Saint Jérôme

SAINT JERÔME

 

LETTRES

 

A EVAGRE, SUR LES DIACRES ET LES PRÊTRES.

EPISTOLA CXLVI.  AD EVANGELUM.

à Marcellus       à Marcella

 

 

 

 

SÉRIE VI. LETTRES.

A EVAGRE, SUR LES DIACRES ET LES PRÊTRES.

Lettre écrite du monastère de Bethléem, en 388.

EPISTOLA CXLVI.  AD EVANGELUM.

 

1. Legimus in Isaia: Fatuus fatua loquetur (Isai. 32. 6). Audio quemdam in  tantam erupisse vecordiam, ut Diaconos, Presbyteris, id est, Episcopis anteferret. Nam cum Apostolus perspicue doceat eosdem esse Presbyteros quos Episcopos, quid patitur mensarum et viduarum minister, ut supra eos se tumidus efferat, ad quorum preces Christi Corpus Sanguisque conficitur? Quaeris auctoritatem? Audi testimonium: Paulus et Timotheus servi Christi Jesu, omnibus sanctis in Christo Jesu, qui sunt Philippis, cum Episcopis et Diaconis (Philipp. 1. 1). Vis et aliud exemplum? In Actibus Apostolorum, ad unius Ecclesiae Sacerdotes ita Paulus loquitur: Attendite vobis et cuncto gregi, in quo vos Spiritus Sanctus posuit Episcopos, ut regeretis Ecclesiam Domini, quam acquisivit sanguine suo (Act. 20. 18). Ac ne quis contentiose in una Ecclesia plures Episcopos fuisse contendat, audi et aliud testimonium, in quo manifestissime comprobatur eumdem esse Episcopum atque Presbyterum. Propter hoc reliqui te in Creta, ut quae deerant corrigeres, et constitueres Presbyteros per civitates, sicut et ego tibi mandavi. Si quis est sine crimine, unius uxoris vir, filios habens fideles, non in accusatione luxuriae, aut non subditos. Oportet enim Episcopum sine crimine esse, quasi Dei dispensatorem (Tit. 1. 5 et seqq.). Et ad Timotheum: Noli negligere gratiam quae in te est, quae tibi data est prophetiae, per impositionem manuum Presbyterii (1. Tim. 4. 14). Sed et Petrus in prima Epistola: Presbyteros, inquit, in vobis precor Compresbyter, et testis passionum Christi, et futurae gloriae quae revelanda est, particeps, regere gregem Christi, et inspicere non ex necessitate, sed voluntarie juxta Deum (1. Petr. 5). Quod quidem Graece significantius dicitur ἐπισκοπου̃ντες id est, super intendentes, unde et nomen Episcopi tractum est. Parva tibi videntur tantorum virorum testimonia? Clangat tuba Evangelica, filius tonitrui, quem Jesus amavit plurimum, qui de pectore Salvatoris doctrinarum fluenta potavit (Joan. 21): Presbyter, Electae dominae et filiis ejus, quos ego diligo in veritate (2. Joan. 1). Et in alia Epistola: Presbyter,  Gaio carissimo, quem ego diligo in veritate (3. Joan. 1).

Quod autem postea unus electus est, qui caeteris praeponeretur, in schismatis remedium factum est: ne unusquisque ad se trahens Christi Ecclesiam rumperet. Nam et Alexandriae a Marco Evangelista usque ad Heraclam et Dionysium Episcopos, Presbyteri semper unum ex se electum, in excelsiori gradu collocatum, Episcopum nominabant: quomodo si exercitus Imperatorem faciat: aut Diaconi eligant de se, quem industrium noverint, et Archidiaconum vocent. Quid enim facit excepta ordinatione Episcopus, quod Presbyter non faciat? Nec altera Romanae urbis Ecclesia, altera totius orbis existimanda est. Et Galliae, et Britanniae, et Africa, et Persis, et Oriens et India, et omnes barbarae nationes, unum Christum adorant, unam observant regulam veritatis. Si auctoritas quaeritur, orbis major est Urbe. Ubicumque fuerit Episcopus, sive Romae, sive Eugubii, sive Constantinopoli, sive Rhegii, sive Alexandriae [e], sive Tanis, ejusdem meriti, ejusdem est et Sacerdotii. Potentia divitiarum, et paupertatis humilitas, vel sublimiorem, vel inferiorem Episcopum non facit. Caeterum omnes Apostolorum successores sunt.

2. Sed dices [al. dicis], quomodo Romae ad testimonium Diaconi, Presbyter ordinatur? Quid mihi profers unius urbis consuetudinem? quid paucitatem, de qua ortum est supercilium, in leges Ecclesiae vindicas? Omne quod rarum est, plus appetitur. Pulegium apud Indos pipere pretiosius est. Diaconos paucitas honorabiles, Presbyteros turba contemptibiles facit. Caeterum etiam in Ecclesia Romae, Presbyteri sedent, et stant Diaconi: licet paulatim increbrescentibus vitiis, inter Presbyteros, absente Episcopo, sedere Diaconum viderim: et in domesticis conviviis, benedictiones Presbyteris dare. Discant qui hoc faciunt, non se recte facere, et audiant Apostolos: Non est dignum, ut relinquentes verbum Dei, ministremus mensis (Actor. 6. 2). Sciant quare Diaconi constituti sint. Legant Acta Apostolorum, recordentur conditionis suae. Presbyter et Episcopus, aliud aetatis, aliud dignitatis est nomen. Unde et ad Titum, et ad Timotheum de ordinatione Episcopi et Diaconi dicitur (Tit. 1; 1. Tim. 3): de Presbyteris omnino reticetur: quia in Episcopo et Presbyter continetur. Qui provehitur, de minori ad majus provehitur. Aut igitur ex Presbytero ordinetur Diaconus, ut Presbyter minor Diacono comprobetur, in quem crescit ex parvo, aut si ex Diacono ordinatur Presbyter, noverit se lucris minorem, Sacerdotio esse majorem. Et ut sciamus traditiones Apostolicas sumptas de veteri Testamento, quod Aaron et filii ejus atque Levitae in Templo fuerunt, hoc sibi Episcopi et Presbyteri et Diaconi vindicent in Ecclesia.

1 Nous lisons dans le prophète Isaïe : « L'imprudent dira des extravagances. » J'apprends qu'un quidam a été assez fou pour préférer les diacres aux prêtres, c'est-à-dire aux évêques. Car lorsque l'apôtre saint Paul enseigne clairement que les prêtres sont les mêmes que les évêques, que veut donc le ministre des tables et des veuves quand il s'élève orgueilleusement au-dessus de ceux qui consacrent par leurs prières le corps et le sang de Jésus-Christ? Voulez-vous une autorité? Écoutez l'apôtre saint Paul, dans son épître aux Philippiens : « Paul et Timothée, serviteurs de Jésus-Christ, à tous les saints en Jésus-Christ qui sont à Philippes, avec les évêques et les diacres. » En voulez-vous encore une autre? Voici comment saint Paul parle, dans les Actes des Apôtres, aux prêtres d'une seule Eglise : « Prenez garde à vous-mêmes et à tout le troupeau sur lequel le Saint-Esprit vous a établis évêques pour gouverner l'Église de Dieu, qu'il a acquise au prix de son sang. » Mais pour qu'on ne soutienne pas mal à propos qu'il y avait plusieurs évêques dans une seule Eglise, voici un autre endroit qui montre clairement que l'Apôtre ne met aucune différence entre l'évêque et le prêtre: « Je vous ai laissé en Crète, écrit-il à Tite, pour régler tout ce qu'il y a à régler, et pour établir des prêtres en chaque ville, selon l'ordre que je vous en ai donné, choisissant celui qui sera irréprochable, qui n'aura épousé qu'une femme, dont les enfants seront fidèles, chastes et obéissants. Car il faut que l'évêque soit irréprochable comme le dispensateur de Dieu. » Et dans sa première épître à Timothée : « Ne négligez pas la grâce qui est en vous, qui vous a été donnée, suivant une révélation prophétique, par l'imposition des mains des prêtres. » Saint Pierre, dans sa première épître, dit encore: « Je m'adresse à vous, prêtres, moi, prêtre comme vous, témoin des souffrances de Jésus-Christ, et devant participer à sa gloire, qui sera un jour révélée; paissez le troupeau de Dieu qui vous est confié, veillez sur sa conduite, non par une nécessité forcée, mais par une affection toujours volontaire et selon Dieu. » Le texte grec a quelque chose encore de plus expressif, car il porte episkopos, qui signifie « surveillant, » d'où est dérivé le nom « d'évêque. » L'autorité de si grands hommes vous parait elle faible, écoutez la trompette évangélique, l'enfant du tonnerre, le disciple que Jésus aima et qui, s'étant reposé sur son sein, y puisa, comme à une source, une doctrine céleste. « Le prêtre à Electa, et à ses enfants, que j'aime dans la vérité; » et, dans une autre épître : « Le prêtre à mon cher Caïus, que j'aime dans la vérité. »

Que si dans la suite on en a choisi un pour l'élever au-dessus des autres, cela ne s'est l'ait que contre les schismes qui auraient immanquablement déchiré l'Église de Jésus-Christ. 493 En effet, nous voyons que dans l'église d'Alexandrie, depuis l'évangéliste saint Marc jusqu'au temps des évêques Héraclas et Denis, les prêtres en choisissaient un parmi eux qu'ils mettaient sur un siège plus élevé, et auquel ils donnaient le nom « d'évêque;» à peu près comme une armée élit un général, ou comme les diacres choisissent le plus capable d'entre eux, en lui donnant le nom « d'archidiacre. » En effet, que fait l'évêque que le prêtre ne fasse aussi, l'ordination? Il ne faut pas s'imaginer que l'Église romaine soit une Eglise différente de l'église universelle. Les Gaulois, les Bretons, les Africains, les Persans, les Indiens, tout l'Orient et tous les peuples barbares n'adorent qu'un même Jésus-Christ et ont une même règle de vérité. Si c'est l'autorité que l'on recherche, l'univers est plus grand qu'une seule ville. Un évêque, de quelque ville du monde qu'il soit évêque, de Rome ou de Guebio, de Constantinople ou de Reggio, d'Alexandrie ou de Tunis, porte partout le même caractère ; c'est la même dignité et le même sacerdoce. Riche ou pauvre, il ne devient ni plus considérable par ses richesses, ni plus méprisable par sa pauvreté. Tous les évêques sont les successeurs des Apôtres.

2 Mais, me direz-vous, d'où vient donc qu'à Rome on n'ordonne point un prêtre, si un diacre ne rend témoignage en sa faveur? Pourquoi m'opposer la coutume d'une seule Eglise?Pourquoi me faire une loi d'un usage particulier, qui est une cause de présomption et d'orgueil? 'l'out ce qui est rare est vivement recherché. On fait plus de cas du thym dans les Indes que du poivre, parce qu'il n'y est pas si commun. Le petit nombre a fait estimer les diacres, et le grand nombre de prêtres les a rendus méprisables. Au reste, dans l'Église de Rome même, les diacres se tiennent debout pendant que les prêtres sont assis; quoique, par un abus qui s'est insensiblement glissé, j'y aie vu un diacre s'asseoir au rang des prêtres, en l'absence de l'évêque, et même donner la bénédiction de la table en leur présence. Mais que ceux qui agissent ainsi apprennent qu'ils font mal ; qu'ils écoutent les Apôtres : « Il n'est pas bon que nous quittions la prédication de la parole de Dieu pour avoir soin des tables; » qu' ils apprennent pourquoi les diacres ont été établis dans l'Église; qu'ils lisent les Actes des Apôtres, et qu'ils se souviennent de leur ordre. Le nom du prêtre marque l'âge, et celui de l'évêque la dignité. Delà vient que, dans les épîtres à Timothée et à Tite, il n'est parlé que de l'ordination des évêques et des diacres, sans aucune mention des prêtres, parce que les prêtres sont compris sous le nom d'évêque. Veut-on élever quelqu'un? on le tire d'un rang intérieur pour un rang supérieur. Si l'on prétend que le prêtre est au-dessous du diacre, qu'on le fasse passer de la prêtrise au diaconat, comme d'un ordre inférieur à un ordre supérieur. Mais puisque l'on passe du diaconat au sacerdoce, il faut qu'on avoue que le prêtre est au-dessus du diacre par sa dignité et par son caractère, quoique peut-être le diacre soit au-dessus du prêtre par ses revenus et par ses richesses. Et afin que nous sachions que les traditions apostoliques sont fondées sur l'Ancien-Testament, les évêques, les prêtres et les diacres sont maintenant dans l'Église ce qu'Aaron, ses enfants et les lévites étaient autrefois dans l'ancienne loi.