Tiqtaqa

IBN AL-TIQTAQÂ

 

 Histoire des dynasties MUSULMANES

SECTION PREMIÈRE QUI TRAITE DES AFFAIRES DES SULTANS ET DE LA POLITIQUE DES ROIS (partie I - partie II)

SECTION II

 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

 

 

 

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IBN AL-TIQTAQÂ

HISTOIRE DES DYNASTIES MUSULMANES

Al-Asdjâdî dit un jour à l'un des amis d’Ibn al-'Amîd Dzou-l-kifâyatain[167] : « Comment trouves-tu le vizir ? — Je trouve, répondit l'autre, son bois sec, ses accointances détestables, ses opinions religieuses impies, » Al-'Asdjâdî reprit: « N'as-tu donc pas vu cette magnificence et cet éclat, cette pompe et ce faste éclatant, ce palais splendide, ces tapis précieux, et ce cortège brillant qui l'accompagne ? » Cet homme répondit : « Le pouvoir ne constitue pas les qualités requises pour mériter d'être chef, ni le sultanat la noblesse de l'origine, non plus que la chance n'est la vraie gloire. Où sont les visiteurs et les solliciteurs ? Où sont ceux qui viennent pleins d'espoir ou pleins de reconnaissance ? Où sont les panégyristes sincères ? Où sont ceux qui partent satisfaits ? Où sont les présents et les faveurs qu'il accorde ? Où sont les manteaux et les robes d'honneur ? Où sont les cadeaux, où sont les festins donnés en l'honneur de ses hôtes ? Arrière ! arrière ! Les qualités de chef suprême ne s'obtiennent pas par des babioles, pas plus que la noblesse ne s'acquiert par des fariboles. N'as-tu pas entendu la parole du poète :

O Abou Djafar,[168] la supériorité pour l'homme ne consiste pas à se laisser aller à un contentement excessif de soi-même,

Ni dans l’agilité de son coursier ou la magnificence de ses vêtements.

Elle consiste à bien agir envers les autres hommes, à déployer la plus noble, la plus éclatante générosité.

L'auteur de ce livre (Allah lui accorde la prospérité et le garde de toute laideur !) a dit dans le même sens :

La supériorité de l'homme sur les autres hommes ne se manifeste ni dans des vêtements, ni dans une habitation, ni dans une mule, ni dans des harnais.[169]

La supériorité ne se manifeste que dans la sollicitude que l'on témoigne à un voisin, à un parent, à un ami, à un serviteur.

Il y a, dit-on, cinq variétés de gouvernements : le gouvernement de la maison, du village, de la ville, de l’armée, du royaume. Quiconque gouverne bien sa maison, saura bien gouverner son village; celui qui aura bien gouverné son village, gouvernera bien sa ville; celui qui aura su gouverner sa ville, saura diriger l'armée ; celui qui aura su diriger l'armée, saura gouverner le royaume.

Pour moi, ces conséquences ne me semblent pas nécessaires : car combien de gens du peuple qui gouvernent bien leur maison et qui n'auraient pas la force nécessaire à la conduite des grandes affaires publiques; combien de rois n'a-t-on pas vu gouverner bien leur royaume et mal gouverner leur maison ?

Le royaume est défendu par l'épée et gouverné par la plume. On a discuté lequel est supérieur et mérite d'avoir le pas sur l'autre, de l'épée ou du qalam.[170]

Quelques-uns sont d'avis que la plume l’emporte sur l'épée et allèguent, à l'appui de leur opinion, que l'épée protège le qalam, et se comporte à son égard comme un gardien et un serviteur. D'autres prétendent que c'est à l'épée qu'appartient la prépondérance : ils soutiennent que le qalam est le serviteur de l'épée, puisque c'est lui qui assure la solde à ceux qui portent l'épée; il est donc pour ainsi dire à son service. D'autres, enfin, ont dit: « Le qalam et l'épée sont tous deux sur le même rang et ne peuvent se passer l'un de l'autre. »

On a dit : « Le royaume est fertilisé par la générosité; la justice le rend prospère, l'intelligence l'affermit, la bravoure le défend, l'autorité le dirige. » On a dit aussi : « La bravoure convient au détenteur du pouvoir. »

Voici quelques-unes des recommandations que font les sages : « Ne fais la guerre à ton ennemi qu'après avoir épuisé tous les autres moyens. Saisis l'occasion alors que tu en es le maître. Confie les affaires à ceux qui en sont capables. Chevauche-t-on sur le dos de la précipitation, l'on ne sera pas à l'abri des faux pas. Celui qui tient tête à un ennemi, en face duquel il se sent impuissant, doit le ménager, le flatter, s'humilier devant lui jusqu'à ce qu'il échappe à son étreinte par un moyen quelconque de salut. »

On a dit : « Il convient que le roi use de ménagements envers ses ennemis et envers les frères de ses ennemis. Par sa bienveillance prolongée, il désarmera leur hostilité. S'ils y persistaient après les marques de sa bienveillance, ils seraient injustes envers lui ; or, « celui qui est victime d'une injustice, Allah le fera triompher.[171] »

Un sage exhorta en ces termes un des rois les plus éminents : « Le monde n'est qu’une série de vicissitudes. Les avantages qui te reviennent, tu les obtiendras en dépit de ta faiblesse ; le mal dont tu dois souffrir, tu ne peux le repousser par ta force. Le mal est redoutable, mais le sage seul le redoute; le bien est désirable, et chacun le désire. Souvent, il arrive que le bien se présente du côté où l'on présume le mal, et le mal se présente du côté où l'on attend le bien. » Cette idée est empruntée à la parole d'Allah : « Peut-être montrerez-vous de l'aversion pour une chose, alors qu'elle vous est avantageuse, et peut-être montrerez-vous de l'inclination pour une chose, alors qu'elle vous est nuisible. Allah sait; mais vous, vous ne savez pas[172] ! »

C'est ici le lieu de rapporter une anecdote : Nour ad-Dîn,[173] le maître de la Syrie, ayant ordonné à Asad ad-Dîn Chîrkoûh « le Lion de la Montagne », oncle de Salah ad-Dîn Yousouf, de se rendre en Egypte pour une affaire pour laquelle il l'avait désigné, Asad ad-Dîn Chîrkoûh lui dit : « Maître, je ne puis rien à cela, à moins que Yousouf mon neveu (il voulait dire Salah ad-Dîn) ne m'accompagne. »

Le narrateur a rapporté : « Nour ad-Dîn ordonna donc à Salah ad-Dîn de se mettre en route en compagnie de son oncle Asad ad-Dîn Chîrkoûh. Salah ad-Din lui demanda de le dispenser de cette expédition et lui dit : « Je ne suis pas préparé. » Nour ad-Dîn donna alors des ordres pour qu'on lui écartât tous les obstacles et le força à partir. Salah ad-Dîn lui-même a raconté : « Alors je sortis avec mon oncle bien malgré moi. J'étais comme quelqu'un qu'on conduirait au supplice.[174] Puis, lorsque nous fûmes arrivés en Egypte et que nous y fûmes demeurés un peu, je m'emparai de l'Egypte comme on le sait. »

En effet, Salah ad-Dîn s'empara de l'Egypte et son empire s'étendit au loin; même il devint ensuite maître de la Syrie, et cela te sera exposé avec détails et commentaires lorsque je parlerai de la dynastie 'abbâside,[175] s'il plaît à Dieu (qu'il soit exalté !) et s'il nous y assiste.

On a dit : « L'ennemi, il en est de deux sortes : l'ennemi qui t'a fait du tort et l'ennemi à qui tu en as fait. Pour l'ennemi à qui tu as fait du tort, ne t'y fie pas et garde-t'en le plus que tu pourras, quant à l'ennemi qui t'a fait du tort, ne le crains pas beaucoup, car il se peut que, honteux du mal qu'il ta fait, il s'en repente et revienne a l'état où il te plaira de le voir. Et s'il persiste à te faire du mal, il t'en fera bonne justice, Celui à qui recourent les opprimés. »

Souvent un ennemi rend service et un ami est nuisible. Alexandre a dit : « Mes ennemis m'ont servi plus que mes amis, parce que mes ennemis, pour me déshonorer, mettaient mes fautes en lumière et par cela même m'avertissaient de mes erreurs que je pouvais ainsi réparer. Mes amis, au contraire, me fardaient mes erreurs et m'y encourageaient. » Le poète a dit :

Personne ne m'a nui que ceux que j'ai fréquentés. Dieu donc bénisse et récompense tous ceux qui me sont restés inconnus !

On a dit à Alexandre : « Comment es-tu parvenu à un si puissant empire à la fleur de l'âge ? » Il répondit : « En gagnant mes ennemis et en m'en faisant des amis par des bienfaits et de bons traitements, en m'attachant mes amis par les plus grandes largesses et par les honneurs les plus élevés. »

Un sage a dit : « Rien ne réprime le mal de l'ennemi triomphant comme de s'abaisser et de s'humilier devant lui, de même que la tendre plante est, par sa souplesse même, à couvert de la fureur de la tempête, parce qu'elle s'incline avec le vent, quelle que soit la direction qu'il prenne. »

Les rois ne s'adonnent à rien avec autant de passion qu'à la chasse et à la vénerie. C'est ce sport qui a donné lieu le plus souvent aux mots les plus curieux et aux anecdotes les plus étranges.

Mou'tasim était l'homme du monde le plus adonné à la chasse. Il fit bâtir, dans le district du Petit-Tigre (Doudjail), une muraille de plusieurs parasanges de longueur, et lorsqu'on organisait une battue, on la tenait comme renfermée et on ne cessait de resserrer le gibier jusqu'à ce qu'on l'eût amené à entrer derrière cette muraille. Pris entre cette muraille et le Tigre, il ne restait guère au gibier beaucoup de place. Lors donc que les animaux se trouvaient ainsi cernés dans ce lieu, le roi y pénétrait avec ses enfants, ses parents et les hommes les plus importants de sa suite, et ils se mettaient à tuer comme ils voulaient et à se divertir. Ils tuaient ce qu'ils tuaient et lâchaient le reste. On a raconté que Mou'tasim fit marquer d'empreintes un grand nombre d'onagres, qu’il remit ensuite en liberté parce qu’il lui était revenu que ces animaux vivaient très longtemps.

C'est ici le lieu de raconter une anecdote curieuse, étonnante. Safî ad-Dîn 'Abd al-Mou'min ibn Fakhir d'Ourmia[176] m'a raconté le fait suivant, qu'il tenait de Moudjâhid ad-Dîn Aibak, le secrétaire adjoint,[177] lui dit : « Nous partîmes une fois pour la chasse à la suite du khalife Mousta'sim. Nous organisâmes une battue non loin de Djalhama ; c'est un village entre Bagdad et Hilla. Peu à peu, l'enceinte se resserra, au point que ceux qui parmi nous étaient à cheval pouvaient saisir les animaux avec la main. C'est alors que parmi tous les onagres l'un d'eux sortit. Il était de forte taille et portait une inscription marquée au fer rouge. Nous la lûmes : c'était la marque de Mou'tasim. A cette vue, Mousta'sim le fit marquer de son nom et lui rendit la liberté. De Mou'tasim à Mousta'sim cinq cents ans[178] environ s'étaient écoulés. »

Parmi les choses curieuses que j'ai entendues touchant la chasse, est cette anecdote qui me fut rapportée par un homme instruit de Bagdad. Il me dit : « Muhammad, fils de Sâlih le fauconnier, m'a dit : Nous chassions un jour en présence du sultan Abagha[179] quand trois grues s’envolèrent perpendiculairement; nous lâchâmes un faucon. Il s'éleva et, s'abattant sur la plus élevée des grues, la frappa de telle sorte qu'elle tomba morte sur la deuxième qu'elle assomma. Toutes deux tombant sur la troisième l'assommèrent de même, de sorte que toutes les trois vinrent tomber aux pieds du sultan. Au comble de l'admiration, il nous fit à tous de riches présents.[180] »

Le vizir (sahib) Alâ ad-Din a dit dans son livre Djihan Kouchay : « L'enceinte de chasse[181] de Djenguiz khan avait une étendue[182] de trois mois de marche. »

Pour moi, il m'est impossible de ne pas trouver cela invraisemblable.

Les rois ne se sont pas passionnés pour la chasse avec tant d'ardeur, ils ne s'y sont pas adonnés avec tant d'amour, ils n'ont pas dépensé tant d'argent pour les fauconniers ; ils ne leur auraient pas assigné des fiefs si considérables, ils ne leur auraient pas facilité l'accès auprès de leurs personnes, ils n'auraient pas enfin consacré la majeure partie de leur temps à la chasse pour un vain et futile amusement. En effet, la chasse comprend de nombreux avantages, dont on peut tirer grand profit. Parmi ces avantages, et c'est le plus noble but qu'on se propose en chassant, c'est d'exercer les hommes de guerre à courir, à revenir sur leurs pas, à s'esquiver obliquement, de les habituer à l'équitation, de les entretenir dans l'art de lancer les flèches, de porter des coups avec le sabre et la massue, et de les affermir dans l'habitude de tuer, de verser le sang, de peu se soucier de répandre le sang et d'arracher la vie.

Un second avantage, c'est d'éprouver la résistance des chevaux, de connaître leur agilité et l'endurance dont ils sont capables dans un galop prolongé.

Un autre avantage encore, c'est que le mouvement qu'on se donne à la chasse est un exercice corporel qui aide la digestion et conserve la santé.

Un autre encore, c'est que la qualité de la chair que donne le gibier est supérieure à toute autre, parce que, par l'état d'angoisse où le mettent les animaux de chasse ', sa chaleur naturelle s'exalte et augmente ensuite la chaleur de l'homme.

Un médecin a dit : « La meilleure viande, c'est celle (du gibier) que les animaux de chasse[183] ont fatiguée. »

La chasse, enfin, présente cet autre avantage qu'il s'y produit des coïncidences curieuses et étonnantes, comme j'en ai déjà dit quelque chose plus haut.

Yazid, fils de Mouâwiya, était l'homme du monde le plus adonné à la chasse et toujours y prenait son plaisir. Il faisait porter à ses chiens de chasse des bracelets d'or et des housses tissées avec du fil de ce précieux métal et il assignait à chaque chien un esclave pour le servir.

'Oubeïd Allah, fils de Ziyâd,[184] fit payer, dit-on, à un habitant de Koûfa 400.000 dinars à titre d'amende qu'il plaça dans le Trésor public. L'homme ainsi dépouillé, quittant Koûfa, se rendit à Damas pour se plaindre de sa situation à Yazid. Damas était alors la capitale de l'empire. Notre homme, arrivé aux portes de Damas, s'enquit de Yazid. On lui apprit qu'il était à la chasse. Il lui déplut d'entrer à Damas alors que Yazid en était absent. Il dressa donc ses tentes aux portes de la ville et y demeura en attendant que Yazid revînt de la chasse. Un jour qu'il était assis dans sa tente, tout à coup une chienne entra. Elle portait à ses pattes des bracelets d'or et était couverte d'une housse qui valait une somme considérable. Elle avait tant souffert de la soif et de la fatigue qu'elle semblait près d'en mourir. L'homme reconnut qu'elle appartenait à Yazid et qu'elle s'était égarée. Il vint donc à elle, lui présenta de l'eau et prit lui-même soin d'elle. Tout à coup, un beau jeune homme, monté sur un beau cheval et revêtu de vêtements royaux, apparut dans un tourbillon de poussière. L'homme s'avançant vers lui le salua. « N'as-tu pas vu, lui dit le cavalier, une chienne passer par ici ? — Oui, seigneur, lui répondit l'homme, la voici dans la tente; elle a bu et s'est reposée. Elle était, lorsqu'elle vint ici, rendue de soif et de fatigue. » En entendant ces mots, Yazid descendit de cheval, entra dans la tente et regarda la chienne qui s'était déjà remise de sa fatigue. Saisissant l'animal par sa laisse, il allait sortir, quand le Koûfite lui exposa sa plainte et lui fit connaître quelle somme 'Oubeïd Allah fils de Ziyâd lui avait extorquée. Yazid demanda un encrier et écrivit pour notre homme un billet par lequel il ordonnait qu'on lui rendît son bien et qu'on lui fît présent d'un précieux vêtement d'honneur. Cela fait, il prit la chienne et sortit. Immédiatement, notre homme reprit le chemin de Koûfa sans être même entré à Damas.

Le sultan Massoud, lui aussi, était passionné pour la chasse. Il habillait ses chiens de housses de satin aux couleurs variées et leur faisait porter des bracelets. Il lui arrivait parfois de ne montrer que peu d'égards envers Amin ad-Daula ibn at-Tilmidz[185] le médecin chrétien, bien qu'il fût homme de talent et d’esprit. Aussi ce médecin récita-t-il un jour ces vers :

Celui qui habille son chien d'étoffes chamarrées et se résigne très bien à me voir réduit à ma peau pour tout vêtement.

C'est que, à ses yeux, un chien vaut mieux que moi ; de même à mes yeux, un chien vaut mieux que lui.

L'émir Fakhr ad-Dîn Boghdî, fils de Qachtimour, m'a raconté : « Mon aïeul le roi Qachtimour,[186] fit faire à la chasse une battue considérable,[187] dans laquelle se trouva pris un homme très petit, petit comme un enfant de cinq ans. Ses ongles étaient devenus d'une longueur exagérée, de même que les poils qui couvraient son corps. On le saisit et on le conduisit devant le kalife Nasir.[188] On essaya de le faire parler, il ne parla pas. On lui présenta de la nourriture, il ne mangea pas; de l'eau, il ne but pas. On chercha par tous les moyens possibles à le faire parler. Il resta muet, sans prononcer le moindre mot. Un des assistants lui dit : « Que désires-tu? » Point de réponse. Il reprit : « Veux-tu que nous te rendions ta liberté ? » Le petit homme secoua la tête, comme pour dire : oui. Alors Nasir ordonna qu'on le mît en liberté. Aussitôt qu'on l'eût lâché, il fit un bond de côté plus grand que ne l'eût fait une gazelle, puis s'enfonça dans la campagne.

On questionna Bouzourdjmhir au sujet d'Ardeschir. Il répondit : « Il a passé la nuit à méditer la sagesse et le jour à s'occuper de la politique. » Un lui demanda encore : « Pourquoi Chosroès étendait-il ses bienfaits également sur tout son peuple ? » Il répondit : « De crainte que ne lui échappât celui qui en était digne. — Mais, lui dit-on alors, comment pouvait-il faire participer tous ses sujets à ses bienfaits ? » Il répondit : « Oui, certes ; il avait de bonnes intentions à leur égard à tous et le fait de leur vouloir du bien était déjà une faveur qu'il répandait sur eux tous ».

On a rapporté qu’Omar fils d'al-Khattâb a dit : « Dieu exerce ses répressions par les rois plus que par le Coran ». C’est, dit-on, parce que les hommes redoutent plus les châtiments qui viendraient les frapper immédiatement qu'ils ne redoutent les peines futures. »

Une chose encore, qui ne convient pas au roi parfait, c'est que, lorsqu'il est en compagnie, il parle trop de la table et des femmes, parce que, ce faisant, il risquerait d'avoir comme les gens du commun. Ceux-ci, en effet, ne demandent à la vie que des jouissances terre à terre ; c'est à cela qu'ils bornent leur ambition et ils se soucient peu des grandes affaires. Aussi, s'ils veulent s'étendre sur quelque sujet, il ne leur reste à parler que des diverses sortes d'aliments et des divers genres de femmes.

Ahnaf fils de Qais[189] a dit : « Dans nos entretiens, évitez de parler de la mangeaille et des femmes, car il m'est odieux qu'un homme glorifie son ventre et, en célébrant ses plus bas instincts sensuels, accuse un penchant abject pour les femmes. »

Abrawiz dit à son fils : « Ne traite pas tes soldats avec trop de largesse : ils en arriveraient à se passer de loi; ne les tiens pas trop serrés, car ils se lasseraient de toi. Fais-leur des dons, mais juste le nécessaire ; prive-les, mais doucement. Fais-leur beaucoup espérer mais ne leur donne que peu. » Mansour, ayant entendu ces paroles, y trouva un texte favorable à l'avarice dont il était possédé : « C'est là la vérité, s'écria-t-il, et c'est bien le sens de cette parole de celui qui a dit : « Fais souffrir la faim à ton chien et il te suivra.[190] » Un des grands officiers, s'avançant alors vers le khalife, lui dit : « Emir des Croyants, je crains que quelque autre ne montre de loin un pain à ce chien, qui alors te quittera pour le suivre.[191] »

On a dit: « Les soins que réclame le pouvoir sont plus difficiles que le pouvoir lui-même, de même que savoir servir est plus difficile que servir. De même, les précautions à prendre après qu'on a absorbé un remède sont plus difficiles que ce remède ; de même, les soins que l'on doit prendre pour accomplir un bienfait coûtent plus de peine que le bienfait lui-même. L'homme investi du pouvoir doit donc s'armer de patience contre les peines du pouvoir. »

Un des sages parmi les Turcs a dit : « Il faut que dans le chef d'armée se trouvent réunies dix des qualités afférentes à la nature de l'animal. Il doit avoir le courage du lion, l'impétuosité du sanglier, l'astuce du renard,[192] l’endurance du chien à supporter les blessures, l’audace déprédatrice du loup, la vigilance de la grue, la générosité du coq, la tendresse de la poule pour ses poussins, la circonspection du corbeau,[193] la graisse du la'roû. » Ce la'roû est un animal du Khorasan, qui s'engraisse en voyageant et en se fatiguant.

On a dit : « Parmi tous ceux qui briguent le pouvoir, le meilleur est celui qui par nature sait, en qui un discernement sûr est inné, qui a acquis la connaissance de ce qui s'est passé dans le monde de vicissitudes des temps et de révolutions des empires, qui est habile à négocier avec l'ennemi, qui sait garder son secret, car il est le pivot de la politique de l'empire. Il doit d'ailleurs étayer son jugement sur ceux des gens d'esprit. Car l'intelligence isolée ne se suffit pas à elle-même. Il doit savoir réfléchir dans l'ambiguïté des divers partis à prendre, se décider en présence de la diversité des sentiments pour découvrir la vérité. »

Quant à la résolution, c'est le fondement sur lequel on compte le plus pour la sécurité de l'empire. J'aurais dû mettre cette qualité la première et en parler au début du livre quand j'énumérais ses analogues, les autres qualités dignes d'éloges, mais l'intelligence comprend la résolution et la suppose nécessairement. Il suffisait donc de mentionner l’intelligence. Toutefois, il n'y a pas de mal à dire ici brièvement quelques mots de la résolution. Le plus résolu des rois est, dit-on, celui chez qui le sérieux l'emporte sur le badinage, chez qui les vues raisonnées triomphent des passions, dont l'action interprète la pensée intime, celui qui par son libre choix ne contrarie pas sa chance et que sa colère n'entraîne pas à se départir des artifices qu'il a machinés.

On disait aussi : « Celui qui parmi les rois doit être réputé résolu, c'est celui qui jette les yeux sur lui-même et se surveille, de sorte que les gens ne sachent pas ses fautes mieux que lui-même. »

On a dit aussi : « Le plus résolu des rois est celui qui, par la douceur, des manières adroites, affables et des moyens sans violence, amène ses sujets à prendre ses mœurs et ses manières. »

Il me vient à l’esprit que cette maxime renferme un sens caché et subtil : c'est que les sujets, lorsqu'ils arrivent à prendre les mœurs et les manières du prince, approuvent par cela même sa conduite et tous les actes qui émanent de lui, puisqu'eux-mêmes les copient et les prennent pour base de leur conduite. Personne alors ne peut blâmer la conduite du prince ni le dénigrer, tandis que, si les mœurs et le caractère des sujets étaient opposés et contraires aux mœurs et au caractère du monarque, ils seraient tentés de le critiquer et de blâmer ses actes. Et c'est un sens caché et subtil contenu implicitement dans la maxime rapportée ci-dessus.

On a dit : « Le plus résolu des rois est celui qui sait prendre ses décisions d'avance et sans se laisser prévenir par la nécessité, et parer au danger avant qu'il ne se présente menaçant. »

On dit à Alexandre : « A quel signe reconnait-on qu'un empire durera ? » Il dit : « Quand on apporte de la résolution et du sérieux dans toutes les affaires. » On lui dit encore : « Et quel signe en présage la ruine ? » Il répondit : « Le manque de sérieux. »

Anoûcharwân[194] a dit : « La résolution consiste à garder 82 ce qu'on a sous la main et à laisser ce dont on n'a que faire. »

Un autre a dit : « Le plus résolu des rois est celui qui est maître de lui-même, qui gouverne ses qualités, qui dompte ses passions et triomphe de ses suggestions intérieures. »

On a dit : « Il convient que la résolution soit la première préoccupation du roi. Quand une affaire vient à se présenter, il faut alors faire preuve, en plus, de sérieux et de zèle. »

On dit à un grand roi : « Lorsque quelqu'un vient te trouver, nous te voyons lui accorder une longue audience et souvent il ne le mérite guère. » Il répondit : « Ce n’est pas en une ou deux entrevues qu'on peut juger ce qu'est véritablement un homme. Je le pratique donc longuement et je le soumets à un examen dans plusieurs entrevues. S'il se trouve être homme de mérite, je le distingue et le choisis, et s'il est insuffisant, je le laisse là. »

Un autre a dit : « Il ne convient à personne d'abandonner l'esprit de décision pour un succès qu'aurait emporté un incapable, non plus qu'il ne conviendrait de le perdre pour un insuccès qui serait venu affliger un homme résolu. »

On a dit : « Celui que la résolution n’a pas mis aux premiers rangs, la mollesse le mettra aux derniers rangs. »

On dit à 'Abd al-Malik fils de Marvân : « Qu'est-ce que la résolution? » Il répondit : « C'est l'art de corrompre les hommes au moyen de l'argent et de les gagner par ce moyen, car les hommes poursuivent l'argent comme des esclaves; partout où il se trouve ils s'y trouvent, et de quelque côté qu'il penche, ils penchent avec lui.

Un roi dit à un sage : « Quand la confiance en un ennemi peut-elle être considérée comme de la résolution ? » Le sage répondit : « Quand vous le consultez sur une question où vous êtes également intéressés. »

Maslama,[195] fils d'Abd al-Malik a dit : « Je ne me suis jamais réjoui de l'heureux succès d'une chose que j'avais entreprise avec mollesse, je n'ai jamais eu à me repentir d'une entreprise fâcheuse que j'avais abordée avec résolution. »

Parmi les devoirs d'un roi éminent, il faut encore compter : l'attention spéciale que réclament les secrets, le soin de les conserver, de les tenir renfermés et de veiller à ce qu'ils ne soient pas répandus et divulgués. Et c'est là une chose à laquelle il faut être bien préparé. Car combien d'empires ont péri, combien de gens sont morts pour la divulgation d'un seul secret. Savoir garder un secret et le tenir caché est une des choses que l'homme doit le plus avoir à cœur.

Parmi les paroles authentiques du Prophète relatives à ce sujet, on cite les suivantes : « Celui qui garde son secret est maître de ses affaires. » Et 'Ali (sur qui soit le salut !) a dit : « Ce qu'il faut, c'est garder le secret. »

Un homme eut avec quelqu'un une conversation confidentielle et lui recommanda le secret. La conversation finie, il dit à son interlocuteur : « As-tu compris ? — Oui, répondit l'autre, et j'ai même oublié. »

'Amr fils d'al-'As a dit : « Quand je confie mon secret à un ami et qu'il le divulgue, c'est moi qui suis à blâmer et non pas lui. » On lui dit : « Comment cela ? » Il répondit : « Parce que c'était bien plus à moi qu'à lui de garder ce secret. »

Parmi les vers que l'on cite sur ce chapitre, il y a le suivant :

Si la poitrine d'un homme est trop étroite pour garder son propre secret, plus étroite encore sera la poitrine de celui qu'on aura pris pour confident de ce secret.[196]

On a dit : « Une seule personne doit être dépositaire du secret du roi. » En effet, confié à un seul, il a beaucoup plus de chance de ne pas être divulgué, soit par cupidité, soit par crainte. Car, s'il est révélé, le roi saura de science certaine que la divulgation provient du fait de cet homme, tandis que si ce secret a été confié à plusieurs et ensuite s'est trouvé divulgué, chacun des confidents rejettera la Sh faute sur l'autre. Si le roi les punit tous, il se montrera injuste envers tous, à l'exception d’un seul, et s'il renonce à les punir, ils s'enhardiront et se laisseront aller à divulguer ses secrets. Le poète a dit :

Ton secret, c'est celui qu'un unique confident connaît; le secret que trois personnes connaissent n'est plus un secret.

Si pourtant le roi se voit contraint à confier son secret à plusieurs personnes, le mieux pour lui est de le communiquer à chacune de ces personnes en particulier, en lui recommandant la discrétion et en lui laissant croire qu'il est l'unique confident. C'est le moyen le plus sûr pour que le secret soit fidèlement gardé.

Un roi de Perse voulut consulter ses ministres sur une affaire. L'un d'eux dit : « Il ne convient pas au roi de consulter l'un de nous autrement qu'en particulier, car ce procédé est le plus propre à garderie secret, le plus sage quant à l’avis à prendre, le mieux indiqué pour aboutir heureusement, enfin le plus propre à garantir chacun de nous contre ce dont l'autre peut se rendre coupable. ».

Aucune dynastie ne se soucia de garder les secrets et ne poussa plus loin la discrétion que la dynastie 'abbâside. On peut citer sur ce chapitre des prodiges de la part de ses princes. Et combien de fois ont-ils privé de leurs bienfaits ceux à qui ils les donnaient, que d'exécutions n'ont-ils pas ordonnées pour une parole qu'on avait rapportée ou un fait qu'on avait raconté.

Il se passa sous le règne de Nasir une jolie histoire qu'il ne serait pas mauvais de rappeler ici. Nasir avait deux petits-fils, fils de son fils. Il leur avait assigné en apanage les pays du Khouzistan ; ils s'y rendirent et y fixèrent leur résidence. Une nuit, Nasir vint à penser à eux et désira les voir, craignant que quelque aventure ne leur survînt dans ces régions. Il envoya tout de suite chercher son vizir le Qoummite[197] et lui dit : « Envoie-leur sur-le-champ quelqu'un qui leur ordonne devenir à Bagdad et n'en dis rien à personne. » Le vizir se fit aussitôt amener un courrier, — il y en avait toujours plusieurs qui couchaient chaque nuit à la porte du diwan. Chacun d'eux couchait avec sa selle sous la tête de même que ses provisions et l'argent destiné à son voyage. Il faisait même préalablement ses adieux à sa famille. Si pendant la nuit une affaire d'importance se produisait, ce courrier partait pour le service de cette affaire. — Lors donc que le courrier se présenta au vizir, celui-ci lui confia le message et lui dit : « Pars à l'instant et prends garde que personne en sache rien. Il t'en coûterait la vie. » Alors le vizir donna un ordre pour qu'on lui ouvrît une des portes de l'enceinte de la ville, et le courrier allait quitter la ville, quand, passant dans une rue, il vit deux femmes qui, se faisant face chacune sur le balcon de sa maison, causaient. L'une d'elles dit à l'autre en lui montrant le courrier : « Où peut bien se rendre cet homme à pareille heure ? » L'autre femme répondit: « Il va à Doustar[198] chercher les fils du khalife. Celui-ci, en effet, a craint pour eux quelque malheur et a désiré les voir, car voilà déjà longtemps qu'ils sont là-bas. »

Le courrier, entendant cela, retourna tout de suite, sur ses pas, au diwan et demanda à être introduit auprès du vizir. Celui-ci, apprenant le retour du courrier, en fut fort alarmé et fît introduire le courrier, à qui il demanda pourquoi ce prompt retour. « Seigneur, lui répondit le courrier, il vient de se passer dans telle rue telle et telle chose. J'ai craint alors que, moi parti, cette nouvelle ne se répandît, que vous ne doutiez pas que ce fût moi qui l’avais divulguée et que ce ne fût la cause de ma perte» Le vizir lui dit : « Maintenant que nous savons cela, sors et pars, à la grâce de Dieu : ce sont les démons qui divulguent ainsi les événements d'importance. »

Une anecdote du même genre est celle que m'a contée un homme de Bagdad. Un de mes amis, me dit-il, m'a fait le récit suivant : « Nous nous promenions du côté où se trouvait la machine hydraulique du jardin potager et nous nous étions enfoncés tout à fait au fond quand nous entendîmes une voix qui disait: « Abagha est mort ». Le narrateur poursuivit en ces termes : « Nous regardâmes, mais n'aperçûmes personne. Alors nous prîmes date du jour qu'il était. Et quand la nouvelle de la mort d'Abagha se répandit, c'était bien conforme à ce qu'avait dit cette voix. »

On a rapporté que le prince de Mossoul c'était, je pense, Badr ad-Dîn dit à Madjd ad-Dîn ibn al-Athir[199] le Djazrite : «Je veux que tu me désignes sur l'heure un homme pieux et fidèle, qui puisse être le dépositaire d'un secret afin que je lui confie un message verbal et confidentiel pour qu'il aille le porter au khalife en partant tout de suite. » Ibn al-Athir réfléchit un instant et dit : « Seigneur, je ne connais personne qui soit tel que vous venez de dire, si ce n'est mon frère.[200] — Eh bien, va lui apprendre cela et envoie-le-moi pour que je lui parle moi-même et qu'il parte aussitôt. »

Madjd ad-Dîn s'en fut chez lui, raconta à son frère ce qui s'était passé chez le sultan et lui dit : « Mon frère, par Allah ! je n'ai porté de témoignage en ta faveur que de ce que je sais de toi. Rends-toi donc aux ordres du sultan et conforme-toi à ce qu'il te dira de faire. » Le frère de Madjd ad-Dîn ibn al-Athir alla donc trouver le sultan, qui lui confia son message et lui dit : « Tu vas partir sur l’heure. » Ibn al-Athir s'en alla chez lui faire ses adieux à son frère. Il le trouva debout qui l'attendait dans le vestibule. Madjd ad-Dîn lui dit « : Le sultan t'a confié le message ? — Oui, répondit le frère. — Et qu'est-ce ? — Mon frère, répondit l'autre, tout à l'heure tu témoignais en ma faveur, auprès du sultan, de ma religion, de mon honnêteté et de ma fidélité à garder un secret; convient-il que, aussitôt après, je te fasse mentir? Le sultan m'a dit une chose que je ne redirai qu'à celui à qui il m'a ordonné de la dire. » Le narrateur ajoute : « Alors Madjd ad-Dîn pleura et pria Allah de bénir son frère. »

Parmi les vers qu'on a récités au sujet de la fidélité à garder les secrets, on peut citer ceux-ci d'Al-Hamâsî :

Combien d'hommes sincères dont je ne dis pas les secrets des uns aux autres, mais que je garde, au contraire, tous ensemble.

Chaque homme a dans mon cœur un chemin largement ouvert, et un endroit où se confient les secrets, qu'on ne peut espérer connaître.

Ils sont dispersés dans les pays, tandis que leur secret est sous un rocher que les hommes sont impuissants à fendre.

On peut encore citer, parmi ce qu'on a dit de mieux sur ce sujet, ces vers :

Ne demande pas aux gens quelle est ma fortune et à quel chiffre elle se monte, mais demande-leur quel est mon renom et quel est mon naturel.

Sais-je donner des coups de lance aux larges blessures de tous côtés? Sais-je garder le secret où l’on peut risquer sa tête?

Parmi ce qu'il y a de mieux là-dessus, on peut citer encore cette parole d'As-Sâbî :

Dis à mon ami : « Sois tranquille pour ton secret, tant qu'une troisième personne ne vient pas se glisser entre nous. »

Et cette parole d'un autre :

Toi, chaque fois qu'on te confie un secret, tu es plus indiscret que le zéphyr passant sur les parterres de fleurs.

L'auteur de ce livre a dit entre autres vers sur ce sujet :

Les amis n'ont pas creusé pour le secret de fosse telle que ma poitrine, quand même le vin viendrait à opprimer ma raison.

Il a dit encore, toujours sur le même sujet :

Si le verre est de par sa nature grand révélateur des secrets, notre maître est encore plus indiscret que le verre.

Parmi les choses que l'esprit doit examiner minutieusement, considérer avec une extrême circonspection et avec lenteur, on doit compter les dénonciations et les rapports médisants. Combien de fois un traître délateur ou un calomniateur n'a-t-il pas satisfait sa rancune en faisant tomber entre les mains d'un roi puissant un malheureux qu’il accusait de choses dont il était innocent. Ensuite le juge induit en erreur fait périr un innocent à qui on ne peut reprocher aucune faute. Puis, lorsqu’il apprend la vérité, il se repent quand le repentir ne peut plus servir à rien. Trois personnes à la fois se trouvent alors avoir souffert de cette fausse dénonciation : le dénonciateur et celui à qui la dénonciation a été portée ont souffert parce que leur action leur a fait perdre le salut éternel, le dénoncé parce qu'on s'est hâté de le châtier. Ainsi le malheur les a frappés tous les trois.

La Révélation (le Coran) contient, au sujet des rapports calomnieux, ces mots : « vous qui possédez la vraie foi, si quelque homme de mauvaise vie vous apporte quelque nouvelle, cherchez d'abord à y voir clair, de peur que vous ne fassiez du mal à quelqu'un par ignorance, et que vous n'en ayez ensuite des regrets.[201] »

Et parmi les paroles que la tradition rapporte du Prophète, on trouve celle-ci : « Que quiconque croit en Allah et au Jugement dernier se garde de venir nous rapporter les défauts de son frère musulman. »

Un homme fit tenir à Yahya fils de Khalid fils de Barmak,[202] un placet dans lequel il disait : « Un marchand étranger est mort laissant une jeune femme fort belle, un fils encore à la mamelle et beaucoup d'argent. Le vizir plus que tout autre mérite de posséder cela. » Yahya fils de Khalid écrivit alors en tête de ce rapport : « Pour l'homme. Dieu le reçoive en sa miséricorde; la jeune femme, Dieu la protège; l'enfant. Dieu l'ait en sa garde ; l'argent. Dieu le fasse fructifier ; quant au délateur qui m'a adressé ce rapport, puisse Dieu l'accabler de ses malédictions ! »

On a raconté qu’Abd al-'Aziz fils de Marvân ayant pris fort jeune le gouvernement de Damas, — et nul parmi les Omeyyades n'eut plus de talents que lui, — les gens de Damas conçurent l'espoir de le diriger comme ils voulaient, et dirent : « C'est un enfant qui n'a aucune connaissance des affaires et qui prêtera l'oreille à tout ce que nous lui dirons. » Un homme vint donc le trouver et lui dit : « Dieu fasse prospérer l'Emir ! J'ai un bon conseil à lui donner ! — Plaise à Dieu que je connaisse ce que peut être ce conseil, que tu te hâtes ainsi de m'apporter, sans que je t'aie jamais obligé par un bienfait. Donne-le, ton conseil. » L'homme dit alors : « J'ai un voisin rebelle à l'autorité et qui lui refuse l'obéissance », — et il cita à l'Emir diverses fautes de cet homme. 'Abd al-’Aziz lui dit alors : « Tu n'as pas craint Allah le Très-Haut, tu as manqué au respect que tu dois à ton Émir, et à la bienveillance que tu dois à tes voisins. Si tu veux, nous allons examiner ce que tu dis. Si je trouve que tu as dit vrai, je ne t'en saurai aucun gré; si tu as menti, je te punirai. Maintenant si tu me demandes de considérer ce que tu viens de dire comme non avenu, je te l'accorde. — Pardonne-moi plutôt, ô Emir. — Va-t'en donc où tu voudras et qu'Allah te prive de sa conduite. Tu es à mes yeux le plus méchant des hommes. »

Le vizir 'Ali, fils de Muhammad, fils d’al-Fourât, qui fut vizir de Mouqtadir, détestait les délateurs. Si quelqu'un lui faisait passer un rapport qui contînt une délation contre quelqu'un, son chambellan allait à la porte où se tenaient les gens de toutes les classes et disait : « Où est l'auteur de ce rapport calomnieux ? Le vizir m'a chargé de te dire telle et telle chose. » Et l'homme recevait cet affront public au milieu de toute cette assemblée. Aussi, pendant le temps de son vizirat, on renonça généralement aux délations.

'Abd er-Rahman fils de 'Auf[203] a dit : « Quiconque ayant connaissance d'une vilaine action, la dévoile, c'est lui-même qui en a été coupable. »

Qobâdz[204] écrivit pour son fils Chosroès un testament dans lequel il disait, entre autres choses : « Mon cher fils, ne donne pas accès dans tes conseils à l'avare, car il t'empêche d'arriver à l'extrême limite de la distinction; ni au poltron, car il te jette dans l'embarras, alors qu'il faut saisir l'occasion. »

« Mon cher fils, de tous tes sujets, que celui que tu haïras le plus soit celui qui dévoilera le plus les fautes des autres. Car si les hommes ont des vices, c'est toi, plus que personne, qui dois les couvrir d'un voile et détester qu'une faute cachée paraisse au grand jour. Car tu n'as le droit de juger que ce qui paraît, mais c'est à Dieu à faire justice de ce qui demeure caché. Que ce qui te serait odieux, situ avais à en souffrir, ne te le soit pas moins quand c'est ton peuple qui en est la victime. Jette donc un voile sur la honte des autres, et Dieu voilera en ta faveur ce qu’il te plaira de voir demeurer caché. Ne te hâte pas de croire un délateur, car le délateur trompe, lors même qu'il prend le ton d'un donneur de bons conseils. Pardonne aux hommes comme tu aimerais que te pardonne Celui qui règne sur toi. »

Parmi les choses excellentes qui ont été dites sur ce sujet, on peut compter ces paroles de Mihyâr.[205] Il s'adresse à un vizir :

O glaive qui me donnes la victoire, lorsque la lame indienne de l'ennemi me poursuit, ô toi qui demeures le printemps de ma vie alors que le temps est en plein été,

Qui me rends les jours fortunés et prospères, tandis que, pour toutes les autres créatures, ils sont durs et sans bonheur.[206]

Ton noble caractère, d'habitude si généreux, qu'a-t-il maintenant à charrier les ordures des calomniateurs, lui qui est un si doux nectar ?

Dans le miroir de ton esprit, comment le mensonge a-t-il pu se dissimuler, alors que tu es une perle transparente.

Elles sont belles aussi les paroles de celui qui a dit :

Le délateur est venu te faire des rapports mensongers contre moi et je ne t'ai pas semblé mériter que tu traitasses de mensongères les nouvelles qu'il a lancées.

Mais moi, si pendant la plus douce somnolence le fantôme chimérique qu'enfantent les rêves fût venu médire de toi, j'eusse échangé le sommeil pour la veille.

On est en désaccord sur la question de savoir lequel était le meilleur : du roi puissant et injuste ou du roi modéré, mais faible. On a donné généralement la préférence au roi puissant et injuste en invoquant cet argument que le roi fort et violent repoussera les convoitises qui voudraient s'attaquer à ses sujets et, grâce à sa force, les protégera contre tout autre que lui. Il a, dit-on, une fierté qui servira de sauvegarde à ses sujets contre le mal que voudrait leur faire toute personne qui n'est pas leur roi. Son peuple sera donc dans la position de quelqu'un qui serait à couvert des injures de tous, pour n'être exposé qu'à la tyrannie d'un seul. Au contraire, pour le prince modéré mais faible, il ne pourra prendre les intérêts de ses sujets, chacun les attaquera et tout sabot les foulera aux pieds. Ils seront donc dans la situation de quelqu'un qui, à l'abri du mal que pourrait lui faire une personne, est exposé aux injures de tous les autres hommes. Or, la différence est grande entre les deux situations.

Un sage a dit : « Un roi que son peuple craint est préférable à un roi qui craint son peuple. »

Anoûcharwân a dit : « Je sais verser le sang de celui qui l'expose, je sais redresser celui qui passe la limite qui doit le contenir, je sais refréner celui qui sort de son rang. »

Un sage a dit: « Il y a deux grandes choses, dont l'une n'est bonne que si elle demeure isolée et indépendante, et dont l'autre ne vaut que par l’association. Celle qui, pour être bonne, repousse toute association, c'est la dignité royale; si plusieurs s'en mêlent, elle va mal. Celle qui demande la participation de plusieurs, c'est le parti à prendre sur une question ; lorsqu'il est pris après la délibération de plusieurs personnes, on est sur d'être dans la bonne voie. »

Il n'est pas permis au roi de traiter de faible un ennemi, cet ennemi fût-il faible en réalité. Il ne convient pas non plus aux conseillers de ce roi de lui faire croire que son ennemi est faible. Car si cet ennemi, dont ils auront parlé dédaigneusement, vient à l'emporter sur le roi, ce sera pour celui-ci une humiliation que d'être vaincu par un faible ennemi, et si c'est le roi qui triomphe, il passera pour n'avoir pas fait grand exploit.

Lorsque le Prophète (sur qui soient les bénédictions et le salut de Dieu !) s'en revenait de la bataille de Badr ' avec les prisonniers, le butin — et Dieu avait fait périr les chefs des païens, — la population sortit de Médine et fit plusieurs milles pour venir à sa rencontre. On le félicita de cette victoire, et les gens se mirent à échanger des questions: « Qui a péri? Qui s'en est tiré ? » Alors l'un des compagnons du Prophète dit : « Par Allah, ce que nous avons tué, ce ne sont guère que de vieilles femmes chauves ! » Alors le Prophète (sur qui soient les bénédictions d'Allah et son salut !) se mit à lui faire des reproches et ne cessa de lui témoigner son mécontentement que pour lui dire enfin : « Ceux-là, mon cher, ce sont les plus importants.[207] »

Et parmi ce que j'ai vu de mieux sur ce sujet, est cette parole d’un sage de l’Inde adressée à l'un de leurs rois : « Ne méprise pas tes ennemis, même quand ils sont faibles, car le duvet de coton, lorsqu'il est réuni, on peut en faire une corde qui maintient l'éléphant en rut. »

Une chose importante est encore de mettre un jour d'intervalle entre prendre une résolution et l'exécuter. La meilleure résolution est celle qu'on prend avec lenteur et maturité. C'est ainsi qu'on est à couvert des faux pas de son jugement.

Ahnaf fils de Qais dit aux compagnons d'Ali (sur qui soit le salut !) : « Permettez à deux jours l'exécution de la résolution que vous avez prise, vous reconnaîtrez ainsi si elle est entièrement bonne. »

On demanda conseil à un homme d'esprit dans une affaire. Il resta silencieux. On lui dit : « Pourquoi ne parles-tu pas ? » Il répondit : « Je n'aime le pain que vieux d'un jour entier. »

Lorsque les khâridjites résolurent de proclamer khalife 'Abd Allah[208] fils de Wahb ar-Râsibî, ils voulurent qu'il leur dit ce qu'il jugeait nécessaire. Mais il leur dit : « Allah me garde d'un avis donné précipitamment et d'un discours improvisé. » Quand Ils eurent achevé la cérémonie d'investiture du khalifat, il leur dit : « Laissez mûrir la décision » (c'est-à-dire laissez passer un jour et une nuit), et il priait Allah de le garder des résolutions irréfléchies.

On a raconté que Hârith fils de Zaid vint à passer près d'Ahnaf fils de Qais, qui lui dit : « Si tu n'étais trop précipité, je te demanderais conseil. » Et cette parole est bien une preuve de l'aversion que les Arabes avaient pour les résolutions précipitées.

Ils avaient l'habitude de ne pas demander conseil à l'affamé qu'il ne se fût rassasié, au prisonnier qu'il n'eût été élargi, au solliciteur qu'il n'eût obtenu l'objet de sa demande, à l'assoiffe qu'il ne se fût désaltéré, à l'égaré qu'il ne fût rentré dans le droit chemin, à celui qui est pressé de satisfaire un besoin qu'il ne se fût soulagé.

Un poète a dit, en dépeignant un homme d'esprit :

Il est instruit des conséquences des choses, comme si les conséquences de chaque affaire étaient elles-mêmes ses informatrices.

Je ne connais rien de plus beau que ces vers d’Ibn ar-Roûmi, dans lesquels il déclare combien un avis mûri est préférable à un avis précipité.

Le feu de la résolution mûrement prise est un feu qui donne efficacement la cuisson nécessaire; le feu de la précipitation lance de vifs éclairs.

Des gens préfèrent celui-ci parce qu'il est rapide; mais c'est justement parce qu'il est rapide qu'il est emporté par le vent.

Parmi ce qu'exige une intelligence saine, on trouve encore ceci, que l’homme n'entre pas dans une affaire dont il soit difficile de sortir. Le poète a dit :

Ce n'est nullement de la résolution de s'approcher d'une affaire pour chercher peu après à s'en éloigner.

Si tu te proposes une chose, vois comment tu pourrais en sortir après y être entré.

Et ce qui est encore préférable, a-t-on dit, c'est qu'on n'entre pas du tout dans aucune affaire, dont l'issue exige profonde réflexion.

Mouâwiya dit à 'Amr fils d'al-'As : « A quel point en es-tu arrivé avec ta finesse ? » Il répondit : « Au point que je ne me suis jamais engagé dans une affaire, sans avoir su en sortir. — Eh bien ! moi, répliqua !Mouâwiya, je ne me suis jamais engagé dans une affaire, dont l'issue devait être pour moi matière à réflexion. »

Parmi les choses qui sont de grande importance pour le roi, il faut compter encore la sûreté du coup d'œil dans le choix de ses ambassadeurs. En effet, par l'envoyé on juge ce qu'est celui qui l’a envoyé.

Un sage a dit: « Quand vous manquez de renseignements sur quelqu'un et que vous ne savez pas quelle est la mesure de son intelligence, jetez les yeux sur la lettre qu'il vous a écrite ou sur l'homme qu'il vous a envoyé : ce sont là deux témoins qui ne mentent pas. »

Il faut que l'ambassadeur réunisse des qualités, parmi lesquelles l’intelligence, pour distinguer ce qui est droit de ce qui est tortu, qu'il soit honnête et intègre pour no pas trahir son mandant. Combien d'ambassadeurs pour qui a lui l'éclair de la cupidité du côté de celui vers qui ils ont été envoyés et qui ont pris son parti et abandonné les intérêts de leur mandant.

Mouâwiya envoya à l'empereur de Constantinople un ambassadeur, qu'il choisit parmi ses proches et en qui il avait grande confiance. C'était pour négocier un armistice. Mouâwiya posait des conditions très dures. L'envoyé se présenta à l'empereur de Constantinople, qui s'efforça de lui faire accepter que ces conditions fussent adoucies. Ce fut en vain. L'empereur alors, prenant à part l'envoyé, lui dit : Il m'est revenu que tu es pauvre et que quand tu veux monter à cheval pour aller trouver Mouâwiya tu demandes à emprunter une monture. » L'envoyé dit: « C'est ainsi. — Il ne me semble pas, répondit l'empereur, que tu travailles le moins du monde pour tes intérêts. Nous avons pourtant de grandes richesses. Prends-en de quoi te faire riche pour toujours et laisse-là Mouâwiya. » Et l'empereur lui fit apporter vingt mille dinars. L'ambassadeur les prit, adoucit beaucoup les conditions qu'il était chargé de poser à l'empereur et conclut la trêve. Il s'en retourna auprès de Mouâwiya qui, dès qu'il eut jeté les yeux sur le traité, reconnut ce qu'il en était. Il lui dit : « Je vois que tu n'as travaillé que pour les intérêts de l'empereur. » Et il résolut de le punir, « Emir des Croyants, reprit l'ambassadeur, pardonne-moi. — Je te pardonne, répliqua le khalife », et il lui tourna le dos.

On trouve encore une indication de l'extrême attention qu'on doit porter dans le choix des ambassadeurs, dans ce que fit Kamal ad-Dîn Mohammad fils d'ach-Chahrzoûri,[209] lorsque l’atabek Zangui,[210] prince de Mossoul, l'envoya à Bagdad pour rétablir les affaires du khalife Rachid.[211] Voici le fait : Lorsque Rachid fut dépouillé du khalifat à Bagdad, il quitta cette ville et s'en vint à Mossoul, cherchant à rattraper son bonheur grâce à l'atabek Zangui. Dans un entretien particulier qu'il eut avec lui, il lui prodigua les promesses et lui fit espérer que s'il reprenait le khalifat, il le comblerait de ses faveurs. L'ambition de l'atabek Zangui en fut excitée et il lui garantit qu'il arrangerait les choses avec le sultan Massoud. L’atabek Zangui résolut ensuite d'envoyer, pour traiter de cela, une ambassade au gouvernement de Bagdad. Il choisit pour cette ambassade Kamal ad-Dîn fils d'ach-Chahrzoûrî, qâdî de Mossoul. Il l'envoya donc, en lui recommandant de plaider la cause de Rachid et de faire tous ses efforts pour arranger ses affaires et pour faire annuler ce khalifat qu'ils avaient établi à Bagdad en faveur de Mouqtafi. Kamal ad-Dîn se rendit donc à Bagdad, et voici ce

qu'Ibn al-Athir[212] l'historien a rapporté : « Mon père[213] m'a dit que ce même Kamal ad-Dîn lui avait fait le récit suivant : Lorsque je me présentai au diwan de Bagdad, on me dit : « Rends-tu l'hommage d'investiture à l'Emir des Croyants ? » Je répondis : « L'Emir des Croyants est chez nous à Mossoul, et les serments de fidélité que lui ont jadis prêtés les peuples les lient toujours. » L'entretien, ajouta Kamal ad-Din, se prolongea sur ce sujet et je m'en retournai à la maison où j'avais pris logis. La nuit venue, une vieille vint me trouver secrètement et, me prenant à part, me remit un message de Mouqtafi, dans lequel il me reprochait mes paroles et mon refus de le servir. Alors je dis : « Demain je lui rendrai un service dont les conséquences se feront voir. »

« En effet, le lendemain matin, je me rendis au diwan ; on m'y parla de prêter le serment d'obéissance au nouveau khalife. Je dis alors : « Je suis un homme versé dans la science des lois, je suis un juge. Il ne sied pas que je fasse hommage à un khalife sans qu'il me soit bien démontré que son prédécesseur a été déposé du khalifat. » On m'amena des témoins qui me témoignèrent de l'indignité de Rachid. « Voilà, dis-je, une chose prouvée où il n'y a rien à dire. Mais il faut que dans cette affaire nous gagnions aussi quelque chose. Car l'Émir des Croyants Mouqtafi a obtenu le vicariat d'Allah sur la terre, et le sultan (Massoud) n'a plus à craindre celui qui lui en voulait. Mais nous, quel avantage remporterons-nous donc? »

« On rapporta la chose à Mouqtafi, qui ordonna que Sarîfine, Darb Haroun[214] et Harbâ[215] fussent remis en toute propriété et souveraineté à l'atabek Zangui. Je prêtai alors serment d'obéissance à Mouqtafi et m'en retournai à Mossoul. Il me revint de cette affaire une bonne somme d'argent, des présents, des cadeaux. »

Pour moi je ne sais duquel des deux actes de Kamal ad-Din je dois le plus m'étonner : de la conduite qu'il a eue en trompant son mandant, en le couvrant de confusion à l'égard de celui qui était venu implorer sa protection, (l'ambassade de Kemal ad-Din n'ayant servi qu'à fortifier l'autorité de Mouqtafi en confirmant la déposition de Rachid), ou de l'audace qu'il eut de raconter de lui-même un pareil acte.

La même chose arriva à 'Amid al-Moulk al-Koundourî,[216] vizir du sultan Toghroul-Beg. Celui-ci l'envoya demander pour lui une femme en mariage. Al-Koundourî partit, mais ce fut pour lui-même qu'il demanda la femme et, l'ayant épousée, il se mit en révolte contre Toghroul-Beg. Celui-ci, après l'avoir vaincu, ne le tua pas, mais le fit châtrer. Il le garda à son service parce qu'il avait besoin de ses talents. Le poète Al-Bâkharzi,[217] qui était un ami d'Al-Koundouri, dit à ce propos :

On a dit: « Le sultan, du tranchant de son épée.lui a enlevé ce qui est la marque distinctive des étalons ; et c'était un étalon hennissant ! »

Moi j'ai répondu: « Taisez-vous, sa virilité s'est encore accrue, puisqu'il a perdu ses deux femelles ! testicules.

« L'étalon voit avec peine qu'une partie de lui-même s'appelle femelle; aussi, cette partie, se l'est-il fait enlever radicalement.[218] »

Parmi les vers qu'on a récités à ce sujet, ou trouve celui-ci :

Si pour une affaire tu envoies quelqu'un en mission, choisis un sage pour ambassadeur et dispense-loi de lui faire des recommandations.

Mais ce qui est encore meilleur et plus beau sur ce sujet, ce sont ces paroles de cet autre poète :

Si pour quelque affaire tu envoies un ambassadeur, fais-lui comprendre ce que tu veux et l'envoie bien instruit.

Car si tu négliges cela, ne le blâme pas d'avoir ignoré ce qui ne lui avait pas été dit.

Parmi les choses qui sont l’ornement d'un roi, il y a le soin qu'il prend de s'attacher par des bienfaits les plus éminents de ses sujets. Par là leurs têtes se tourneront vers lui et ils entreront dans le cortège de ses serviteurs et de ses suivants. Les plus grands des rois furent toujours attentifs à ce principe. Ils ne cessaient de combler leurs plus éminents sujets de toutes sortes de distinctions pour se les asservir par ce moyen.

Mouâwiya fut de tous les rois le plus attaché à ce principe. Il donnait chaque année à 'Abd Allah, fils de Djafar,[219] fils d'Abou Thâlib et à 'Abd Allah,[220] fils d’Abbâs (que Dieu les ait tous deux en sa grâce !) de grosses sommes d'argent. Ce qui suffit pour le démontrer, c'est qu'Aqîl,[221] fils d'Abou Thâlib quitta son frère 'Ali, fils d'Abou Thâlib, et vint implorer la munificence de Mouâwiya. Ce n'est pas que l’Émir des Croyants 'Ali fut avare, lui qui, pour la générosité et la libéralité pouvait rivaliser avec le vent et qui dépensait en aumônes et en bonnes œuvres tous ses revenus, mais Aqîl prétendait recevoir du bien commun des Musulmans plus que sa part légitime, et la religion de l'Emir des Croyants (sur qui soient les bénédictions d'Allah !) ne se prêtait pas à cela.

Pour Mouâwiya, il donnait pour jouir des avantages de ce monde, et il ne s'arrêtait pas aux scrupules de l'illustre Emir des Croyants ('Ali, sur qui soit le salut!).

Considère aussi Kamal ad-Din Haidara, fils d’Obeïd Allah al-Housaini, de Mossoul; il était le patriarche de sa famille et son chef pour l'âge, l'austérité, les talents et la sainteté. Vois, cependant, comment Badr ad-Dîn, prince de Mossoul, sut le gagner par les bienfaits dont il le combla. Haidara en vint à faire l’éloge de ce prince et à prendre place dans le cortège de ses poètes. Parmi les vers qu'il a faits à la gloire du prince de Mossoul, on trouve ceux-ci :

Sois heureux d'un effort que la félicité a couronné de succès au gré de tes désirs, et dont le triomphe sera complet le jour des luttes de gloire !

Bonheur à toi, pour cette félicité dont l'avant-coureur apparaît à l'horizon en même temps que les foules qui affluent au moment de l'en féliciter.

Et où trouvera-t-on un pareil au noble et glorieux Badr ad-Dîn. Jamais, ses pareils sont introuvables.

Et bien que Kamal ad-Din Haidara ne fût qu'un des poètes de Hadr ad-Dîn et qu'il eût pris rang dans le cortège de ses panégyristes, ce prince, après la mort de Haidara, venant à passer auprès de son tombeau qui était isolé, en dehors de Mossoul, dans la direction du sud, laissait ses soldats et, entrant dans le mausolée, y faisait une pieuse visite et priait pour lui-même auprès de la tombe du poète.

Que Dieu les ait tous deux en sa miséricorde !

Fin de la première section.

 


 


suite


[167] Kifâyatâni, les deux capacités, l'épée et la plume. L'homme aux deux capacités mourut en 360, (= 970) ; Cf. de Hammer, Litteraturgeschichte der Araber, V, pp. 110-114, 631-633. Il était vizir de Roukn ad-Daula le Bouyide. D'après Weil, Gesch. der Chalifen, III, p. 24, ce vizir serait mort en 366 (= 976). Cf. Yatimat ad-Dahr, III, pp. 25-31. C'est le fils d'après Tha'âlibi. Voy. aussi Ibn Khallikan, Wafayât, éd. Wüstenfeld, notice 707 ; cette notice, où il est mentionné, concerne son père.

[168] Abou Djafar Mansour, 2e khalife 'abbâside, 136-158.

[169] Littéralement: bride.

[170] Les écrivains arabes ont laissé beaucoup d’opuscules sur cette question. Ce sont généralement les poètes qui affrontent ces deux champions et leur font tenir des discours parfois très amusants. On peut citer, parmi ces auteurs, le fameux poète Djamal ad-Din Ibn Noubâta (mort en 768 = 1367), qui a décrit la lutte entre l’épée et la plume dans un opuscule intitulé : Moufâkharal as-saif wal-qalam. Sur l'auteur et l'œuvre, voy. Brockelmann, Gesch. der arabischen Litt., II, 10 et 12. Une intéressante biographie de cet auteur se trouve dans le manuscrit arabe, de Paris, n° 5860 (Safadî, Al-wâfi bil-Wafayât). f. 104 v°. 113 r°. Un autre auteur, qui a écrit sur la même question, est le mauvais géographe, mais bon poète Ibn al-Wardï (mort en 749 =1349). Cf. Brockelmann, op. cit., II, 140.

[171] Coran, XXII, 59.

[172] Coran, II, 213.

[173] C’est le fameux atabek Zangui, qui joua un grand rôle dans les croisades et qui régna de 541 (= 1146) à 569 (= 1173). Cf. Stanley Lane-Poole. The Mohammadan Dynasties, p. 163 ; Ibn Khallikan. Wafayât éd. Wüstenfeld, notice 725.

[174] Littéralement : à l'abattoir, à l'endroit où l'on égorge.

[175] J'ai adopté la leçon du manuscrit A, qui est plus digne de foi. D'ailleurs, c'est bien à l'occasion de la dynastie 'abbâside que l'auteur fait mention de Saladin et de la conquête de l'Egypte. Il n'a nullement consacré une section de son livre à la dynastie salâhide, comme le lui fait dire le copiste du manuscrit B, dont la leçon a été adoptée par l'éditeur du texte arabe.

[176] Célèbre musicien, qui a laissé des traités scientifiques sur cet art. Brockelmann (Gesch. der arab. Litt., I, 496) dit que cet auteur écrivait vers 650 de l’Hégire. Mais je trouve dans Khalil ibn Aibak as-Safadî (Al-Wâfi bil-Wafayât, manuscrit de Paris, n° 2066, f° 278 r°), une intéressante notice sur cet auteur, qui serait mort le 28 Safar 693, comme aussi d'après un autre manuscrit de la Bibliothèque nationale (Al-Manhal as-sâfi, d'Abou-l Mahâsin ibn Taghri Bardî, ms. n° 2071, f° 92 r° et v°), où l'on trouve une intéressante biographie de ce personnage, dont les principaux éléments sont d'ailleurs empruntés à Safadi. Le Traité des rapports musicaux de Safi ad-Din Ourmawi a été analysé par M. le baron Carra de Vaux dans le Journal asiatique, Paris, 1891, II, 279-355. Voy. la note de Sacy sur la patrie de cet auteur, dans Chrestom. arabe, I, 70, note 8.

[177] Voy. sur cette charge. Quatremère, Mamlouks. I, i, 118.

[178] Si bien disposé que l'on puisse être, on ne peut s’empêcher de trouver ici une exagération de la part du narrateur ; mais les auteurs orientaux nous y ont déjà habitués.

[179] Sultan mogol de la Perse, fils du fameux Houlagou. Il régna de 663 (= 1265) à 680 (= 1281); Cf. Stanley Lane-Poole, The Mohammadan Dynasties. Une intéressante notice biographique de ce prince est donnée par Abou-l-Mahâsin, dans le Manhal as-sâfî, manuscrit arabe de Paris, n° 2068, f° 37 r° et v°.

[180] Littéralement : il nous revêtit tous de robes d'honneur.

[181] Voy. sur ce mot, Quatremère, Mamlouks. I, i, 246 ; I, ii, 197, 198.

[182] Je ne sais pas si cela doit s’entendre du diamètre ou de la circonférence; le mot s'accommoderait de l'un et l'autre sens.

[183] Faucons, sacres, guépards, chiens, etc.

[184] Voyez sur ce personnage, plus loin, la traduction.

[185] Ce médecin, dont le nom entier est Amin ad-Daula Abou-l-Hasan Hibat Allah fils d’Abou-l-Ghanâ’im Sa’id, était au service du khalife Mouqtafi à Bagdad. Il mourut en 560 (= 1164), âgé d'environ 100 ans. Sa biographie est donnée par Ibn Khallikan, éd. Wüstenfeld, notice 783. Voy. la bibliographie dans Brockelmann, Gesch. der arab. Litt., I, 487; de Hammer, Litt. Gesch. der Araber, VII, 266; Aboulfaradj, Histoire, éd. Pocock, p. 393 et sq.

[186] Voy. Hartwig Derenbourg, Al-Fakhrî, introduction, p. 12 ; Ibn al-Athir, Chronicon, X, II, 170, 183, 248, 270, 277, 283.

[187] C'est l'enceinte de chasse dont il a été question ci-dessus.

[188] Voy. plus loin, la traduction.

[189] Chef de la tribu des Benou Tamîm, qu'il fit convertir à l'Islamisme. Il était réputé pour être un sage et ses paroles sont souvent rapportées par les auteurs arabes comme des maximes marquées au coin du bon sens. Il mourut suivant Aboulféda entre 67 et 71 de l'Hégire. Cf. Caussin de Perceval. Essai. III. 275 ; Kitab al-aghâni, III, 123 et passim. Voy. l'index de cet ouvrage ; Prince de Teano, Annali del Islâm, t. II, année II, § 161, 165 ; Massoudi. Prairies d’or. Index, p. 109 ; Ibn al-Athir, op. cit., III, 25 et sq. et passim.

[190] Ce proverbe est donné par Meïdani, Madjma’ al-amthâl, éd. de Boulaq, I, 145.

[191] En effet, par son avarice, le khalife Mansour avait fini par mécontenter l'armée. Il y eut des insurrections qui lui donnèrent beaucoup de soucis, et c'est à la suite de l'une d'elles qu'il se décida, sur le conseil d'un vieux compagnon du Prophète, à faire passer la moitié de son armée sur l'autre rive du Tigre, sous les ordres de son fils, pour qui il fonda la ville de Rousâfa. Voy. le récit de ces événements, plus loin, dans la traduction correspondante aux pages 235 et suivantes du texte arabe.

[192] Locution proverbiale. Cf. Meïdani, Madjma' al-amthâl, éd. Boulaq, I, 279.

[193] Locution proverbiale. Cf. Meïdani, Madjma' al-amthâl, I, 199.

[194] Voyez sur ce prince Ibn al-Athir, Chronicon, I, 298 et sq. ; Massoudi, Prairies d’or, II, 196 et sq.

[195] Sur ce personnage, voy. Kitab al-aghâni. Index, p. 190 ; Massoudi, Prairies d’or, Index, p. 190. Le manuscrit du Fakhrî porte les voyelles qui ont été adoptées par l'éditeur du texte arabe et qui feraient prononcer ce nom Mouslima. Je lis cependant Maslama, qui est bien plus commun, en m'appuyant sur l'autorité de M. de Goeje, Ibn Qotaiba, Liber poesis et poetarum, 317 et passim. C'est aussi la transcription de M. Barbier de Meynard, Massoudi, loc. cit.

[196] Cf. Meïdani, Madjma' al-amthâl, I, 247.

[197] Voyez plus loin la traduction.

[198] C’est une autre orthographe de Toustar, la ville bien connue de la Susiane. Cf. Barbier de Meynard, Dict. géogr., p. 135 et suiv.

[199] Cet auteur, qu'il ne faut pas confondre avec son illustre frère. 'Izz ad-Din, l'auteur du Kâmil al-tavarikh, était surtout traditionniste. Né en 544 (— 1149) à Djaziral Ibn 'Omar, il mourut en 606 (= 1209). Sa biographie est donnée par Ibn Khallikan, Wafayât, notice 562. Pour la bibliographie, voyez Brockelmann, Gesch. der arab. Litt, I, 357; Cl. Huart, Litt. arabe, p. 229.

[200] 'Izz ad-Din, le célèbre historien † 1233, trop connu pour qu’il soit besoin de donner une notice sur lui. Voy. la bibliographie dans Brockelmann, Gesch. der arab. Litt., I, 345; Cl. Huart, Litt. arabe, p. 206, etc.

[201] Coran, XLIX, 6.

[202] Sur ce vizir, voyez plus loin la traduction.

[203] C'est le fameux compagnon du Prophète, qui fut désigné par 'Omar, comme un des six hommes de l’assemblée, choûrâ, qui devait délibérer sur le sort du khalifat après lui. Il mourut en l'année 32 de l'Hégire (= 652). C'est une des figures les plus connues des premiers temps de l’islâm. Cf. Prince de Teano, Annali del Islam, Index, p. 1214. Voy. plus loin la traduction correspondante aux pages du texte arabe.

[204] Qobâdz, fils de Firouz, roi sassanide de Perse (490-631 de J.-C). Massoudi, Prairies d’or, II, 195. 196 et 233. Sur ses relations avec les Arabes, voy. Kitab al-aghâni, VIII, 63 ; X, 64, et surtout Caussin de Perceval, Essai, II, 68-96 et 291-293. Voy. aussi la bibliographie dans Prince de Teano, Annali del Islam, index, p. 1423.

[205] Mihyâr, fils de Marzoûyé, était un poète d'origine persane et mazdéen. Converti à l’islamisme, il l'ut employé à Bagdad comme secrétaire pour la langue persane, et y mourut en 428 (= 1037). Chi'ite convaincu, il était aussi, comme poète, disciple d'un 'alîde, le fameux Chérif ar-Ridâ. Cf. Brockelmann, Gesch. der arab. Litt., I, 82 ; Cl. Huart, Hist. de la Litt. arabe p. 87; de Hammer Purgstall, Litterarurgesch. der Araber. V, 692; VI. 793, 1013 ; VII, 1123; Ibn Khallikan, Wafayât, éd. Wüstenfeld, 765 ; Ibn-al-Athir, Chronicon, IX, 152 et passim.

[206] Ce vers a été traduit très librement, parce que littéralement l'image n'eût pas été très belle en français. Le poète dit exactement : « Toi qui me rends les jours en vaches grasses, tandis que, pour les autres créatures, ce sont des vaches maigres. » On peut remplacer le mot « vaches » par « chamelles », le terme arabe s’accommodant de l’un et de l’autre sens.

[207] Le hadith est un peu plus long, le Prophète aurait ajouté « Si tu les avais vus à l'œuvre, tu aurais trouvé bien faibles tes propres exploits. » Cf. le Tadj al-’aroûs. I, p. 119. in medio.

[208] Voy. Massoudi, Prairies d’or, IV, 410 et suiv. et l'index, p. 98. Au rapport de cet historien, les khâridjites qui avaient proclamé khalife 'Abd Allah ar-Râsibî étaient au nombre de quatre mille. Cf. Ibn al-Athir, Chronicon, III, 280 et suiv.; G. Weil, Geschichte der Chalifen, I, 237.

[209] Célèbre jurisconsulte du rite chafiite, qâdî de Mossoul, où il fonda une grande école pour renseignement du droit chafiite. Sous le règne de Zangui, il fut envoyé plusieurs fois à Bagdad en ambassade. Après la mort de ce prince, il fut chargé, en même temps que son frère, Tadj ad-Dîn Yahya, du gouvernement du petit royaume de Mossoul, où régnait alors le fils de Zangui, Sayf ad-Din Ghazi, Il mourut en 572 (= 1176), âgé de 80 ans, après avoir servi également Nour ad-Din Mahmoud, fils de Zangui. Voy., pour les détails, Ibn Khallikan, Wafayât, éd. Wüstenfeld, notice 609.

[210] C'est le fondateur de la dynastie des Atabeks, princes de la Mésopotamie et de la Syrie. Leurs capitales furent Mossoul, Sindjar. Damas et Djazirat ibn 'Omar. Leur domination commença avec Zangui (qui régna de 521 (= 1127) à 541 (= 1146) et s'étendit de 521 (= 1127) à 648 (= 1250).Cf. Stanley Lane-Poole, The Mohammadan Dynasties, p. 162 et suiv. ; Khalil ibn Aibak as-Safadî (Al-Wâfi bil Wafayât. manuscrit arabe de Paris, n° 2064, fol. 87 v°) donne la biographie de Zangui ; Ibn Khallikan, Wafayât, notice 244.

[211] Voyez plus loin la traduction.

[212] Le passage est extrait de Chronicon, XI, p. 28-29.

[213] Son père se nommait Abou-l-Karam Muhammad, fils de Muhammad, surnommé Athir ad-Din. Cf. Brockelmann, Gesch. der arab. Litt., 1.345.

[214] Ville de l'Iraq. Cf. Yakout, Mou'djam, s. v. et Ibn al-Athir, Chronicon, XI, pp. 29, 260.

[215] Cette petite ville est située sur l'un des deux affluents du Tigre qui porte le nom de Doujail (le Petit-Tigre), entre Bagdad et Takrît. Cf. Yakout, Mou'djam, II, 235 et 555.

[216] Ce vizir, dont le nom est Abou Nasr Muhammad, fils de Mansour, est le premier qui occupa ces hautes fonctions sous les Seldjouqides. Destitué par le sultan Alp-Arslan, qui lui donna pour successeur le très célèbre Nizâm al-Moulk, en 456 (= 1063), il fut mis à mort cette année même, le 16 Dzoû-l-hidjdja 14 novembre 1064). Cf. Ibn Khallikan, Wafayât al-a'yân, éd. Wüstenfeld, notice 713.

[217] 'Ali fils de Hasan, fils d’Ali al-Bâkharzi, était à la fois jurisconsulte chafiite et poète distingué. Né dans le Khorasan, à Bâkharz, il fut attaché au diwan de la chancellerie, ce qui ne l'empêcha pas de composer une grande quantité de belles poésies et de continuer, dans sa Doumyat al-qasr (la Statue du Palais), l'ouvrage de Tha'âlibî, Yatîmat ad-dahr. Il fut assassiné dans sa ville natale en 1075 de J.-C. Sa biographie est donnée par Ibn Khallikan, Wafayât, notice 448. Cf. Brockelmann, Gesch. der arab. Litt., I, 252 ; Cl. Huart, Hist. de la Litt. arabe, p. 107 ; de Hammer, Litt. Gesch. der arab., VII, 1297.

[218] Ces vers sont donnés avec des variantes insignifiantes par Ibn Khallikan, op. cit., loc. laud.

[219] Sur cet 'alide, voy. Massoudi, Prairies d’or. Index, p. 97. Il naquit en Abyssinie quand son père y vint pour se réfugier durant les premiers temps de la prédication de l’Islamisme et mourut à La Mecque en l'année 80 de l'Hégire, âgé de 67 ans. Sa générosité était proverbiale. Cf. Massoudi, op. cit., V, 383 et suiv. ; Prince de Teano, Annali del Islam, Index, p. 1247; Kitab al-aghâni, Index, p. 434.

[220] Ce célèbre hachémite est le cousin paternel du Prophète. Il est considéré, on le sait, comme un des piliers de la tradition. Il mourut en l’année 68 de l'Hégire. Cf. Prince de Teano, Annali del Islâm, Index, p. 1242.

[221] Sur ce personnage qui est l'oncle paternel de celui dont il est question dans la note ci-dessus, voy. le Kitab al-aghâni, IV, 33, 182 ; XV, 46 ; Massoudi, Prairies d’or, Index, p. 224 ; Prince de Teano, Annali del Islâm, Index, p. 1269.