, mais qu'il était porté par plusieurs hommes qui le faisaient agir. II est vrai qu'ilparleensuite d'autres béliers qu'on faisait rouler sur des cylindres. Turnèbe croit que Vitruve a tiré d'Athénée presque tout ce qu'il rapporte des machines de guerre, quoique Casaubon pense qu'Athénée a vécu longtemps après Vitruve, se fondant sur ce que Trebellius Pollion rapporte, que l'empereur Gallien fit fortifier plusieurs villes par deux architectes de Byzance, dont l'un se nommait Cleodamus et l'autre Athénée. Mais il est certain que ce dernier n'était pas le même que celui que nous citons, parce que, comme le fait observer Vossius, le nôtre a dédié son livre à Marcellus, qui existait avant Vitruve. (93) - Id autem quod tardos conatus habuerat. C'est aussi dans Athénée que Vitruve a trouvé qu'on avait appelé cette machine tortue, à cause de sa marche si lente. Au rapport de Plutarque, l'hélépole de Démetrius était un mois à faire un stade, c'est-à-dire près de deux ans, à faire une lieue. Végèce en donne une autre raison, qui est sa ressemblance avec l'animal dont elle porte le nom, qui avance la tête hors de son écaille et la retire dedans, comme le bout du bélier s'avance hors de la machine, et se retire dans l'intérieur. On peut dire encore que son usage lui a fait donner ce nom , parce qu'elle servait de couverture, et qu'elle était une forte défense contre les pierres et les traits que les assiégés pouvaient jeter d'en haut, et qu'elle mettait en sûreté ceux qui étaient dedans, comme la tortue est en sûreté dans son écaille. (94) - Etiam corvum demolitorem. De la description obscure du corbeau que nous trouvons dans les anciens, il semble ressortir que cette machine était construite à peu près comme le bélier, et suspendue au dedans d'une galerie; avec cette différence que l'extrémité des pièces de bois étant armée d'une espèce de griffe, on les dirigeait sur la crête des murailles pour en arracher les pierres. Il est fait mention de cette machine dans César (Guerre des Gaules, liv. VII, ch. 22), et dans Végèce, liv. IV, ch. 14 . Voyez, du reste, l'Abrégé des Commentaires de M. de Folard sur l'Histoire de Polybe , liv. I , ch. 4 , §§ 4 , 5, 6, 7. (95) - Singulis partibus in ea fenestratis. Athénée ne parle point de fenêtres ; il dit que chaque étage doit être périptère, c'est-à-dire avoir une galerie qui tourne tout autour. Cette tour avait sans doute au milieu un escalier par lequel on montait dans les galeries. Saumaise, dans son Commentaire sur Solin, ne peut comprendre pourquoi Vitruve a expliqué le peripteron d'Athénée par fenestratum; mais Athénée a entendu sans doute que chaque étage, qui était soutenu à chaque face sur six poteaux , représentait un périptère, c'est-à-dire un lieu entouré de colonnes, et Vitruve a trouvé vraisemblablement que les intervalles d'entre ces poteaux garnis par en bas d'un parapet, ressemblaient par en haut à des fenêtres dont le parapet faisait les appuis. Voyez VÉGècE, liv. IV, ch. 17, et M. DE FOLARD, Traité de l'attaque et de la défense des places, art. XV. (96) - Majorem vero turrem. Athénée parle, comme Vitruve, des hautes tours à plusieurs étages qu'on fait avancer contre les murs des villes assiégées, pour passer de plein pied sur les remparts; il ne donne aussi à leur base que vingt-trois coudées de large, ce qui ne fait guère que 11, 60 mètres. Il paraît que cet empâtement ne peut suffire pour une tour qui avait cent vingt coudées de haut, qui font à peu près 58m,50. Comment cette tour n'était-elle pas renversée par le vent? Comment pouvait-on la faire avancer? Et quel soin ne devait-on pas prendre pour aplanir les endroits par où elle devait passer? Voyez M. DE FOLARD, Traité de l'attaque et de la défense des places, art. XIV. Ces raisons font soupçonner à de Bioul, qu'il pourrait ici y avoir faute dans le texte, d'autant qu'il parle ensuite d'une tour, que Demetrius Poliorcète fit faire pour le siégede Rhodes, laquelleavait un empâtement bien plus considérable que celui dont il donne, ainsi qu'Athénée, les proportions. Plutarque dit qu'elle avait quarante-huit coudées de large et soixante-six de haut. On leur donnait cette hauteur pour égaler celle des murs des villes qui allaient quelquefois jusqu'à 68 mètres. Pline parle de la hauteur des murs de Babylone; mais ce qu'il en dit n'est pas croyable : car il serait étonnant qu'une ville fit enfermée et comme étouffée par des murs aussi hauts que des montagnes, au point, rapporte Q. Curce, qu'on avait été obligé de laisser un grand espace entre ces murs et les maisons. (97) - Hanc magnitudinem turris faciebat tabulatorum XX. Athénée nous fait connaître la hauteur de tous ces étages, omise par Vitruve; il donne sept coudées et demie au premier ; cinq, au deuxième, troisième, quatrième et cinquième; quatre et demie à tous les autres. Mais Perrault croit qu'il doit y avoir faute dans le texte grec : car toutes ces hauteurs d'étages réunies ne font que quatre-vingt-quinze coudées, à moins qu'Athénée n'ait pas compris l'épaisseur des planchers; mais dans ce cas elle aurait été trop grande, cette épaisseur étant pour chacun d'une coudée un quart, c'est-à-dire de 60 centimètres environ, ce qui est la moitié de plus qu'il ne faut pour un plancher de bois.
(98)
- Quum haberent singula tabulata circuitionem.
Ce que Vitruve appelle circuitio, Athénée le nomme περιδρομή.
Stevechius, dans une figure qu'il a mise à son commentaire sur
Végèce, représente ce περιδρομή comme un corridor, saillant à chaque
étage en forme de màchecoulis; mais Philander croit que circuitio
signifie la même chose que ce que les anciens nommaient periboIon
et lorica, mots que d'Ablancourt a rendus dans sa traduction des
Commentaires de César, par le mot parapet. Περιδρομή signifie une
chose qui tourne tout autour et qui fait une enceinte , et non un
corridor formant saillie. Pollux dit que ce mot désigne l'appui des
plates-formes qui sont au haut des maisons; nous voyons, en effet,
qu'il entourait chaque étage et y servait d'appui. Athénée dit qu'il
devait avoir trois coudées pour empêcher le feu; c'est une hauteur
qui convient pour un parapet. Perrault et Galiani ont adopté la même
interprétation. (99) - Κριοδόχη. Dans tous les exemplaires de Vitruve, ce mot est écrit avec un κ, et les commentateurs qui croient qu'il est composé de κριός, qui signifie bélier, et de δοκός, poutre, l'ont interprété trabem arietariam; mais Perrault croit qu'il doit être écrit avec un χ, comme dans Athénée ; qu'il n'est pas composé de δοκός, mais de δέχομαι, et qu'il signifie la machine qui reçoit et qui enferme le bélier, ce qui s'accorde avec le texte qui porte arietaria machina quaae Grcece κριοδόχη dicitur; et la raison, c'est que la poutre qui sert de bélier et la machine à bélier sont deux choses différentes, comme le fait voir clairement le texte. (100) - In quo constituebatur transversa sucula. Quel était l'usage de ce moulinet? L'effet du moulinet est de tirer avec force, mais lentement ; ce mouvement suffisait pour ramener la poutre qui pouvait quelquefois engager son fer pointu entre les pierres ou même dans celles qu'il perçait. Or, il est vraisemblable qu'après que des hommes qui travaillaient à faire agir cette machine, avaient tiré les câbles pour faire couler la poutre sur des rouleaux, en avant, il y en avait d'autres qui la retiraient en arrière avec ce moulinet. La tarière commençait sans doute la brèche, parce que le bélier aurait été trop longtemps à rompre une pierre avec sa tête grosse et ronde, ce que faisait facilement la tarière avec son bec pointu ; et lorsqu'il y avait une pierre ôtée par le moyen de la tarière qui la mettait en pièces, le bélier n'avait pas de peine à emporter les autres, en les poussant vers les vides. (101) - Inclusi tori. Perrault a cru, avec Laët, qu'il fallait corriger cet endroit, suivant Athénée, qui dit qu'il y avait dans le canal, sous la poutre à tarière, des cylindres qui servaient à la faire couler avec plus de facilité. C'est pourquoi, au lieu de in eo canali capite ferrato tignum, sub eo autem ipso canali inclusi tuti, il lit : sub eo autem (tigno) in ipso canali inclusi tori ; et il traduit tori par le mot rouleaux. Nous avons déjà vu torus perfectus torno. (102) - Quod animadverteret eam machinam nullam habere virtutem. Vitruve nous apprend que Diade a cru ne devoir rien écrire sur la machine nommée le corbeau démolisseur, parce que, dit-il, elle ne produisait pas beaucoup d'effet. Suivant Polybe , elle fut cependant cause de la première victoire que les Romains remportèrent sur les Carthaginois, dans un combat naval. Les grands effets qu'on raconte des machines d'Archimède, pour la défense de Syracuse, sont attribués par Plutarque principalement à ce corbeau. Polybe et Frontin disent que le consul C. Duillius, qui commandait l'armée navale des Romains, fut l'inventeur de cette machine, quoique Q.Curce en attribue l'invention aux Tyriens, lorsque leur ville fut assiégée. Athénée se plaint , comme Vitruve, que Diade n'ait point expliqué plusieurs autres machines qu'il avait promis de décrire, ce qui fait croire à Perrault que Vitruve a traduit d'Athénée ce qu'il rapporte de Diade, et qu'il n'a pas lu l'ouvrage de ce dernier. (103) - De ascensu. Perrault et Galiani corrigent le mot accessu pour mettre ascensu, parce qu'il y a apparence que cette machine est la même que Vitruve a appelée ascendentem machinam.
(104) 1011. - Basis compingatur, quae Graece ἐσχάρα dicitur. Il est assez difficile de comprendre, d'après la description de Vitruve, l'assemblage de ce double châssis qui forme la base ; nous allons essayer de l'expliquer à l'aide de la figure de Perrault et de celle de Newton ; les lettres qui accompagnent la fig. 116 , serviront à éclaircir le texte : avec quatre poutres aers on forme une base carrée appelée en grec ἐσχάρα. On y ajoute quatre traverses bpdq qui sont arrêtées par deux autres uv.... Sous ces traverses, dans chaque intervalle iiii, on place debout de petits arbres appelés en grec ἁμαξόποδες.... (Voilà pour la base, qui est formée d'un double châssis.) On placera ensuite sur la base deux poutres mm, nn, ayant de chaque côté six pieds de saillie, et sur cette saillie on attachera deux autres poutres cc qui avanceront par devant et par derrière de sept pieds. (Joignez encore les poutres xx, et vous aurez une seconde base sur laquelle les poteaux seront élevés.) Par ce moyen, les roues sont couvertes par la saillie du grand châssis cc, xx, formant la seconde base de la tortue posée sur le double châssis ou première base aers, dans les coins duquel sont les hamaxopodes, et se trouvent à l'abri du danger d'être endomma¬gées par les balistes ennemies.
(105) -- Arbusculae. Ces petits arbres sont les pièces de bois cylindriques ae, fig. 117, dont la moitié supérieure a est plus menue, pour former un pivot traversant les quatre coins iiii de la base aers de la fig. 116; la partie inférieure e, plus grosse que l'autre, est fendue par une mortaise dans laquelle tourne la roue r, autour de son essieu z; et, pour plus grande sûreté, cette mortaise est revêtue de lames de fer nu. Ces petits ar¬bres sont appelés harnaxopodes, c'est-à-dire pieds de chariot. (106) - lnsuper hanc compactionem. La ferme de la machine figurée par Rusconi est plus compliquée que ne le demande le texte, et Perrault, qui cherche à l'expliquer, n'a point, ce me semble, compris Vitruve dans ce passage. Où voit-il dans le texte des contre-fiches et des poinçons ? Il n'y en a pas. Et des contre-fiches de neuf pieds! c'est-à-dire des contre-fiches qui seraient aussi longues que les piliers qui soutiennent la ferme ! Quelle serait donc la hauteur de cette ferme? Ce n'est pas au moins Rusconi qui lui a donné cette idée-là, puisque les contre-fiches de sa figure sont trois fois plus courtes. Le mot capreoli doit être traduit par le mot forces, et non par celui de contre-fiches qui rend la chose incompréhensible pour Perrault. Ce quadratum tignum dont il fait les forces, n'est autre chose, bien certainement, que le faîtage auquel vont aboutir les forces. Et puis, le texte ne dit pas du tout que sur chaque contre-fiche il doit y avoir une pièce de bois carrée : supra capreolos collocetur quadratum tignum quo capreoli conjunguntur; ce qui signifie : que sur les forces soit placée une pièce de bois carrée (un faîtage) où les forces soient assemblées. S'il avait dû y avoir plusieurs pièces de bois carrées, le texte porterait quadrata tigna, comme il porte capreolos. Je suis d'avis, avec Perrault, contre Rusconi, que les trabes intercardinatae ne sont autre chose que les entraits dans lesquels s'assemblent, non pas les contre-fiches, mais les forces, comme l'indique suffisamment le mot intercardinatae, qui signifie s'emboîtant par les deux bouts, et allant ici de chacun des piliers qui sont d'un côté, à chacun de ceux qui sont de l'autre. (107) - Circum tabulata. Perrault fait sortir une difficulté du mot tabulata , qui lui semble impropre. Le sens me paraît pourtant bien clair : nous avions tout à l'heure le mot tabulae, planches, à l'occasion du toit qui devait être couvert de planches de palmier. Quel effort faut-il donc faire pour traduire tabulata par couverture en planches? Je ne sais pas pourquoi tabulata aurait pour toute signification plusieurs planchers, différents étages. Quelle nécessité de croire que Vitruve ait voulu dire qu'il faut couvrir la tortue autour des planchers, ce qui me paraît fort inintelligible, surtout quand il est question d'une machine qui n'avait pas même un seul plancher. Autour des planchers, dit-il, ne signifie pas autre chose que aux côtés de la machine. En supposant qu'une telle interprépation pût être admise, il y aurait encore inexactitude. Il ne s'agit ici que du toit, qui seul pouvait être exposé, puisque la machine était amenée jusqu'au pied du mur contre lequel elle devait fonctionner. Voyez M. DE FOLARD, Traité de l'attaque et de la défense des places, art. XVIII.. (108) - Ὄρυγες Gaece dicuntur. Ὄρυξ, en grec, signifie pic, pioche, toute espèce d'outil qui sert à fouiller la terre. (109) - Latitudo XVIII. Ce n'était pas sans raison qu'on donnait à cette tortue une longueur trois fois plus grande que n'était sa largeur, parce que la machine, étant faite pour un bélier qui est une poutre fort longue, exigeait une forme longue et étroite qui fût propre à couvrir et le bélier et les hommes qui le mettaient en mouvement en le tirant par les gros câbles qu'on y attachait.
(110) - Erigebantur et arrectaria duo. La description de cette machine est encore si obscure, qu'il est presque inutile de chercher à y comprendre quelque chose. Et ce qui décourage surtout dans cette partie de l'ouvrage de Vitruve, c'est qu'on soupçonne avec raison qu'il ne comprenait pas bien lui-même, c'est qu'il ne parait connaître ces machines que par les livres qu'il se contentait de copier, ce qu'on remarque aisément par l'inégalité qu'on rencontre dans sa manière de décrire ces diverses machines, et par son changement de style. On ne peut douter qu'il ne connût bien les machines de guerre de son temps, puisque, comme nous l'avons vu dans l'introduction de son liv. 1er, il était chargé de les entretenir; mais il paraît que la plupart de celles qu'il décrit, et entre autres celle d'Agétor de Byzance, n'étaient plus alors en usage. Il faut donc deviner que les deux montants ae, fig. 118 servaient à soutenir le bélier qui était suspendu par les câbles ce aux chevilles de bois v; que ces chevilles étaient mises dans des trous, pour hausser plus ou moins le bélier, ce qui se faisait par le changement des chevilles d'un trou dans un autre. (111) - Inter scapos et transversarium. Perrault croit qu'il faut lire inter scapos et transversaria, parce qu'autrement il n'y a point de sens. Supposé, en effet, que les montants ae et les traverses cz, fig. 118, fissent un châssis, comme cela était apparemment, il est impossible de rien mettre entre les montants et une traverse, et il faut nécessairement que ce qui y est, soit entre les montants et les traverses. (112) - Alternis materies inter scapos et transeersarium trajecta cheloniis. Le mot materies signifie généralement bois. Il semble ici que ce bois doive être refendu, large et assez épais pour être percé de deux rangs de trous alternatifs (alternis cheloniis), afin que les degrés de la hauteur à laquelle on voulait élever le bélier, fussent plus petits, et permissent de frapper tantôt plus haut, tantôt plus bas. Appien d'Alexandrie, dit que les habitants d'Utique empêchèrent l'effet des béliers dont Scipion faisait battre leurs murs, en descendant des poutres suspendues à des cordes, et mises en travers pour supporter les coups des béliers. On peut donc dire, avec Perrault, que par le moyen des chevilles qu'on mettait dans les trous, au-dessous de celles qui soutenaient les câbles, on pouvait faire que le bélier frappât plus haut ou plus bas, parce que les câbles du bélier rencontrant ces chevilles, faisaient un angle qui les rendait plus courts. (113) - Et anconibus firmiter inclusa. Par anconibus il faut entendre des fers pliés et coudés n n, fig. 118, qui servaient ici pour attacher les dosses nveen, contre les montants ae. (114) - Quemadmodum navis malus a puppi ad proram continetur. Cette comparaison des câbles qui attachaient le bélier, dont Vitruve parle, avec ceux du mât d'un navire, n'est pas bonne, parce qu'elle contient des choses qui se contredisent. Perrault croit impossible que les câbles qui vont le long du bélier puissent être serrés contre lui par des cordes mises en travers, et puissent l'arrêter de la même façon qu'un mât est attaché à la proue et à la poupe : car les câbles qui attachent ainsi un mât en sont fort éloignés, au contraire des haubans qui l'attachent aux deux bords voisins, et qui représentent assez bien les câbles qui attachaient le bélier d'Agétor, à cause des cordes qu'il avait en travers, et dont on se servait en quelque sorte comme d'anses pour le mettre en mouvement, de même qu'il y en a au travers des haubans qui servent pour monter à la hune. Aussi la pensée de Perrault est-elle que Vitruve s'est mépris, quand il a voulu spécifier les câbles dont Agétor n'a parlé qu'en général, en disant seulement que le bélier avait des câbles tendus comme ceux qui arrêtent le mât d'un vaisseau auquel Josèphe compare aussi le bélier qu'il décrit. (115) - Ejusque praecincturae funes transversis erant ligati. Ces cordes rr ne servaient pas seulement à attacher les gros câbles s; elles formaient des espèces d'anses par le moyen desquels on faisait agir le bélier. Passées sous les gros câbles qu'elles entortillaient, elles empêchaient qu'ils ne fussent collés au bélier, et pouvaient être facilement empoignées. (116) - Ex quibus autem funibus. Le texte porte : Ex quibus autem funibus pendebant eorum capita, fuerant ex ferro factae quadruplices catenae. Il n'est pas possible que par. funibus pendebant, l'auteur ait entendu les râbles qui :ushendenl le bélier car les mots eorum capita qui suivent, font voir clairement qu'il n'est point question de ces câbles, parce que le bélier n'est pas suspendu par le bout, mais bien par le milieu. Il est donc évident qu'il s'agit des quatre câbles s dont il a déjà parlé, qui servaient à tirer et à pousser le bélier, et qui étaient liés à son extrémité, comme les haubans le sont au bout du mât d'un vaisseau. On ajoutait quatre chaînes uu au bout de ces câbles, c'est à-dire dans la partie qui s'avançait hors de la tortue, pour qu'on ne pût les couper. (117) - Circiter pedes C. Cette hauteur est exorbitante et semblerait faire croire qu'il y a faute en cet endroit, parce que, non seulement la tortue sous laquelle était le bélier n'avait pas le tiers de cette hauteur, et que, quand même le bélier aurait pu frapper à la distance de cent pieds, le coup n'aurait eu aucune force à cause de son obliquité, selon une remarque du chapitre suivant (p. 511) où il est question du siége de Marseille. (118) - Et carchesiorum. Ce mot signifie encore en grec la hune d'un vaisseau, et se prend aussi pour exprimer des mortaises. Le guindage, mot forgé par Perrault pour désigner cette machine particulière, est différent du guindas et de la grue qui servent à enlever les marchandises qui sont dans les vaisseaux , pour les poser sur terre : car le guindage (carchesium) était une machine composée d'un mât planté en terre, au haut duquel il y avait comme une antenne qui était placée horizontalement en forme de fléau de balance. On s'en servait pour élever les soldats jusque sur les murailles des places que l'on assiégeait. Voyez VÉGECE, de l'Art de la guerre, liv. IV, ch. 21. (119) - Interea rex Demetrius, qui propter animi pertinaciam Poliorcetes est appellatus. Demetrius, premier de ce nom, roi de Macédoine, surnommé Poliorcète, c'est-à-dire habile dans l'arc d'assiéger les villes (,πόλις, ville, ἔρκος, côèture, barrière), était fils d'Antigone, un des capitaines et successeurs d'Alexandre. Ce ne fut point son opiniâtreté qui lui valut son surnom; il ne prenait point les villes par une longue persévérance, car les historiens. rapportent qu'il prit la plus grande partie des plus fortes et des plus puissantes villes de la Grèce, comme Athènes, Mégare, Sicyone, Héraclée, Corinthe et Salamine, le même jour qu'elles avaient été assiégées. (120) - Is autem comparavit helepolim sumptibus immanibus L'hélépole (de ἑλεῖν, prendre, et de πόλις, ville) était une machine propre à battre les murailles d'une ville assiégée. Diodore de Sicilce (liv. XX, la met au nombre des lithoboles (machines qui lancent des pierres). Voici la description qu'il en fait : Demetrius ayant préparé quantité de matériaux de toute espèce, fit faire une machine qu'on appelle hélépole, qui surpassait en grandeur toutes celles qui avaient paru avant lui. La base en était carrée. Chaque face avait cinquante coudées. Sa construction était un assemblage de poutres équarries, liées avec du fer; de fortes planches distantes les unes des autres d'environ une coudée, traversaient cette base par le milieu, pour donner de l'aisance à ceux qui faisaient jouer la machine. Toute cette masse était mise en mouvement par le moyen de huit roues proportionnées au poids de la machine ; les jantes de ces roues garnies de cercles de fer étaient de deux coudées d'épaisseur, et, pour pouvoir imprimer à la machine toute sorte de directions, on y avait adapté des pivots mobiles. Les quatre angles étaient formés par quatre piliers de cent coudées de hauteur, et tellement inclinés les uns vers les autres, que la machine étant à neuf étages, le premier avait quarante-trois lits, et le dernier neuf seulement (on croit que par ces lits il faut entendre les solives qui soutenaient le plancher de chaque étage; c'est le sentiment de M. de Folard). Trois côtés de la machine étaient couverts de lames de fer, afin que les feux lancés de la ville ne pussent l'endommager. Chaque étage avait des fenêtres sur le devant d'une grandeur proportionnée à la grosseur des projectiles lancés sur l'ennemi. Au-dessus de chaque fenêtre était élevé un auvent, ou manière de rideau fait de cuir rembourré de laine, lequel s'abaissait à l'aide d'une machine, et contre lequel les coups portés par ceux de la place, perdaient toute leur force. Chacun des étages avait deux larges échelles, dont l'une servait pour porter aux soldats les munitions nécessaires; l'autre, pour descendre, afin de ne pas troubler la régularité du service. Trois mille quatre cents hommes poussaient cette machine, les uns par dedans, les autres par dehors. C'était l'élite de toute l'armée pour la force et pour la vigueur; mais l'art avec lequel cette machine avait été faite, facilitait beaucoup le mouvement. Un peu plus loin, Diodore ajoute que, dans une attaque nocturne, le côté de l'hélépole exposé aux projectiles enflammés des Rhodiens fut dégarni de ses lames de fer, et que le bois dénudé menaça de prendre feu; que Demetrius, craignant que sa machine ne fût mise, par l'effet du feu, hors d'état de servir, essaya d'éteindre la flamme au moyen des réservoirs d'eau ménagés aux étages de l'hélépole. (121) - Ea regione murum pertudit. Le trait est différement rapporté par Végèce, liv. IV, ch. 20. (122) - Sambucarum machinas. Nous avons vu que le nom de sambyce était donné à un instrument de musique triangulaire, composé de cordes faisant un des côtés, et du corps de l'instrument qui faisait les deux autres. La machine de guerre qui portait aussi ce nom, était ce que nous appelons un pont-levis; ce pont s'abattait, soutenu avec des cordes, et servait aux assiégeants pour passer de leurs tours sur les murs des assiégés. Ces cordes, qui formaient un triangle avec le pont et les poteaux qui soutenaient les cordes, avaient quelque ressemblance avec l'instrument de musique. (123) - Sed ibi malleolis confixae. Les assiégés mirent alors le feu à la flotte, en lançant dessus des flèches incendiaires. J'ai ainsi rendu le mot malleoli, d'après ce que dit Végèce, liv. III, ch. 18 : Malleoli velut sagittae sunt, et ubi adhaeserint, quia ardentes sunt, universa conflagrant. On voit aussi dans Nonius que c'étaient des machines enflammées par une composition combustible dont elles étaient entourées. Ammien Marcellin dit qu'elles étaient ferrées par le bout, qu'on les lançait avec des arcs, et que s'attachant aux machines de guerre et aux navires , elles les incendiaient. (124) - Quas potui de machinis expedire rationes. Ces différentes machines de guerre rendaient les siéges des anciens pour le moins aussi meurtriers que les nôtres. Ils en avaient de tous les genres, tant pour l'attaque que pour la défense, dont les effets étaient étonnants. Les siéges de Rhodes, de Chio et de Marseille dont parle Vitruve, prouvent combien leurs ingénieurs étaient habiles. Ce que, Plutarque (Vie de Marcellus) rapporte des machines employées par Archimède, pour défendre Syracuse, est encore plus prodigieux. Archimnède et Eudoxe furent les premiers, suivant lui, qui appliquèrent les principes de la géométrie aux machines ; il dit qu'Archimède le fit pour s'amuser et par délassement, d'après la demande de Hiéron, roi de Syracuse, son parent et son ami. Il ajoute que Platon fut indigné de ce qu'ils avaient ainsi corrompu et gâté l'excellence de la géométrie, en faisant descendre cette science, qui était tout intellectuelle et spirituelle, à des objets sensibles et matériels. Archimède avait composé, pour Hiéron, quantité de machines destinées à attaquer et à défendre les villes; mais si ce roi n'en fit point usage, à cause de la paix dont il jouit pendant tout son règne, elles servirent aux habitants de Syracuse, lorsque Marcellus, à la tête des armées romaines, vint assiéger cette ville par terre et par mer. Ils les trouvèrent toutes préparées, et, ce qui valait bien mieux encore, ils possédaient Archimède qui les avait inventées. L'armée romaine, qui devait attaquer par terre, marche vers les murs sous la conduite d'Appius. Marcellus, qui commandait les galères, s'avance du côté de la mer. Il avait fait lier ensemble huit de ces galères, et dresser dessus une énorme machine pour briser les murailles. L'épouvante s'empare alors des Syracusains qui se voient attaqués des deux côtés. Archimède seul reste sans inquiétude; il fait agir ses machines. Une infinité de traits partent à l'instant de tous les côtés, des pierres énormes sont lancées dans les airs avec un bruit épouvantable; elles brisent et renversent tout ce qu'elles rencontrent; rien ne peut résister à leur impétuosité; la confusion et le trouble règnent dans les rangs des Romains. Ce fut bien autre chose encore, quand les galères vinrent attaquer du côté de la mer : les unes sont plongées au fond des eaux par de longues pièces de bois semblables à des mâts, qui sont jetées avec des machines de dessus les murailles; d'autres sont enlevées par la proue avec des mains de fer et des crochets en forme de bec de grue, qui les dressent perpendiculairement sur les ondes, et y enfoncent leur poupe ; d'autres sont saisies en dedans par des machines tendues en sens contraire l'une de l'autre, qui leur font faire la pirouette dans les airs, et les brisent ensuite contre les rochers qui sont au pied des murailles. Rien n'était plus horrible que de voir ces galères s'élever et tournoyer dans les airs, où elles paraissaient suspendues avec toutes les personnes qui les montaient, dont la mort était certaine, puisque jetées au loin par le tournoiement, ces galères, à la fin, venaient se briser vides contre les murailles, ou retomber dans la mer quand les machines les lâchaient. Lorsque Marcellus fit approcher la machine qu'il avait placée sur plusieurs galères jointes ensemble, et qui s'appelle sambyce, parce qu'elle ressemble à l'instrument de musique qui porte le même nom, elle était encore éloignée, lorsqu'on lance sur elle de dessus la muraille une pierre énorme qui pesait mille livres, ensuite une seconde et puis une troisième qui tombe sur cette machine avec un bruit de tonnerre, la fracasse et disperse les galères qui la soutenaient, tellement que Marcellus ne sachant où il en était, fut obligé de se retirer et d'ordonner à ceux qui attaquaient du côté de la terre d'en faire autant. On tint conseil, et il fut décidé que le lendemain, avant le jour, on s'approcherait le plus près de la muraille qu'il serait possible, d'autant que les machines d'Archimède étant très tendues, elles lanceraient leurs pierres et leurs traits au-dessus de la tête des assiégeants et ne pourraient leur nuire d'aussi près. Mais Archimède avait tout prévu : il avait préparé des machines dont la portée était proportionnée à toutes les distances; de sorte que, quand les Romains s'approchent, croyant n'avoir rien à craindre, ils sont tout étonnés de se voir assaillis de nouveau par une infinité de traits, et accablés de pierres qui leur tombaient à plomb sur la tête. Ils furent contraints de se retirer encore une fois. Quoique éloignés, les traits des ennemis venaient encore les atteindre, sans qu'eux-mêmes pussent riposter, parce qu'Archimède avait dressé presque toutes ses machines à couvert derrière les murailles. Il semblait, dit Plutarque, qu'un dieu combattît les Romains, puisqu'on ne pouvait découvrir d'où partaient tous ces coups. Marcellus reprochait aux ingénieurs, qu'il avait dans son camp, de ne pouvoir venir à bout de ce géomètre qui avait submergé ses galères, anéanti ses sambyces, et surpassé les géants aux cent mains dont parlent les poëtes. Voyant ses gens si découragés et si effrayés que, dès qu'ils apercevaient le bout d'une corde ou de quelque pièce de bois sur les remparts, ils s'enfuyaient en criant qu'Archimède allait les écraser avec ses machines, il renonça à tenter aucun assaut, et résolut de traîner le siége en longueur. Il prit enfin Syracuse par surprise, et Archimède, profondément appliqué à résoudre un problème de géométrie, y fut tué par un soldat qui ne le reconnut point. |