Saint Jérôme

SAINT JERÔME

 

LETTRES

 

A LA VIERGE EUSTOCHIA.

COMMENTARIUM IN ISAIAM PROPHETAM LIBRI DUODEVIGINTI. Prologus liber II.

à la vierge Eustochia       à la vierge Eustochia

 

 

 

 

SÉRIE VI. LETTRES.

625 A LA VIERGE EUSTOCHIA.

Maladies fréquentes de Jérôme. — Il parle de sa mort prochaine; il n'a souci que du jugement de Dieu.

Lettre écrite en 413.

COMMENTARIUM IN ISAIAM PROPHETAM LIBRI DUODEVIGINTI. Prologus liber XIV.

 

LIBER DECIMUS QUARTUS

Dominus qui respicit terram, et facit eam tremere, qui tangit montes, et fumigabunt, qui loquitur in Deuteronomii cantico: Ego occidam, et ego vivificabo; percutiam et ego sanabo. Frequentibus morbis meam quoque terram fecit contremiscere, cui dictum est; Terra es, et in terram ibis.

Et oblitum conditionis humanae, crebro admonet, ut hominem et senem, et iamiamque moriturum esse me noverim. De quo scribitur: Quid gloriatur terra et cinis? Unde qui me subito languore percusserat, incredibili velocitate sanavit, ut terreret potius, quam affligeret, et emendaret magis quam verberaret. Itaque sciens cuius sit omne quod vivo, et quod idcirco forsitan mea dormitio differatur, ut coeptum in prophetas opus expleam, totum me huic trado studio, et quasi in quadam specula constitutus, mundi huius turbines atque naufragia, non absque gemitu et dolore contemplor; nequaquam praesentia cogitans, sed futura; nec hominum famam atque rumusculos, sed Dei iudicium pertremiscens.

Tuque virgo Christi Eustochium, quae aegrotantem tuis orationibus adiuvisti, sanato quoque imprecare gratiam Christi, ut eodem spiritu, quo prophetae futura cecinerunt, possim in nubem eorum ingredi et caliginem, et Dei nosse sermonem, qui nequaquam carnis auribus, sed cordis auditur. Et dicere cum propheta: Dominus dat mihi linguam disciplinae, ut sciam quando oporteat me loqui. Quod testimonium quarti et decimi in Esaiam libri, quem nunc disserere cupio, principium est.

 

 

Le Seigneur qui regarde la terre et qui la fait trembler, qui touche les montagnes et qui les fait fumer, qui dit dans le cantique du Deutéronome : « Je tuerai et je donnerai la vie, je frapperai et je guérirai , » a fait aussi, par de fréquentes maladies, trembler ma chair, cette chair dont il est dit : «Vous êtes terre, et vous retournerez en terre. »

Et il me rappelle souvent à moi, qui oublie la fragilité de la rature humaine , que je suis homme d'abord, vieux, et sur le point de mourir. C'est à ce sujet que l'Ecclésiaste dit: « De quoi vous glorifiez-vous, terre et poussière? » Le Seigneur, qui m'avait frappé de maladie, m'a guéri avec une incroyable promptitude; il l'avait l'ait plutôt pour m'effrayer que pour me châtier. C'est pourquoi , sachant à qui appartient tout ce qui a vie, et que peut-être ma mort n'est différée que pour terminer le travail entrepris sur les prophètes, je m'y livre tout entier. Et comme enfermé dans une caverne, je contemple, non sans gémissements et sans douleur, les naufrages et les révolutions de ce monde; n'ayant aucun souci des choses présentes, mais des futures, ne redoutant ni le bruit ni les propos des hommes, mais redoutant le jugement de Dieu.

Et vous, Eustochia, vierge du Christ, qui m'avez secouru de vos prières dans ma maladie, demandez pour moi la grâce du Christ afin d'avoir l'esprit qui animait les prophètes en prédisant l'avenir: afin de pouvoir m'élever à la hauteur de leurs mystères, connaître la Parole de Dieu , que l'âme comprend et non le corps, et pouvoir dire avec le prophète : « Seigneur, donnez-moi la connaissance de la science, afin de savoir quand il faut parler. »