Saint Jérôme

SAINT JERÔME

 

LETTRES

 

A SAINT AUGUSTIN.

EPISTOLA CXXXIV AD AUGUSTINUM.

à la vierge Eustochia       à Saint Augustin

 

 

 

 

SÉRIE VI. LETTRES.

A SAINT AUGUSTIN.

Compliments à saint Augustin. — Rareté en orient des copistes latins. — Vol des manuscrits de saint Jérôme.

En 416.

EPISTOLA CXXXIV AD AUGUSTINUM.

 

 

Domino vere sancto et omni mihi affectione venerabili Papae AUGUSTINO HIERONYMUS in Christo salutem.

1. Virum honorabilem fratrem meum, filium dignationis tuae, Orosium Presbyterum, et sui merito et te jubente suscepi. Sed incidit tempus difficillimum, quando mihi tacere melius fuit quam loqui: ita ut nostra studia cessarent, et juxta Appium canina exerceretur facundia. Itaque duobus libellis tuis, quos meo nomini dedicasti, eruditissimis et omni eloquentiae splendore fulgentibus, ad tempus respondere non potui. Non quo quidquam in illis reprehendendum putem; sed quia juxta  Apostolum, unusquisque in suo sensu abundet: alius quidem sic, alius autem sic (Rom. 14. 5). Certe quidquid dici potuit, et sublimi ingenio de Scripturarum sanctarum hauriri fontibus, a te positum atque dissertum est. Sed quaeso reverentiam tuam, parumper patiaris me tuum laudare ingenium. Nos enim inter nos erudiditionis causa disserimus. Caeterum aemuli et maxime haeretici, si diversas inter nos sententias viderint, de animi calumniabuntur rancore descendere. Mihi autem decretum est te amare, te suspicere, colere, mirari, tuaque dicta quasi mea defendere. Certe et in Dialogo quem nuper edidi, tuae beatitudinis ut dignum fuerat recordatus sum: magisque demus operam, ut perniciosissima haeresis  de  Ecclesiis auferatur, quae semper simulat poenitentiam; ut docendi in Ecclesiis habeat facultatem: ne si aperta se luce prodiderit, foras expulsa moriatur.

2. Sanctae ac venerabiles filiae tuae Eustochium et Paula (Junior), et genere suo, et exhortatione tua digne gradiuntur; specialiterque salutant beatitudinem tuam: omnis quoque fraternitas, quae nobiscum Domino Salvatori servire conatur. Sanctum Presbyterum Firmum, anno praeterito ob rem earum Ravennam, et inde Africam, Siciliamque direximus: quem putamus jam in Africae partibus commorari. Sanctos tuo adhaerentes lateri, ut meo obsequio salutes, precor. Litteras quoque meas ad sanctum Presbyterum Firmum direxi, quae si ad te venerint, ei dirigere non graveris. Incolumem te et mei memorem Christus Dominus custodiat, domine vere sancte  et beatissime Papa.

Et subter.

Grandem Latini sermonis in ista provincia notariorum patimur penuriam; et idcirco praeceptis tuis parere non possumus, maxime in editione Septuaginta, quae asteriscis verubusque distincta est. Pleraque enim prioris laboris fraude cujusdam amisimus.

 

 

1 J'ai reçu votre cher fils et mon très cher frère, le prêtre Orose, avec toutes les marques d'estime et d'amitié que je devais et à son propre mérite et à votre recommandation. Mais il est arrivé ici dans un fâcheux moment, où j'ai cru qu'il était plus à propos de me taire que de parler, ce que je ne pouvais faire d'ailleurs sans interrompre mes études et perdre mon temps à des écrits remplis d'aigreur, et qu'Appius appelle « l'éloquence des chiens. » C'est ce qui m'a empêché de répondre aux deux livres que vous avez eu la bonté de m'envoyer, et où vous montrez beaucoup d'érudition et d'éloquence. Quand je parle d'y faire réponse, ce n'est pas que j'y trouve matière à critique, mais c'est que, selon l'apôtre saint Paul, « chacun abonde en son sens, l'un d'une manière et l'autre d'une autre. » Au reste vous avez épuisé le sujet en ramassant et en expliquant tout ce qu'un sublime génie est capable de tirer du fond des saintes Ecritures. Souffrez un peu, je vous prie, que je vous loue à cette occasion. Lorsque nos envieux, et particulièrement les hérétiques, sauront que nous sommes partagés, vous et moi, sur le sens des Ecritures, ils ne manqueront pas de dire que l'aigreur et la passion ont fait naître nos disputes; mais pour moi j'aurai toujours de l'amitié, du respect, de l'estime et de l'admiration pour vous, et je soutiendrai vos sentiments comme les miens propres; aussi vous ai-je cité avec éloge dans un dialogue contre les Pélagiens, que j'ai donné depuis peu au public. Au lieu donc de nous amuser à disputer, travaillons de concert à exterminer ces pernicieux hérétiques, qui, par une patience affectée, l'ont semblant de désavouer leurs erreurs, afin de pouvoir les débiter plus librement, et qui ne prennent tant de soin de cacher le venin de leur hérésie, que pour éviter la honte de la voir bannir d'entre les fidèles, et expirer sous les anathèmes de l'Église.

2 Vos saintes et vénérables filles, Eustochia et Paula (1), marchent toujours dans les sentiers de la vertu d'une manière digne de leur naissance et des salutaires avis que vous leur avez donnés. Elles vous présentent leurs très humbles respects, aussi bien que tous les frères qui servent ici le Seigneur avec nous. Nous avons envoyé à Ravenne, dès l'année passée, le saint prêtre Firmus, pour prendre soin de leurs affaires; il doit passer de là en Sicile et en Afrique, où je crois qu'il est déjà arrivé. Je vous prie de saluer de ma part votre sainte communauté, et de faire tenir au saint prêtre Firmus les lettres que je lui écris, si elles tombent entre vos mains. Je vous demande toujours quelque part à votre souvenir, et prie notre Seigneur Jésus-Christ de vous conserver en santé.

Nous avons ici très peu de copistes capables de transcrire les livres latins; c'est ce qui m'empêche de faire ce que vous souhaitez de moi, surtout à l'égard de La version des Septante, qui est remplie d'obèles et d'astérisques; car on m'a volé une partie de ce que j'avais déjà fait.

(1)  Paula la jeune.