II. LA DYNASTIE DES OMEYYADES
la dynastie des quatres premiers Khalifes - la dynastie abbaside
Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer
Lorsque l'Emir des Croyants 'Ali eut été tué, le peuple désigna comme khalife Hasan, fils d’'Ali. Celui-ci attendit quelques mois avant de se rencontrer avec Mouâwiya, puis tous deux se réconcilièrent sous l'empire des nécessités présentes dont Hasan était mieux informé[1] que nul autre, et il remit le khalifat à Mouâwiya pour se rendre lui-même dans la direction de Médine. Mouâwiya fut reconnu comme khalife sans partage et proclamé Emir des Croyants, et cela en l’an 40 de l'Hégire (=661 de J.-C.).
Voici quelques détails biographiques et quelques renseignements sur la conduite de Mouâwiya. Il était fils d'Abou Soufyân Sakhr, fils de Harb, fils d'Oumayya, fils d'Abd Chams, fils d'Abd Manâf. Son père Abou Soufyân, l'un des cheikhs de La Mecque, s'était converti à l'Islamisme dans l'année où le Prophète conquit La Mecque.[2] Mouâwiya se fit également musulman ; il écrivit le texte de la révélation parmi ceux qui l'écrivirent en présence du Prophète. Sa mère, Hind,[3] fille d’Otba, appartenait à une famille noble de Qoraisch, Elle se fit musulmane dans l'année de la prise de La Mecque, et assista à la bataille d'Ouhoud.[4] Lorsque Hamza,[5] fils d’Abd al-Mouttalib, oncle paternel de notre maître l'Envoyé d'Allah, fut renversé du coup de lance qui l'acheva, Hind s'avança, mutila Hamza, détacha un morceau de son foie et le mâcha par ressentiment contre lui, parce qu'il lui avait tué plusieurs de ses plus proches parents. C'est pourquoi on nomme Mouâwiya « le fils de la mangeuse d'entrailles ». Lorsque le Prophète eut conquis La Mecque, elle se présenta à lui sous un déguisement au milieu d'autres femmes de La Mecque venues pour lui jurer hommage. Lorsque Hind s'avança pour cette cérémonie, le Prophète lui imposa les conditions de l’Islâm, sans qu'il sût qu'elle était Hind. Elle lui fit des réponses hardies, malgré la peur qu'elle avait de lui. Parmi les propos qu'ils échangèrent, il lui dit : « Vous me jurez de ne plus tuer vos enfants. » Or, à l'époque de l'ignorance, les Arabes tuaient leurs enfants, Hind répondit : « Quant à nous, nous les avons élevés quand ils étaient petits, et tu les as tués quand ils sont devenus grands, à la journée de Badr. — Engagez-vous aussi à ne point me désobéir dans le bien. » Elle reprit : « Nous n'aurions point pris place dans cette réunion, s'il était dans nos intentions de nous révolter contre toi. — Et aussi à ne point voler. — Par Allah ! je n'ai jamais rien volé de ma vie ; seulement, à une certaine époque, je prenais quelque peu du bien d'Abou Soufyân. » Or, Abou Soufyân, son mari, était là présent. C'est alors seulement que l'Envoyé d'Allah sut que c'était Hind. « C'est Hind ? dit-il. — Oui, répondit-elle, ô Apôtre d'Allah. » Le Prophète ne dit rien, parce que la conversion à l’islâm avait supprimé[6] tous les actes antérieurs. Puis il dit : « Plus d'adultère ! « Elle répondit : « La femme bien née commet-elle l'adultère ? » Alors, d'après ce que l'on raconte, l'Apôtre d'Allah se retourna vers 'Abbâs[7] et sourit.
Quant à Mouâwiya, il était intelligent en ce qui touche la vie de ce monde, sensé, instruit, doux ; il se montra un roi puissant, un politique habile, un excellent administrateur des affaires temporelles, un prince intelligent, sage, s'exprimant bien, éloquent. Il était doux à l'heure de la douceur, énergique à l'heure de l'énergie ; seulement la douceur l'emportait chez lui. Généreux, prodigue de son bien, amoureux et épris du pouvoir, il comblait de ses bienfaits les plus nobles de ses sujets : c'est ainsi que les plus illustres Qoraichites, tels qu'Abd-Allah, fils d' Abbas ; 'Abd-Allah, fils de Zoubair ; Abd-Allah, fils de Djafar Tayyâr ; 'Abd-Allah, fils d'Omar ; Abd er-Rahman, fils d'Abou Bakr ; Abân,[8] fils d'Othman, fils d'Affân, et plusieurs descendants[9] d'Abou Thâlib ne cessaient pas de venir le trouver à Damas. Il leur offrait alors des habitations splendides, [10] des repas magnifiques, la satisfaction de tous leurs désirs. Quant à eux, ils ne cessaient pas pour cela de lui parler durement, de lui jeter à la face les plus grossières injures, tandis que tantôt il plaisantait avec eux, tantôt il faisait semblant de ne pas les entendre ; et il ne faisait que renouveler à leur égard ses hautes faveurs et ses riches présents. Il dit un jour à Qais,[11] fils de Sa'd, fils d’Oubâda, l'un des Ansâr : « O Qais, par Allah ! je souhaitais que de ton vivant fussent terminées les guerres qui ont eu lieu entre moi et 'Ali. » Qais répondit : « Par Allah ! il me répugnait de voir ces guerres se terminer, et toi devenir Emir des Croyants. » Mouâwiya se tut. Et encore cela compte parmi les plus douces paroles qu'ils lui adressaient. Mouâwiya adressa à l'un des Ansârs 500 dinars. Celui-ci trouva que c'était bien peu et dit à son fils : « Prends-les, va chez Mouâwiya, jette-les lui à la face et refuse-les lui. » Le père adjura son fils d'agir ainsi. Le fils se rendit chez Mouâwiya, porteur de la somme, et dit : « Émir des Croyants, mon père a de la vivacité et de la précipitation ; il m'a donné tel et tel ordre et m’a adjuré de l'exécuter. Or, je ne peux pas lui désobéir, » Mouâwiya mit sa main sur son visage et dit : « Fais ce que ton père ta ordonné, et ménage ton oncle paternel.[12] » Le jeune homme rougit et jeta l'argent. Mouâwiya le doubla et le fit porter à l'Ansârite. Le fils de Mouâwiya, Yazid, en apprenant cela, entra tout irrité chez son père et dit : « Tu as exagéré la douceur, et je crains que cela ne soit compté comme de la faiblesse et de la lâcheté. « Mouâwiya reprit : « Mon cher enfant, jamais la douceur n'amène ni le repentir ni la honte. Vas-t'en et laisse-moi agir à ma guise. »
Et c'est grâce à une telle conduite que Mouâwiya devint le khalife du monde, et que, parmi les fils des compagnons de l'Hégire et des Ansârs, il obtint la soumission de tous ceux qui étaient cependant convaincus d'avoir plus de titres que lui au khalifat. Or, Mouâwiya était un des plus habiles entre les habiles.
On rapporte qu’Omar, fils d'al-Khattâb, dit à ses familiers : « Vous rappelez Chosroès et César et leur habileté à tous deux, quand Mouâwiya est l'un des vôtres. »
L'une des habiletés de Mouâwiya consista à gagner 'Amr, fils d’'al-'As, un habile s'il en fut. Au début de la guerre civile qui se poursuivit entre l'Émir des Croyants et Mouâwiya, 'Amr s'était tenu à l'écart des deux partis.
Mouâwiya résolut de le gagner et de s'appuyer sur ses avis, son habileté et sa ruse. Il chercha donc à se l'attacher, lia amitié avec lui, et le préposa au gouvernement de l'Egypte. Il entra avec lui dans les combinaisons que tout le monde connaît, et fit d'accord avec lui à Siffîn les actes que l'on sait. Et pourtant, jamais il n'y eut entre eux une affection de cœur ; bien au contraire, ils se détestaient secrètement. Et parfois, ces sentiments se manifestèrent, ou sur les traits de leurs visages, ou dans les incartades de leurs langages. A Siffîn, l'Emir des Croyants 'Ali demanda à Mouâwiya de se mesurer avec lui dans un combat singulier. 'Amr, fils d’'al-'As, dit à Mouâwiya : « Ali t'a traité avec équité, et il ne te convient pas de reculer devant un combat singulier avec lui. » Mouâwiya répondit : « Tu me trompes, et tu aimerais me voir mourir. Ne sais-tu pas qu'avec le fils d'Abou Thâlib personne ne se mesure sans être tué par lui ? »
Mouâwiya dit un jour à ses compagnons : « Qu’y a-t-il au monde de plus étonnant ? — Ce sont, dit Yazid, [13] ces nuages qui demeurent en équilibre entre le ciel et la terre, sans être étayés par rien au-dessous d'eux, ni suspendus[14] à rien au-dessus. — C'est, dit un deuxième, un bonheur qui échait à l'ignorant, et un échec qui atteint l'intelligent. — C'est, dit un autre, une chose quelconque telle qu'on n'en a jamais vu de pareille. » 'Amr, fils d’'al-'As, dit à son tour : « Ce qu'il y a au monde de plus étonnant, c'est que le fourbe l'emporte sur l'homme véridique. » Il faisait ainsi allusion à 'Ali et Mouâwiya. Celui-ci dit alors : « Non, ce qu'il y a au monde de plus étonnant, c'est qu'un homme soit gratifié de ce qu'il ne mérite pas, alors qu'il n'inspire aucune crainte. » Il faisait allusion à 'Amr et au gouvernement de l'Egypte (qu'il lui avait confié). Et chacun d'eux crachait ainsi à l'autre ce qu'il avait sur le cœur.
Et sache que Mouâwiya fut un organisateur d'empires, un habile gouverneur de peuples et un grand administrateur de royaumes. Il inaugura bien des choses, dans lesquelles nul ne l'a devancé. C'est ainsi qu'il fut le premier à établir une escorte pour les rois, à faire lever les lances devant eux, et à réserver dans la mosquée une chambre grillagée[15] où priait le roi ou le khalife, dans la mosquée, isolé des autres fidèles. Et cela, parce que Mouâwiya s'effrayait de ce qui était arrivé à l'Emir des Croyants 'Ali ; aussi faisait-il la prière, seul, dans une loge grillagée. Lorsqu'il se prosternait, les gardes du corps faisaient à sa tête un rempart de leurs épées.
Il fut aussi le premier à établir la poste (barîd) pour hâter l'arrivée des nouvelles.
Voici en quoi consistait la poste. Des chevaux bien dressés étaient répartis dans un certain nombre d'endraits. Le porteur de la nouvelle pressante était-il parvenu à l'une de ces stations sur son cheval fatigué, il montait sur un autre cheval reposé, et ainsi de suite à chaque relai, jusqu'à arriver à destination avec rapidité. Quant au mot barîd (poste), il signifie dans la langue : 12 milles, et je pense qu'il représente la plus grande distance que Ton ait fixée entre deux relais. Et le sahib (ministre) 'Alâ ad-Dîn 'Atâ Malik a dit, dans son livre intitulé le Conquérant du monde (Djihan Kouchay) : « Et entre autres choses, ils ont établi partout la poste dans un double but : la conservation de la loi, une publique et la transmission rapide des nouvelles et de la succession continue des événements. » Et je ne vois, pour ma part, d'autre utilité à la poste, si ce n'est la transmission rapide des dépêches. Quant à la conservation de la fortune, par quels liens peut-elle y être rattachée[16] ?
Parmi les innovations de Mouâwiya dans l'administration, je citerai le bureau du sceau (Diwan al-khâtan). C'est un bureau qui prit une très grande importance entre tous, et qui ne cessa pas d'être maintenu jusqu'au milieu de la dynastie 'abbâside. Puis il fut supprimé. Il occupait un certain nombre de fonctionnaires ; toute pièce portant le chiffre du khalife et contenant un ordre quelconque devait y être produite pour être transcrite sur les registres de ce bureau ; on faisait passer ensuite le document à travers un fil, et on le scellait avec de la cire, comme c'est aujourd'hui l'usage pour les écrits des qâdîs ; enfin, le chef de ce bureau y apposait son sceau. Ce qui avait porté Mouâwiya à créer ce bureau, c'est qu'il avait délégué sur Ziyâd ibn Abîhi (fils de son père), gouverneur de l'Iraq, le paiement de 100.000 dirhems. Le porteur[17] du mandat le lut. Or, à cette époque, les rescrits des khalifes étaient remis sans être scellés. L'homme mit « deux cents » au lieu de cent. Lorsque Ziyâd présenta sa comptabilité à Mouâwiya, celui-ci réclama et dit : « Je ne lui ai donné qu'un mandat de 100.000 », et il lui fit rembourser la somme, [18] et créa le bureau du sceau. Dès lors, les rescrits émanant du khalife circulaient revêtus du sceau, sans que personne put en connaître ni en altérer le contenu.[19]
Mouâwiya n'avait qu'une ambition, celle de bien administrer les choses temporelles ; tout lui était égal, du moment que l'ordre régnait dans les affaires du royaume. Regarde le portrait qu'a tracé de lui 'Abd al-Malik, fils de Marvân : ce sont précisément ces qualités qu'il a estimées en lui. Un jour, dit-on, 'Abd al-Malik, fils de Marvân, passa devant le tombeau de Mouâwiya et dit : « Dieu ait pitié de lui ! » Quelqu'un demanda au khalife : « De qui est-ce là le tombeau, ô Emir des Croyants ? — C'est, par Allah ! répondit-il. le tombeau d'un homme qui, d'après ce que j'ai appris, parlait par science et se taisait par bonté ; lorsqu'il donnait, il enrichissait ; lorsqu'il combattait, il anéantissait.[20] »
'Abd-Allah, fils d’'Abbâs, un critique sévère, dit de Mouâwiya : « Je n'ai jamais vu prince ni roi ayant plus d'aptitudes à ces dignités que Mouâwiya. »
Un des Omeyyades dit à Mouâwiya : « Par Allah ! si tu avais pu trouver une aide même dans les Zandjs, certes tu n'aurais pas manqué de t'en servir pourvu que cela t'assure l'ordre dans le royaume. »
Mouâwiya était insatiable de nourriture, et s'en montrait avare, malgré la noblesse et la générosité de son caractère. Cela allait si loin qu'il faisait, dit-on, chaque jour cinq repas, dont le dernier était le plus copieux. Puis il disait : « Serviteur, emporte. Par Allah ! je ne suis pas rassasié, mais je suis fatigué de manger. »
On raconte qu'on lui avait préparé un veau rôti. Il mangea, de plus, un panier de pain blanc, quatre gâteaux cuits au four, un chevreau chaud, un second froid, et d'autres plats encore ; et il fit placer devant lui 100 livres de fèves vertes. Il vint à bout de tout cela !
Ce qui prouve encore son avarice en ce qui touche la nourriture, c'est qu'Ibn Abou Bakra, [21] accompagné de son fils, entra un jour chez Mouâwiya. Le jeune homme se mit à manger sans mesure, tandis que Mouâwiya le regardait de côté. Ibn Abou Bakra s'aperçut de la colère de Mouâwiya et voulut gronder son fils de tant manger ; mais il n'en trouva pas l'occasion. Tous deux quittèrent Mouâwiya ; le lendemain matin, le père se présente seul chez le khalife, qui lui dit : « Comment va ton fils ? — Il a eu une indigestion. Émir des Croyants, répondit-il. — Je savais bien, dit Mouâwiya, que cette mangeaille ne manquerait pas de le rendre malade.[22] »
C'est ici qu'il convient de placer une jolie anecdote, où l'on verra de la noblesse, du caractère et des qualités éminentes. Un certain vizir était épris de la bonne chère, et aimait quiconque mangeait avec lui. Faisait-on honneur à sa table, on était plus sur de gagner son cœur. Il arriva qu'un jour ce vizir, voulant tourmenter un des plus grands seigneurs parmi les descendants d’Ali, lui présenta le compte total de ce qu'il devait pour l'impôt foncier, pour des revenus publics dont il était fermier et autres arriérés, et lui en réclama le montant, puis le fit garder à vue dans sa propre maison, je veux dire la maison même du vizir. Or, un jour, quand on venait de servir un repas solennel[23] devant le vizir, l’Alide dit à ses gardiens : « J'ai faim ; me permettez-vous d'aller dans votre société jusqu'à la nappe de cuir ? Je mangerai et je reviendrai ici. » Or, l'Alide avait bien compris le caractère du vizir. On n'osa pas lui refuser et on l'autorisa à faire ce qu'il avait demandé. Il alla s'asseoir tout à fait à l'extrémité de la nappe et se mit à dévorer avec avidité. Le vizir le regarda de côté tandis qu'il était tout absorbé à manger ; il le fit alors approcher, le fit monter à la place d'honneur de la salle et lui offrit les mets les plus exquis du repas. Et plus le convive mettait d'ardeur à manger, plus le vizir se déridait et s'épanouissait. Lorsqu'on eut desservi la nappe, le vizir demanda un brasero allumé, fit apporter le compte qui avait été réclamé au débiteur, puis il dit : « Seigneur (Sayyid[24]), Allah, t'a soulagé de cette dette, et tu en es quitte. Et par Allah, je le jure, par ton aïeul[25] je ne possède pas d'autre exemplaire de ce compte, ni chez moi, ni dans mes bureaux. » Puis il jeta dans le brasero le compte qui fut consumé par les flammes. Le vizir mit ensuite l'Alide en liberté et lui permit de retourner dans sa maison.
Et peu d'événements pesèrent autant sur les hommes en général et sur les Omeyyades en particulier que l'affaire de la légitimation : Mouâwiya reconnut Ziyâd[26] ibn Abihi (le fils de son père) comme son frère véritable, afin de pouvoir augmenter sa puissance par son concours et de pouvoir s'appuyer sur son jugement et sa finesse.
Voici quelques renseignements sommaires sur ce qui se passa lors de la légitimation.
Soumayya, [27] la mère de Ziyâd, était une femme de mauvaise vie, parmi les Arabes. Elle était mariée avec un nommé 'Obeïd.[28] Il arriva qu'Abou Soufyân, le père de Mouâwiya, descendît chez un cabaretier qu'on appelait Abou Maryam. Abou Soufyân lui demanda une fille de joie. « Soumayya te conviendrait-elle ? » répondit Abou Maryam. Or, Abou Soufyân la connaissait. « Amène-la-moi, dit-il, malgré la longueur de ses mamelles et la puanteur de son ventre » (et le mot « dzafar » signifie puanteur, air empesté). Le cabaretier amena la fille, Abou Soufyân eut commerce avec elle, et de son fait elle conçut Ziyâd, puis le mit au monde dans le lit d'Obeïd son mari. Ziyâd grandit, reçut de l'instruction, se distingua, et occupa diverses fonctions. 'Omar, fils d'al-Khattâb, le mit à la tête d'une préfecture, qu'il administra fort bien. Un jour, il assista au conseil que tenait 'Omar, conseil où se trouvaient les plus illustres parmi les Compagnons du Prophète ; Abou Soufyân était parmi les assistants. Ziyâd prononça une allocution d'une éloquence inouïe. 'Amr, fils d’'Al-'As, dit : « Comme Allah a doué ce jeune homme ! Si son père était un Qoraichite, il mènerait les Arabes sous sa férule. » Abou Soufyân prit la parole : « Par Allah, dit-il, je connais son père, celui qui l'a engendrée.[29] » Il faisait allusion à lui-même. L'Emir des Croyants 'Ali l'arrêta : « Tais-toi, fit-il, ô Abou Soufyân ; car tu sais bien qu'Omar, s'il t'entendait parler ainsi, sévirait promptement contre toi. « Lorsque 'Ali devint khalife, il nomma Ziyâd préfet de la Perse, où celui-ci maintint l'ordre, mit les forteresses en état de défense, et se distingua par une sage administration. La renommée de ses capacités se répandit, et la nouvelle en parvint à Mouâwiya, qui regretta de voir un tel homme parmi les partisans d'Ali, et désira se l'attacher. Mouâwiya écrivit donc à Ziyâd une lettre comminatoire, dans laquelle il faisait allusion à sa filiation avec Abou Soufyân, et lui disait qu'il était son frère. Ziyâd n'en tint pas compte. L'Emir des Croyants Ali en eut connaissance et écrivit à Ziyâd : « Je t'ai confié la charge dont tu es investi, et je vois que tu en es digne. Abou Soufyân s'est laissé entraîner à un écart de langage par un désir de vanité et de mensonge auquel l'homme est porté ; mais il n'y a rien là qui constitue pour toi droit à son héritage, ni qui l'autorise à te mettre au nombre de ses descendants. Et certes, Mouâwiya cherche à circonvenir l'homme dont il a besoin en se présentant devant lui et derrière lui, à sa droite et à sa gauche. Tiens-toi sur tes gardes ! et encore tiens-toi sur tes gardes. Salut[30] ! »
Lorsqu’'Ali eut été tué, Mouâwiya fit des efforts pour gagner l'affection de Ziyâd, pour se le concilier et pour l'encourager à s'engager dans son parti. La question de la paternité d'Abou Soufyân fut soulevée entre eux, et ils tombèrent d'accord que la légitimation aurait lieu. Des témoins se présentèrent au conseil de Mouâwiya et témoignèrent que Ziyâd était le fils d'Abou Soufyân. Un de ces témoins était Abou Maryam le cabaretier, celui-là même qui avait amené Soumayya à Abou Soufyân. Depuis, il s'était fait Musulman, et son islamisme était sincère. Mouâwiya lui dit : « Quel témoignage apportes-tu, ô Abou Maryam. — J'atteste, répondit-il, qu'Abou Soufyân est venu chez moi, m'a demandé une fille de joie. « Je n'en ai pas d'autre que Soumayya, lui ai-je dit, et il a répondu : « Amène-la-moi, malgré sa malpropreté et son « odeur acre. » Je la lui amenai ; il resta seul avec elle. Lorsqu'elle le quitta, elle portait la trace irrécusable de leurs rapports.[31] — Halte-là, ô Abou Maryam, dit Ziyâd, tu n'as été appelé que comme témoin et non comme insulteur. »
Mouâwiya reconnut alors la légitimité de Ziyâd. On prétend que cette reconnaissance fut la première violation publique des préceptes de la loi musulmane ; car l'Apôtre d'Allah avait décidé que l'enfant appartient au lit conjugal, [32] tandis qu'à l'adultère on réserve les pierres.[33]
Ceux qui ont excusé Mouâwiya, ont dit « : Si Mouâwiya a le droit de reconnaître la légitimité de Ziyâd, c'est parce qu'à l'époque du paganisme les unions contractées par les Arabes étaient de divers genres.[34] Ainsi, une femme de mauvaise vie avait-elle plusieurs amants, et mettait-elle au monde un enfant, elle pouvait en attribuer la paternité à qui elle voulait d'entre eux ; sa déclaration, à ce sujet, était décisive.[35] Lorsque vint l'Islâm, il interdit cette union irrégulière et maintint pour chaque enfant sa filiation par rapport au père, quelle que soit l'union dont l’enfant provenait, et l’islâm ne fit aucune distinction à cet égard. »
D'autres dirent : « Vous avez raison ; mais quant à Mouâwiya, il s'est imaginé que cela pouvait se passer ainsi^ et il n'a pas fait la distinction entre la reconnaissance au temps du paganisme et au temps de l'islamisme. Or, Ziyâd n'était pas connu pendant le paganisme comme étant le fils d'Abou Soufyân ; il n'était alors considéré que comme fils d’Obeïd, et on l'appelait « Ziyâd, fils d’Obeïd. » Or il y a une différence entre les deux cas.
Le poète[36] a dit, faisant allusion à cette affaire :
Va, annonce à Mouâwiya, fils de Harb, une nouvelle transmise de la part du Yéménite.
Comment, tu t'indignes qu'on traite ton père d'homme chaste et tu consens qu'on l'appelle débauché !
Je le jure, la parenté avec Ziyâd est aussi établie que la parenté de l'éléphant avec le fils de l'ânesse.
Le mot arabe rihm, dans ce vers, signifie : parenté.
Puis, Ziyâd devint l'un des hommes et des soutiens de Mouâwiya. Celui-ci le nomma gouverneur de Basra, du Khorasan, du Sedjestan ; il lui annexa l'Inde, le Bahreïn, Oman et, finalement, Koûfa. Ziyâd écrivit sur ses lettres : « De la part de Ziyâd, fils d'Abou Soufyân. » Auparavant on l’appelait tantôt « Ziyâd, fils d’Obeïd », tantôt « Ziyâd, fils de Soumavya ». Et ceux qui voulaient rester dans les limites du vrai disaient : « Ziyâd, fils de son père ». Ziyâd fut des hommes les plus habiles : excellent administrateur, il savait inspirer la crainte et le respect. Son esprit juste allait droit au but ; il était énergique, sagace, éloquent.
La mort de Mouâwiya eut lieu en l’an 60 (= 680 de J.-C.) de l'Hégire. Lorsqu'il fut à ses derniers moments, il adressa à son fils Yazid des instructions qui témoignent de son intelligence, de son esprit, de son expérience des choses et de sa connaissance des hommes. Yazid ne s'y conforma en rien ; je les ai notées ici, en raison de leur beauté et de leur justesse.
On raconte que Mouâwiya, dès qu'il fut atteint par la maladie dont il mourut, fit appeler son fils Yazid et lui dit : « mon cher enfant, je t'ai épargné toutes les fatigues des expéditions et des voyages, je t'ai aplani les affaires, j'ai abaissé tes ennemis, j'ai fait baisser la tête devant toi aux Arabes, et j'ai réuni sous ta domination un empire tel que personne n'en avait jamais réuni. Veille sur les hommes du Hedjaz : c'est ta race ; honore ceux d'entre eux qui viendront te trouver ; fais du bien à ceux qui seront restés loin de toi. Veille sur les hommes de l'Iraq, et s'ils te demandent la destitution d'un préfet par jour, fais-le, car destituer un préfet est plus aisé que de voir dégainer cent épées. Veille sur les hommes de la Syrie, et qu'ils soient dans ton intimité ; si quelque ennemi te donne de l'inquiétude, prends-les pour défenseurs, puis, après la victoire, renvoie les Syriens dans leurs contrées ; car en y restant, leur caractère s'améliore.[37] Et je ne crains pour toi de compétition au sujet de cet empire que de la part de quatre Qoraichites : Hosain, fils d’Ali ; 'Abd-Allah, fils d’Omar ; 'Abd-Allah, fils de Zoubair ; 'Abd er-Rahman, fils d'Abou Bakr. Pour ce qui est du fils d’Omar, c'est un homme à qui la piété et l'adoration ont enlevé toute énergie ; lorsqu'il ne restera plus que lui, il acceptera ton autorité. Quant à Hosain, fils d’Ali, c'est un homme léger, et le peuple de l'Iraq ne le laissera pas tranquille qu'il ne l'ait poussé à la révolte. Lorsque Hosain se sera révolté et que tu auras triomphé de lui, accorde-lui son pardon, car c'est un proche parent, ses droits sont importants et il est de la famille de Mahomet. Quant au fils d'Abou Bakr, s'il voit ses compagnons agir d'une manière, il les imitera ; il n'a de pensée que pour les femmes et pour les amusements. Enfin, il y en a un qui restera accroupi en face de toi comme le lion et qui te traitera avec astuce comme le renard : s'il rencontre quelque occasion propice, il ne fera qu'un saut : C'est Ibn Zoubair. S'il fond sur toi et que tu parviennes à le vaincre, coupe-le en mille morceaux ! et épargne autant que possible le sang de tes sujets. »
Et ces instructions sont une preuve en faveur de ce qui a été dit précédemment de son zèle ardent pour l'administration du royaume et de sa grande passion pour la souveraineté.
Puis, après Mouâwiya, régna son fils Yazid. Il fut un prince très passionné pour les divertissements, la chasse, le vin, les femmes et la poésie. A l'élégance du langage il joignait la noblesse du caractère ; c'était un poète remarquable. On a dit : « La poésie fut inaugurée par un roi et terminée par un roi. » On faisait allusion à Imru’al-Qays et à Yazid. Voici un échantillon de ses vers :
Elle est venue avec un visage dont l’éclat de la pleine lune ne serait que le voile, et qui repose sur un corps bien proportionné, au balancement flexible comme celui d'un tendre rameau.
De lune de ses deux mains, elle me verse un vin rayonnant comme sa joue, que la rougeur de la confusion aurait empourprée.
Puis elle prend la parole et dit, en sachant ce qu'elle voulait dire, et alors que pour nous le soleil du vin n'avait point baissé :
« Ne pars pas. car je n'ai plus la force de faire des adieux à l'être cher qui part.
« Plus de sommeil pour accueillir son image dans mes rêves, plus de larmes pour pleurer sur les vestiges de notre habitation commune. »
D'après la plus exacte des deux versions, Yazid régna trois ans et demi. Dans la première année, il tua Hosain, fils d’Ali, sur eux soit le salut ! Dans la deuxième, il pilla Médine et la livra au sac pendant trois jours ; dans la troisième, il fit une incursion militaire à la Ka'abah. Commençons par exposer les circonstances du meurtre de Hosain.
Je me contenterai d'en donner une relation abrégée ; je n'aime pas m'étendre sur un fait que je considère comme si grave et si honteux, car il n'y a jamais rien eu de plus profondément détestable dans l'histoire de l’islâm. Et, par ma vie ! le meurtre de l’Émir des Croyants 'Ali fut certes la plus grande de toutes les calamités.[38] Mais ici, que d'horribles massacres, que de prisonniers, que de mutilations ! La peau frissonne au souvenir de ces horreurs. J'ai pu également me dispenser d'un long récit pour des faits tellement connus, car c'est la plus notoire des catastrophes. Puisse Allah maudire tous ceux qui y ont pris part, qui l'ont ordonnée, qui en ont éprouvé quelque satisfaction ! Puisse Allah n'accueillir de leur part ni revirement, ni compensation ! puisse-t-il les ranger au nombre des hommes les plus frustrés dans leurs œuvres, dont l'effort dans la vie de ce monde aura été en pure perte, tandis qu'ils croyaient bien faire[39] ! »
Voici, en résumé, ce qui se passa : Yazid (qu'Allah le maudisse !) dès qu'il fut proclamé khalife, n'eut d'autre préoccupation que d'obtenir la soumission de Hosain et des quelques personnages contre lesquels son père l'avait mis en garde. Il envoya un message à Walid, [40] fils d’Otba, fils d'Abou Soufyân, alors émir de Médine. Celui-ci devait recevoir de ces hommes le serment de fidélité au khalife. L'émir les convoqua. Hosain (qu'il soit en paix !) se présenta devant lui. L'émir lui apprit la mort de Mouâwiya et l'invita à la soumission. « Mes pareils, lui répondit Hosain, ne prêtent point hommage en secret : c'est dans une assemblée du peuple que nous examinerons et que tu examineras la situation. » Puis Hosain sortit de chez l'émir, réunit ses compagnons et sortit de Médine pour se rendre à La Mecque. Il se refusait à reconnaître Yazid, et il lui répugnait d'être compris dans la masse de ses sujets. Lorsqu'il se fut installé à La Mecque, les gens de Koûfa apprirent qu'il se refusait à reconnaître Yazid ; or, ceux-ci détestaient les Omeyyades, et surtout Yazid, à cause des hontes de sa vie, de son étalage d'impiété, de sa frivolité encline aux turpitudes. Ils envoyèrent donc des messagers à Hosain et lui adressèrent plusieurs missives, l'invitant à se rendre à Koûfa, et lui offrant leur concours contre les Omeyyades. Ils se réunirent, s'y engagèrent entre eux par serment, et ne discontinuèrent point de lui écrire dans ce sens. Hosain leur envoya le fils de son oncle paternel, Mouslim, [41] fils d'Aqîl, fils d'Abou Thâlib. A peine était-il arrivé à Koûfa que la nouvelle en était parvenue à 'Obeïd Allah, [42] fils de Ziyâd [qu'Allah le maudisse et lui fasse habiter la demeure de l'abaissement !).[43] Or, Yazid l'avait nommé gouverneur de Koûfa à la première nouvelle des messages que les habitants de cette ville avaient adressés à Hosain. Mouslim s'était réfugié dans la maison d'un certain Hani, [44] fils d’Ourwa, un des plus nobles Koûfiens. 'Obeïd Allah, fils de Ziyâd, fit appeler celui-ci et lui ordonna de livrer Mouslim. Hani' refusa. 'Obeïd Allah le frappa au visage avec sa baguette et le défigura. Puis fut introduit Mouslim, fils d'Aqîl (qu'Allah leur soit favorable à tous deux !). On lui trancha la tête sur la plateforme du château ; sa tête tomba d'en haut et bientôt son cadavre alla rejoindre sa tête.
Quant à Hani', il fut amené sur la place du Marché et on lui trancha la tête. C'est à ce sujet que Farazdaq[45] dit :
Si tu es une femme qui ignore ce qu'est la mort, regarde Hani' au milieu du marché, regarde le fils d’Aqîl !
Le premier est un héros que l'épée a défiguré, l'autre une victime lancée des hauteurs.[46]
Hosain quitta La Mecque, se dirigeant vers Koûfa, dans l’ignorance de ce qui était arrivé à Mouslim. Ce n'est qu'aux environs de Koûfa qu'il fut mis au courant par des hommes qu'il rencontra, qui l'informèrent et le mirent sur ses gardes. Il ne rebroussa pas chemin et persista dans sa résolution d'arriver à Koûfa, pour des motifs qu'il connaissait mieux que ces hommes. Ibn Ziyâd mit en mouvement contre lui une armée commandée par 'Omar, [47] fils de Sa'd, fils d'Abou Waqqâs. Lorsque les deux partis en vinrent aux mains, Hosain et ses compagnons luttèrent avec un acharnement tel que personne n'assista jamais à pareil spectacle. A la fin, sa troupe fut anéantie, et il resta avec ses serviteurs et sa famille. Le combat atteignit alors un degré inouï de violence. Hosain subit la plus horrible des morts. Il déploya des qualités extraordinaires de patience, d'abnégation, de bravoure, de piété, d'expérience consommée dans l'art de la guerre, d'éloquence. Jamais ses soldats, ni ses partisans (qu’Allah leur soit favorable !) n'ont été dépassés pour le concours matériel et moral qu'ils lui apportèrent, pour le mépris de la vie une fois qu'il ne serait plus là, pour la lutte désespérée qu'ils soutinrent avec ardeur pour le sauver. On dépouilla, on fit prisonniers les hommes de son armée et ses enfants (la paix soit sur eux !). On apporta ensuite les femmes et la tête de Hosain (que les bénédictions d'Allah soient sur lui !) à Yazid, fils de Mouâwiya, à Damas. Il se mit à briser les dents de devant de Hosain avec sa baguette. Puis il renvoya les femmes à Médine. Et le meurtre de Hosain eut lieu le 10 de Mouharram, en l’an 61 (=10 octobre 680).
Le deuxième épisode de son règne fut sa lutte avec les habitants de la ville du Prophète (Médine) ; c'est la rencontre d'al-Harra. Le point de départ de ces événements fut le refus des gens de Médine de reconnaître Yazid. Ils le déposèrent, assiégèrent et terrifièrent les Omeyyades qui s'y trouvaient. Ceux-ci envoyèrent un messager à Yazid pour l'informer de leur situation. Lorsqu'à l'arrivée du messager, Yazid connut la conduite des Médinois, il leur appliqua le vers suivant :
Ils ont altéré la longanimité qui était dans mon caractère, et j'ai alors remplacé ma douceur envers mon peuple par les mauvais procédés.
Ensuite Yazid convia, pour marcher sur Médine, 'Amr, fils de Sa’id, [48] qui ne voulut pas jouer un rôle dans cette affaire, et fit dire à Yazid : « J'ai mis de l'ordre pour toi dans les affaires et les contrées, mais maintenant qu'il s'agit de répandre sur la terre le sang des Qoraichites, je ne voudrais pas d'un tel commandement. » Le choix de Yazid se porta alors sur 'Obeïd Allah, fils de Ziyâd, qui s'excusa et dit : « Non, par Allah ! je ne commettrai point ces deux crimes dans l'intérêt de cet impie : tuer le petit-fils du Prophète et faire incursion tant dans la ville du Prophète que dans la Ka'abah. » Alors Yazid mit en campagne vers Médine Mouslim, [49] fils d’Oqba le Mourrite. C'était un schaïkh avancé en âge, malade, mais l'un des oppresseurs et des démons parmi les Arabes. On prétend que Mouâwiya avait dit à son fils Yazid : « Si les habitants de Médine se révoltent contre toi, oppose-leur Mouslim, fils d’Oqba. » Mouslim, bien que malade, se dirigea vers Médine et l'assiégea du côté d'al-Harra, un endroit situé en dehors de son enceinte. On plaça pour Mouslim, fils d’Oqba, un siège entre les deux armées ; il s'y assit, excitant ses compagnons au combat, jusqu'à ce qu'il se fût emparé de Médine et qu'il eût tué dans cette bataille un grand nombre des notables de cette ville.
Il paraît qu'Abou Sa'id al-Khoudrî, [50] un des compagnons du Prophète, [51] eut peur, prit son épée et sortit dans la direction d'une caverne voisine pour y entrer et s'y retrancher. Il y fut poursuivi par un Syrien. Abou Sa'id, pris de crainte, dégaina son épée contre lui pour l’effrayer. L'autre dégaina à son tour, puis s'avança vers Abou Sa’id, qui lui dit : « Si même tu étends ta main vers moi pour me tuer, moi je n'étendrai pas la mienne pour te tuer. — Qui es-tu donc ? reprit le Syrien. — Je suis Abou Sa’id. — Le compagnon du Prophète ? — Oui ! » Le Syrien partit et l'épargna.[52] Puis, Mouslim, fils d'Oqba, livra Médine au pillage pendant trois jours, tua, pilla et fit des prisonniers.
On a raconté qu’à la suite de cela, aucun habitant de Médine, en mariant sa fille, n'osait garantir qu'elle fût vierge : « Peut-être, disait-il, a-t-elle été déflorée durant la guerre d'al-Harra. » Et Mouslim, fils d'Oqba, fut surnommé le Prodigue (de sang humain) (Mousirf).[53]
Puis, le troisième acte de Yazid fut son expédition contre la Ka'abah. Il ordonna à Mouslim, fils d’Oqba, de s'y rendre et d'y faire une expédition, lorsqu'il en aurait fini avec Médine. Mouslim s'y dirigea. Or, 'Abd-Allah, fils de Zoubair, s'y trouvait : il avait revendiqué pour lui-même le khalifat et le peuple de La Mecque l'avait suivi. Mouslim mourut en route après avoir désigné comme son successeur à la tête de l'armée un homme[54] que d'avance Yazid lui avait désigné pour le commandement, s'il venait à mourir. Le nouveau chef conduisit l'armée jusqu'à La Mecque, qu'il assiégea. Ibn Zoubair sortit à sa rencontre, à la tête des Mecquois.
La lutte s'engagea et voici ce qu'en a dit un poète syrien :
C'est un mangonneau, semblable à l’étalon écumant, avec lequel il atteint les bois sacrés[55] de cette mosquée.[56]
Ils en étaient là, lorsque la mort de Yazid leur fut annoncée. Ils levèrent le siège.[57]
Puis régna Mouâwiya, fils de Yazid, fils de Mouâwiya, un homme jeune et faible.[58] Son règne dura, selon les uns, quarante jours ; selon les autres, trois mois.[59] Ensuite il dit au peuple : « Je suis trop faible pour vous gouverner. J'ai cherché pour vous un homme tel qu’Omar, fils d'al-Khattâb, et je n'en ai pas trouvé. Puis j'ai cherché six hommes, comme les membres du Conseil et je n'en ai pas trouvé. Or, vous avez plus de droit que tout autre à vous occuper de ce qui vous concerne. Choisissez donc dans ce but qui vous voudrez. Pour ma part, je ne veux pas prendre la responsabilité du khalifat avec moi, comme provision de voyage au moment où je vais mourir, alors que je n'en ai pas joui de mon vivant. » Puis il entra dans son palais, demeura invisible quelques jours et mourut. Quelques-uns croient qu'il fut empoisonné. Aucun de ses actes ne mérite d'être signalé.
Marvân, qui monta ensuite sur le trône, est Marvân, fils d'al-Hakam, fils d’'Aboul-'As, fils d'Oumayya, fils d'Abd Chams, fils d'Abd Manâf. A la mort de Mouâwiya fils de Yazid, fils de Mouâwiya, il y eut des mouvements divers. Les Syriens voulurent un Omeyyade, les autres désignèrent 'Abd-Allah, fils de Zoubair. Ce furent ceux dont l'opinion était favorable aux Omeyyades qui l'emportèrent. Mais on ne s'accorda pas sur celui d'entre eux auquel on donnerait le pouvoir. Il y en eut qui inclinèrent vers Khalid, [60] fils de Yazid, fils de Mouâwiya, un jeune homme disert et éloquent qui, disait-on, avait réussi à fabriquer la pierre philosophale. D'autres penchèrent pour Marvân, fils d'al-Hakam, à cause de son âge plus avancé, trouvant Khalid trop jeune. Enfin, Marvân fut proclamé khalife. Il commanda les armées et conquit l'Egypte. Il était surnommé « le fils du banni », parce que le Prophète avait banni son père, al-Hakam, [61] de Médine. Lorsqu’Othman, fils d’Afrân, prit le pouvoir, il rappela al-Hakam, ce que des Musulmans désapprouvèrent. Othman prétexta que le Prophète avait promis à al-Hakam de le rappeler. On a rapporté force traditions et récits sur la malédiction prononcée (par Mahomet), contre al-Hakam, fils d’al-'As, et contre tous ses descendants mais certains auteurs déclarent que l'authenticité de ces traditions est faible. Voulait-on jeter le discrédit et le blâme sur Marvân, on lui disait : « O fils de Zarqâ[62] ! » (la femme aux yeux bleus). Or, Zarqâ l’aïeule des wânîdes comptait parmi les femmes qui indiquaient leurs demeures par des drapeaux, comme toutes les prostituées au temps du paganisme. C'est pour cela qu'on leur en faisait un déshonneur.
Aussitôt proclamé khalife, il avait épousé la mère de Khalid, la femme de Yazid, fils de Mouâwiya, afin de diminuer le prestige de Khalid et de le mettre ainsi dans une situation inférieure pour un homme qui aspire au khalifat. Khalid entra un jour chez Marvân qui lui dit : « O fils de la femme humide ! » et il le qualifia de sot pour le déconsidérer aux yeux des Syriens. Khalid, tout confus, entra chez sa mère et lui rapporta les propos tenus par Marvân. Elle répondit : « Que personne ne sache que tu m'en as informée. Laisse-moi faire. » Puis, une nuit que Marvân dormait auprès d'elle, elle lui mit sur la figure un coussin qu'elle releva seulement après la mort de son mari.[63] Le fils de Marvân, 'Abd al-Malik, voulut la tuer, mais on lui dit : « Les hommes se raconteront que ton père a été tué par une femme.[64] » Il la laissa en paix. Le règne de Marvân dura à peine plus de neuf mois.[65] Ce fut l'interprétation de la parole de l'Émir des Croyants (Ali) : « Sa puissance durera autant qu'un coup de langue d'un chien sur son nez. »
Et ce fut à cette époque que les Chiites vengèrent le meurtre de Hosain.
Relation abrégée de cet événement. — Lorsque la guerre civile eut un moment d'arrêt après le meurtre de Hosain et que Yazid, fils de Mouâwiya, fut mort, des hommes de Koûfa se réunirent et regrettèrent d'avoir fait défection à Hosain, de l'avoir combattu, et d'avoir aidé ses meurtriers, après lui avoir envoyé des messagers, l'avoir convié à les rejoindre et lui avoir offert leur concours. Leur repentir les fit surnommer : « les repentants » (at-tawwâboûn).[66] Ils se jurèrent de n’épargner ni leurs vies, ni leurs biens, pour le venger, pour combattre ses meurtriers et pour raffermir le droit sur ses assises en la personne d'un homme appartenant à la famille de leur Prophète. Ils prirent pour chef un des leurs, Soulaimân, [67] fils de Sourad, qui se mit en correspondance avec les Chi’ites dispersés dans les capitales, les appelant au combat. Ils acceptèrent et se joignirent à lui avec célérité. Ce fut alors qu'apparut Moukhtâr, [68] fils d'Abou 'Obeïd le Thaqafite, un homme à l'âme noble, aux pensées élevées, d'une rare distinction. Celui-ci fit de la propagande en faveur de Muhammad, fils d'Ali, fils d'Abou Thâlib, connu sous le nom du fils de la Hanafite. Et ce furent des temps de guerres civiles, car, alors que Marvân était khalife de la Syrie et de l'Egypte, proclamé comme tel, assis sur le trône royal, 'Abd-Allah, fils de Zoubair, était khalife du Hedjaz et de Basra, proclamé comme tel, ayant troupes et armes, et Moukhtâr était à Koûfa, ayant avec lui la population, des troupes et des armes. Il avait expulsé de Koûfa l’émir qui s'y trouvait, et lui avait succédé, invitant à reconnaître Muhammad, le fils de la Hanafite.
Puis, Moukhtâr devenu puissant s'attaqua aux meurtriers de Hosain. Il trancha la tête d'Omar, [69] fils de Sa'd, et du fils d’Omar, puis dit : « C'est pour Hosain et pour son père 'Ali ! Et, par Dieu, si je tuais, pour venger Hosain, les deux tiers des Qoraichites, la rançon ne serait pas suffisante pour l'extrémité d'un seul de ses doigts. » Alors Marvân envoya 'Obeïd Allah, fils de Ziyâd, à la tête d'une armée imposante ; Moukhtâr lui opposa Ibrahim, [70] fils de Malik, surnommé al-Achtar, qui tua 'Obeïd Allah dans la région de Mossoul et envoya sa tête à Moukhtâr. Elle fut jetée dans le château, et l'on rapporte qu'un serpent mince sauta sur les têtes des morts, entra dans la bouche d’Obeïd Allah et sortit par une de ses narines, puis il rentra dans une narine et ressortit par sa bouche, et recommença plusieurs fois ce manège.
Enfin Abd-Allah, fils de Zoubair, envoya son frère Mous'ab, un brave, vers Moukhtâr, qu'il tua. 167
Marvân, fils d'al-Hakam, mourut en l’an 65 (685 de J.-C), et son fils 'Abd al-Malik fut proclamé khalife.
'Abd al-Malik, qui succéda à son père, était un homme sensé, intelligent, instruit, un prince puissant, inspirant la crainte et imposant, énergique dans sa politique, un habile administrateur des affaires temporelles. Ce fut sous son règne que le registre des dépenses et des recettes fut rédigé, non plus en persan, mais en arabe, et que la comptabilité publique fut, pour la première fois, rédigée selon la méthode arabe.[71] Abd al-Malik fut le premier qui interdit à ses sujets de parler beaucoup en présence des khalifes et de leur répondre. Or, jusque-là, grande était leur audace à leur égard, comme nous l'avons montré plus haut. Ce fut lui aussi qui donna sur le peuple pleins pouvoirs à Hadjdjâdj, fils de Yousouf, qui fit une incursion à la Ka’abah et qui tua successivement Mous'ab et son frère 'Abd-Allah, tous deux fils de Zoubair.
Entre autres anecdotes relatives à ces événements, on rapporte que lorsque Yazid, fils de Mouâwiya, avait envoyé son année pour combattre le peuple de Médine et pour envahir la Ka'abah, Abd al-Malik en avait éprouvé la plus vive contrariété et avait dit : « Si seulement le ciel pouvait écraser la terre ! » Puis, devenu khalife, il en fit autant, et plus encore. Car il envoya Hadjdjadj pour cerner Ibn Zoubair et pour envahir La Mecque.
Avant d'être khalife, Abd al-Malik avait été un des jurisconsultes éminents de Médine. Il était surnommé « la Colombe de la Mosquée », parce qu'il y passait tout son temps à moduler la lecture du Coran. Lorsque son père mourut, et qu'on lui apporta la bonne nouvelle de son élévation au khalifat, il ferma le livre sacré et dit : « Voici l'heure de la séparation entre moi et toi. »
Puis il se consacra aux affaires de ce monde, et un jour, parait-il, il dit à Sa'id, [72] fils d'al-Mousayyab : « O Sa'id, j'en suis venu au point que je fais le bien sans en être réjoui, et le mal sans en être affligé. » Sa'id, fils d'al-Mousayyab, lui répondit : « Eh bien ! maintenant la mort du cœur est complète chez toi. »
C'est du temps d’Abd al-Malik que furent tués 'Abd-Allah, fils de Zoubair, et son frère Mous'ab, l'émir de l'Iraq.
Quant à 'Abd-Allah, fils de Zoubair, il s'était retranché à La Mecque, et avait été proclamé khalife par les habitants du Hedjaz et de l'Iraq. Il était d'une avarice sordide qui l'empêcha de réussir dans ses entreprises. Abd al-Malik envoya contre lui Hadjdjâdj, qui mit le siège devant La Mecque, se servit de balistes pour atteindre la Ka’abah et livra des combats à Abd-Allah. Celui-ci, trahi tant par ses parents que par ses partisans, alla trouver sa mère et lui dit : « O ma mère, j'ai été abandonné par tout le monde, y compris mes fils et mes femmes ; il ne m'est resté que quelques fidèles, et encore ne puis-je compter de leur part que sur une patience momentanée. Or, mes ennemis m'accorderont toutes les faveurs d'ici-bas que je demanderai. Quel est ton avis ? » Elle lui répondit : « Tu te connais mieux que personne. Si tu sais que tu luttes pour une juste cause, poursuis ce que tu as commencé, et ne plie pas ton cou devant les hommes de rien que sont les Omeyyades. Si tu ne veux que les biens de ce monde, quel mauvais serviteur d'Allah tu es, et tu auras été l'artisan de ta propre perte (dans la vie future) et de celle de tes compagnons. Crois-tu t'éterniser dans ce monde ? Mieux vaut la mort ! » Il reprit : « O ma mère, je crains, s'ils me tuent, qu'ils ne me mutilent. — Mon cher enfant, répondit-elle, la brebis, après avoir été égorgée, n'éprouve aucune déception lorsqu'on la dépouille. » Elle ne cessa pas de l'exciter ainsi et par de tels propos, jusqu'à ce qu'il fit une sortie, soutînt une lutte opiniâtre et 169 fût tué. Hadjdjâdj fit porter aussitôt cette heureuse nouvelle à 'Abd al-Malik. Ce fut en l'an 73 (= 692 de J.-C.).[73]
Le frère d'Abd-Allah, Mous'ab, fils de Zoubair, émir de l'Iraq, était brave, puissant, comblé d'éloges. Il épousa Soukaina, [74] fille de Hosain, et 'Aïcha, fille de Talha. Il les réunit toutes deux avec lui dans sa maison et elles comptaient parmi les grandes dames, les plus riches et les plus belles. Un jour, Abd al-Malik dit à ses compagnons : « Qui est le plus courageux des hommes ? — Toi, répondirent-ils. — Cela n'est pas, dit le khalife, mais le plus courageux des hommes est celui qui a réuni dans sa maison 'Aïcha, fille de Talha, et Soukaina, fille de Hosain. » Il désignait ainsi Mous'ab.
Plus tard, Abd al-Malik, lorsqu'il se prépara à combattre Mou'sab, prit congé de sa femme Atika, [75] fille de Yazid, fils de Mouâwiya. Au moment de la séparation elle pleura, et ses serviteurs pleurèrent en la voyant pleurer. 'Abd al-Malik dit : « Puisse Allah combattre Kouthaiyyîr, [76] l'amoureux d’Azza ! On dirait qu'il a assisté à la scène que voici, lorsqu'il a dit :
Veut-il faire une incursion, sa pensée ne s'en laisse point détourner par une femme chaste, qu'orne un collier de perles.
Elle lui avait interdit le départ, et, lorsqu'elle a vu l’inutilité de son interdiction, elle a pleuré, et son entourage a pleuré de son affliction.
Puis, Abd al-Malik s'élança pour combattre Mous'ab et se rencontra avec lui dans la région du Petit-Tigre. Après un combat acharné, Mous'ab fut tué en l’an 71 (= 690).[77]
'Abd al-Malik avait de l’instruction, de la finesse, des qualités éminentes. Cha'bî[78] a dit : « Je ne me suis entretenu avec personne, dont je ne me sois senti le supérieur, à l'exception d'Abd al-Malik, fils de Marvân. Car je ne lui ai jamais raconté une tradition sans qu'il prit ajouter à mes informations, ni un fragment de poésie dont il ne connut le complément.[79] »
On dit à Abd al-Malik : « La vieillesse s’est avancée vers toi à pas rapides. — Ce qui ma vieilli, répondit-il, c'est l'abus de la prédication, la crainte de laisser échapper quelque incorrection de langage. » Les incorrections du langage étaient considérées par les Arabes comme la pire des laideurs.
Et, entre autres opinions sages qu’Abd al-Malik exprima, je citerai le conseil que, jeune encore, il donna à Mouslim, fils d'Oqba le Mourrite, lorsque celui-ci fut envoyé par Yazid, fils de Mouâwiya, pour combattre les habitants de Médine. Mouslim arriva à cette ville, où les Omeyyades avaient d'abord été bloqués, puis expulsés. Dès qu'il les rencontra, Mouslim, fils d’Oqba, prit conseil d'Abd al-Malik, fils de Marvân, qui était alors un tout jeune homme. « Mon avis, répondit-il, est que tu fasses avancer tes troupes, et lorsque tu seras parvenu aux premiers palmiers de Médine, tu t'y arrêteras ; tes soldats y camperont à l'ombre et mangeront les meilleurs fruits de ces arbres. Le lendemain, dès l'aurore, tu te remettras en marche, tu laisseras Médine à ta gauche, puis tu la contourneras jusqu'à ce que, te dirigeant vers l'est, tu atteignes l'ennemi du côté d'al-Harra. Puis, tu te trouveras en face de tes ennemis ; et à ce moment, lorsque le soleil montera à l'horizon, il sera derrière les épaules de tes compagnons sans leur causer aucun dommage. Bien mieux, il incommodera les Médinois qui verront briller vos casques, les pointes de vos lances, vos épées et vos cottes de mailles, ce que vous ne verrez pas chez eux, tant qu'ils resteront à l'ouest (face au soleil). Puis combats-les, et remets-t'en au secours d'Allah ! »
'Abd al-Malik dit, un jour, à ses commensaux : « Que pensez-vous de ce qu'a dit le poète[80] :
J'aimerai éperdument Da'd, tant que je vivrai ; et si je meurs, malheur à celui qui l'aimerait éperdument après moi !
— Belle idée ! s'écrièrent-ils. — C'est là un mort, dit 'Abd al-Malik, qui dépasse la mesure permise. Je ne trouve point une telle idée bien fine. — Tu as raison, reprirent-ils tous. — Mais comment aurait-il convenu qu'il s'exprimât ?» dit à son tour 'Abd al-Malik. L'un d'eux[81] prit la parole en ces termes : « Il aurait convenu qu'il s'exprimât ainsi :
J'aimerai éperdument Da'd, tant que je vivrai ; et si je meurs, je confierai Da'd à qui l'aimera éperdument après moi !
— Voilà, dit 'Abd al-Malik, un mort complaisant ! — Comment, demandèrent les commensaux, aurait-il convenu qu'il s'exprimât ? — Comme suit, reprit Abd al-Malik :
J'aimerai éperdument Da'd, tant que je vivrai, et si je meurs, puisse Da'd ne faire le bonheur d'aucun amant après moi !
— C'est toi, dirent-ils, ô Émir des Croyants, qui es vraiment le plus poète des trois. »
Lorsque la maladie d'Abd al-Malik s'aggrava, il dit : « Montez-moi sur une hauteur. » Ils le montèrent sur un endroit élevé, où il se mit à humer l'air, puis il dit : « O vie de ce monde, que tu es douce ! Ta plus longue durée n'est que brièveté, et ce que tu crois donner en grande quantité n'est que misère. Que d'illusions nous nous faisions sur toi ! » Et il appliqua les deux vers suivants :
Si tu épluches les comptes, ô mon Maître, ton examen minutieux entraînera un châtiment. Je ne puis supporter le châtiment.
Ou, si tu pardonnes, tu seras un Maître miséricordieux pour un homme coupable, dont les péchés sont nombreux comme les grains de poussière.
Lorsqu’Abd al-Malik mourut, son fils Walid dit sur lui les prières des morts ; c'est à quoi Hicham, son autre fils, appliqua cette parole :
La mort de Qais n'a pas été la mort d'un homme, mais c'est tout l'édifice d'un peuple qui s'est écroulé.[82]
Walid dit à Hicham : « Tais-toi, car tu tiens le langage d'un Satan. Que n'as-tu dit, avec l'autre :
Lorsqu'un seigneur parmi nous s'en va, il se lève un seigneur qui sait parler comme parlent les nobles, qui sait agir.[83]
'Abd al-Malik, fils de Marvân, donna ses instructions à son frère Abd al-’Aziz, lorsque celui-ci se rendit en Egypte comme émir de cette contrée. Il lui dit : « Détends ton visage, montre-toi d'un commerce facile et donne la préférence à la douceur dans le règlement des affaires, car elle te fera plus sûrement atteindre le but. Veille au choix de ton huissier ; qu'il soit parmi les plus excellents de tes serviteurs, car il est ton visage et ta langue. Que personne ne se tienne à ta porte, sans que l'huissier te signale sa présence, afin que ce soit toi-même qui lui accordes une audience ou qui refuses de le recevoir. Lorsque tu sortiras pour tenir ta séance, salue le premier pour qu'on se sente à l'aise avec toi, et l'affection pour toi s'affermira dans les cœurs. Si tu rencontres quelque difficulté, cherche à la surmonter en demandant conseil, car une telle consultation ouvrira ce qui y était lettre close. T'es-tu emporté contre quelqu'un, diffère sa punition, car tu peux plutôt le punir après ce délai que supprimer la punition après qu'elle aura été exécutée. »
La mort d’'Abd al-Malik eut lieu en l'an 86 (= 705 de J.-C).
Walid, qui succéda à son père, fut un des khalifes Omeyyades dont les populations de la Syrie apprécièrent le plus la conduite. Il construisit les grandes mosquées : la mosquée de Damas, la mosquée de Médine (que la paix la plus douce soit sur celui qui y repose !) et la mosquée Al-Aqsâ de Jérusalem. Il fit des présents aux lépreux et leur interdit de mendier. Il donna à tout impotent un serviteur, à tout aveugle un guide. Sous son règne, eurent lieu d'importantes conquêtes, telle que la conquête de l'Espagne, de Kachgar[84] et de l'Inde. Il aimait beaucoup élever des édifices, des constructions, créer des monuments et des domaines. De son temps, quand les hommes se rencontraient, ils se consultaient les uns les autres sur les constructions et les édifices.
Soulaimân, [85] frère de Walid, aimait, au contraire, la bonne chère et la copulation. Aussi sous son khalifat, les hommes, lorsqu'ils se rencontraient, s'interrogeaient-ils les uns les autres sur la bonne chère et la copulation.
Omar, fils d’Abd al-’Aziz, lui, était un homme de piété et aimait la lecture à haute voix du Coran. Ses sujets, lorsqu'ils se rencontraient sous son règne, se demandaient l'un à l'autre : « Quelle est la section du Coran que tu réciteras à haute voix ce soir ? Combien sais-tu par cœur du Coran ? Combien de nuits passes-tu chaque mois on prières ?» Ce sont là des particularités de la royauté qui ont été expliquées précédemment.
Walid commettait souvent des fautes de langage dans son ignorance de la grammaire. Un jour, il reçut la visite d'un vrai Arabe, qui avait voulu se rapprocher de lui en alléguant une parenté qui les unissait. Walid lui dit : « Man khatanaka » (qui t'a circoncis ?), au lieu de : « Man khatanouka » (quel est ton parent ?). L'Arabe crut que la question portait sur la circoncision et répondit : « Un médecin, » Soulaimân, frère de Walid, dit à l'Arabe : « L'Émir des Croyants te demande seulement quel est ton parent. — Un tel, répondit l'Arabe », et il indiqua sa parenté.
Abd al-Malik, père de Walid, lui reprocha son ignorance de la langue arabe et lui dit : « Celui qui parle bien la langue des Arabes peut seul les gouverner. » Walid entra dans une maison, y prit avec lui plusieurs grammairiens et y resta un certain temps à étudier la grammaire, [86] puis il en sortit plus ignorant qu'il ne l'était en y entrant. Lorsqu'Abd al-Malik en fut informé, il dit : « Il est excusable et excusé.[87] »
Puis régna après lui son frère Soulaimân, [88] fils d’Abd al-Malik. Son règne fut une ère de conquêtes non interrompues. Il était jaloux, très jaloux. C'était un glouton.[89] On rapporte que lorsque son cuisinier lui apportait le rôti, il n'avait pas la patience d'attendre qu'il fût refroidi, et il le saisissait avec la manche de son vêtement. Il parlait avec correction et éloquence.
Ici pourra se placer l'anecdote suivante. Asma'î[90] dit : « J'étais un jour en conférence avec Haroun er-Rachid. On se mit à parler des hommes gloutons. Je dis : « Soulaimân, fils d'Abd al-Malik, l'était excessivement. Lorsque son cuisinier lui apportait un rôti, il tendait précipitamment les mains et saisissait le rôti avec ses manches. » Rachid répondit : « Que tu connais bien, ô Asma'î, l'histoire des hommes ! Il y a quelques jours, en effet, j'ai vu par hasard les djoubba (robes amples) de Soulaimân, j'y ai trouvé la trace de la graisse dans les manches. « J'ai cru qu'elles avaient dû appartenir à un médecin. » Asma'î ajouta : « Puis il ordonna qu'on me remît une de ces djoubba. »
On raconte que Soulaimân revêtit un jour un manteau vert et un turban vert. Puis il se regarda dans le miroir et dit : « Je suis le beau roi. » Une de ses esclaves l'ayant considéré, « Que considères-tu ? » lui demanda-t-il. Elle répondit :
« Quelle belle créature tu serais si tu étais immortel ! Mais l'immortalité n'appartient pas à l'homme :
« A ma connaissance il n'y a en toi aucun des vices humains, sinon que tu es périssable. »
Une semaine après il mourait, et cela en l'année 99 de l'hégire (=717 de J.-C.).[91]
Puis, vint le règne d'Omar, fils d'Abd al-’Aziz, fils de Marvân. Lorsque Soulaimân, fils d'Abd al-Malik, tomba malade de la maladie qui l'emporta, il résolut de faire proclamer khalife l'un de ses fils. Un conseiller[93] l'en détourna et lui dit : « Emir des Croyants, une des sauvegardes du khalife dans son tombeau, c'est de préposer à la garde de ses sujets un homme pieux. » Soulaimân répondit : « Je demanderai à Allah de m'indiquer le meilleur parti à prendre, et j'agirai en conséquence. » Puis il consulta son interlocuteur au sujet d'Omar, fils d'Abd al-’Aziz. Cet homme approuva son choix et se répandit en éloges sur 'Omar. Soulaimân écrivit et scella l'engagement qu'il prenait envers Omar, fils d'Abd al-’Aziz. Puis il appela les membres de sa famille et leur dit : Jurez obéissance à celui envers lequel je me suis engagé dans cet écrit », mais il ne le leur nomma pas. Lorsque Soulaimân mourut, ce même homme, qui lui avait conseillé de prendre pour successeur 'Omar, fils d'Abd al-’Aziz, réunit ces mêmes personnes, et leur cachant la mort du khalife : « Jurez une seconde fois obéissance », leur dit-il. Ils jurèrent, et lorsqu'il vit l'affaire décidée, cet homme leur fit connaître la mort de Soulaimân.
Omar, fils d'Abd al-’Aziz, se distingua, parmi les meilleurs des khalifes, par sa science, sa tempérance, sa piété, sa foi, sa crainte d’Allah. Il mena une vie exemplaire et mourut honoré. Ce fut lui qui mit fin aux invectives contre l'Emir des Croyants 'Ali (que les bénédictions et la paix d'Allah soient sur lui !). Or, les Omeyyades lui adressaient des injures du haut de la chaire dans les mosquées. 'Omar, fils d’Abd al-’Aziz, dit : « Mon père Abd al-'Aziz passait vite sur la prédication qu'il débitait très rapidement. Lorsqu'il venait à parler de l'Emir des Croyants Ali, il bégayait. Je lui en parlai et il me dit : mon cher enfant, tu t'en es donc aperçu ? — Oui, répondis-je. — Sache, reprit-il que si les gens du peuple savaient au sujet d’Ali, fils d'Abou Thâlib, ce que nous savons, nous, ils se sépareraient de nous pour se rallier à ses descendants. »
Lorsqu'Omar, fils d’Abd al-’Aziz occupa le khalifat, il supprima les invectives et y substitua ces paroles d'Allah (qu'il soit exalté !) : « Certes, [94] Allah ordonne l'équité, la bienfaisance, la générosité envers les proches ; il interdit l'immoralité, tout ce qui est blâmable et l'injustice. Il vous exhorte. Peut-être réfléchirez-vous. »
Les poètes l'en louèrent, entre autres Kouthaiyyîr, l'amoureux d’Azza, dans les vers suivants :
Tu es devenu khalife et tu n'as pas insulté 'Ali. Tu n'as pas traité injustement un innocent et tu n'as pas répété une parole d'impie.
Tu as parlé, et tu as confirmé ta parole par tes actes, et tout Musulman s'est trouvé satisfait.
Alors que la vie de ce monde s'était parée, telle une courtisane — qui se pare de ses atours, découvrant à tes yeux une joue et de beaux bras,
Et te lançant tantôt un regard furtif d'un œil languissant, et tantôt souriant en laissant voir des dents semblables aux perles enfilées,
Tu t'es détourné d'elle avec horreur, comme si elle t'avait fait boire un mélange de poisons et de coloquinte.
Et cependant tu occupais la plus haute place dans la vie de ce monde, et tu plongeais dans son gouffre comme dans un torrent rempli d'eaux débordantes.[95]
Voici l'élégie que composa, sur 'Omar, le chérif Rida al-Mousawî[96] :
O fils d’Abd al-’Aziz, si mon œil pouvait pleurer un prince Omeyyade, je te pleurerais.
C'est toi qui nous a sauvés de l'injure et de l'insulte, et s'il était en mon pouvoir de te récompenser, je te récompenserais.
Tout ce que je puis, c'est de dire que tu as été en bonne odeur, bien que ta maison n'ait été ni en bonne odeur, ni sans tache.
O couvent de Siméon (Sim'ân), [97] puissent les pluies du malin ne point te dépasser, car ton mort est le meilleur mort parmi les descendants de Marvân.[98]
C'est à lui qu'il est fait allusion dans le dicton populaire : « Le balafré[99] et l'amoindrisseur sont les deux plus justes parmi les descendants de Marvân. » Nous parlerons plus loin de l'amoindrisseur, si Allah (qu'il soit exalté !) le permet.
La mort d’Omar eut lieu à Dair Sim'ân (couvent de Siméon), en l'an 101 (= 720 de J.-C).
Puis régna Yazid, fils d’Abd al-Malik. Il fut le mauvais sujet parmi les Omeyyades. Éperdument amoureux de deux jeunes filles, dont l'une se nommait Sallâma, et l'autre Habâba, [100] il dépensa avec elles tout son temps. Un jour, dit-on, Habâba chanta :
Entre ma poitrine et ma gorge, il y a une chaleur qui ne me laisse pas de répit et qui ne passe pas pour laisser ma gorge se rafraîchir.[101]
Yazid leva le bras comme s'il allait s'envoler.[102] Elle dit : « O Émir des Croyants, nous avons besoin de toi. — Par Allah, répondit-il, je veux m'envoler. — Et à qui confieras-tu le peuple ! dit-elle. — A toi, » reprit le khalife, et il lui baisa la main. Un de ses chambellans sortit en disant : « Puissent tes yeux pleurer ! que tu es peu sérieux ! »
Compare cette conduite de Yazid à celle de son père 'Abd al-Malik, lorsque celui-ci sortit pour combattre Mous'ab, fils de Zoubair, et que vainement 'Atika, fille de Yazid, fils de Mouâwiya, chercha à l'en détourner : sans tenir compte de ses prières, 'Abd al-Malik lui cita à propos les deux vers mentionnés plus haut dans la biographie d’Abd al-Malik, fils de Marvân.
Le règne de Yazid ne fut guère marquant. Il ne fut signalé par aucune conquête et par aucun combat dont il convienne de faire mention.
Yazid mourut en l'an 105 (= 724 de J.-C), par suite de ses passions amoureuses.
Son successeur fut son frère Hicham, fils d’Abd al-Malik. Hicham était avare, très avare, mais il avait beaucoup d'intelligence, de la douceur, de l'austérité dans les mœurs. Son règne se prolongea, et il s'y passa de graves événements, parmi lesquels nous signalerons le meurtre de Zaid, [103] fils d''Ali, fils de Hosain, fils d’Ali, fils d'Abou Thâlib.
Voici dans quelles circonstances fut tué Zaid, fils d’Ali, fils de Hosain, l’imâm des Zaidites[104] (qu'Allah lui soit favorable !). Zaid était, dans la famille d'Ali, un des hommes les plus distingués par la science, l’austérité des mœurs, la crainte d'Allah, la bravoure, la piété, la générosité. Sans cesse il aspirait au khalifat et se considérait comme digne d'y prétendre. Or, cette pensée ne cessa pas de hanter son esprit, d'apparaître sur les traits de son visage et de lui échapper dans ses paroles jusqu'au règne d'Hicham, fils d’Abd al-Malik. Celui-ci le soupçonna d'avoir un dépôt que lui aurait confié Khalid, fils d'Abd-Allah le Qasrite, [105] l'ancien émir de Koûfa, et il l'envoya vers Yousouf, [106] fils d’Omar, émir de Koûfa à cette époque. Yousouf fit jurer à Zaid qu'il n'avait entre les mains aucune fortune appartenant à Khalid, puis lui rendit sa liberté. Zaid partit pour se rendre à Médine. Les habitants de Koûfa le suivirent et lui dirent : « Où vas-tu ? qu'Allah te prenne en pitié ! Tu as ici 100.000 épées avec lesquelles nous nous battrons pour toi, et nous n'avons chez nous qu’un petit nombre d’Omeyyades. Si une seule fraction d'entre nous s'attaquait à eux, elle suffirait à les battre, par la grâce d'Allah. » Ils stimulèrent Zaid par ces paroles et d'autres semblables. Mais celui-ci leur dit : « O mon peuple, je crains votre trahison ; car vous avez agi envers mon grand-père Hosain de la manière que vous savez. » Et il repoussa leur proposition. Ils dirent alors : « Nous t'adjurons par Allah de revenir ! nous risquerons pour toi nos vies, et nous te donnerons tels serments, tels pactes, tels engagements, que tu seras forcé d'y avoir foi. Car nous espérons que tu seras le vainqueur et que notre temps sera l'époque de la ruine des Omeyyades. » On ne cessa de le presser jusqu'à ce qu'on l'eût fait revenir sur ses pas. Puis, lorsque Zaid revint à Koûfa, les Chi'ites vinrent à sa rencontre, s'infiltrant petit à petit auprès de lui et le proclamant khalife. Il ne compta pas moins de 15.000 hommes de Koûfa inscrits sur ses contrôles, et cela sans compter les gens de Madâ'in, de Basra, de Wâsit, de Mossoul, et aussi du Khorasan, de Rey, de Djourdjân et de la Mésopotamie. Tous ces hommes demeurèrent à Koûfa pendant quelques mois ; puis, lorsque le plan de Zaid eut réussi, et que les drapeaux flottèrent sur sa tête, il dit : « Gloire à Allah, qui m'a accordé maintenant une vie religieuse parfaite. Je rougissais devant l'Apôtre d'Allah à l'idée de descendre demain le trouver auprès de la citerne, [107] sans avoir ordonné à son peuple aucune belle action, sans avoir détourné son peuple d'aucun méfait.[108] » Puis, lorsque Zaid vit ses partisans groupés autour de lui, il leva ouvertement l'étendard de la révolte et attaqua ceux qui le contrecarraient. Yousouf, fils d’Omar, réunit contre lui des armées, et s'avança à sa rencontre. Des deux côtés, les chefs rangèrent leurs troupes en bataille. La rencontre eut lieu, et de part et d'autre le combat fut acharné. Mais les compagnons de Zaid se séparèrent de lui, le trahirent, et il resta au milieu d'une poignée d'hommes. Il montra lui-même un beau courage et lutta avec acharnement. Une flèche l'atteignit et le frappa au front. Un chirurgien qu'il avait mandé parvint à l'extraire, mais Zaid y laissa sa vie et mourut sur l'heure. Ses compagnons creusèrent pour lui une fosse dans une rigole, l'y enterrèrent et firent couler l'eau sur son tombeau, dans la crainte qu'on ne mutilât son corps.
Lorsque Yousouf, fils d'Omar, l'émir de Koûfa, eut remporté la victoire, il chercha avec insistance le tombeau de Zaid. Mais il ne sut où le trouver. Un esclave le lui indiqua. Yousouf déterra Zaid, enleva son corps et le pendit. Le corps resta ainsi exposé pendant quelque temps, puis il fut brûlé, et les cendres en furent jetées et dispersées dans l'Euphrate. Puisse Allah le couvrir de sa miséricorde, lui donner la paix, maudire ceux qui lui ont fait tort et qui lui ont arraché sa part légitime ! Car il était mort martyr de sa foi, victime de l'injustice[109] !
Ce fut sous ce règne également que les émissaires des Abbâsides se répandirent dans les contrées orientales, que les Chiites s'agitèrent sourdement, que les armées d'Hicham guerroyèrent contre les Turcs de la Transoxiane et remportèrent sur eux une victoire, à la suite de laquelle Khâkân[110] fut tué.
Le successeur d'Hicham fut Walid, fils de Yazid, fils d’Abd al-Malik. Ce fut entre les Omeyyades un des plus marquants : gracieux, brave, généreux, violent. Il s'absorbait dans le jeu, la boisson, l'audition du chant. Poète excellent, il a composé de beaux vers sur les querelles des amants, la galanterie, la description du vin. Un de ses poèmes les meilleurs est celui qu'il adressa à Hicham, fils d'Abd al-Malik, qui avait conçu le projet de le déposer. Hicham, voyant Walid adonné aux frivolités interdites et livré entièrement aux voluptés, désira le khalifat pour son fils, chercha à obtenir de Walid lui-même une renonciation, et lança contre lui insultes et menaces. Alors, Walid, fils de Yazid, écrivit à Hicham :
Tu as renié la faveur[111] de ton bienfaiteur. Si tu en témoignais de la reconnaissance, le Miséricordieux, dans sa grâce et sa générosité, t'en aurait récompensé.
Je t’ai vu bâtir avec ardeur dans mon loi. Si tu étais doué de résolution, tu aurais détruit avec cette même ardeur ce que tu as bâti.
Je te vois amasser de la rancune contre les survivants tes descendants]. Qu'Allah prenne pitié d'eux ! Combien ils auront à souffrir, toi mort, du mal que tu amasses !
Je crois les voir déjà se lamenter en répétant sans cesse : « Plût au Ciel que nous… », lorsque : « Plût au Ciel que… » ne suffit plus.[112]
Plus d'un écrivain lui a volé[113] ses idées pour les insérer dans ses poèmes. C'est ainsi qu'Abou Nouwàs lui a emprunté ses idées dans ses descriptions du vin.
On raconte que Walid ouvrit un Coran pour y trouver un présage. Le passage qui sortit fut : « Ils implorèrent l'assistance d'Allah, et tout oppresseur et rebelle fut déçu.[114] » Il jeta le Coran à terre et le perça de flèches, puis il dit :
Tu m'adresses des menaces comme à un oppresseur, à un rebelle. Eh bien, oui ! je suis cela ! un oppresseur, un rebelle !
Quand tu arriveras devant ton Maître au jour de la Résurrection, dis : « O mon maître ! c'est Walid qui m'a mis en lambeaux ! »
Walid n'eut pas ensuite un long répit avant d’être tué.
La cause de son meurtre fut qu'avant son khalifat il était adonné, ainsi que nous l'avons raconté, au jeu, à la boisson et au mépris des prescriptions inviolables[115] d'Allah le Tout-Puissant ; lorsque le khalifat lui échut, il ne fit que s'absorber plus encore dans les voluptés et que s'adonner plus exclusivement au libertinage ; il y joignit la faute grave d'irriter les grands de sa famille, de les maltraiter et de se les aliéner. Ils s'unirent contre lui aux notables de ses sujets : ils l'assaillirent et le tuèrent. L'instigateur du meurtre fut Yazid, fils de Walid, fils d’'Abd al-Malik. Ces événements eurent lieu en l’an 126 (= 744 de J.-C.).[116]
Ce fut ensuite Yazid, fils de Walid, fils d'Abd al-Malik, qui devint khalife.
Il manifestait de la dévotion ; mais ou prétend qu'il croyait au libre arbitre.[117] Il reçut le surnom d'an-Nâqis (l'amoindrisseur), parce qu'il rogna sur la solde des hommes du Hedjaz ce qu'y avait ajouté Walid, [118] fils de Yazid, fils d'Abd al-Malik. Et c'est le motif pour lequel il fut surnommé an-Nâqis.
Lorsque Yazid fut proclamé khalife, il fit au peuple une allocution et leur fit entendre de belles paroles, que je vais transcrire ici à cause de leur beauté. Dans son allocution, il rappela Walid, fils de Yazid et son impiété, puis il ajouta : « Sa conduite a été honteuse ; il a méprisé les prescriptions inviolables[119] d'Allah ; aussi l'ai-je tué. » Puis il dit : « O hommes ! Vous pouvez exiger de moi que je n'élève pas pierre sur pierre, brique sur brique, que je ne creuse pas de canaux, que je ne thésaurise pas de richesses, enfin que je ne transfère pas l'argent d'une province dans une autre, avant d'avoir comblé la brèche de la première et subvenu aux besoins urgents de ses habitants ; c'est le surplus seul que j'affecterai à l'autre région la plus voisine. Ma porte ne vous sera jamais fermée. Vous toucherez vos gratifications chaque année, vos soldes chaque mois, afin qu'il y ait égalité entre ceux parmi vous qui habitent au loin et ceux qui sont près de nous. Si je tiens les promesses que je viens de vous faire, vous me devez fidélité, obéissance et loyale assistance. Si je ne tiens pas mes promesses, libre à vous de me destituer, à moins que je ne revienne à résipiscence. Si vous apprenez qu'un homme connu pour sa droiture vous donnera de sa personne ce que je viens de vous offrir, et que vous désiriez le proclamer khalife, je serai le premier à le reconnaître avec vous. Car l'on ne doit obéir à aucune créature lorsqu'il s'agit de désobéir au Créateur.[120] »
Je dis, moi, que c'est là un beau discours relativement à l'époque où il a été prononcé et aux mœurs de cette époque. Car telles étaient alors les conditions requises pour mériter le pouvoir. Aujourd'hui au contraire, si un roi parmi les rois se vantait qu'il ne creuserait pas de canaux, qu'il n'élèverait pas pierre sur pierre, ou s'il invitait ses sujets à nommer un autre roi à sa place, il serait considéré comme un imbécile, et il mériterait, d'après les mœurs politiques d'aujourd'hui, d'être déposé au profit d'un autre. »
Ce fut à cette époque que l'autorité des Omeyyades commença à être ébranlée, qu'on vit sourdre la dynastie 'abbâside, et que ses émissaires furent envoyés dans les capitales,
Yazid mourut en l'an 126 (= 744 de J.-C).
Après Yazid III, régna son frère Ibrahim, fils de Walid, fils d'Abd al-Malik, fils de Marvân.
Son règne fut un temps de guerres civiles. L'autorisé des Omeyyades était ébranlée. Lorsque Yazid, fils d’Abd al-Malik, mourut, on jura fidélité à son frère Ibrahim, mais ce fut un serment sans aucune valeur. Dans le peuple, les uns le saluaient du nom de khalife, d'autres du nom d'émir, d'autres ne lui accordaient aucun de ces deux noms. Son autorité fut fortement ébranlée. Vu bout de soixante-dix jours, il fut assailli[121] par Marvân, fils de Mohammad, fils de Marvân, qui le déposa, se fit proclamer khalife, et s'assit sur le trône de l'empire après des guerres, des luttes intestines et des événements qui feraient blanchir les cheveux d'un enfant.
Marvân, fils de Muhammad, fils de Marvân, qui régna ensuite, fut le dernier des khalifes Omeyyades, et le pouvoir passa de ses mains dans celles des 'abbâsides. Il était appelé « al-Dja'di[122] ». Il était surnommé l'Ane, et seulement, dit-on, à cause de son endurance dans les combats. Il était brave, habile, rusé. Son règne fut une époque de guerres civiles, d'anarchie et de désarroi. Il ne tarda pas à être mis en fuite par les armées 'abbâsides et poursuivi jusqu'en Egypte. Il fut tué dans une ville du Sa'id (Haute-Egypte) nommée Boûsir, et cela en l'an 132 (= 750 de J.-C.).
Ce fut sous son règne que se révolta Abd-Allah, [123] fils de Mouâwiya, fils d'Abd-Allah, fils de Djafar, fils d'Abou Thâlib.
Voici en résumé ce qui se passa : lorsque l'autorité des Omeyyades fut ébranlée, et que Marvân fut proclamé khalife, les guerres civiles éclatèrent entre les hommes. La discorde se mit entre eux, chacun ayant une opinion différente et une manière de voir personnelle. Il y avait alors à Koûfa un descendant de Djafar al-Tayyar, nommé 'Abd-Allah, fils de Mouâwiya, fils d’Abd-Allah, fils de Djafar, fils d'Abou Thâlib. C'était un homme éminent, un poète ; son ambition lui dicta le désir de l'autorité. Les gens de Koûfa étaient témoins du désarroi qui régnait à Damas et de l'ébranlement de la puissance des Omeyyades. Ils se présentèrent chez cet 'Abd-Allah, le proclamèrent khalife et se groupèrent autour de lui en nombre. L'émir, [124] alors préposé à Koûfa, sortit avec ses partisans et livra bataille aux révoltés. Les deux partis résistèrent quelque temps l'un à l'autre, mais à la fin les gens de Koûfa demandèrent à l'émir quartier pour eux-mêmes et pour 'Abd-Allah, fils de Mouâwiya, fils d’Abd-Allah, fils de Djafar, et la liberté de se rendre où ils voudraient dans les contrées d'Allah. L'émir de Koûfa et ses partisans étaient lassés de combattre : il leur accorda donc le sauf-conduit. 'Abd-Allah se dirigea vers Madâ'in (Ctésiphon), traversa le Tigre, s'empara de Houhvân et de ses environs, puis il se dirigea vers les pays de la Perse et y conquit les hauts plateaux, Hamadhan, Ispahan et Rey. Quelques Hachémites s'y joignirent à lui et il se maintint dans cette situation pendant un bon laps de temps.[125]
Or Abou Mouslim du Khorasan avait acquis une puissance redoutable. Il marcha contre cet 'Abd-Allah et le tua. Puis il fit apparaître la dynastie 'abbâside.
Ce fut alors que cette dynastie se manifesta et que sa propagande se fit ouvertement.
(Avant d'entrer en matière, il est indispensable d'exposer dans une introduction les commencements d'Abou Moslem Alkhorassany : car il fut l’homme de la dynastie, le chef de la vocation, et c'est à lui qu'on doit en attribuer le triomphe.)
Origine et commencements d'Abou Moslem Alkhorassany.
Les opinions varient touchant son origine ; et il n'y aurait point d'utilité à s'étendre longuement sur ce sujet.
Selon les, uns, Abou Moslem était de naissance libre, et descendait de Buzurdjumihr, célèbre ministre persan. Il était natif d'Ispahan et fut élevé à Koûfa. S'étant attaché à Ibrahim l'Imam, fils de Mohammed, fils d'Ali, fils d'Abdallah, fils d'Abbas, celui-ci changea son nom, le surnomma Abou Moslem, fit son éducation, et l'instruisit dans la jurisprudence.[127]
Selon les autres, il était né dans la condition d'esclave, et y demeura jusqu'au moment où il rencontra Ibrahim l'Imam, qui fut séduit de son extérieur et de son esprit, l'acheta de son maître, le forma et lui donna de l'instruction. Par la suite il le chargea de missions auprès de ses partisans et de ses dais, qui travaillaient en Khorassan à l'établissement de sa puissance. Ainsi se passèrent les premières années d'Abou Moslem.
Mais ce personnage, étant devenu puissant, se donna pour fils de Sélith, fils d'Abdallah et petit-fils d'Abbas. Or ce Sélith est le sujet d'une histoire qu'il faut rapporter ici en abrégé.
Abdallah ben Abbas possédait une jeune fille dont il jouit et qu'il délaissa quelque temps. Cette jeune fille se maria[128] à un esclave, et de cette union naquit un garçon, qu'elle nomma Sélith. Mais elle l'attribua à Abdallah ben Abbas, qui le renia et ne le reconnut point Sélith crût en âge et ne témoigna que de la haine et de l'ingratitude à son prétendu père. A la mort d'Abdallah, il disputa sa succession à ses héritiers. Les Omeyades furent charmés de cette circonstance, parce qu'elle les mettait à même de nuire à Ali, fils d'Abdallah. Ils protégèrent donc Sélith et donnèrent des ordres secrets au cadi de Damas, en sorte que celui-ci le favorisa dans son jugement et lui adjugea l'héritage. Cette décision donna lieu à beaucoup de discours, qu'il ne convient point de rapporter ici.
Abou Moslem se donna donc pour fils de ce Sélith, [129] lorsque son crédit fut bien établi. Il remplit ses missions pour Ibrahim l'Imam en Khorassan, appela secrètement les hommes à son parti et ne cessa d'en agir ainsi, jusqu'à ce que sa vocation devint publique, et que l'entreprise fut terminée.
Nous rappellerons préalablement ces paroles de Dieu : Ces jours nous en partagerons alternativement le cours entre les hommes.[130] Un sage consolait un monarque de la perte d'un royaume et lui disait : « Si ce royaume fût resté au pouvoir d'un autre que toi, comment te serait-il arrivé ? »
« Sache bien que cette dynastie des Abbassides est une des plus puissantes qui aient gouverné le monde, et y aient exercé un pouvoir religieux et politique à la fois. Les hommes vertueux et droits lui ont obéi par religion, les autres par crainte et par respect. Le califat et le sceptre sont restés près de six siècles dans cette maison. Plusieurs dynasties l'ont attaquée, telles que celles des Bouïdes, la plus puissante, comme tu le sais, dont le plus grand prince fut Adhed-ed-dauleh ; des Seldjoukides, parmi lesquels on distingue Thogril-bek ; des Kharizmiens, qui ont fourni Ala-Eddin, dont l'armée se composait de 400.000 combattants ; des Fatimides d'Egypte, princes qui envoyèrent, sous la conduite d'un de leurs esclaves, nommé Djewher, l'armée la plus nombreuse qu'on eût jamais vue, en sorte qu'un de leurs poètes, Mohammed ben Hany almoghréby, [131] dit :
« On n'avait point vu d'armée avant celle de Djewher, où les juments allassent à l'amble par dizaines, et accélérassent le pas.[132] »
Enfin ajoutons encore les Kharidjis, qui parurent sur ces entrefaites, en troupes nombreuses et en rassemblements considérables. Cependant malgré ces chocs, les Abbassides ne cessèrent point de régner et aucune dynastie n'eut la force d'anéantir leur souveraineté ni de les détruire. Au contraire, les divers princes dont nous venons de parler, rassemblaient de grandes armées, les conduisaient contre Bagdad, et lorsqu'ils y étaient arrivés, ils demandaient à paraître devant le Calife. Quand ils étaient admis en sa présence, ils baisaient la terre devant lui, et le terme de leurs désirs était que le calife légitimât leur puissance, en leur conférant le titre de Véli (lieutenant) ; qu'il leur nouât le drapeau ; qu'il les revêtît d'une robe d'honneur. Le calife avait-il accédé à leurs demandes, ils se prosternaient et baisaient la terre devant lui, et marchaient à pied à côté de son étrier, tenant le parasol sous leurs bras. C'est ainsi que Massoud le sultan en agit avec Mostarched. Il s'était introduit entre Massoud et le calife une mésintelligence telle qu'elle amena une guerre ouverte. Mostarched entra en campagne avec une armée nombreuse, accompagné de tous les officiers de l'empire. Les deux princes se rencontrèrent devant Méragah. On combattit pendant une heure ; la poussière s'éleva et déjà les troupes du calife étaient en déroute, et celles de Massoud victorieuses. La poussière s'étant apaisée, on vit le calife qui restait ferme et immobile sur son cheval ; il tenait dans ses mains l'Alcoran et avait autour de lui les lecteurs, les cadis, et les vizirs, car aucun d'eux n'avait pris la fuite, quoique les soldats se fussent débandés Lorsque le sultan Massoud les vit, il envoya un de ses officiers, qui conduisit le pontife dans une tente qu'on lui avait préparée ; mais il fit arrêter les officiers de son empire et les tint renfermés dans les lieux voisins.[133] Au bout de quelques jours le sultan eut une entrevue avec le calife et lui reprocha sa conduite. Après cela, la paix fut arrêtée et conclue entre eux. Le calife monta à cheval pour se rendre à un grand pavillon, qui lui était destiné. Lorsqu'il fut sur sa monture, le sultan Massoud prit le parasol, et marcha à pied, à côté de l'étrier. Tout ceci se termina néanmoins par le meurtre de Mostarched, événement dont nous offrirons plus loin le récit.
Toutes ces dynasties s'élevèrent contre les enfants d'Abbas, sans qu'aucune eut assez de nerf pour mettre fin à leur puissance et les faire disparaître entièrement. C'est que cette puissance tenait dans l'opinion et l'esprit du peuple-un rang auquel aucune autre maison souveraine du monde n'a jamais atteint. Et telle était la force de cette opinion, que lorsque Houlagou voulut faire mourir le calife, Abou Ahmed Abd-Allah, surnommé Almosteassem, après la prise de Bagdad, on lui fît entendre que ce meurtre troublerait l'ordre du monde, que le soleil s'éclipserait, que la rosée ne tomberait plus, que les plantée cesseraient de croître. Effrayé de cette prédiction, il consulta un savant pour connaître la vérité à ce sujet. Ce savant la lui apprit et lui dit : « Ali ben abi Taleb était, d'un aveu unanime, meilleur que ce calife ; on lui a donné la mort, et cependant aucun de ces prodiges ne s'est manifesté. On en a agi de même à l'égard de Hossein, fils d'Ali : on a immolé les ancêtres de ce calife, on leur a fait supporter les plus mauvais traitements ; et le soleil ne s'est point dérobé aux regards ; la rosée n'a point cessé de tomber. Ces paroles apaisèrent les craintes de Houlagou. Quant au savant, [134] il s'excusa d'un tel discours sur la terreur qu'inspirait le sultan, dont on redoutait beaucoup la colère, disant qu'il n'avait point osé dire autre chose que la vérité en sa présence. Toutefois ces prédictions étaient inspirées par l'opinion qu'avait le peuple à l'égard des Béni-Abbas, et aucune autre dynastie que cette famille victorieuse[135] (que Dieu en étende les bienfaits et l'élève en puissance et en gloire) n'a pu mettre un terme à leur règne et en effacer les vestiges.[136] Car le sultan Houlagou, lorsqu'il eut conquis Bagdad, détruisit entièrement les Abbassides, et changea l'ordre et tous les règlements qu'ils avaient établis ; bien plus, on ne pouvait prononcer, sans danger, le nom de ces princes. C'est ici le lieu de rapporter une anecdote, qui m'a été racontée par Almulissi Alhabechi, attachée au service du sultan, (que Dieu prolonge son règne équitable, et élève son rang dans ce monde et dans l'autre) et qui auparavant avait appartenu au calife Mosteassem. Voici dont ce qu'il me dit :
« Bagdad ayant été pris, on m'en fit sortir, (j'étais alors très jeune) avec les autres personnes attachées au calife. Nous fréquentâmes pendant quelques jours la cour du sultan. » Après notre éloignement de Bagdad, Houlagou nous fit venir un jour en sa présence ; nous portions la livrée de la maison du calife ; et il nous dit. « Avant ceci, vous apparteniez au calife ; aujourd'hui vous m'appartenez. Il convient que vous me serviez avec zèle et sincérité, et que vous effaciez de vos cœurs le nom du calife : Car c'est une chose qui fut et qui a passé. Si donc vous désirez changer cette livrée et entrer au nombre de mes serviteurs, ce sera prendre le meilleur parti. » Nous avons accepté respectueusement cette proposition, et ayant quitté notre livrée, nous avons pris celle des Mogols.
On dit que l'envoyé de Dieu, (sur qui soient les bénédictions et la paix !) a prononcé des paroles dont le sens annonçait que la souveraineté serait dans la ligne des Hachémites. Les uns disent qu'il prédit que cette souveraineté écherrait à un de ses fils ; les autres, qu'il annonça un jour à Abbas, son oncle, qu'elle serait possédée par son fils, et Abbas lui ayant amené son fils Abdallah, le prophète lui cria dans l'oreille, lui mit de sa salive dans la bouche, et s'écria : « O Dieu élève-le dans la religion, et enseigne-lui la science de l'interprétation ! » Après cela il le remit à son père, en disant : « Reçois le père des rois. » Ceux qui rapportent cette tradition prétendent, que la dynastie des Abbassides est celle que désignent les paroles de Mahomet
La dynastie des Omeyades s'était attiré la haine, les malédictions et le mépris du peuple : elle exerçait une tyrannie pesante ; s’adonnait à la violation des préceptes divins, se livrait aux choses honteuses. Du matin au soir, les sujets attendaient donc avec impatience cette nouvelle dynastie. A l'exception de Imamiyéh, l'opinion commune des musulmans était que Mohammed, fils d'Ali ben abi Taleb, connu sous le nom d'Ibn Alhanéfiyeh, se trouvait le chef de l'état, par le meurtre de son frère Hossein ; car les Imamiyéh pensaient que la qualité d'Imam appartenait à Ali, fils de Hossein, Zéin Alabedyn, et après lui, à ses deux fils successivement, jusqu'au Caim Mohammed ben Alhassan.
Quand Mohammed ibn Alhanefiyéh mourut, il testa en faveur d'Abou Hachem Abd-Allah son fils, lequel était au nombre des hommes les plus distingués de sa maison. Il arriva que ce dernier se rendît à Damas auprès de Hécham, fils d'Abd-elmélik. Le calife omeyade se conduisit très bien à son égard et lui fit des présents. Mais, ayant conçu de la jalousie de son éloquence, de son rang et de son savoir, le craignant enfin, il envoya sur ses traces (Abd-Allah avait repris le chemin de Médine) des émissaires, qui l'empoisonnèrent dans du lait. Abd-Allah, lorsqu'il se sentit empoisonné, pencha vers Mohammed ben Ali, ben Abd-Allah, ben Abbas, qui résidait à Homaimah en Syrie ; il l'instruisit de sa mort prochaine, et fit ses dernières dispositions en sa faveur ; il avait auprès de sa personne un certain nombre de chiites qu'il lui remit également, se constituant leur chef par son testament. Après ces arrangements Abd-Allah expira. Depuis ce jour Mohammed ben Ali ben Abd-Allah convoita le califat et commença à répandre secrètement ses Daïs dans les provinces : telle fût sa conduite jusqu'à à sa mort
Mohammed laissa plusieurs enfants, du nombre desquels étaient : Ibrahim l'Imam, Al-Saffâh et Almansor. Ibrahim l'Imam succéda à son père et multiplia l'envoi des Daïs dans les provinces surtout en Khorassan ; car les. Abbassides avaient plus de confiance dans les habitants de cette contrée qu'en tout autre peuple. En effet, ils comptaient peu de partisans en Hedjaz ; les gens de Koûfa et de Basra s'étaient souillés et déshonorés aux yeux de la maison du prophète, par leur conduite ignominieuse et perfide, à l'égard d'Ali de Hassan et de Hossein, ses deux fils (que la paix soit sur eux), par le sang qu'ils avaient versé : Quant aux peuples de Syrie et d'Egypte, ils affectionnaient les Béni Ommaiah, et l'amour de ces princes s'était enraciné dans leurs cœurs. Des divers habitants de l'empire arabe, il ne restait donc que le peuple du Khorassan, sur qui ils se reposassent. D'ailleurs, il était dit que les étendards noirs, qui devaient assurer le triomphe de sa maison, sortiraient du Khorassan. Voilà pourquoi Ibrahim l'Imam dirigea ses Daïs en Khorassan, vers ses partisans, qui se composaient des cheikhs et des principaux du pays ; ils répondirent à ses invitations, et appelèrent secrètement le peuple à son parti.[137] Vers la fin, il y envoya Abou Moslem. Celui-ci se rendit dans cette province, et rassembla les divers réunions de Chiites : tout ceci se faisait en secret, de même que la vocation ; elle n'était point encore manifesta.
Lorsque Mérouan, Alhimar, Ibn Mohammed, ben Mérouan, dernier calife Omeyade, monta sur le trône, le trouble et la confusion redoublèrent, le mal s'accrut, des séditions éclatèrent : les affaires des Omeyades s'embrouillèrent. Divisés entre eux, ils se tuèrent les uns les autres. Alors Abou Moslem se déclara ouvertement pour la cause des Abbassides, et tous les habitants du Khorassan, qui étaient pour eux, se réunirent à lui. A la tête d'une armée nombreuse, il marcha contre l'émir du Khorassan, Nasr ben sayyar, afin de le combattre. Nasr, apprenant la situation d'Abou Moslem et de ses troupes, fut effrayé, et écrivit à Mérouan Alhimar :
« Je vois sous les cendres une étincelle de feu ; il est à craindre qu'elle ne produise un incendie. »
« Si les gens sensés de la nation ne l'éteignent point, il s'alimentera de cadavres et de têtes. »
« Le feu s'enflamme avec deux morceaux de bois, et la guerre commence par des paroles. »
« Saisi d'étonnement, je me suis écrié : Plût à Dieu que je susse si les Omeyades sont éveillés ou livrés au sommeil ! »[138]
Mérouan lui répondit : « Celui qui est sur les lieux voit ce que ne peut apercevoir celui qui se trouve absent. Coupe donc le mal qui s'est manifesté près de toi. » Nasr dit à ses officiers : « Votre maître vous apprend qu'il ne peut vous secourir. »
Mérouan recevait incessamment des nouvelles du Khorassan ; chaque jour ses affaires empiraient, et sa puissance s'affaiblissait Ayant appris que le personnage vers lequel les Dais appelaient le peuple, était Ibrahim l'Imam, frère d'Alsaffah et d'Almansor, il le fit arrêter dans l'endroit qu'il habitait, conduire et enfermer à Harrân où il le fit empoisonner.[139]
Il y eut plusieurs combats et plusieurs chocs entre Abou Moslem et Nasr ben Sayyar, ainsi que d'autres émirs du Khorassan, dans lesquels la victoire resta au Mussawadéh.[140] On donnait ce nom aux troupes d'Abou Moslem, parce que c'était la couleur noire qu'ils avaient choisie pour livrée des Abbassides. Mais considère la puissance du Dieu très haut, et comment, lorsqu'il veut une chose, il en prépare les causes. Car rien ne peut s'opposer à l'exécution de ses volontés. Lors donc qu'il eut décrété que la souveraineté serait transférée dans la branche des Abbassides, il disposa pour eux tout ce qui pouvait amener cet événement. Ibrahim l'Imam, fils Ali ben Abd-Allah ben Abbas était dans l'Hedjaz ou la Syrie, se tenant sur son Mossala, livré à la méditation et aux pratiques du culte, occupé des affaires de sa, maison, et ne participant point aux avantages du monde ; et les habitants du Khorassan combattaient, sacrifiaient leurs vies et leurs richesses pour sa cause, quoique la plupart d'entre eux ne le connussent point et ne pussent appliquer son nom à sa personne. Fixe tes regards sur l'Imam Ibrahim ; il vivait dans cet état de retraite et d'isolement du monde, habitant l'Hedjaz ou la Syrie, et comptait une armée nombreuse dans le Khorassan, armée qui versait généreux sèment son sang pour lui, et à laquelle il ne donnait ni paye, ni monture, ni armes : au contraire elle lui payait le tribut, et lui apportait chaque année les impôts.
Lorsque Dieu eut résolu d'avilir Mérouan, et de détruire la souveraineté des Omeyades, ce prince était reconnu pour calife, avait des troupes à ses ordres, possédait des richesses et des armes : rien ne lui manquait. Mais les hommes se séparèrent de lui ; son autorité s'affaiblit, le fil des affaires politiques se mêla, et la puissance de ce prince s'évanouit de jour en jour, jusqu'au moment où il fut mis en fuite et tué. Que Dieu soit exalté !
Lorsque le parti d'Abou Moslem se fut fortement établi par l'envahissement du Khorassan, et la soumission de ses districts, cet officier se dirigea vers l'Irak à la tête d'une armée. L'arrestation d'Ibrahim l'Imam, ordonnée par Mérouan, sa détention à Harrân, avaient effrayé Al-Saffâh et Almansor, ses frères, et plusieurs de leurs proches ; ils allèrent chercher un asile à Koufah. Les Abbassides avaient des partisans dans cette ville ; de leur nombre était Abou Salamah, Hafs ben Soleïman Alkhallal, l'un des chiites les plus puissants de l'endroit, et qui devint plus lard vizir d'Al-Saffâh. Ce prince le fît ensuite mourir, ainsi que nous le dirons ci-après, en parlant des vizirs. Abou Salamah choisit à Koûfa une maison retirée pour ces fugitifs, la leur fit préparer, dirigea lui-même leurs affaires, tenant leurs projets cachés ; les Chiites se réunirent à lui et le parti de Abbassides se fortifia.
Abou Moslem arriva devant Koufah avec ses troupes ; il entra chez les Abbassides, disant : « Qui d'entre vous est le fils d’Alharetsiyéh ? Almansor lui répondit : le voici, et il lui montra Al-Saffâh. En effet celui-ci était fils d'une femme de la tribu de Harets. Abou Moslem le salua du nom de calife. Al-Saffâh sortit de sa maison, accompagné de ses frères, de ses oncles, de ses proches, ainsi que des principaux chiites, et précédé d'Abou Moslem, et se rendit à la grande mosquée. Il y pria, monta en chaire, déclara ses projets, prononça la Khothba et fut à l'instant proclamé calife. Cet avènement à la souveraineté eut lieu en l'année 132 de l'hégire (= 749 de J. C.), et de cette époque datent le commencement de la souveraineté des Abbassides, et la fin de la dynastie des Omeyades. Après cette cérémonie, Al-Saffâh alla camper en-dehors de Koûfa : le peuple des différentes contrées se rendit auprès de lui et le reconnut. Dès qu'il se vit à la tête d'un rassemblement considérable, et que ses forces se furent accrues, il envoya un de ses proches contre Mérouan Alhimar ; c'était son oncle Abd-Allah ben Ali, l'un des hommes les plus courageux d'entre les Abbassides, Abdallah se dirigea vers Mérouan, et le rencontra sur les bords du Zab. Ce prince avait avec lui cent mille hommes ; les troupes d'Abd-Allah étaient en moindre nombre. Mais Dieu agit en sa faveur.
Les deux armées s'étant rencontrées sur les bords du Zab, Mérouan dit à quelques-uns de ses officiers : « Si le soleil se couche aujourd'hui, sans que l'ennemi nous attaque, le califat nous appartient, et nous les posséderons jusqu'à la fin des siècles, jusqu'à la venue du Messie.[141] » En conséquence, il ordonna à ses troupes de s'abstenir de toute attaque, dans l'intention que le jour s'écoulât sans qu'il y eût de combat. Il fit demander la paix à Abd-Allah. Celui-ci répondit : « Il n'a point dit vrai : Si Dieu le permet, le soleil ne se couchera point que je ne l'aie forcé à remonter à cheval. » Mais, par un de ces hasards extraordinaires, un proche parent de Mérouan chargea sur un détachement de l'armée d'Abd-Allah ben Ali. Mérouan le réprimanda vivement sans en être écouté. Il s'établit un rude combat. Abd-Allah ordonna à ses troupes de se préparer à l'attaque : elles sautèrent sur leurs chevaux et tendirent leurs lances. Abd-Allah ben Ali s'écria : « O mon Seigneur ! jusqu'à quand combattrons-nous pour toi ? » Puis il ajouta : « O habitants du Khorassan ! Vengez Ibrahim l'Imam ! » Le combat devint plus acharné. Lorsque Mérouan donnait un ordre à ses soldats, on lui répondait : commande à d'autres. Enfin la désobéissance en vint à ce point, qu'ayant ordonné au commandant de sa garde, de mettre pied à terre, cet officier lui répondit : « Certes, je ne me précipiterai point dans une perte certaine. » Mérouan l'ayant menacé, il en reçut cette réponse. « Je désire que tu puisses réaliser les menaces. » Lorsque Mérouan vit la tiédeur de ses troupes, et les dispositions de l'armée d'Abd-Allah ben Ali, il plaça devant les siens beaucoup d'or, et dit : « Combattez et cet or est à vous. » Les soldats tirèrent peu à peu tout cet or. Alors quelqu'un vint dire à Mérouan : « Maintenant qu'ils ont pris l'argent, nous appréhendons qu'ils ne s'en aillent avec ce qu'ils ont reçu. » Mérouan ordonna donc à son fils d'aller se placer sur les derrières de l'armée, et de tuer tous ceux qui se débanderaient, emportant avec eux de l'argent. Le prince se mit en devoir d'obéir, et partit avec son étendard. Lorsque les soldats virent le mouvement rétrograde de l'étendard, ils s'écrièrent : « Fuyons, fuyons ; » alors la déroute devint complète, sans en excepter Mérouan : Les troupes passèrent le Tigre, et il périt plus de monde dans ce passage qu'il n'y en eut de tué. Alors Abd-Allah ben Ali récita ce verset de l'Alcoran : « Voilà que nous avons séparé pour vous les eaux de la mer ; nous vous avons délivré, et nous avons submergé le peuple de Pharaon.[142] »
Mérouan ne cessa de fuir jusqu'à ce qu'il eût atteint Mossoul. Les habitants coupèrent le pont, et l'empêchèrent de passer le fleuve. Ceux qui l'accompagnaient crièrent : « O habitants de Mossoul ; c'est l'émir des croyant que vous voyez ; il désire passer le fleuve. » Le peuple de Mossoul répondit : Vous nous en imposez : L'émir des croyants ne prend point la fuite. » Puis ils chargèrent d'injures le malheureux calife, et lui dirent : « Louanges à Dieu qui a mis un terme à votre puissance, et a fait disparaître la souveraineté de ta maison ! Louanges à Dieu qui nous a donné la famille de notre prophète ! » Lorsque Mérouan entendit ces paroles, il s'avança plus loin, passa le Tigre et vint à Harran. De là il se rendit à Damas, puis en Egypte, où il fut suivi par Abd-Allah ben Ali. Ce dernier envoya sur ses traces un de ses Lieutenants, qui rencontra Mérouan dans un bourg du Saïd, nommé Boussir.[143] Mérouan marcha contre lui et l'attaqua avec le monde qui l'accompagnait. L'officier Abbasside dit à ses soldats : « Si nous attendons que le matin sort venu, et que l'ennemi voie notre nombre, il nous massacrera : aucun de nous n'échappera. Préparez-vous donc à combattre. » En disant ces mots, il rompit le fourreau de son épée. Ses officiers imitèrent son exemple, et chargèrent la troupe de Mérouan, qui prit la fuite. Un soldat Abbasside attaqua le calife, sans le connaitre, le perça de sa lance et le renversa. Un autre soldat s'écria : « Le calife est renversé ! » Aussitôt on accourut et on se pressa autour de lui. Un homme de Koûfa s'avança et lui coupa la tête, et, après l'avoir examinée attentivement, on en arracha la langue, qu'une chatte dévora, ensuite on porta cette même tête à Al-Saffâh, qui se trouvait alors à Koûfa. Dès qu'il la vit, il se mit à genoux, et élevant la tête vers le ciel, il s'écria : « Rendons grâce à Dieu, qui m'a accordé la victoire et n'a point laissé sans exécution, la vengeance que j'avais à tirer de toi. »
« Quand même ils auraient bu mon sang, ils ne se seraient point désaltérés, et leur sang ne saurait étancher ma soif, tant ma colère est ardente.[144] »
Cet événement rendit Al-Saffâh maître absolu de l'autorité souveraine.
[1] Ces paroles sont empruntées à Ibn al-Athir, Chronicon. III, 340.
[2] C'est l'année 8 de l’Hégire (11 janvier 630 de J.-C, d'après Caussin de Perceval, Essai, III, 234). Cf. Prince de Teano, Annali del Islâm, année IIII, §§ 38 et suiv. Toutes les sources arabes sont résumées dans ce dernier ouvrage.
[3] Sur cette femme d'Abou Soufyân, voy. le Kitab al-aghâni. Index, p. 694, et les ouvrages indiqués aux notes ci-après.
[4] Cette bataille est trop célèbre pour qu'il soit besoin d'en parler ici. Elle fut, comme on le sait, terrible pour Mahomet et ses partisans, dont un grand nombre y trouvèrent la mort. Elle eut lieu en janvier 625 de J.-C. Cf. Caussin de Perceval, Essai, III, p. 89 et suiv. Ouhoud est le nom d'une montagne, située au nord de Médine. Voy. le résumé de la tradition arabe, sur cet événement, dans Annali del Islâm, par le Prince de Teano, t. I. année 3, § 12 et suiv. Voy. aussi Ibn al-Athir, Chronicon, II, 114 et suiv.
[5] Cf. sur sa mort et sa mutilation par Hind, Caussin de Perceval, Essai, III, 102, 107 et suiv. ; Prince de Teano, Annali del Islâm, t. I, année III, § 55, 61 : Ibn al-Athir, loc. cit. ; Massoudi, Prairies d’or, IV, 152, 156, 439.
[6] Cf. notre traduction de Wancharisi, t. II. p. 487, n. 1 (Archives marocaines, t. XIII).
[7] Oncle paternel de Mahomet.
[8] Comme son nom l'indique, c'est le fils d’Othman, le troisième khalife orthodoxe. Il était lépreux et louche. Sous les descendants de Marvân, il fut successivement nommé gouverneur de La Mecque et de beaucoup d'autres villes (Prairies d’or, IV, 252). C'est lui qui récita les prières des funérailles à la mort des fils d’Ali Muhammad, surnommé le fils de la Hanéfite, en l’année 84 de l'Hégire (ibidem, 267-268) et aussi à la mort du neveu d'Ali, 'Abd Allah, fils de Djafar, fils d'Abou Thâlib, ibidem, IV, 384). Enfin il dirigea le pèlerinage pendant les années 76 à 80 et aussi en l'année 82 de l'Hégire (ibid., IX, 59). Abân était aussi un traditionniste estimé, et de nombreux hadiths (traditions) reposent sur son autorité. Il mourut en l'année 105 de l'Hégire. Cf. Prince de Teano, Annali del Islâm, t. II, année 11, § 79, note 2. Voy. aussi Ibn Khallikan, Wafayât, éd. Wüstenfeld, notice 570, p. 91, qui mentionne Abân (gouverneur de Médine) à l'occasion du fils de la Hanéfite. Voy. aussi Ibn al-Athir, op. cit., IV, 361 et suiv.
[9] Des renseignements ont été donnés sur tous ces personnages dans d'autres endroits; voy. ces noms à l'Index.
[10] Ces expressions sont empruntées au Coran, XII, 21.
[11] Sur ce célèbre compagnon du Prophète, mort en l'année 59 ou 60 de l'Hégire et dont le nom entier est Qais, fils de Sa'd, fils d’Oubâda, fils de Doulaim al-Ansari, voy. Nawawî, Isâba, 514-515 ; Massoudi, Prairies d’or, IV, 360; V, 32, 45-48; VIII. 323-324; Prince de Teano, Annali del Islâm, Index, p. 1421; Ibn al-Athir, Chronicon, III, 243-5 et Index, p. 505.
[12] Ces paroles sont devenues proverbiales. Meïdani et tous les auteurs de recueils de proverbes les citent.
[13] Son fils.
[14] En marge du manuscrit A (f° 102 r°), on trouve cette note ajoutée par un lecteur, qui a senti le besoin de nous dire, mais d'une manière inintelligible, son opinion sur l'auteur. Voici les termes de sa note : « Qu'Allah ait en pitié l'auteur de ce livre ! Nous avons compris de ses expressions ni suspendus à rien au-dessus, ce que nous avons compris; c'est à vous maintenant de comprendre. » Ce doit être une allusion à une croyance de l’auteur, mais laquelle?
[15] Abou Hilal Al-'Askari (manuscrit arabe de Paris, n° 5986, rapporte diverses traditions, d'après lesquelles la maqsûra aurait été inaugurée par 'Omar ou 'Othman. Cf. Ibn Khaldoun, Prolégomènes, trad. de Slane, II, 62 et note; Quatremère, Mamlouks, I, i, 164; II, i, 283; Lane, Manners and Customs of the Modem Egyptians, I, 116.
[16] Ibn at Tiqtaqâ n'aperçoit pas la sécurité qui résulte, pour les routes, de ces relais établis tous les deux parasanges et de ce va-et-vient continuel des courriers. Sur la poste en Orient, voy. l'importante note de Quatremère, Mamlouks, II, ii, 87 et suiv. ; Kremer, Culturgeschichte des Orients.
[17] Il se nommait 'Amr, fils du fameux Zoubair (voy. ce nom à l'Index), Cf. Ibn al-Athir, Chronicon, IV, 7.
[18] C'est 'Abd Allah, fils de Zoubair, frère d’Arar, qui remboursa la somme pour faire élargir son frère incarcéré sur l'ordre de Mouâwiya. Ibn al-Athir, loc. cit.
[19] Sur ce bureau, voy. encore Ibn Khaldoun, Prolégomènes, trad. de Slane, II, 56; Tha’âlibi, Latâ'if, p. 12.
[20] Ce passage est incontestablement emprunté à Ibn al-Athir, Chronicon, IV, 9.
[21] Son nom est 'Oubeïd Allah. Cf. Ibn al-Athir, Chronicon, IV, 7, 8 et 365-367.
[22] Cette anecdote est donnée par Ibn al-Athir, Chronicon, IV, 7-8.
[23] Littéralement : un jour qu'on venait d étendre la nappe de cuir devant... » En effet ces repas se servaient sur de grandes pièces de cuir, faisant office de table, Quant à ces repas solennels donnés à certains jours de l'année, ils constituaient un des attributs du pouvoir, et étaient présidés par le souverain lui-même ou son représentant, ou par un vizir. Cf. Quatremère, Mamlouks, I, ii, 99.
[24] On sait que c'est le titre des descendants d’Ali par la branche de Hosain.
[25] Mahomet.
[26] La vie de Ziyâd est assez connue. Massoudi (Prairies d’or, V, 15, et suiv.) donne d'intéressants détails sur ce fameux personnage. Sa biographie est aussi donnée par Khalil ibn Aibak as-Safadî, Al-Wâfi bil-Wafayât, manuscrit de Paris, n° 2064, f° 94 ; Kitab al-aghâni, Index, pp. 360-361.
[27] On l'appelait Soumayya, fille d'al-A'war [le borgne]. Elle mourut en l'année 58 de l'Hégire. Cf. Kitab al-aghâni, XVII, 67, et Prince de Teano, Annali del Islâm, t. II, année 8, § 150, note 1, n° 2 et année 2, § 160, note 1. Elle était esclave de Hârith, fils de Kalada, et habitait à Tâ'if, dans un quartier appelé Rue des Courtisanes. Cf. Massoudi, Prairies d’or, V, 22 et suiv. Voy. aussi Ibn al-Athir, Chronicon, III, 371.
[28] Voy. plus loin la traduction correspondante.
[29] Littéralement : qui deposuit eum in utero matris suae.
[30] Tout ce passage est copié mot à mot d'Ibn al-Athir, Chronicon. III, 371.
[31] Littéralement : et haec stillabat semine.
[32] C'est la présomption : Pater is est quem nuptiae demonstrant
[33] C'est-à-dire la lapidation conformément à la législation née de la sounna, qui a renchéri sur la législation coranique Coran, XXIV, 2-10), laquelle prescrit seulement le fouet.
[34] Comme dans le droit romain, où l'on distinguait les juslœ nuptiae, le concubinatus, le contubernium, etc.
[35] C'est la paternité forcée, ou filiation établie par simple déclaration de la mère.
[36] Ces vers sont, dit-on, d'Abd er-Rahman, fils d'Oumra al-Hakam, ou de Yazid, fils de Moufarrigh l’Himyarite, grand-père du Sayyid al-Himyarî. Sur ces deux poètes, voy. Kitab al-aghâni, VI, 75 et XIII, 33-35, 43, 47-48; XVI, 7, 16 ; XVII, 51 et suiv. ; Ibn Qotaiba, Liber poesis et poetarum, 206, 209-213. Ce dernier auteur (p. 212) attribue les vers ci-dessus à Ibn Moufarrigh. De même le Kitab al-aghâni, VII, 60. Massoudi (Prairies d’or, V, 27) nomme aussi les deux poètes sans savoir auquel des deux attribuer les vers. Mais l'attribution à Ibn Moufarrigh est confirmée par Ibn al-Athir, Chronicon, III. 432-433; IV, 12, 219, 278. Quant à 'Abd er-Rahman, fils d'Oumm al-Hakam, son nom est 'Abd er-Rahman fils d'Abdallah, fils d’Othman ath-Thaqari. Cf. Ibn al-Athir, op. cit., III, 410 ; IV, 245-248.
[37] Ici le sens n’est pas douteux, il s'entend du changement de caractère, d'une manière absolue, en bien ou en mal. Voyez des exemples où ce verbe signifie « s'améliorer » dans Ibn al-Athir, Atabeks, p. 330, l. 6 (Hist. orientaux des Croisades) : Kitab ar-raudatain, d’Abou Châma, éd. du Caire, II, 18, l. 10.
[38] Coran, LXXIX, 34.
[39] Coran, XVIII, 103 et 104.
[40] Sur ce personnage, cf. Kitab al-aghâni, I. 13 ; II, 80-88 ; XVI, 68 ; Massoudi, Prairies d’or, II, 170, 176. Walid, qui était un compagnon du Prophète, mourut en l'année 64 de l’hégire. Cf. Yakout, Mou’djam, Register, 753; Wüstenfeld, Register, 462 ; Prince de Teano, Annali del Islâm, Index, p. 1544; Ibn al-Athir, Chronicon, Index, p. 648.
[41] Voy. Massoudi, Prairies d’or, V, 128, 12;t, 130, 148 (Lisez partout 'Aqîl au lieu d'Okail) ; Kitab al-aghâni, XIII, 37; Ibn al-Athir, Chronicon, IV, 10-22; 24-30 et passim.
[42] C'est le fils du fameux Ziyâd ibn Abîhi, le soi-disant fils adultérin d'Abou Soufyân. Voy. de nombreux détails sur ce personnage dans Massoudi, Prairies d’or, V, 134 et suiv. ; aussi Index, p. 223 ; Kitab al-aghâni, XVII, 53, et Index, p. 464-465 ; Ibn al-Athir, Chronicon. IV, 17 et suiv. On trouve aussi une notice sur ce personnage dans le manuscrit 2066 de la Bibliothèque Nationale (Khalil ibn Aibak As-Safadî, Al-Wâfi bil-Wafayât), f. 302 v°.
[43] Coran, X, 95; XLI, 15.
[44] Hani', fils d’Ourwa le Mourâdite. Cf. Kitab al-aghâni. XIII, 37: XIV, 98 ; Massoudi, op. cit., V, 136 ; Ibn al-Athir, Chronicon, VI, 19 et suiv.
[45] Ce célèbre poète, mort vers 728, est trop connu pour qu'il soit besoin de donner ici une notice. Voy. la bibliographie dans Brockelmann, Gesch. der. arab. Litt., I; Cl. Huart, Histoire de la Litt. ar., p. 49-50 ; de Hammer Purgstall, Litt. Gesch. der Arab., II. 260 : Kitab al-aghâni. VIII. etc., 186-196 et Index, p. 537-542; Ibn Qotaiba, Liber poesis, éd. de Goeje, 286-301 et Index, p. 581.
[46] Ces vers sont donnés par Massoudi, Prairies d’or, V, 141. Sa leçon est moins bonne. Cf. Ibn al-Athir, Chronicon, IV, 30.
[47] Cf. le récit de Massoudi. Prairies d’or, V, 143-147. Voyez une anecdote sur ce général dans le Kitab al-aghâni. XVI, 8. Aussi Ibn al-Athir, Chronicon, IV, 44 et suiv.
[48] Il s'agit d’Amr, fils de Sa'id, fils d’'al-'As, célèbre compagnon du Prophète. Il était surnommé al-Achdaq (l'homme à la grande bouche). Voy., sur ce personnage, le Kitab al-aghâni. Index, p. 516 ; Caussin de Perceval, Essai, I, 389 ; Massoudi, Prairies d’or, Index, p. 115); Prince de Teano, Annali del Islâm, Index, p. 1265 ; Ibn al-Athir, Chronicon, IV, 94 et suiv.
[49] Sur ce personnage et sur cette expédition, cf. Kitab al-aghâni, I, 14, 20 ; Massoudi, Prairies d’or, V, 161-165, 282; Ibn al-Athir, Chronicon, IV, 94 et suiv.; R. Dozy, Histoire des Musulmans d'Espagne, I, p. 108.
[50] Lisez ainsi. Les voyelles données par l'éditeur se trouvent, il est vrai, dans le manuscrit, mais c'est une faute. Cf. Soyoûti, Loubb al-Loubâb, éd. Weijers, p. 89, s. v.
[51] Ce fameux compagnon du Prophète est un des plus anciens traditionnistes. Cependant on n'ajoute qu'une foi limitée aux traditions qu'il a rapportées. Il mourut en 64 ou 73 ou 75 de l'Hégire. Voy. sa biographie dans Nawawi, Isâba, 723-724; Ibn Douraid, Genealogische, 269, ligne 17 ; Ibn Qotaida, Ma’ârif, 136-137 ; Kitab al-aghâni, Index. p. 374 ; Yaqout. Mou’djam, Register, 452 ; Wüstenfeld, Register, 403: Caussin de Perceval, Essai, III, 105 ; Massoudi, Prairies d’or, IV, 295; Prince de Teano, Annali del Islâm, t. II. Index; Ibn al-Athir, Chronicon, IV, 99 et suiv.
[52] Tout le passage précédent est copié presque mot à mot d'Ibn al-Athir, Chronicon, V, 99 et suiv.
[53] Cf. Massoudi, Prairies d’or. V, 101 ; Ibn al-Athir, Chronicon, IV, 94.
[54] Cet homme se nommait Hosain, fils de Zoubair. Cf. J.-B. Périer, Vie d’al-Hadjdjâd ibn Yousouf, p. 21.
[55] La chaire et aussi, dit-on, le sabre en bois que tient le khâtib lorsqu'il fait le prône du vendredi, ou encore le bâton de Mahomet.
[56] Ce vers est donné par Ibn al-Athir, Chronicon. IV, 103. Le sens est certain, d'après l'explication que donne le Tadj al-'aroûs.
[57] Ce récit est emprunté presque textuellement à Ibn al-Athir, Chronicon, IV, 103. Cf. Snouck-Hurgronje, Mekka, I, p. 28.
[58] Cf. Massoudi, Prairies d’or, V, 169, 170, 208. Il avait alors 21 ans.
[59] Massoudi (op. cit., V, 168) dit que « ce prince reçut, après son avènement au khalifat, le surnom patronymique d'Abou Lailâ », le père de Lailâ), surnom qui était donné par les Arabes aux hommes d'un caractère faible.
[60] Sur ce prince, voy. le Kitab al-aghâni, XVI, 87-92. Sa biographie est également donnée par Khalil ibn Aibak as-Safadî, Al-Wâfi bil-Wafayât, manuscrit de Paris, n° 2064, f° 7 r°. Khalid jouissait, comme on le sait, d'une grande réputation d'alchimiste, et plusieurs écrits apocryphes sur cette fausse science lui sont attribués. Voy. aussi Massoudi, Prairies d’or, V, 206 et suiv.; Ibn al-Athir, Chronicon, IV, 120 et suiv.
[61] Cf. Massoudi, Prairies d’or, IV, 257 ; Kitab al-aghâni, IV, 177; Ibn al-Athir, Chronicon. IV, 139.
[62] Ce sobriquet a été donné également à Abd al-Malik, fils de Marvân. Cf. Massoudi, Prairies d’or, V, 239. Cependant, dans une note qui se trouve à la page 509 du même tome, M. Barbier de Meynard, qui a connu le passage ci-dessus du Fakhrî, dit que l’auteur de ce livre explique le mot Zarqâ par « la femme au drapeau bleu ». L’auteur du Fakhrî n'a pas donné cette explication: il s’est borné à dire que Zarqâ était une prostituée, une de celles qui sollicitent l'attention des passants au moyen d'un drapeau, ce qu'il a d'ailleurs manifestement copié d'Ibn al-Athir, Chronicon, IV, 160: mais il ne dit pas que son drapeau était bleu.
[63] 'Voy. la relation de ce fait dans Kitab al-aghâni, XVI, 88, 90 ; Ibn al-Athir, op. cit., V, 158.
[64] La mère de Khalid se nommait Fâkhita. Voy. Massoudi, Prairies d’or, V, 206.
[65] Cf. Massoudi, loc. cit. Marvân était âgé, au moment de sa mort, de 63 ans environ.
[66] Voyez de nombreux détails dans Ibn al-Athir, Chronicon, IV, 131 et suiv., 144 et suiv.
[67] Voy. Kitab al-aghâni, XIV, 98: XVI, 37 ; Massoudi, Prairies d’or, V, 213 et suiv. Une intéressante biographie de ce personnage est donnée par Khalil ibn Aibak As-Safadî, Al-Wâfi bil-Wafayât, manuscrit de Paris, n° 2064, f° 173 v°: Ibn al-Athir, loc. cit. ; G. Weil, Geschichte der Chalifen, I, pp. 352 et suiv.
[68] Ce fameux khâridjite apporta un puissant secours à la cause des 'Alides. Il remporta des succès continus sur les armées d’Obeïd Allah, fils de Ziyâd, gouverneur de l'Iraq, qu'il finit par tuer. Voy. un résumé de la vie de cet hérétique et les indications bibliographiques dans J.-B. Périer, Vie d’Al-Hadjdjâdj ibn Yousouf, p. 26 et passim. Cf. le Kitab al-aghâni. Index, p. 615 ; Massoudi, Prairies d’or, V, 166-229; Ibn al-Athir, Chronicon, IV, 173 et suiv.; G. Weil, Geschichte der Chalifen, I, 354 et suiv.
[69] Voy. ci-dessus et aussi Massoudi, Prairies d’or, V, 174; Ibn al-Athir, Chronicon. IV, 199.
[70] C'est le fils du fameux compagnon d’Ali dont il a été question ci-dessus, et qu'Ali voulait choisir comme arbitre dans son différend avec Mouâwiya. Ibrahim, général habile et partisan des 'Alides, remporta de nombreuses victoires sur les troupes syriennes du khalife. Voy. les Prairies d’or, V, 222 et suiv. et 242-246. Ibrahim fut tué dans une bataille livrée par 'Abd al-Malik à Mous'ab, fils de Zoubair en 70 de l'Hégire = (689 de J.-C). Cf. Tabari, Annales, II, p. 803 : les Prairies d’or, ibid.
Cf. la thèse de M. l'abbé Périer, Vie d’Al-Hadjdjâdj, p. 33 ; Kitab al-aghâni. XVII, (68 et 162-163 ; G. Weil, Geschichte der Chalifen, I, 373 et suiv.
[71] Sur cette fameuse réforme, voyez Baladzori, Fotoâh al-bouldân, pp. 300-301, dont le récit a été rapporté aussi par un auteur, relativement ancien (IVe siècle de l'Hégire) : Abou Hilal al-'Askarî, dans son Kitab al-a’wâil, manuscrit arabe de la Bibliothèque nationale, n° 5986, f. 130. Cf. aussi H. Lavoix, Catalogue des monnaies musulmanes de la Biblioth. nationale. Préface, p. iv; J.-B. Périer, Vie d’Al-Hadjdjâdj ibn Yousouf. pp. 260-261 ; Moubarrad, Kâmil, pp. 346-347; von Kremer, Culturgeschichte des Orients, I, 173.
[72] Abou Muhammad Sa'id b. al-Mousayyab b. Hazn b. Abi Wahh b. 'Amr b. 'A'idz b. 'Imran b. Makhzoum est un grand traditionniste de l'École de Médine. Il mourut en l'année 94 de l'Hégire (= 712 de J.-C). Sa biographie se trouve dans Nawawî, Isâba, 283-285; Ibn Douraid, Genealogische, 62, l. 13 ; 95, l. 11 ; Kitab al-aghâni. Index, p. 367; Ibn Qotaiba. Ma’ârif. 223-224, 273 ; Wüstenfeld, Register, 401 ; Yâkoût, Mo’djam, Register, 451 ; Ibn Khallikan, Wafayât, éd. Wüstenfeld, notice 461 ; Prince de Teano, Annali del Islâm, t. II, Index ; Caussin de Perceval, Essai, III, 161, notes; Khalil ibn Aibak as-Safadî, Al-Wâfi bil-Wafayât, manuscrit arabe de Paris, n° 2064, f. 146; G. Weil, Geschichte der Chalifen. I, 480-481.
[73] Voy. un excellent résumé des sources arabes sur ces événements dans J.-B. Périer, Vie d’Al-Hadjdjâdj ibn Yousouf, p. 30 et suiv. On y trouvera aussi presque toute la bibliographie de la question.
[74] Cette femme, célèbre par sa beauté et son esprit, eut successivement plusieurs maris. Sa rivalité avec 'Aïcha, fille de Talha, est restée célèbre. Les historiens arabes rapportent de nombreuses anecdotes où elle a joué un rôle. Cf. notamment le Kitab al-aghâni, Index, pp. 379-380. Elle mourut à Médine en l'année 117 de l'Hégire (= 735 de J.-C). Cf. l'intéressante biographie de cette princesse dans Ibn Khallikan, Wafayât, éd. Wüstenfeld, notice 267, et dans Khalil ibn Aibak as-Safadî, Al-Wâfi bil-Wafayât, manuscrit de Paris, n° 2064, 151 v°. Voy. aussi Massoudi, Prairies d’or, V, 252; Ibn al-Athir, Chronicon, IV, 74-70, 272 ; V, 145.
[75] Voy. sur cette princesse le Kitab al-aghâni. Index, p. 417. L'anecdote rapportée ci-dessus se trouve dans l’Aghâni. VIII. 62. Voy. aussi Massoudi, Prairies d’or, V, 273-275, et Ibn Khallikan, Wafayât, éd. Wüstenfeld, notice 557, p. 60; Ibn al-Athir, Chronicon, IV, 264, 271; V, 218.
[76] Ce fameux poète, dont le nom est devenu synonyme d'amoureux, par suite de ses aventures galantes avec la Bédouine 'Azza, était né dans le Hedjaz, mais il a vécu en Syrie, où il professa les opinions chi'ites les plus extravagantes. Il mourut en l’année 105 de l'Hégire. Cf. Brockelmann, Gesch. der arab. Litt., I, 48: Cl. Huart. Histoire de la Littérature arabe, 50-51 ; Ibn Khallikan, Wafayât. éd. Wüstenfeld, notice 557; de Hammer Purgstall, Litteraturgesch. der Araber, II. 370; Ibn Qotaiba, Liber poesis et poetarum. éd. de Goeje, pp. 316-329 : Kitab al-aghâni, VIII, 26-44 et Index, pp. 565-567.
[77] La date de la mort de Mous'ab a soulevé une grande discussion, les chroniqueurs arabes n'étant pas d'accord entre eux, et il en est qui donnent la date de 72 de l'Hégire = 691. L'intérêt du débat est d'ailleurs bien restreint. Voyez la discussion de la question dans Weil, Geschichte der Chalifen, I, p. 407 ; Muir, The Caliphate, its Rise, Decline and Fall, from original sources, p. 338. Voyez aussi un bon résumé de la question, avec la bibliographie dans la thèse de M. l'abbé J.-B. Périer, Vie d’Al-Hadjdjâdj ibn Yousouf, pp. 33 et suiv.
[78] L'Index (p. 470) de l'édition arabe, qui a servi de base à cette traduction, renvoie pour ce nom à la page 180, où il ne se trouve pas. C'est une erreur typographique. 'Amir, fils de Charâhil, fils d'Abd al-Himyari ach-Cha'bi, est un fameux traditionniste, qui mourut en 104 ou 105 de l'Hégire (= 722 ou 723 de J.-C). Sa biographie est donnée par Ibn Khallikan, Wafayât, éd. Wüstenfeld. notice 316. Ed. de Slane, II, pp. 4-7. Voy. aussi Ibn Qotaiba, Ma’ârif, 229-230 ; Kitab al-aghâni, Index, 400-401; Yakout, Mou’djam, Register 490; Prince de Teano, Annali del Islâm, Index, p. 1450; Massoudi. Prairies d’or, Index, p. 129; Ibn al-Athir, Chronicon, IV, 176-178 et passim: Moubarrad, Kâmil, p. 154.
[79] Ce passage est emprunté à Ibn al-Athir, Chronicon. IV, 413.
[80] On n'est pas d'accord sur le nom de ce poète. Ibn Qotaiba (Liber poesis et poetarum, p. 174), dit que ce vers appartient à Namir, fils de Taulab, sur lequel il donne une notice, loc. cit. (voy. aussi Kitab el-aghâni, XIX, 157-162 ; de Hammer-Purgstall, Litteratur Geschichte der Araber, I, 442). Ailleurs (p. 243-244), le même Ibn Qotaiba rapporte l’anecdote ci-dessus, en attribuant le vers au poète Nousaib, dont il donne la biographie (voy. aussi Kitab al-aghâni, I, 129-150; de Hammer-Purgstall, II, 554; III, 957; IV, 809).
[81] Il se nommait Al-Ouqaichir. Cf. Ibn Qotaiba, op. cit., p. 244.
[82] Ce vers est du poète 'Abada, fils de Tayyib. Il fait partie d'une élégie composée par lui sur la mort de Qais, fils d'Asim, sur lequel on peut voir Caussin de Perceval. Essai, Index, p. 553; Kitab al-aghâni, XII, pp. 149-158 et passim: de Hammer Purgstall, Litteraturgeschichte der Araber, III, 939 ; Ibn Qotaiba, Liber poesis et poetarum. p. 457 (le vers y est donné); Ibn Khallikan, Wafayât, éd. Wüstenfeld, notice 74, p. 103.
[83] Ce vers est du poète juif Samaw'al ibn 'Adiyyâ. Cf. Ibn Qotaiba, Liber poesis et poetarum, éd. de Goeje, p. 389), où les deux premiers vers de cette poésie sont attribués à un autre poète, appelé Doukain. Mais voy. Al-Qalî, Amâli, éd. de Boulaq, 1824, p. 278, l. 10, où ce vers est donné avec toute la qasîda de Samawal. L'attribution d'Ibn Qotaiba est donc erronée. Sur Samawal lui-même, voy. Kitab al-aghâni, t. XIX, pp. 98 et suiv. ; Brockelmann, Gesch. der arab. Litt., I, 28; de Hammer-Purgstall, Litteraturgeschichte der Araber. I, 534.
[84] C'est la ville bien connue du Turkestan chinois dans la petite Boukharie, sur le fleuve Kachgar. Cette expédition eut lieu en 96 (= 714 de J.-C.)Cf. Tabari, Annales, II, 1275 et suiv. ; Ibn al-Athir, Chronicon, V, 2 et suiv.
[85] Voy. ci-dessous le règne de ce prince.
[86] Six mois, dit Ibn al-Athir, op. cit., X, p. 6.
[87] Tout ce passage est copié textuellement d'Ibn al-Athir. Chronicon, V, 5 et suiv.
[88] Une intéressante biographie de ce prince est donnée par Khalil ibn Aibak as-Safadî, Al-Wâfi bil-Wafayât. manuscrit de Paris, n° 2064. f° 175 r°. Cf. Kitab al-aghâni. Index, p. 388, et Massoudi, Prairies d’or, V, 378 et suiv. ; Ibn al-Athir, Chronicon, V, pp. 6 et suiv.
[89] Cf. Massoudi, Prairies d’or, V, 400.
[90] Sur ce célèbre philologue, né en 122 (= 739), mort en 216 (= 831) et dont le nom est 'Abd al-Malik, fils de Qouraib, voy. la bibliographie dans Brockelmann, Gesch. der arab. Litt., I, 104 ; Cl. Huart, Hist. de la Litt. arabe, p. 142; de Hammer, Litter. gesch. der Araber, VII, 1120; Kitab al-aghâni, V, 50 et passim : Khalil ibn Aibak as-Safadî, Al-Wâfi bil-Wafayât, manuscrit de Paris, n° 2066, f° 267.
[91] Cette anecdote ainsi que les deux vers se trouvent dans Ibn al-Athir, Chronicon, V, 20, où notre auteur a dû les puiser.
[92] Voy. l'intéressante notice que le Kitab al-aghâni, XVIII, 151-159, consacre à ce khalife. Voy. aussi l'Index de cet ouvrage, pp. 508 et suiv. Cf. le récit de Massoudi, Prairies d’or, V, 361 et suiv.; Ibn al-Athir, Chronicon, V, 27 et suiv.; G. Weil. Geschichte der Chalifen. I, 579-594.
[93] Ce conseiller se nommait Radja, fils de Haiwa. Cf. Ibn al-Athir, Chronicon, V, 27; Massoudi, Prairies d’or, V, 417. La biographie de ce savant, mort en 112 de l’Hégire (= 730 de J.-C), est donnée par Ibn Khallikan, Wafayât, éd. Wüstenfeld, notice 236, et par de Hammer-Purgstall. Litt. Gesch. der Araber, II, 131 ; G. Weil, Geschichte der Chalifen, I, 574-577.
[94] Coran, XVI, 92.
[95] Ces vers, avec d'autres encore, sont donnés par le Kitab al-aghâni, VIII, 153 et suiv., et par Ibn Qotaiba, Liber poesis et poetarum, p. 319.
[96] Sur ce fameux poète, né en 359 (= 970) et mort en 406 (= 1015) de J.-C), voy. Brockelmann, Geschichte der arabischen Litteratur, I, 32 : Khalil ibn Aibak as-Safadî, Al-Wâfi bil-Wafayât, manuscrit arabe de Paris, n° 5860. f° 242 v°; Cl. Huart. Littérature arabe, 86-87; Ibn Khallikan, trad. de Slane, III, p. 118; de Hammer Purgstall, Litteraturgeschichte der Araber, VII, 1218.
[97] Ce couvent est situé près de Hems : c'est là qu'est enterré 'Omar fils d’Abd al-’Aziz. Cf. Yakout, Mou’djam. II, 671 : Massoudi, Prairies d’or, V, 416; Ibn al-Athir, Chronicon. V, 42.
[98] Ces vers sont donnés par Yakout, loc. cit.
[99] C'est 'Omar II.
[100] Sallâma al-Qass et Habâba al-'Aliya Oumm Davoud étaient deux belles chanteuses, qui, ainsi que le dit l'auteur du Fakhrî, accaparèrent entièrement l'esprit du khalife Yazid. Deux intéressantes notices sont consacrées par le Kitab al-aghâni à ces chanteuses. Voy., sur la première, t. VIII, pp. 6-13 et sur la seconde, t. XIII, pp. 154-165. Cf. le récit de Massoudi, Prairies d’or, V, 146 et suiv. : Ibn al-Athir, Chronicon, V, 90 et s. Le manuscrit du Fakhrî donne, comme l'édition, le nom Habâba, avec le redoublement du premier bd; mais Ibn al-Athir [loc. cit.] dit qu'il faut lire ce mot avec un bd non redoublé, contrairement au nom de Sallâma où la deuxième syllabe est redoublée. Voy. aussi, dans ce passage d'Ibn al-Athir, l'explication de l'épithète d'Al-Qass, appliquée à Sallâma.
[101] ...Cf. Sacy, Grammaire arabe, 2e édition, II, p. 25, n° 56, et p. 570, n° 1114. Cette conjecture est d'ailleurs confirmée par Ibn al-Athir, Chronicon, V, 90, qui a un élif à la fin du vers. Toutefois, le manuscrit du Fakhrî, suivi par l'éditeur, a l'aoriste indicatif ; mais c'est une faute certaine.
[102] Cette anecdote est rapportée aussi par Massoudi, Prairies d’or, V, 453. Aussi : Ibn al-Athir, Chronicon et Kitab al-aghâni, loc. cit.
[103] La vie de ce malheureux 'Alide est racontée par Khalil ibm Aibak as-Safadi, Al-Wâfî bil-Wafayât, manuscrit arabe de Paris, n° 2064, f° 99 r°. Cf. Massoudi, Prairies d’or, V, 467-473, qui raconte la révolte et le meurtre de Zaid avec des détails intéressants. Voy. quelques anecdotes dans le Kitab al-aghâni. Index, p. 364. Cf. Ibn al-Athir, Chronicon, V, 171 et suiv.
[104] Sur la secte des Zaidites, voy. le passage des Prolégomènes d'Ibn Khaldoun, qui a été traduit par S. de Sacy dans sa Chrestomathie arabes II, 300. Aussi Massoudi, Prairies d’or, V, 273-275 et passim.
[105] Il avait été d'abord gouverneur du Hedjaz, sous 'Abd al-Malik et sous le fils de celui-ci, Soulaimân. Cf. Massoudi, Prairies d’or, V, 278, 399 et 410-414. Voy. aussi la biographie de ce personnage que donne le Kitab al-aghâni, XIX, 53-64. Enfin une intéressante notice sur Khalid, fils d’Abd Allah le Qasrite est donnée par Khalil ibn Aibak as-Safadî, Al-Wâfi bil-Wafayât, manuscrit de Paris, n° 2064, f° 4 v°. Cf. Ibn al-Athir. op. cit., 171.
[106] Sur ce personnage, voyez le Kitab al-aghâni, Index, p. 719; Massoudi, Prairies d’or, V, 469-471; VI, 78: Ibn Khallikan, Wafayât, éd. Wüstenfeld, notice 853, pp. 3-12. Celle dernière notice renferme d'intéressants détails sur ce gouverneur de Koûfa. Cf. aussi Ibn al-Athir, Chronicon, V, 163 et suiv.
[107] C'est la citerne dont Mahomet abreuvera son peuple le jour de la Résurrection. Cette citerne est celle qu’on appelle le Kauthar. Cf. Tadj al-‘aroûs. V, pp. 83, in fine et 24 in medio; Coran, sourate CVIII, 1, et les commentaires, mais les auteurs arabes ne sont pas d'accord entre eux. Selon une autre tradition, le Kauthar serait, non pas un fleuve ou une citerne, mais un palais de perles où demeurera Mahomet au Paradis. Voyez la tradition d'Anas ibn Malik rapportée par le Prince de Teano, Annali del Islâm, I, p. 230, § 221.
[108] Ces actions sont recommandées par le Coran, LXV, 6 et V, 82.
[109] Tout ce récit est emprunté à Ibn al-Athir, op. cit., V, 181 et suiv.
[110] Khâkân est, comme on le sait, le titre que portaient les chefs de tribus turques et les rois du Tibet. Massoudi rapporte dans les Prairies d’or, IV, 38, d'après al-Fazâri, que l'empire du Khâkân des Turcs avait une superficie de 700 parasanges sur 500 et qu'il faisait partie de l'empire du Commandeur des Croyants. Ibn at-Tiqtaqâ n'a pas raconté ces événements, parce que son guide ordinaire, Ibn al-Athir, donne tant de détails sur cette expédition dans la Transoxiane qu'il n'a pas pu les résumer, comme il le fait d'habitude. Cf. Chronicon, V, 148 et suiv.
[111] Sa désignation comme héritier du trône par Yazid II.
[112] Ces vers sont donnés, avec de légères variantes, par Ibn al-Athir, Chronicon, V, 199 et 218: par Tabari, Annales, II, p. 1749; enfin par le Kitab al-aghâni, VI, 104.
[113] Ibn at-Tiqtaqâ ne s'aperçoit pas qu’il a volé lui-même tout ce passage à Ibn al-Athir (loc. cit.) sans le nommer.
[114] Coran, XIV, 18.
[115] Ces expressions sont empruntées au Coran, chapitre XXII, verset 31.
[116] Ce récit a été abrégé d'Ibn al-Athir, Chronicon, V, 211.
[117] C'est la traduction généralement admise du mot qadari, bien qu'il soit difficile de savoir exactement ce que l'on entendait au début par ce mot.
[118] Cf. Massoudi, Prairies d’or, VI, 20; Ibn al-Athir, V, p. 220.
[119] Coran, XIV, 18.
[120] Ce passage est emprunté à Ibn al-Athir, Chronicon V, 220.
[121] Dans la suite, il fut arrêté et pendu au gibet. Cf., sur le malheureux règne de ce prince, les Prairies d’or, VI, 19 et suiv. : Ibn al-Athir, Chronicon. V, 235, 243 et suiv.; G. Weil, Geschichte der Chalifen, I, 679-681.
[122] Les auteurs arabes affirment que Marvân II reçut ce surnom parce qu'il avait comme précepteur un certain Dja'd, fils de Dirham, qui lui enseigna la doctrine que le Coran était créé et non éternel, ce qui a été l'objet d'une très grande discussion sous le règne de Mamoun. Il lui aurait aussi enseigné la doctrine du libre arbitre et beaucoup d’autres opinions plus ou moins hétérodoxes. Cf. Ibn al-Athir, Chronicon, V, 329. Ce malheureux savant fut tué par ordre du khalife Hicham, qui chargea de cette besogne son gouverneur de l'Iraq. Khalid, fils d'Abd-Allah al-Qasri. Ibn al-Athir, loc. cit., V, 196-197 et 329. Voy. aussi de Hammer Purgstall, Litteraturgeschichte der Araber, II. 155.
[123] Une bonne notice sur cet 'Alide est donnée par le Kitab al-aghâni, XI, 66, 79. Cf. Massoudi, Prairies d’or, VI. 41 et suiv. ; Ibn Khallikan, Wafayât, éd. Wüstenfeld, notice 32. Sa biographie est donnée aussi par Khalil ibn Aibak as-Safadî, Al-Wâfi bil-Wafayât, manuscrit arabe de Paris, n° 2066, f° 102 v°. Ibn al Athir, Chronicon. V, 246 et suiv. La révolte de cet 'Alide eut lieu en l'année 127 de l'hégire (= 744 de J.-C).
[124] Il se nommait 'Abd Allah, fils d’Omar, fils d’'Abd al-’Aziz. Cf. Ibn al-Athir, Chronicon, V, 246 et suiv. ; Massoudi, Prairies d’or, VI, 71, 72; 108.
[125] Ce récit paraît textuellement emprunté à Ibn al-Athir, op. cit., V, 248.
[126] Ce passage jusqu’au paragraphe intitulé plus loin DE l'ETAT DU VIZIRAT SOUS LE REGNE DE SAFFÂH reproduit la traduction d’Amable Jourdain dans les Mines de l’Orient ou Fundgruben des Orients, V. Certaines notes du traducteur moderne sont ajoutées.
[127] Dans les Fundgruben des Orients, V, 28, Amable Jourdain a traduit par « l'instruisit dans la jurisprudence ». Ce sens technique du verbe ne convient pas, je crois, dans ce passage. L’imâm Ibrahim n'a nullement cherché à faire de son protégé un jurisconsulte consommé. Le verbe a ici exactement le sens que l’auteur lui a substitué deux phrases plus loin, c'est-à-dire : « ouvert l'intelligence, instruire ».
[128] Amable Jourdain, loc. cit., traduit « se maria »... Dans le passage incriminé, ce verbe qui aurait signifié « demander en mariage », n'a pas ce sens ; il ne s'agit pas d'un mariage légitime, mais d'une demande d'un autre genre, comme le prouve la suite du récit et le texte d'Ibn al-Athir, Chronicon, V, 192. Cet auteur ajoute qu’Abd-Allah fit donner à l'esclave des coups de bâton, ce qui est, en droit musulman, la peine de la fornication. D'ailleurs, s'il y avait eu mariage légitime, la contestation sur la paternité n'aurait pas eu lieu, le mari de l'esclave devant l'endosser.
[129] Cf. Massoudi, Prairies d’or, IV, 182; Ibn al-Athir, Chronicon, V, 190, et suivantes.
[130] Coran, III, 134.
[131] Ce poète, très célèbre dans l'Afrique du Nord et principalement en Tunisie, est d'origine andalouse. Né à Séville, il résida successivement en Tunisie et en Egypte, où il fut attaché au fameux général Djauhar, puis à son fils Mo'izz. Il fut assassiné à Baya, au cours d'un voyage qu'il entreprit pour aller chercher sa famille en Tunisie et la ramener en Egypte ; et cela en l'année 362 (= 973). Cf. Brockelmann, Gesch. der arab. Litt., I, 91; Cl. Huart, Hist. de la Litt. arabe, pp. 96-97 ; de Hammer Purgstall, Litteraturgesch. der Araber. V, 793 ; Cf. VI, 1005) : Makrizi, Khitat, I, 378 ; Khalil ibn Aibak as-Safadî, Al-Wàfî bil-Wafayât, manuscrit arabe de Paris, n° 5860, f° 118 r° ; Ibn Khallikan, Wafayâl. éd. Wüstenfeld, notice 679
[132] Je ne suis pas sûr d'avoir bien saisi le sens de ce vers.
[133] Cette forteresse se nommait Serdjihân. Ibn al-Athir,Chronicon, XI, 16.
[134] Je présume que ce savant est Nassir-eddin, qui joua un grand rôle dans ces événements, et jouissait de la faveur particulière du conquérant tartare. Voy. La Notice sur Nassir-eddin, qui se trouve à la suite de mon Mémoire sur l'observatoire de Mèragah et sur les instruments employés pour y observer. Paris, 1810, 1 vol, in 8.
[135] Les Mongols.
[136] Fakhr-eddin Razy veut parler ici de la dynastie des Mogols, Cazan Khan occupait le trône à l'époque où il écrivait.
[137] La lacune que je crois remarquer ici dans le texte ne me permet pas d'affirmer l'exactitude de ou traduction. Voy. le texte.
[138] Ces vers sont donnés, sauf le deuxième, par Ibn al-Athir, Chronicon, V, 279. De même, Massoudi, Prairies d’or, VI, 62) donne cette épître versifiée en entier, sauf toujours le deuxième vers qui est également absent du Kitab al-aghâni, V, 128.
[139] En l'année 132 (= 749). Les historiens ne sont pas d'accord sur la cause de sa mort. Ibn al-Athir (op. cit., V, 323) rapporte une opinion d'après laquelle Ibrahim serait mort de la peste qui s'était déclarée cette année-là à Harrân. Massoudi (Prairies d’or, VI, 72) raconte, d'après le récit d'un témoin oculaire, qu'Ibrahim mourut la tête enfoncée dans un sac rempli de chaux vive pilée.
[140] La question de l'adoption de la couleur noire par les 'Abbasides est un peu compliquée. La plupart des auteurs arabes s'accordent pour dire que les 'Abbasides portèrent le noir en signe de deuil, à la suite des nombreux morts que la lutte contre les 'Omeyyades lit dans leurs rangs. Et ils ajoutent que c'est à la mort d'Ibrahim, l'Imâm dont il est question ci-dessus, qu'ils commencèrent à porter le noir. Voy. Soyoûtî, Kitab al-wasâil ilâ ma'rifat al-awâ'il, manuscrit arabe de Paris, n° 659, f° 190 recto, et la source où Soyoûti a puisé, le Kitab al-a’wâil d'Abou Hilal Al-'Askarî, manuscrit arabe de Paris, n° 5986, f° 132 recto; Sacy, Chrestomathie arabe, I, p. 49 et suiv. (Cette note de Sacy est une véritable dissertation sur la question.) Cependant, malgré le témoignage de ces historiens, on doit reconnaître que la couleur noire a été adoptée par les 'Abbasides avant la mort d'Ibrahim, qui eut lieu en 182. Voy. la note précédente.) Soyoûti, dans le passage cité ci-dessus dit que le port du noir a commencé chez les 'Abbâsides en 125, donc sept ans avant le meurtre d'Ibrahim. Et d'autre part le noir était déjà la couleur des drapeaux 'abbâsides bien avant la mort d'Ibrahim l'imâm. Ibn al-Athir (op. cit., V, 272, l. 20) fait déjà mention du costume noir des 'Abbâsides en l'année 127. Il est probable que le meurtre d'Ibrahim n'ait fait que généraliser cet usage. Sur la couleur noire devenue ensuite la couleur officielle pour les fonctionnaires, voy. la note de Sacy, citée plus haut. Sur la tentative de réforme de Mamoun.
[141] Jésus doit, en effet, revenir sur la terre et assister comme témoin contre les infidèles, le jour de la Résurrection. Cf. Coran. IV, 157. Mahomet aurait dit, d'après un hadith rapporté par Bokhari, Salah, trad. Houdas et Marçais, II, 520, chap. XLIX : « J'en jure par celui qui a mon âme entre ses mains, il arrivera très promptement que le fils de Marie descendra parmi vous comme un arbitre équitable. Il brisera les croix; il fera périr les porcs ; il supprimera la capitation et il fera tellement déborder les richesses que personne n'en voudra plus, etc. »
[142] Coran. II, 47.
[143] Ce récit est emprunté à Ibn al-Athir, Chronicon, V, 326.
[144] Ce vers est donné par Ibn al-Athir, Chronicon, V, 327, et par le Kitab al-aghâni, IV, 92. Cet auteur l'attribue au poète Dzoû-l-Isba' al-Adwâni, sur lequel on peut voir Ibn Qotaiba, Liber poesis et poetarum, 445-446. — Cf. Kitab al-aghâni, III, 2-11. Une étude de Boucher dans le J. A. P., 1886.